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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi  16 juin 2010

Séance de 18 h

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

– Audition de la Commission nationale d’évaluation (CNE) des recherches sur la gestion des déchets radioactifs

– Audition de la Commission nationale d’évaluation (CNE) des recherches sur la gestion des déchets radioactifs –

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a remercié les membres de la CNE pour leur participation à cette présentation du rapport annuel de la CNE à l’OPECST. Il a rappelé que la CNE, instituée par la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, avait évolué avec la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, dont il avait été le rapporteur. Celle-ci renforce le rôle de l’Office en matière de nomination des membres de la Commission, prend explicitement en compte les matières radioactives à côté des déchets, définit un échéancier précis pour les trois axes de recherches retenus, institue l’actualisation trisannuelle du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), lui-même actuellement soumis, pour sa seconde édition, à une évaluation par l’Office. Parallèlement, la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire a érigé l’Autorité de sûreté nucléaire en autorité administrative indépendante ; celle-ci présente également chaque année le bilan de ses activités devant l’OPECST.

M. Claude Birraux, député, président de l'OPECST, a rendu hommage à M. Bernard Tissot, président de la Commission depuis sa création, à laquelle il a apporté toute son énergie, son intuition, sa compétence et son savoir faire. Il a également rappelé la contribution majeure du président Tissot au projet de laboratoire souterrain de l’Andra et a appelé les participants à lui rendre un hommage unanime, en témoignage de son rôle prépondérant dans le travail et l’organisation du travail de la Commission.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a transmis aux participants les regrets du président Tissot de n’avoir pu, en raison de son état de santé, se joindre à eux et les a assurés de la transmission de leurs vœux de rétablissement.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a indiqué que la Commission avait fait les meilleurs efforts, dans la mesure de ses moyens modestes et des disponibilités de ses membres bénévoles, pour mener à bien la mission d’information annuelle sur les progrès réalisés en matière d’étude et de recherche sur la gestion des matières et déchets radioactifs qui lui a été assignée par le Parlement.

Pour la présentation de ce rapport, la CNE a ainsi entendu 76 personnes dans le cadre de 14 réunions auxquelles ont assisté plus d’une cinquantaine d’auditeurs provenant de tous les organismes concernés. Ces auditions constituent ainsi un lieu de rencontre et d’échange précieux pour les chercheurs. En complément de ces auditions, la CNE a visité les principaux sites concernés par la gestion des déchets radioactifs en Suède, le laboratoire de Bure et le site de la Zira (zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie), ainsi que le laboratoire de l’IRSN à Tournemire.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a noté les efforts réalisés par les acteurs institutionnels chargés de mettre en œuvre la loi, leurs partenaires et la communauté académique. Leurs études et recherches s’inscrivent dans un cadre international et sont reconnues dans leur ensemble pour leur très grande qualité.

La Commission estime que les études sur le stockage géologique entrent désormais dans une phase décisive, un rapport devant être remis en 2012 pour préparer le débat public de 2013 ; il reste donc à peine trois ans pour réaliser les études nécessaires et éclairer le débat public.

S’agissant de la stratégie de séparation-transmutation des radionucléides à vie longue, la Commission considère que sa faisabilité nécessitera une double démonstration de viabilité par la mise en service d’un réacteur transmuteur (tel que le réacteur à neutrons rapides de quatrième génération Astrid), associé à un pilote de retraitement de ses propres déchets en combustibles.

M. Robert Guillaumont, vice-président de la CNE, a précisé que le MID (Modèle d'inventaire de dimensionnement), publié par l’Andra, constitue un document important pour dimensionner le stockage mais aussi pour l’information du public. Le MID est fondé sur un inventaire prospectif des colis de déchets devant être stockés. Après un examen approfondi des propositions de l’Andra et des recherches réalisées, la CNE demande à l'Andra de justifier, en s’appuyant sur des données chiffrées, les marges prises pour estimer la quantité de déchets dans le futur stockage. Par ailleurs, compte tenu de la diversité des colis primaires de déchets MAVL (Moyenne activité - Vie longue), l’Andra a prévu un grand nombre de formats de colis et d’alvéoles de stockage. Pour des raisons de coût et pour optimiser l’exploitation du stockage, la Commission recommande une plus grande standardisation de ces colis et alvéoles.

M. Emmanuel Ledoux, membre de la CNE, a expliqué qu’en ce qui concerne les recherches sur le stockage profond, la Commission a été informée des résultats des recherches sur la détermination de la Zira (Zone d’intérêt pour une reconnaissance approfondie) destinée à déterminer la meilleure localisation d’un futur stockage dans le Callovo-Oxfordien. Conformément au PNGMDR, l’Andra a présenté sa proposition pour la Zira à l’automne 2009, et le ministre d’État en charge de l’écologie, de l’énergie et du développement durable a demandé un avis à la Commission sur cette proposition. La CNE a confirmé, dans son rapport, la conformité de cette proposition aux critères géologiques imposés pour l’implantation d’un stockage (profondeur, épaisseur et position de la couche hôte) mais aussi à des critères complémentaires, tels que l’intensité du gradient hydraulique de part et d’autre de la couche hôte. La commission a reconnu l’excellente qualité du dossier scientifique établi par l’Andra.

La CNE a également porté une attention particulière aux potentialités géothermiques des grès du Trias. Elle considère que cette formation, reconnue par un forage profond et une série d’essais de l’Andra, ne représente pas une ressource géothermique attractive, compte tenu de la température de l’eau, de sa forte salinité et de la faible productivité du gisement.

L’Andra a également proposé un dossier pour l’implantation des installations de surface (ZIIS) comprenant un certain nombre de zones envisageables prenant en compte des contraintes foncières et topographiques, et assurant l’absence d’impact sur la sûreté du stockage géologique profond. La CNE s’est exprimée sur l‘éventualité d’une ZIIS qui correspondrait au point de débouché d’une descenderie reliant le stockage profond à la surface, laquelle imposerait de traverser un certain nombre de couches géologiques. La CNE recommande de veiller à ce que toutes les conditions géologiques et hydrogéologiques soient satisfaites pour que la présence de cet ouvrage n’altère pas les qualités requises pour l’ensemble de l’installation.

En outre, la Commission demande que le dossier établi par l’Andra pour le débat public comporte une description précise des installations de surface et de leurs objectifs techniques.

M. Pierre Bérest, membre de la CNE, a souligné l’importance des résultats acquis en 2009 sur les conditions de diffusion, plusieurs millénaires après la fermeture du stockage, des radionucléides dans l’argile du Callovo-Oxfordien (Cox). Les résultats de ces recherches, publiés dans des revues internationales, confirment les qualités remarquables de confinement de la roche.

En revanche, concernant l’étude de la déformation des galeries et alvéoles, la Commission regrette que l'Andra, malgré la qualité de ses équipes et des travaux réalisés, ne dispose pas encore de modèle opérationnel validé du comportement hydro-thermomécanique de la roche permettant d’évaluer l’impact des différents paramètres tels que par exemple la profondeur. Un tel modèle s’avère indispensable à la prévision de l’évolution des ouvrages et de ses conséquences en matière de réversibilité et de sûreté. Ce modèle permettrait également d'interpréter pleinement les données du programme d'observation-surveillance du stockage.

Sur la réversibilité, la Commission souligne qu’au delà de la durée minimale d’un siècle, imposée par la loi de 2006, elle ne peut être indéfinie, en raison du vieillissement des ouvrages. Aussi, les progrès réalisés dans le domaine de la réversibilité du stockage ne doivent-ils pas faire oublier la vocation de ce dernier à être scellé afin de garantir sa sûreté passive à long terme. Ils ne doivent pas davantage occulter les inconvénients éventuels d’une durée d’ouverture prolongée sur l’efficacité des scellements.

La bonne qualité de confinement de l'argile du Cox étant établie, la Commission estime qu’une attention plus grande doit être portée à l’étude de la conception et de la fabrication des ouvrages souterrains ainsi qu’aux conséquences des choix techniques sur la réversibilité et la sûreté.

De façon générale, la Commission rappelle que si les objectifs de sûreté en exploitation et de réversibilité doivent être pris en compte, la priorité la plus élevée doit toujours être donnée à la sûreté passive à long terme.

Concernant la demande et le décret d’autorisation, consécutifs à l’examen par le Parlement de la loi relative à la création du centre de stockage, la Commission considère que ces documents devront concilier la précision requise par la procédure administrative et la flexibilité nécessaire pour satisfaire aux exigences de réversibilité et de prise en compte des progrès techniques.

La Commission a également tenu à confirmer la pleine justification du maintien du laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne après l’ouverture du futur centre de stockage, au regard de l’intérêt des recherches réalisées dans celui-ci.

M. Jacques Percebois, membre de la CNE, a rappelé que la loi du 28 juin 2006 (article 14) dispose que l’Andra doit proposer au ministre chargé de l’énergie "une évaluation des coûts afférents à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue selon leur nature". Cette évaluation sera un élément essentiel de la discussion qui aura lieu à l’occasion des diverses phases de la préparation et de l’examen de la demande d’autorisation de création.

En 2005, l'Andra avait avancé une fourchette de coûts, située entre 13,5 et 16,5 milliards d’euros de 2002, évaluée par une approche globale. Cette année, l'Andra a présenté à la Commission une nouvelle méthode d’estimation des coûts du stockage de type A.C.V. (Analyse du cycle de vie) permettant une approche plus analytique des différents postes de coûts et des simulations sur différentes options.

La Commission a également noté la création, en 2009, sous l’égide de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), d’un groupe de travail réunissant l’ensemble des acteurs pour évaluer, selon de nouvelles méthodes, le coût du stockage souterrain.

La Commission demande que l’Andra et le ministère lui fournissent régulièrement leurs résultats de calculs de coûts d’un stockage profond accompagnés de données détaillées et d’éléments sur la méthodologie utilisée.

M. Robert Guillaumont, vice-président de la CNE, a précisé que la séparation intègre l’extraction des éléments à recycler ainsi que leur co-conversion pour la fabrication du combustible. Ces aspects sont couverts par une base remarquable d’études de radiochimie réalisées par le CEA, les recherches se poursuivent de façon satisfaisante.
M. Hubert Doubre, membre de la CNE
, a souligné que la mise en service du réacteur à neutrons rapides Astrid constituait une étape indispensable à l’aboutissement de la stratégie de séparation-transmutation des radionucléides. Du point de vue de la Commission, ce prototype doit avoir deux objectifs indissociables: préparer le lancement d’une filière industrielle de réacteurs innovants et tester la transmutation des actinides mineurs. D’autre part, après avoir examiné les conditions de conception du réacteur Astrid, la Commission redoute que le calendrier présenté par le CEA, EDF et Areva ne soit incompatible avec une mise en service en 2020, prévue par la loi du 28 juin 2006.

M. Robert Guillaumont, vice-président de la CNE, a précisé que le développement du nucléaire du futur impliquera de maîtriser, à l’échelle industrielle, toutes les étapes du cycle de retraitement du combustible usé. En France, le retour d’expériences sur le retraitement des déchets et la production de combustibles MOX (mélange d’oxydes) en démontre la faisabilité, sous réserve de réaliser des usines adaptées aux teneurs élevées en plutonium, produits de fission et actinides mineurs.

Néanmoins, après un examen attentif du programme d’étude Astrid proposé par le CEA, la Commission estime qu’il manque un pilote de retraitement associé au réacteur à neutrons rapides. Ce pilote apparaît indispensable à la démonstration en vraie grandeur de la possibilité d’alimenter le réacteur Astrid par les actinides issus de ses propres combustibles usés.

M. Hubert Doubre, membre de la CNE, a indiqué que la Commission a été informée des études prospectives menées par CEA-EDF-Areva pour évaluer les conséquences techniques et économiques des différentes options de mise en service d’un parc de réacteurs à neutrons rapides, notamment s’agissant des processus de séparation-transmutation.

Dans le dossier d’évaluation des filières à neutrons rapides que le CEA doit remettre en 2012, la Commission demande que soient intégrées l’ensemble des options envisageables. Elle estime également nécessaire d’étudier la durée des phases transitoires conduisant à un parc électrogène uniquement constitué de réacteurs à neutrons rapides et d’identifier les aspects techniques les plus délicats, tant pour les réacteurs que pour les cycles du combustible associés. Enfin, il lui semble indispensable d’expliciter les avantages et inconvénients de la séparation-transmutation, en particulier vis-à-vis du stockage géologique profond des déchets.

M. Claes Thegerström, membre de la CNE, s’est réjoui de la forte implication des acteurs français dans la coopération internationale. Ainsi, l'Andra joue-t-elle un rôle de premier plan dans les études et recherches européennes sur le stockage géologique, notamment dans le domaine de la réversibilité. De même, le CEA est très présent dans les grands projets internationaux sur la séparation-transmutation. Le CNRS est également très actif dans les projets relatifs aux cycles du combustible et aux ADS (Accelerator Driven System). Enfin, l'IRSN participe à de nouveaux projets ayant trait à la sûreté des réacteurs actuels ou futurs et prévoit d’ouvrir à la collaboration européenne le laboratoire de Tournemire, visité par la Commission en mai 2010.

En ce qui concerne le stockage géologique profond, en Europe, la Finlande, la France et la Suède sont les pays les plus avancés dans ce domaine. Ces trois pays ont établi un échéancier qui devrait leur permettre la mise en œuvre de leur site de stockage d’ici une quinzaine d’années. Le site de stockage a été choisi en 2010 en Suède, et devrait l’être en 2012 en Finlande, et en 2015 en France. Les agences de gestion des matières et déchets des trois pays (POSIVA, Andra et SKB) pilotent une nouvelle plate-forme technologique européenne. Au plan international, le fait nouveau le plus marquant concerne la décision d’abandon, après un investissement de dix milliards de dollars, du projet "Yucca Mountain" par la nouvelle administration américaine. Une commission ”Blue Ribbon” constituée de parlementaires, de scientifiques et d’industriels a été chargée de proposer, d’ici à deux ans, des projets alternatifs.

M. Frank Deconinck, membre de la CNE, a rappelé que le développement d’un prototype de réacteur à neutrons rapides tel qu’Astrid requiert des sources d’irradiation pour l’étude, le développement, la validation des matériaux ainsi que pour l’étude et la qualification des combustibles. Actuellement, il n’y a pas de réacteur disponible pour ces validations. Le redémarrage, après 12 années, du réacteur japonais Monju, à une puissance encore minime, ouvre une perspective de réalisation pour des études prévues de longue date par le CEA. Par ailleurs, en Belgique, le gouvernement a décidé de soutenir le projet Myrrha, système ADS sous-critique à spectre de neutrons rapides refroidi au plomb-bismuth. Celui-ci devrait entrer en opération en 2020-2022, tardivement au regard du calendrier du projet Astrid.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a félicité les membres de la CNE pour la clarté de leur exposé. Il s’est interrogé sur l’état des recherches en Russie, sur le rapport coût-bénéfices du laboratoire de Tournemire, sur la possibilité de standardiser les colis de stockage, sur la possibilité d’ouvrir la palette des options alternatives dans l’évaluation de 2012 sur les réacteurs de quatrième génération, et de coopérer avec d’autres pays, notamment le Japon et la Russie, pour limiter les risques et les coûts. Concernant le débat prévu en 2013, il a estimé qu’un groupe de travail chargé de définir les contours du débat public devrait être constitué.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a expliqué que l’Andra avait présenté à la Commission un ensemble “optimisé” comportant 18 variantes de colis de stockage de déchets MAVL, avec des différences parfois limitées à quelques centimètres. La Commission estime que cette situation posera de nombreux problèmes en exploitation courante, et préconise un effort de standardisation supplémentaire.

M. Claes Thegerström, membre de la CNE, a répondu qu’en matière de stockage, la Russie était en pleine phase de réorganisation. La Suède est intervenue en coopération pour aider à gérer des situations d’entreposage difficiles.

M. Frank Deconinck, membre de la CNE, a ajouté qu’en matière de séparation-transmutation la Commission manquait d’informations sur les recherches réalisées en Russie dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides. Il a suggéré que la Commission examine dans son prochain rapport l’état des études et recherches en Chine, en Corée et en Russie.

M. Emmanuel Ledoux, membre de la CNE, après avoir mentionné que l’IRSN reconnaissait que les expériences réalisées dans le laboratoire de Tournemire n’étaient pas directement transposables au site de Bure, en raison des différences historiques et géologiques entre ces deux sites, a mis l’accent sur l’apport méthodologique de Tournemire, notamment en matière de reconnaissance géophysique des fractures (à partir de la surface ou en profondeur). Il a souligné la possibilité de mener, dans le cadre relativement facile d’accès du tunnel de Tournemire, des expériences qui seraient beaucoup plus lourdes à organiser dans le laboratoire souterrain de Bure.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a estimé que le coût relativement faible du laboratoire de Tournemire se justifie par une activité de recherche importante qui mériterait d’être mieux valorisée au plan international par des publications.

M. Maurice Laurent, membre de la CNE, répondant à la question relative à la préparation du débat public de 2013, a exprimé ses craintes face aux insuffisances constatées dans l’organisation de débats publics récents sur le stockage de gaz du Verdon et les nano-technologies. Il a estimé qu’il faudrait saisir l’occasion du débat sur le stockage profond pour élaborer une nouvelle procédure de consultation publique. Celle-ci pourrait s’inspirer des auditions publiques organisées par l’Office parlementaire ou, du moins, l’Office pourrait prendre une initiative dans ce domaine.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a interrogé les membres de la CNE sur les causes de l’échec du site de stockage des déchets FAVL.

M. Maurice Laurent, membre de la CNE, a rappelé que le lancement de ce dossier avait fait l’objet, à l’initiative ministérielle, d’une précipitation difficilement justifiable, suivie, une fois les candidatures recueillies et évaluées, par une attente de plusieurs mois d’une prise de décision du ministre, période pendant laquelle les élus locaux, livrés à eux-mêmes, ont été soumis à des pressions souvent intolérables. Personnellement, il avait d’emblée estimé l’échec inévitable, du fait du déséquilibre de la procédure faisant peser tout le poids d’un projet d’envergure national sur les épaules d’un maire de petite commune.

M. Christian Bataille, député, membre de l’OPECST a félicité à son tour les membres de la CNE pour le travail réalisé, et a souligné les grandes qualités scientifique du rapport et pédagogique de sa présentation. Il s’est interrogé sur la façon de mieux utiliser le rapport de la Commission afin d’éclairer le public et les médias sur les progrès considérables réalisés au cours des vingt dernières années en matière de stockage des déchets et de retraitement des matières nucléaires. Il a jugé du reste pertinente l’idée d’engager une réflexion sur l’amélioration des procédures de consultation publique dans le cadre de la préparation du débat de 2013 sur la détermination du site de stockage. Il s’est également interrogé sur la prise en compte des risques d’inondation liés à la création d’une descenderie. Il a souligné que la réversibilité du stockage permettrait de bénéficier des avancées scientifiques réalisées d’ici à 2125, date approximative de la clôture du site de stockage, en matière de séparation-transmutation. A ce sujet, il s’est inquiété de la réalité d’un risque de croissance exponentielle des coûts, à l’image de la dérive constatée sur le projet ITER ; il a également rappelé que la Russie disposait à Beloïarsk d’un réacteur à neutrons rapides en exploitation, nommé BN-600, et a souligné l’intérêt de renforcer la coopération internationale en matière d’études et de recherches sur la séparation-transmutation.

M. Hubert Doubre, membre de la CNE, a observé que la France bénéficiait d’une position en pointe dans la recherche sur la séparation / transmutation, du fait de sa maîtrise du processus de retraitement des déchets. Dans ce domaine, les coopérations sont possibles avec plusieurs partenaires, notamment les Japonais. Elles devraient aider à mieux gérer le risque, signalé par les acteurs industriels au cours des auditions organisées par la CNE, qui résulterait d’un lancement prématuré ou au contraire tardif d’une nouvelle filière industrielle, c’est à dire le risque de l’offre isolée sans demande mondiale, ou au contraire de l’offre arrivant sur un marché déjà saturé. En tout état de cause, compte tenu de l’état actuel des connaissances, le prototype de quatrième génération prévu en 2020 par la loi du 28 juin 2006 sera nécessairement refroidi au sodium, technologie aujourd’hui maîtrisée pour laquelle sont proposés des procédés innovants présentant un niveau élevé de sûreté.

M. Robert Guillaumont, vice-président de la CNE, a confirmé l’importance accordée par la Commission à l’échéance de 2012 en matière de séparation / transmutation. Pour cette raison, la Commission a émis une recommandation pour que le dossier préparé par le CEA soit très complet, analysant de manière approfondie toutes les options possibles.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a insisté sur l’intérêt du partage et de la confrontation des connaissances, en matière d’innovations.

M. Hubert Doubre, membre de la CNE, a souligné que la France et le Japon jouaient un rôle de premier plan en matière de réacteurs refroidis au sodium au sein du “Forum Génération 4” et que le CEA s’était déjà engagé dans la coopération avec son homologue japonais.

M. Pierre Berest, membre de la CNE, revenant sur les interrogations à propos de la descenderie, a signalé qu’elle présentait des avantages en matière de sûreté d’exploitation, en réduisant les risques de chutes de colis, et offrait plus de souplesse dans le positionnement de l’accès par rapport au stockage en profondeur, ce qui constituait un atout pour les futures discussions relatives au choix de la configuration. L’Andra a présenté un certain nombre d’informations en terme de sécurisation d’une descenderie, mais la Commission a demandé, dans son rapport, des éléments complémentaires.

M. Jacques Percebois, membre de la CNE, a estimé, à propos du coût du projet de stockage, qu’une approche analytique permettra d’évaluer l’impact financier de certaines options, par exemple la réduction de la variabilité des colis de stockage. Il a rappelé qu’en tout état de cause, le coût du projet de stockage ne représentait qu'environ 1% du coût de l’électricité nucléaire.

Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président de l’OPECST, a indiqué qu’il partageait l’avis de la Commission sur la gestion du dossier des déchets FAVL. Il a souligné qu’un seul département ne pouvait répondre à l’ensemble des besoins de stockage, d’autant qu’il est également envisagé d’implanter non loin une station de captation de CO2. Il a estimé que la procédure de consultation publique impliquant la Commission du débat public n’est plus très bien adaptée à la situation. Il a exprimé le souhait que certaines informations scientifiques puissent être mieux mises en valeur, comme le délai de migration de l’eau dans la roche (quelques mètres sur 100.000 ans) ou la réversibilité du stockage des déchets pendant cent ans. Enfin, il s’est également interrogé sur l’intérêt des recherches réalisées à Tournemire, dans la mesure où celles-ci ne sont pas directement transposables à Bure.

M. Emmanuel Ledoux, membre de la CNE, a répondu que la mission de l’IRSN ne se limitait pas au site de Bure. De ce fait, elle pourrait être interrogée sur des configurations différentes de celle de Bure. Il serait donc erroné de se focaliser uniquement sur celle-ci. Compte tenu de ses missions d’expertise dans des cas variés, l’IRSN a besoin d’un laboratoire propre. Tournemire semble adapté compte tenu de son faible coût en regard de celui d’autres laboratoires.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST a rappelé que les parlementaires, en tant que représentants des contribuables et législateurs votant le Budget, devaient s’interroger sur la légitimité d’une telle dépense et sur la possibilité de réutiliser les résultats obtenus pour analyser, d’ici 2015, la géologie de la Zira. L’impossibilité de transposer les recherches effectuées à Tournemire pourrait alors conduire à faire appel à des chercheurs d’autres institutions ou universitaires.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a rappelé que l’IRSN était avant tout un support technique de l’ASN, et devait pouvoir se mettre en position de répondre aux questions posées sur la sûreté à court et moyen terme.

M. Emmanuel Ledoux, membre de la CNE, a ajouté que, contrairement aux propriétés des objets, les méthodes pouvaient être transposables. Dans la mesure où il permet d’avoir un accès facile aux objets géophysiques étudiés, le laboratoire de Tournemire permet de réaliser des expériences sur les fractures qui seraient beaucoup plus complexes à réaliser à Bure.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président de l’OPECST, s’est interrogé sur le délai dans lequel la zone de stockage serait plus précisément définie, sur l’avantage procuré, en matière de réversibilité, par l’utilisation d’une descenderie et d’un stockage profond, sur le dimensionnement du laboratoire souterrain en regard des contraintes de volume, de température et d’éloignement des déchets et sur l’échéance du renouvellement d’autorisation pour le laboratoire de Bure, mentionné par la Commission dans son rapport.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a précisé que l’autorisation pour le laboratoire de Bure prenait fin en 2011. L’Andra prépare un dossier pour obtenir une nouvelle autorisation.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a rappelé que le rapport parlementaire mentionnait l’importance du laboratoire de Bure en matière de coopération internationale et d’information des habitants ainsi que des visiteurs sur les études et recherches réalisées.

M. Jean-Claude Duplessy, vice-président de la CNE, a précisé que la Commission recommande, sur le plan scientifique, la reconduction du laboratoire de Bure jusqu’en 2030.

M. Emmanuel Ledoux, membre de la CNE, a répondu que l’emprise actuellement envisagée pour le stockage était de l’ordre de 15 km2, dans une Zira de 30 km2, pour 55.000 colis de déchets stockés à raison de 5 colis par alvéole. Les dimensions de ces alvéoles seraient de 80 cm de diamètre pour des couloirs de 40 m de long. Une longueur supérieure des couloirs permettrait probablement de diminuer les coûts.

M. Pierre Berest, membre de la CNE, a ajouté que le projet prévoyait d’écarter les déchets afin de réduire la température initiale dans les alvéoles à 80 degrés. Celle-ci ne doit en effet pas dépasser les 50 degrés lorsque l’eau arrivera en contact des déchets dans quatre ou cinq millénaires. Avec une température initiale de 80 degrés, la température aura baissé à 45 degrés d’ici mille ans. Ce niveau de température offre donc une marge de sécurité importante. Il se compare favorablement aux règles internationales en la matière. Écarter les déchets pour réduire davantage ce niveau de température critique poserait d’autres problèmes, concernant par exemple la distance de l’emprise par rapport aux failles.

M. Claude Birraux, député, président de l’OPECST, a félicité les membres de la CNE pour la clarté de leur exposé et de leur rapport. S’agissant du renouvellement partiel de la Commission, il a indiqué que MM. Hubert Doubre et Maurice Leroy venaient d’être nommés par l’OPECST. Enfin, il a remercié les membres de la CNE actuelle pour le travail réalisé.