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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Crédit d’impôt recherche

Mardi 27 avril 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 36

Présidence de M. David Habib, Président

– Audition, ouverte à la presse de Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général de l’Agence nationale de la recherche (ANR), Mme Martine Latare, secrétaire générale, et M. Ludovic Valadier, responsable du département Partenariats et compétitivité

M. David Habib, Président. Dans le cadre de nos travaux sur le crédit d’impôt recherche, nous avons le plaisir d’accueillir Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général de l’Agence nationale de la recherche (ANR), et Mme Martine Latare, secrétaire générale.

Je salue nos trois rapporteurs, M. Alain Claeys et M. Jean-Pierre Gorges, rapporteurs spéciaux des crédits de la recherche au nom de la Commission des finances, M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis sur les mêmes crédits pour la Commission des affaires économiques, ainsi que M. Rousselot, conseiller référendaire à la troisième chambre de la Cour des comptes.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Avez-vous, madame le directeur général, constaté un impact significatif de la réforme, en 2008, du crédit d’impôt recherche (CIR) sur le niveau de la recherche en France ?

Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Les responsables de la recherche et développement (R&D) des grands groupes ou des PME avec lesquels j’ai échangé à ce propos m’ont tous fait part de leur satisfaction et de l’adhésion des industriels au nouveau dispositif, qui contribuerait notamment à maintenir la recherche en France. En contrepartie de ce dispositif, nous avons, à la demande de notre conseil d’administration, diminué notre taux de soutien aux entreprises, qui est actuellement de 30 % des dépenses éligibles pour les grands groupes et de 45 % pour les PME.

Par ailleurs, nous avons fait savoir aux entreprises que l’ANR serait impliquée dans la procédure du rescrit fiscal.

Je laisse à Ludovic Valadier, chargé du département transverse Partenariats et compétitivité, et qui a géré à ce titre les conséquences de la réforme du CIR, le soin de vous indiquer une mesure chiffrée de l’impact de la réforme, notamment en termes d’accroissement de la recherche partenariale.

M. Ludovic Valadier, responsable du département Partenariats et compétitivité de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Sur le plan purement quantitatif, la participation des entreprises aux programmes de recherche en réponse à nos appels à projets a connu en 2009 dans tous les secteurs scientifiques une augmentation de 20 %. Celle-ci semble indiquer que le cumul des deux dispositifs gérés par l’Agence – aides directes et CIR – ont incité les entreprises à répondre davantage à des appels à projets, qu’ils soient nationaux ou internationaux.

Mme Jacqueline Lecourtier. Nous sommes en effet passés de 168 millions d’euros en 2008 à 210 millions d’euros, ce qui représente une augmentation très significative, et ce dans tous les secteurs, notamment dans celui des sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC).

M. Ludovic Valadier. Associant systématiquement une entreprise et un laboratoire public, nos appels à projets ont pour effet d’amplifier la coopération public-privé. En outre, l’externalisation de la recherche des entreprises vers des laboratoires publics est favorisée par le dispositif du doublement de l’assiette.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Le CIR ne finance-t-il pas les laboratoires publics par le biais de ce dispositif ?

M. Ludovic Valadier. D’une certaine façon.

Le dispositif des instituts Carnot constitue notre deuxième observatoire. Sur le modèle allemand des instituts Fraunhofer, ce programme, initié en 2005, vise à développer la recherche partenariale, notamment la recherche contractuelle, l’institut contractant directement avec une entreprise.

De 2005 à 2008, soit juste avant la dernière réforme, mais après trois réformes successives du CIR, on observe que les recettes tirées des contrats de recherche partenariale ont augmenté de 30 %. Le programme en cours devant se terminer à la fin de cette année, nous n’avons pas encore les chiffres nous permettant d’évaluer l’impact de la réforme de 2008. Nous espérons que cette réforme permettra de passer la barre des 30 %.

La recherche collaborative et la recherche contractuelle se sont donc développées de façon continue de 2005 à 2008.

Mme Jacqueline Lecourtier. Le CIR a été un moteur de la recherche partenariale, un des objectifs de la création de l’ANR. Nous pouvons donc d’ores et déjà dresser un bilan positif du dispositif.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Pouvez-vous nous indiquer des chiffres plus précis, en ce qui concerne le nombre de projets, la collaboration entre le privé et le public, et l’embauche de chercheurs ?

Mme Jacqueline Lecourtier. Non, mais en général, les projets ANR se traduisent par l’embauche d’un ou de deux doctorants et d’un ou de deux ingénieurs en post-doctorat. En termes d’embauches définitives en revanche, nous avons du mal à mesurer l’impact de nos projets.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. C’est dommage, car c’est un critère très pertinent.

Mme Jacqueline Lecourtier. Nous devons attendre les fins de projet pour mesurer cet impact. Si nous avons pu mener une première enquête sur l’effet des projets ANR 2005 pour l’emploi scientifique, nous n’avons pas encore les chiffres pour 2008, les chercheurs étant engagés seulement pour une durée d’un ou deux ans dans le cadre des projets ANR. Nous manquons encore du recul suffisant pour évaluer l’impact du CIR.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Ce qui est intéressant au niveau national, c’est de susciter des vocations scientifiques.

Mme Jacqueline Lecourtier. De ce point de vue, le développement de la recherche partenariale est un très bon moteur, puisqu’elle offre aux chercheurs d’autres débouchés que la fonction publique et constitue une nouvelle voie d’entrée dans le monde de l’entreprise. C’est ce qu’a mis en évidence le bilan des programmes de 2005, seuls 5 % des chercheurs étant en recherche d’emploi à l’issue du projet. Je pense que les conclusions seront similaires pour les projets initiés en 2008.

M. Alain Claeys, Rapporteur. N’y a-t-il pas un risque d’effets d’aubaine, dans la mesure où le CIR permet à l’entreprise d’externaliser sa recherche vers les laboratoires publics ? Il y a là un double guichet, un laboratoire public pouvant dans certaines hypothèses cumuler des crédits ANR avec le CIR.

Mme Jacqueline Lecourtier. Ce n’est pas comme cela que les choses se passent. Soit il s’agit d’un projet partenarial : dans ce cas, l’entreprise bénéficiera du financement ANR – 30 % des dépenses éligibles pour les grands groupes, 45 % pour les PME ; soit il s’agit d’un second type de recherche, une recherche B to B en quelque sorte, où l’industriel sous-traite au laboratoire un projet à réaliser pour son activité industrielle immédiate. Dans ce cas, l’entreprise finance la recherche à 100 % : c’est ce qui se passe dans le cadre du dispositif Carnot.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Quel est le mode d’intervention de l’ANR dans ce dernier cas ?

Mme Jacqueline Lecourtier. Elle n’intervient pas à ce moment. Certes, les instituts Carnot reçoivent de l’ANR un abondement financier calculé en fonction du volume des recettes tirées des contrats de recherche partenariale, mais cet abondement ne finance pas le projet : il leur permet de « recharger les étagères » et de faire de la recherche « amont ».

Ce sont donc deux mécanismes très différents. Nous constatons une augmentation de la recherche partenariale et de cette « sous-traitance high tech », de ce « travail à façon » des laboratoires au bénéfice des industriels.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Il serait donc équitable qu’une partie du CIR des entreprises revienne au laboratoire public ?

Mme Jacqueline Lecourtier. La recherche publique a ses propres mécanismes de financement.

M. Pierre Lasbordes, Rapporteur. La définition des dépenses éligibles au CIR vous semble-t-elle satisfaisante ?

M. Ludovic Valadier. Il faut un référentiel qui soit le plus simple et le plus universel possible et a priori non sectoriel. De ce point de vue, le manuel de Frascati donne toute satisfaction, même si le retour d’expérience est encore limité, puisque cela ne fait que quelques mois que nous sommes habilités à traiter les rescrits fiscaux. C’est un outil pratique, « eurocompatible », donc utilisable pour nos appels à projets. Sa simplicité permet la rapidité. Un référentiel plus détaillé ne nous serait pas utile, étant donné que la décision finale n’est prise qu’à l’issue de l’examen au cas par cas de chaque dossier.

Mme Jacqueline Lecourtier. Le CIR a aussi pour objectif de permettre la maturation des projets, c’est-à-dire la consolidation et la valorisation des résultats de la recherche. C’est la vocation de nos appels à projets « Émergence ». Il s’agit de réduire la Death Valley qui sépare en France la recherche amont de la phase industrielle. De ce point de vue, le CIR peut jouer un rôle crucial.

M. Alain Claeys, Rapporteur. À en croire les dirigeants de PME, le CIR ne va pas assez loin dans ce passage entre recherche et innovation.

Mme Jacqueline Lecourtier. Le manuel de Frascati indique bien que seuls des activités innovantes sont susceptibles de constituer de la R&D, et cela est vrai pour le CIR comme pour les appels à projets de l’ANR. Ainsi, une installation pilote relève de la R&D si elle permet une innovation réelle. La notion d’originalité et de création d’une nouvelle valeur est cruciale. Il faut une ligne de démarcation nette entre la R & D et ce qui relève de la mise en production.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. La grande entreprise et la petite entreprise ne sont pas égales pour affronter cette étape, seule la première ayant les reins assez solides pour cela.

Mme Jacqueline Lecourtier. Il est certain que, si le CIR ne finançait pas la maturation des projets de recherche, ce seraient d’abord les PME qui en souffriraient. Nous devons cependant veiller à ce que les projets qu’elles nous proposent soient créateurs d’une nouvelle valeur.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Quelles seraient les pistes pour améliorer le dispositif ?

M. Ludovic Valadier. Pour le savoir, il nous faudrait un retour d’expérience complet sur tout l’exercice fiscal. Or nous ne disposons pour l’instant que de données partielles. Les chiffres dont nous disposons déjà indiquent que la croissance de la dépense n’est pas aussi importante que cela en dépit du passage à 30 % du plafond des dépenses éligibles – 2,5 milliards d’euros, au lieu des 4 milliards annoncés. C’est donc a priori un dispositif efficace, et nous n’avons pas de suggestion d’amélioration dans tel ou tel sens.

Cependant, les PME nous disent que le CIR profiterait surtout aux grandes entreprises, le déplafonnement à 100 millions d’euros étant surtout utilisé par ces dernières. Il est vrai que, si les PME sont les principales bénéficiaires de la créance de CIR, le facteur d’amplification est passé de 1 à 4 pour les grands groupes contre 1 à 3 pour les PME, qui n’ont profité que du passage de 10 % à 30 % des dépenses éligibles.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Pourquoi ne pas mettre en place un plafond en fonction du taux global d’imposition des entreprises ?

M. Ludovic Valadier. On peut en effet se poser la question du plafond, voire, au-delà du plafond, du taux : on pourrait moduler le taux de 5 % en fonction des premiers retours d’expérience. En tout état de cause, il faut être extrêmement prudent tant qu’on ne dispose pas d’un bilan complet du dispositif.

On peut également se poser la question de l’assiette des dépenses éligibles. En effet, le CIR n’est pas encadré par un référentiel similaire à la grille dont nous disposons pour les appels à projets. On pourrait envisager de renforcer l’encadrement des dépenses éligibles. Je rappelle cependant que la réforme du CIR visait à envoyer un signal de simplification et de lisibilité ; il ne faudrait donc pas revenir en arrière en compliquant le système. Il vaut mieux se laisser le temps de l’observation. En termes d’emplois, par exemple, il est un peu tôt pour évaluer la réforme de 2008.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Quel délai serait suffisant pour en prendre une mesure significative ?

Mme Martine Latare, secrétaire générale de l’Agence nationale de la recherche (ANR). L’impact d’une mesure fiscale sur un phénomène économique comme la décision d’embauche est toujours difficile à évaluer. Cependant, notre enquête sur cinq programmes ANR lancés en 2005, et qui se sont terminés en 2009, indique un taux d’embauche des jeunes chercheurs très satisfaisant, avec un faible pourcentage des personnels en recherche d’emploi à l’issue du programme – de 4 à 5 %. Quant aux autres, ils ont été à parts à peu près égales embauchés en contrat à durée indéterminée – CDI – et en contrat à durée déterminée – CDD –. En outre, le dispositif a renforcé l’attractivité des carrières de recherche et a permis l’embauche par le secteur privé de chercheurs venus du public.

Mme Jacqueline Lecourtier. C’est ce qui nous permet de dire que le CIR permettra probablement d’améliorer l’embauche des jeunes chercheurs, puisque c’est la recherche partenariale qui permet le plus grand nombre de CDI dans l’industrie.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Que pensez-vous de la mise en place d’un système de bonus-malus en fonction des résultats obtenus sur le plan de l’innovation par les bénéficiaires du CIR ?

Mme Jacqueline Lecourtier. L’ANR n’y est pas favorable, car nous considérons que la recherche doit rester risquée si l’on veut de l’innovation, même s’il y a du déchet. D’excellentes idées peuvent ne déboucher sur rien, alors que des idées apparemment médiocres peuvent donner d’excellents résultats. Un bonus-malus risquerait d’être mal perçu et de limiter l’incitation à la prise de risque. Nos programmes nous ont montré que les PME qui obtiennent des résultats ont vraiment envie de s’affronter au marché.

M. Pierre Lasbordes, Rapporteur. Vous considérez donc que, dans son état actuel, le dispositif permet de prendre des risques ?

Mme Jacqueline Lecourtier. Je pense que oui, et je crains qu’un système de bonus-malus ne les pousse à développer des projets plus convenus, ce qui serait contraire à l’objectif visé.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Le cumul des appels à projets ANR et du CIR ne risque-t-il pas à terme d’assécher les laboratoires publics ?

Mme Jacqueline Lecourtier. La recherche partenariale constitue au contraire un moteur en permettant des fertilisations croisées, et c’est le meilleur moyen d’alimenter la recherche amont en lui permettant d’envisager des applications potentielles. Quant à la sous-traitance aux laboratoires publics, le dispositif Carnot a été conçu précisément pour éviter l’assèchement de la recherche publique. Le Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information du CEA (LETI), un des grands succès de la recherche partenariale, nous a dit que le système Carnot lui avait permis de se ressourcer. Il y a, certes, un équilibre à trouver entre la recherche « à façon » et la recherche partenariale, mais je pense que nous sommes aujourd’hui très loin de l’assèchement, les laboratoires ayant au contraire tendance à privilégier la recherche amont.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Les pôles de compétitivité ont-ils joué un rôle important ?

M. Ludovic Valadier. Ceux-ci jouent un rôle considérable en termes d’ingénierie de projets, de propositions et de constitution d’offres de recherche.

En ce qui concerne l’assèchement prétendu de la recherche publique, il faut souligner combien le montant des dépenses de R&D externalisées par les entreprises vers les laboratoires est faible, puisqu’il s’élève à 700 millions d’euros. Quant au budget des appels à projets ANR, il est d’environ 650 millions d’euros, soit 10 % du coût des projets récurrents des laboratoires français. La part de la recherche sur projet reste donc faible, même si elle a beaucoup augmenté les cinq dernières années. Le modèle économique des laboratoires publics n’a donc pas été bouleversé ; au contraire, cette voie différente a permis de renforcer l’offre de recherche.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Pensez-vous que ce dispositif souffre d’un déséquilibre au détriment de l’innovation, laissée pour compte de la définition de l’assiette éligible ?

M. Ludovic Valadier. Le référentiel de Frascati offre un « bouquet de recherches » extrêmement large, mais peut-être insuffisamment connu des PME. On peut en effet distinguer trois types de recherche : la recherche fondamentale, qui a pour but de développer la connaissance ; la recherche industrielle, qui permet de développer des modèles et des concepts ; le développement expérimental de prototypes. La définition des dépenses éligibles au CIR va assez loin puisqu’elle considère que le prototype à l’échelle 1 constitue déjà de l’innovation. Il faudrait peut-être mieux assurer la publicité de ce qui peut être considéré comme dépenses de R&D.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Votre rôle n’est-il pas d’assurer cette publicité ?

Mme Jacqueline Lecourtier. C’est la raison pour laquelle nous avons participé à la réunion du Comité Richelieu en décembre. En outre, la journée « Pôles de compétitivité » en janvier et les rencontres avec les entreprises que nous organisons en octobre nous permettent d’échanger sur toutes ces questions. Les industriels doivent impérativement comprendre que le CIR finance la recherche jusqu’à la maturation.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Les PME attendent peut-être que vous alliez jusqu’à la production…

Mme Jacqueline Lecourtier. Il s’agit d’un crédit d’impôt pour la recherche : nous finançons la recherche, et non la production. Mais nous finançons la maturation, ce qui est bien de l’innovation.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Sur ces trois types de recherche que vous venez de décrire, monsieur Valadier, y a-t-il une évaluation de la part de la recherche financée par le CIR ?

M. Ludovic Valadier. L’entreprise est libre d’utiliser la créance de CIR comme elle le souhaite ; celle-ci vise à compenser a posteriori les dépenses de recherche, mais l’entreprise n’est pas tenue de l’affecter à de la recherche. Elle peut donc l’utiliser pour faire de l’innovation, voire pour financer des activités plus en aval encore.

Selon des études du ministère de la recherche sur le CIR, ces crédits ont bien été affectés à la recherche. En revanche, on n’a pas encore, à ma connaissance, établi la part respective de la recherche fondamentale, de la recherche industrielle et du développement expérimental dans l’utilisation de la créance.

M. Alain Claeys, Rapporteur. En discutez-vous avec OSÉO ?

Mme Jacqueline Lecourtier. Avec OSÉO, nous sommes en train de travailler à l’élaboration d’un mécanisme de continuité, afin que cet établissement puisse prendre le relais après l’étape de la maturation, finançable par l’ANR.

Je veux répéter qu’en ce qui concerne le CIR, nous sommes encore dans une phase de démarrage et que nous manquons de recul.

M. Ludovic Valadier. Depuis que l’ANR est habilitée à traiter le rescrit fiscal, une convention tripartite a été signée entre l’Agence, OSÉO et le ministère de la recherche, laquelle prévoit la réunion, tous les mois, d’un comité de pilotage, destiné à nous permettre d’analyser le fonctionnement du dispositif et de partager nos informations. Mais le retour d’expérience n’est que de six mois.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Le dispositif du rescrit vous paraît-il satisfaisant ?

M. Ludovic Valadier. Nous communiquons sur cette nouvelle procédure, notamment via notre site Internet et auprès des pôles de compétitivité et des instituts Carnot, et nous avons mis en place un standard téléphonique dédié à ce nouveau « service » pour nos entreprises. Le premier bilan, dressé par le ministère de la recherche à la fin de l’année, est satisfaisant, avec 25 % des rescrits attribués par l’Agence, sur 29 demandes adressées depuis la réforme aux trois opérateurs – ministère de la recherche, ANR, OSÉO –, les entreprises préférant encore s’adresser directement aux services des impôts. Mais ce dispositif est appelé à monter en puissance, et nous attendons l’année prochaine entre 50 et 80 demandes de rescrit par opérateur.

Ce nouveau dispositif nous satisfait en ce qu’il renforce notre lien avec les entreprises qui sont nos clientes dans notre dispositif de recherche partenariale. Le colloque que nous organiserons en octobre nous permettra de demander aux entreprises si elles sont satisfaites du nouveau dispositif. Pour l’instant, il est encore trop tôt et le nombre de dossiers traités est encore trop faible pour permettre une analyse qualitative.

M. Pierre Lasbordes, Rapporteur. Ne pensez-vous pas que les difficultés de certaines PME avec le CIR tiennent à la méconnaissance de notions telles que « prototypage », « maturation », « innovation », ou des définitions du manuel de Frascati ? J’ai la conviction que cette méconnaissance révèle l’insuffisance de l’information et de la pédagogie en direction des PME. L’action du Comité Richelieu est marginale étant donné la modestie des moyens dont celui-ci dispose. Les PME elles-mêmes manquent des ressources suffisantes pour s’informer. Il y a un effort à faire en ce domaine. Quant aux pôles de compétitivité, ils sont constitués surtout par de grandes entreprises.

Mme Jacqueline Lecourtier. Nous éprouvons en effet une vraie difficulté à toucher les PME. Notre participation à la réunion du Comité Richelieu nous a permis de rencontrer une bonne soixantaine de PME. Quant à la situation des PME dans les pôles de compétitivité, elle s’améliore d’une façon significative.

Tous les deux ans, nous organisons une rencontre avec les entreprises. Enfin, la création du département Partenariats et compétitivité a précisément pour objectif d’informer les PME sur les dispositifs que nous gérons. L’habilitation à délivrer le rescrit fiscal nous permet de leur offrir une solution globale.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Selon le président-directeur général d’OSÉO, le système du rescrit fiscal est trop partiel. Partagez-vous cette opinion ?

Mme Jacqueline Lecourtier. Il couvre pourtant toute la recherche, à l’exclusion de la mise en production.

M. Alain Claeys, Rapporteur. Le représentant d’une association de PME innovantes auditionné par la Mission nous a expliqué que les membres de son association n’avaient aucun moyen de contacter un laboratoire public pour lancer un projet de recherche partenariale. Est-ce vrai ? Ne faudrait-il pas créer des outils propres à faciliter l’accès aux dispositifs CIR et ANR pour les PME ?

Mme Jacqueline Lecourtier. Il est vrai que la complexité du système de la recherche fondamentale rend celle-ci peu accessible aux PME. C’est pourquoi, l’année dernière, l’ANR a mis en ligne sur son site une base de données, nommée Ariane, en référence au fil de l’héroïne du même nom : elle doit permettre aux entreprises, en particulier aux PME, de trouver les compétences dont elles ont besoin. Elles y trouveront une liste des laboratoires dotés par l’ANR pour la compétence recherchée. Ce site fait l’objet de plusieurs centaines de connexions par mois.

En outre, à la demande de Mme Valérie Pécresse, l’Agence a mis en place le Moteur de la Recherche, premier portail global visant à faciliter les collaborations entre les entreprises et la recherche publique. Ce portail agrège toutes les bases de données publiques pour répondre aux questions que se posent les entreprises et les chercheurs qui souhaitent mener des projets de R&D partenariale. Ce site propose des réponses concrètes pour faire connaître un appel à projets, trouver une cartographie de tous les acteurs de la recherche sur un thème donné, s’informer sur les brevets et technologies issus de la recherche publique, recruter un docteur dans une discipline précise, trouver de l’aide et de l’accompagnement pour toute démarche de R&D partenariale.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. L’augmentation de l’assiette constatée en 2009 est due majoritairement aux STIC. Est-ce le résultat de votre politique, qui vise à donner la priorité à la recherche publique nationale, ou est-ce un effet spontané de l’activité des entreprises ?

M. Ludovic Valadier. Il s’agit d’un effet spontané, puisque le budget du département STIC n’a pas connu une telle augmentation.

M. Pierre Lasbordes, Rapporteur. Avez-vous envisagé d’évaluer l’efficience des outils que vous mettez en place, à rebours de la tradition de l’administration française ?

Mme Jacqueline Lecourtier. Depuis 2009, nous suivons le parcours des chercheurs non titulaires financés par l’ANR. Les appels à projets clôturés font l’objet, quant à eux, d’un bilan annuel destiné à notre conseil d’administration. Les dispositifs que nous mettons en place, notamment le dispositif Carnot, font également l’objet d’une évaluation. Ce dernier dispositif a par ailleurs fait l’objet d’une évaluation positive de la part de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.

En ce qui concerne la base de données Ariane, c’est le nombre de connexions mensuelles qui permet d’évaluer son efficacité : celui-ci montre qu’Ariane est un dispositif bien vivant.

Nos échanges avec des dirigeants d’entreprise nous permettent de faire état de retours positifs sur ces dispositifs. Le colloque d’octobre sera aussi l’occasion de mesurer l’efficacité de ces nouveaux outils auprès des entreprises.

Enfin, après l’enquête confiée à l’IFOP en 2008, nous lançons une deuxième enquête de satisfaction auprès des chercheurs qui participent aux appels à projets de l’ANR, et dont nous connaîtrons les résultats début juillet. Il s’agit de recueillir l’avis des chercheurs sur les procédures de nos appels à projets.

D’une façon générale, la culture du résultat n’est pas étrangère à la culture « projet » qui est la nôtre. Nous avons le souci de progresser constamment, bien que nous soyons en quelque sorte des pionniers ! S’agissant plus précisément du CIR, la rencontre avec les entreprises que nous organisons en octobre sera l’occasion d’obtenir des réponses.

M. David Habib, Président. Mesdames, monsieur, nous vous remercions.