Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires sociales > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires sociales

Mercredi 23 septembre 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 11

Coprésidence de M. Jean-Luc Préel, Vice-Président, puis de M. Pierre Méhaignerie, Président, et de M. Didier Migaud, Président de la commission des finances

– Audition, conjointe avec la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, de Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête sur la gestion des découverts de trésorerie et le financement de la dette sociale (saisine conjointe sur le fondement de l’article 47-2 de la Constitution)

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 23 septembre 2009

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Coprésidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission, d’abord suppléé par M. Jean-Luc Préel, vice-président, et de M. Didier Migaud, président de la commission des finances)

La Commission des affaires sociales entend Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête sur la gestion des découverts de trésorerie et le financement de la dette sociale (saisine conjointe sur le fondement de l’article 47-2 de la Constitution).

M. Jean-Luc Préel, président. Nous sommes heureux d’accueillir Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, venue nous présenter le rapport d’enquête réalisé par la Cour sur la gestion des découverts de trésorerie et le financement de la dette sociale. Le sujet nous préoccupe tous, d’autant plus que le déficit va augmenter encore, sans doute dans des proportions considérables.

Cette réunion rassemble commission des affaires sociales et commission des finances. En effet, ce rapport d’enquête résulte d’une demande commune des deux commissions, en décembre dernier, à l’initiative conjointe de Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale au nom de la commission des finances, et de Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le volet recettes et équilibre général du projet de loi de financement. Cette saisine constitue une première, puisqu’elle s’appuie sur l’article 47-2 de notre Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoyant que la Cour « assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ».

La semaine dernière, lors de son audition par la commission des affaires sociales, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour, soulignait l’importance du financement de la dette sociale dans un contexte que l’évolution des comptes de la sécurité sociale en 2008 et les prévisions pour 2009 rendent encore plus inquiétant. Les informations parues dans la presse, selon lesquelles l’autorisation de découvert pourrait atteindre 60 milliards d’euros en 2010, ne sont pas de nature à calmer nos craintes en ce qui concerne la résorption des déficits. La Cour est favorable à un nouveau transfert à la CADES, mais le rapport d’enquête formule aussi d’autres suggestions. Nous vous entendrons donc, madame la présidente, avec grand intérêt.

M. le président Didier Migaud. Cette réunion est en effet d’une importance particulière et le rapport d’enquête de la Cour des comptes nous éclairera utilement. Nous avons tous en mémoire la situation financière très difficile de la sécurité sociale au début des années 1990. Il n’avait alors échappé à personne que la crise s’était d’abord manifestée par le creusement des découverts de la trésorerie gérée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). C’est pourquoi le Parlement avait tenu, en dépit de certaines réticences du Gouvernement de l’époque, à inscrire dans la loi organique du 22 juillet 1996 le principe de l’autorisation annuelle d’un plafond de découvert.

Ce progrès indéniable permettait d’assurer un contrôle parlementaire sur un indicateur d’alerte de la dégradation des comptes sociaux. Mais, alors que l’évolution des découverts ne laisse pas de préoccuper, le dispositif de suivi des découverts de trésorerie des régimes sociaux, comme le montre le rapport d’enquête de la Cour des comptes, apparaît aujourd’hui insuffisant. La rapporteure pour avis de la commission des finances, Marie-Anne Montchamp, particulièrement attentive aux risques dans ce domaine, nous a fait part à diverses reprises de ses craintes d’une « contamination » par la crise financière. Au-delà des comptes de l’ACOSS, elle s’interrogeait aussi sur le champ le plus pertinent à prendre en considération. Il convenait donc de conduire une réflexion sur la bonne grille de lecture du risque financier de la sécurité sociale et c’est pourquoi nos deux commissions ont décidé de saisir la Cour des comptes d’une demande d’enquête fondée sur les nouvelles dispositions de l’article 47-2 de la Constitution, appliquées pour la première fois.

Le très stimulant rapport qui nous a été remis est à la hauteur de nos attentes. Comme le souhaitaient les rapporteurs de nos deux commissions, la Cour a dressé le panorama complet nécessaire à l’analyse des risques. Nous sommes, bien sûr, particulièrement intéressés par la troisième partie, qui détaille les failles et les risques du système. Le récent relèvement du plafond de trésorerie de l’ACOSS donne, hélas, à cette communication une grande actualité. Nous vous écouterons donc, madame la présidente, avec beaucoup d’attention.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Nous vous avons transmis fin juillet le rapport établi à la demande de vos deux commissions sur la gestion des découverts de trésorerie et le financement de la dette sociale. Je rappellerai brièvement son contenu. Vous avez pris connaissance de ce que sont, hélas, nos conclusions, et M. le Premier président de la Cour des comptes vous a livré les siennes lorsqu’il vous a présenté le rapport de la Cour consacré à l’application de la loi de financement de la sécurité sociale.

Le rapport est structuré en trois parties. La première rappelle le principe d’équilibre qui gouverne le financement de la sécurité sociale : chaque branche, chaque caisse nationale est tenue de maintenir l’équilibre de ses recettes et de ses dépenses. Comme le législateur a toujours estimé que la sécurité sociale ne devait pas vivre à crédit, les caisses n’ont jamais été autorisées à emprunter elles-mêmes pour financer les prestations. Pour maintenir la séparation, importante aux yeux de la Cour des comptes, entre les fonds de l’État et ceux de la sécurité sociale, le banquier naturel de la sécurité sociale a toujours été la Caisse des dépôts et consignations. Elle l’a été pour le meilleur car – on l’oublie – des excédents ont permis certaines années à la sécurité sociale de placer sa trésorerie auprès de la caisse.

M. Jérôme Cahuzac. En 2001, par exemple.

Mme la présidente de la sixième chambre. La caisse a aussi été son banquier pour le pire, en lui apportant, dans certaines limites, les ressources qui lui étaient nécessaires pour combler son déficit, l’État accordant des avances lorsque les montants prêtés par convention ne suffisaient pas.

La loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale et les ordonnances prises la même année ont amélioré les choses en créant la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et en permettant une meilleure prévisibilité. Les ordonnances de 1996 reprennent le principe posé antérieurement selon lequel la sécurité sociale ne peut avoir d’autre déficit que des déficits ponctuels de trésorerie. Ces problèmes de « soudure » entre grosses sorties de fonds – pour payer les pensions par exemple – et rentrées de cotisations doivent être résolus au cours d’un exercice donné, mais ils sont évidemment d’autant plus épineux que la trésorerie d’ensemble est plus tendue. Depuis la loi organique de 1996, les plafonds d’avances non permanentes, que les différents régimes sont autorisés à emprunter, sont fixés chaque année dans la loi de financement de la sécurité sociale, mais le principe de l’équilibre financier annuel est resté inchangé et fondamental.

Nous rappelons ce principe dans le rapport, mais nous n’ignorons pas qu’il est quelque peu bafoué, puisque les plafonds d’avances fixés par les lois de financement successives sont d’un niveau tel qu’ils ne correspondent pas seulement à des ajustements de trésorerie. Le plafond d’avances du régime général était ainsi de 36 milliards pour 2009.

La création de la CADES a été une autre réforme d’envergure. Elle résulte de la constatation, en 1995, d’un déficit structurel de 60 milliards de francs (9,1 milliards d’euros environ), considéré à l’époque comme d’une extrême gravité. Il est apparu nécessaire de créer une structure de défaisance, pour permettre à la sécurité sociale de repartir sur de bonnes bases, ses comptes à l’équilibre. En contrepartie, pour refinancer et amortir les déficits accumulés, une ordonnance de 1996 créait la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et en affectait le produit à la CADES.

La dette de la sécurité sociale est un ensemble composite, qui comprend le solde comptable négatif mais aussi les retards de paiement de l’État et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Pour apprécier la dette totale des régimes obligatoires de base, il faut ajouter à cela ce qui est déjà logé à l’ACOSS et ce qui est cantonné dans la CADES. L’addition faite, on constate que la dette s’établissait à 109 milliards d’euros fin 2008.

Comme nous l’indiquons dans le rapport, chacun est parfaitement conscient de cette situation, puisqu’il est désormais établi que toute loi de financement de la sécurité sociale doit comporter des objectifs de dépenses et de recettes pour l’année de la loi et les trois années suivantes. Mais, depuis plusieurs années, et en dépit du principe rappelé précédemment, le Parlement a toujours voté des comptes en déséquilibre, et l’horizon du retour à l’équilibre a toujours reculé d’une loi de financement à l’autre. Si l’on a pour ambition de corriger ce déséquilibre, il faut agir sur les dépenses et sur les recettes. Or, fin 2008 le niveau de recettes était bon ; en dépit de cela, la Cour a observé que l’on n’a pas réussi à résorber le déficit structurel, qui s’établit entre 10 et 12 milliards d’euros.

Au mépris des lois organiques, les plafonds d’avances ont été transformés en un moyen de financement du déficit et non plus des seuls écarts de trésorerie infra-annuels, jusqu’à ce qu’une nouvelle loi organise le transfert des déficits accumulés à la CADES - ce qui s’est produit à quatre reprises, la dernière par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Il en résulte que l’ACOSS est contrainte de porter une dette considérable.

Le principe posé par la loi organique de 2005, selon lequel tout nouveau transfert à la CADES doit s’accompagner d’une recette de sorte que la durée de vie de la Caisse ne soit pas augmentée, constitue manifestement une gêne supplémentaire et c’est pourquoi il a été décidé, fin 2008, de transférer 0,2 point de CSG du FSV à la CADES. Or, le FSV avait retrouvé un équilibre précaire en 2007 et en 2008, mais l’on savait qu’il redeviendrait déficitaire - à hauteur d’un milliard d’euros en 2009 et que ce déficit l’empêcherait d’effectuer les versements dus à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, obligeant de ce fait le régime général à emprunter davantage. Autrement dit, il y a eu dans ce prélèvement de 0,2 point de CSG au bénéfice de la CADES, mais au détriment du FSV, quelque chose d’un mouvement brownien.

La deuxième partie de notre rapport porte sur le dispositif de financement de la sécurité sociale. Nous nous sommes attachés à analyser la mise en œuvre de l’optimisation de la gestion de trésorerie, qui figure parmi les principaux objectifs de la convention d’objectifs et de gestion, passée entre l’État et l’ACOSS pour la période 2006-2009. L’agence considère avoir accompli des progrès notables pour ce qui concerne trois des cinq sous-objectifs qui avaient été fixés à ce sujet. Il nous est apparu en revanche que les dispositions votées en loi de financement pour 2009, pour lui permettre de gérer la trésorerie de tous les organismes du régime général, n’ont pas été utilisées à plein. Cette mutualisation est d’autant plus importante que de petits matelas de trésorerie se constituent ici et là.

Nous nous sommes ensuite penchés sur les financements apportés à l’ACOSS par la Caisse des dépôts et consignations, au titre de la convention 2006-2010 qui lie les deux institutions. Les taux prévus en 2006 étaient le taux Eonia + 5 à 45 points de base selon l’anticipation de l’avance – plus l’ACOSS est en mesure de prévoir tôt ses besoins de trésorerie, plus faible est le taux appliqué à ses emprunts. Il convient de souligner qu’elle a toujours essayé d’anticiper au mieux, pour bénéficier du taux le plus faible.

Cela étant, la caisse, en 2007 et en 2008 à nouveau, a considéré devoir plafonner ses avances à l’ACOSS. Une chose est donc que la loi permette à l’ACOSS de procéder à des emprunts non permanents, une autre que la caisse accepte de prêter à hauteur de ce qui lui est demandé. Ainsi, celle-ci a décidé fin 2007 de limiter ses avances à 25 milliards d’euros sur les 31 milliards que lui demandait l’ACOSS pour 2008. Un avenant à la convention a été signé en juillet, mais d’autres négociations sont en cours sur lesquelles nous n’avons pas réussi à obtenir d’informations.

M. Michel Bouvard. C’est qu’elles sont inabouties à ce jour, les pouvoirs publics n’ayant pas encore répondu aux demandes qui leur sont faites.

Mme la présidente de la sixième chambre. Nous aurions souhaité pouvoir vous informer le plus exactement possible, mais je ne doute pas que nous en saurons davantage le 1er octobre, date à laquelle se réunira la Commission des comptes de la sécurité sociale. Le plafond d’avances non permanentes pour 2009 a été relevé par décret à 29 milliards d’euros ; comme vous, nous avons lu dans la presse que le déficit serait de 60 milliards d’euros en 2010, mais nous n’en savons pas plus.

Le contingentement de ses avances par la Caisse des dépôts a fait que l’ACOSS, se trouvant confronté à un « plafond sous le plafond », a émis des billets de trésorerie. Cela s’était déjà produit et l’État a plusieurs fois acquis de tels titres de créance émis par l’agence – particulièrement en fin d’année, ce qui présente l’avantage de réduire la dette entendue au sens du traité de Maastricht. L’inquiétude de la Cour tient à ce que le marché des billets de trésorerie n’est pas extraordinairement étendu, ce qui revient à dire que l’État devra se porter acquéreur de ces papiers si d’autres ne le font pas – et qu’il lui faudra donc trouver 30 milliards d’euros pour cela.

M. Jérôme Cahuzac. Que l’on ira chercher avec les dents, comme la croissance…

Mme la présidente de la sixième chambre. L’ACOSS ne pouvant emprunter qu’à court terme, quelle autre solution a-t-elle ? Il n’y a pas de solution-miracle à attendre des autres régimes, sinon ponctuellement, seule la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ayant des excédents à placer. C’est davantage sur les fonds du régime général que l’on peut imaginer un prélèvement.

Dans la dernière partie du rapport, nous examinons les risques et les failles du dispositif actuel, dont nous constatons qu’il n’est pas le meilleur possible. En premier lieu, le coût de portage de la dette sociale s’élève à 4 milliards d’euros, montant du paiement des intérêts de la dette du régime général et du régime agricole. Pour la seule CADES, le coût des intérêts est supérieur au montant de l’amortissement. Pour l’instant, cela ne suscite pas d’inquiétude majeure quant à la possibilité de remplir l’objectif d’amortissement, mais il n’empêche que la situation est celle-là.

Par ailleurs, le dispositif expose l’ACOSS au risque de taux. Que les taux courts soient bas actuellement compense quelque peu l’impact de l’augmentation de l’encours, mais le risque existe qu’ils remontent.

Nous soulignons ensuite que le fait qu’elle n’ait d’autre solution que d’emprunter à court terme empêche d’optimiser la gestion de l’endettement. La CADES, souvent prévenue très tardivement, doit supporter brutalement de grosses sommes. Si elle était prévenue plus tôt, elle pourrait mieux s’organiser, au lieu d’être contrainte à une gestion à court terme.

Nous rappelons encore que le poids des déficits cumulés du régime général sur le marché monétaire, déjà important, va continuer de croître.

Enfin, les perspectives pour 2009 sont très préoccupantes, et relever le plafond d’avances à 60 milliards d’euros ne nous paraît pas être une solution raisonnable. Aussi bien, tant la lettre du Premier président vous transmettant en juillet la présente communication que le rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité sociale, adressé aux assemblées par la Cour la semaine dernière, concluent que la loi de financement de la sécurité sociale devrait distinguer deux catégories de besoins de financement et prévoir les solutions correspondantes : d’une part, des ressources de trésorerie infra-annuelles dans le respect de l’esprit et de la lettre de la loi organique ; d’autre part, des ressources à plus long terme pour couvrir les déficits dus à un écart croissant entre ressources et dépenses. Nous ne voyons d’autre solution à cet effet que d’opérer un nouveau transfert à la CADES, avec les contreparties correspondantes.

Tous les budgets étant en déficit, l’exercice, fréquent, de vases communicants devient plus délicat. Aussi, s’il paraît difficile de majorer la CSG pour combler les déficits, au moins faudrait-il prévoir la recette nécessaire à l’amortissement d’un nouveau transfert de 30 milliards d’euros à la CADES, en augmentant pour cela la CRDS de 0,23 point.

Manifestant courage et vertu, le législateur a posé, dans la loi organique de 2005, une obligation morale : le refus de repousser l’échéance de l’amortissement de la dette. Il faut maintenant décider de se conformer à cette obligation.

M. Yves Bur, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les recettes et l’équilibre général. Vous avez dressé, madame la présidente, un tableau très réaliste d’une situation qu’une crise imprévisible a encore aggravée. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une fuite en avant – d’ailleurs, les très fortes contraintes financières que nous connaissons nous en empêcheraient. Il convient donc d’augmenter les recettes sociales ou, à défaut, de réorganiser de fond en comble l’assurance vieillesse et l’assurance maladie.

En vous confiant la réalisation de ce rapport, nous cherchions à savoir si les missions, distinctes, confiées à l’ACOSS, à la CADES et au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) étaient menées de manière cohérente. À ce sujet, l’ACOSS a-t-elle les compétences nécessaires pour se procurer – sur le marché financier international par exemple – la trésorerie dont elle a besoin et que la Caisse des dépôts, son « banquier habituel » ne veut pas lui prêter ? La CADES, quant à elle, dispose de toutes les compétences requises pour cela, mais elle n’a pas pour mission de gérer la dette sociale infra-annuelle. On pourrait donc être tenté de lui confier cette mission supplémentaire. Je suis certain que le rapport en cours d’élaboration à ce sujet par l’Inspection générale des finances nous donnera des indications utiles.

À mesure que l’échéance fixée dans la loi pour l’extinction de la CADES se rapprochera, le coût de financement de la dette va augmenter, car le taux de CRDS par tranche de 10 milliards de dette reprise passera de 0,07 aujourd’hui à 0,095 en 2012. L’amortissement est actuellement supérieur à ce qui était prévu, mais cette situation pourrait ne pas durer. Dans ce contexte, la tentation ne pourrait-elle pas être de céder à la facilité en faisant sauter le verrou posé par la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, à savoir l’extinction de la dette cantonnée dans la CADES à l’horizon 2021 et la compensation par des recettes supplémentaires de chaque déficit transféré ? Un tel schéma – que vous avez vous-même écarté d’emblée – serait moralement inacceptable, car la dette pèserait alors sur les générations futures. Les débats que nous aurons autour de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale seront donc sans doute centrés sur cette question fondamentale.

Sur un plan plus restreint, la gestion de sa trésorerie par l’ACOSS vous a-t-elle paru correcte ? Enfin, n’y a-t-il pas moyen d’optimiser la gestion de la dette sociale, actuellement éclatée entre l’ACOSS, la CADES et l’Agence France Trésor ?

Coprésidence de M. Pierre Méhaignerie

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au nom de la commission des finances. Ce rapport a l’immense qualité d’apporter un éclairage précis sur le risque financier qui, à ce niveau de déficit, pèse sur la sécurité sociale. Trois questions se posent en effet : la défaisance de la dette et le rôle de la CADES ; celui, corrélativement, de l’ACOSS, conduite à outrepasser sa mission traditionnelle de gestion de trésorerie pour satisfaire les besoins de financement ; enfin, la recapitalisation du Fonds de réserve pour les retraites. Et derrière ces interrogations se profile le problème du pilotage d’ensemble du système.

Pour y remédier, vous pointez quelques pistes en suggérant notamment de donner à la CADES une visibilité plus grande, afin de lui épargner les transferts de dette brutaux décidés en fonction des nécessités. Le dispositif actuel se révèle contre-productif et risque de compromettre à terme la « soutenabilité » de la défaisance. Mais, l’ACOSS dispose-t-elle de toutes les compétences et de tous les moyens pour remplir les missions qui lui sont dévolues de fait ?

Le rapport laisse de côté la question de l’exhaustivité du périmètre du financement placé sous le contrôle du Parlement. C’est finalement de l’issue des négociations entre la Caisse des dépôts et l’ACOSS sur les plafonds d’avances que dépend le montant financé par le marché pour faire la jonction avec le besoin global de financement. À la veille de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, ne serait-il pas opportun de suivre la recommandation du rapport et de ne pas laisser la main aux seuls techniciens ? Le Parlement devrait être associé et les commissions avoir un droit de regard sur une décision éminemment politique.

Nous avons adopté en loi de finances pour 2009 un amendement aux termes duquel le Gouvernement doit fournir, avant le 15 octobre, un rapport sur le financement du système social. Il devrait nous permettre de définir un cahier des charges plus précis pour répondre aux questions que nous nous posons.

Enfin, la Cour a-t-elle des propositions à formuler s’agissant du financement du régime de retraite des exploitants agricoles dont la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole assure désormais la gestion ?

M. Michel Bouvard. La négociation avec la Caisse des dépôts et consignations n’a pas encore abouti et le rapport de la Cour des comptes arrive opportunément. Il pose bien les problèmes structurels auxquels l’institution publique, placée sous le contrôle du Parlement, ne peut apporter seule les réponses.

La crise a eu un impact sur la structure du bilan de la caisse dont la section générale a dû participer à la recapitalisation de Dexia pour 1,3 milliard d’euros et apporter 3 milliards de liquidités au Fonds stratégique d’investissement (FSI). Les ressources, de leur côté, ont diminué, notamment les dépôts des notaires, affectés par le marché immobilier. C’est donc dans un contexte caractérisé par des emplois plus rigides et des ressources plus faibles que l’ACOSS demande à la caisse de relever son plafond d’avance de 25 à 31 milliards d’euros. En vertu de la convention en cours, la caisse ne doit pas engager de dépenses qui reviendraient à subventionner les organismes pour lesquels elle remplit certaines missions. Or, au cours de l’exercice écoulé, le manque à gagner a représenté pas moins de 18 millions d’euros, et le coût d’opportunité a même été de 80 millions, si l’on considère les placements que la caisse aurait pu faire avec les sommes mises à disposition de l’ACOSS.

Les conditions mises à une réponse favorable à l’ACOSS sont les suivantes. Premièrement, il faut que la structure des financements corresponde à la durée réelle de l’endettement. Autrement dit, la caisse doit obtenir des garanties sur le calendrier prévisionnel des tirages, ce qui n’est pas toujours le cas. Il s’agit de mettre en place des lignes de crédit structurées de façon à pouvoir obtenir des refinancements auprès de la Banque centrale, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Deuxièmement, il faut que les plafonds de programmes de financement de la caisse soient significativement augmentés pour intégrer le risque de liquidité encouru. Celui-ci n’a rien de virtuel, le dernier exercice l’a montré. Les plafonds d’émissions de trésorerie de la caisse doivent être modifiés eux aussi, avec l’aval de la commission de surveillance. Troisièmement, les conditions tarifaires doivent refléter la structure des financements et les conditions de refinancement de la caisse, c’est-à-dire que les financements d’un mois à un an devront être indexés sur l’Euribor – et non sur l’Eonia.

Que l’engagement de liquidité de la caisse ait une durée prédéfinie, et qu’il soit assorti d’une rémunération spécifique, telles sont les conditions que nous avons fait connaître au Gouvernement. La discussion se poursuit. Néanmoins, si elles n’étaient pas acceptées, je vois mal comment la commission de surveillance pourrait autoriser une augmentation des plafonds d’émission.

M. Jérôme Cahuzac. Nul ne pourra dire, après avoir entendu les mises en garde de la Cour des comptes, qu’il ignorait l’extrême gravité de la situation financière des organismes sociaux. Je retiens, madame la présidente, votre commentaire à propos de l’amortissement de la dette : « Il faut maintenant décider. » Or, la semaine dernière, le ministre des comptes publics a indiqué qu’il n’y aurait pas de prélèvement supplémentaire, ni de transfert de dette à la CADES, et que la dette resterait à l’ACOSS, du moins jusqu’en 2012. Dès lors, la question est simple : de combien faudra-t-il relever la CSG en 2012 pour apurer le déficit ?

Mme la présidente de la sixième chambre. En ce qui concerne les compétences de l’ACOSS, nous n’avons pas d’inquiétude particulière. Quand elle a commencé à émettre des billets de trésorerie, elle a travaillé avec l’Agence France Trésor. Dans le domaine de la gestion de trésorerie, elle est la mieux armée des régimes de sécurité sociale qui feraient bien, sinon de lui confier leur trésorerie, du moins de solliciter ses conseils.

M. André Gauron, contre-rapporteur de la Cour des comptes. L’ACOSS a un double métier. Elle est la tête de réseau des URSSAF et elle en est le trésorier. La question qui se pose, et à laquelle devrait répondre le rapport de l’Inspection générale des finances, est de savoir si un trésorier peut se transformer en banquier, ou s’il vaut mieux s’appuyer sur des institutions à l’expérience éprouvée comme la Caisse des dépôts ou l’Agence France Trésor.

Mme la présidente de la sixième chambre. Normalement, l’ACOSS ne devrait pas avoir à jouer le rôle qu’elle joue désormais et dans lequel elle a dû s’investir. S’agissant de l’optimisation de sa trésorerie, s’il n’y a pas de problème au sein du réseau des URSSAF, il reste, en revanche, à améliorer les relations avec les autres branches. L’ACOSS devait s’y atteler dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion qui arrive à échéance.

Quant aux moyens de financer le régime de retraite des exploitants agricoles, c’est là un vrai sujet de réflexion car le Parlement intervient chaque année pour améliorer les pensions. Je ne dis pas que ces améliorations ne sont pas justifiées, mais il faudrait prévoir les recettes nécessaires.

La branche maladie a déjà été adossée au régime général. C’est une première car, jusqu’à présent, seuls les régimes de salariés étaient concernés par ce type d’opération du fait des incertitudes pesant sur l’assiette des cotisations des travailleurs indépendants. En revanche, l’adossement du régime de retraite n’est guère envisageable en raison de sa structure très déficitaire. Sans doute les cotisations n’ont-elles pas été suffisantes dans le passé. Jusqu’à présent, c’est toujours le budget de l’État qui a abondé. Sans cotisations supplémentaires, il n’y a guère d’autre solution que des taxes affectées, à condition de les prélever sur d’autres.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le problème vient de ce que la retraite a été accordée aux conjoints d’exploitants sans qu’ils aient jamais cotisé.

Mme la présidente de la sixième chambre. Sans oublier la retraite anticipée avant soixante ans et la validation de périodes d’aide familiale. Tout cela n’a pas été très rigoureux, même si les retraites agricoles ne sont pas considérables.

Pour ce qui est de 2012, il suffit de faire le calcul, monsieur Cahuzac. À la fin de 2010, on devrait être à 50 milliards d’euros de déficit cumulé.

M. le contre-rapporteur. En fonction de ce qui se sera passé en 2011, vous aurez en 2012, toutes choses égales par ailleurs, d’une part, la dette cumulée qu’il faudra éventuellement faire reprendre par la CADES, moyennant un relèvement de la CRDS – de 0,07 point par tranche de 10 milliards de déficit, soit environ 0,5 point pour combler un déficit de 70 milliards d’euros – ; d’autre part, le déficit de l’année qui dépendra, lui, de l’évolution des dépenses et des recettes.

Mme la présidente de la sixième chambre. Si, d’ici là, le déficit cumulé a été viré à la CADES, l’ACOSS n’aura pas à le financer.

M. le président Pierre Méhaignerie. Sans la crise, on aurait assisté à un redéploiement des cotisations UNEDIC vers le régime vieillesse, puisque le chômage aurait diminué. Il y a deux ans, on prévoyait de baisser les cotisations UNEDIC de 6,4 % à 4,5 %, la moyenne européenne étant inférieure à 4 points. La générosité de notre système d’assurance chômage pour les cadres supérieurs est sans égale.

M. Daniel Garrigue. Le plus inquiétant réside non seulement dans l’accumulation des déficits et la montée de l’endettement, mais surtout dans la fuite en avant et le fatalisme qui nous rappellent la fin de la IVe République. La seule réponse possible est de faire preuve de courage politique en augmentant, même modérément à cause de la crise, les prélèvements généraux, c’est-à-dire l’impôt sur le revenu et la CSG. Malheureusement, les pouvoirs publics sont très gênés par le bouclier fiscal. L’affaire de la taxe professionnelle le montre bien. Pour essayer de combler le trou, on va créer des impôts archaïques sur des bases archaïques : les pylônes ou autres émetteurs. Il ne faut pas attendre 2012, à moins de vivre d’ici là sur le grand emprunt…

M. Gérard Bapt. Est-il bien raisonnable de faire gérer la dette par trois institutions différentes ? Il y a deux ans, une initiative avortée du Sénat avait proposé de supprimer la CADES et fondre sa dette dans celle de l’État. La CADES dispose-t-elle d’un avantage dans le maniement des techniques financières complexes par rapport à l’Agence France Trésor ? L’ampleur de la dette qu’il va falloir transférer invalide la date prévue de l’extinction de la CADES, votée portant à l’unanimité par le Parlement.

M. Laurent Hénart. Le rapport mentionne des trésoreries dormantes qui rapportent moins que ne coûtent les emprunts. Pourquoi les dispositions prévues par les textes n’ont-elles pas été appliquées ? Comment mutualiser ces fonds ? Quelles sont les sommes en jeu ?

M. Patrick Lemasle. La crise ne doit pas masquer le fait que, malgré une bonne tenue des recettes jusqu’en 2008, le déficit annuel était de 10 à 12 milliards d’euros, même si le principe veut que chaque branche de la sécurité sociale veille à l’équilibre entre ses recettes et ses dépenses. Globalisée, la dette de la sécurité sociale était de 109 milliards d’euros à la fin de 2008. Pour 2010, on nous annonce un besoin de financement de 60 milliards, dont 31 milliards pourraient être financés par la Caisse des dépôts, le reste provenant de l’émission de billets de trésorerie. Compte tenu de l’étroitesse de ce marché et des réticences de la caisse, ne risque-t-on pas, faute de décisions, de rencontrer des difficultés de financement avant l’échéance politique de 2012 ?

Mme la présidente de la sixième chambre. Je vous laisse, monsieur Garrigue, la responsabilité de vos propos sur le courage politique. À titre strictement personnel, je pense qu’il est plus impopulaire d’augmenter le forfait hospitalier ou de taxer les indemnités journalières d’accident du travail que d’augmenter la CRDS de 0,25 point.

Vous vous interrogez, monsieur Bapt, sur la coexistence de plusieurs organismes chargés de gérer les éléments de la dette publique. Le sujet mérite une réflexion sérieuse sur l’opportunité de fusionner des dettes de nature différente. In fine, l’État souscrira les billets de trésorerie de l’ACOSS, si le marché ne peut pas les absorber. Mais la question ne se poserait pas si la dette avait été transférée à la CADES. Selon la Cour, il faut cantonner la dette de la sécurité sociale parce qu’elle n’a pas le même sens que celle de l’État. Il ne faut pas non plus faire sauter la date butoir de disparition de la CADES : le Parlement a pris là une très bonne décision.

Monsieur Hénart, les trésoreries dormantes sont très faibles. Celle de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), tient à la suppression progressive de la surcompensation, mais elle ne durera pas. Celle du Fonds spécial des pensions des ouvriers de l’État, elle, est plus étonnante car ce régime est en situation délicate. Nous allons le contrôler. Un décret du 21 juillet dernier autorise les organismes financés par le régime général de placer auprès de l’ACOSS leur trésorerie, moyennant rémunération. Mais, c’est une goutte d’eau, et il serait politiquement difficile de faire gérer les excédents de la CNRACL par le régime général.

C’est vrai, monsieur Lemasle, la bonne tenue des recettes aurait dû permettre de revenir à l’équilibre. La Cour l’a déjà écrit. Mais la dernière loi de financement ne prévoyait pas de retour à l’équilibre en 2012. L’exercice aurait été de toute façon difficile. Même si la conjoncture économique ne s’était pas dégradée, une augmentation des cotisations retraite est inévitable, ce qui n’empêchera pas de devoir faire des économies.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Votre exposé, dont je vous remercie, nous confirme malheureusement la gravité de la situation. Il reste toutefois des défis sans réponse, en particulier le financement de la dépendance à laquelle le Gouvernement a donné la priorité. Avec quels moyens ? On ne pourra pas ne pas faire preuve de courage politique. La solidarité nécessiterait de prendre des décisions, et pas dans le sens de celles qui ont été prises.

M. Dominique Dord. Votre rapport, madame la présidente, est instructif, mais très alarmant. Voilà deux ans, le président Méhaignerie l’a dit, on envisageait les choses différemment. À cet égard, si nous étions revenus aujourd’hui au plein-emploi, c’est-à-dire en réalité à un taux de chômage autour de 5 %, notre système social actuel serait-il ou non équilibré ?

M. Michel Liebgott. L’imprévoyance, que la crise a encore rendue plus criante, ne saurait excuser l’injustice profonde qui existe aujourd’hui. Le régime local d’assurance maladie de l’Alsace-Moselle, qui a toujours été équilibré, ne le sera sans doute plus cette année à cause de l’augmentation du forfait hospitalier qui était jusqu’alors pris en charge. Ce régime est équilibré parce que les cotisations ont toujours suivi les dépenses. Sur le plan national, la solidarité fonctionne à rebours, à cause du bouclier fiscal et de prestations dont le montant ou la durée ne sont pas toujours justifiés, et qui provoquent, qui plus est, une dégradation durable du système.

Cela étant, il faut faire des économies. La Cour suggère de regrouper les caisses régionales de la sécurité sociale dans les mines. Les bénéficiaires sont de plus en plus âgés et de moins en moins mobiles. Ils doivent pouvoir être soignés sur place. Et, comme dans le secteur agricole, ce sont des dépenses dérisoires au regard du reste. Il serait plutôt judicieux de revoir la tarification de certains actes qui dégradent durablement les comptes du régime d’assurance maladie. Il suffit de songer aux revenus des radiologues ou des biologistes qui sont le double de ceux d’un généraliste moyen.

M. Michel Issindou. La conjoncture n’explique pas le déficit structurel de 10 milliards d’euros. Les économies ne suffiront pas et il faudra vraisemblablement trouver des recettes nouvelles, dont le Gouvernement se prive par dogmatisme, lequel sert d’alibi à sa politique de l’autruche. Daniel Garrigue l’a dit, on aurait tout à gagner à être courageux. Les Français sont très attachés à la protection sociale et ils peuvent comprendre qu’il faut la sauver. Le débat doit dépasser le cercle des spécialistes. Si on n’augmente pas les prélèvements obligatoires, on pourrait au moins, comme le président Méhaignerie s’apprêtait courageusement à le faire cet été, s’attaquer aux niches sociales. Une de nos missions d’information communes a examiné les exonérations sur les bas salaires, jusqu’à 1,6 SMIC. Il ne faut sans doute pas les supprimer toutes, mais il y a certainement là de l’argent à récupérer, d’autant que l’on n’est pas sûr du tout de leur efficacité sur l’emploi. Les patrons nous disent qu’ils embauchent en fonction de l’état de leur carnet de commandes, et non des exonérations. Ne pourrait-on pas au moins avoir ce courage, qui semble s’être volatilisé ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Le courage existe toujours. Gilles Carrez et moi envisageons de nous attaquer à quelques niches sociales, mais leur taille ne justifie pas de les supprimer avant la sortie de crise. Il faut en outre mettre à plat le système fiscal français. Ce ne sont pas trois niches à 300 millions d’euros qui résoudront les problèmes de financement de la protection sociale, et nous devons commencer par faire le bilan du plafonnement des niches.

M. Dominique Baert. L’État ayant déjà battu tous ses records de levée de fonds cette année, a-t-il encore les moyens de souscrire les billets de trésorerie de l’ACOSS ? En outre, ces émissions ne risquent-elles pas d’assécher le marché, voire de provoquer l’éviction des autres acteurs, en particulier des entreprises au moment même de la reprise ? Et ne risquent-elles pas aussi d’aboutir à une hausse des taux ? L’État lance des emprunts qui, depuis bien longtemps, ne servent plus seulement à financer l’investissement. Pendant combien de temps pourra-t-il continuer ?

M. le président Didier Migaud. Les emprunts d’État ne servent pas qu’à financer les dépenses courantes, mais également des baisses d’impôt, ce qui aggrave encore la situation.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ce sera là tout l’objet du débat en 2010.

Mme Catherine Lemorton. Je m’en tiendrai pour ma part à une remarque d’ordre politique car je souhaite mettre en garde mes collègues de la majorité avant la prochaine présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sans doute faut-il, pour diminuer les dépenses, actionner certains leviers, mais encore faut-il avoir à l’esprit que nombre de nos concitoyens, faute de moyens, se voient refuser l’entrée dans le système de soins. Dans un arrêt du 6 mai dernier, le Conseil d’État a rappelé, suite à un recours d’associations en faveur de patients qui n’avaient pu payer les franchises médicales en 2008, que le régime général ne devait pas prélever le montant des franchises sur les minima sociaux. Le courage politique ne serait-il pas, comme l’ont souligné mes collègues, de dire qu’il conviendrait de se pencher dans ces conditions sur les recettes ?

Mme la présidente de la sixième chambre. Concernant la dépendance, je ne vois pas, madame Carrillon-Couvreur, comment sa prise en charge peut intervenir alors que l’on ne sait pas faire des économies sur les dépenses existantes et que l’on ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous avons quelques idées à cet égard !

Mme la présidente de la sixième chambre. Il est certainement possible de trouver les moyens de financer la dépendance, mais cela suppose de faire des économies sur d’autres aspects de la protection sociale. Il est vrai, mais c’est une tautologie que de le dire, qu’il est plus facile de faire des réformes positives lorsque l’on est en période de hautes eaux.

Quant à savoir, monsieur Dord, ce que la situation serait avec un taux de chômage à 5 %, il suffit de se référer au travail effectué en matière de retraites. Les travaux du Conseil d’orientation des retraites, fondés sur un taux de chômage de 4,5 %, ont en effet montré que, malgré ce taux, l’équilibre ne serait pas atteint à l’échéance de vingt ou trente ans. Même avec un rétablissement de l’emploi assez rapide, on ne reviendra donc pas pour autant à l’équilibre, sans apport de recettes nouvelles, compte tenu du vieillissement démographique. Et d’ici à ce que l’on parvienne à un taux de chômage de 4,5 ou 5 %, ce qui prendra beaucoup de temps, il faudra bien payer les retraites.

M. Dominique Dord. Qu’en est-il des conséquences sur l’assurance maladie ?

Mme la présidente de la sixième chambre. En matière d’assurance maladie, les recettes sont liées à l’emploi, même si c’est de façon peut-être un peu moins directe que pour les retraites puisque les ressources de financement sont plus diversifiées. Il n’existe en tout cas pas de projection la concernant en fonction du taux de chômage.

M. le président Pierre Méhaignerie. Des études du Haut Conseil de la santé publique ont montré qu’une majoration de 0,5 % maximum du produit intérieur brut en faveur des dépenses de santé permettrait d’équilibrer le système.

M. le président Didier Migaud. Sous réserve de la conjonction d’un taux de croissance et d’un niveau d’emploi meilleurs.

M. le président Pierre Méhaignerie. L’équilibre peut en tout cas être plus facilement atteint en matière de maladie que de vieillesse.

Mme la présidente de la sixième chambre. L’assurance maladie peut, en effet, se rétablir beaucoup plus vite si les recettes rentrent et si l’on serre quelques boulons, alors que l’on peut plutôt comparer l’assurance vieillesse à un grand paquebot difficile à ralentir, en tout cas à court terme.

Le régime local d’Alsace-Moselle, monsieur Liebgott, est exemplaire. Qu’il arrive à s’équilibrer nous étonne d’ailleurs toujours !

M. Yves Bur. Parce qu’il n’a pas le droit de faire des déficits et qu’il adapte les cotisations aux besoins.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ce qui montre que la mise en place de systèmes décentralisés accompagnés d’enveloppes globales responsabilisées, telles que l’objectif régional des dépenses d’assurance maladie, permettrait de régler une partie du problème. Mieux vaut couper un gros sucre en petits morceaux que devoir l’avaler en une seule fois !

Mme la présidente de la sixième chambre. Pour ce qui est du régime minier – qui ne compte plus que 10 000 actifs, dont un tiers d’employés des caisses minières –, il n’est pas question de priver les retraités de la mine et leurs familles du système actuel de soins. Simplement, l’existence même des organismes gestionnaires peut se poser du fait notamment de leur dispersion, ainsi que cela a été évoqué dans le rapport 2009 de la Cour sur la sécurité sociale.

S’agissant des niches sociales, la Cour n’est pas revenue sur le sujet cette année.

M. le contre-rapporteur. Le risque d’assèchement du marché auquel vous avez fait allusion, monsieur Baert, suite aux sommes que l’État doit lever, n’existe pas. En effet ce dernier souscrira des billets de trésorerie en dehors du marché. Le problème est plutôt de savoir quel montant sera souscrit sur le marché, sachant que l’État devra assurer le complément par rapport aux besoins de financement à un moment donné. À cet égard, le plafond de 60 milliards ne correspond pas à un besoin de financement permanent tout au long de l’année. Il y aura des hauts et des bas, à savoir que l’État pourra, à un moment où à un autre, souscrire pour quinze jours ou pour un mois des billets de trésorerie, mais pas sur de longues périodes.

M. Patrick Lemasle. Le plafond peut dépasser les 60 milliards.

M. le contre-rapporteur. Non, car le propre de ce plafond est de ne pouvoir être dépassé, sauf à être augmenté par décret. Les sommes recherchées ne pourront donc dépasser le plafond fixé.

M. Patrick Lemasle. On parle d’un déficit de 25 milliards d’euros cette année et de plus de 35 milliards l’année prochaine. Si l’on y ajoute les besoins de trésorerie ponctuels, le seuil des 60 milliards sera dépassé !

M. le contre-rapporteur. Pour augmenter le plafond, il faut, je le répète, un décret puis sa ratification par le Parlement.

M. le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, après avoir remercié madame la présidente de la sixième chambre et monsieur le conseiller maître pour la qualité de leurs interventions, il me reste, en accord avec le président Didier Migaud, à demander l’autorisation de publier l’enquête de la Cour des comptes effectuée à la demande de nos deux commissions.

Autorisation est donnée à l’unanimité de publier l’enquête de la Cour des comptes relative à la gestion des découverts de trésorerie et au financement de la dette sociale.

La séance est levée à onze heures dix .