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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 11 décembre 2007

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Henri REVOL, sénateur, Président et de M. Claude BIRRAUX, député, Premier Vice-Président

– Examen du rapport de MM. Pierre Laffitte et Claude Saunier, sénateurs, sur l’apport de la science et de la technologie au développement durable : Tome II – La biodiversité : l’autre choc ? l’autre chance ?

– Nomination de rapporteurs sur l’évaluation de la stratégie nationale de recherche en matière d’énergie (article 10 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005)

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Développement durable – Biodiversité – Examen du rapport

L’Office a procédé à l’examen du rapport de MM. Pierre Laffitte et Claude Saunier, sénateurs, rapporteurs, sur « L’apport des sciences et des technologies au développement durable – Tome II : La biodiversité : l’autre choc ? l’autre chance ? ».

M. Claude Saunier, rapporteur, a rappelé le contexte de ce rapport, qui fait suite au Tome I, consacré au changement climatique et à la crise énergétique, et a vocation à accompagner le processus du « Grenelle de l’environnement ».

M. Pierre Laffitte, rapporteur, a exposé les grandes lignes de l’étude : l’importance du choc que subit la biodiversité des écosystèmes, l’urgence des initiatives à prendre pour redresser la situation et la chance que constitue la biodiversité pour infléchir notre mode de développement vers la durabilité.

La biodiversité des écosystèmes nous fournit un produit intérieur brut gratuit de l’ordre de 35 000 milliards de dollars analogue au produit intérieur brut généré par l’activité humaine. Or, depuis 1990, l’humanité demande à la biosphère plus qu’elle ne peut fournir, et la poursuite de cette tendance indique, qu’en 2050, elle la sollicitera deux fois plus.

M. Pierre Laffitte, rapporteur, a donné des précisions sur le choc qu’enregistre la biodiversité des écosystèmes :

- depuis deux siècles, le rythme de disparition des espèces est de 10 à 100 fois plus élevé que le rythme naturel. Selon l’évaluation du millénaire faite par la communauté scientifique internationale, ce rythme sera, suivant les espèces, de 100 à 1 000 fois plus rapide en 2050 ;

- tous les milieux sont touchés (les milieux humides continentaux ont perdu 37 % de leurs espèces en 30 ans, 13 millions d’hectares de forêts tropicales, dont 6 millions de forêts primaires, sont détruits chaque année, 60 % des récifs coralliens sont menacés) ;

- même la biodiversité européenne, pourtant déjà très anthropisée, a subi de nouvelles altérations (hors espaces « Natura 2000 », la diversité aviaire a diminué de 30 à 70 % dans les trente dernières années).

M. Claude Saunier, rapporteur, a indiqué que les causes de cette destruction des écosystèmes étaient identifiées (pression de prédation sur les océans et les forêts, pressions d’occupation d’espaces – en France, 165 hectares d’espaces naturels disparaissent chaque jour – accélération du phénomène dû à la mondialisation).

De plus, les menaces du changement climatique se profilent. Depuis 30 ans, en Europe, la répartition des espèces évolue et leur phénologie se modifie. Mais l’amplification de ce changement pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les biotopes terrestres menacés par le stress hydrique et contraint à des migrations forcées et sur les biotopes océaniques, dont la chaîne alimentaire pourrait être modifiée en profondeur et dont les mécanismes de calcification de certains organismes pourraient être contrariés du fait de la modification du ph des océans.

M. Pierre Laffitte, rapporteur, a, alors, souligné que la gravité de ce bilan appelait des initiatives d’urgence pour maîtriser les pressions d’anthropisation et pour anticiper les menaces.

Des solutions scientifiques et technologiques existent pour endiguer les pressions de prédation.

En matière forestière, il serait possible d’accroître les programmes de conservation, de passer à une exploitation beaucoup plus rationalisée et d’intégrer la protection des forêts tropicales dans le mécanisme de Kyoto II. Les milieux océaniques pourraient faire l’objet d’un accroissement des réserves, d’une meilleure gestion de la ressource par l’expérimentation de quotas individuels de pêches rétrocessibles, et d’une promotion d’une aquaculture marine raisonnée, diminuant le nourrissage par des farines de poissons et fonctionnant en circuit fermé pour éviter les dégâts des effluents.

Puis M. Claude Saunier, rapporteur, a exposé qu’il était également possible de réduire les pressions d’occupation des espaces naturels, en systématisant l’obligation de compenser leur destruction, ce qui permettrait de créer un marché fondé sur l’échange d’unité de biodiversité, comme il existe un marché des émissions de CO2. Cette action serait activée par l’instauration progressive du principe pollueur-payeur.

Il faudra également prendre garde aux futures concurrences d’occupation d’espaces : la montée de l’utilisation des biocarburants, qui est actuellement l’une des causes de la destruction des forêts du Sud-Est asiatique, et la nécessité d’avoir à nourrir 2,5 milliards d’hommes supplémentaires en 2050.

M. Pierre Laffitte, rapporteur, a souligné qu’il fallait, dès maintenant, engager une politique pour anticiper les effets du changement climatique (établir un état des lieux, assurer le suivi des observations dans la durée, constituer des corridors de migration des espèces et conserver in et ex situ les semences).

M. Claude Saunier, rapporteur, a exposé qu’une utilisation raisonnée de la biodiversité des écosystèmes pouvait être l’occasion d’une forte inflexion de notre modèle de développement vers la durabilité. Il a insisté sur la nécessité de mieux valoriser les services environnementaux (sanitaires, hydrologiques, agronomiques), ce qui suppose de les réintégrer dans le calcul économique.

Enfin, M. Pierre Laffitte, rapporteur, a noté que la « mémoire de réussite » du vivant pourrait être fortement valorisée industriellement. Il a évoqué, à ce titre, les perspectives offertes par la biomimétique et la bioinspiration, la « boîte à outils » de la quatrième révolution industrielle que vont constituer les biotechnologies, ainsi que les apports de la bioprospection.

MM. Pierre Laffitte et Claude Saunier, rapporteurs, ont alors alternativement présenté leurs dix propositions destinées à aller plus loin que le « Grenelle de l’environnement » :

M. Claude Birraux, premier vice-président, après avoir félicité les rapporteurs pour le caractère sérieux de leur étude, a rappelé l’importance de la contribution de la recherche au développement durable et s’est interrogé sur la cohérence de notre dispositif national de recherche dans le domaine de la biodiversité.

Mme Geneviève Fioraso, députée, a demandé aux rapporteurs, qui ont répondu par l’affirmative, si le phénomène d’altération de la biodiversité pouvait être compensé plus rapidement que les effets du changement climatique.

Les conclusions des rapporteurs ont ensuite été adoptées par l’Office qui a autorisé la publication du rapport.

Nomination de rapporteurs

Enfin, en application de l’article 10 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, l’Office a nommé MM. Claude Birraux, député, premier vice-président, et Christian Bataille, député, rapporteurs sur l’évaluation de la stratégie nationale de recherche en matière d’énergie.