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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 17 janvier 2012

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Audition, ouverte à la presse, sur la prévention sanitaire

– Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 17 janvier 2012

La séance est ouverte à seize heures cinq.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition de Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir Madame Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé.

Madame la secrétaire d’État, je vous souhaite la bienvenue au sein de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la prévention sanitaire. Votre audition, qui constitue l’avant-dernière de la série, nous permettra de connaître le point de vue du Gouvernement sur à un certain nombre de problèmes qui ont été soulevés par la Cour des comptes.

M. Jean-Luc Préel, rapporteur. Merci, madame la secrétaire d’État, d’avoir bien voulu répondre à notre invitation. Vous le savez, le système de santé français est très orienté vers le curatif, et se révèle encore médiocre en matière de prévention.

La récente communication de la Cour des comptes montre qu’il est difficile d’évaluer les sommes qui sont consacrées à la prévention, puisqu’elles oscillent entre 1 milliard d’euros, si l’on prend uniquement en compte le fonds de prévention, d’éducation et d’information sanitaires de l’assurance maladie et le programme 204 du ministère de la santé, et 10 milliards d’euros, si l’on prend en compte toutes les actions, notamment celles des professionnels de santé.

Mais surtout, il révèle un défaut majeur de pilotage. Plusieurs ministères interviennent dans la prévention – santé, éducation nationale, environnement. Chaque caisse mène sa propre politique – Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, Mutualité sociale agricole, par exemple, sans compter les professionnels de santé, comme les dentistes ou les associations ou encore les collectivités territoriales.

La Cour des comptes dénonce par ailleurs la loi de santé publique du 9 août 2004 et ses 100 objectifs, qui ne permettent pas de dégager de réelle priorité, ainsi que la quarantaine de plans existants, dont les moyens sont souvent insuffisants et dont les résultats ne sont pas toujours satisfaisants.

Ce sera l’objet de ma première question : comment définir demain des priorités, afin d’être efficace ? L’Angleterre, par exemple, n’en a retenu que trois ou quatre.

Ma deuxième question sera liée au pilotage de la prévention, La Cour des comptes propose d’en charger le soin à un délégué interministériel, qui pourrait être le directeur général de la santé. Mais est-ce possible, dans la mesure où celui-ci a déjà des responsabilités très importantes au sein du ministère ? Quels seraient ses pouvoirs sur les ministères de l’éducation nationale et du travail ? Les agences régionales de santé ayant à leur tête un responsable unique de la santé au niveau régional, ne pourrait-on pas imaginer plutôt que la secrétaire générale du Comité national de pilotage des agences régionales de santé soit chargée de piloter la prévention dans notre pays ?

Madame la secrétaire d’État, ces deux questions me semblent particulièrement importantes. J’aurai l’occasion de vous en poser d’autres tout à l’heure.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Messieurs les coprésidents, monsieur le rapporteur, merci de m’avoir invitée à travailler avec vous sur cette question majeure qu’est la prévention sanitaire.

Vous venez d’évoquer certains constats opérés par la Cour des comptes sur la politique de santé publique de notre pays ainsi que les 100 objectifs de la loi de 2004, laquelle a identifié cinq plans stratégiques : le plan de lutte contre le cancer, le plan national de lutte pour limiter l’impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives, le plan national de lutte pour limiter l’impact sur la santé des facteurs d’environnement, le plan national de lutte pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques et le plan national pour améliorer la prise en charge des maladies rares. D’autres plans, comme le plan Alzheimer, sont venus se surajouter.

On peut évoquer ce qui ne va pas. Mais il ne faut pas oublier de mentionner ce qui marche bien. Je citerai donc l’amélioration de l’état de santé des Français et la progression continue de l’espérance de vie à la naissance, le recul de la mortalité infantile depuis cinquante ans, la bonne santé et la bonne information des jeunes, la diminution de la consommation d’alcool et la meilleure prise en compte des déterminants environnementaux. Cela dit, des progrès restent à faire dans plusieurs domaines : la lutte contre la mortalité prématurée, puisque 20 % des décès sont évitables ; les problèmes de santé liés au grand âge ; le surpoids et l’obésité ou les maladies chroniques.

La stratégie en matière de santé amène à prendre en compte plusieurs déterminants, et notamment des déterminants de santé communs sur lesquels on peut agir transversalement : par exemple, les inégalités sociales de santé ou les problèmes liés à l’alcool ou au tabac que l’on retrouve dans une multitude de plans, dans la mesure où ils ont été identifiés comme facteurs de risque dans diverses pathologies.

Cette stratégie amène à prendre en compte l’interministérialité des sujets qui mériterait d’être renforcée, et la diversité des acteurs. Je pense tout particulièrement aux agences régionales de santé, acteurs nouveaux dans notre paysage sanitaire, qui sont chargées de mettre en œuvre, à l’échelle des territoires, la politique de santé publique, tout en prenant en compte les spécificités territoriales.

Le ministère de la santé a donc élaboré la stratégie nationale de santé 2011-2015, qui reflète une vision commune et partagée des objectifs de la politique de santé. De fait, cette stratégie nationale n’a pas été élaborée au niveau central par l’administration centrale, mais l’a été avec la participation d’associations de malades, d’usagers du système de santé et des professionnels de santé. Et elle a été plutôt bien accueillie par la Conférence nationale de santé.

La démarche dans laquelle nous nous sommes engagés consiste à renforcer le pilotage et le suivi de la stratégie globale et des plans ou programmes prioritaires, en associant l’ensemble des directions des ministères, des caisses, des agences nationales et régionales. Les agences régionales de santé ont mené un travail d’intégration et de vision transversale, allant de la prévention vers le soin et vers le médico-social, à travers les projets régionaux de santé.

Cette démarche de coordination stratégique des différents acteurs a déjà commencé. Certains des grands plans de santé publique, comme le plan national de lutte contre le VIH/SIDA, le plan Maladies rares ou le plan Obésité, disposent d’un comité de suivi et de prospective, que j’ai moi-même installé. Ces comités de suivi et de prospective permettent d’apprécier, à partir d’un certain nombre d’indicateurs, les actions engagées, mais surtout de proposer leur réorientation, si besoin est.

Vous avez évoqué l’éventualité de nommer le directeur général de la santé délégué interministériel à la prévention. Cette proposition mérite d’être étudiée. Je ne suis pas opposée à une transversalité pilotée par la direction générale de la santé. D’une part, les plans de santé sont tous interministériels. D’autre part, si le directeur général de la santé assurait une telle fonction, nous serions dans une configuration équivalente à celle que nous avons connue lors de l’épisode de la grippe aviaire, avec la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire. Le directeur général de la santé aurait alors compétence auprès des différents ministères.

M. le rapporteur. Nous avons reçu des représentants du ministère du travail - qui gère la médecine du travail – et du ministère de l’éducation nationale – qui gère la médecine scolaire, aujourd’hui en déshérence. Or nous n’avons pas senti de leur part une grande volonté de coopération.

Pour que la situation s’améliore, il faudrait que ce délégué dispose d’un vrai pouvoir sur l’ensemble des acteurs de la santé. Il pourrait être nommé par le Premier ministre, ce qui le sortirait, d’une certaine façon, du ministère de la santé. Ce dernier n’y est sans doute pas favorable. Mais il n’est pas évident de trouver un responsable de la santé qui ait pouvoir à la fois sur la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la Mutualité sociale agricole, les complémentaires et les ministères. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que l’exemple de la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire soit vraiment un bon exemple.

Mme la secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur, j’ai fait les mêmes constats que vous. Je voudrais moi aussi que l’on consolide la médecine scolaire. Et je suis tout à fait d’accord pour renforcer le pilotage des politiques de santé, dont l’éclatement nous fait perdre en efficience.

Nous avons besoin d’un pilotage unifié, avec une vision transversale et interministérielle, pour que chaque politique progresse efficacement.

Le directeur général de la santé pourrait être délégué interministériel à la prévention, dans la mesure où c’est de la direction générale de la santé que part toute politique de santé. Vous avez suggéré que ce soit la secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales. Certes, le secrétariat général pilote les agences régionales de santé. Mais il me semble qu’il a davantage un rôle opérationnel qu’un rôle d’élaboration des stratégies, dans une optique transversale. Cela dit, je ne suis pas opposée cette idée.

Par ailleurs, si je vous ai donné l’exemple de la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire, c’est parce que le délégué interministériel tenait son pouvoir du Premier ministre. Pour plus de cohérence et d’efficacité, nous pourrions tout à fait imaginer qu’il en soit ainsi du directeur général de la santé.

M. le rapporteur. Nous avons auditionné plusieurs directeurs généraux de la santé, dont l’actuel : ils sont très pris par le quotidien et pensent n’avoir aucun pouvoir sur le ministère du travail et de l’éducation nationale – et sans doute peu sur la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

Au moment de la création des agences régionales de santé, l’idée a été lancée d’une Agence nationale de santé. On pourrait envisager que son directeur, ayant un pouvoir sur l’ensemble des intervenants, s’occupe de la prévention.

Mme la secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur, il y a déjà beaucoup d’agences et l’organisation de notre système de santé manque de lisibilité. Nous pourrions prendre comme modèle la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire en faisant en sorte que ce soit le Premier ministre qui octroie au directeur général de la santé cette responsabilité. Cela devrait suffire à contrecarrer toute tentative de récupération par l’un ou l’autre ministère. Mais je vous l’accorde : nous nous heurtons aujourd’hui, au niveau central, à un certain cloisonnement entre les différentes administrations des différents ministères.

M. le rapporteur. C’est l’un des problèmes qu’il nous faudra résoudre. Mais venons-en à d’autres questions plus précises.

S’agissant du cancer du sein, la Cour des comptes dénonce le système en vigueur, qui fait coexister un dépistage organisé, avec la certification des mammographes et la garantie d’une double lecture, et un dépistage individuel. Comment remédier à ce problème, si ce n’est en demandant que l’on applique les mêmes critères au dépistage individuel ? Par ailleurs, le dépistage organisé ne touche que 50 % des femmes concernées, ce qui est insuffisant pour remporter le succès que l’on pourrait espérer. Comment l’améliorer ?

S’agissant du cancer du côlon, tout le monde est bien conscient des défauts du test hémoccult. La Haute Autorité de santé demande qu’on le remplace par le test immuno-histo-chimique. Le ministère de la santé y est-il favorable ?

M. le coprésident Pierre Morange. Madame la secrétaire d’État, ne serait-il pas judicieux de se recentrer sur trois ou quatre objectifs prioritaires, à l’instar de ce que font nos amis d’outre-Manche, afin de donner plus d’efficience à notre politique de santé publique ?

Mme la secrétaire d’État. Le dépistage organisé du cancer du sein touche 50 % des femmes ciblées tandis que, parallèlement, le dépistage individuel en toucherait à peu près 10 %. On peut considérer que ce n’est pas suffisant. Malgré tout, je crois qu’il faut maintenir ce dépistage individuel, qui concerne des femmes qui pourraient ne pas se soumettre au dépistage organisé. Une certaine frange de la population féminine n’intégrera pas le dépistage organisé, parce qu’elle considère qu’il s’adresse aux femmes qui n’ont pas les moyens de financer leur mammographie. Il me semble donc important de conserver les deux dispositifs, qui sont finalement assez complémentaires.

Mais comment motiver davantage de femmes qui ne se font pas dépister, soit parce qu’elles ont peur d’être malades ou parce qu’elles ne se sentent pas concernées ? Comment les persuader que le dépistage concerne toutes les femmes et qu’il permet d’éviter que la maladie ne s’aggrave, si elles devaient la développer ? Le problème est là.

M. le rapporteur. On connaît les causes, notamment psychologiques, de la faiblesse du dépistage. Mais on a surtout du mal à atteindre certaines femmes qui sont un peu « hors circuit », celles qui sont peu suivies et appartiennent plutôt aux milieux défavorisés. Il en est d’ailleurs de même du dépistage du cancer du col utérin.

S’agissant du cancer du sein, la Cour des comptes a insisté sur le fait que l’on risquait de dépister des petits cancers qui n’évolueraient pas ou peu. Je ne comprends pas très bien son point de vue. Comme l’a dit monsieur Jean-Luc Harousseau auditionné par notre mission, mieux vaut enlever un petit cancer plutôt que d’attendre pour voir s’il évolue ou non.

Selon moi, il faut maintenir le dépistage individuel parce qu’on ne pourra pas l’éviter. Mais il faudrait aussi en améliorer la qualité en imposant la certification des mammographes, voire la double lecture, comme on l’a fait pour le dépistage collectif.

S’agissant du cancer colorectal, j’insiste sur le manque de performance du test hémoccult, caractérisé par 40 % de « faux négatifs » et 50 % de « faux positifs ».

Mme la secrétaire d’État. Il s’agit bien évidemment d’inciter les femmes à se faire dépister. C’est le rôle des campagnes de sensibilisation. Mais il faut aussi mobiliser les professionnels qui sont parfois réticents à préconiser ce dépistage en raison d’un risque de « surdiagnostic ». C’est le rôle des structures de gestion, qui sont les instances opérationnelles assurant l’organisation locale des dépistages des cancers dans un ou plusieurs départements.

Il faut continuer à travailler avec ces professionnels et peut-être réfléchir à la mise en place d’une consultation de prévention/dépistage, pour cibler les individus en fonction des différents facteurs de risque. Mais cette consultation ne concernerait pas que les femmes et ne porterait pas que sur les cancers du sein.

S’agissant du cancer colorectal, l’Institut national du cancer mène en ce moment un travail sur l’intérêt de remplacer le test hémoccult par les tests immuno-histo-chimiques. Il a identifié trois différents tests immuno-histo-chimiques, qui font l’objet d’évaluations techniques et médico-économiques et dont les résultats devraient être connus d’ici à quelques semaines. C’est en fonction de ces résultats qu’une décision pourra être prise.

M. le rapporteur. Il serait temps d’évoluer.

Vous avez eu raison de parler des consultations de prévention, car la demande est importante. Celles-ci pourraient être organisées en fonction des âges. En effet, nos interlocuteurs ont déploré que les personnes entre trente et cinquante ans, qui se considèrent en bonne santé, ne consultent pas. Pourtant, c’est pendant cette période de la vie que certaines maladies comme l’hypertension artérielle ou le diabète commencent à se développer. Ces consultations permettraient de déceler ces maladies et de prodiguer des conseils d’hygiène de vie.

La Mutualité sociale agricole a eu une idée intéressante, que la mission reprendra peut-être : elle envoie un auto-questionnaire à ses adhérents, avec une préconisation d’examen biologique, et ceux-ci vont consulter leur médecin traitant pour une consultation de prévention tous les cinq ans.

Mme la secrétaire d’État. C’est ce que fait la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, dans les centres d’examens de santé.

M. le rapporteur. Non, parce que ces centres ont été réorientés vers les populations à risque et qu’il n’y a pas de consultation de prévention.

Mme la secrétaire d’État. Cela s’adressait à tout le monde.

M. le rapporteur. Ce n’est plus le cas. La Cour des comptes a d’ailleurs critiqué l’abandon des consultations systématiques dans les centres d’examens de santé. Mais on pourrait imaginer d’organiser des consultations de prévention auprès du médecin traitant.

Mme la secrétaire d’État. Je suis tout à fait d’accord. D’ailleurs, la situation évolue. Dans le cadre de la convention médicale qui vient d’être signée, est explicitement prévue la rémunération, sur une base forfaitaire, des consultations de prévention/dépistage s’adressant des personnes qui auraient des antécédents familiaux ou seraient particulièrement exposées à certaines pathologies.

M. le rapporteur. Je vous propose de passer à un autre sujet, très sensible pour la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés : la transmission des données de santé.

Aujourd’hui, un éclatement des flux permet aux complémentaires d’intervenir. Or la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés est en train de mettre en place un nouveau système informatique qui évitera cet éclatement et qui retirera aux complémentaires des informations qu’elles possèdent déjà.

Par ailleurs, Groupama a mis en place, notamment dans le département des Ardennes, un dépistage du fond d’œil pour des patients souffrant de diabète et d’hypertension artérielle : un rétinographe mobile envoie par TéléSanté les clichés à un ophtalmologue, pour qu’il les interprète. L’initiative est intéressante. Le problème est que l’on ne sait pas qui, localement, souffre de diabète ou d’hypertension artérielle. Comment faire pour mieux connaître la population intéressée ? On pourrait imaginer que le médecin de la caisse transmette au médecin de l’assurance le nom des personnes concernées, qui pourraient être invitées à se présenter. Mais la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés est très jalouse de ses pouvoirs.

Il n’y a pas de transmission des données entre la médecine scolaire et le médecin traitant. Lors de la visite destinée aux enfants de six ans, le médecin scolaire donne une lettre aux parents, mais ne l’envoie pas au médecin traitant. Il ne faut pas s’étonner que l’année suivante, ses préconisations n’aient pas été suivies d’effet.

Il n’y en a pas non plus entre le médecin traitant et le médecin du travail. Le président du syndicat MG France préconise donc que, chaque année, le médecin traitant fasse une synthèse des données de son patient et la transmettre au médecin du travail. Ce dernier lui transmettrait les risques du poste de travail, dont le médecin traitant n’a pas connaissance. Cette idée nous semble intéressante.

Malheureusement, nous nous heurtons à des blocages. En particulier, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ne veut pas transmettre ses données aux complémentaires, lesquelles considèrent qu’elles opèrent des remboursements en aveugle, dans la mesure où elles n’ont pas connaissance de toutes les données. Il semble même que la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés soit en train, pour ainsi dire, de renforcer ses frontières.

Mme la secrétaire d’État. Le code de la santé publique ne permet pas le partage des données de patients entre des médecins traitants et des médecins qui font un travail de prévention, les médecins du travail étant considérés comme tels.

M. le rapporteur. Le code de la santé publique se change par la loi.

Mme la secrétaire d’État. Nous n’en sommes pas là. Cela dit, le dossier médical personnel peut constituer une réponse intéressante, dans la mesure où il comporte des données renseignées par le médecin traitant et les autres médecins et accessibles au patient. Le patient a la main sur son dossier et peut rendre confidentielles certaines données qu’il n’a pas envie de faire partager.

M. le coprésident Pierre Morange. Un amendement, issu d’une proposition de loi, a autorisé, à titre expérimental, la mise en place de cette information médicale sur des supports informatiques, clés USB ou cartes mémoires. L’Agence des systèmes d’information partagés de santé en a été chargée. Or elle ne nous a pas fourni, sur cette expérimentation, les informations que nous serions en droit d’attendre. Quelles que soient les modalités choisies, des dispositions législatives ont été votées. Il importe qu’elles soient appliquées.

Je précise que nos amis britanniques ont englouti dans le dossier médical personnel des sommes énormes, pour un résultat des plus contestables. Quant à nos amis allemands, ils ont abandonné le principe d’un dossier médical personnel avec serveurs centraux. Cela rend d’autant plus légitime l’idée consistant à utiliser des supports informatiques, comme par exemple les clés USB, qui assurent plus de souplesse.

La représentation nationale serait donc très attentive à ce que, du fait de votre fonction éminente, vous nous fassiez un rapport très précis de la question.

Mme la secrétaire d’État. J’ai bien entendu votre interpellation, monsieur le coprésident. Sur ces questions très techniques, liées au dossier médical personnel, j’interrogerai l’Agence des systèmes d’information partagés de santé afin de vous faire un état des lieux complet des expérimentations en cours.

S’agissant du dossier médical personnel avec serveur, 30 000 dossiers, avec interopérabilité entre les différents acteurs, sont aujourd’hui opérationnels. Pour le moment, le dispositif mis en place semble fonctionner. On peut le diversifier. Je n’ai pas d’a priori. Mais ce qui compte, c’est que l’on puisse faire gagner des chances au patient.

M. le rapporteur. Revenons à la prévention sanitaire. L’année dernière, lorsqu’il avait été question de retirer l’hypertension artérielle bénigne des affections de longue durée, j’avais fait remarquer que si cette hypertension n’était pas bien traitée, nous irions au-devant de complications. Or cette année, c’est l’hypertension artérielle sévère qui a été retirée de cette liste.

J’ai cru comprendre que certaines directions du ministère n’étaient pas très favorables au retrait de l’hypertension artérielle de la liste des affections de longue durée. Monsieur Jean-Luc Haroussseau nous a dit clairement qu’il en était de même de la Haute Autorité de santé. Et monsieur Joël Ménard, l’ancien directeur général de la santé, par ailleurs cardiologue, y est tout à fait opposé. Pouvez-vous donc m’indiquer qui a pris cette décision ?

Mme la secrétaire d’État. Ce qui compte, c’est de prendre en charge l’hypertension sévère pour prévenir des risques sanitaires graves. Le médecin qui vous parle en est tout à fait convaincu. Mais faut-il ou non la prendre en charge dans le cadre des affections de longue durée ? C’est une question tout à fait pertinente. Qui a pris la décision de la retirer de la liste ? Je crois que c’est la direction générale de la santé. Cela dit, sensibilisée par monsieur Joël Ménard, celle-ci a mis en place avec lui un groupe de travail pour tenter de définir les modalités d’une prise en charge optimale de l’hypertension sévère dans le cadre du parcours de soins.

M. le rapporteur. Qu’on espère faire ainsi des économies, je le comprends. Reste qu’en termes de santé publique, cette mesure de retrait ne me paraît pas très bonne. Et là-dessus, tout le monde est à peu près d’accord.

Je souhaiterais maintenant évoquer la question du calendrier des vaccinations. Certaines vaccinations sont obligatoires. Mais qui vérifie qu’elles ont bien été faites ? Que fait-on quand ce n’est pas le cas ?

Mme le secrétaire d’État. Il y a peu de vaccinations obligatoires. Il faut se demander comment sensibiliser les familles et, surtout, les professionnels de santé.

Le calendrier vaccinal est un agenda très complexe. Il faut le retravailler pour lui donner davantage de clarté et donc de lisibilité. Dans ce but, avant l’été, j’ai demandé à la direction générale de la santé de mettre en place un groupe de travail qui se concerte avec les organisations professionnelles concernées, le Conseil national de l’ordre, le Haut Conseil de la santé publique. Je peux d’ores et déjà vous dire que le nouveau calendrier vaccinal sera plus pratique et prendra davantage en compte l’âge des enfants. Aujourd’hui, il est établi vaccin par vaccin, ce qui explique qu’il soit difficile de s’y repérer. Demain, le professionnel saura immédiatement quel vaccin et quel rappel faire à l’enfant qui est en face de lui.

M. le rapporteur. Pensez-vous qu’il faille rendre le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole) obligatoire ?

Mme la secrétaire d’État. Je ne suis pas convaincue que cela améliorerait la couverture vaccinale.

M. le rapporteur. Sauf si on intègre cette obligation dans les performances des médecins traitants !

Mme la secrétaire d’État. La couverture vaccinale du ROR, même si elle n’est pas parfaite, n’est pas non plus complètement catastrophique. Il ne faut pas noircir exagérément le tableau. L’action entreprise depuis plusieurs mois par le Gouvernement a d’ailleurs permis de remonter les ventes de ce vaccin de 3 %, ce qui prouve le succès des campagnes que nous avions mises en place. La semaine européenne de la vaccination a même été entièrement dédiée au ROR.

M. le coprésident Morange. Ne pensez-vous pas que le courant de pensée qui prône de résister à la protection vaccinale est en train de se développer ? Quels qu’en soient les fondements philosophiques, il aboutit à renvoyer la responsabilité de l’immunité collective sur son voisin. Ne conviendrait-il pas de faire preuve de davantage de fermeté ? En deçà de 75 % à 80 %, la couverture vaccinale n’est pas efficace. Or nous assistons à l’émergence de certaines maladies, dont la rougeole.

Mme la secrétaire d’État. En effet, c’est une question de responsabilité individuelle et de responsabilité collective. À chaque campagne vaccinale, qu’il s’agisse de la semaine européenne de la vaccination ou de la campagne de vaccination contre la grippe, je martèle ce message : il faut éviter d’être malade soi-même et de contaminer les autres. Mais sans doute devrons-nous faire preuve d’innovation pour mieux sensibiliser le public. Je reste ouverte aux propositions que vous pourriez me faire.

M. le rapporteur. Le Haut Conseil de la santé publique a été quelque peu critiqué par la Cour des comptes. Monsieur Yves Bur a même proposé sa suppression. Ce conseil ne fait-il pas double emploi avec la Conférence nationale de santé et la Haute Autorité de santé ? Qu’en pensez-vous ?

Mme la secrétaire d’État. Personnellement, je ne crois pas qu’il y ait lieu de supprimer le Haut Conseil de la santé publique. En dehors des recommandations qu’il nous fait lorsque nous le sollicitons, ce conseil évalue les plans de santé publique. Il a évalué dernièrement le plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur (2006-2010) ; le plan Antibiotiques 2007-2010 ; le plan national Bien vieillir 2007-2009 ; le plan national Maladies rares 2005-2008 et le premier plan Cancer…

M. le rapporteur. La Haute Autorité de santé ou la Conférence nationale de santé ne pourrait-elle pas s’en charger ?

Mme le secrétaire d’État. Le Haut Conseil de la santé publique évalue les plans, non pas du point de vue médico-économique, mais du point de vue médical. Il se prononce sur la pertinence de la stratégie médicale en termes de santé publique, ce qui est très important. Son avis est sollicité sur la programmation et la décision en prévention, la conception et l’évaluation des stratégies de sécurité sanitaire.

M. le rapporteur. Nous avons reçu ses représentants.

Mme la secrétaire d’État. Le Haut Conseil de la santé publique est une force de proposition et une instance d’expertise.

M. le rapporteur. Je n’en fais pas une affaire de principe. Mais admettez que l’on puisse s’interroger devant le nombre des structures existantes.

S’agissant de la Conférence nationale de santé, je remarque que la loi qui l’avait créée prévoyait la tenue d’un débat annuel sur la santé, destiné à définir des priorités avant l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale. Mais ce débat n’a jamais vu le jour, ce qui est regrettable.

Mme la secrétaire d’État. La Conférence nationale de santé est l’organe où s’exerce véritablement la démocratie sanitaire.

M. le rapporteur. Qui nomme ses membres ?

Mme la secrétaire d’État. Ne me dites pas que les usagers n’y sont pas représentés…

M. le rapporteur. D’autres propositions avaient été faites : la Conférence nationale de santé aurait pu être l’émanation des conférences régionales.

Mme la secrétaire d’État. Mais c’est pourtant ce qu’elle est…

M. le rapporteur. Les représentants des conférences régionales qui siègent à la Conférence nationale de santé sont nommés au niveau national.

Mme la secrétaire d’État. Aujourd’hui, la présidente de la Conférence nationale de santé est une présidente de conférence régionale. Il y a donc homologie entre le niveau régional et le niveau national. Cela dit, des améliorations sont toujours possibles, et j’accepte que l’on m’en propose.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre rapporteur ne se focalisait pas sur le Haut Conseil de santé publique, dont nous ne contestons ni la qualité, ni les compétences. Mais il ne serait pas absurde de l’intégrer à la Haute Autorité de santé, car la réunion des deux structures pourrait renforcer leur capacité d’expertise. Le sujet avait été évoqué dans le rapport d’une mission d’information sur les agences sanitaires.

M. le coprésident Jean Mallot. J’ai également quelques questions à poser à madame la secrétaire d’État, que je remercie pour sa présence. Mais j’en profite pour lui adresser une requête en tant que vice-président du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre assemblée : les demandes que nous avions formulées concernant le suivi du rapport d’information présenté par nos collègues Christophe Sirugue et Claude Goasguen sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État, rendu il y a quelques mois, sont restées sans réponse. Sans doute cette réponse est-elle restée bloquée « dans les tuyaux » de votre cabinet. Pourriez-vous vérifier ce qu’il en est ? Le comité d’évaluation doit en effet se réunir à la fin du mois.

Revenons à notre sujet. J’ai suivi attentivement vos échanges avec le rapporteur et le coprésident Pierre Morange. Or mon inquiétude va croissant : y a-t-il, dans notre pays, une vraie volonté politique de développer des actions de prévention sanitaire ? J’ai plutôt tendance à répondre par la négative, ne serait-ce que parce que nous attendons depuis maintenant deux ans la loi de santé publique qui aurait dû être présentée au Parlement.

Au cours de nos auditions, nous avons entendu parler de très bonnes pratiques en matière de prévention, qui mériteraient d’être généralisées sur l’ensemble du territoire. D’où ma première question : comment, en tant que membre du Gouvernement en charge de la politique de la santé dans ce pays, avez-vous concrètement organisé vos services pour détecter ces bonnes pratiques, les évaluer et les généraliser le cas échéant ?

J’ai bien conscience qu’il faut prendre en compte le caractère interministériel des sujets. Comment faites-vous pour y parvenir ? Les agences régionales de santé ont un rôle majeur à jouer. Quelles directives leur avez-vous données ? Comment organisez-vous le suivi de la mise en œuvre de ces directives en matière de prévention sanitaire ?

Il est temps de passer à l’action.

Par ailleurs, j’observe qu’on ne peut pas parler de prévention sans parler de médecine scolaire et de médecine du travail. Or la médecine scolaire a quasiment disparu du paysage, toutes les personnes auditionnées ont été d’accord pour le reconnaître. Quelles mesures a donc pris le Gouvernement pour la rétablir ? La médecine du travail, quant à elle, ne bénéficie pas à l’ensemble des travailleurs. De nombreuses catégories, en particulier les travailleurs indépendants, ne sont pas couvertes. Quelles mesures a pris le Gouvernement pour y remédier ?

Enfin, comment pensez-vous qu’il faille rémunérer les actes et les actions de prévention ? La question est difficile, d’autant que les organismes bénéficiaires des actions de prévention ne sont pas ceux qui les ont mises en œuvre. Je pense, pour ma part, que la convention médicale ne peut pas être la seule réponse en la matière. Mais, si vous le souhaitez, nous pourrons en reparler tout à l’heure.

Mme la secrétaire d’État. Je vous remercie pour vos commentaires et pour vos questions.

Les agences régionales de santé sont en effet les mieux à même de détecter les expériences fructueuses réalisées dans le domaine de la prévention. Elles ont une vision transversale de la santé, qui va de la prévention à la prise en charge et à l’accompagnement social. Elles évaluent et font remonter au niveau national les projets qui leur sont soumis. Au sein de chaque séminaire organisé par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, qui réunit l’ensemble des directeurs généraux des agences régionales de santé, elles ont l’opportunité d’évoquer certains sujets et de partager leurs expériences. J’ajoute que, si les expériences portées par des associations ou des professionnels de santé sont isolées, les plans de santé publique comportent tous un volet prévention/dépistage, qui est développé, décliné en actions concrètes et mis en œuvre par les agences régionales de santé. Ainsi la prévention se déploie-t-elle du haut vers le bas, à travers les axes de santé publique, et du bas vers le haut, à travers les expérimentations portées par d’autres acteurs.

Jusqu’à présent, le mode de rémunération des actes de prévention n’était pas clairement identifié. La convention médicale n’est peut-être pas la seule réponse à ce problème de rémunération. Néanmoins, elle a permis de faire évoluer les choses en instituant une rémunération au forfait pour les consultations longues et les consultations de prévention, et une rémunération à la performance, en fonction de certains critères.

Vous m’avez enfin interrogée sur la médecine scolaire et la médecine du travail.

Comment mieux organiser la médecine scolaire ? D’abord, la question relève du ministère de l’éducation nationale. Ensuite, nous avons besoin d’une meilleure gouvernance qui nous assure une vision transversale de ce qui se fait en matière de santé.

M. le coprésident Jean Mallot. La convention médicale prévoit en effet la rémunération des actes de prévention. Mais ne risque-t-on pas de reproduire ce qui s’était passé avec la tarification à l’activité des hôpitaux, c’est-à-dire une multiplication des actes ? Or l’efficience de la prévention s’apprécie sur le long terme et, en la matière, la qualité compte davantage que le nombre d’actes. Je ne pense pas que la convention médicale aille dans ce sens-là.

Par ailleurs, une récente mesure ne me paraît pas constituer un bon signal. Je veux parler de l’augmentation à 7 % de la taxe sur la valeur ajoutée sur les préservatifs. Laisser, sur ces produits, le taux de cette taxe à 5,5 % aurait été cohérent avec les grandes campagnes de prévention.

Mme la secrétaire d’État. Je ne pense pas qu’une telle augmentation, qui ne représente que quelques centimes d’euro par unité, soit un frein à l’utilisation du préservatif. Il faut savoir relativiser l’impact de certaines mesures.

Comment, après la consultation de prévention, qui est rémunérée au forfait, évaluer l’efficience de la prévention ? Vous faites remarquer que celle-ci ne peut s’apprécier que sur le long terme. J’ajoute qu’on ne peut la mesurer que globalement, à l’échelle du territoire, à partir d’indicateurs précis, sur des questions très ciblées. Cette évaluation ne peut pas se faire à l’échelle individuelle, au niveau du médecin.

M. le rapporteur. Revenons sur les agences régionales de santé qui, malgré des débuts difficiles, dus au fait qu’elles ont dû intégrer des personnels venant d’horizons différents, sont maintenant en place. Elles sont en train de faire voter les schémas régionaux de santé, qui seront déclinés au niveau territorial. Or je ne suis pas sûr que la prévention constitue une priorité, si ce n’est en termes d’affichage.

Par ailleurs, je m’inquiète grandement du manque de coordination entre le ministère de la santé et le ministère de l’éducation nationale, qui risque de compromettre l’avenir de la médecine scolaire. En effet, les infirmières, dont les diplômes sont maintenant reconnus, pourront passer cadre A, au bout de trois ans d’exercice en hôpital. En revanche, à l’Éducation nationale, elles seront recrutées en cadre B. Pourquoi, dans ces conditions, des infirmières choisiraient-elles d’intégrer l’Éducation nationale ? Comment une telle réforme a pu être mise en place sans qu’un accord ait été passé sur ce point entre les deux ministères ?

Mme la secrétaire d’État. Les fonctions publiques sont différentes.

M. le rapporteur. Quoi qu’il en soit, on risque bien de ne plus avoir d’infirmières scolaires. Une revalorisation est envisagée, mais dans quinze ans seulement ! Cet exemple n’a rien à voir avec la prévention, mais il montre bien qu’entre le ministère de l’éducation nationale et de la santé, des progrès restent à faire en termes de coordination.

Je crois par ailleurs qu’il faudrait insister sur la mise en œuvre d’une véritable consultation de prévention. Ne pourrait-on pas s’inspirer de ce que fait la Mutualité sociale agricole, par exemple en instituant une telle consultation, tous les cinq ans, par tranche d’âge ?

Mme la secrétaire d’État. Monsieur Jean Mallot et monsieur Jean-Luc Préel, vous avez raison : il est nécessaire de renforcer la médecine scolaire. Nous sommes tous concernés. Les visites sont importantes, en particulier vers neuf, dix ou douze ans, âges où les messages de prévention – contre les addictions et les risques sexuels – passent facilement.

M. le rapporteur. Pourtant, j’ai cru comprendre que l’Éducation nationale souhaitait supprimer la visite des enfants de neuf et de douze ans.

Mme la secrétaire d’État. Je ne veux pas répondre sur ce que fait l’Éducation nationale. Je ne fais que vous donner mon point de vue.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes convaincus que le succès de la prévention, qui a vocation à induire une modification comportementale, passe par la coordination de différentes politiques. On ne doit d’ailleurs pas s’appuyer seulement sur les professionnels de santé, ceux de la filière sanitaire, de la médecine scolaire ou de la médecine du travail, mais aussi sur d’autres acteurs, notamment sur les éducateurs.

Mme la secrétaire d’État. Je suis d’accord avec vous. Cela dit, je tiens à rassurer monsieur Jean-Luc Préel.

Si l’on demande aux agences régionales de santé de travailler sur un projet régional de santé, c’est bien parce que l’on souhaite aller de la prévention vers l’accompagnement en passant par la prise en charge : il existe un schéma régional de l’organisation de la prévention, à côté d’un schéma régional d’organisation des soins et d’un schéma régional de l’organisation médico-sociale. Il existe par ailleurs une commission régionale de coordination des politiques publiques en matière de prévention, au sein de laquelle interviennent divers acteurs et associations appartenant, notamment, au monde de l’éducation.

La prévention constitue donc un volet important des projets régionaux de santé, qui seront consolidés d’ici à la fin de 2012. Voilà pourquoi, monsieur Jean-Luc Préel, ce n’est pas qu’une question d’affichage.

M. le rapporteur. On peut toujours afficher des schémas. De la même façon, on peut toujours afficher des plans. D’ailleurs, il doit y en avoir 40 ou 50. Le problème est ensuite de savoir si l’on aura les moyens humains et financiers de les réaliser.

Mme la secrétaire d’État. Vous savez bien que chaque plan de santé publique a son enveloppe.

Cela dit, je ne nie pas qu’il puisse y avoir quelques faiblesses, ici ou là. Comme vous l’avez fait remarquer, nous nous sommes beaucoup consacrés à la prise en charge médicale et à l’accompagnement social, parfois au détriment de la prévention. Mais nous sommes en train de rattraper notre retard. Une organisation se met en place. Les plans de santé publique accordent une place de plus en plus importante à la prévention.

Pour terminer, j’évoquerai la loi de santé publique, que vous attendez.

La stratégie nationale de santé 2011-2015 est un préalable à cette loi de santé publique sur laquelle nous aurons peut-être le plaisir de travailler ensemble plus tard. Cette étape était indispensable. Chacun a eu son mot à dire sur les axes prioritaires qui ont été définis. En effet, on ne peut pas envisager une loi si on n’en discute pas les principes avec ceux-là mêmes qui seront le lendemain « aux manettes ».

Sous le chapeau « Adapter le système de santé aux besoins sanitaires et enjeux d’efficience », quatre axes stratégiques ont été proposés : prévenir et réduire les inégalités de santé dès les premiers âges de la vie ; anticiper et accompagner le vieillissement de la population ; maîtriser et réduire les risques pour la santé ou pour l’autonomie, avec une attention particulière aux atteintes prématurées ou évitables ; se préparer à faire face aux crises sanitaires.

Cette stratégie nationale de santé a été soumise à la Conférence nationale de santé, organe de démocratie sanitaire, qui a donné un avis positif sur ces différents axes.

M. le rapporteur. J’aurais encore quelques questions à vous poser.

La première concerne l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, qui n’est pas maître de son propre budget. En effet, quelques dizaines de millions lui ont été ponctionnés cette année et sa directrice nous a expliqué qu’elle ne pouvait pas décider de ses dépenses parce qu’elles étaient limitées par décision ministérielle – ce qui nous a un peu étonnés. Et comme elle ne peut pas dépenser ce qu’elle souhaite, son fonds de roulement augmente chaque année.

Ma deuxième question porte sur l’abaissement des seuils – pour la glycémie, la tension artérielle, etc. – qui constitue un vrai problème. Il serait souhaitable d’organiser des conférences de consensus avec la Haute Autorité de santé, pour définir ces seuils de manière claire.

La dernière question à laquelle j’aurais aimé obtenir une réponse est relative à la démocratie sanitaire : les comités départementaux d’éducation pour la santé (CODES) et les comités régionaux d’éducation pour la santé (CRES), réunissant les associations, ont été centralisés, au niveau régional, dans des instances régionales d’éducation et de promotion de la santé (IREPS). Or cela limite le terrain des associations. Je souhaiterais qu’on puisse réunir toutes les associations d’un département pour leur permettre de travailler ensemble.

Mme le secrétaire d’État. Vous abordez une multitude de sujets. Mais je voudrais revenir sur certaines de vos affirmations.

Je ne conteste pas ce que vous me dites à propos de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Mais vous avez bien compris que nous sommes dans une situation un peu particulière et que nous devons faire au mieux avec les moyens dont nous disposons. L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé n’est pas isolé. Il travaille avec nous et a toujours répondu présent s’agissant des campagnes liées aux enjeux définis dans les plans de santé publique.

M. le rapporteur. Et à propos de la définition des seuils ?

M. le coprésident Pierre Morange. Les praticiens sont soumis à un diktat des normes sous l’aiguillon, éventuellement intéressé, de l’industrie pharmaceutique.

Les normes de tension artérielle sont contestées par certains industriels. Quant aux normes biologiques, elles ont baissé au cours des vingt dernières années de façon sans doute excessive. Il conviendrait de relativiser cette pseudo-perfection, cet idéal biologique ou paramétrique.

Mme la secrétaire d’État. Il faut que les sociétés savantes se penchent sur la question de l’hypertension artérielle. Et sur les questions spécifiques, il existe des conférences de consensus, ce sont elles qui décident des normes.

M. le coprésident Jean Mallot. Espérons-le.

M. le rapporteur. Et espérons qu’elles en décident en dehors de tout conflit d’intérêts.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie.

La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.