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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 3 mars 2009

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

Présentation du rapport de MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés, sur l’évaluation de la stratégie nationale de recherche en matière d’énergie.

MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés, rapporteurs, ont rappelé que leur présentation portait sur l’évaluation de la « stratégie nationale de recherche énergétique », ainsi que le prévoit la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.

Cette étude s’est trouvée positionnée à la confluence de deux vagues historiques assez rapprochées d’intérêt national pour l’énergie, car avant le Grenelle de l’environnement, qui a démarré en juillet 2007, la France avait connu une première vague de réflexion collective sur ce sujet, ouverte en janvier 2003 par le « Débat national sur les énergies », et qui s’est achevée avec la publication du rapport sur le « facteur 4 » en août 2006. Cette première vague s’est traduite par le vote de la loi du 13 juillet 2005 précitée, dont cette mission d’évaluation constitue un prolongement.

Plutôt que de s’en tenir à la stricte critique du document de mai 2007 décrivant la stratégie nationale de recherche énergétique, la démarche d’évaluation suivie a d’emblée pris en compte les évolutions en cours, en mettant en valeur les apports du Grenelle de l’environnement. A cet égard, deux constats généraux peuvent être dressés :

Le premier constat concerne la lenteur inhérente au déploiement des systèmes énergétiques, et donc le délai d’impact d’une impulsion politique dans ce domaine. Car le processus par lequel une idée trouve une concrétisation scientifique, se transforme en une solution technique, puis devient un procédé industrialisable, et enfin un produit commercial est très long dans le domaine de l’énergie. Il est donc par essence difficile pour la recherche en énergie de faire valoir ses efforts, à la différence notable de la recherche dans les communications électroniques, qui bénéficie d’un cycle « du concept au marché » beaucoup plus court ; de ce côté-ci, le temps se compte en années ; pour l’énergie, il se compte en décennies. Il est plus rapide de diffuser le dernier modèle des téléphones portables, que d’améliorer l’isolation du parc immobilier, ou de généraliser les véhicules électriques.

Le second constat général concerne l’impression extrêmement favorable laissée par la communauté de la recherche en énergie : qu’il s’agisse des organismes publics (CEA, IFP, CNRS) ou des entreprises (EDF, Areva, Saint-Gobain, Saft), il ressort des échanges une forte volonté d’aller de l’avant et de s’adapter aux évolutions apportées par les percées technologiques, comme celles réalisées au cours de la quinzaine d’années écoulées sur les batteries rechargeables et les véhicules hybrides.

C’est une des raisons pour lesquelles les préoccupations de la société exprimées à l’occasion du Grenelle de l’environnement ont pu trouver un relais rapide du côté de l’effort de recherche, ainsi qu’en témoigne le déploiement des démonstrateurs dans le domaine clef des biocarburants. De fait, l’effort pour développer des solutions axées sur le développement des énergies renouvelables et la diminution des émissions de gaz carbonique était déjà engagé depuis longtemps, et le Grenelle de l’environnement, avec la décision du Président de la République d’accroître le soutien budgétaire pour la recherche sur l’énergie et le climat, n’a fait qu’accélérer un mouvement déjà bien orienté.

MM. Christian Bataille et Claude Birraux ont indiqué que leur évaluation reprend la distinction classique entre la forme et le fond, et que, s’agissant de la forme, leurs critiques se concentrent sur le manque de méthodologie objective pour identifier les priorités et l’absence d’une validation politique par le Gouvernement.

La stratégie de mai 2007 a été élaborée sans aucune grille d’analyse et de comparaison mettant en avant d’un côté les enjeux, thème par thème, de l’autre les atouts de la recherche française, de manière à justifier l’allocation budgétaire entre les différentes pistes. En fait, sauf dans le domaine de l’énergie nucléaire, la stratégie nationale de recherche énergétique se présente plutôt comme une synthèse a posteriori des pistes définies, au cas par cas, sans plan d’ensemble, par les contrats d’objectifs des établissements de recherche.

Ce caractère inachevé est illustré par l’absence de validation du document par les autorités politiques. La stratégie nationale de recherche énergétique doit selon la loi être « arrêtée » par les ministres chargés de l’énergie et de la recherche. Or le document ne fait apparaître aucun endossement de son contenu par ces deux ministres. C’est un simple document de travail administratif.

A l’inverse, au Japon, la stratégie de recherche est non seulement approuvée tous les cinq ans par le Gouvernement, mais encore suivie régulièrement par un conseil de ministres restreint, augmenté de personnalités du monde scientifique, qui se tient tous les deux mois sous l’autorité du Premier ministre en personne. Ce « Conseil sur la politique de la science et de la technologie » (CSTP) couvre certes l’ensemble de la recherche, et non pas seulement le domaine de l’énergie, mais la différence d’engagement des autorités de l’État est flagrante.

Il faudrait donc, non seulement que la prochaine stratégie nationale de recherche énergétique, qui doit être arrêtée d’ici 2012, soit élaborée selon une méthodologie plus rigoureuse, mais encore que son contenu soit présenté et approuvé en Conseil des ministres, et publié au Journal officiel par arrêté conjoint des ministres de la recherche et de l’énergie, comme la loi y invite.

La stratégie doit faire apparaître des « itinéraires programmatiques » (Road Maps), c'est-à-dire des échéanciers par secteur, mais aussi des projections temporelles montrant l’efficacité des choix technologiques face aux évolutions des besoins d’énergie à moyen terme.

MM. Christian Bataille et Claude Birraux ont souligné que leurs recommandations quant au pilotage de la mise en œuvre de la stratégie s’appuient sur l’expérience acquise dans le domaine de la recherche nucléaire.

A cet égard, il apparaît nécessaire d’une part, de définir une responsabilité de pilotage pour l’ensemble de la recherche énergétique, disposant de la faculté d’effectuer un arbitrage des moyens entre les différentes échéances auxquelles se trouve confrontée la politique de l’énergie ; d’autre part, de définir une responsabilité de pilotage par domaine, pour ceux identifiés comme prioritaires. En outre, il faut avoir le souci de ne pas créer des structures lourdes et coûteuses.

Les recommandations concernent ainsi :

- premièrement, la désignation d’un « Haut commissaire à l’énergie », en mesure d’orienter la recherche en énergie dans la perspective plus générale de la politique de l’énergie ; en fait, il s’agit simplement d’étendre et de renforcer les compétences du « Haut Commissaire à l’énergie atomique », qui sont d’ores et déjà plus larges que ce que son titre peut le laisser entendre ; il s’agit de lui troquer un titre plus court contre un profil plus large ;

- deuxièmement, la nomination de « coordinateurs » désignés officiellement parmi les partenaires des programmes relevant d’une priorité de recherche ; il ne s’agit pas d’acteurs nouveaux, mais de « primus inter pares », qui peuvent et doivent décider en cas de difficulté tactique sur le chemin de la recherche, et en contrepartie de ce pouvoir, ont la responsabilité d’en rendre compte aux autorités de l’État ;

- troisièmement, la mise en place d’une « Commission nationale d’évaluation » en charge de la recherche sur les nouvelles technologies de l’énergie, sur le modèle de celle déjà à l’œuvre depuis deux décennies dans le domaine de la recherche sur les déchets radioactifs; ainsi, toutes deux procéderaient annuellement à leur évaluation, chacune dans leur domaine, puis en rendraient compte à l’OPECST ; il s’agit là de structures permanentes, mais légères, car composées de membres certes officiellement désignés, mais bénévoles ; l’expérience montre qu’un tel dispositif est très pertinent ; il sert d’aiguillon utile.

Abordant l’analyse du fond de la stratégie, MM. Christian Bataille et Claude Birraux ont indiqué qu’elle distinguait d’un côté, les technologies établies, celles dont la primauté dans l’effort de recherche français est reconnue et garantie par la loi, à savoir l’énergie nucléaire et le pétrole, et de l’autre, les technologies nouvelles, pour lesquelles un tri officiel des priorités reste à faire.

Les technologies établies n’appellent pas de réorientations importantes, mais seulement quelques inflexions d’ajustement.

Dans le domaine de l’énergie nucléaire, ces inflexions concernent essentiellement un renforcement des instances de pilotage, dans le sens évoqué précédemment.

Pour la recherche sur la séparation / transmutation, il semble naturel de confier cette tâche de pilotage au CEA, avec la mission de veiller à ce que les recherches sur les réacteurs de quatrième génération visent bien à recycler tous les déchets à haute activité comme combustibles (neptunium, américium, curium), et pas seulement le plutonium. Pour la recherche sur l’entreposage, l’ANDRA paraît bien placée, puisqu’elle gère les dispositifs de stockage en bout de chaîne, et qu’il s’agit surtout d’éviter le risque d’une multiplication des normes techniques adoptées par les différents producteurs de déchets.

S’agissant des recherches sur le stockage, il convient que les travaux menés par l’IRSN au tunnel de Tournemire fassent l’objet d’une évaluation par la Commission nationale d’évaluation.

Dans le secteur pétrolier, les recommandations concernent deux préoccupations d’ordre général, mais d’une signification symbolique importante :

- d’abord, il faudrait que l’IFP, établissement public financé par l’État, anticipe la disparition future des hydrocarbures fossiles, en ouvrant des chantiers au long cours dans des domaines nouveaux pouvant néanmoins mobiliser utilement son incontestable expertise. Deux pistes sont suggérées : premièrement les plastiques minéraux sans carbone, concept déjà exploré par le professeur Davidovits ; deuxièmement, les plastiques photovoltaïques, pour lesquels il s’agirait d’ailleurs plutôt de coopérer à la valorisation industrielle future ;

- l’autre préoccupation concerne une meilleure visibilité sur l’allocation des moyens de recherche affectés à la recherche pétrolière. Il s’agit d’une centaine de millions d’euros, dont on perçoit souvent mal a priori la justification au vu des bénéfices de Total (14 milliards en 2008). Le rapport recommande la mise en place d’une structure sur le modèle de l’ancien « Fond spécial des hydrocarbures », qui permette de mieux montrer que ces moyens bénéficient au tissu des PME du secteur parapétrolier.

S’agissant des priorités de recherche dans les technologies nouvelles, M. Claude Birraux a constaté qu’elles résultent pour l’essentiel d’un « sentiment général » au sein de la communauté de recherche, que les rapports Chambolle, Syrota, Guillou, ont déjà validé. Cela concerne en particulier quatre pistes dont la pertinence est confirmée :

- premièrement, la recherche sur l’énergie photovoltaïque. L’INES a conquis le créneau du silicium métallurgique, mais un grand pôle consacré aux couches minces est en préparation sur le plateau de Saclay ; la filière organique (plastiques photovoltaïques), quoiqu’à un stade très amont, doit être consolidée, et bénéficier d’un support de valorisation industrielle ;

- deuxièmement, la recherche sur les biocarburants de deuxième génération. Le projet de pilote industriel de transformation thermochimique de la biomasse sur le site du laboratoire de Bure doit bénéficier d’un soutien public spécifique ;

- troisièmement, la recherche sur les batteries rechargeables. Dans la continuité du rapport « Guillou », il faut souligner l’importance de l’électronique interne de commande dans l’optimisation des performances ;

- quatrièmement, la recherche sur les énergies marines. Il faut privilégier à cet égard les zones littorales dépourvues d’autres modes centralisés de production d’électricité.

Par ailleurs, un développement du stockage d’énergie de grande capacité est essentiel pour un développement plus équilibré de l’énergie éolienne. A cet égard, le régime tarifaire du stockage d’énergie doit être revu dans un sens plus incitatif. Le rapport décrit, en outre, un dispositif d’atolls artificiels qui pourraient fournir l’équivalent, sur le littoral de la Manche, des retenues d’eau dans les Alpes. La France pourrait s’enorgueillir un jour d’avoir eu l’initiative mondiale de ce nouveau genre de stations de stockage d’énergie en mer.

Enfin, dans deux domaines, après le rattrapage rapide effectué depuis l’impulsion donnée par le rapport « Chambolle » de 2004, un réajustement de l’effort de recherche est souhaitable :

- pour la pile à combustible, il faut renforcer les études sur les usages stationnaires et portables de préférence aux usages automobiles, sachant que toute avancée peut avoir des effets de synergie sur l’ensemble des usages ;

- pour le captage et stockage du CO2, un véritable effort de coopération internationale est la meilleure façon de développer un « marché potentiel à l’export », mais il faut aussi ouvrir un chantier sur la valorisation industrielle du gaz carbonique, selon la même logique que celle prévoyant, pour les déchets radioactifs, l’axe de la transmutation à côté de celui du stockage. Le but serait notamment de fabriquer à partir du gaz carbonique des carburants de synthèse.

En conclusion, MM. Christian Bataille et Claude Birraux ont souligné que leurs réflexions sur la recherche les ont constamment ramenés vers la question connexe de la formation, à deux niveaux : la formation des ingénieurs pour la conception et le développement des systèmes ; la formation des techniciens pour l’installation et la maintenance.

Les auditions ont permis de constater que ce besoin était déjà pris en charge par les responsables concernés :

- le Haut Commissaire à l’énergie atomique a reçu mission de vérifier qu’une mobilisation « en réseau » sur le modèle de Paris Tech, incluant les universités scientifiques comme Paris 11, permettrait de faire face au surcroît de besoin d’ingénieurs liés à la dynamisation de la recherche sur l’énergie (leur nombre doit passer de 300 à 1200) ;

- le Grenelle de l’environnement a permis d’identifier le besoin quantitatif et qualitatif de compétence artisanale pour l’installation et la maintenance des équipements centrés sur l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables. C’est l’objet du groupe de travail spécifique sur la « mobilisation des professionnels du bâtiment » mis en place depuis mai 2008 sur recommandation du Comité opérationnel relatif aux bâtiments existants.

L’évaluation résulte ainsi d’un travail d’une année (depuis fin janvier 2008) qui a conduit à auditionner une soixantaine de spécialistes de l’énergie en France, et une cinquantaine dans trois pays visités pour leur spécificité dans le domaine de l’énergie : la Finlande, les Etats-Unis, le Japon. Le rapport comporte en annexe tous les comptes rendus.

M. Christian Bataille a souligné que le rapport retraçait une position médiane commune aux deux rapporteurs, ce qui ne préjugeait pas d’éventuelles nuances d’appréciation sur certains points. Il a notamment souligné sa préoccupation personnelle que le soutien accordé à la technologie du captage et du stockage du gaz carbonique ne conduise pas par contrecoup à une relance de la consommation d’énergie fossile en France. Il a par ailleurs estimé que si l’énergie nucléaire était un fait incontournable en France, il ne s’agissait pas d’une solution généralisable au monde entier, et qu’en France même un effort de rééquilibrage en faveur des énergies renouvelables était souhaitable. A cet égard, un tri est nécessaire entre l’ensemble des solutions technologiques disponibles, et le rapport fournit les bases d’une stratégie nationale de recherche en énergie qui doit permettre d’identifier les pistes pertinentes ; le rapport s’efforce aussi de définir les conditions d’une meilleure articulation souhaitable entre les efforts de recherche publique et privée.

M. Daniel Raoul, sénateur, a formulé deux observations sur

- l’utilisation par les rapporteurs du terme « biocarburant », en rappelant que le Sénat, lors de l’examen en première lecture du projet de loi de programme relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, avait retenu le mot « agrocarburant » ;

- le stockage de l’énergie, en signalant que cette technologie comportait encore des aspects relevant de la recherche fondamentale puisque les pistes s’appuyant sur la supraconductivité demeuraient peu efficaces.

M. Marcel Deneux, sénateur, après avoir souligné que le texte faisant référence aux « agrocarburants » n’était pas encore voté définitivement, la dénomination officielle restant donc le terme « biocarburants », a demandé des précisions sur :

- les perspectives de développement de l’électricité pour répondre à l’accroissement de la demande d’énergie ;

- les options de recherche suggérées par les rapporteurs concernant les biocarburants de deuxième génération, en s’interrogeant sur l’opportunité de privilégier le site de Bure ;

- leur analyse sur les perspectives offertes par les biocarburants de troisième génération ;

- l’efficacité énergétique des filières existantes, afin de réduire les émissions de CO2 ;

- les perspectives de développement industriel du stockage de CO2 dont le coût paraît économiquement viable.

M. Xavier Pintat, sénateur, a évoqué le stockage d’énergie pour les automobiles électriques, en déplorant le retard français par rapport aux industriels japonais qui ont mis au point des moteurs hybrides avec succès.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, s’est déclarée favorable aux recommandations des rapporteurs relatives au pilotage de la stratégie, avec la transformation du « haut commissaire à l’énergie atomique » en « Haut commissaire à l’énergie » et la mise en place d’une « commission nationale d’évaluation » des nouvelles technologies de l’énergie.

Après avoir salué le souhait exprimé d’un rééquilibrage des efforts de recherche entre l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables, tout en observant que la mise en œuvre de la filière nucléaire avait exigé un investissement d’une telle ampleur qu’elle avait aspiré les financements disponibles au détriment des énergies renouvelables, elle a émis des remarques sur :

- la dimension primordiale de l’effort d’efficacité énergétique ;

- la priorité donnée à l’énergie photovoltaïque, en attirant l’attention sur la nécessité de veiller à minimiser les nuisances au stade de la fabrication, ainsi que le coût total de mise en œuvre, incluant l’installation et la maintenance ;

- l’importance des pertes enligne en cas de transport d’électricité sur les grandes distances et l’intérêt d’une production locale à partir des centrales ;

- la part à faire aux sciences sociales dans la recherche en énergie, en soulignant leur rôle dans l’analyse des problèmes d’acceptabilité, dont elle a noté qu’ils commençaient à prendre une certaine envergure à l’encontre de constructions d’éoliennes ;

- les problèmes de vides juridiques soulevés par l’implantation d’hydroliennes sur les fonds marins ;

- le lien entre recherche et formation, en s’interrogeant sur la manière de transmettre la connaissance des pratiques de démantèlement, en s’inquiétant de l’érosion de la culture de sûreté chez les jeunes cadres de l’industrie nucléaire, et en soulignant l’impérieuse nécessité pour l’industrie française d’appliquer les mêmes normes de protection qu’en France, pour les travailleurs locaux des pays étrangers, évoquant à ce propos les mines d’uranium au Niger ;

- et l’intérêt de disposer d’un tableau sans erreurs d’addition le bilan des soutiens publics consacrés aux différentes pistes technologiques.

M. Claude Gatignol, député, après avoir signalé qu’il était important, pour éviter les raisonnements erronés, de compléter les analyses qualitatives par un rappel des quantités susceptibles d’être produites pour répondre aux besoins, a posé des questions sur :

- la possibilité d’atteindre avec l’énergie photovoltaïque des rendements permettant d’abaisser le coût des systèmes à un niveau compatible avec leur diffusion commerciale ;

- la possibilité de lever le goulet d’étranglement lié au besoin de platine comme catalyseur pour la pile à combustible ;

- l’état des recherches sur les membranes minces pour l’isolation des bâtiments.

M. Bruno Sido, sénateur, s’est réjoui du soutien des rapporteurs au projet de démonstrateur industriel de transformation de la biomasse en carburant liquide (Biomass to Liquid - BtL) sur le site de Saudron, en Haute-Marne, dans le périmètre du laboratoire de recherche sur le stockage des déchets radioactifs de Bure, expliquant que l’enjeu de cette expérimentation était de ne pas se laisser distancer par nos voisins allemands dans un domaine où ils en sont déjà au stade du pilote industriel.

M. Christian Gaudin, sénateur, après avoir rappelé que la compétition internationale se jouait au niveau des grands ensembles continentaux, et donc au niveau européen pour la France, s’est interrogé sur le lien entre la stratégie nationale de recherche en énergie, et l’organisation de l’effort de recherche au niveau communautaire.

A la suite de ces différentes observations, les rapporteurs ont apporté les éléments de réponse suivants :

- le besoin d’une nouvelle vague d’électrification a bien été évoqué dans le rapport, celle-ci passant notamment par les progrès de l’énergie photovoltaïque pour permettre la mise au point des bâtiments à énergie positive, et le développement des véhicules électriques ;

- s’agissant du stockage d’énergie, le rapport aborde l’ensemble des questions technologiques liées à des problématiques industrielles de moyen terme : d’un côté, les batteries au lithium rechargeables, dont le potentiel n’est pas encore complètement exploité, mais n’est pas non plus illimité, ce qui justifie les travaux sur les véhicules hybrides rechargeables (« plug-in ») ; de l’autre côté, les dispositifs de stockage d’énergie de masse, comme les atolls artificiels, qui sont susceptibles de fournir une réponse adaptée à l’intermittence de l’énergie éolienne ;

- s’agissant des projets des constructeurs automobiles dans le domaine des véhicules électriques, la protection du secret industriel généralement opposée, constitue un obstacle aux pouvoirs d’investigation des rapporteurs ;

- en ce qui concerne les biocarburants, M. Claude Birraux a signalé qu’une audition publique organisée le 1er octobre 2008, et dont le compte rendu est inclus dans le rapport, a permis de faire justice des accusations relatives à l’effet d’éviction vis-à-vis des productions alimentaires, puisque les surfaces arables mobilisées restent marginales, globalement à l’échelle du monde, et spécifiquement aux Etats-Unis ou en Europe. Le rapport fait le point sur les différentes filières de deuxième génération, en soulignant l’intérêt à plusieurs titres du projet de BtL sur le périmètre de Bure. Lors de l’audition du 1er octobre, le dialogue avec un spécialiste de l’IFREMER a permis d’établir que la filière de troisième génération basée sur l’exploitation des algues n’ouvrait pas pour l’instant des perspectives de production de masse. M. Christian Bataille a ajouté que la piste technologique des algues fait partie des énergies marines que le rapport s’est attaché à mettre en valeur, car elles correspondent à un atout naturel de la France, qui dispose du deuxième domaine public maritime du monde. Si toutes les énergies marines ne sont pas forcément de bonnes idées, car elles supposent souvent une très lourde mise en œuvre, et le démonstrateur resté sans suite de l’usine marémotrice de la Rance en porte témoignage, aucune ne doit être écartée dans le cadre d’une réflexion sur une stratégie de recherche ; du reste, certains acteurs européens, les Ecossais, les Portugais, semblent avoir pris un peu d’avance dans ce domaine.

- le rôle potentiel des sciences sociales dans le domaine de la recherche en énergie a été d’emblée pris en compte, puisqu’une professeure de sociologie de l’Université de Genève a été désignée membre du comité de pilotage ;

- à propos de la technologie de captage et stockage du gaz carbonique, les rapporteurs ont rappelé leur préoccupation qu’elle ne serve pas de prétexte à une relance en France de la construction des centrales thermiques à gaz. M. Claude Birraux a rappelé que le rapport de l’OPECST de mars 2006 sur les nouvelles technologies de l’énergie et la séquestration du gaz carbonique avait évoqué la difficulté technique de la résistance des ciments ; il a insisté sur la nécessité, en tout état de cause, de lancer un programme de recherche sur la valorisation industrielle du dioxyde de carbone afin de l’utiliser à la production de carburants artificiels ou de produits chimiques. M. Christian Bataille a observé que cette technologie devrait encore faire ses preuves, mais surtout qu’elle devrait normalement bénéficier d’un soutien plus appuyé dans les pays comme l’Allemagne dépendant encore fortement des ressources fossiles pour leur approvisionnement énergétique ;

- s’agissant du lien entre la stratégie nationale et la recherche communautaire, M. Claude Birraux a indiqué que le rapport préconisait un alignement de l’effort français de recherche sur les besoins de la coopération européenne dans deux domaines : la pile à combustible, et le captage et stockage du gaz carbonique.

Au terme de la réunion, M. Christian Bataille a rappelé que l’objet de l’évaluation concernait la recherche, et que celle-ci avait pour enjeu de dégager les nouvelles solutions technologiques qui viendraient compléter les sources énergétiques déjà exploitées pour faire face aux besoins de l’avenir. Le propos n’était pas de se substituer au Gouvernement pour définir la stratégie, mais de veiller à ce que toutes les pistes pertinentes soient explorées, quitte à ce que certaines se révèlent à l’expérience comme non viables à grande échelle. L’important est que la prochaine stratégie bénéficie d’une plus grande cohérence, et ne soit pas que l’addition des programmes des organismes de recherche. Car, actuellement, sauf dans le domaine nucléaire, une stratégie nationale de recherche dans le domaine de l’énergie fait encore défaut et se résume à une juxtaposition des efforts de recherche publics et privés.

M. Claude Birraux a fait la part des circonstances électorales du moment dans l’absence d’implication du Gouvernement lors de la réalisation de la première « stratégie nationale de la recherche énergétique », et a insisté sur la nécessité d’une gestion intégrée des filières pour la réussite des nouvelles technologies de l’énergie, en soulignant le rôle crucial de la qualité de l’offre de maintenance pour assurer le succès de déploiement sur le marché.

M. Jean-Claude Etienne, sénateur, Premier vice-président, a remercié les rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui avait bien mis en évidence l’absence de fait d’une stratégie nationale de recherche en énergie, et conduit à proposer à la fois une organisation pour pallier ce manque, avec notamment l’institution d’un Haut commissaire à l’énergie, mais aussi une structure d’évaluation de la mise en œuvre de la recherche, avec une Commission nationale d’évaluation des recherches sur les nouvelles technologies de l’énergie. Il a insisté sur l’importance du volet d’évaluation dans toute démarche scientifique.

Au terme de ce débat, les recommandations proposées par les rapporteurs ont été adoptées et la publication du rapport a été autorisée.

Enfin, l’Office a approuvé la demande présentée par M. Christian Gaudin, sénateur, d’organisation d’un colloque sur la clôture de l’année polaire internationale.