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Mercredi 9 juin 2010

Séance de 16 heures 145

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Maxime Bono

– Audition, ouverte à la presse, de M. Raymond Léost, pilote du réseau juridique de France Nature Environnement (FNE), accompagné de Mme Morgane Piederrière, chargée des relations institutionnelles

Mission d’information
sur les raisons des dégâts provoqués
par la tempête Xynthia

M. le président Maxime Bono. France Nature Environnement est le porte-parole d’un mouvement citoyen représentant environ 3 000 associations de protection de la nature et de l’environnement.

Votre rôle ne se limite pas à alerter et à sensibiliser les populations : des expertises de terrain vous sont à l’occasion confiées par des opérateurs et votre savoir-faire est reconnu.

Merci, monsieur Léost, d’avoir accepté de témoigner de votre expérience et de donner votre avis sur les raisons et les conséquences de la tempête Xynthia. Quel regard portez-vous sur cet événement ? Quelles conséquences en tirez-vous ?

M. Raymond Léost, pilote du réseau juridique de France Nature Environnement. Je commencerai par un certain nombre de constats.

Tout d’abord, lors de la tempête Xynthia, la mer est passée par-dessus les digues, ce qui amène à s’interroger sur leur utilité dans certains lieux car elles peuvent être un faux remède.

Ensuite, si le danger est cette fois venu de la mer, il peut aussi venir de l’intérieur des terres. Si une tempête comme Xynthia se conjuguait à la crue de rivières, les dommages corporels, économiques, sociaux et naturels seraient bien plus graves.

L’analyse doit aussi être différenciée selon que les zones touchées sont urbanisées ou naturelles : chaque solution doit être adaptée à l’occupation de l’espace.

Les risques de submersion étaient connus. Force est de constater qu’ils ont été minimisés ou ignorés par les acteurs économiques, les décideurs publics et les populations. Il y a donc des lacunes dans la mémoire du risque : cinq ans après, un tel événement tragique est souvent oublié, ce qui empêche d’en tirer utilement les leçons.

Les promoteurs immobiliers figurent au nombre de ceux qui ont ignoré le risque, parfois délibérément : certains ont implanté sciemment des constructions dans des zones à risque et réalisé des affaires aux dépens d’une population qui pouvait être ignorante et de bonne foi. De notre point de vue, ce comportement mérite des sanctions.

Un mouvement de fond déplace la population de l’intérieur des terres vers le littoral, et même de l’Europe vers la France, avec une forte demande de résidences, notamment secondaires, dans les communes littorales. Mais faut-il vraiment qu’elles soient implantées au bord de la mer ?

Les digues destinées à protéger les terres agricoles ne sont pas toujours entretenues. Leurs propriétaires ne sont parfois même pas connus. Ils sont souvent très nombreux, dans le cadre d’indivisions. Dans ces cas, plus personne ne les gère et elles deviennent inutiles, ou, pire, faussement protectrices : les populations s’abritent alors derrières des digues qui ne présentent aucune sécurité.

Les modes d’assurance contre les catastrophes naturelles doivent aussi responsabiliser les investisseurs. Certes, nous sommes favorables à une mutualisation du risque, à une certaine solidarité, mais la mutualisation ne doit pas être source de déresponsabilisation. « Aide-toi, le Ciel t’aidera » : sans responsabilisation, l’attention au risque encouru est plus faible. La liberté est indissociable de la responsabilité.

Aucune frontière administrative n’ayant jamais empêché la progression des eaux, la prévention des risques naturels ne peut relever de l’échelon communal mais d’un échelon territorial écologiquement et naturellement cohérent.

La gestion des risques de submersion marine ne peut donc être confiée aux seules communes riveraines du littoral. Au sens de la loi Littoral, les rivages des communes d’estuaires et les communes rétro-littorales doivent aussi être pris en compte.

La demande de résidences secondaires n’est pas la seule raison de l’urbanisation des communes littorales, y compris dans des espaces soumis à des risques de submersion marine. Il ne s’agit pas ici de faire le procès des élus locaux qui cherchent légitimement à alimenter le budget de leur commune, pour faire face aux besoins. Mais ne faudrait-il pas penser le développement d’une commune au moins dans un cadre intercommunal ? Dans le calcul des dotations, la solidarité doit jouer dans chaque sens : une commune qui aura su préserver des zones, peut-être parce qu’elle les savait soumises à des risques naturels, ne sera pas en situation de lever autant de taxe d’habitation qu’une autre, qui aura urbanisé. Faute de mettre fin aux motifs de l’urbanisation de zones soumises à des risques naturels, de tels événements risquent de se renouveler.

Nous considérons aussi que les risques naturels doivent être intégrés dans la loi Littoral. Deux de ses « piliers » sont bien connus, la mise en valeur des territoires grâce à l’agriculture et aux activités marines, et la protection. Mais elle en comporte un troisième, la prise en compte des risques naturels. Nous le retrouvons avec la législation sur la bande littorale des 100 mètres, destinée à protéger la côte de l’érosion, mais que le législateur pourrait décider d’étendre afin de préserver les populations des risques de submersion marine.

Ces risques doivent aussi être intégrés dans les problématiques de protection des populations. La suppression par le Sénat, en deuxième lecture de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, de l’article du code de l’urbanisme interdisant de construire le long des chenaux et étiers marins, a donné un très mauvais signe. Il s’agissait de faire face à une hérésie, un permis de construire délivré à tort dans la commune de Penestin, dans le Morbihan. Mais le décret d’application n’est jamais paru : aujourd’hui, l’État est incapable de définir un ru alors que certains départements en comptent 300 ou 400…

Le Parlement s’apprête par ailleurs à supprimer l’opposabilité des directives territoriales d’aménagement. Ce serait une grave erreur car cela reviendrait à supprimer l’outil réglementaire permettant de préciser les différentes conceptions de la loi Littoral, par exemple d’apprécier à l’échelon régional certaines contraintes moins perceptibles à l’échelon communal. Ainsi, la directive territoriale d’aménagement des Alpes-Maritimes a fait l’unanimité de ceux qui se préoccupent de la préservation des milieux, de leur mise en valeur et de la protection contre les risques naturels.

De même, le niveau pertinent pour la gestion du trait de côte est au moins la région. On le voit notamment avec le syndicat mixte de la Côte d’Opale, qui gère désormais l’ensemble du trait de côte dans le Pas-de-Calais et le Nord.

Une analyse des coûts et des avantages entre maintien et déplacement des populations doit être conduite dans les zones urbanisées exposées à des risques. Dans les zones les plus exposées, la population doit être évacuée. Les personnes qui s’y maintiendraient seraient demain les premières à réclamer de nouveau la protection de l’État et des décideurs publics. Or, in fine, c’est le contribuable qui paie. Il vaut donc mieux investir pour reloger les habitants dans des zones non soumises à des risques naturels. En revanche, il peut être préférable de rehausser les digues en cas de densité d’occupation très importante. Bien évidemment, les populations ne doivent pas être relogées dans des zones elles aussi soumises à des risques de submersion marine ou à d’autres risques naturels. Enfin, les terrains ainsi libérés doivent être remis au Conservatoire du Littoral, qui laisse toutefois aux collectivités territoriales la possibilité de les gérer elles-mêmes.

Quels principes d’aménagement retenir pour prévenir l’exposition aux risques naturels ? L’ensemble des espaces non urbanisés soumis à ces risques doivent être identifiés et soustraits à titre définitif à toute urbanisation. Le principe de la libre circulation des eaux doit être affirmé : aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, on envisage même pour cela de détruire un certain nombre de digues, les terres étant affectées à l’agriculture, notamment à l’élevage, hors des périodes d’intrusion des eaux. Ainsi, des zones de la commune d’Ambon, dans le Morbihan, recouvertes une à deux fois par an par la mer et relevant du domaine public maritime, sont gérées par des agriculteurs.

Nous pensons aussi qu’il est préférable de favoriser la reconstitution des dunes et d’éviter les enrochements dont les photographies que nous avons prises en Vendée attestent qu’ils ne sont d’aucune utilité. Installer des maisons sur pilotis ne règle rien : la mer peut parfaitement en attaquer les bases.

Les autorisations de construire ou d’aménager dans des zones soumises à des risques naturels ne doivent pas faire l’objet de permis tacites. C’est un enjeu de sécurité publique.

Enfin, installer une caserne de pompiers dans une zone soumise à des risques naturels peut nuire gravement à son caractère opérationnel. Le cas a été constaté en Vendée ou à Sommières, dans le Gard.

Enfin, il serait aussi temps d’instituer des plans de sauvegarde communaux et d’appliquer la loi, notamment en rendant applicables les plans de prévention des risques naturels spécifiques aux inondations (PPRI).

M. le président Maxime Bono. Vous souhaitez un retrait de l’urbanisation en cas de danger. À l’exemple de la loi Barnier, vous prônez aussi l’établissement d’une balance entre coûts et avantages. Comment votre approche s’en distingue-t-elle ?

La loi Littoral apporte un certain nombre de réponses à la préoccupation de non construction à proximité des rivages. L’une de ses difficultés est le concept de covisibilité. Dans certaines zones, pour des raisons d’aspect du paysage, la constructibilité n’est pas possible jusqu’à 2 000 mètres du rivage ! Cette situation peut rendre difficile l’établissement de plans d’urbanisme, y compris à une échelle intercommunale. Au-delà de la protection de la biodiversité, quelle importance accordez-vous à la protection du paysage en tant que valeur patrimoniale ? Jusqu’où doit aller le recul ?

M. Raymond Léost. France Nature Environnement est attachée à la biodiversité, dont l’homme fait partie, et considère que ce sont d’abord les hommes qu’il faut protéger !

Nous pensons que devrait être créé, au sein de la loi Littoral, un zonage particulier des espaces présentant des risques de submersion, qui seraient ainsi soumis au même régime que les espaces remarquables du littoral. Notre préoccupation est moins le paysage que la protection contre les risques naturels.

Mme Pascale Got. Votre scepticisme quant à l’intérêt des digues tient-il à leur existence même ou davantage aux normes de hauteur, aujourd’hui nationales et dont vous considéreriez qu’elles devraient davantage répondre aux spécificités régionales ?

Votre approche semble assez radicale. Comment, dans votre doctrine d’éloignement des installations du rivage, traitez-vous les équipements d’une grande valeur économique, comme la centrale nucléaire du Blayais, le long de l’estuaire de la Gironde ?

M. le président Maxime Bono. Vous souhaitez qu’on ne construise pas de nouvelles digues, mais comment traitez-vous les digues existantes ?

M. Raymond Léost. Quel que soit le dispositif, France Nature Environnement préfèrera toujours prévenir que guérir. Une digue par-dessus laquelle les eaux passent ne sert à rien. Cela dit, localement, une digue peut être une solution. Les normes nécessaires ne sont pas forcément les mêmes dans le Pas-de-Calais, la Gironde ou le Var. La mer ne se comporte pas non plus de façon identique sur les rivages de l’île de Sein, d’Hyères, ou de l’Aber Wrac’h. Nous sommes donc partisans de solutions locales et de normes définies localement, après évaluation et expertise spécifiques, tenant compte aussi de la destination du terrain.

Pour les digues existantes, nous préférons, dans les zones naturelles, le rétablissement du jeu naturel des allées et venues de la mer. En zone urbanisée en revanche, la réalisation d’un solide bilan coûts-avantages est indispensable avant toute décision. Soustraire les populations aux risques naturels – comme nous le préconisons – comporte un coût pour la collectivité, qu’il faut comparer à celui du maintien d’une population, qui implique l’entretien des digues et leur enrochement, pour autant qu’elles puissent être efficaces : lorsque des constructions ont été réalisées largement en dessous du niveau de la mer, je crains qu’aucune digue ne puisse empêcher son retour…

M. le président Maxime Bono. Comment serait-il possible de développer la culture du risque, afin que l’on n’oublie pas un événement cinq ans après qu’il est survenu ?

M. Raymond Léost. Il faut d’abord développer la pédagogie dans les écoles, où l’on devrait enseigner chaque année les risques locaux. Des exercices à l’attention des populations concernées doivent aussi être organisés. Les municipalités doivent développer l’information.

M. le président Maxime Bono. Que pensez-vous des zonages réalisés pour protéger la population, notamment celles qui ont été baptisées « zones noires » où l’on démolirait l’existant ? Faudrait-il agir au cas par cas ? Avez-vous au contraire établi une doctrine générale ? Quelle est votre opinion quant à la méthode d’établissement de ces zones ?

M. Raymond Léost. Les critères de délimitation des « zones noires », c’est-à-dire des zones d’expropriation, doivent être objectifs, vérifiables et connus de tous. Ils doivent être appliqués non pas de façon rigide, mais au cas par cas, en fonction du terrain.

Si l’on peut regretter que l’État n’ait pas communiqué les critères d’établissement des « zones noires », elles ont été établies sur la base de travaux préalables, qui n’étaient toutefois pas connus de l’ensemble des décideurs politiques et économiques ni, surtout, des citoyens. Les critères doivent donc être explicités. Il peut arriver qu’une habitation ne doive son classement hors « zone noire » qu’à un remblai en amont ! Les critères définis par l’État doivent aussi intégrer les crues des cours d’eau, dont le débit n’était pas à leur maximum lors de la tempête Xynthia.

Tout ceci explique pourquoi certains se plaignent. L’État n’a pas forcément tort, mais il a commis l’erreur de ne pas davantage expliquer sa démarche.

Enfin, la détermination des zonages en fonction des critères choisis doit faire l’objet d’une consultation publique, qui validera ou invalidera les choix de l’État, qui, en tout état de cause, reste le garant en dernier ressort de la prévention des risques naturels.

Mme Catherine Quéré. Comment faire accepter la démolition à une personne dont la maison n’a pas été inondée ?

M. Raymond Léost. Elle pourra l’être demain ! Les inondations de 1999 ont été causées par plusieurs tempêtes successives : alors que celle de la première journée avait été exceptionnelle, une autre est survenue quelques jours plus tard. Des maisons, épargnées par une première submersion, peuvent être submergées par un nouvel épisode. Comment réagiront alors leurs habitants ?

M. le président Maxime Bono. Jugez-vous adaptées les procédures d’élaboration des plans de prévention du risque d’inondation (PPRI) ? Les critères sur lesquels ils sont fondés vous paraissent-ils probants ?

M. Raymond Léost. Nous n’accordons évidemment pas notre confiance a priori. Les critères doivent être connus de tous ; ensuite, des débats doivent avoir lieu entre tous les intéressés. Il n’y a pas de raison qu’un PPRI qui serait établi dans ces conditions ne soit pas considéré comme valide.

L’enquête publique aujourd’hui conduite est beaucoup trop tardive. C’est en amont qu’il faudrait organiser des débats publics, en imposant une obligation non pas simplement d’information mais de concertation, c’est-à-dire donnant lieu à des échanges, afin que les choix de l’État soient mieux acceptés.

Mme Claude Darciaux. Les démolitions parcelle par parcelle peuvent entraîner un mitage du territoire, parfois plus dangereux qu’un maintien général en l’état. Une réflexion est nécessaire à ce propos. Comment envisagez-vous la gestion par les communes des terrains libérés et que vous proposez de remettre au Conservatoire du littoral ?

M. Raymond Léost. En évoquant la gestion à la parcelle, j’ai simplement voulu dire qu’il n’est guère concevable de laisser subsister une maison isolée alors que toutes celles qui l’environnent seraient soumises à une obligation de démolition. La solution retenue doit être cohérente et unique sur l’ensemble d’un territoire.

Les terrains transférés au Conservatoire du littoral sont inaliénables. Pour autant, nous considérons que les communes sont les mieux à même, en concertation avec le Conservatoire, de déterminer le type d’activité auquel un territoire doit être consacré. Il n’est pas question d’imposer d’en haut des règles de gestion locale. La seule règle est que le territoire sera inconstructible et réservé à des activités agricoles, par exemple.

M. le président Maxime Bono. Vous évoquez la possibilité de laisser les eaux envahir les terres. Comment résolvez-vous la contradiction entre ce phénomène avec la salinisation qu’il entraîne et la préservation de l’activité agricole ? Par la construction d’une digue ?

M. Raymond Léost. Sont en jeu à la fois l’activité agricole et la préservation de la biodiversité. Le choix à faire doit être fondé sur une analyse en termes de coûts et d’avantages. Nous restons fondamentalement favorables à la suppression des digues. Pour autant, des solutions alternatives doivent pouvoir être trouvées au cas par cas. Il faut toujours raison garder !

Mme Pascale Got. Les aléas climatiques du type de Xynthia ne sont-ils pas en partie mis en avant par une certaine forme d’écologie, adepte de la mise « sous cloche » de certains territoires plutôt que de leur valorisation ?

M. Raymond Léost. La sécurité des populations n’est pas une affaire de pure écologie : elle est fondamentale. Elle s’accorde parfaitement avec la préservation de certains espaces naturels contre toute forme d’urbanisation.

Mme Catherine Quéré. Fondamentales pour la biodiversité, les zones de marais ont cependant été créées par la main de l’homme : des canaux, des fossés y ont été creusés et elles abritent des activités d’élevage. Êtes-vous hostiles à leur protection ? Souhaitez-vous leur disparition ?

M. Raymond Léost. Si nous sommes favorables à la suppression des digues, c’est parce qu’elles n’ont pas pu protéger de la mer les terres, urbanisées ou non. Pour les marais et la biodiversité, il faut, une fois encore, comparer les coûts aux avantages.

M. Dominique Souchet. Lors de son audition, le professeur Fernand Verger a évoqué la dépoldérisation, et cité l’exemple du polder de Mortagne le long de la Gironde, tout en hésitant beaucoup quant à l’application de cette solution au Marais poitevin. Pour vous, le concept de dépoldérisation est-il pertinent ? Quels critères faudrait-il mettre en œuvre pour l’appliquer ?

M. Raymond Léost. Dépoldériser peut être pertinent, mais après un bilan coûts-avantages. Autant que faire se peut, notre préférence va à l’arasement des digues.

M. le président Maxime Bono. Au-delà de votre position de principe, aux termes de laquelle la digue n’est pas la solution, vous préconisez donc que l’on détermine de façon pragmatique, territoire par territoire, les actions à mener.

Vous avez indiqué que les solutions à adopter devaient être diversifiées, entre la Méditerranée, la Manche ou l’Atlantique. Faut-il gérer les digues au plus près du territoire ou créer un organisme national, qui capitaliserait le savoir sur les systèmes de protection et qui serait capable d’élaborer une doctrine ? Cette doctrine pourrait-elle aller jusqu’à déterminer des lieux qui ne peuvent pas être protégés ? Au total, comment voyez-vous l’avenir des digues dans notre pays ?

M. Raymond Léost. Multiplier les établissements publics n’est pas forcément la bonne solution. Ne pourrait-on confier cette tâche à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, qui serait ainsi dans son rôle ?

Je le maintiens, les mesures doivent être décidées au niveau de chaque bassin naturel. Le rôle d’un établissement public national n’est pas de gérer le trait de côte, mais de fournir des expertises aux décideurs, à qui revient cette gestion, après information de l’ensemble des acteurs, politiques et économiques, et, évidemment, des citoyens.

Mme Pascale Got. Ne serait-il pas possible de maintenir des réseaux de digues en améliorant fortement les dispositifs d’alerte et de gestion des aléas ?

M. Raymond Léost. C’est un véritable enjeu.

Le préfet de Vendée, M. Jean-Jacques Brot, a indiqué au Sénat que, présent sur place pendant l’événement, mais n’arrivant pas à mettre la main sur son téléphone satellite, il avait dû utiliser celui d’un camion de pompiers… Digues ou pas, le système d’alerte doit être renforcé. Des alertes doivent pouvoir être lancées au vu de certains indices fournis par Météo-France ou les dispositifs de mesure des crues. Par ailleurs, l’alerte aux crues des cours d’eau et celle des dangers maritimes doivent être unifiées, avec pour objectif l’information à temps des élus. Pourquoi ne pas prévoir le codage d’un système de sirènes, cinq coups par exemple signifiant la nécessité d’une évacuation ?

Mme Catherine Quéré. Le Parlement des Enfants a voté samedi dernier une proposition de loi en ce sens.

M. Raymond Léost. Elle ne peut que recevoir notre approbation.

M. Jean-Marie Morisset. Vous raisonnez beaucoup en termes de coûts et avantages. Cependant, les rédacteurs d’une étude sur la même question peuvent ne pas aboutir aux mêmes conclusions, en particulier selon que l’on se placera du point de vue intercommunal ou interdépartemental. Qui doit être l’arbitre en cas de conflit ?

M. Raymond Léost. Les acteurs locaux ont tous un intérêt subjectif et le garant en dernier ressort est l’État.

M. le président Maxime Bono. Quelle est la contribution de France Nature Environnement au plan national d’adaptation au changement climatique ?

M. Raymond Léost. Je ne suis pas le bon interlocuteur sur ce point.

L’inapplication des textes risque de coûter pénalement très cher non seulement à des promoteurs, mais également à des élus locaux qui se rendraient complices de violation de la loi Littoral, mais aussi d’homicides ou de blessures involontaires. Certaines communes vont voir leur responsabilité administrative engagée. Pourront-elles continuer à s’assurer contre de tels dommages ? Comment les budgets communaux feraient-ils face à de lourdes condamnations pécuniaires ? Ne faudrait-il pas offrir à certaines communes la possibilité de renoncer à la délivrance des permis de construire, ce qui permettrait aussi aux élus de résister à la pression de certains promoteurs ? Aujourd’hui, lorsqu’un PLU a été élaboré, le transfert de compétence est définitif.

M. le président Maxime Bono. L’intercommunalité est une réponse assez forte à vos interrogations. De plus, que des territoires bâtis depuis des siècles aient été balayés par le flot de la tempête Xynthia est bien la preuve du caractère très particulier de cet aléa.

Bien des dommages qui peuvent frapper les communes ne sont pas assurables.

Il est vrai qu’un champ va s’ouvrir pour la responsabilité des communes et des élus. Des avocats se sont déjà présentés spontanément dans les communes ! L’objectif de notre mission d’information est de prévenir plutôt que guérir et de proposer des solutions avant que l’on ne se trouve devant les tribunaux.

M. Raymond Léost. Les victimes sont malheureusement là. Des avocats, parfois célèbres, sont déjà venus leur proposer leur assistance. Des communes vont se trouver mises en cause et le coût pourrait être très élevé.

Mme Catherine Quéré. Les archives, le passé font s’interroger sur la justification de bouleverser le régime juridique des sols.

M. Raymond Léost. Je ne parlerai pas de phénomène exceptionnel. Un vendredi d’octobre 1987, la température dépassait 25 degrés et j’ai été directement victime d’un ouragan. Le phénomène était exceptionnel, nous a-t-on dit. Or, des événements comparables se sont renouvelés au moins trois fois depuis, notamment lors des tempêtes de 1999. Xynthia peut se reproduire demain. Les opinions traditionnelles ne devraient-elles pas être revisitées à la lumière des changements du climat ?

M. le président Maxime Bono. Selon les scientifiques, l’élévation du niveau des eaux liée au changement climatique joue assez peu dans ce type d’événements. Une hausse du niveau de la mer de dix centimètres n’a guère de conséquences dans une montée des eaux de 1,5 mètre. En revanche, nous pouvons nous demander si des phénomènes considérés aujourd’hui comme erratiques ne vont pas de reproduire de plus en plus souvent ?

M. Raymond Léost. Les leçons de la tempête Xynthia n’ont semble-t-il, pas été tirées. Nous assistons en Vendée à des reconstructions dans des zones frappées par la tempête. Je vous remettrai des documents qui en attestent. La mémoire est décidément bien courte…

M. le président Maxime Bono. Pourquoi votre hostilité aux enrochements ?

M. Raymond Léost. Jamais un enrochement n’a empêché la mer de passer. La mer les attaque à la base, et finalement l’enrochement n’empêche pas le recul de la dune. Je dispose de plusieurs photos qui le prouvent.

M. le président Maxime Bono. Merci pour votre contribution.

—fpfp—

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia

Réunion du mercredi 9 juin 2010 à 16 h 45

Présents. - M. Maxime Bono, Mme Claude Darciaux, Mme Pascale Got, M. Jean-Marie Morisset, Mme Catherine Quéré, M. Dominique Souchet

Excusés. - M. Dominique Caillaud, M. Louis Guédon, Mme Marguerite Lamour, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jean-Luc Préel