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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi 25 juin 2008

Séance de 12 heures 15

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

– Audition des membres du Board de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), ainsi que de représentants de l’Association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC) sur la gouvernance de l’Internet.

L’Office a procédé à l’audition d’une délégation de l’ICANN, accompagnée de représentants de l’AFNIC.

M. Claude Birraux, député, président, après avoir accueilli les représentants de l’ICANN et de l’AFNIC, puis présenté l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a rappelé que celui-ci avait organisé, en décembre 2005, à la suite du sommet mondial sur la société de l’information qui s’était tenu à Tunis, une audition publique ouverte à la presse sur « la gouvernance mondiale de l’Internet ».

M. Peter Dengate Thrush, président du Board de l’ICANN, a rappelé les conditions dans lesquelles l’ICANN avait été créée en 1998, en insistant sur le rôle joué par le gouvernement américain, lequel avait financé le développement de l’Internet et assumé les responsabilités de l’attribution des noms de domaines. L’organisation complexe mise en place, dont les principes ont été acceptés par l’ensemble de la communauté Internet, répondait à un double objectif, confier la gestion technique de l’Internet à un organisme international regroupant toutes les parties prenantes et assurer la stabilité du système.

M. Claude Birraux, député, président, a demandé quels avaient été les progrès réalisés depuis le sommet de Tunis, en notant que lors de l’audition publique organisée par l’OPECST en 2005, plusieurs critiques avaient été adressées au mode de gestion de l’Internet, notamment une sécurité insuffisante, l’absence de multilinguisme, un déséquilibre dans l’affectation régionale des noms de domaine, à plus de 70% américains, et la place occupée par la société américaine VeriSign.

Dr Paul Twomey, Chief executive officer et président de l’ICANN, a observé que la question de la sécurité de l’Internet était rendue complexe par l’existence de trois couches successives, celle assurant le transit, la couche du routage et de l’adressage, relevant de la responsabilité de l’ICANN et permettant aux 250 000 réseaux de la première couche de communiquer entre eux, et la couche des applications. La plupart des problèmes de sécurité concernent cette couche logicielle, qui n’est pas du ressort de l’ICANN. L’ICANN, pour sa part, fait des efforts pour améliorer les résistances aux nombreuses attaques portant atteinte à la sécurité du routage et de l’adressage, qui ne constitue qu’un élément de la sécurité globale de l’Internet, laquelle ne peut être assurée que si toutes les parties concernées travaillent ensemble.

M. Roberto Gaetano, vice-président du Board de l’ICANN, a observé qu’en ce qui concerne la prédominance de l’anglais sur l’Internet, il fallait distinguer le contenu et l’infrastructure, les responsabilités de l’ICANN se limitant à cette dernière. Au niveau de l’infrastructure, des progrès ont été réalisés, en particulier sur les caractères utilisés qui peuvent constituer une barrière à l’accès à l’Internet. L’internationalisation des noms de domaines constitue un point sensible de l’agenda de la réunion qui se tient actuellement à Paris. Les effets d’une introduction de caractères autres que latins, tels que des caractères japonais, chinois ou arabes, pour les noms de domaines de premier niveau, se répercuteront sur les niveaux suivants, ce qui permettra au marché d’évoluer, de faciliter l’accès au Web et l’utilisation d’adresses e-mail propres à chaque langue. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la gestion des noms de domaines des pays (ccTLD – country code Top Level Domain) qui offrent des espaces propres à chaque pays. S’agissant des contenus, le rôle des gouvernements des États est essentiel, comme en témoigne l’action engagée par la France pour promouvoir le français et la francophonie. Le rôle de l’ICANN est, pour sa part, de développer les infrastructures nécessaires, autorisant l’accès à l’Internet des différentes langues et écritures.

En ce qui concerne la position dominante de la société VeriSign, M. Roberto Gaetano a rappelé qu’avant la création de l’ICANN, une société, rachetée par VeriSign, occupait déjà une position de monopole sur trois domaines génériques de premier niveau (gTLD – generic Top Level Domain), « .org », « .com » et « .net », les noms de domaines étant alors vendus 35$ auxquels s’ajoutaient 15$ de taxe destinée à financer les infrastructures. Face à cette situation, l’ICANN a pris plusieurs mesures pour libéraliser le marché : dissociation des fonctions de gestion des bases de données et d’enregistrement, création de nouveaux noms de domaines de premier niveau, comme par exemple le « .biz », mise en concurrence pour l’attribution du « .org ». Ces mesures ont permis de faire baisser sensiblement les prix et de réduire la part de marché de la société dominante. L’introduction de noms de domaines avec des langues et caractères diversifiés offrira une nouvelle opportunité pour des opérateurs locaux.

M. Claude Birraux, député, président, a posé deux questions sur le risque de pénurie d’adresses IP (Internet Protocol) à l’horizon 2010 et sur l’Internet des objets.

Concernant le risque de pénurie des adresses Internet, M. Peter Dengate Thrush, président du Board de l’ICANN, a rappelé que la version initiale autorisait 4 milliards d’adresses, qui seront épuisées d’ici 2010 en raison du développement de l’Internet. La communauté technique de l’Internet a mis au point une nouvelle version, l’IPv6, qui offre des possibilités pratiquement illimitées, équivalant à 750 adresses IP pour chaque nanomètre carré de la surface de la Terre. Les deux versions coexisteront pendant un certain temps, puis le système d’adressage actuel ne pourra plus communiquer avec IPv6. C’est pourquoi, l’ICANN encourage toutes les parties concernées à adopter la nouvelle version, M. Éric Besson, Secrétaire d’État chargé de la Prospective, de l’Évaluation des politiques publiques et du Développement de l’économie numérique, auprès du Premier ministre, ayant donné des assurances sur ce point pour la France.

S’agissant de l’Internet des objets, Dr Paul Twomey, CEO et président de l’ICANN, a observé que l’évolution d’Internet vers la communication des objets suscitait beaucoup de discussions en Europe, alors que d’une part, l’Internet est déjà utilisé par les constructeurs aéronautiques, pour assurer le suivi des pièces embarquées dans les avions, ou par d’autres industriels pour contrôler leur chaîne d’approvisionnement, et d’autre part, la technologie sous-jacente est commune à l’Internet des objets et à l’Internet des personnes.

Abordant la question du déséquilibre entre les États, M. Peter Dengate Thrush a souligné que la plupart d’entre eux étaient impliqués, notamment grâce aux codes des pays et au sein du comité consultatif des gouvernements, 120 à 130 organisations de consommateurs étant par ailleurs associées. Différentes nationalités sont, en outre, représentées parmi les membres de l’ICANN, comme au sein de son conseil d’administration. Par ailleurs, l’ICANN a pris diverses initiatives pour encourager les pays où Internet n’est pas bien implanté à travailler avec elle ; en particulier, un programme de bourses bénéficiant aux pays en développement a été mis en place.

Á une question posée sur la capacité de l’ONU à prendre en charge la régulation de l’Internet, M. Roberto Gaetano, vice-président du Board de l’ICANN, a répondu que l’infrastructure technologique de l’Internet était très originale et reposait sur une plateforme distribuée où tous les acteurs se coordonnent de façon concertée. La gouvernance de l’Internet s’inspire des mêmes principes, sans aucune centralisation, faisant coopérer toutes les parties prenantes, utilisateurs, entreprises, opérateurs, société civile, distributeurs d’adresses, pour rechercher le consensus qui donne la légitimité au système. Cette procédure est une garantie pour que l’Internet fonctionne et qu’il fonctionne dans l’intérêt de tous.

M. Jean-Jacques Subrenat, directeur du Board, a rappelé que la mission de l’ICANN était de nature technique, mais que l’extension du réseau et le développement de l’Internet suscitaient diverses revendications en matière de gouvernance. Si une évolution institutionnelle n’est pas exclue dans le futur, les exigences concernant la gouvernance devraient être prises en charge par les structures actuelles, notamment à partir de septembre 2009.

M. Peter Dengate Thrush, après avoir rappelé le rôle joué par le gouvernement des Etats-Unis dans le développement et le financement de l’Internet, comme dans la création de l’ICANN, a indiqué que le document contractuel liant celle-ci au gouvernement américain arriverait à échéance en septembre 2009, et que des discussions étaient engagées au sein de communauté Internet pour examiner les évolutions qui s’ensuivraient. Parallèlement, l’ICANN négocie avec le gouvernement américain et VeriSign pour transférer à l’ICANN une partie des compétences techniques exercées par VeriSign sur les serveurs racines.

M. Claude Birraux, député, président, après avoir remercié les représentants de l’ICANN et de l’AFNIC, a souligné la nécessité d’associer les parlementaires des différents États aux réflexions de l’ICANN et à la gouvernance d’Internet, afin de donner une légitimité démocratique aux décisions prises.