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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 17 novembre 2011

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 05

Présidence de M. Jean Mallot, coprésident puis de M. Jean-Luc Préel, rapporteur

– Auditions, ouvertes à la presse, sur la prévention sanitaire

– MM. Pierre Chirac et Philippe Schilliger, rédacteurs de la Revue Prescrire

– MM. Yves Bonnet et Bertrand Brassens, inspecteurs généraux des finances, et M. Jean-Luc Vieilleribière, inspecteur général des affaires sociales, coauteurs du rapport sur les fonds d’assurance maladie, juillet 2010

– M. Michel Brault, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, et M. Philippe Laffon, directeur de la santé

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 17 novembre 2011

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

(Présidence de M. Jean Mallot, coprésident de la mission,
puis de M. Jean-Luc Préel, rapporteur)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition de MM. Pierre Chirac et Philippe Schilliger, rédacteurs de la Revue Prescrire.

M. Jean-Luc Préel, rapporteur. Le développement de la prévention fait l’unanimité. Mais parmi les nombreux rapports qui ont été récemment publiés sur le sujet, celui de la Cour des comptes déplore une absence de pilotage au niveau national. En tant qu’acteurs d’une revue indépendante, que pensez-vous de notre système de prévention sanitaire ?

M. Pierre Chirac, rédacteur de la revue Prescrire. Prescrire, qui compte trente-six mille abonnés, médecins, pharmaciens et étudiants dans les professions de santé, est surtout connue pour ses analyses sur les médicaments. Une partie de notre revue est néanmoins consacrée à l’évaluation des stratégies de diagnostics et des stratégies thérapeutiques. Dans ce cadre-là, il nous arrive fréquemment d’évoquer la prévention, que celle-ci soit dispensée à titre individuel de la part des soignants, ou collectivement dans le cadre de programmes de prévention.

M. Philippe Schilliger, rédacteur de la revue Prescrire. Avec l’affaire du Mediator, en 2011, il semble bien que la société, dans son ensemble, ait pris conscience que les médicaments n’avaient pas que des effets positifs, et qu’il valait mieux s’intéresser à leur balance bénéfice-risque avant de décider de leur utilisation. Malheureusement, cette prise de conscience ne se vérifie pas dans le domaine de la prévention.

Je prendrai l’exemple des campagnes de dépistage du cancer du sein par mammographie, qui suscitent bien des interrogations.

Ces campagnes sont positives, parce qu’il s’agit d’inciter le plus possible de femmes à participer à ce dépistage. Mais les brochures ne font que suggérer le problème des dépistages « faux négatifs » – tous les cancers ne sont pas dépistés – et abordent d’une seule phrase, assez lapidaire, celui des « faux positifs ». Or, d’après les données dont nous disposons aujourd’hui, le bénéfice que peuvent tirer les femmes de ce dépistage est au mieux très modéré : d’assez nombreuses femmes sont inquiétées à tort et doivent subir des ponctions et des biopsies, qui sont des actes invasifs ; les interventions lourdes, qu’un dépistage précoce est censé éviter, sont toujours aussi nombreuses.

Ces questions apparaissent peu dans le débat public et pas du tout, ou très peu, dans l’information dispensée aux femmes. La loi n° 2004-206 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, puis le plan Cancer 2009-2013, ont fixé comme objectif un dépistage à hauteur de 80 %. Cet objectif a été repris par la sécurité sociale, notamment dans la convention médicale précédente, laquelle incitait les généralistes à délivrer une information incitative destinée à vaincre les réticences. Les contrats d’amélioration de pratiques individuelles en ont fait une incitation financière, qu’on retrouve dans la convention médicale de 2011.

N’est-ce pas en contradiction avec la nécessaire information raisonnable des patientes et avec la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades ? Selon ce texte, toute personne à qui l’on propose une intervention médicale doit être informée des bénéfices qu’elle peut en attendre et des risques qu’elle court si elle s’y soumet ou si elle la refuse. Cette situation témoigne en tout cas de l’insuffisante prise en compte des avantages et des inconvénients, ou des bénéfices et des risques des interventions médicales. C’est d’autant plus regrettable que l’on est dans le domaine de la prévention et que l’on s’adresse à des personnes qui ne sont pas malades.

M. le rapporteur. Que pensez-vous des indicateurs ? Par exemple, il est admis que 80 % des femmes doivent se faire dépister pour que l’on puisse espérer faire baisser les statistiques de la mortalité liée au cancer du sein.

Vous avez déploré par ailleurs le nombre des « faux positifs ». Mais je ne suis pas sûr qu’on puisse les éviter et, de toute façon, ils ne conduisent pas à des opérations mutilantes. En revanche, j’aimerais savoir si l’on peut éviter de pratiquer des interventions importantes pour des cancers qui auraient évolué très lentement – problème qui a été soulevé par la Cour des comptes dans sa communication.

M. Philippe Schilliger. Je ne pense pas que l’on puisse répondre aujourd’hui à votre question.

Malgré tout, on commence à s’interroger, dans la littérature internationale, sur la méthode et sur les procédures liées au dépistage. De très belles synthèses ont été réalisées par des équipes indépendantes comme celles de Cochrane sur les études relatives au dépistage du cancer du sein. Les questions que l’on peut se poser sont les suivantes : dans le dépistage du cancer du sein, qui est une opération de prévention généralisée portant sur une vaste population, sait-on vraiment quel est l’objectif poursuivi ? Y a-t-il une évaluation permanente et indépendante des équipes qui pratiquent le dépistage ?

Prescrire suit en permanence le dossier du cancer du sein. Nous ne sommes pas en mesure aujourd’hui de vous donner des détails techniques, mais il est certain que le problème des « faux positifs » est lié à la qualité de lecture des mammographies.

M. Pierre Chirac. Il y a quatre ou cinq ans, Prescrire a publié un article critique sur le dépistage – ses limites et ses effets indésirables. À l’époque, cela a beaucoup surpris. Certains journaux féminins ont jugé cet article inadmissible. Or aujourd’hui, la littérature internationale, comme British Medical Journal et Cochrane Review notamment, fait état de plus en plus souvent des évaluations sur du long terme et sur de grands échantillons, qui soulignent les limites du dépistage.

Nous ne sommes pas contre la prévention, ni le dépistage, loin de là. Simplement, nous pensons qu’il est indispensable, lorsque l’on mène une politique de santé publique, de dire la vérité. Si on ne le fait pas, comme il s’agit d’interventions sur des personnes qui ne sont pas malades, les conséquences défavorables risquent d’être extrêmement mal perçues. Dans le domaine de la vaccination, c’est évident.

M. Jean-Luc Préel, rapporteur. Les personnes ne sont pas malades ? Mais on peut leur trouver, par exemple, une lésion au sein.

M. Pierre Chirac. Absolument, car il existe plusieurs niveaux de prévention : primaire, secondaire.

Il faut faire très attention aux messages qui sont délivrés, respecter le libre choix des personnes et leur fournir tous les éléments, en l’occurrence le bénéfice attendu du dépistage, ses limites et ses effets indésirables. Il est tout à fait possible, en donnant une telle information, d’obtenir de bons taux de participation.

Une étude sur le dépistage du cancer colorectal, réalisée en Allemagne auprès de mille cinq cents personnes, récemment publiée dans le British Medical Journal, en atteste. Il s’agissait de présenter à ces personnes, soit la brochure officielle qui n’attirait l’attention que sur les bénéfices du dépistage, soit une brochure beaucoup plus complète qui en montrait les limites et les effets indésirables. Plusieurs critères ont été retenus : le fait d’avoir un bon niveau de connaissance sur ce cancer, sur sa prévalence, sur les performances du test. Les personnes qui ont eu en leur possession la brochure complète avaient un niveau de connaissance bien supérieur, ont fait un choix beaucoup plus informé et, globalement, ont autant participé que les autres au dépistage – dont l’intérêt, selon Prescrire, était d’ailleurs modeste.

La crainte des soignants et des acteurs de santé publique est que, si l’on parle des effets indésirables des médicaments ou des campagnes de santé publique, les gens ne suivent pas le traitement ou ne se font pas dépister. Or cette étude allemande et d’autres études montrent qu’une telle crainte est infondée. En 2011, ne pas dire la vérité aux gens, que ce soit sur un vaccin, un dépistage ou un médicament, crée de la défiance. C’est un point sur lequel nous voulons insister.

M. le rapporteur. La double lecture et la qualité des mammographies constituent un progrès. Mais il me semble que les femmes qui se font dépister aujourd’hui sont celles qui étaient déjà suivies, et que l’on a beaucoup de peine à atteindre les populations dites défavorisées, qui ne sont pas spontanément intéressées par le dépistage.

Cela dit, le cancer du sein pose des problèmes compliqués, au contraire du cancer de la prostate. Je comprends d’autant moins les difficultés que l’on rencontre en ce domaine. Nous savons qu’à partir d’un certain âge, le dosage du taux de PSA (Prostate Specific Antigen) ne présente pas d’intérêt. Pourtant, on continue à le pratiquer, avec pour conséquence des interventions chirurgicales inutiles et mutilantes. Comment éviter cette situation ?

M. Philippe Schilliger. Il convient de distinguer l’évaluation d’un bénéfice-risque pour un individu de l’évaluation collective d’une action de prévention. Si l’on souhaite amener 80 % des femmes à se faire dépister, c’est pour avoir une idée de l’efficacité d’une action de prévention collective.

Il faut résoudre une équation entre, d’une part, le libre choix et le principe d’autonomie des personnes et, d’autre part, les études de coût-efficacité et, surtout, de coût-bénéfice pour la société. Une action de prévention est coûteuse.

Pour Prescrire, les évaluations individuelles doivent primer : pas d’action sans appréciation des avantages et inconvénients, des bénéfices et des risques individuels, avant de passer à une action collective, en toute connaissance de cause, de la part de toutes les parties prenantes.

S’agissant du cancer de la prostate, nous pouvons nous demander pourquoi nous ne sommes pas parvenus à arrêter les dépistages spontanés alors que toutes les évaluations scientifiques et tous les scientifiques qui prennent position annoncent qu’il vaudrait mieux ne pas effectuer d’examen de taux de PSA, surtout à partir d’un certain âge – et que cela ne relève pas de la prévention. J’imagine que personne n’a de solution toute faite à proposer.

Il est pourtant possible d’arrêter un programme de dépistage. Je peux vous citer le cas du neuroblastome de l’enfant, une tumeur rare mais grave, que l’on désirait détecter précocement pour éviter des traitements lourds et mutilants. Cette détection a été expérimentée en 1990 dans différents pays et en France dans différentes régions, dont la région Rhône-Alpes. Le test était simple et les professionnels, les centres anticancéreux et les familles y ont adhéré. Mais les évaluations ont montré qu’on ne détectait chez les nouveau-nés que des tumeurs dont la plupart auraient régressé spontanément. C’est pourquoi, en 1998, on a arrêté ce dépistage.

De la même façon, pour pouvoir décider l’arrêt du dépistage du cancer de la prostate, il faudrait s’appuyer sur tous les acteurs – familles, médecins, scientifiques et autorités publiques. On devrait disposer de toutes les données et en discuter collectivement.

Notre position est claire : si l’on décide d’un dépistage, il est nécessaire qu’il soit organisé, pour bénéficier de procédures qui ont fait leur preuve, avec au moins la sécurité d’une double lecture pour ce qui concerne les mammographies. Nous ne voulons pas de dépistage spontané, individuel.

M. le rapporteur. Qui décide d’un dépistage et sur quelles données ?

M. Philipe Schilliger. Une autorité publique doit être capable, pour le compte de la population qu’elle a accepté de prendre en charge, de décider en toute transparence des dépistages. Dans le paysage actuel, nous n’imaginons pas que ce soit une agence spécialisée qui en décide. Un directeur général de la santé, par exemple, peut être chargé du dépistage et en être responsable.

M. le rapporteur. On doit pouvoir s’appuyer sur les travaux d’experts indépendants…

M. Philippe Schilliger. …et sur tous les autres acteurs. J’imagine la tenue d’une conférence nationale de santé…

M. le rapporteur. …ou une conférence de consensus.

M. Pierre Chirac. En premier lieu, il faut établir un relevé épidémiologique pour dresser un état des lieux de la morbi-mortalité, savoir si la prévention est possible et établir des priorités. S’agissant de santé publique et du lancement de campagnes d’information destinées à modifier les comportements, il est important d’y associer la population, d’une façon ou d’une autre.

Plusieurs acteurs sont tentés d’intervenir. Par exemple, la sécurité sociale avec les contrats d’amélioration de pratiques individuelles qui incitent à un dépistage individuel du cancer du sein ; ou, selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la pharmacie, des acteurs privés qui vont mettre en place un certain nombre de tests dans les pharmacies – sans compter les tests à domicile, les tests médicaux, car tout un marché du diagnostic se prépare.

Nous avons intérêt à mettre en place une organisation collective qui associe, notamment, les représentants des usagers de la santé, et pas seulement des patients car une partie des interventions concernent des personnes qui ne sont pas encore malades.

Il faut tirer des leçons de la grippe H1N1. Le fait de ne pas avoir associé à la campagne de vaccination des acteurs clés comme les médecins généralistes a eu des effets très regrettables qui se font encore sentir – à commencer par la défiance de la population.

M. le coprésident Jean Mallot. Dans le domaine de la santé, on doit toujours mettre en balance les bénéfices et les risques, soit au niveau individuel, soit au niveau collectif. Il faut coordonner les initiatives, rassembler les données scientifiques, prendre des positions éclairées, mais c’est l’État qui, à un certain moment, doit dégager l’intérêt général.

Néanmoins, vous êtes aussi des gens de communication. À ce titre, pouvez-vous nous dire comment on peut informer et communiquer sur tous ces sujets afin d’éviter les messages erronés et les malentendus ? Qui communique et, éventuellement, qui fait de la publicité ?

M. Philippe Schilliger. J’ai affirmé tout à l’heure que nous n’imaginions pas qu’une agence spécialisée puisse prendre en charge une décision de santé publique. Pour les autres acteurs, c’est la même chose. Prenez l’exemple de la prévention des cancers du col utérin, qui repose sur un examen régulier – par frottis – destiné à dépister des lésions, si possible avant qu’elles ne donnent lieu à un cancer. Des vaccins ont été développés contre le papillomavirus à l’origine de ces lésions. Or la communication sur ces vaccins a surtout été le fait des firmes qui les fabriquent.

M. le coprésident Jean Mallot. Pensez-vous qu’actuellement le système ne soit pas suffisamment performant pour éviter les dérives ?

M. Philippe Schilliger. Effectivement, et nous l’avons déclaré dans d’autres enceintes. S’agissant du médicament, c’est une évidence.

Au cours des Assises du médicament, nous avons affirmé qu’il fallait veiller à ne pas mélanger l’intérêt général et les intérêts privés, quels qu’ils soient – notamment l’intérêt des firmes ou de certains professionnels de santé. De fait, s’agissant du dépistage du cancer de la prostate, les urologues sont davantage concernés que les firmes. Plus généralement, chaque acteur du système a un intérêt, qui peut être particulier, à telle ou telle action. Et la pression de l’opinion publique et l’aspect émotionnel de la question ne doivent pas être négligés non plus. C’est donc bien à une autorité publique, légitime, de régulation qu’il revient de fixer les priorités et de décider.

La « conférence de consensus », évoquée par M. Jean-Luc Préel, est une méthode parfaite pour établir le consensus du moment, en toute transparence, en pondérant les arguments et en prenant en compte les différents intérêts. Dans une telle configuration, un jury fait une proposition qui n’entraîne pas forcément une action, mais il prend une position argumentée à partir des données qui lui sont présentées. C’est une des voies possibles pour mettre au point des stratégies et des plans de prévention et de santé publique à la fois raisonnables, évaluables, et peut-être réalisables. Et si tous les acteurs sont impliqués, peut-être pourra-t-on disposer d’une évaluation du bénéfice-risque et d’une évaluation des coûts étayées, permettant de maîtriser le processus.

M. Pierre Chirac. Je voudrais revenir sur la question importante de la formation, et sur la campagne sur le vaccin contre le papillomavirus humain, à l’occasion de laquelle une firme s’adressait aux mères en leur demandant : « Aimez-vous votre fille ? » Nous comprenons très bien l’efficacité commerciale d’un tel message culpabilisateur. Mais celui-ci est totalement inacceptable. Dans un message de santé publique, selon Prescrire, il convient d’avoir un discours de vérité, de présenter les avantages et les inconvénients d’une action, afin de permettre des échanges éclairés entre les soignants, les patients et les usagers du système de santé.

M. le coprésident Jean Mallot. Cet exemple, qui n’est pas isolé, nous conduit au moins à nous interroger. Comment a-t-on pu autoriser ce genre de messages ? Sur quels arguments s’est-on fondé ? Les modifications législatives en préparation sont-elles de nature à éviter qu’ils ne perdurent ?

M. Pierre Chirac. Le Sénat avait supprimé toute possibilité, pour les firmes, de faire des campagnes de vaccination. Je ne sais pas ce qui a été adopté hier par la Commission des affaires sociales, mais je pense qu’il y a été dit qu’il était impossible de l’interdire, puisque le cas était déjà prévu par la directive européenne. Quoi qu’il en soit, la position de Prescrire est de ne pas autoriser les firmes à faire de la publicité auprès du grand public.

Je voudrais attirer l’attention sur le fait que la Commission européenne a proposé une nouvelle version de sa directive sur la possibilité, pour les firmes pharmaceutiques, de communiquer auprès du grand public sur des médicaments de prescription. Les versions précédentes avaient été rejetées par le Parlement européen et, globalement, par le Conseil, même s’il ne s’était pas officiellement exprimé. En effet, de nombreux pays, dont la France, étaient défavorables à ce qui constituerait un élargissement, le droit actuel permettant déjà aux firmes de communiquer sur les pathologies – sans viser, il est vrai, un médicament précis.

Le nouveau texte devrait permettre aux firmes, sinon de communiquer directement, du moins de mettre à la disposition du grand public, par l’intermédiaire de professionnels de santé, médecins ou pharmaciens, des informations sur les médicaments de prescription. Cela nous inquiète beaucoup parce que l’expérience prouve que les médecins et les pharmaciens ne se préoccupent pas toujours des informations qu’ils mettent à la disposition du public. Plutôt que de l’élargir, il vaudrait mieux limiter la possibilité pour les firmes de communiquer des informations sur la santé ou sur les produits de santé.

Les députés français ont tenté de faire en sorte que les messages utilisés par les firmes soient les plus proches possibles de ceux des experts en matière de santé publique. Seulement, il ne suffit pas d’imposer certaines mentions minimales obligatoires sur le support du message publicitaire, écrit ou audiovisuel : ce qu’il faut contrôler, c’est le fond du message – le message subliminal. Or on ne le fait jamais.

M. le rapporteur. Il semble que, pour éradiquer une maladie, le taux de vaccination de la population doive se situer entre 75 % et 80 %. Pensez-vous que le vaccin soit un moyen utile de prévention ? Peut-il faire disparaître certaines maladies ? Dans l’affirmative, faut-il décider d’une vaccination collective et obligatoire ? Comment faire respecter cette obligation ?

M. Philippe Schilliger. On ne peut pas vous répondre sur les vaccinations en général. On ne peut que répondre, vaccin par vaccin, à différentes questions. Que veut-on éviter ? Quel est le risque absolu face à telle pathologie, pour une population donnée ? Quelles actions se donne-t-on ? Là encore, il s’agit de faire la balance entre ce que l’on peut espérer et le prix humain et collectif que l’on est prêt à payer.

Un taux vaccinal de 70 % est sans doute un peu faible pour certaines maladies infectieuses. Pour la rougeole, en particulier, il vaudrait mieux qu’il soit plus élevé. En effet, on assiste actuellement à une recrudescence des épidémies de rougeole, qui risquent de s’intensifier.

Il y a très peu de vaccinations obligatoires. Par exemple, la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) n’est que recommandée. En revanche, les vaccinations contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite sont obligatoires et inscrites dans la loi.

La vaccination contre la variole n’est plus obligatoire depuis les années 1970. Ce n’était plus un objectif de santé publique. En outre, l’État était confronté à des problèmes de responsabilité.

Enfin, la suppression de l’obligation de la vaccination contre la tuberculose s’appuie sur des arguments épidémiologiques qui semblent très sérieux : la vaccination ne joue plus son rôle dans la période actuelle, sauf pour certaines populations bien ciblées.

Il convient donc de bien déterminer quelle est la population ciblée, quel est l’objectif poursuivi, quels moyens sont utilisés, notamment pour convaincre les individus de se faire vacciner. Encore une fois, l’information doit être honnête, claire, étayée et efficace.

On peut s’étonner que l’information soit dispensée par certains acteurs, notamment par les firmes, dont on peut déplorer les démarches commerciales, sans que soient utilisés des moyens collectifs publics pour dispenser une contre-information solide, efficace et sincère.

Prenons l’exemple du dépistage du cancer de la prostate. Où se trouve l’information des organes de santé publique nationaux annonçant qu’il ne faut pas recourir au dosage du taux de PSA ? Quelles actions ont été entreprises pour essayer de limiter, ne serait-ce que les prescriptions spontanées de dosage du PSA ou pour délivrer une contre-information sur les tests à domicile qui seront bientôt disponibles sur le marché ?

Quand la vaccination apparaît justifiée par une balance bénéfice-risque favorable, Prescrire recommande à ses lecteurs de la proposer aux patients. Ensuite, c’est aux pouvoirs publics d’agir : rendre une vaccination obligatoire est un acte d’autorité publique.

M. le rapporteur. Les vaccins ont permis d’éliminer la variole, la poliomyélite et le tétanos. Que pensez-vous du vaccin contre l’hépatite B ?

M. Philippe Schilliger. Pour nous, la balance bénéfice-risque de ce vaccin reste favorable, et les patients ont intérêt à ce que les soignants le leur proposent. Mais je parle de la période actuelle, et non des campagnes de vaccination généralisée contre l’hépatite B.

M. le rapporteur. Comment expliquez-vous qu’une grande partie de la population, y compris parmi les professions de santé, ait pu remettre en cause le bien-fondé de cette vaccination ?

M. Pierre Chirac. Prescrire est arrivé à la conclusion que ce vaccin avait une balance bénéfice-risque favorable pour certains individus, mais pas nécessairement pour l’ensemble de la population. Certains n’ont pas compris notre position et nous ont critiqués.

Il faut d’abord évaluer la balance bénéfice-risque chez certaines populations, ensuite s’interroger sur la généralisation du vaccin à l’ensemble de la population, et enfin savoir comment informer la population et l’inciter à se faire vacciner. Ce sont trois stades bien différents, et la configuration est la même qu’il s’agisse du vaccin contre le cancer du col de l’utérus, contre l’hépatite B ou la grippe H1N1. En l’occurrence, le vaccin contre l’hépatite B a été généralisé de façon abusive, et sans doute a-t-on dissimulé certaines informations sur ses effets indésirables.

Au niveau individuel, la prise en compte d’effets indésirables aboutit à un pari : vais-je ou non rencontrer ces problèmes ? Collectivement, elle s’explique, si l’on essaie de valoriser la balance bénéfice-risque en limitant la vaccination aux groupes qui en retireront le plus grand bénéfice. Le risque devient alors plus acceptable.

La généralisation abusive de la vaccination contre l’hépatite B a contribué à renforcer le mouvement « antivaccination », qui existait déjà en France et qui soulève indéniablement des difficultés. C’est ainsi qu’il sera difficile d’atteindre un taux de vaccination de 90 % ou 95 %, qui serait pourtant utile, pour lutter efficacement contre la rougeole.

Dans sa communication, la Cour des comptes suggère d’utiliser le colloque singulier entre le médecin et son patient pour proposer des vaccinations. Nous sommes dans cette logique, car nous ne sommes pas favorables à ce qui relève de l’obligatoire ou d’une logique commerciale. Établir une relation de confiance entre les soignants et les soignés favoriserait la prise de décisions partagées et serait le moyen de toucher tout le monde, y compris les populations plus éloignées du système de soins.

M. le coprésident Jean Mallot. Au détour d’une phrase, vous avez soulevé la question des conflits d’intérêts. Comment ceux-ci interviennent-ils ? Comment les maîtriser et les éviter ?

M. Pierre Chirac. L’actuel projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé contient de nombreuses dispositions intéressantes. Prescrire sera très attentif à leur mise en œuvre.

Dans le domaine du vaccin, les risques de conflits d’intérêts sont encore plus importants que dans le domaine du médicament : d’une part, il y a très peu de producteurs – dont un seul producteur français d’importance, auquel les experts sont probablement tous liés – ; d’autre part, jusqu’à une période récente, l’évaluation des vaccins était particulièrement indigente. Aujourd’hui, les essais cliniques sont de meilleure qualité, cette évaluation doit être encore renforcée avant et après la mise sur le marché des vaccins, et il convient de procéder de manière attentive au recueil des effets indésirables. C’est pourquoi, il est nécessaire d’être particulièrement vigilants.

M. le coprésident Jean Mallot. À mon sens, on doit avoir une approche plus extensive des conflits d’intérêts. C’est ce qui ressort des observations de la Cour des comptes à propos de la lutte contre l’obésité et de ses analyses sur les produits alimentaires, notamment à destination des enfants. En effet, pour lutter contre l’obésité, il faut s’attaquer à certains produits alimentaires consommés par les enfants, et donc limiter la publicité dont ces produits font l’objet. Mais si l’on restreint cette publicité, les ressources de l’audiovisuel sont affectées. Des conflits d’intérêts existent donc bien à ce niveau aussi. Comment faire, sinon s’en remettre à une volonté politique ?

M. Pierre Chirac. Exactement. Nous avons été consternés qu’une députée de la majorité ait dû abandonner une mesure forte d’interdiction de la publicité pour les produits alimentaires gras, salés ou sucrées lors des émissions de télévision pour enfants, Mme Roselyne Bachelot-Narquin lui ayant promis, au dernier moment, que l’on rédigerait une charte sur le sujet. Or on sait très bien que les chartes n’aboutissent qu’à peu de résultats.

Comme le souligne la Cour des comptes, la prévention vise à modifier des comportements et fait appel à la responsabilité personnelle. Je remarquerai, pour ma part, que la prévention suppose un meilleur niveau de connaissances sur la santé, auquel l’école peut contribuer.

Malheureusement, nous ne sommes pas tous égaux devant l’information et nous n’avons pas tous la capacité de nous projeter dans l’avenir. Il est donc parfois plus équitable d’édicter des interdictions. Pour lutter contre l’obésité, l’interdiction de la publicité en faveur de produits sucrés, salés et gras, à l’heure des émissions consacrées aux enfants, nous semble être une bonne solution – adoptée d’ailleurs dans d’autres pays.

M. le rapporteur. La Cour des comptes a montré qu’il y avait un défaut de pilotage de la prévention au niveau national. Il n’y a pas de vraie coordination entre les caisses d’assurance maladie, l’Éducation nationale, la médecine du travail, entre autres. Qu’en pensez-vous ? Comment améliorer le système ?

M. Philippe Schilliger. Il faut d’abord que l’on soit collectivement convaincu de l’objectif à atteindre. À partir de là, seuls les pouvoirs publics auront la légitimité nécessaire pour diriger l’orchestre et coordonner le jeu de tous les acteurs.

La difficulté qui peut survenir est celle de la faiblesse du dispositif. De fait, dans de nombreuses actions de prévention, nous avons l’impression qu’on ne sait plus quel est l’objectif que l’on cherche à atteindre, ni qui pilote.

Le pilotage s’appuie sur quatre piliers : impliquer tout le monde, tenir compte des intérêts et des conflits d’intérêts, évaluer et informer en permanence. Nous serions enchantés si, un jour, s’affirmait un pilote de santé publique, explicite, disposant d’une autorité sur les autres acteurs et capable de les faire intervenir en cohérence.

M. le rapporteur. Quel rôle a joué l’assurance maladie dans la mise en place des indicateurs concernant le dépistage du cancer du sein ? La décision vient-elle de l’assurance maladie elle-même ou du ministère ?

Par ailleurs, nous avons auditionné la semaine dernière des représentants de Groupama. Cet assureur a passé avec la Mutualité sociale agricole un accord portant sur un rétinographe mobile, qui permet de transmettre par TéléSanté à un ophtalmologiste les clichés des examens de patients souffrant de diabète et d’hypertension artérielle. Mais Groupama ne connaît pas qui, parmi sa population adhérente, souffre de diabète ou d’hypertension. Or la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés est très jalouse de ses propres données.

Que pensez-vous du partage des données de santé entre les différents acteurs ?

M. Philippe Schilliger. Que l’assurance maladie défende ses assurés, soit toute la population du territoire, paraît assez logique. En outre, qu’elle consacre une partie de son budget à des actions de promotion de la santé et de contrôle des actes et des procédures, et qu’elle participe à l’évaluation nous semble aussi bien légitime. Cela fait des années que nous le réclamons.

Il semble bien, d’après les informations dont nous disposons et à la suite du travail que nous avons mené sur les contrats d’amélioration des pratiques individuelles, que de nombreuses actions aient été initiées par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Certes, les relations entre cette caisse et l’État sont à organiser. Mais ce qui nous intéresse d’abord, c’est l’intérêt général. En l’occurrence, nous ne pouvons que nous réjouir de l’implication de la sécurité sociale.

S’agissant des indicateurs, beaucoup d’entre eux ne nous conviennent pas parce qu’ils sont purement quantitatifs et qu’ils ne peuvent garantir en rien la qualité des soins individuels. Il ne suffit pas de dire qu’il faudrait prescrire à 80 % des diabétiques, des hypocholestérolémiants ou de l’aspirine : encore faut-il que les diabétiques concernés en aient besoin. Les indicateurs purement quantitatifs sont des indicateurs d’activité, qui peuvent, au mieux, inciter les professionnels à s’interroger sur les soins qu’ils administrent.

En conclusion, je dirai que certains indicateurs nous conviennent, que d’autres nous paraissent contestables, et que d’autres encore nous semblent carrément hors de propos. Nous pourrons vous donner des détails supplémentaires, car nous avons écrit sur le sujet.

S’agissant des données de santé, notre position est claire : ce sont des données publiques qui appartiennent à la collectivité et qui doivent donc être accessibles à tous les acteurs à partir du moment où elles sont anonymisées, où les protocoles sont clairs, validés par une instance qui décide sur des critères explicites que les objectifs poursuivis sont légitimes.

Au passage, je rappelle que l’Institut des données de santé a autorisé Prescrire à utiliser les données qui concernaient les médicaments prescrits contre la maladie d’Alzheimer. Il l’a fait parce qu’il y a vu un intérêt de santé publique.

Ces données existent et il serait dommage qu’un acteur, aussi puissant soit-il, se les approprie : elles sont publiques et l’assurance maladie n’en est que le dépositaire.

M. le coprésident Jean Mallot. L’article 1er de la Constitution renvoie à la Charte de l’environnement, qui prévoit l’application du principe de précaution pour prévenir des dommages incertains affectant pour l’environnement – mais pas explicitement la santé. Comment abordez-vous ce genre de problématique ? L’affaire du Mediator a montré comment on pouvait prendre position sur des risques non avérés et comment on pouvait appliquer, ou ne pas appliquer, ce principe de précaution dans le domaine de la santé. Mais il faut éviter la confusion entre la prévention et le principe de précaution. Quelle est votre position ?

M. Pierre Chirac. Nous n’appliquons pas le principe de précaution. Nous nous fondons sur la balance bénéfice-risque, rapportée à la situation de la gravité de la pathologie dans la population concernée.

Dans toute activité médicale, il y a une part d’incertitude. Par exemple, un médicament n’est jamais efficace à 100 % – et n’a jamais d’effets indésirables à 100 %. Si l’on appliquait le principe de précaution, on ne pourrait pas aller très loin. On raisonne donc à partir de faisceaux d’arguments pour vérifier que les bénéfices d'un médicament, par exemple, sont supérieurs aux effets indésirables qu’il risque d’entraîner.

Prescrire attire l’attention de ses lecteurs sur les effets indésirables parce que, dans la formation des médecins et des soignants, initiale ou continue, cet aspect est sous-estimé. Il n’est pas non plus mis en avant dans les publications sur les essais cliniques. Il est clair que les investigateurs sont surtout intéressés par le progrès que représentera tel ou tel nouveau médicament. Il est admirable d’espérer améliorer la situation de tel ou tel patient, mais encore faut-il se préoccuper de ne pas lui nuire. Il doit en être de même au niveau des décisions de santé publique. Là aussi, il faut avoir constamment à l’esprit les deux côtés de la balance.

Concernant le Mediator, nous avions des faisceaux d’indices qui nous faisaient penser que, compte tenu de la nature chimique du benfluorex, il y avait de forts risques qu’il entraîne les mêmes problèmes que les autres dérivés de la même famille.

M. le coprésident Jean Mallot. Dans ce cas précis, on ne peut pas parler de principe de précaution. Il me semble pourtant que votre approche n’en soit pas très éloignée.

M. Pierre Chirac. De par notre activité de veille documentaire et d’analyse des résultats d’essais cliniques, nous sommes sûrs qu’au moment de l’autorisation de mise sur le marché, les éléments les plus bénéfiques du médicament sont exposés, les firmes ayant intérêt à les communiquer. Mais nous sommes également certains que seul, le minimum de ses effets indésirables est porté à la connaissance de l’autorité concernée. D’autres effets indésirables risquent de se manifester : d’abord parce le médicament va être administré à un plus grand nombre de patients ; ensuite et surtout – c’est avéré à la faveur de nombreux procès – parce que les firmes dissimulent d’une façon ou d’une autre des données concernant ces effets indésirables.

Dans ces conditions, nous considérons que le doute doit bénéficier au patient. Cela aide à prendre les bonnes décisions, sans recourir nécessairement au principe de précaution.

M. le rapporteur. Le doute peut jouer dans les deux sens !

M. Philippe Schilliger. Il n’empêche que c’est un pari : à dix contre un, on espère gagner, mais à trois contre sept, on risque de perdre. Et il convient de partager cette incertitude avec celui qui va jouer et courir le risque.

Ce qui est valable au niveau individuel est valable au niveau collectif. Il est tout à fait légitime d’entreprendre une action collective de prévention si elle est évaluée de façon explicite et permanence.

Nous n’avons sans doute pas le temps de vous parler longuement des effets indésirables graves liés aux soins. Sachez toutefois que les nombreuses études menées sur le sujet montrent que la moitié d’entre eux auraient pu être évités.

Si l’on extrapole les conclusions des études américaines, on peut en déduire qu’il y a chaque année dans notre pays entre dix mille et vingt mille décès par effets médicamenteux indésirables. Selon les récentes études françaises de l’enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins, on compte mille effets indésirables pour dix mille consultations en soins de premier recours, et peut-être une dizaine d’effets indésirables pour mille journées d’hospitalisation. Enfin, une hospitalisation sur vingt serait liée à un effet indésirable grave, lequel met en jeu le pronostic vital.

Les études menées par l’enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins entre 2004 et 2009 ne montrent aucun progrès dans les chiffres globaux. C’est un sujet d’interrogation, en tout cas pour les soignants et pour Prescrire. En effet, la prévention des effets potentiellement évitables est une belle cause de santé publique qui demande la mobilisation de nombreux acteurs.

La prévention touche donc de nombreux secteurs. Elle ne se traduit pas forcément dans une loi de santé publique, mais par la fixation de quelques objectifs de santé publique bien compris, concernant l’obésité, le diabète et l’hypertension, les médicaments, les erreurs médicamenteuses et les erreurs de soins en général.

M. le rapporteur. Pourriez-vous nous faire savoir quels sont les points qui vous paraissent importants et que vous n’avez pas eu l’occasion d’aborder ?

M. Pierre Chirac. Un seul n’a pas été évoqué : les seuils d’intervention en traitement préventif, par exemple, de l’hypertension ou du diabète. Il est bon de faire baisser le taux d’hémoglobine glyquée. Mais si on le fait trop baisser, cela devient nocif pour le patient. Il convient, là encore, de faire la balance entre les bénéfices et les risques.

M. le rapporteur. Nous avons entendu que les firmes, qui sont des multinationales, interviennent auprès de l’Organisation mondiale de la santé pour faire baisser les normes et les seuils. Évidemment, plus on baisse les seuils de la glycémie ou de la tension artérielle, plus on a besoin de médicaments. Est-ce un fantasme ?

M. Philippe Schilliger. Non : les seuils qui semblent raisonnables pour obtenir un bénéfice dépendent beaucoup de ceux qui les émettent.

Ainsi, l’International Society of Hypertension, qui n’est pas dénuée de conflits d’intérêts, a fixé pour le compte de l’Organisation mondiale de la santé des seuils de plus en plus bas. Bien sûr, si vous abaissez le seuil d’hypertension, vous augmentez ipso facto le nombre d’hypertendus. La Société européenne d’hypertension, quant à elle, a retenu une autre définition, qui mérite d’être rappelée : le seuil d’intervention est celui au-dessus duquel on fait plus de bien que de mal.

Les normes actuellement utilisées en France sont relativement raisonnables. En revanche, le bénéfice que l’on peut attendre d’un traitement hypertenseur en prévention primaire – on traite un facteur de risque – est limité, puisqu’il faut traiter environ 1 000 personnes pendant deux à six ans pour espérer éviter quelques accidents vasculaires cérébraux ou quelques infarctus du myocarde, qui ne sont pas forcément mortels. Cela signifie que l’évaluation de l’intervention thérapeutique doit être extrêmement étayée si l’on veut être sûr de ne pas faire pire avec des médicaments. Rappelons par ailleurs que la lutte contre l’obésité, la diminution du sel dans l’alimentation et la pratique d’une activité physique équilibrée contribuent elles aussi à limiter les risques d’hypertension.

Les sociétés internationales ont fini par créer un syndrome de « préhypertension artérielle ». Le traitement de la préhypertension avec un petit médicament leur a ouvert, de fait, un marché énorme.

Le même phénomène se vérifie pour le diabète. En prévention primaire, beaucoup d’interventions sont de cet ordre-là. Et, comme pour l’hypertension, les seuils ont baissé. Pour avoir exercé la médecine générale pendant une trentaine d’années, j’ai pu constater que la définition du diabète avait évolué, passant de 1,40 à 1,26 gramme par litre de sang et qu’en distinguant le diabète potentiel, le diabète génétique et le prédiabète, on avait multiplié le nombre des diabétiques. Remarquons tout de même que ce n’est pas la même chose que d’avoir 1,40 gramme à quatre-vingts ans qu’à cinquante ans, et qu’il ne faut pas faire baisser l’hémoglobine glyquée au-delà du raisonnable, car cela peut être mortel.

La définition des seuils est donc une notion indispensable en santé publique et dans le domaine de la prévention : elle fixe l’objectif à atteindre. L’exemple des médicaments et de l’hypertension s’applique à toutes les interventions de santé et nous permet de résumer notre propos : dans toute action, il faut que l’on sache quel est l’objectif à atteindre et à quel prix.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale procède ensuite à l’audition de MM. Yves Bonnet et Bertrand Brassens, inspecteurs généraux des finances, et de M. Jean-Luc Vieilleribière, inspecteur général des affaires sociales, coauteurs du rapport sur les fonds d’assurance maladie (juillet 2010).

M. Jean-Luc Vieilleribière, inspecteur général des affaires sociales et coauteur du rapport sur les fonds d’assurance maladie. Le rapport sur les fonds d’assurance maladie que nous avons remis en juillet 2010 fait suite à la mise en place des agences régionales de santé. Il s’agissait de savoir comment faire de ces fonds des leviers utiles. Il y a essentiellement trois types de fonds : les fonds de prévention des principaux régimes d’assurance maladie, celui du régime général des salariés, celui des exploitants agricoles et celui des indépendants –, le fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, et le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés.

La prévention n’est qu’une des composantes des dépenses que nous avons examinées dans le cadre de notre mission. Elle représente en effet 220 millions d’euros de contribution aux agences régionales de santé à travers deux canaux différents : d’une part, les fonds de prévention des grands régimes d’assurance maladie pour 40 millions d’euros et, d’autre part, le programme budgétaire 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins pour 180 millions d’euros. Cela donne une enveloppe de 220 millions d’euros délégués aux régions, à comparer aux autres dépenses des autres fonds délégables aux régions, à savoir 200 millions d’euros pour le fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins et moins de 100 millions d’euros pour le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés hors investissements. Bien sûr, ces 220 millions d’euros ne sont qu’une petite part des dépenses générales de prévention qui, selon la Cour des comptes, avaient été évaluées entre 1 et 10 milliards d’euros.

Nos préconisations sont simples : nous proposons de déconcentrer au maximum la gestion de ces fonds aux agences régionales de santé – cela concerne surtout le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés – et de donner une plus grande responsabilité de gestion des fonds aux agences régionales de santé en leur permettant de rendre ces crédits fongibles, sous réserve, bien sûr, de certaines règles de fongibilité asymétrique puisque la loi pose le principe que les crédits de prévention ne peuvent pas être affectés à d’autres actions.

M. Jean-Luc Préel, rapporteur. La Cour des comptes a montré la difficulté de définir le financement de la prévention, les montants qui lui sont destinés allant de 1 à 10 milliards d’euros selon les bases retenues. Avez-vous une idée de ce qu’est la prévention ? Le médecin traitant, qui est payé à l’acte, ne mène-t-il pas aussi une action de prévention avec ses patients ?

M. Jean-Luc Vieilleribière. C’est le rapport de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé de 2002 qui a fourni l’étude la plus aboutie dans ce domaine. La prévention, et c’est une bonne chose, est très intégrée dans le dispositif de soins lui-même. Distinguer ce qui relève de la prévention de ce qui relève du soin est donc très difficile. Certes, il y a des dépenses de prévention isolables en tant que telles mais, pour avoir une idée globale de la prévention, il faut procéder à des enquêtes qualitatives. En outre, s’il est important de se demander combien on consacre à la prévention, le plus intéressant est de savoir comment sont faites les dépenses. Sont-elles efficaces ? N’y a-t-il pas redondance dans la prescription d’examens et d’analyses ?

M. le rapporteur. Le fonds d’intervention régional sera le résultat de la fusion de différents fonds. Mais la ligne « Prévention » va être maintenue au niveau du ministère. Cette distinction est-elle justifiée ?

M. Yves Bonnet, inspecteur général des finances et coauteur du rapport sur les fonds d’assurance maladie. Nous sommes persuadés qu’il faut donner des moyens fongibles aux agences régionales de santé pour les responsabiliser et leur permettre de développer des actions de prévention adaptées au niveau régional. Il n’est pas nécessaire, en effet, de mener la même politique partout. Ainsi, l’alcoolisme n’est pas aussi flagrant dans toutes les régions françaises – et je pourrais citer bien d’autres exemples. Je ne vois donc pas pourquoi les fonds d’État ne devraient pas être également répartis dans les fonds régionaux d’intervention.

M. le rapporteur. Quel est l’obstacle ?

M. Jean-Luc Vieilleribière. Aux termes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, il semble que le nouveau fonds régional d’intervention regroupera les fonds régionaux de l’État. Cela correspond à nos préconisations. Quant à savoir si d’autres fonds pourraient être sollicités, cela revient à poser la question générale du partage entre l’échelon national et l’échelon régional. Il n’y a pas de raison par exemple, selon moi, de déconcentrer les moyens de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. De même, il reste un champ pour les dépenses nationales pour financer les actions menées sous l’étiquette prévention. En revanche, lorsque les décisions peuvent être prises par les agences régionales de santé, les dépenses visant à subventionner les opérateurs doivent être déconcentrées.

M. Bertrand Brassens, inspecteur général des finances et coauteur du rapport sur les fonds d’assurance maladie. Tout cela nous renvoie à la question du niveau pertinent de responsabilité pour la mise en œuvre d’une politique. Procédant actuellement à un audit des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, j’ai constaté que le problème était similaire. Le ministre de la santé détermine de grandes politiques nationales fléchées – tel le plan Cancer – et souhaite que les crédits soient distribués verticalement. Il revient ensuite aux agences régionales de santé de faire au mieux dans leur territoire, en définissant par exemple une politique de prévention adaptée. Mais cela implique que le directeur de l’agence ait une vraie lettre de mission, avec des objectifs suffisamment clairs qui lui permettront de faire des choix. Or les administrations centrales sont réticentes à laisser les directeurs régionaux décider seuls. Leur vision reste l’approche en tuyaux d’orgue. Un directeur d’agence régionale de santé est-il alors en mesure de choisir ses domaines d’intervention en matière de prévention ? A-t-il suffisamment de moyens ? Peut-il les gérer différemment que son voisin ? Quelle est sa légitimité ? Sur quels résultats sera-t-il jugé ?

Globalement, le Gouvernement essaie de mettre en place des structures horizontales, mais la légitimité reste verticale.

M. le coprésident Jean Mallot. Cela pose aussi le problème de l’évaluation des politiques. À quel niveau la politique de prévention doit-elle être évaluée ?

M. Yves Bonnet. Personnellement, je suis très favorable à l’échelon régional, qui n’est pas reconnu aujourd’hui à sa juste dimension. Ne devrait rester à l’échelon national que ce qui a vocation à s’appliquer de manière identique sur l’ensemble du territoire et certaines actions pour des raisons de coût. Il en est ainsi de la lutte contre le cancer, qui implique des méthodes de prévention identiques partout. Tout le reste devrait être régionalisé, à mon sens.

En ce qui concerne l’évaluation, mon collègue de l’Inspection générale des affaires sociales sera sans doute plus favorable à un système d’évaluation nationale. Mais c’est très difficile à mettre en œuvre. Je considère, quant à moi, qu’il vaudrait mieux procéder à une bonne évaluation au niveau régional, surtout si la politique est régionalisée.

M. le coprésident Jean Mallot. Qui procéderait à l’évaluation ?

M. Yves Bonnet. Pourquoi ne pas permettre aux agences régionales de santé de faire appel à des organismes d’évaluation nationaux sur un domaine d’enquête régionalisé ? Peut-être faut-il solliciter de nouveaux acteurs.

M. Jean-Luc Vieilleribière. C’est la question fondamentale de la répartition des rôles entre échelon national et échelon régional. S’agissant de l’identification des besoins d’organisation sanitaire, les instances locales sont les mieux placées. Or on a tendance à procéder de façon inverse, en partant du niveau national. Il faut d’abord connaître les besoins au niveau territorial et entendre le directeur d’agence régionale de santé. Dans un deuxième temps, il importe de voir comment peuvent être financées les actions et fixer des objectifs aux différents acteurs. Dans un troisième temps, enfin, il convient d’évaluer. Mais pour mettre en place un tel système, un dialogue entre les différents échelons est nécessaire. Il faut réfléchir ensemble aux moyens nécessaires. Dans le domaine de la prévention, c’est encore plus compliqué car la dimension temporelle doit également être prise en compte. Cela repose beaucoup sur des systèmes d’information. Or il y a beaucoup de travail en la matière. On a besoin de nouveaux outils. À cet égard, les agences régionales de santé ont eu la sagesse d’inciter le ministère à commencer à élaborer une stratégie d’information qui devrait permettre de répondre de mieux en mieux aux questions posées s’agissant de la prévention ou des dépenses de santé.

M. Bertrand Brassens. Dans ces domaines, l’approche régionalisée est sans doute la meilleure. Mais cela implique un état des lieux partagé entre l’agence régionale de santé et le Conseil national de pilotage. Il faut une lettre de mission fixant ces objectifs partagés et, sur la base de cette lettre, une évaluation des indicateurs. Or cela n’existe pas, c’est pourquoi il convient d’en rester à l’évaluation nationale pour l’instant. Si nous sommes persuadés que c’est au niveau régional qu’il importe de faire porter les efforts, nous devons savoir où sont les besoins, contractualiser des objectifs avec les agences régionales de santé et définir des outils d’évaluation pour vérifier que ces dernières ont bien tenu leurs engagements. Si la direction n’est pas clairement affirmée, nous risquons de rester dans une situation incertaine.

M. le rapporteur. Le niveau régional me convient parfaitement. J’ai toujours été favorable aux agences régionales de santé, même si la façon dont elles ont été mises en place ne correspond pas tout à fait à ce que je souhaitais, leur organisation me semblant trop jacobine. Vous dites qu’il faut plus d’autonomie et de fongibilité, et qu’à cet égard la création du fonds d’intervention régional constitue un progrès. Mais vous avez aussi indiqué qu’il y avait des difficultés pour distinguer la prévention et le soin à proprement parler. La logique de la création des agences régionales de santé, qui reviennent sur la séparation entre la prévention, les soins, la médecine de ville, l’hôpital, le sanitaire, le médico-social, devrait conduire à créer des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie, qui leur donneraient une véritable autonomie. On m’a expliqué que ce serait très compliqué à mettre en place. J’ai le sentiment, mais c’est peut-être un peu simpliste, qu’il suffirait de donner à chaque région pour 2012 ce qu’elles ont perçu dans le secteur de la santé en 2011 augmenté de 2,5 % ou de 2,8 %. Qu’en pensez-vous ?

M. Yves Bonnet. On ne peut pas sous-estimer les difficultés soulevées par des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie, dans lesquels il y a une part de dépenses qui viennent d’une multitude d’acteurs et qui ne sont pas maîtrisables : la partie pilotée est très faible. Nous indiquons dans notre rapport que les fonds d’assurance maladie représentent moins de 1 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Cela étant, pour responsabiliser les acteurs, il faut permettre une gestion globale et transversale des dépenses. Telle est la bonne direction.

M. Jean-Luc Vieilleribière. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie est un outil de régulation des dépenses d’assurance maladie. Pourquoi ne pas envisager des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie ? La première question est de savoir comment répartir les dépenses entre les différentes régions. Vous suggérez d’en rester aux bases historiques. Certes, mais cela pose un premier problème politique. En effet, dès lors qu’il existe des disparités de dépenses par tête selon les régions, comment justifier l’organisation du système à partir de bases historiques ? On peut imaginer une convergence progressive vers une cible, mais comment organiser cette convergence ?

Enfin, se pose la question de la régulation. On a décidé en 2005 de développer massivement le champ de la tarification à l’acte en passant d’une dotation globale à la tarification à l’activité sur le champ hospitalier, qui est en elle-même un facteur de rééquilibrage régional direct et massif. Aujourd’hui, les dépenses de médecine et de chirurgie-obstétrique vont là où les soins sont effectués…

M. le coprésident Jean Mallot. Mais pas forcément là où ils sont nécessaires !

M. Jean-Luc Vieilleribière. J’ai dit que c’était plus juste : je n’ai pas parlé de justice parfaite. Cela me semble préférable à une dotation globale reposant sur des bases historiques datant de plusieurs décennies. Lorsque j’étais à la direction de la sécurité sociale, j’ai lancé des études permettant de comparer la consommation de soins entre les différents départements et les différentes régions. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques a beaucoup travaillé sur ces sujets à partir des données de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés afin d’avoir la vision la plus globale possible. Aux termes de ces enquêtes et après avoir redressé les caractéristiques sanitaires et sociales de la population, il apparaît que les écarts régionaux ou départementaux de dépenses de soins hospitaliers ne sont pas très importants. En matière de soins ambulatoires, en revanche, il reste de nombreux facteurs inexpliqués. On sait que les dépenses par tête de soins de ville sont beaucoup plus importantes dans le sud de la France que dans le nord, ce qu’explique peut-être en partie la structuration différente du médico-social.

Dès lors qu’on adopte un système de tarification nationale et de liberté d’installation des professionnels de santé, il serait délicat de résoudre la contradiction qui apparaîtrait si les objectifs étaient fixés au niveau régional. Souhaite-t-on politiquement pousser la confusion jusqu’au bout ? Les tarifs deviendraient alors régionaux, ce qui ne manquerait pas de poser des questions concernant l’égalité financière des citoyens. Souhaite-t-on remettre en cause la liberté d’installation ?

S’agissant toujours de la régulation, je veux souligner un autre paradoxe. Nous avons fortement développé la tarification à l’acte en passant à la tarification à l’activité (T2A), mais les leviers de régulation infra-annuelle, en cas de risque de dépassement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, se concentrent sur les reliquats budgétaires, et notamment sur nos fameux fonds alors même qu’on a créé des agences régionales de santé. On prétend instituer des agences régionales de santé responsables, mais on régule les seuls leviers directs dont elles disposent. Pourquoi ne fait-on pas porter davantage la régulation infra-annuelle sur le tarif des actes ? À peine les agences régionales de santé sont-elles créées qu’on commence à amputer leurs moyens !

M. Yves Bonnet. Je ne pense pas que la régulation puisse porter sur la tarification. Avoir des tarifs uniformes permet de réguler le système.

Avec l’objectif régional de dépenses d’assurance maladie, on pourrait sans doute sensibiliser les acteurs locaux. La simple réunion de la conférence de l’agence régionale de santé en cas de dépassement des dépenses conduirait chacun des intervenants à prendre conscience des difficultés propres à son territoire.

Il faudrait prendre des mesures pour favoriser la régulation, mais des mesures qu’on ne peut pas prendre au niveau national, car ce serait ingérable politiquement – je pense à la liberté d’installation des médecins. On pourrait développer au niveau régional des mesures incitatives de redéploiement de la population médicale en fonction de critères divers et variés restant à définir.

M. le coprésident Jean Mallot. Comment procéder à un rééquilibrage entre les régions ? Comment déterminer des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie ? Cela pourrait donner lieu à un débat parlementaire fort intéressant… Ces objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie pourraient être différents d’une région à l’autre, dans leur taux d’évolution, leurs structures et leur contenu. Si une région s’écartait des objectifs plus qu’une autre – je ne ferai pas de comparaison déplacée avec la zone euro –, comment pourrait-on corriger les déséquilibres ?

M. Yves Bonnet. Tout en étant favorable à une régulation au niveau régional, je ne suis pas opposé à une régulation nationale, ni au fait que la représentation nationale se saisisse de ce problème. Notre système est trop centralisé et les solutions sont devenues frontales. Les acteurs du système de soins se transforment en groupes de pression au lieu de prendre en compte la réalité des difficultés et des dépassements de dépenses. C’est à travers ce travail de prise de conscience et d’appel à la responsabilité de chacun que nous pourrons, lentement sans doute, faire en sorte qu’un objectif régional de dépenses d’assurance maladie permette une régulation.

M. Bertrand Brassens. En tout état de cause, il n’y aurait aucun objectif régional de dépenses d’assurance maladie parfait car, entre le poids du passé et l’objectif à atteindre, il y aurait forcément des équilibrages politiques. L’essentiel est de sortir d’un système d’irresponsabilité. La responsabilité des agences régionales de santé est affirmée alors qu’elles sont retenues par des liens bien que leurs fonds soient assez limités. Le directeur d’une agence régionale de santé doit être un vrai patron disposant, dans une enveloppe limitée, de moyens fongibles et de capacités d’intervention. C’est ainsi qu’il doit être jugé.

Je crains qu’on ne refasse avec les agences régionales de santé ce qui avait été mis en place avec les agences régionales de l’hospitalisation et qu’on retrouve à la tête des agences régionales des gens incapables de prendre leurs responsabilités. Ne restons pas au milieu du gué !

M. le rapporteur. Vos remarques sur les agences régionales de l’hospitalisation sont très intéressantes. Il y a eu recentralisation entre les agences régionales de l’hospitalisation de première et de deuxième génération. Pour ce qui concerne les objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie, j’ai proposé de reprendre les bases historiques pour des raisons de simplicité. Peut-être suffirait-il de prévoir un taux d’évolution et de corriger les disparités en prenant des critères simples comme notamment la morbidité, la mortalité et l’âge de la population.

Quant à la prévention, comment la pratiquer dans de bonnes conditions si l’on ne prend pas en compte l’Éducation nationale et la médecine du travail ? Comment peut-on coordonner la santé, l’Éducation nationale et la médecine du travail en termes financiers et d’efficacité ?

M. Bertrand Brassens. C’est au niveau régional qu’il est le plus facile de contractualiser. Certes, le préfet de région n’a pas autorité pour tout. Mais dès lors qu’un accord est intervenu entre l’agence régionale de santé, le rectorat et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la contractualisation sur des objectifs est possible. Au lieu de chercher la perfection, il importe de passer des contrats pour les objectifs sur lesquels il est possible de disposer d’une marge de manœuvre, et de vérifier ensuite si l’on a progressé.

M. Jean-Luc Vieilleribière. L’échelon territorial me paraît le plus pertinent. La gouvernance des agences régionales de santé prévoit d’ailleurs des commissions de coordination sur tous ces sujets de prévention, que ce soit la santé scolaire et la santé au travail. Pour avoir travaillé sur les organismes de planification et d’éducation familiale, j’ai appris aussi que les départements ont un rôle très important à jouer sur certains aspects de la prévention. Les agences régionales de santé sont d’ores et déjà reconnues par les différentes parties prenantes comme des interlocuteurs légitimes pour les aider à se coordonner sur le plan sanitaire. Dans le domaine de la planification et de l’éducation familiale, il suffit par exemple de vérifier que les départements et les inspections d’académie ont une vision globale des établissements scolaires couverts par les interventions en matière de santé sexuelle.

M. le coprésident Jean Mallot. La prévention consiste en des actions quotidiennes, immédiates, multiples, dont on ne mesure pas toujours le bénéfice, lequel existe cependant, à long ou à très long terme. Comment faire en sorte que les organismes qui investissent à court terme puissent en tirer un bénéfice ? À défaut, la motivation ne peut qu’être atténuée. On a constaté que certains organismes privilégiaient les actions de prévention dont ils pouvaient mesurer l’impact assez rapidement, or cela ne correspond pas forcément à l’intérêt général.

M. Yves Bonnet. Peut-être le système de rémunération à l’acte pourrait-il être complété par une rémunération par patient, dans le cadre du système du médecin référent, qui serait l’unique interlocuteur et qui orienterait à ce titre toute la politique de prévention et de soins. Cela ne devrait pas être trop coûteux.

M. Bertrand Brassens. Dans le cadre des contractualisations passées avec les maisons de santé, on a précisément fixé des objectifs de prévention novateurs – la tâche est plus facile lorsqu’on est proche des acteurs de terrain. On peut ensuite en mesurer les effets.

M. le rapporteur. Dans les nouvelles conventions médicales, les indicateurs sont quantitatifs, et non qualitatifs, ce qui est regrettable.

M. Jean-Luc Vieilleribière. Le paiement à l’acte n’est pas l’alpha et l’oméga du financement du système de santé. Nous avons besoin d’une diversification des modes de rémunération. C’est dans cette voie que s’engage d’ailleurs la dernière convention médicale à travers le paiement à la performance, avec des indicateurs, certes perfectibles, au fil de l’expérience et du temps. Vérifier le suivi des vaccinations, ainsi que des dépistages, et les analyses des diabétiques, est déjà un progrès.

Plus nous progresserons dans la diversification des modes de tarification, plus nous disposerons de marges de déconcentration vers les échelons territoriaux. Aujourd’hui, elle s’opère dans le cadre conventionnel. Peut-être y aura-t-il toujours une place pour le paiement à la performance dans ce cadre, mais on peut aussi envisager des modes de paiement à la performance plus déconcentrés à l’avenir.

S’agissant du rendement des dépenses de prévention, la question est extrêmement complexe. Sauf dans certains cas très particuliers, il est très difficile d’avoir une perception de ce rendement. En tout état de cause, je ne pense pas que les décisions de faire ou de ne pas faire de la prévention reposent d’abord sur des considérations économiques. Certes, le raisonnement économique a sa place, mais il est encore plus présent lorsqu’il s’agit de choisir entre les différents moyens de faire de la prévention. On trouverait sûrement des marges de redéploiements financiers importants si, sur chaque objectif précis de prévention de santé publique, on s’interrogeait sur l’efficacité sanitaire et le rendement économique du dispositif. Il faudrait en outre vérifier que le dispositif en question ne contribue pas à renforcer les inégalités de santé, car le public le plus sensible à la prévention n’est souvent pas celui qui en a le plus besoin.

(M. Jean-Luc Préel remplace M. Jean Mallot à la présidence de la séance.)

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Vous avez insisté sur l’importance du niveau régional, voire départemental et municipal. La lutte contre l’obésité peut en effet être traitée dans les écoles et l’on sait que des communes sont intervenues dans la composition des repas servis dans les cantines. Les associations jouent aussi un rôle intéressant. Mais vous avez également souligné une lacune au niveau du pilotage national. Dans votre rapport vous avez mis l’accent sur les relations entre le comité de pilotage des agences régionales de santé, les directions du ministère et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Peut-on imaginer un pilotage national interministériel ? La Cour des comptes proposait que le directeur général de la santé soit le délégué interministériel à la prévention. Qu’en pensez-vous ?

M. Yves Bonnet. Il existe dans la loi organique relative aux lois de finances des outils permettant de suivre les missions interministérielles en termes budgétaires et de performances. Certes, on peut prévoir un délégué interministériel, mais ceux que j’ai rencontrés ne m’ont pas convaincu de l’importance de leur rôle et de leur capacité à piloter ou à favoriser l’évolution des systèmes.

Je n’ai pas de solution parfaite à proposer. Toutes les bonnes volontés peuvent concourir aux actions de prévention. Il serait ainsi dommage de se priver du niveau communal si un travail de fond y est réalisé. Le rôle du délégué interministériel pourrait précisément consister à centraliser les résultats des différentes expériences menées. Aujourd’hui, nous ne recueillons pas les fruits de ces expériences.

M. Bertrand Brassens. Je suis réservé sur la multiplication des structures et des délégués : plus on a de pilotes et moins on en a vraiment !

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Nous proposons qu’il n’y ait qu’un seul pilote.

M. Bertrand Brassens. Il y a déjà la délégation générale de pilotage des agences régionales et les administrations centrales. Il me paraît préférable de conforter le rôle de l’agence régionale de santé. Au lieu de rechercher une architecture ambitieuse et parfaite que nous ne parviendrons jamais à mettre en place, essayons plutôt de trouver des éléments sur lesquels nous pourrions apporter des améliorations. Demandons aux agences régionales de santé de faire un état des lieux, de choisir des sujets sur lesquels un travail partenarial utile pourrait être conduit dans leurs régions, comme le diabète dans une région ou l’obésité dans une autre, puis de montrer qu’elles ont réussi à faire collaborer le département, la région et les associations, en injectant les crédits nécessaires. C’est sur ces actions positives qu’elles seront jugées.

Un tel système aurait une valeur pédagogique. Il resterait ensuite à diffuser les résultats de l’expérience.

M. Jean-Luc Vieilleribière. Le travail entre les institutions doit d’abord passer par une action de terrain. Les agences régionales de santé sont bien placées à cet égard. On a organisé une transversalité au niveau des agences régionales de santé ; il faut à présent organiser le pilotage national. Pour que le système soit efficace, un dialogue disposant de moyens entre l’échelon national et l’échelon régional doit être instauré. Ce chantier est prioritaire. Certes, on peut créer des délégations interministérielles, mais je crains qu’elles n’accaparent les énergies, d’autant plus qu’il faut compter avec les actions à mener pour assurer le partage de l’information avec toute la sphère santé, dont l’assurance maladie et les hôpitaux.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Je souhaite que soit renforcé le rôle des conférences régionales de santé car elles permettent de réunir tous les acteurs de la santé au niveau régional. On pourrait leur demander de veiller à la répartition et au fonctionnement de l’objectif régional de dépenses d’assurance maladie. Ce serait un moyen de responsabiliser les acteurs, et notamment les professionnels de santé, qui sont souvent en position de revendication. Ce point de vue n’est malheureusement pas partagé pas tout le monde…

Comment peut-on mieux prendre en compte les problèmes de prévention et définir les priorités ? Que pensez-vous du rôle du Haut conseil de la santé publique ? Est-il utile ? Doit-on prendre en compte ses propositions ?

M. Jean-Luc Vieilleribière. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions de santé publique et je ne pense pas que l’Inspection générale des affaires sociales ait une doctrine en la matière. Il me semble que toutes ces instances de démocratie sanitaire ont leur place. Les agences régionales de santé ont précisément pris en compte une forte composante de démocratie sanitaire dans leur organisation. Les analyses économiques et financières doivent éclairer les décisions prises dans le cadre du processus de démocratie sanitaire. Pour autant, ce n’est pas à elles de définir tous les objectifs. Certes, il faut cibler davantage les priorités en matière de santé publique, mais il ne faut pas se priver d’une batterie d’indicateurs sur l’ensemble des sujets car ceux-ci doivent être suivis dans le temps.

M. Yves Bonnet. Le monde de la santé est extrêmement centralisé. C’est sans doute cela qui a conduit à l’échec de la première réforme des agences régionales de l’hospitalisation. La culture fondamentale est celle du détail au lieu d’être dans le conseil. Or, assez curieusement, la structure sanitaire qui est extrêmement centralisée se dote d’une multitude d’organismes susceptibles de lui donner des avis comme sur le médicament, par exemple. Mais cela ne fonctionne pas.

Je partage donc votre sentiment sur l’intérêt d’une forte déconcentration. Si des outils d’évaluation nationaux me paraissent toujours nécessaires, pourquoi ne pas en créer également au niveau local ? S’il faut réfléchir aux priorités, il faut pouvoir retrouver ces outils d’orientation sur le plan régional.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Comment le Conseil national de pilotage fonctionne-t-il à côté des directions du ministère de la santé ?

M. Yves Bonnet. Le Conseil national de pilotage est théoriquement présidé par le ministre de la santé. Mais je ne pense pas qu’il ait le temps pour cette fonction et je ne suis pas sûr que, statutairement, le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales ait les moyens d’imposer une vue transversale aux différentes directions. Peut-être cela va-t-il changer…

M. Bertrand Brassens. À l’époque de l’élaboration de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, j’avais le sentiment qu’il fallait plutôt renforcer le rôle du Conseil national de pilotage en matière de diffusion des bonnes pratiques, d’aide à la contractualisation, à la fixation d’objectifs.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. C’est la raison pour laquelle, lors de la création des agences régionales de santé, certains avaient proposé de mettre en place une agence nationale de pilotage. Nous avons le sentiment que les directions du ministère de la santé se surveillent les unes les autres, ce qui complique le fonctionnement de l’ensemble. Le pilotage global des agences régionales de santé est pourtant essentiel même si on leur laisse une grande liberté. On sait que le ministère est tenté de les recadrer et de leur donner des directives. Du reste, le maintien des enveloppes fléchées avec des sous-objectifs est une façon de les contrôler. C’est ce qui me fait plaider en faveur d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie.

M. Bertrand Brassens. Montrer, dans un système fléché, qu’une initiative prise par une agence régionale de santé a débouché sur des résultats donnera des idées à d’autres. Plus les expériences positives seront connues, plus nombreuses seront les agences régionales de santé désireuses de prendre leurs responsabilités. Il apparaîtra alors au niveau national que l’échelon régional est opérationnel. Les actions menées au niveau régional n’ont pas été suffisamment valorisées jusqu’à présent. En le faisant, nous favoriserons l’irréversibilité de la décentralisation et nous renforcerons ainsi la logique partenariale régionale, et non plus une logique verticale.

M. Jean-Luc Vieilleribière. Je ne pense pas qu’on puisse résoudre des segmentations nationales en transformant simplement les sous-objectifs de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Il faut modifier les outils de tarification. Ces sous-objectifs n’existent que parce qu’il y a des leviers de régulation différents. Concrètement, une grande partie des dépenses hospitalières sont faites dans l’objectif « soins de ville » à travers les actes des médecins libéraux qui interviennent dans les cliniques. C’est à travers les tarifs de soins de médecine de ville qu’on régule cette dépense et non pas par l’intermédiaire des leviers hospitaliers.

Cela nous renvoie à la question posée précédemment : les outils tarifaires doivent-ils se situer au niveau national ou au niveau régional ? Je ne suis pas sûr qu’il faille passer par le prisme de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour résoudre toutes ces contradictions.

Le Conseil national de pilotage est-il une instance suffisamment structurante par rapport à l’étape franchie dans le domaine de la transversalité via les agences régionales de santé ? La question méritera d’être posée dans quelque temps. Pour structurer les systèmes d’information des agences régionales de santé, nous aurons besoin d’une politique parfaitement coordonnée entre les différentes administrations centrales et, au-delà, avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, voire avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ne décide pas elle-même du montant du fonds de prévention. Puisqu’il n’y a plus de conseil d’administration, puisque les partenaires sociaux ne décident plus, puisque son directeur est nommé en conseil des ministres, quelle est la légitimité de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ? N’est-elle pas devenue aujourd’hui une simple agence plus ou moins indépendante ? Elle s’occupait surtout de la médecine de ville, mais son directeur souhaitant à présent s’occuper aussi de l’hôpital, fonctionnera-t-elle en harmonie complète avec le ministère ?

M. Jean-Luc Vieilleribière. L’organisation actuelle de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés résulte de la réforme de l’assurance maladie intervenue en août 2004. La logique de celle-ci consistait à déléguer les responsabilités aux différents acteurs. C’est notamment pourquoi ont été créés les différents sous-objectifs de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, considérant qu’existaient à la fois un pilote des soins de ville avec l’assurance maladie, un pilote des soins hospitaliers à travers ce qui était alors la direction de l’offre de soins et enfin un pilote du secteur médico-social qui était la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, soit un pilote défini pour chaque grand champ de dépenses de santé. La création ultérieure des agences régionales de santé a croisé cette logique en organisant une certaine transversalité entre ces secteurs.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. La question de la transmission des données de santé est cruciale. La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés se montre réticente à ce que les caisses complémentaires aient accès à des données dont elle se sent propriétaire et pour lesquelles elle évoque le principe du secret médical. Au cours de l’une des auditions de la semaine dernière, a pourtant été évoquée une expérience tout à fait enrichissante, conduite par Groupama et la Mutualité sociale agricole, consistant à mettre en place un rétinographe mobile afin de réaliser des examens de fond de l’œil dans les zones rurales pour mieux y suivre les cas de diabète et d’hypertension artérielle. Les informations ainsi recueillies étaient ensuite transmises, par « télémédecine », à un ophtalmologue chargé de les interpréter. Mais cette expérience s’est heurtée à la difficulté de prendre contact avec les patients concernés en raison d’une mauvaise connaissance du public potentiel. Comment éliminer ce type de frein aux actions de prévention ? Ne faut-il pas lever l’anonymat afin de pouvoir s’adresser aux seuls patients visés ?

M. Jean-Luc Vieilleribière. En la matière, l’implication du législateur peut être déterminante : la confiance du citoyen dans le secret médical constitue en effet une des conditions de base du fonctionnement de notre système de santé et d’assurance maladie. Le partage des données médicales ne saurait s’opérer sans garanties de confidentialité pour les personnes : c’est un enjeu politique majeur. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit déjà ce partage entre l’assurance maladie et les agences régionales de santé qui est essentiel pour toute une série d’actions d’évaluation des politiques de santé. La Haute Autorité de santé peut également avoir besoin, soit directement, soit par des experts qu’elle mandate, d’utiliser des données médicales. Il faut alors savoir qui est responsable de la préservation du caractère anonyme de celles-ci.

M. Yves Bonnet. Le problème du secret médical pourrait être assez facilement résolu par la transmission des données exclusivement entre médecins, rattachés à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés comme aux caisses complémentaires. Le régime de la propriété des données appelle une intervention du législateur afin d’établir clairement que des nécessités d’intérêt public peuvent autoriser les organismes publics responsables de la politique de santé d’avoir accès aux données.

Je me suis aperçu, grâce une étude réalisée par des médecins de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, que la prévention du cancer du sein aboutissait à un nombre excessif d’interventions chirurgicales. La responsabilité médicale individuelle incite en effet à intervenir trop en amont sur la base de la détection d’un risque de cancer. Il y aurait donc intérêt à ce que les données médicales individuelles soient rendues davantage accessibles afin qu’on puisse les retraiter et en tirer des orientations. C’est à la loi qu’il appartient de dire ce qu’il est, ou non, possible de faire dans ce domaine.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Ce que vous avez dit du cancer du sein rejoint les remarques formulées par la Cour des comptes concernant le cancer de la prostate et l’excès d’interventions opérées sur des personnes déjà trop âgées pour y résister sans séquelles. Le problème du cancer du sein se pose différemment : une anomalie détectée lors de la mammographie entraîne une biopsie extemporanée ; si celle-ci démontre l’absence de cancer, on ne va pas plus loin en chirurgie. Mais la patiente, avant d’être rassurée, a été inquiétée. La Cour des comptes a certes observé que l’on pouvait distinguer les cancers selon leur degré plus ou moins élevé d’évolution. Mais est-il sage de ne pas toucher à un cancer au motif qu’il serait peu évolutif ? Je ne suis donc pas très convaincu par votre argumentation sur les excès d’interventions chirurgicales.

Avez-vous d’autres remarques dont vous voudriez nous faire part ?

M. Yves Bonnet. Oui, mais en dehors du champ de la prévention.

Le fonds régional d’intervention qui va être créé n’intégrera pas les dépenses d’investissement. Or il serait possible de laisser à disposition de l’agence régionale de santé des dépenses inférieures à un certain seuil.

Il va falloir construire de nouveaux hôpitaux. Nous l’avons fait massivement dans le passé, et pas toujours de façon pertinente. Un nouvel établissement hospitalier constitue un équipement visible, à la différence des investissements dans l’informatique ou dans l’organisation, bien que ceux-ci s’avèrent plus productifs pour l’équilibre du système de santé. C’est pourquoi, en dehors des très grands investissements qui exigent une compétence centrale, il conviendrait de retirer du niveau national une partie des moyens financiers, en fixant par exemple le seuil à 10 millions d’euros, en dessous duquel la compétence deviendrait régionale. D’importants efforts sont à réaliser dans des domaines tels que celui de la chirurgie ambulatoire, qui en France accuse un gros retard et pourrait être développée grâce à des fonds locaux.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 propose justement de retirer du fonds régional une partie de l’investissement hospitalier, considéré comme déjà suffisant. Mais je suis étonné chaque année des annulations ou des non-reconductions de crédits en raison de leur non-consommation au cours du précédent exercice. Comment expliquer cette non-utilisation de fonds alors que les besoins existent ? Nous avons tous entendu, hier les agences régionales de l’hospitalisation, aujourd’hui les agences régionales de santé, se plaindre de leur manque de moyens, et nous avons dû constaté ensuite, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’annulation d’une partie de ceux qui étaient inscrits.

M. Bertrand Brassens. Cela résulte notamment de l’insuffisante fongibilité des crédits : affectés à des actions très précises, ils ne peuvent être transférés sur d’autres postes dans l’hypothèse où, pour des raisons de délais ou de procédure, celles-ci ne peuvent être totalement exécutées. On retrouve encore l’opposition classique entre la logique verticale, qui ne saurait disparaître du fait de l’existence de politiques nationales, et la meilleure adaptation au niveau régional des agences régionales de santé à certains arbitrages afin d’appliquer le principe de responsabilité des décisions prises et de leur évaluation. Une plus grande fongibilité, pour des montants d’investissements relativement faibles, permettrait d’éviter que des crédits restent inemployés ou soient utilisés autrement, sans évaluation satisfaisante, simplement pour qu’on ne les annule pas.

M. Jean-Luc Vieilleribière. La fongibilité apporte en effet une première réponse à la sous-consommation de certains crédits. Mais la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003, qui a créé le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, a déjà prévu une déchéance quadriennale. Il existe aussi des explications rationnelles à certains cas de sous-consommation, notamment en matière d’investissements ou de programmes pluriannuels dans le domaine médico-social. Car des délais incompressibles séparent la prise de décision, selon l’inscription des crédits dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, de la matérialisation des dépenses correspondantes. L’abus du levier de régulation consistant à annuler les crédits non consommés dans les temps peut provoquer l’effet pervers d’inciter les gestionnaires à dépenser le plus possible afin de saturer leurs enveloppes. Nous avons souvent constaté cette pratique au cours de notre enquête.

M. Yves Bonnet. Les agences régionales de l’hospitalisation constituaient de petites équipes qui n’avaient pas les moyens d’assurer un suivi des décisions d’investissement, alors que les actuelles agences régionales de santé peuvent le faire, aussi bien sur la durée des opérations que pour relever l’abandon de certaines d’entre elles.

M. Bertrand Brassens. Cela suppose que l’on se dote d’un véritable système d’évaluation, indissociable de la responsabilité, mais nous n’en sommes qu’à ses débuts. Tant qu’il ne sera pas au point, l’échelon central freinera toujours la délégation comme la fongibilité des crédits.

Il faut commencer par fixer quelques engagements sur des objectifs de performance et juger les responsables sur les réalisations correspondantes.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Messieurs, je vous remercie.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale procède enfin à l’audition de M. Michel Brault, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, et M. Philippe Laffon, directeur de la santé.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Messieurs, je ne vous rappellerai pas qu’on reproche à notre système de santé une trop grande orientation vers les activités curatives au détriment des actions de prévention. La Cour des comptes préconise dans ce domaine une politique coordonnée et « pilotée ».

Votre organisme joue un rôle important auprès d’une population spécifique en faveur de laquelle il déploie déjà des actions de prévention.

Comment, selon vous, distinguer la prévention du soin ? En indiquant à un patient comment améliorer son hygiène de vie, un médecin n’exerce-t-il pas aussi une action de prévention ?

La Cour des comptes estime ainsi, dans une fourchette large, le montant des dépenses de prévention entre un et dix milliards d’euros.

Quelle est votre participation aux fonds dédiés à la prévention ? Quelles évolutions attendez-vous de la création du fonds d’intervention régional ?

M. Michel Brault, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole. La Mutualité sociale agricole entretient une approche spécifique de la prévention dans la mesure où elle gère l’ensemble des risques – maladie, famille, retraite, accidents du travail et maladies professionnelles – et qu’elle exerce directement d’importantes actions sanitaires et sociales, comprenant notamment des services de médecine du travail et des « préventeurs ». Pour nous, la notion de prévention ne couvre pas exclusivement les questions de santé mais, plus largement, le rapport au vieillissement, à la dépendance, à l’isolement ou aux risques professionnels.

Nous n’inscrivons dans nos comptes, au titre de la prévention, que les dépenses correspondant à sa stricte définition et telle que codifiée. Nous n’avons donc pas connaissance de la part de prévention dans la consultation classique du médecin traitant.

Selon cette conception, étroite, nos activités de prévention s’élèvent à environ 32 millions d’euros, soit 0,3 % de la totalité de nos dépenses d’assurance maladie, qui s’élèvent à environ 11 milliards d’euros. Le montant correspondant est prévu dans notre convention d’objectifs et de gestion et ainsi planifié sur cinq ans avec une quasi-stabilité de son niveau. Chaque année, un arrêté ministériel le confirme et indique la nature des dépenses que nous pouvons engager dans ce cadre.

Environ la moitié de cette somme, soit 16,5 millions d’euros, est affectée à des actions pilotées par l’État, telles que les dépistages des cancers, les campagnes de vaccinations et de prévention bucco-dentaire. 1,2 million d’euros, soit 4 % de l’enveloppe, alimentent les fonds de prévention des agences régionales de santé. 14,2 millions d’euros – 45 % de l’enveloppe – financent des actions institutionnelles définies par la Mutualité sociale agricole. Il s’agit, en majorité, pour 12,2 millions d’euros, de ce que nous appelons les « Instants santé », dénommés autrefois « Examens de santé », actions ciblées en fonction des tranches d’âge. L’enveloppe restante, de 2 millions d’euros, s’insère, pour l’essentiel, dans les plans nationaux de la Mutualité sociale agricole, tels que « Seniors, soyez acteurs de votre santé », ou les « Ateliers du bien vieillir », ainsi que dans des actions d’éducation thérapeutique. Enfin, nous consacrons environ 300 000 euros à des initiatives locales, conduites par chacune de nos trente-cinq caisses.

Nous menons parallèlement, et pour des sommes plus substantielles – environ 115 millions d’euros –, d’importantes actions de médecine du travail et de prévention des risques professionnels, mais qui n’entrent pas dans le champ de la prévention stricto sensu.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Quand vous menez, par exemple, une action d’information sur les pesticides, dans quelle rubrique la classez-vous ?

M. Michel Brault. Elle est classée dans la rubrique de la prévention du risque accidents du travail soit des salariés, soit des exploitants agricoles. Elle ne figure donc pas dans l’enveloppe de 32 millions d’euros. Mais notre approche globale de la personne ne permet pas de distinguer strictement la santé du risque professionnel ou de problèmes tels que l’isolement. Ainsi, lorsque nous mettons en œuvre un plan de prévention du suicide, il est difficile d’apprécier dans quelle rubrique : santé ou risque professionnel le rattacher.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Pour certaines agences régionales de santé, notamment en Bretagne et en Pays de la Loire, la question du suicide fait partie des priorités de la prévention.

M. Philippe Laffon, directeur de la santé de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole. La prévention du suicide constitue une problématique de santé publique, comme le montre le plan gouvernemental qui vient d’être annoncé par Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé. Mais la Mutualité sociale agricole a abordé le sujet sous l’angle professionnel car il s’agit, principalement, d’un risque psychosocial, contre lequel nous recourons à l’expertise de médecins du travail, de conseillers en prévention des risques professionnels qui se rendent dans des exploitations ou dans des entreprises. Pour autant, le phénomène résulte de facteurs multiples, qui peuvent être d’ordre privé, familial, conjugal ou professionnel. Il faut donc établir des passerelles entre ce qui relève du cadre de la prévention générale de santé publique et ce qui relève de la prévention des risques professionnels. C’est sous l’aspect purement budgétaire et administratif que nous avons classé cette action dans la deuxième catégorie.

On pourrait citer d’autres exemples comme celui des pesticides ou, plus généralement, ceux des maladies d’origine professionnelle. Des études montrent qu’une problématique particulière du cancer de la peau, le mélanome, se manifeste dans la population que nous couvrons.

Nous devons donc proposer des actions au titre des risques professionnels, comportant des conseils pour l’exercice de l’activité professionnelle, ce qui n’empêche pas une prévention au titre de la santé publique afin d’inciter les personnes à protéger leur peau. Il en va de même de la vaccination antitétanique : c’est souvent à l’occasion d’examens liés à l’activité professionnelle que nous repérons des personnes particulièrement exposées, du fait de leur contact fréquent avec des animaux, avec du bois ou des épines. Mais, dans le cadre d’examens de santé généraux, comme nous les pratiquons avec les « Instants santé », nous rappelons aussi l’intérêt à se tenir à jour de ses vaccinations. Les frontières administratives et financières entre les deux types de prévention, étanches au plan de l’organisation, ne le sont pas dans les relations avec nos assurés.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Les 115 millions d’euros que vous avez mentionnés correspondent-ils à des actions autonomes ou sont-ils intégrés dans la convention d’objectifs et de gestion avec l’État ?

M. Michel Brault. Ils sont intégrés dans la convention d’objectifs et de gestion mais inscrits à un chapitre spécifique, ainsi que le fonds de la médecine du travail et les fonds relatifs à la prévention des accidents du travail. Nous menons une politique globale qui, néanmoins, respecte un cadre dissocié que justifient des financements différenciés. Ainsi, pour la médecine du travail, nous prélevons une cotisation de 0,42 % sur les salaires mais, pour la prévention, nous appliquons une quote-part de la cotisation accidents du travail. Alors que le fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaires agricoles est imputé sur l’assurance maladie.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Vous avez indiqué que vos crédits de prévention étaient stables pour les cinq prochaines années. Comment l’expliquer alors que la prévention doit être développée ? La même stabilité vaut-elle pour les 115 millions d’euros ?

M. Michel Brault. Nos crédits progressent de 1,4 % par an seulement afin de compenser l’inflation. Il est vrai que nous avons sollicité beaucoup plus au ministère. Mais celui-ci a considéré que notre population diminuait et donc que le maintien du niveau du fonds équivalait à une certaine augmentation… Nous restons bien sûr preneurs d’autorisations de dépenses supérieures.

Dans le domaine de la médecine du travail, nous disposons d’une plus grande souplesse car, nos obligations réglementaires s’appliquant à la couverture des salariés agricoles, un quota de médecins est fixé en fonction du nombre d’assurés et de la nature de leur activité, selon qu’elle s’exerce dans des bureaux ou sur des exploitations. Nous pourrions donc dépasser nos autorisations budgétaires dès lors que l’on constaterait une augmentation du salariat agricole.

Nos populations sont particulièrement précaires et fragiles en raison de l’importance occupée par le travail occasionnel et saisonnier. Souvent, la médecine du travail ne prend pas en compte les salariés dont l’activité est inférieure à 42 jours de travail par an. Or, c’est justement l’occasion de faire bénéficier à ces salariés d’examen de médecine du travail. Nous avons là une approche spécifique à mettre en œuvre.

Si la masse salariale est stable, nos fonds de prévention le sont également.

L’essentiel de nos charges dans ce domaine correspond aux salaires des médecins du travail et des « préventeurs ».

Les entreprises nous versent quelques subventions pour accompagner certaines de nos actions, pour environ 10 millions d’euros, ce qui est minime par rapport à la masse de nos dépenses.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Disposez-vous de centres d’examen de santé spécifiques ?

M. Michel Brault. Non. Dans le cadre de nos « Instants santé », nous recourons à des laboratoires et à des médecins extérieurs à la Mutualité sociale agricole.

M. Philippe Laffon. Nous n’avons pas de centres d’examen de santé comme il en existe pour le régime général. Nous recourons essentiellement à la médecine de ville et aux médecins généralistes pour mettre en œuvre nos actions de prévention. Le code rural prévoit d’ailleurs l’obligation de proposer à nos assurés un examen périodique de leur état de santé, que nous réalisons tous les dix ans, par tranche d’âge à partir de vingt-cinq ans. Nous adressons aux personnes un auto-questionnaire d’évaluation de leur santé, nous leur demandons de procéder à des analyses biologiques, puis nous rémunérons leur médecin traitant pour une consultation de prévention au cours de laquelle il effectue un examen global.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Selon quelle cotation ?

M. Philippe Laffon. C2.

Nous disposons ainsi d’un panorama global de l’état de santé de la personne.

De même, nos actions d’éducation thérapeutique destinées aux patients dans le cadre de notre programme relatif aux pathologies cardiovasculaires sont assurées par le médecin traitant auquel nous ne voulons pas nous substituer, étant au contraire très soucieux de son implication dans la prévention.

M. Michel Brault. Les populations rurales se montrent particulièrement attachées au médecin généraliste. C’est pourquoi la Mutualité sociale agricole estime que le médecin traitant est le mieux placé pour être le pivot de l’organisation de la santé publique, notamment de la politique de prévention.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Quelle est votre participation aux fonds de l’assurance maladie ?

M. Philippe Laffon. De même que la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés dispose de son fonds national de prévention, d’éducation et d’information en santé, dont elle fixe le montant et les grandes orientations à travers une convention d’objectifs et de gestion, la Mutualité sociale agricole dispose de son équivalent agricole.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Et pour le fonds d’intervention régional ?

M. Philippe Laffon. Nous sommes très attentifs aux discussions parlementaires en cours et devant présider à sa création. Nous avons compris que celui-ci visait à améliorer la fongibilité des crédits d’intervention des agences régionales de santé, ainsi qu’à rapprocher les crédits du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins de ceux du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés selon une fongibilité asymétrique s’agissant des dépenses de prévention.

Le législateur a déjà prévu qu’une partie de notre fonds national de prévention serait directement affectée aux agences régionales de santé, pour un montant de 1,2 million d’euros. Il s’agit globalement des crédits antérieurement destinés aux groupements régionaux de santé publique, ce qui représentait déjà une certaine mutualisation des dépenses d’intervention des différents acteurs au niveau régional. Celle-ci se trouverait donc renforcée par l’institution du fonds régional d’intervention, ce qui, pour nous, n’apporterait pas de changement notable par rapport au dispositif de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Il restera à l’agence régionale de santé le soin de définir sa stratégie de prévention sur le territoire régional, à savoir ses risques prioritaires et ses moyens d’intervention. Nous sommes donc en attente de la parution des schémas régionaux de prévention. Les caisses de la Mutualité sociale agricole participent aux commissions de coordination des politiques publiques dans les domaines de la prévention, de la santé scolaire, de la santé au travail, et de la protection maternelle et infantile ainsi qu’aux commissions régionales de gestion du risque qui peuvent aussi intervenir dans le champ de la prévention en reliant directement l’agence régionale de santé aux trois grands régimes d’assurance maladie.

La loi précitée a déjà prévu la possibilité de conclure un contrat entre chaque agence régionale de santé et chaque organisme d’assurance maladie pour la mise en œuvre du projet régional de santé. Ces contrats sont en cours de signature dans la plupart des régions. Mais le décalage dans le temps que l’on observe entre leur élaboration et la parution des schémas régionaux de prévention fait qu’ils comprendront probablement peu de dispositions relatives à la prévention. Malgré tout, des partenariats se mettent en place au niveau local, comme nous l’avons vu à propos de la prévention du suicide, comme en Auvergne.

Les agences régionales de santé ont déjà beaucoup communiqué sur leurs priorités en matière de prévention ; elles ont négocié avec l’État des contrats précis d’objectifs et de moyens, mais tous les acteurs attendent le document de référence pour le pilotage local des actions de prévention que sera le schéma régional de prévention.

M. Michel Brault. J’insiste sur notre attachement à la prévention des risques professionnels, domaine où le rôle des agences régionales de santé ne semble pas précisément défini. Le fait que la Mutualité sociale agricole compte en son sein des services de médecine du travail nous permet une approche globale de cette thématique. Tous nos plans sont arrêtés au niveau national, à l’issue d’une négociation avec les partenaires sociaux, puis déclinés au niveau local, et nous ne voudrions pas que cette dynamique soit remise en cause. Les commissions nationales de prévention réunissent des représentants de l’ensemble des organisations représentatives des employeurs et des salariés et du ministère de l’agriculture.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Chaque caisse doit-elle appliquer le programme national ?

M. Philippe Laffon. Le code rural est très précis sur les procédures de détermination des actions en matière de santé au travail dans chaque secteur d’activité particulier. Des comités techniques nationaux de prévention sont chargés d’examiner, pour chaque filière, les plans de prévention proposés par la Mutualité sociale agricole. Dans le cadre des comités de protection sociale, les élus des trois collèges – celui des exploitants, celui des salariés et celui des employeurs de main-d’œuvre – sont consultés sur ces actions. Ces plans doivent enfin être validés par la Commission nationale de la prévention, instance de concertation où, sous l’autorité du ministère de l’agriculture, la Mutualité sociale agricole discute de ces actions avec les organismes professionnels. Au niveau régional, ce sont des comités techniques régionaux qui évaluent ces actions dans le cadre d’un partenariat étroit entre la Mutualité sociale agricole, les filières et les acteurs professionnels et, désormais, les services déconcentrés de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Au sein de la nouvelle organisation sanitaire mise en place par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la commission de coordination des actions de prévention fait intervenir des secteurs qui ne sont pas directement sous l’autorité de l’agence régionale de santé, tels que la médecine scolaire, la protection maternelle et infantile, ou encore la santé au travail. C’est dans ce cadre que nous présenterons aux agences régionales de santé nos actions et les plans locaux définis par les caisses, afin que les agences puissent disposer d’une vision globale des actions en santé.

Nous ne présentons évidemment pas le même type d’offres en matière de prévention des risques dans tous les territoires et pour tous nos adhérents : s’agissant d’un régime agricole, les problématiques auxquelles les caisses locales sont confrontées varient considérablement selon les régions. Ce volant de souplesse est absolument indispensable pour répondre aux souhaits des partenaires sociaux et aux problématiques propres à chaque terroir agricole.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. La commission de coordination fonctionne-t-elle ?

M. Philippe Laffon. À en croire ce qui remonte des caisses, ce n’est pas forcément la plus dynamique.

M. Michel Brault. Les agences régionales de santé semblent avoir eu d’autres priorités au moment de leur mise en œuvre…

M. Philippe Laffon. Il est vrai qu’étant encore en phase de déploiement, elles préfèrent peut-être se consacrer d’abord à l’élaboration des schémas régionaux d’organisation sanitaire, des schémas régionaux de prévention, ou à la mise en place des actions de gestion du risque.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Participez-vous au fonctionnement de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et comment déclinez-vous les politiques nationales ?

M. Philippe Laffon. D’une façon générale, nous avons noué des partenariats étroits avec les établissements publics en charge des politiques de santé. Nous avons ainsi passé des conventions avec l’Institut de veille sanitaire, l’Institut national du cancer ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, et nous sommes en train d’élaborer la convention qui doit formaliser les multiples partenariats qui nous lient à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Nous avons ainsi présenté à celui-ci nos outils en matière de campagnes de dépistage.

Je vous citerai un autre exemple : l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé constitue la « force de frappe » d’un comité de pilotage chargé de réfléchir aux actions de soins ou de prévention, dans le domaine du « bien vieillir » et de la prévention contre les effets du vieillissement, que nous avons mis en place avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, le Régime social des indépendants, l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés.

Du fait de notre fonctionnement en guichet unique, nous sommes amenés, dans la gestion de la couverture vieillesse, à déployer des actions de prévention qui relèvent plutôt de l’action sociale dans d’autres régimes. Nous avons, par exemple, mis en place « le pack » Eurêka, qui sont des ateliers collectifs destinés à entretenir les mécanismes de la mémoire chez les personnes âgées. Ce type d’action est financé par notre fonds national de prévention.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Que pensez-vous des critiques formulées par la Cour des comptes à propos du dépistage des cancers du sein et de la prostate ?

M. Philippe Laffon. Il n’entre pas dans la mission d’un régime de protection sociale d’évaluer les critères scientifiques et épidémiologiques des actions de dépistage. En ce domaine, nous nous conformons aux instructions de la Haute Autorité de santé et de la direction générale de la santé. Les critères d’âge, notamment, sont déterminés par les autorités scientifiques compétentes. Notre rôle est de rembourser les soins rapidement et, autant que possible, d’assurer la prise en charge des dépenses de soins et de prévention de qualité. Néanmoins, nous devons répondre aux questions du public que nous touchons à travers nos campagnes d’incitation au dépistage du cancer du sein, surtout depuis la parution du livre accusant la politique de dépistage du cancer du sein menée par notre pays de provoquer un « surdiagnostic » de cette pathologie. Nous nous sommes donc tournés vers l’Institut national du cancer pour obtenir des éléments de réponse scientifiques et déterminer la pédagogie susceptible de rassurer nos adhérents. L’Institut national du cancer qui, à côté de ses missions scientifiques et de recherche, travaille aussi sur le dialogue avec le patient, s’est montré très intéressé par les éléments d’information que notre proximité avec le terrain nous permet de recueillir en matière de campagnes de dépistage.

S’agissant du dépistage du cancer de la prostate, il y a un consensus pour reconnaître qu’il ne doit pas être systématique.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Sachant que le taux de participation au dépistage du cancer du sein reste faible dans notre pays, quelles actions menez-vous pour inciter les femmes à se faire dépister ? Comment expliquez-vous que certaines d’entre elles n’aillent pas se faire dépister ? Est-ce par crainte ou par négligence ?

M. Michel Brault. Nous obtenons un taux de participation de 55 %, supérieur à ceux des autres régimes d’assurance maladie. Ce résultat est dû à notre maillage territorial, les caisses locales relayant nos actions de sensibilisation. C’est cette organisation cantonale et départementale qui assure également une meilleure efficacité à nos campagnes de vaccination contre la grippe.

M. Philippe Laffon. Nous ne nous contentons pas, en effet, d’envoyer un courrier à nos adhérents, mais nous menons de véritables actions de proximité, sur les marchés, dans les salons professionnels, à l’occasion de conférences débat que nous organisons. S’ajoute un autre facteur, difficilement quantifiable : nos adhérents constituent une population plus « civique », réceptive aux messages de prévention, du fait peut-être de son caractère rural et plus âgé : nos conférences de sensibilisation en la matière rencontrent toujours un grand succès. Par ailleurs, nos adhérents, habitant en zones rurales, sont moins concernés par le phénomène du dépistage individuel.

Quant aux freins à la participation au dépistage, vous en avez évoqué quelques-uns : il peut s’agir de la crainte du résultat du diagnostic, mais on peut aussi évoquer la difficulté d’accès aux cabinets de radiologie.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Ce taux, dont vous vous félicitez, reste cependant nettement en deçà de celui qui assurerait une véritable efficacité à la prévention du cancer du sein.

M. Philippe Laffon. C’est pourquoi nous nous sommes fixé des objectifs supérieurs dans le cadre de notre convention d’objectifs et de gestion avec l’État. La déclinaison de la convention nationale au niveau local tient compte des résultats de nos caisses, département par département, afin d’inciter celles qui ont des résultats plus faibles à égaler les autres, et celles qui obtiennent les meilleurs résultats à atteindre les objectifs assignés par les plans nationaux de santé publique.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Quels sont vos liens avec le régime général de l’assurance maladie, d’une part, et les assurances complémentaires, d’autre part, notamment en matière de transmission des données de santé ? Il semble que Groupama ne parvient pas à développer son dispositif de rétinographe mobile, pourtant très utile pour le dépistage de l’hypertension artérielle et du diabète, faute de pouvoir cibler la population concernée. Vous considérez-vous, à l’instar de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, comme les propriétaires des données de santé ?

M. Michel Brault. Nous entretenons des liens historiquement étroits avec les assureurs complémentaires du monde agricole, Groupama, Mutualia et Agrica, auxquels nous sommes liés par des conventions. Aux termes de ces conventions, nous remboursons directement les dépenses de santé de nos adhérents, tant pour la part obligatoire que pour la partie complémentaire. De ce fait, nous avons été amenés à développer avec eux des actions de prévention, telles les conférences débat évoquées par M. Philippe Laffon. Au-delà, nous avons la volonté de développer avec eux des expérimentations afin de tester des démarches innovantes. Nous avons ainsi lancé, en partenariat avec Groupama, l’expérimentation « Pays de santé ».

En matière de transmission des données de santé, cependant, nous nous heurtons à la réglementation en vigueur, qui nous interdit de transmettre toutes les données.

M. Philippe Laffon. L’expérimentation « Pays de santé », que nous déployons dans les Ardennes et en Dordogne en partenariat avec Groupama, a pour objectif de lutter contre la désertification médicale en zone rurale. Il s’agit d’assurer la coordination des soins de premiers recours dans des bassins ruraux souffrant d’une pénurie de médecins généralistes. Un conseil « Pays de santé » permet aux habitants, aux élus et aux médecins de dialoguer sur les problématiques de santé ; une infirmière salariée par Groupama est chargée, en tant que conseillère « Pays de santé », de coordonner l’action des médecins et de proposer des actions de prévention. C’est dans le cadre de cette expérimentation qu’une campagne de dépistage de la rétinopathie diabétique vient de démarrer, en collaboration avec le réseau de santé CAReDIAB, et qui comporte le recours à un rétinographe mobile.

Nous entretenons un lien permanent et quotidien avec le régime général de l’assurance maladie, tant au niveau national qu’au niveau local. Sur le plan institutionnel, nous sommes membres de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. À ce titre, nous siégeons à son conseil, M. Michel Brault est membre du collège des directeurs, et nous sommes tenus informés des négociations conventionnelles. Nous sommes étroitement associés aux orientations fixées par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie en matière de simplification des démarches administratives ou de mise en place de services électroniques à destination des professionnels de santé.

Nous ne sommes pas propriétaires des données de santé, celles-ci étant la propriété des patients. Nous veillons à les mettre à la disposition de la recherche. Ainsi, le partenariat que nous avons noué avec l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé doit permettre à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé d’exploiter ces données afin de contribuer à une meilleure connaissance scientifique et médico-économique du secteur sanitaire. Comme vous le savez, le droit encadre strictement la transmission des données personnelles de santé.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Comment mener des actions ciblées quand on ne connaît pas la cible ?

M. Philippe Laffon. Le Système national inter-régions d’assurance maladie, le SNIRAM, à qui nous transmettons beaucoup de données, devrait permettre aux agences régionales de santé de mener localement des actions innovantes et ciblées.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Les indicateurs de performance mis en place dans le cadre de la nouvelle convention médicale, et censés améliorer l’efficience de notre système de soins, sont essentiellement quantitatifs. Or les représentants de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, que nous venons d’auditionner, préconisent des critères plus qualitatifs. Pensez-vous que ces indicateurs puissent être améliorés dans la perspective de la prévention ?

M. Philippe Laffon. La plupart des 1 300 points de la nouvelle rémunération à la performance créée par la convention médicale correspondent à des objectifs classiques de maîtrise de dépenses médicalisées. D’autres indicateurs sont plus originaux, comme ceux concernant l’organisation du cabinet médical dont notamment l’élaboration d’une synthèse annuelle par le médecin traitant du dossier médical informatisé, ou des indicateurs de suivi des pathologies chroniques. Ces derniers indicateurs contribueront surtout à la prévention secondaire, en améliorant la prise en charge de personnes souffrant d’une affection de longue durée. La convention comprend par ailleurs des grands indicateurs de prévention, ayant trait aux dépistages ou aux vaccinations les plus importants.

Ces indicateurs coïncident avec nos propres objectifs. Les pouvoirs publics demandant aux régimes d’assurance maladie de sensibiliser leurs assurés au dépistage du cancer du sein ou du cancer colorectal ou à la vaccination contre la grippe saisonnière, il est assez logique que l’assurance maladie demande aux professionnels de santé de respecter ces objectifs. Le « double cliquet » constitué par les conventions d’objectifs et de gestion signés par les régimes d’assurance maladie et la rémunération à la performance des médecins est censé renforcer l’efficience du système. En raison de la nouveauté de ce dispositif de rémunération à la performance dans notre pays, nous manquons encore du recul suffisant pour en juger. Les indicateurs eux-mêmes ne sont pas intangibles : ils devront sans doute être améliorés, en tenant compte notamment de la pratique des professionnels de santé et de leurs effets en santé publique. Reste qu’au moment de définir les grandes orientations de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’utilisation de ce nouveau dispositif pour améliorer la prévention a fait consensus, tant au sein du Conseil qu’au sein du collège des directeurs.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Une consultation de prévention tous les dix ans est-elle suffisante ? Une consultation approfondie chaque année, ou tous les deux ou trois ans, ne serait-elle pas préférable pour que soit assuré un suivi réel et global des patients ?

M. Philippe Laffon. Plutôt qu’à une modification de la périodicité, nous réfléchissons à une simplification de notre procédure d’examen périodique, les médecins traitants n’étant pas nécessairement réceptifs au principe d’une consultation périodique et générale, du fait de la culture d’abord curative de nos praticiens. C’est pourquoi notre objectif est d’abord de fidéliser des médecins traitants et d’inciter nos assurés à se rendre à ces consultations, en ciblant ceux qui en ont le plus besoin.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Cette consultation s’appuie-t-elle sur un référentiel ?

M. Philippe Laffon. L’assuré remplit un questionnaire d’auto-évaluation, qui constitue une grille d’orientation pour la consultation. Ce questionnaire porte sur des points tels que la nutrition, la tabagie, la consommation d’alcool, le sommeil, avant de porter sur des pathologies éventuelles. Il varie en fonction de la classe d’âge concernée : les quinquagénaires, par exemple, devront évaluer davantage leurs risques cardiovasculaires. Des examens biologiques sont également proposés.

M. Michel Brault. Nous avons eu la surprise de constater que 25 % de nos adhérents, après avoir rempli le questionnaire et passé les examens, ne se rendaient pas à la consultation.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Peut-être parce que les deux premières étapes leur avaient permis de constater qu’ils n’avaient pas de problème.

M. Philippe Laffon. Le principe d’une consultation de prévention est qu’elle concerne des gens qui n’ont pas a priori de pathologies.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Faut-il généraliser le recours à d’autres professionnels de santé pour résoudre le problème des déserts médicaux ?

M. Philippe Laffon. Il n’y a pas de solution unique à ce problème complexe, dont les causes vont de l’inadaptation du numerus clausus à la définition des spécialités et au manque d’attractivité des zones rurales. La délégation de tâches à d’autres professionnels, notamment dans le domaine de la prévention, peut évidemment être une des solutions.

La nouvelle convention médicale comporte deux nouvelles mesures incitatives, l’une destinée à favoriser le maintien en milieu rural de professionnels de santé exerçant dans le cadre de regroupements, l’autre incitant des praticiens à venir, ponctuellement, en soutien de leurs confrères des zones sous-dotées. Selon une comparaison internationale menée par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’incitation faite aux lycéens des zones rurales à s’engager dans des études de médecine semble la mesure la plus efficace.

De façon générale, la médecine de premier recours a besoin d’être coordonnée, car des professionnels de santé isolés ne suffiront pas. C’est la raison pour laquelle la Mutualité sociale agricole s’efforce de développer des maisons de santé, des réseaux de santé ou d’autres formes de regroupement des professionnels de santé.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Y aurait-il un autre message que vous souhaiteriez faire passer ?

M. Michel Brault. Il me semble qu’en matière de prévention, le fait que la Mutualité sociale agricole couvre l’ensemble des risques – santé, famille, vieillesse et accidents du travail – nous permet d’être plus efficace, car nous disposons ainsi d’une approche globale de l’assuré. Cette vocation singulière de la Mutualité sociale agricole se révèle particulièrement intéressante dans le traitement de dossiers tels que celui de la pénibilité. Notre objectif est de conforter cette dynamique.

M. Jean-Luc Préel, président et rapporteur. Messieurs, nous vous remercions.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.