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M. Olivier Carré, Président. Je suis heureux d’accueillir, au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle, Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la Législation fiscale à la direction générale des Finances publiques.
Nous reprenons aujourd’hui nos travaux relatifs au crédit d’impôt recherche, en principe pour les deux dernières journées d’auditions, qui doivent nous permettre de nous appuyer sur les résultats d’exécution de 2008 et 2009. Nous entendons cet après-midi les représentants des diverses directions de Bercy qui sont concernées, chacune dans sa sphère de compétences, par le crédit d’impôt recherche.
Trois députés sont chargés d’animer les travaux de la mission et de préparer son rapport : il s’agit de Messieurs Jean-Pierre Gorges et Alain Claeys, Rapporteurs spéciaux des crédits de la recherche au nom de la commission des Finances, et M. Pierre Lasbordes, Rapporteur pour avis sur les mêmes crédits pour la commission des Affaires économiques.
La MEC bénéficie traditionnellement de la participation de la Cour des comptes. Nous serons accompagnés par M. Jean-Pierre Cossin, conseiller maître à la deuxième chambre de la Cour, dans nos auditions de cet après-midi.
J’indique que nous venons de recevoir à 15 heures les réponses du Gouvernement au questionnaire d’exécution qui devait nous permettre d’engager notre discussion. Nous comptons donc sur vous pour nous apporter oralement les précisions que nous attendons, au moins sur la partie concernant la législation fiscale.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Il y a une question à laquelle nous n’avons pas eu de réponse. On vous demandait, pour la période 2000-2009, de ventiler les dépenses de recherche et développement ainsi que le montant du crédit d’impôt recherche par secteur d’activités. Nous souhaitions d’une part que soit individualisé le secteur de la banque et de l’assurance et, d’autre part, que les dépenses de recherche et développement des holdings d’entreprises, ainsi que leur crédit d’impôt recherche, soient ventilées en fonction des secteurs d’activité de la holding. Pouvez-vous nous donner la réponse ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Nous avons eu des échanges techniques précis avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche qui dispose de la base de données alimentée par les déclarations. Comme beaucoup d’observateurs, nous avions été surpris par l’importance apparente des chiffres.
Nous nous sommes rendus compte que beaucoup de holdings étaient présentes sous une codification de holding, avec des montants importants, alors que les sommes en question n’étaient que la récapitulation des crédits d’impôt recherche prenant naissance dans des filiales qui, souvent, avaient un caractère industriel.
À la réflexion, il ne nous a donc pas paru pertinent de continuer à afficher des informations qui laissaient apparaître des montants importants mais biaisés relatifs aux holdings.
M. Alain Claeys, Rapporteur. La réponse ne vous a peut-être pas paru pertinente, mais la question l’était.
Mme Marie-Christine Lepetit. Certes, c’est pourquoi nous avons décidé, avec le ministère de la Recherche, de poursuivre l’analyse des réponses des holdings – mais aussi du secteur de la banque et de l’assurance, dont les résultats sont parfois curieux – de façon à affecter de manière véridique les sommes en fonction de leur nature exacte. Nos travaux sont en cours et progressent. Ma réponse n’est pas dilatoire : il y a un vrai travail qui devrait aboutir à une vraie ventilation des dépenses.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Il serait souhaitable que nous ayons le résultat de ces travaux pour notre mission.
M. Olivier Carré, Président. Si je consulte le rapport du sénateur Christian Gaudin, je constate notamment qu’un tiers des montants va aux holdings et 3 % au secteur de la banque et de l’assurance. La question est de savoir quelle est la ventilation des 33 %. À votre avis, quelle est la proportion de l’industrie et des services dans ce chiffre ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Je ne sais pas. C’est la raison pour laquelle la réponse au questionnaire a tardé.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Dans quels délais recevrons-nous la réponse à cette question ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Dans des délais compatibles avec la publication de vos travaux.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Il apparaît, au fil des auditions, que la définition des activités éligibles au crédit d’impôt recherche fait l’objet de divergences d’interprétation malgré l’instruction fiscale censée la préciser. Les éléments dont nous disposons ne nous permettent pas d’avoir un guide suffisamment détaillé et précis. Qu’en pensez-vous ?
Mme Marie-Christine Lepetit. J’ai assisté à l’ensemble des évolutions du crédit d’impôt recherche depuis 2003 et je mesure à quel point le dispositif a été modifié. Or, les entreprises recherchent constamment la sécurité juridique.
Dans un premier temps, les entreprises ont essayé d’obtenir une forme de sécurité juridique en interrogeant l’administration, la réponse de cette dernière étant opposable. Le Parlement et le Gouvernement ayant été sensibles à cette préoccupation, cela a abouti à l’évolution du rescrit que vous connaissez. On observe aujourd’hui une évolution de la manière dont les entreprises s’adressent à la puissance publique. La demande de sécurité juridique reste la même et l’inquiétude se nourrit de l’absence de frontière claire entre la recherche et l’innovation. Or, cette frontière est une des rares choses qui n’ait pas changé. L’instruction fiscale est claire et date de 2000. Elle a dix ans.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Y aura-t-il une nouvelle instruction fiscale ?
Mme Marie-Christine Lepetit. À ce stade, non, car la loi n’a pas changé. Ce que nous avons prévu de faire, c’est de traduire les annonces du Président de la République à la suite des États généraux de l’industrie. Nous avons un texte de loi, une préoccupation des entreprises et un souhait que les ambiguïtés soient levées. Les premières réactions enregistrées par les administrations concernées laissent à penser qu’il y a peut-être plus de problèmes avec les guides pratiques qu’avec l’instruction fiscale. Le travail est en cours : s’il faut changer l’instruction, nous la changerons.
Mais j’ai le sentiment que plus nous essaierons de nous caler sur des exemples pratiques, plus nous risquons d’accroître l’instabilité juridique que les entreprises redoutent.
L’esprit du dispositif est de subventionner fiscalement les dépenses qui sont en avance. Nous sommes donc en perpétuel mouvement. Mais lorsqu’on s’interroge sur l’état de l’art, afin de savoir si les dépenses engagées par une entreprise sont en avance ou non par rapport à cet état, on prend le risque de le figer. La nature de la dépense subventionnée fiscalement rend l’exercice délicat car la matière, par essence, est en évolution permanente.
Nous ferons l’exercice puisque nous avons le souhait présidentiel et la sollicitation du monde de l’entreprise, mais je ne suis pas sûre que nous arriverons à un résultat très satisfaisant.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Prenons un exemple concret : est-ce que les prototypes sont pris en charge par le crédit impôt recherche ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Cela dépend lesquels. Les principes sont donnés dans la loi, l’instruction ne faisant que les illustrer.
M. Olivier Carré, Président. Aujourd’hui, avez-vous connaissance de contentieux ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Pas à ma connaissance, mais c’est à vérifier. Les dossiers que j’ai vu passer sur ce thème sont très peu nombreux. Il peut y avoir, dans des cas rarissimes, une mauvaise compréhension de l’économie du projet.
Nous allons donc faire l’exercice demandé et travailler également pour lever l’ambiguïté sur la définition des personnels dont le poids est très lourd dans la dépense. Des améliorations semblent pouvoir être apportées également sur ce point.
Je voudrais partager une intuition avec vous : il me semble que nous allons résoudre le problème par le vide grâce à la pérennisation du remboursement immédiat de la créance pour les PME. En effet, cette préoccupation forte des entreprises est liée au temps où elles s’adressaient à leur banquier pour mobiliser leur créance. Et les banquiers ont besoin d’être raisonnablement sûrs que la mobilisation de cette créance a une valeur. Le remboursement immédiat peut donc permettre de résoudre cette question de la sécurité recherchée en matière fiscale.
M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. À vous écouter, on a l’impression que le « manuel de Frascati » n’est pas une référence, puisqu’il y a de nombreuses ambiguïtés et que nous avons du mal à définir ce qui relève réellement de la recherche.
Notre préoccupation est de savoir si le crédit d’impôt recherche est efficace, surtout depuis 2008. Il nous semble que beaucoup d’entreprises, qui effectuent d’importants travaux de recherche, sont timides à l’égard du crédit d’impôt recherche dont elles pourraient bénéficier. D’autres entreprises, soit parce qu’elles sont sous-traitantes, soit parce qu’elles ne sont pas au fait de la procédure, nous ont déclaré ne pas avoir accès au dispositif. D’autres nous ont déclaré qu’il s’agissait d’un allègement d’impôt, ramenant le coût du chercheur à 80 % du coût initial.
Et surtout, je relève une surprise : j’ignorais que le secteur bancaire recelait autant de chercheurs. Selon les estimations, dans ce secteur, ce sont 150 millions d’euros qui seraient investis annuellement dans un secteur de la recherche comptant 1 500 chercheurs. Nous aimerions avoir des réponses précises sur ce sujet.
Le crédit d’impôt recherche, tel qu’il a été modifié en 2008, est-il réellement incitatif et va-t-il conduire à augmenter l’effort de recherche du pays ? La recherche française va-t-elle passer de 2,04 à 3 % du PIB ? N’y aura-t-il pas, au contraire, de regrettables effets d’aubaine pour certaines entreprises, dans la mesure où le dispositif de 2008 n’oblige pas à réinjecter systématiquement les sommes perçues dans la recherche ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Nous sommes restés, y compris lors de la réforme de 2008, sur l’idée d’un dispositif fiscal centré sur la recherche et non sur l’innovation. La volonté de séparer ces deux concepts tient compte, notamment, de l’impact budgétaire non négligeable qu’aurait un élargissement du dispositif. Mais nous sommes bien conscients de la difficulté qu’il y a à tracer avec précision la frontière entre les concepts en raison de la continuité du processus entre la recherche fondamentale, le passage à la pratique et la pré-industrialisation.
M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. S’agissant des prototypes, la documentation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche datant de 2009 est particulièrement ambiguë. Sur une page, on nous explique que les prototypes sont éligibles au crédit d’impôt recherche. Mais à la page suivante, on suggère le contraire. Comment peut-on accepter ce genre de documents ? Comment les services qui vérifient l’éligibilité des dossiers peuvent-ils travailler correctement dans ces conditions ? C’est ce genre d’éléments qui conduisent les banques à nous répondre « Ce n’est pas à nous de démontrer que nous avons tort. Démontrez-le nous ». J’ai travaillé vingt-cinq ans dans le secteur bancaire et je n’y ai pas vu un seul chercheur en France. Lorsqu’il s’agit de bénéficier du crédit d’impôt recherche, les services fiscaux en dénombrent 1 500 !
Mme Marie-Christine Lepetit. Je ne sais pas ce que vous ont dit les banquiers, aussi je ne peux le commenter. Le fait que les banques n’apportent pas la preuve que leur dépense correspond bien à de la recherche est conforme aux règles classiques de l’administration de la charge de la preuve dans les contentieux fiscaux.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Vous privilégiez la recherche à l’innovation, et il est vrai que la frontière entre les deux types d’activité n’est pas toujours facile à établir. Certaines dépenses de recherche et développement éligibles au crédit d’impôt recherche ne figurent pas au sein des dépenses liées à des inventions brevetables au sens du brevet européen : les programmes d’ordinateur, les méthodes mathématiques, les conseils d’assistance informatique par exemple. Considérez-vous que ces dépenses vont favoriser la recherche en France ? Y a-t-il des évolutions sur le caractère éligible de ces dépenses aujourd’hui ; doivent-elles vraiment le rester demain ?
Mme Marie-Christine Lepetit. La notion de novation me semble importante, et ayant visé en 2004 des instructions sur ce sujet, j’ai constaté que les logiciels peuvent dans certains cas comporter de véritables novations. Aussi on ne peut l’exclure ou l’admettre a priori. Cet exemple est justement un cas difficile et un agent des impôts ne peut trancher la question.
Le législateur a créé le rescrit fiscal qui est une très bonne disposition : c’est par ce moyen qu’il faut tenter de résoudre les difficultés au cas par cas et sécuriser tout le monde, y compris le budget de l’État, car il m’est impossible de rédiger une instruction précisant que l’expérimentation de tel type nouveau de logiciel présente un caractère suffisamment novateur pour que les dépenses afférentes soient considérées comme éligibles. On peut clarifier, mais seul le spécialiste consulté par l’entreprise, et connaissant l’état de l’art, peut en décider. Nous touchons la limite de ce qu’un dispositif fiscal peut faire. D’où l’intérêt de ces guichets d’ingénieurs qui pourront préciser l’éligibilité au cas par cas.
Sur la modification de la fiscalité en 2008 : on est passé d’un mécanisme très compliqué lié à l’évolution de la dépense de recherche (croissance ou décroissance) à un mécanisme « tout volume ». La France se distingue aujourd’hui par ce système, les autres pays ayant gardé des dispositifs liés à l’évolution de la dépense ou une combinaison des deux dispositifs. Cette réforme est une très grande avancée, notamment parce que l’on a permis aux entreprises de calculer leur crédit d’impôt à l’avance. On n’est plus obligé de se préoccuper de l’évolution de sa dépense de recherche, ce qui est une très grande facilitation.
La deuxième grande avancée de 2007, applicable en 2008, est la suppression du plafond antérieur du crédit d’impôt recherche : toutes les dépenses de recherche effectuées en France bénéficient d’un subventionnement. Ceci va à coup sûr entraîner une progression de l’effort global de recherche. Ce dispositif, en rendant le territoire réellement attractif pour la dépense de recherche, va contribuer à structurer le tissu économique français. Nous escomptons que le fait pour les entreprises grandes, moyennes ou petites, françaises ou étrangères, d’installer des unités de recherche en France va contribuer à une ré-industrialisation de certaines régions. Au-delà du seul effet sur la progression de l’effort de recherche, nous aurions alors un effet sur la croissance de l’économie grâce à un taux d’industrialisation peut être un peu supérieur. L’ensemble de ces effets va dans le sens d’une meilleure compétitivité de notre pays.
Ces objectifs sont-ils atteints aujourd’hui ? C’est trop tôt pour le constater, surtout que 2009 a été une année très atypique.
Les chiffres définitifs de l’effort de recherche en 2008 publiés il y a quelques jours font apparaître une forte croissance des montants et des effectifs d’entreprises bien répartis entre petites et grandes entreprises… Si l’on considère que nous sommes seulement au début de l’application du dispositif, l’évolution est très favorable.
Le rapport du sénateur Gaudin émet des critiques et on entend un certain nombre de propositions. Il sera peut être nécessaire pour améliorer ou maîtriser le risque budgétaire de faire évoluer à nouveau le dispositif, mais il me semble, en ma qualité de directeur de la législation fiscale, que la stabilité serait une bonne nouvelle, car il y a déjà eu beaucoup de modifications depuis 2003 et les entreprises ont besoin de cette stabilité qui est aussi une forme de visibilité et de sécurité. Le mûrissement est souhaitable.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Le but du crédit d’impôt recherche est-il d’augmenter l’effort de recherche ou de diminuer la pression fiscale sur les entreprises ? Si l’on considère la liste des dix plus gros bénéficiaires du crédit d’impôt recherche, on constate à quel point cela peut constituer un effet d’aubaine. En l’absence de ce dispositif, on peut penser que la recherche aurait eu lieu en France de toute façon.
Mme Marie-Christine Lepetit. Les deux effets doivent être recherchés, non seulement d’alléger la pression fiscale, les effets du crédit d’impôt recherche sur la recherche en France étant réels. Il n’est pas certain que les choses se seraient passées de la même façon hors crédit d’impôt recherche. Ce dispositif peut encourager le développement de la recherche en France. L’optimisation fiscale n’est pas toujours la motivation des chefs d’entreprise. Par ailleurs, la réforme du crédit d’impôt recherche vise à renforcer l’attractivité du territoire, afin d’éviter des délocalisations.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Le crédit d’impôt recherche pourrait-il être fléché pour que les sommes retournent à la recherche ? Ce n’est pas une obligation aujourd’hui.
Mme Marie-Christine Lepetit. L’expérience que nous avons des clauses de remploi, qui ont déjà existé dans notre législation, c’est qu’elles créent des complexités très fortes pour un retour très modéré au profit de la collectivité, et les entreprises les utilisent très peu, ayant peur d’être contrôlées. Nous pensons que les clauses de réemploi tuent ou freinent les mécanismes de crédit d’impôt.
M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Les formules sont complexes, mais on pourrait imaginer le même type de rescrit allant dans ce sens de manière à ce que les sommes restituées par le biais du crédit d’impôt recherche viennent abonder la recherche. Le but n’est pas de créer des avantages fiscaux mais de faire progresser l’effort global de recherche vers la cible de 3 % du PIB. On peut craindre que le déficit de l’État se creuse d’un côté, que de l’autre les entreprises conservent leur site de recherche en France et continuent à délocaliser la partie industrielle de leur activité, auquel cas le système vertueux que vous décrivez ne se produira pas.
Mme Marie-Christine Lepetit. L’effort de recherche a diminué dans notre pays car l’activité industrielle s’est réduite. L’idée de subventionner la recherche pour profiter à la recherche n’est pas notre but. Nous avons adopté un objectif plus large ; or il ne faut pas tuer la possibilité de passer au stade du prototype, de l’innovation ou de l’installation de la ligne de production. Le choix que vous évoquez ne garantit pas un supplément de croissance.
M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Nous pensons que certaines entreprises auraient investi dans tous les cas de la même manière : c’est l’exemple de France Telecom ou de EADS. Cette dernière entreprise doit entreprendre des processus longs et coûteux de recherche : le crédit d’impôt recherche l’incite à le faire en France, et la direction a décidé de réinvestir dans la recherche chaque euro récupéré au moyen du crédit d’impôt recherche. Si EADS procède ainsi, on peut imaginer que ce système pourrait être généralisé à d’autres secteurs.
Mme Marie-Christine Lepetit. Il n’est pas certain que ce modèle convienne à beaucoup de secteurs.
M. Jean-Michel Fourgous. Le crédit d’impôt recherche a-t-il un effet positif sur la fuite des cerveaux, en particulier au cours de cette année de crise que nous avons traversée ? Contribue-t-il à offrir des postes de recherche attractifs à des chercheurs français de haut niveau ou à en attirer de l’étranger ? A-t-on constaté que des entreprises avaient renoncé à délocaliser leur unité de recherche grâce à ce dispositif ? Il est indispensable de faire du benchmarking fiscal pour évaluer notre dispositif. Vos services en ont-ils fait ?
Réfléchit-on en termes de stratégie ? Intègre-t-on dans les dispositifs l’intérêt des secteurs clés de l’exportation comme l’aéronautique ? La recherche sur le logiciel est cruciale en France : il faut l’aider à rester dans notre pays, d’autant plus que le numérique participera très largement, à hauteur de 50 % selon certaines études prospectives, à la croissance mondiale. C’est un des secteurs les plus créateurs d’emploi ces dernières années. Il faut que le crédit d’impôt recherche contribue au développement de ce domaine. Est-ce le cas actuellement ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Le dispositif français du crédit d’impôt recherche est l’un des plus puissants du monde et notre système fiscal suscite l’attention, voire la jalousie de nos correspondants au sein de l’OCDE. Les autres pays sont intéressés par deux points : d’abord la puissance budgétaire du dispositif de crédit d’impôt, ensuite le fait que nous accordions un avantage fiscal assis sur tout le volume de l’effort de recherche. Certains pays envisagent de s’inspirer du régime français du crédit d’impôt recherche.
Par ailleurs, il convient d’observer que le taux marginal français d’impôt sur les sociétés, de 33,3 %, est l’un des plus élevé du monde. Le choix de la France a été de retenir un taux facial élevé, assorti d’incitations fiscales ciblées sur les entreprises à forte valeur ajoutée, avec un fort effet de levier. C’est le cas du crédit d’impôt recherche.
Les services fiscaux disposent de peu d’éléments statistiques sur les conséquences de la réforme du crédit d’impôt recherche pour les effectifs de chercheurs, comme, dans un autre domaine, sur l’efficacité du régime de faveur appliqué aux impatriés.
Je n’ai pas d’éléments à ajouter à mes précédentes déclarations concernant la définition de l’éligibilité des dépenses de logiciel au crédit d’impôt recherche. Un espace est à prendre, on peut progresser dans la précision en la matière, cela serait fort utile, mais il convient d’être prudent.
M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Je me félicite de la volonté politique, exprimée par Mme Lepetit, selon laquelle le dispositif de crédit d’impôt recherche serait en partie destiné à favoriser la localisation des activités en France. Cela étant, pourquoi continuer à subventionner les banques, qui n’ont pas besoin du crédit d’impôt recherche pour prospérer ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Je n’ai pas exprimé la volonté politique du Gouvernement, j’ai pu approcher cette vérité en participant à des réunions en tant que fonctionnaire. Le dispositif du crédit d’impôt recherche est inspiré par deux préoccupations : développer la recherche et améliorer la compétitivité fiscale.
M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur. Un objectif de cette mission d’évaluation et de contrôle est justement de vérifier que le deuxième objectif n’a pas supplanté le premier.
Mme Marie-Christine Lepetit. Le crédit d’impôt recherche agit par un effet de levier fort et il laisse le choix au secteur privé d’effectuer des dépenses qui soient ou non de nature à diminuer le montant de l’impôt. Je pense que les banques réalisent bien de la recherche éligible au crédit d’impôt recherche, notamment pour la réalisation de logiciels.
M. Alain Claeys, Rapporteur. Pour autant, ne serait-il pas souhaitable de tenter de limiter le coût du crédit d’impôt recherche en éliminant les dépenses correspondant en fait à une simple recherche d’optimisation fiscale ? Ainsi, on retient un forfait de frais de fonctionnement à hauteur de 75 % des frais de personnel ; or, ce type de coût représente le tiers de la dépense totale du crédit d’impôt recherche. N’est-ce pas excessif ?
Mme Marie-Christine Lepetit. Le taux forfaitaire retenu a le grand avantage de simplifier les calculs en pratique aussi bien pour les entreprises que pour l’administration. Il faut être attentif à ne pas affiner excessivement la prise en compte fiscale des dépenses éligibles, ce qui serait un élément de complication.
M. Olivier Carré, Président. Madame la directrice, nous vous remercions.