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Mercredi 28 avril 2010

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Maxime Bono

– Audition de MM. Thierry Masquelier, président directeur général de la Caisse centrale de réassurance (CCR), Pierre Michel, directeur général adjoint de la CCR, en charge du département Informatique, du département Catastrophes naturelles - Fonds publics et du département des Investissements, Laurent Montador, directeur du département Catastrophes naturelles - Fonds Publics de la CCR, et Patrick Bidan, directeur de la souscription Catastrophes naturelles en France de la CCR

Mission d’information
sur les raisons des dégâts provoqués
par la tempête Xynthia

M. Maxime Bono, président. Nous recevons les responsables de la Caisse centrale de réassurance (CCR) qui vont nous éclairer sur le rôle de la CCR dans l’indemnisation des dommages causés par Xynthia.

M. Thierry Masquelier, président directeur général de la Caisse centrale de réassurance. Bien qu’elle dispose d’une vision centrale des sinistres, la CCR n’est pas très connue du public avec lequel elle n’a pas de contacts. Ses principaux interlocuteurs sont les assureurs qui se réassurent auprès d’elle. Le métier de la caisse consiste à prendre une part des primes des assureurs et à intervenir dans le cas d’indemnisation de sinistres susceptible de dépasser un certain montant risquant d’atteindre sinon leur solvabilité, à tout le moins, leurs résultats.

La CCR a été créée en 1946 ; elle a réellement pris son envol en 1980/1982 lorsque lui a été confiée la réassurance des catastrophes naturelles. Son chiffre d’affaires s’élève aujourd’hui à 1,2 milliard d’euros. Un tiers de ce montant est consacré à la réassurance pratiquée à l’étranger qui concerne des sinistres tels les cyclones, incendies, automobile, espace, certains risques « aviation » ou « transports ». Les deux tiers restants sont dévolus, avec 600 millions d’euros, à l’indemnisation des sinistres dus aux catastrophes naturelles, aux actes de terrorisme (avec une garantie de l’État), au crédit – depuis deux ans – et à certains transports exceptionnels tels des navires français évoluant dans des zones troublées.

La réassurance dans le domaine des catastrophes naturelles absorbe environ la moitié de notre chiffre d’affaires. La caisse est chargée pour le compte de l’État de la gestion de fonds tels le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM dit fonds Barnier) ou le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) ; au demeurant son rôle est strictement comptable et non décisionnel.

M. Maxime Bono. Il est courant de dire que le système français d’indemnisation est le meilleur mais, c’est l’avis exprimé par la Cour des comptes dans son rapport de 1999, que cette excellence est source de déresponsabilisation tant des acteurs que des assurés. Beaucoup d’habitations ont été détruites lors du passage de Xynthia, quel organisme prendra-t-il en charge l’indemnisation des sinistrés : la CCR au titre de l’état de catastrophe naturelle, le fonds Barnier, à condition qu’il soit suffisamment alimenté ?

M. Thierry Masquelier. On peut comparer le système français d’indemnisation des sinistres avec d’autres régimes, chaque pays a développé sa formule, ce peut être celle de l’assurance directe ou de la réassurance, par le truchement de pool ou de fonds. Le marché français est celui qui couvre le plus systématiquement la notion de catastrophe naturelle. Les intervenants sont, en premier lieu, les assureurs puis la CCR. À cet égard, il faut relever que la caisse n’est pas en position de monopole, il n’y a pas d’obligation de réassurance pour les assureurs. Aussi, la CCR n’intervient-elle que pour des catastrophes naturelles dans lesquelles les assureurs concernés ne s’impliqueraient pas sans elle, ce qui est une bonne chose.

Au sujet d’une déresponsabilisation généralisée résultant d’un large taux de couverture du risque, un débat existe, il peut être admis qu’un assuré persuadé de bénéficier d’un taux de couverture de 100 % soit déresponsabilisé. Cependant, ce qui est constaté, c’est que ce taux considéré comme déresponsabilisant avant la survenue d’une catastrophe naturelle est vécu comme insuffisant par la suite. Au demeurant, les assureurs eux-mêmes plaident pour plus de prévention alors qu’ils sont loin d’être les seuls à agir dans ce domaine.

En ce qui concerne le FPRNM, la complexité apparente réside dans la répartition des rôles respectifs des intervenants. Pour Xynthia, ce sont les assureurs qui interviennent conformément aux clauses du contrat qui les lient aux assurés ; il est parfois constaté qu’aucun contrat n’a été passé, ce qui est le cas dans certains dommages agricoles notamment qui se trouvent ainsi exclus du régime des catastrophes naturelles. Le régime de la catastrophe naturelle relève, dans ce contexte, de tout ce qui n’est pas prévu par le contrat. La CCR ne rembourse alors pas tout aux assureurs mais environ 50 % des frais liés au sinistre. Cela représente grossièrement 50 % du montant des primes perçues par les assureurs sur l’ensemble du territoire national. Notre estimation du coût global de l’indemnisation concernée, tempête comprise, s’élève à 1,2 ou 1,5 milliard d’euros. Ce qui relève de la catastrophe naturelle devrait représenter une somme de 500 à 550 millions d’euros, la CCR prendra en charge la moitié. Dans la mesure où la plupart des déclarations de sinistre nous ont été communiquées par les assureurs, nous estimons notre débours à 250 ou 300 millions d’euros. Ces remboursements ne sont pas dépendants de la situation des habitations concernées au regard du zonage, effectué a posteriori, en zone de solidarité ou non. En revanche, le Président de la République a annoncé que le fonds Barnier viendrait en complément pour l’indemnisation des dommages survenus dans ces zones.

La principale vocation du fonds est l’indemnisation des expropriations des biens situés dans des zones comportant des menaces pour la vie humaine telles des avalanches ou des inondations fluviales. Or, Xynthia a été responsable de 53 décès. Le risque qu’a présenté ce phénomène, la submersion, ne ressortit pas, à ce jour, aux missions du FPRNM, c’est pourquoi une précision législative est nécessaire, elle devrait intervenir au cours du mois de juillet prochain.

Les ressources du fonds sont constituées du produit de la taxe qui lui est spécifique ; le montant annuel s’élève à 150 millions d’euros. Aujourd’hui, le montant en trésorerie est de quelques dizaines de millions d’euros. Les dépenses liées au rachat des immeubles concernés consommeront plusieurs années de produit de la taxe. En tout état de cause, et dans la mesure où le juge aura à se prononcer sur le principe des expropriations, l’opération durera plusieurs mois voire plusieurs années.

M. Maxime Bono. Pouvez-vous préciser le mécanisme de prélèvement par la CCR sur les primes d’assurance ?

M. Thierry Masquelier. Les sociétés d’assurance ont une surprime « catastrophe naturelle » dont le taux est de 12 % au sein de laquelle 12 % sont versés au fonds Barnier ; en fait, la CCR reçoit la moitié de 88 %.

Mme Marie-Line Reynaud. La CCR est-elle elle-même réassurée ? Dans vos placements de fonds, aviez-vous des « fonds toxiques » qui auraient pu affecter la caisse au titre de la crise financière ?

M. Dominique Caillaud. Au vu des montants de trésorerie que vous annoncez pour le FNPRNM, et sachant que d’autres risques pourraient nécessiter une couverture, pensez-vous sérieusement que le fonds sera suffisant à assurer l’indemnisation des dommages causés par Xynthia ?

M. Thierry Masquelier. La CCR a recours à la réassurance pour une moindre part attachée à ses opérations à l’étranger et jamais pour la part garantie par l’État français, celui-ci n’intervenant que pour les sinistres dont le montant s’élève à 2 ou 3 milliards d’euros.

La caisse a un peu subi la baisse des marchés financiers ; quant à ses placements, ils sont prudents et nos actifs sont restés en plus-value.

Au vu des montants de trésorerie relativement faibles du fonds Barnier, les pouvoirs publics auront des choix à faire, d’autant plus que le fonds finance déjà les plans de prévention des risques (PPR). Aussi, les ressources du fonds risquent d’être insuffisantes pour financer, à terme, les remboursements liés à Xynthia.

M. Laurent Montador, directeur du département Catastrophes naturelles - Fonds Publics de la CCR. Au 31 décembre 2009, le montant de la trésorerie du fonds s’élevait à 75 millions d’euros. Avec la nouvelle prime, il était, à la fin du mois de mars dernier, de 150  millions d’euros. Cependant, 120 millions d’euros de dépenses sont déjà prévus à des titres divers dont l’élaboration de PPR ou encore d’indemnisations liées à des expropriations non liées à Xynthia.

M. Thierry Masquelier. Les ressources du FPRNM ont toujours été constituées par le produit de la surtaxe, en cas de dépassement, l’État a toujours le loisir de faire une avance mais, à ce jour, cela ne s’est jamais produit.

M. Pierre Michel, directeur général adjoint de la CCR. À l’heure actuelle, l’État français ne se réassure pas. Une telle hypothèse pourrait être envisageable pour une durée donnée, le marché devenant alors une constante de premier plan pour celui-ci. La qualité du régime catastrophe naturelle réside précisément dans la garantie finale apportée par l’État ; les assurés sont à l’abri des fluctuations du marché qui sont tributaires d’événements pouvant intervenir hors de France. La garantie est donc stable dans le temps. Le régime repose sur deux piliers qui sont la solidarité et la pérennité du système. Dans d’autres pays, on voit les fluctuations du marché conduire à une sorte de sélection naturelle des assurés et in fine seulement 10 % de personnes garanties.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Quel est le statut de la CCR ?

M. Thierry Masquelier. Il est celui d’une société anonyme, anciennement établissement public industriel et commercial (EPIC), détenue par l’État à 100 % et figurant d’ailleurs toujours sur la liste des organismes privatisables.

M. Jean-Michel Clément. Certains événements tel le volcan Eyjafjöll, sont imprévisibles et ont des répercussions indirectes sur l’économie française. Les assureurs pourraient réfléchir à la garantie de tels risques dont l’origine ne se trouve pas nécessairement sur le territoire national. Cependant, la prise en compte excessive et par provision de risques éventuels ne risquerait-elle pas d’avoir des effets paralysants ? Ne conviendrait-il pas de définir des priorités ?

M. Thierry Masquelier. Un des avantages du régime catastrophe naturelle est qu’il ne définit pas de façon limitative les catastrophes qu’il couvre. Ainsi, à la différence d’autres risques, l’état de catastrophe naturelle est déterminé par un arrêté concernant une ou plusieurs communes pris sur le conseil d’un comité interministériel auquel nos sociétés sont parties mais en tant que secrétaire sans voix.

Dans le cas du volcan Eyjafjöll, les événements se sont déroulés en dehors du territoire national et la CCR, en l’absence de tout contrat, n’est en rien concernée. En revanche notre dispositif a montré sa souplesse en prenant en compte les phénomènes de subsidence, liés à la sécheresse, depuis 1989.

M. Laurent Montador. Le régime catastrophe naturelle (ou « cat nat ») n’intervient qu’en cas de dégâts matériels et directs. Le périmètre des sinistres assurables peut tout à fait être modifié à l’avenir mais cela relève du législateur.

M. Jean-Louis Léonard. Vous assurez les calamités agricoles au nom de l’État, des milliers d’hectares de terres agricoles ont été envahis par la mer avec, notamment, un fort taux de salinisation, des ostréiculteurs ont perdu la totalité de leurs installations ; avez-vous des estimations ? Ces derniers seront-ils éligibles au fonds ?

M. Thierry Masquelier. À ce stade, nous ne disposons pas de chiffres et il n’existe pas de modalité de prise en charge par le fonds à ce titre. Cependant, la question va être étudiée et il est plus que probable qu’une indemnisation sera décidée pour partie.

M. Laurent Montador. Nous ne disposons que de peu d’information de la part du ministère de l’agriculture, la caisse travaille avec une commission ministérielle dédiée aux calamités agricoles. Afin de lutter contre la salinisation des terres agricoles, des achats groupés de gypse ont été effectués par des agriculteurs qui ont réparti ce produit en fonction des besoins constatés de chacun. Ces achats donneront lieu à indemnisation au titre des calamités agricoles, le montant est de quelques millions d’euros à l’heure actuelle.

En ce qui concerne l’ostréiculture, les événements étant survenus à marée haute, les dégâts sont essentiellement matériels sauf pour les installations aquacoles pour lesquelles la destruction de production est totale. Le montant des sommes concernées est pour le moment estimé à 2 ou 3 millions d’euros.

M. Maxime Bono. Des métiers de la mer sont aujourd’hui exclus du régime, tel les sauniers qui ont perdu toute leur récolte et relèvent du régime minier, ce qui pose un problème auquel il conviendra d’apporter une solution.

La FFSA a évoqué devant la mission d’information l’existence d’un outil statistique performant sur les grands risques que la CCR a mis au point et nous a fait part de son désir de le partager.

M. Thierry Masquelier. Dans le domaine des catastrophes naturelles, la caisse a une vision centrale établie à partir de modèles et de cartographies. Le 24 juin prochain, nous allons exposer ces outils aux assureurs qui d’ailleurs le connaissent déjà. Ce sont eux qui nous alimentent en données puisqu’ils signalent les sinistres en les localisant. C’est ainsi que la CCR peut établir des cartes portant sur les submersions, les débordements fluviaux, les ruissellements pluviaux, les avalanches et autres séismes.

M. Maxime Bono. Menez-vous avec les pouvoirs publics une réflexion sur la réforme du régime, comme cela est d’ailleurs mentionné sur le site Internet de votre institution ?

M. Thierry Masquelier. Comme tout système, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est perfectible, même s’il fonctionne de façon satisfaisante. Cela dit, d’aucuns réfléchissent à des améliorations depuis longtemps. Au demeurant, le système est perçu de façon positive par les Français et les principaux gains pourraient être cherchés vers l’amélioration de la prévention.

—fpfp—

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia

Réunion du mercredi 28 avril 2010 à 17 h 45

Présents. - M. Jacques Bascou, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Dominique Caillaud, M. Jean-Michel Clément, Mme Claude Darciaux, M. Louis Guédon, M. Jean-Louis Léonard, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud, M. Dominique Souchet

Excusé. - M. Jean-Paul Lecoq