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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi  28 juin 2011

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Claude Birraux, député, Président

– Présentation des travaux du Haut Conseil des biotechnologies (HCB)

– Présentation des conclusions de l’audition publique sur « les sauts technologiques en médecine »

– Présentation d’un rapport d’étape de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE).

Présentation des travaux du Haut Conseil des biotechnologies (HCB)
par M. Jean-François Dhainaut, président, accompagné de Mme Christine Noiville, présidente du Comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies et M. Jean-Christophe Pagès, président du Comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies.

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – Je rappelle que M. Dhainaut vient de prendre la présidence du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) après celle de l’AERES, où il a construit un dispositif remarquable d’évaluation.

M. Jean-François Dhainaut, président du Haut Conseil des biotechnologies. – Je vais vous présenter un rapport d’étonnement sur les deux mois de ma présence au HCB. J’aurais aimé disposer d’un tel instrument quand j’exerçais en médecine, car c’est une structure scientifique, mais qui présente la spécificité de s’interroger aussi sur les conséquences économiques et sociales de la génétique, tant humaine qu’animale ou végétale. Mettre ensemble toutes les parties prenantes était une gageure, mais le défi a été relevé malgré des conditions parfois difficiles. Le travail accompli pour éclairer le Gouvernement a été profitable : les avis et recommandations sont de qualité. Des dossiers complexes ont notamment été traités : Par exemple : Comment définir une filière « sans OGM » ? Ou encore : Comment faire coexister des types de cultures différents sur un périmètre donné, en se posant la question du périmètre concerné, mais aussi celle de son organisation sociale et juridique ? Le travail accompli m’a impressionné.

M. Jean-Christophe Pagès, président du Comité scientifique. – Le Comité a deux activités, qui ont trait, d’une part, au travail de laboratoire et, d’autre part, à la dissémination.

La part relative au travail de laboratoire est susceptible de s’accroître de façon très importante en raison de la transposition de la directive 2009/41 du 6 mai 2009 relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés. Le Comité procède à la dématérialisation des dossiers relevant de ce domaine, afin d’en faciliter le traitement par le HCB.

Les travaux sur la dissémination portent sur l’étude des dossiers d’importation, de culture et éventuellement d’essais, ainsi que sur les saisines transversales.

Le Comité scientifique a beaucoup travaillé, ainsi que vient de le rappeler Jean-François Dhainaut, mais également, comme l’avait fait, en d’autres circonstances, votre collègue M. André Chassaigne, député, qui soulignait, alors, le besoin d’accroître éventuellement les moyens du HCB.

Nous procédons à une approche relativement en profondeur des dossiers, ce qui demande beaucoup de temps, notamment aux chargés de mission.

Ils ont d’autant plus besoin d’un soutien important que l’information du public, qui est l’une de nos missions, n’a pu être assurée jusque là conformément à nos souhaits. Cette information doit se développer au travers du site Internet du HCB et de publications. Comme le rappelle le rapport d’activité, le Comité scientifique et le Comité économique, éthique et social (CEES) ont organisé des journées d’information plutôt réservées aux membres du HCB, mais dont le contenu pourrait bénéficier à l’ensemble des citoyens, objectif que nous souhaiterions mener à bien.

En ce qui concerne l’étude en cours sur la coexistence (entre cultures OGM et non OGM), dont nous avons été saisis, elle est poursuivie par un groupe de travail. Celui-ci conduit ses travaux au-delà du temps qui lui a été imparti, car, sur une question aussi cruciale, nous ne pourrions nous permettre de rendre un rapport qui serait incomplet ou inopérant.

Comme cela a été le cas pour les filières sans OGM – mais peut-être davantage dans le cas du dossier de la coexistence – nous souhaiterions qu’un dialogue s’instaure entre le législateur, les auteurs des textes réglementaires et le HCB.

Mme Christine Noiville, présidente du Comité économique, éthique et social (CEES). – Je souhaiterais tirer profit de cet échange pour que nous nous interrogions ensemble sur la fonction et le rôle du CEES que je préside. Créé récemment, ce Comité est une institution singulière par sa composition et ses missions. Il n’est, dès lors, pas étonnant qu’il ait été très observé et qu’il ait suscité à la fois des louanges et beaucoup de critiques, y compris au sein de l’Assemblée nationale.

Aussi, m’apparaît-il utile de faire état de la façon dont le Comité est perçu de l’intérieur, et de préciser ce que l’Assemblée nationale peut en attendre légitimement.

J’évoquerai trois critiques récurrentes :

– Le débat y serait bloqué, ce qui en ferait une « pétaudière » dans laquelle les élus auraient choisi de ne plus siéger. Or, la réalité est assez différente. Un tiers des élus y siègent régulièrement. De façon générale, en moyenne 19 à 20 membres sur 27 sont présents à chaque séance plénière du CEES. Donc les débats ont bien lieu, même s’ils sont animés. Ils sont éloignés du chaos imaginé par certains.

La vivacité du débat est liée directement à la composition du CEES. J’estime qu’on a eu raison d’y faire siéger l’intégralité des parties prenantes, avec leurs points de vue extrêmement divers ; il n’est, dès lors, pas anormal que ceux-ci s’affrontent.

– Le consensus y serait rarissime, ce qui soulèverait la question de l’utilité du Comité. Or, parmi les dossiers dont nous sommes saisis, toute une série d’entre eux – dont par exemple, ceux relatifs à la thérapie génique ou aux essais de médicaments vétérinaires – donne lieu à des consensus ou à des quasi-consensus.

Même si, sur d’autres dossiers, on constate une absence de consensus, le débat est néanmoins intéressant, dans la mesure où il permet à certains points de vue d’évoluer. Ainsi, au cours des échanges concernant la définition des filières sans OGM et l’étiquetage « sans OGM », les points de vue étaient très opposés. Mais comme les recommandations finalement rendues en font foi, les parties prenantes sont parvenues, non pas à un consensus, mais à un point d’équilibre, ce qui a permis de transmettre au Gouvernement un avis à partir duquel il a pu édicter un projet de décret, qu’il a notifié à la Commission européenne.

Dans le cas des dossiers où il n’existe aucun consensus du fait de positions très opposées, le CEES – se refusant de voter – émet en effet des recommandations, qui n’orientent pas la décision publique dans une direction donnée mais rendent compte des positions, lesquelles sont restituées et passées au crible des données économiques et sociales existantes, en vue d’apprécier leur pertinence. Les différentes options, avec leurs avantages et inconvénients, sont ainsi exposées aux décideurs. Certes, le Gouvernement peut ainsi s’estimer frustré de ne pas disposer d’une solution clé en mains ; pour autant, la loi donne au CEES la compétence d’éclairer le Gouvernement sur les questions de biotechnologies, mais non pas celle de prendre les décisions à la place de ce dernier. Il s’agit pour le Gouvernement, en l’absence de consensus, d’arbitrer et, in fine, de trancher.

Là encore, il est discutable que la légitimité du CEES soit reconnue uniquement sur sa capacité à parvenir au consensus et à fournir des décisions toutes faites à l’autorité politique.

– Enfin, le HCB souffrirait d’un mélange des genres, du fait de l’existence de deux comités, puisque le Comité scientifique rend lui aussi des avis sur les impacts environnementaux et sanitaires. Or, jusqu’à présent, le Comité scientifique a été très mesuré dans l’appréciation de l’existence des risques, concluant plutôt à ce qu’ils n’étaient pas identifiés. De son côté, le Comité économique, éthique et social a rendu des avis identifiant au contraire certains risques.

Du coup, apparaît un brouillage des pistes dans l’esprit du public, qui serait défavorable à la compréhension des avantages et des inconvénients des biotechnologies.

Or, le mélange des genres n’existerait que si les deux comités intervenaient dans le même domaine, ce qui n’est pas le cas. Ils examinent certes les mêmes dossiers, mais sous des angles différents.

J’avais compris que tout l’intérêt du HCB résidait dans cette double démarche, à l’heure où les citoyens s’interrogent sur la sécurité des biotechnologies et leur impact sur la société. Mais si l’on admet que ce double regard est devenu non pertinent, il conviendrait de revenir à un pur comité scientifique en ayant toutefois conscience des avantages et des inconvénients s’attachant aux deux systèmes.

Ce sont ces points qui, sans polémique ni défensive de ma part, méritent une discussion. Notre objectif est d’accomplir notre tâche de la façon la plus adéquate possible, conformément à la loi. De ce point de vue-là, le regard de l’Office nous est très utile.

M. Claude Gatignol, député, vice-président de l’Office. – Je suis ravi d’avoir l’opportunité de participer, au nom de l’Office, aux débats du CEES. J’ai bien noté cette dualité interne de structure, justifiée par deux rôles très différents. Je ne peux que souscrire à vos observations qui renvoient aux difficultés des premiers temps de toute innovation, marquée par d’inévitables péchés de jeunesse. Il fallait arriver à trouver un mode de fonctionnement pour le CEES, dont vous avez rappelé la grande diversité. Après quelques difficultés au départ, il s’est mis en place un mode de fonctionnement plus adapté au rôle de chacun des comités. Je rappelle, qu’au tout début, ce qui a nui à l’image et à la notoriété du HCB, c’est qu’il n’y avait pas d’obligation de réserve formellement exigée, et certains membres faisaient passer des informations sur le contenu des délibérations dans le public et dans les media, en faisant état des contestations apparues au cours des débats. Cela concernait le seul comité économique, éthique et social, mais cela a affecté dès le départ l’ensemble du HCB d’une sorte de discrédit, qui ne correspondait pas à la réalité. Ce fonctionnement un peu surprenant semblait lié à une composition un peu déséquilibrée propice à des prises de position obstinément figées, quels que soient les arguments qui étaient transmis par le comité scientifique.

Je pense qu’au fil des mois et des semaines les choses se sont progressivement mises en ordre ; il y a eu prise de conscience que les avis exprimés n’interdisaient pas de rechercher ce qui était l’intérêt supérieur sur tel ou tel dossier. Lorsqu’on parle d’éthique, d’économie, d’environnement, c’est l’intérêt supérieur de la société qui est en jeu.

Je terminerai en disant que chacun a droit à la parole. Même les parlementaires ont été sollicités pour être rapporteurs, ce qui a été mon cas. Je peux donc témoigner de la réelle participation de toutes ses composantes à l’activité du Haut Comité.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président de l’Office. – Je pense que le moment est bien venu pour prendre le recul de la réflexion sur le sujet très controversé des OGM, trois ans après la loi, et vingt-cinq ans après le début des cultures en plein champ.

Tout d’abord, je suis allé participer une journée aux travaux du Haut Comité sur le problème des semences, de la brevetabilité du vivant, des certificats d’obtention végétale, des brevets dans le domaine du vivant ; c’était une journée de travail passionnante. Contrairement à ce que certains ont dit, j’ai ainsi assisté à une réunion au cours de laquelle les échanges étaient aussi intéressants que ceux des auditions de l’Office.

Ma deuxième observation, c’est que, vu la composition du Comité, il est très difficile de réfléchir à des questions de fond. Beaucoup de gens sont prédéterminés ; quand ils arrivent aux réunions du Comité, beaucoup ont d’avance un avis.

Maintenant il reste des questions sur lesquelles il faudrait se pencher.

Ce n’est pas le tout de parvenir à des avis de consensus, des avis sur lesquels on ne peut rien dire, des avis derrière lesquels des divergences subsistent, sur les essais de thérapie génique par exemple. La recherche sur les OGM recourt depuis bien longtemps à la culture en plein champ – j’ai visité pour la première fois en 1987 entre Lyon et Grenoble une expérimentation de Rhône-Poulenc sur les tabacs génétiquement modifiés ; au bout de vingt-cinq ans, peut-on admettre d’en rester sur ce sujet avec les mêmes questionnements ? Pour les uns, les OGM, c’est dangereux et le terme même d’OGM suscite le rejet. Pour les autres, les OGM font désormais partie des produits banalisés, et on peut les utiliser, on peut en faire le commerce, et on doit même pouvoir en tirer des royalties dans le cas où l’on a été à l’origine de constructions génétiques. Ce sont ces questions-là qui devraient être abordées. Quand on voit l’histoire des OGM depuis 1991 – la transposition de la première directive européenne, puis les premières importations de soja génétiquement modifié, le premier rapport de l’Office en 1998, la première conférence des citoyens, la conférence des quatre « sages », (dont le président de l’Office), sur l’expérimentation en plein champ, la mission parlementaire de 2005, la loi de 2008, on n’a pas l’impression que la sérénité ait gagné du terrain. Pour certains, les OGM sont une arme de domination de la production agricole, via la mainmise sur la totalité des brevets sur les semences ; et cela, personne ne souhaite le voir se réaliser. Pour d’autres, toute construction génétique nouvelle est un artifice, et un artifice est contraire à la nature, et comme c’est contraire à la nature c’est mauvais. Je pense qu’il y a des mauvais mais aussi des bons OGM. Je pense que la science et la technique peuvent apporter des précisions sur les possibilités d’implantations de gènes que ne prévoit pas la nature, c’est-à-dire que la technologie peut permettre d’être plus précise que les sélections classiques, ou même les sélections assistées par ordinateurs. A ce propos, que pensez-vous des nouvelles techniques en développement aujourd’hui basées sur la cysgénèse, qui permettront sans doute d’arriver à des constructions génétiquement modifiées sans recourir à la transgénèse ?

Pour terminer, je souhaiterais qu’il y ait un avis du HCB sur les risques présentés par les constructions génétiques pour la santé. Il n’y a pas de raisons objectives qu’il y ait plus de risques en matière de santé pour une construction génétique. Ceux qui ont dit cela l’ont dit parce que c’était sans doute la meilleure manière pour faire peur sur ce sujet.

Il faut faire aussi un point sur les risques en matière d’environnement. Quels sont les véritables critères définissant l’agriculture biologique ? Les cahiers des charges, tels qu’ils sont rédigés aujourd’hui sur ces sujets, sont-ils les bons cahiers des charges ? J’ai alerté en 2003 – avec huit ans d’avance – sur les dangers de la bactérie e-coli, ce qui ne m’empêche pas de soutenir l’agriculture biologique dans ma région.

Encore deux autres questions : Qu’est-ce qui caractérise selon vous une production « sans OGM » ? Enfin, que pensez-vous des marqueurs antibiotiques ?

M. Philippe Tourtelier, député. – Je ne participe pas aux travaux du Haut Conseil des biotechnologies, donc je n’en connais que ce que j’ai pu en lire dans la presse ou ce que j’en ai pu entendre au cours des auditions. Il se trouve qu’avec Alain Gest, nous avons fait un rapport sur le principe de précaution et que nous avons auditionné le HCB à cette occasion. On s’est interrogé pour voir comment, ce qui était un progrès à l’époque par rapport à un unique comité scientifique, n’est pas allé un peu trop loin et n’explique pas aujourd’hui une partie des dysfonctionnements structurels du Haut Conseil. L’hypothèse que l’on fait, c’est que, dans cette architecture organisationnelle, ce qui fait problème, ce n’est pas du tout qu’il y ait deux comités, au contraire, mais c’est que l’on mélange l’expertise avec la représentation de la société civile. Or dans le cadre de notre étude sur le principe de précaution, nous avons estimé que, s’il y avait bien quelque chose à réhabiliter, c’était l’expertise. Nous avons donc préconisé de bien séparer l’expertise, avec ses deux volets, scientifique, d’un côté, et économique, social, environnemental… (c’est-à-dire une expertise en sciences humaines), de l’autre, de la partie débat public. A partir du moment où des personnes arrivent au sein du comité comme représentants d’un organisme, elles ont forcément une position prédéterminée, et je trouve que vous avez d’ailleurs bien su gérer cette difficulté par rapport aux sujets que vous avez traités. Mais nous avons vraiment pensé que, si on ne sépare pas très précisément la partie expertise de la partie consultation du public, représenté de différente manières, y compris les organisations, on restera dans un flou qui sera préjudiciable à la fois à la réhabilitation de l’expertise et à la crédibilité de l’avis qui est rendu.

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – Je vais peut-être compléter la question de M. Philippe Tourtelier : l’objectif n’était-il pas en fait, sur certains sujets au moins, de trouver un consensus minimum sur ce qui est acquis, qui recueille un accord général, pour aller plus loin dans la discussion, ce qui permet plus facilement de quitter la posture pour venir sur une discussion plus ouverte. Parce que finalement, si les débats se bloquent sur une opposition très ferme, on finit par demander au Gouvernement de prendre ses responsabilités, et cela ne l’aide pas beaucoup.

L’exemple de la vigne en Alsace montre d’ailleurs que, même dans un cas où tout le monde s’était dit d’accord, cela n’a pas empêché certains de venir détruire l’essai qui avait respecté toutes les prescriptions, était connu de tout le monde, était déclaré et avait recueilli l’assentiment de tous.

M. Jean-Christophe Pagès. – Lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques environnementaux, l’impossibilité de conduire des essais en champ en France est regrettée par les scientifiques. Le problème du transfert de gènes de résistance aux antibiotiques de la plante vers les bactéries du sol est à cet égard intéressant. Des études de génomique ont montré qu’il n’y avait pas de risque. Pour autant, on a besoin d’essais en champ en France. C’est indispensable, car les essais conduits dans des espaces protégés le sont dans un contexte nécessairement spécifique, qui biaise l’appréciation d’une éventuelle dangerosité.

Le Comité scientifique ne produit pas d’analyse bénéfice/risque. Il dispose cependant de données factuelles et scientifiques colligées selon une méthodologie permettant d’expliquer quels sont les bénéfices agronomiques, notamment dans le cas du maïs BT ; le comité peut ainsi mettre en garde contre des pratiques qui ne seraient pas adaptées avec le type de plante concerné.

Les biotechnologies émergentes seront sujettes potentiellement au même souci d’acceptabilité que les OGM, si on ne prend garde de mieux les faire connaître. Le HCB s’efforce de contribuer à cet effort d’explication à travers son site Internet. Il s’agit d’informer sur la diversité des techniques concernées et sur leur but. On peut ainsi montrer que le ciblage de l’intégration d’un transgène existe déjà, et que la mutagenèse dirigée révolutionnera la sélection. C’est une des missions du HCB de faire œuvre de pédagogie.

L’évaluation des risques s’alimente des observations faites sur la santé humaine et animale, de l’analyse de l’impact des différentes pratiques agronomiques sur l’environnement.

S’agissant du mélange des genres créé par la coexistence des deux comités actuels, on pourrait imaginer de le surmonter par la création d’un troisième comité : deux comités d’experts et un comité plus représentatif de la société.

M. Philippe Tourtelier, député. – C’est une piste pertinente, qui a déjà fait l’objet de réflexions.

Mme Christine Noiville. – S’agissant des péchés de jeunesse, qui résulteraient essentiellement de problèmes de communication, M. Gatignol a raison. Pour les deux premiers avis, il était difficile de faire comprendre qu’en dépit de l’unité de la structure, il y avait deux comités qui se prononçaient sur des point différents. Le public s’engouffrait dans les désaccords, générant des difficultés de compréhension peu acceptables.

S’agissant d’un éventuel déséquilibre de la composition du CEES qui n’apparaissait pas évident au premier abord, mais qui s’est révélé tel à l’expérience, il m’appartient, en tout état de cause, de faire en sorte qu’il n’empêche pas que les débats aient lieu. Si la composition du CEES doit évoluer, ce n’est pas le HCB qui peut le décider. Quoi qu’il en soit, il faut communiquer, il faut sortir du débat entre pro et anti OGM, dépasser les postures, pour faire avancer les choses ; il faut analyser au cas par cas à travers des dossiers concrets pour trouver des points de convergence acceptables, ce qui exige du temps. Croire qu’on pourrait, au terme du débat, mettre tout le monde d’accord, est illusoire, ne serait-ce qu’en raison des oppositions de principe.

L’affaire des vignes d’Alsace a été très préjudiciable au fonctionnement du HCB, mais l’arrachage des vignes ne doit pas empêcher la poursuite de la discussion au HCB, il convient de continuer à débattre parallèlement à ces actions. Mieux vaut séparer les deux choses, comme l’enseigne l’expérience des négociations.

Le mélange des genres a été critiqué par M. Tourtelier, mais les parties prenantes ont une expertise de terrain utile dont on ne doit pas se priver. Un comité d’expert trop classique poserait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait.

Il serait utile d’établir une coopération entre l’Office et le HCB en vue d’un travail conjoint, par exemple sur les biotechnologies appliquées à l’environnement. Ce serait l’occasion de sortir du débat usé sur les OGM d’aujourd’hui pour analyser les apports des OGM de demain.

M. Jean-François Dhainaut. – Le Haut Conseil a pour fonction de travailler sur des biotechnologies dont le champ est de plus en plus extensible. Il s’attend à des avancées importantes sur la thérapie génique ou la thérapie cellulaire. Son Comité économique, éthique et social prépare l’arrivée de nouvelles formes d’agriculture et la coexistence de celles-ci avec l’agriculture traditionnelle, en vue de préserver tout à la fois la biodiversité et la sécurité, et c’est l’intérêt de la France. Le HCB joue un rôle important d’interface avec le niveau européen : il répond aux demandes de l’Europe sur l’établissement de lignes directrices ; il évalue la manière dont ses homologues des autres pays membres travaillent. Il remplit cette mission dans un contexte où les règles encadrant les OGM sont largement définies au niveau européen.

Par ailleurs, le Haut Conseil ne se limite pas aux sciences dures et aux sciences de la vie, mais mène la nécessaire réflexion sociale et économique qui doit compléter les avancées de celles-ci. Je retiens l’idée de constituer des groupes de travail avec des experts d’horizons différents. S’il n’est pas armé pour faire de la communication grand public, le HCB peut s’attacher à valoriser ce qui a été fait, par des résumés et des brochures. Il est ouvert à toute coopération avec l’Office.

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – La place des sciences humaines et sociales (SHS) est fondamentale. Les auditions de l’Office sur les alliances ont montré l’enthousiasme de ces structures, mais aussi que l’alliance sur les SHS (Athena) se cherche, notamment parce que son champ d’action interfère avec celui de toutes les autres alliances. Les SHS ont leur spécificité et leur rôle auprès des autres sciences. Il faut en prendre conscience.

M. Jean-François Dhainaut. – Le travail sur la transdisciplinarité est en effet important, ce qu’a bien compris l’AERES.

- Présentation des conclusions de l’audition publique sur « les sauts technologiques en médecine », par M. Claude Birraux, député, président de l’Office.

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – L’audition publique sur les sauts technologiques en médecine, qui s’est tenue le 27 janvier 2011, a été suggérée à l’Office par le professeur Jean-Michel Dubernard.

Elle s’est proposée d’analyser, à partir de différents exemples, les causes qui sont à l’origine des réussites et des échecs de certains sauts technologiques en médecine.

La France dispose d’excellentes équipes de chercheurs. Toutefois – hormis l’exception remarquable du professeur Alain Carpentier qui a bénéficié, pour la mise au point du cœur artificiel, d’une relation privilégiée avec Jean-Luc Lagardère – de nombreux projets de recherche ont été ralentis ou n’ont pu aboutir, du fait de certains freins.

Pour surmonter ces derniers, des mesures ont été souhaitées, qui touchent au cadre législatif, aux institutions et au comportement des acteurs.

S’agissant tout d’abord du cadre législatif, il m’apparaît que la concrétisation de certaines des préconisations concernant le droit français et la législation communautaire se heurtent à de sérieuses objections.

Il en est ainsi de la proposition visant à l’abrogation du régime d’interdiction des recherches sur les cellules souches embryonnaires, qui a été regardé comme un frein aux recherches, en matière de thérapie cellulaire et de vitrification ovocytaire.

Les deux Assemblées n’ont toutefois pas souhaité revenir sur le principe de l’interdiction au cours de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique, qui a finalement maintenu le principe d’interdiction avec dérogations, même si la vitrification ovocytaire a été formellement autorisée.

Un second exemple de frein de nature législative aux recherches menées en thérapie génique est imputable non pas au droit français mais au droit communautaire.

Comme le professeur Jean-Michel Dubernard, il ne m’apparaît pas non plus logique d’assujettir la thérapie génique au régime du médicament. Pour autant, il y a lieu de craindre qu’une réforme ne puisse intervenir dans l’immédiat. Car, ainsi que l’a rappelé M. Jean Marimbert, alors directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), cette situation découle du règlement communautaire du 13 novembre 2007 sur les thérapies innovantes. Ce texte prévoit une procédure d’autorisation unique dans l’ensemble de l’Union européenne et assimile la thérapie cellulaire à la mise au point d’un médicament. Or, ce faisant, le règlement est allé à l’encontre du régime appliqué en France à la thérapie cellulaire dès 1996-1997, lequel n’était pas exactement calqué sur le régime du médicament.

Une réflexion sur ces dysfonctionnements serait souhaitable, tout comme sur la disparité des pratiques en matière de thérapie cellulaire, relevée par M. Philippe Menasché, directeur de l’unité « Thérapie cellulaire en pathologie cardio-vasculaire » à l’hôpital européen Georges-Pompidou. Car, même si l’EMA (Agence européenne du médicament) tente de les uniformiser, les contraintes demeurent différentes selon les Etats membres, ce qui n’est pas de nature à faciliter les essais multicentriques.

Si l’Europe peut apparaître comme un frein aux sauts technologiques, elle n’en constitue pas moins également un niveau pertinent de réformes. Ainsi serait-il utile, comme l’ont proposé les professeurs Jean-Michel Dubernard et Laurent Degos, ancien président de la Haute Autorité de santé, d’envisager la mise en place d’une instance européenne pour les dispositifs coûteux. On peut, en effet, regretter que, pour ces dispositifs tels que les implants rétiniens, l’Allemagne et la France aient procédé à des essais cliniques sans aucune coopération.

De même, serait-il judicieux de prendre en considération l’idée d’instaurer une procédure européenne d’évaluation formulée par le professeur Pierre Tiberghien, directeur général délégué à l’EFS. Il s’agirait de veiller à la qualité de l’évaluation par les structures telles que l’AFSSAPS en charge d’autoriser les recherches. Une telle mesure permettrait de réduire les conflits d’intérêts et de garantir une expertise plus pointue.

Au plan institutionnel, j’abonde dans le sens de plusieurs intervenants qui ont déploré le « millefeuille administratif », le maquis de procédures ou encore le parcours du combattant auxquels les chercheurs sont confrontés pour faire aboutir leurs projets. Découragés par une telle situation, certains d’entre eux ont même choisi de s’expatrier.

C’est pourquoi, il m’apparaîtrait nécessaire de se pencher sur deux propositions :

– la première revisiterait la piste déjà explorée du regroupement d’organismes concernés, comme le Comité national consultatif d’éthique, l’Agence de la biomédecine, l’AFSSAPS, laquelle se trouve justement en cours de restructuration, suite à l’affaire du Médiator ;

– la deuxième consisterait à instituer une procédure de guichet unique, distinct des organes de régulation, pour les innovations dans le domaine de la santé.

La réussite ou l’échec d’un saut technologique tient aussi au comportement des acteurs.

J’ai ainsi pu déplorer dans mon allocution d’ouverture que la médecine de la France souffrait de son caractère administré, ayant fait état des difficultés administratives rencontrées par le professeur Ugo Amaldi, pour développer l’hadronthérapie en France et qui l’ont conduit à retourner dans son pays natal.

A ces difficultés administratives s’ajoute la frilosité des industriels qui, du fait de leur soutien mesuré ou de l’absence de soutien de leur part, ont freiné des projets de recherche ou en ont empêché le développement.

Or, il m’apparaît urgent que les différents acteurs se départissent de tels comportements, afin d’éviter que les atouts réels dont dispose la France ne soient durablement compromis. A cet égard, j’approuve sans réserve les observations de M. Elias Zehrouni, professeur au Collège de France.

Il a souligné fort opportunément que le besoin d’innovation, qui peut s’analyser comme un facteur négatif en termes de coûts mais positif sur le plan des soins, impose de redéfinir le rapport entre la valeur médicale relative d’une innovation, d’une part, et d’autre part, ses risques, ses bénéfices et ses coûts.

Dans la même perspective, il serait souhaitable que soit entendu l’appel lancé par le professeur Alain Carpentier aux médecins – souvent taxés, selon lui, d’être dépensiers – par lequel il les exhorte à intégrer dans leur réflexion les conditions économiques et sociales de leurs réalisations.

Il n’était pas sans intérêt d’organiser cette audition publique, d’autant que plusieurs thèmes qui y ont été abordés rejoignent ceux de l’étude menée par Jean-Yves Le Déaut et moi-même sur l’innovation à l’épreuve des peurs et des risques majeurs.

Présentation d’un rapport d’étape de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE)

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – Mesdames et messieurs les membres de la CNE, messieurs les présidents Jean-Claude Duplessy et Bernard Tissot, je tiens d’abord à vous remercier très sincèrement de votre participation à cette présentation du rapport annuel de la CNE à l’Office.

Je voudrais rappeler, en introduction, que la CNE a été instituée par la loi du 30 décembre 1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Dès sa création, la CNE s’est vu attribuer un rôle crucial, puisqu’elle était chargée d’évaluer l'avancement des trois axes de recherches définis sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

C’est sur la base de cette évaluation que le Parlement a ensuite décidé de poursuivre ces trois axes de recherches, en prévoyant un calendrier précis, dans le cadre de la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, dont j’ai été le rapporteur.

Cette nouvelle loi a confirmé et étendu le rôle de la CNE tout en renforçant le rôle de l’Office dans la nomination de ses membres. Elle a également institué l’actualisation trisannuelle du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) évalué par l’Office. A ce sujet, je voudrais rappeler qu’au mois de janvier dernier, avec Christian Bataille, nous avons publié le rapport d’évaluation du dernier PNGMDR que nous avons intitulé : “Déchets nucléaires: se méfier du paradoxe de la tranquillité”.

Le rapport que vous allez nous présenter aujourd’hui constitue un rapport d’étape, puisque vous aurez besoin d’évaluer les modifications apportées par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) au projet de stockage géologique profond. Nous serons donc amenés à nous revoir à la fin de cette année après la publication de votre rapport définitif. Néanmoins, je suis tout à fait certain que ce rapport d’étape sera déjà très riche d’enseignements sur l’avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

Je laisse donc à présent la parole à M. Jean-Claude Duplessy, président de la CNE.

M. Jean-Claude Duplessy, président de la Commission nationale d'évaluation, membre de l'Académie des sciences, directeur de recherche émérite au CNRS. – Tout d’abord, je tenais à vous dire combien la Commission est sensible à l’intérêt de l’Office et à son soutien.

Au cours de l’année 2011, nous avons appris par le rapport de l’Office sur les déchets radioactifs l’existence d’un projet alternatif de stockage proposé par les producteurs ; nous n’avions eu aucune information officielle de la part des producteurs. Par la suite, à plusieurs reprises, la Commission a demandé que lui soient transmises les informations sur ce projet alternatif, et l’analyse que l’ANDRA en faisait. Aucun dossier ne lui a été transmis avant son séminaire de rédaction (16-20 mai 2011).

La Commission n’a pas non plus reçu d’informations actualisées sur le coût du projet de stockage. Nous sommes donc amenés à regretter l’opacité qui entoure ces sujets.

Nous observons avec inquiétude le risque d’une possible remise en cause, à dix-huit mois du dépôt de dossier pour le débat public (fin 2012), d’un projet basé sur plus de dix années d’études et proposant un certain équilibre entre préoccupations de coût et de sûreté.

La Commission remettra en fin d’année 2011 son rapport définitif, après avoir intégré les informations qu’elle a demandées. Nous avons reçu récemment l’ensemble des dossiers : le contre-projet des producteurs et le rapport d’examen du projet Cigeo (Centre industriel de stockage géologique). De plus, l’ANDRA communiquera les exigences relatives au projet qu’elle pilote. Aujourd’hui, nous ne pouvons présenter qu’un rapport d’étape.

Selon la loi, la gestion à long terme des déchets de moyenne et haute activité et à vie longue (MAVL et HAVL) comporte deux aspects qui ne s’excluent pas :

1. la séparation-transmutation des actinides présents dans le combustible usé des réacteurs nucléaires ;

2. le stockage géologique réversible des déchets HAVL et MAVL.

Par ailleurs, en excluant des déchets le plutonium et certains actinides mineurs, en particulier l’américium, la puissance thermique des déchets à stocker deviendrait beaucoup plus faible après environ un siècle d’entreposage. Cette réduction de la puissance thermique aurait un impact sur l’emprise du stockage. En revanche, en ce qui concerne le curium, la situation est beaucoup plus complexe.

Je vais maintenant passer la parole à Maurice Leroy pour la partie séparation-transmutation et filières de quatrième génération.

M. Maurice Leroy, vice-président de la Commission nationale d'évaluation, président de la Fédération française pour les sciences de la chimie (FFC), professeur émérite à l'Université de Strasbourg. – Je dois tout d’abord signaler que l’ensemble des études sur la séparation-transmutation sont conduites en relation avec celles menées pour la conception du prototype Astrid. Or, la poursuite des études sur la transmutation est largement handicapée, en France, par l’absence d’un réacteur à neutrons rapides.

La faisabilité scientifique et technique de la séparation des divers actinides est maintenant démontrée. Le prototype de réacteur à neutrons rapides, Astrid, à condition d’être associé à un pilote de retraitement, permettra d’établir la faisabilité industrielle du multirecyclage du plutonium.

Il faut souligner que la faisabilité industrielle du multirecyclage du plutonium conditionne le développement d’un parc de réacteurs à neutrons rapides (RNR).

Différents procédés de séparation ont été conçus et expérimentés par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) sur des solutions réelles d’actinides, ce qui fait que la France est sans doute le pays le plus avancé dans ce domaine.

La transmutation des actinides est envisageable, avec un parc de RNR électrogènes ou avec des réacteurs RNR sous-critiques pilotés par accélérateur (ADS), encore à l’étude.

A terme, vers 2150, en condition d’équilibre, on peut distinguer trois hypothèses de parcs permettant de produire 430 TWh électriques par an : un parc de réacteurs à eau pressurisée (REP) ayant accumulé historiquement 1 900 tonnes de plutonium ; un parc REP-MOX ayant accumulé seulement 1 300 tonnes de plutonium ; et un parc RNR utilisant 900 tonnes de plutonium par an intégralement recyclé, avec une consommation de 50 tonnes d’uranium appauvri, ainsi que de 2 tonnes d’actinides mineurs. Dans ce dernier cas, il n’y a plus besoin de la ressource minière, puisque le stock d’uranium appauvri en tient lieu.

Deux critères sont intéressants à étudier pour évaluer l’intérêt d’une transmutation préalable au stockage des déchets :

• la radiotoxicité des déchets ;

• l’emprise du stockage.

Sauf à éliminer la totalité des actinides (plutonium compris), le gain sur la radiotoxicité reste modeste. En revanche, si l’on enlève l’américium des déchets, l’emprise du stockage est sensiblement diminuée, et les volumes excavés fortement réduits eu égard à sa moindre émissivité thermique.

En conclusion, la séparation-transmutation n’a de sens qu’appliquée d’abord au plutonium, qui représente (90 % des actinides), avec la mise en œuvre de RNR électrogènes.

La séparation-transmutation des actinides mineurs est scientifiquement possible. Il sera néanmoins absolument nécessaire de disposer d’Astrid, pour valider les résultats scientifiques.

Enfin, le programme scientifique, dont Astrid sera l’outil principal, devra comporter un volet important de recherche, notamment sur la sûreté. L’effort de recherche doit être soutenu si l’on veut que la France conserve son avance dans le domaine de la transmutation des actinides à l’aide des RNR.

M. Jean Claude Duplessy. – Emmanuel Ledoux va poursuivre avec la question de la géologie et du stockage souterrain.

M. Emmanuel Ledoux, vice-président de la Commission nationale d'évaluation, directeur de recherche à l’Ecole des mines de Paris. – En ce qui concerne le stockage souterrain, aux difficultés près que le président Duplessy a évoqué au début de son intervention, nous avons procédé aux évaluations des nouveautés qui nous ont été présentées par l’ANDRA.

L’ANDRA dispose d’une excellente vision de la zone de transposition (zone étudiée en Meuse et Haute-Marne). L’observatoire de l’environnement est un outil remarquable. Les expériences en laboratoire souterrain menées par l’ANDRA contribuent efficacement aux recherches. Néanmoins, la CNE a souligné que les résultats de ces expériences doivent être mieux intégrés pour faire progresser la modélisation.

Malgré tout, des incertitudes subsistent sur :

• l’inventaire (non pas sur la nature des déchets, mais sur les quantités liées aux différentes natures) ;

• la nature et la localisation des installations de surface, en relation avec les contraintes géotechniques ;

• la chaîne de traçabilité et de responsabilité des différents acteurs dans la manipulation des colis ;

• l’estimation, qui demeure opaque, des coûts ; une préoccupation qui doit rester subordonnée à celles de la sûreté et de la fiabilité de l’ouvrage de stockage.

Nos préoccupations concernent, d’une part, la conception du stockage qui est évidemment cruciale pour la sûreté à long terme et en exploitation ; nous nous demandons si elle pourrait être remise en question par le projet alternatif des producteurs ; d’autre part, les concepts de scellements qui font, semble-t-il, l’objet d’une révision complète par l’ANDRA ; or, cette révision complète implique donc que ces aspects sont encore peu testés dans le laboratoire souterrain.

La conséquence de ces observations est le dégagement d’un certain nombre d’impératifs au sujet de la DAC (demande d’autorisation de création), car celle-ci devra contenir des éléments suffisants de preuve de faisabilité des options essentielles pour la sûreté. L’ANDRA doit donner une très haute priorité à ce sujet.

Concernant l’incertitude sur l’architecture du stockage, ouverte par le projet des producteurs, la Commission s’est inquiétée fortement de ce que, dix-huit mois avant le début du débat public, le concept de stockage réversible puisse être profondément modifié en ne laissant qu’un délai minime pour les études complémentaires qu’il pourrait nécessiter. Elle restera donc vigilante.

La Commission a signalé dans ce rapport qu’elle partage l’appréciation de l’Office : c’est à l’ANDRA « de concevoir, d’implanter, de réaliser et d’assurer la gestion … des centres de stockage des déchets radioactifs » ; la démarche des producteurs semble « avant tout motivée par l’annonce, par l’ANDRA, d’un accroissement conséquent de son estimation du coût du projet de stockage géologique profond ».

Enfin, la réversibilité est une demande sociétale qui est inscrite dans la loi, mais en cas de conflit, la Commission rappelle qu’elle considère que la sûreté doit prendre le pas sur la réversibilité.

M. Jean Claude Duplessy. – Je vais terminer cette présentation par un mot sur le panorama international.

Tout d’abord, l’impact de Fukushima n’est pas encore bien connu et ne concernera qu’indirectement les programmes de gestion des déchets.

A l’heure actuelle, trois pays prévoient l’ouverture d’un stockage géologique profond : la Finlande, la France et la Suède.

En mars 2011, la Suède a déposé son dossier DAC. C’est le premier pays à avoir franchi cette étape. A l’inverse, aux Etats-Unis, Yucca Mountain est arrêté ; une Blue Ribbon Commission a été mise en place pour préconiser des solutions à long terme, néanmoins rien de concret n’est à attendre avant longtemps.

La Commission juge favorablement l’ancrage international d’une bonne partie des recherches effectuées par l’ANDRA et le CEA ; elle apprécie l’attention donnée à cette dimension lors des auditions.

En conclusion, dans le contexte actuel, on peut insister sur trois points :

L’importance du succès des trois projets de stockage quasi en phase, Finlande, France et Suède, qui aurait vertu d’exemple ; l’importance des questions de sûreté et de gestion durable des matières et des déchets radioactifs, à l’heure où la question de la poursuite du nucléaire électrogène est posée ; l’urgence de disposer en France d’un prototype de quatrième génération pour réaliser toute la R&D nécessaire au multirecyclage avec comme enjeux, la durabilité de la ressource, et l’optimisation de la gestion des déchets.

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – Je suis certain que mes collègues s’associeront à moi pour remercier et féliciter les membres de la CNE pour le travail considérable que la Commission accomplit tous les ans. Ce constat de dynamisme s’avère d’autant plus réconfortant pour l’Office que la CNE a été créée par la loi Bataille de 1991, puis renforcée par la loi de 2006 dont j’étais le rapporteur. Nous avons d’ailleurs trouvé l’expérience de la CNE à ce point probante, que cette dernière loi institue une CNE financière – la CNEF – pour l’évaluation des coûts du stockage des déchets et du démantèlement des installations, des provisions et des actifs dédiés des producteurs de déchets. Malheureusement, pour des questions d’arguties infondées en droit, la CNEF ne s’est réunie pour la première fois qu’au début de ce mois, soit cinq ans après sa création.

Je voudrais d’abord faire quelques remarques concernant le stockage géologique profond. J’ai présidé, fin 2010, la conférence organisée par l’Agence pour l’énergie à Reims sur la réversibilité et la récupérabilité. Les représentants des pays participants ont pris des positions intéressantes et diversifiées sur ces deux concepts. S’ils ne se sont pas exprimés, les producteurs se plaignaient déjà, dans les couloirs, des coûts associés. S’agissant de la France, si je veux bien admettre une phase d’optimisation entre l’ANDRA et les producteurs, je rappelle qu’in fine l’Autorité de sûreté nucléaire demeure seule juge et arbitre des conditions de sûreté, et qu’il lui reviendra d’accepter ou de refuser le projet de stockage proposé.

Concernant les perspectives internationales, je voudrais souligner plusieurs points importants. En premier lieu, sur les réacteurs de quatrième génération, le protocole d’accord signé par le CEA et Rosatom. Je ne vois d’ailleurs aucun autre pays avec lequel nous pourrions coopérer sur les réacteurs rapides. En deuxième lieu, l’absence de visibilité sur les projets aux Etats-Unis, ce malgré ma rencontre, pas plus tard qu’hier soir, avec une délégation de la commission parlementaire américaine « Blue Ribbon », chargée d’étudier le problème du stockage des déchets radioactifs. En troisième lieu, le projet de réacteur rapide refroidi au plomb – et non plus piloté par accélérateur – étudié par l’université suédoise KTH. En quatrième lieu, le projet de réacteur plomb-bismuth Myrrha développé en Belgique.

M. Christian Bataille, député. – Je tiens d’abord à souligner le plaisir d’entendre des scientifiques très compétents évoquer avec clarté des questions de société. Une presse mal informée aurait tout à gagner à prendre connaissance des travaux de la CNE. Beaucoup d’incompréhensions résultent, en effet, d’une diffusion insuffisante de l’information scientifique dans le public. Malgré une matière aride, vous présentez votre rapport de façon presque accessible à tout un chacun. D’autre part, puisqu’avec Claude Birraux nous avons publié, en janvier dernier, un rapport d’évaluation du PNGMDR qui a provoqué quelques remous, je voudrais revenir sur ce que je ne parviens pas à appeler autrement que le projet de « laboratoire privé » des producteurs de déchets. Il nous revient, en tant que parlementaires, de demander le respect de la loi : la mission de conception du laboratoire sous-terrain revient à l’ANDRA ; c’est une garantie de fiabilité. En France, tout comme la sûreté nucléaire relève d’une autorité publique indépendante, il est réconfortant de savoir qu’un organisme public, l’ANDRA, se trouve chargé de la gestion des déchets. Si celle-ci dépendait des producteurs, elle serait assurée dans un esprit de mauvaise économie et de rentabilité contraire à la sécurité et à la sûreté. En revanche, il me semble indispensable que l’ANDRA améliore son dialogue avec les producteurs de déchets. Peut-être des incompréhensions existent-elles de part et d’autre. Je veux aussi redire aux membres de la CNE notre attachement au respect de la loi pour le stockage sous-terrain, surtout pour la tenue du calendrier. A cet égard, j’ai noté l’inquiétude de la CNE vis-à-vis du respect de la prochaine échéance, dans dix-huit mois, le projet n’étant pas encore finalisé.

Sur la séparation-transmutation, la décision d’arrêt de Super-Phénix conduit aujourd’hui à priver les scientifiques français et européens d’un outil indispensable à la recherche sur les réacteurs de quatrième génération. En effet, aucun autre pays dans le monde ne dispose d’un tel réacteur de recherche, celui du Japon semblant définitivement à l’arrêt et la situation en Russie étant équivalente. Aussi, j’estime que la France doit reprendre l’initiative en ce domaine.

S’il est vrai que les Américains ont, depuis 2003, prolongé la durée de vie de plusieurs centrales nucléaires, ils ont abandonné beaucoup d’autres sujets, y compris celui du stockage de leurs déchets radioactifs. Ainsi, la première puissance nucléaire au monde se trouve sans solution pour l’aval du cycle. En France, il y a vingt ans, le Parlement a parfaitement joué son rôle. A présent, il faut respecter le calendrier fixé par la loi. Il ne faut pas en rester à un laboratoire dans la Meuse en raison des atermoiements nés de l’esprit de limitation des dépenses d’EDF. Le désastre de Fukushima aura au moins permis de mettre fin aux projets de stockage « low cost » et de réacteurs « low cost ».

En conclusion, je vous renouvelle mes remerciements pour votre travail qui mériterait d’être diffusé au-delà des cercles d’initiés pour éclairer l’opinion qui a besoin d’information objective.

M. Philippe Tourtelier, député. – Je partage cette proposition d’une meilleure information du public sur les travaux de votre Commission. Comme vous l’avez indiqué, la décision de développer les réacteurs de quatrième génération nous engage sur deux siècles. Dans l’hypothèse d’une décision de sortie du nucléaire, le plutonium deviendrait alors un déchet. En avez-vous envisagé les conséquences ? Aurez-vous davantage d’informations dans votre rapport final de décembre ?

M. Christian Paul, député. – Je m’associe aux remarques précédentes. La catastrophe de Fukushima a remis au premier plan la sécurité et montré la nécessité d’un débat, non seulement sur la question du nucléaire mais, plus généralement, de l’énergie. Quel type d’énergie voulons-nous ? Quel mix énergétique voulons-nous ? Il s’agit d’un choix de société. Derrière ces questions, il y a aussi celle des coûts : celui du stockage des déchets, celui des réacteurs de quatrième génération mais aussi le coût d’accès à l’électricité pour nos concitoyens et notre économie. Le débat doit avoir lieu. Sur ce plan, la CNE ainsi que d’autres acteurs ont un rôle à jouer. Il faut que l’ASN, le Parlement parviennent à redonner une place à l’information scientifique, sinon la place sera laissé à l’irrationnel. Faute d’avoir pris en compte un certain nombre de problèmes, des questions légitimes se posent. Ma deuxième remarque rejoint celle de Philippe Tourtelier. Même si la qualité et la disponibilité de l’énergie n’ont pas de prix, elles ont un coût. La CNEF a un rôle à jouer pour tordre le coup à un certain nombre d’illusions, comme l’idée que l’électricité pourrait être gratuite, ou qu’au contraire elle serait trop peu chère aujourd’hui et doit donc augmenter de façon à réduire la consommation. La CNE a-t-elle, même si ce n’est pas sa vocation première, quelques idées à ce sujet en attendant que la CNEF commence ses travaux ?

M. Jean-Claude Duplessy. – Faute d’être omniscient, je vais réagir avant de passer la parole à mes collègues. Concernant le colloque de Reims, j’estime qu’il constitue un succès illustrant le rôle majeur, souligné dans notre rapport, de l’ANDRA au plan international. Sur la réversibilité et la récupérabilité, nous sommes conscients de la nécessité de clarifier ces questions, comme l’a mis en évidence notre collègue, Jean Baechler, président de l’Académie des sciences morales et politiques. Notre rapport comporte un développement à ce sujet. Le public risque de perdre confiance s’il ne comprend pas le langage employé. Ce problème a été confirmé lors des présentations de nos travaux aux CLI.

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – A Reims, j’ai eu le sentiment que le vocabulaire commençait à se préciser. Il me semble que les Suédois parlent de réversibilité tant que le site est ouvert et de récupérabilité après sa fermeture. La récupérabilité consiste alors à surveiller à distance afin de définir comment intervenir sur un colis défectueux. Personnellement, j’évite de m’exprimer sur ces questions afin que, lors du débat programmé en 2015, les parlementaires puissent avoir un choix. La science doit proposer des choix au Parlement.

M. Jean-Claude Duplessy. – Je suis très sensible au soutien exprimé par M. Bataille. Comme lui, nous sommes préoccupés par le problème de diffusion de l’information scientifique. Sur ce plan, en se dotant d’un site Internet, la CNE a fait un petit pas en avant. Notre rapport définitif sera disponible sur ce site, nos autres rapports le sont déjà. Nous avons par ailleurs fait un effort pour que notre rapport soit lisible par tous, j’espère que ce sera réussi.

Mais il aussi souligner que de moins en moins de scientifiques s’intéressent à la physique nucléaire. Par exemple, en Allemagne, suite à l’annonce de la sortie du nucléaire, les éléments les plus brillants estiment que ce n’est pas une voie d’avenir. De même, si nous attirons votre attention sur la nécessité de disposer d’un modèle de réacteur à neutrons rapides, c’est aussi qu’avec l’arrêt du réacteur Phénix, existe un risque réel de perte de notre corpus de connaissances scientifiques accumulées par les chercheurs et ingénieurs qui vont partir en retraite. C’est un problème sérieux. Il obligera à reformer une génération de chercheurs qui aura perdu toutes les compétences acquises par leurs prédécesseurs. Nous avons interrogé à ce sujet le CEA. Celui-ci estime qu’un retard dans le calendrier du réacteur Astrid conduira inévitablement à une perte de compétences, en raison de l’impossibilité d’établir un biseau entre les partants et les arrivants.

Par ailleurs, sur la prise en compte d’un arrêt du nucléaire, je voudrais préciser que nous avons prévu en 2012 des auditions sur ce thème, notre prochain rapport pourra ainsi traiter de ce sujet sur des bases solides.

Enfin, je n’épiloguerai pas sur le projet de stockage géologique profond. Mais nous avons regretté d’être mis à l’écart de toutes les discussions entre l’ANDRA et les producteurs, alors même que nous avons en charge d’établir un rapport, situation très désagréable pour nous. Aussi, j’ai tenu le président Birraux au courant de nos difficultés. Pour les réacteurs, je vais passer la parole à Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy – Sans prétendre répondre à toutes les questions posées sur la quatrième génération, je tiens à souligner que le travail de la Commission part du constat de la disponibilité d’une réserve de 250 000 tonnes d’uranium appauvri issu de l’enrichissement. Sur le plan scientifique, il est intéressant d’étudier si cette réserve pourrait être utilisée pour produire de l’énergie, nous rendant ainsi totalement indépendants des sources d’approvisionnement en uranium naturel. En effet, à côté de pays tels que le Canada, l’Australie ou le Kazakhstan, d’autres producteurs, comme le Niger, apparaissent un peu moins stables.

Lorsque notre rapport insiste sur la nécessité du développement du réacteur Astrid, c’est parce que nous ne disposons plus d’un outil adapté pour les recherches sur les réacteurs de quatrième génération. Dès lors qu’un certain nombre d’études devront être conduites à l’étranger, les conséquences de cette situation d’un point de vue scientifique aujourd’hui, technologique demain, et industriel après-demain, apparaissent complexes, notamment au plan de la propriété industrielle. Par exemple, un certain nombre de recherches sont menées en France sur la façon d’empêcher tout contact entre l’eau du circuit secondaire et le sodium du circuit primaire. Il serait important que leurs résultats puissent rester français.

Sur la question de la transmutation, Astrid est avant tout un réacteur électrogène ayant également la capacité de gérer des déchets. Le traitement de l’Americium reste possible, mais nécessite des recherches complémentaires sur sa position relative dans le logement des combustibles : au cœur du réacteur ou au contraire, en périphérie. Cela repose le problème précédent, l’innovation sur ce plan ayant besoin d’être confortée et protégée. Cela nécessitera un effort très important de recherche. Avec une puissance de 650 MW, Astrid n’est cependant pas à l’échelle de Super-Phénix. Il restera à démontrer sa capacité de recyclage avant de passer au niveau industriel.

Concernant la possibilité de stocker le plutonium dans le cas où celui-ci deviendrait un déchet, différentes solutions pourraient être étudiées mais aucun pays n’a à ce jour envisagé cette possibilité. Il n’existe donc pas de filière développée.

M. Jean-Claude Duplessy. – Concernant les problèmes généraux d’énergie, la CNE n’a pas vocation à définir la politique énergétique de la France, ni même à suivre l’évolution des recherches sur l’énergie ; cela dépasse largement notre champ de compétence. Toutefois, nous avons la chance d’avoir parmi nous le président Bernard Tissot, un des meilleurs spécialistes français de l’énergie, qui anime un groupe de réflexion sur la prospective énergétique à l’Académie des sciences. Je lui passe la parole afin qu’il nous donne quelques idées sur sa vision de ces questions.

M. Bernard Tissot, président honoraire de la CNE. – Je ne vais pas vous faire une conférence sur le sujet mais simplement le replacer dans une perspective historique. La première fois que l’on s’est préoccupé de choix en matière d’énergie, c’était pour assurer la sécurité d’approvisionnement de la France, dans les années 70, après les limitations sur les exportations de pétrole en provenance des pays du Moyen-Orient. L’ambition d’assurer l’indépendance énergétique de la France était un peu une enfant du programme militaire. Elle a conduit à un programme ambitieux de construction de centrales à partir de la fin des années 70 qui s’est prolongé jusqu’au début des années 2000, avec la construction des derniers réacteurs. Aujourd’hui, pour la première fois, le grand public commence à s’interroger sur la prospective énergétique. Auparavant, l’opposition frontale entre opposants et partisans du nucléaire restait assez simple à analyser.

A présent, la question apparaît plus complexe, certains groupements d’intérêts présentant des solutions comme nouvelles et susceptibles de résoudre tous les problèmes d’énergie, alors qu’elles étaient déjà connues, mais présentent de fortes incertitudes, par exemple, aux Etats-Unis, les gaz de schistes, objets de centaines, si ce n’est de milliers de procédures en justice intentées par les propriétaires des terrains. De même, en Allemagne, certains prétendent assurer la quasi-totalité de la production d’électricité avec le photovoltaïque. L’Allemagne s’avère pourtant, sur ce plan, moins bien placée que la Grèce, l’Espagne ou l’Italie. Il en est de même avec l’éolien, initialement extrêmement populaire au Danemark. La plupart des éoliennes françaises proviennent d’ailleurs du Danemark ou d’Allemagne, seul le mât en béton étant fabriqué en France. Il serait aisé de trouver d’autres exemples de sources d’énergie miraculeuses, comme les terrains glacés de Sibérie ou du nord Canada, où se trouve piégé du méthane. Mais personne ne connaît l’épaisseur des couches en cause, ni les techniques permettant d’exploiter ces gisements. Il en est de même pour le méthane sous-marin.

Face à cette situation nouvelle et complexe, comme l’a indiqué Jean-Claude Duplessy, la CNE pourrait utilement mettre à profit la présence, en son sein, de Jean Baechler, président de l’Académie des sciences morales et politiques. Par ailleurs, les problèmes de coûts doivent également être pris en compte. En définitive, il faut veiller à étudier ces problèmes en n’omettant aucun argument, qu’ils soient publics ou au contraire cachés, comme c’est parfois le cas, par exemple pour le solaire et l’éolien. La clarté du débat public est à ce prix, la décision revenant finalement aux citoyens.

C’est une situation indiscutablement plus difficile à gérer que la précédente qui se réduisait à une opposition entre deux camps et où les décisions étaient prises après la réalisation d’études.

M. Claude Birraux, député, président de l’Office. – Je vous remercie M. Tissot, ainsi que les membres de la CNE, pour cette présentation.