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Commission des affaires sociales

Mardi 17 novembre 2009

Séance de 18 heures 20

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président puis de M. Georges Colombier, Secrétaire puis de M. Jean-Marie Rolland, député

– Audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur l’évolution de la pandémie grippale et la mise en œuvre du dispositif de lutte contre celle-ci

– Présences en réunion 15

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 17 novembre 2009

La séance est ouverte à dix-huit heures vingt.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission, puis de M. Georges Colombier, secrétaire, puis de M. Jean-Marie Rolland, député)

La Commission des affaires sociales entend Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur l’évolution de la pandémie grippale et la mise en œuvre du dispositif de lutte contre celle-ci.

M. le président Pierre Méhaignerie. Madame Roselyne Bachelot, nous vous avions accueillie une première fois le 16 septembre et nous étions alors convenus de faire régulièrement le point sur l’évolution de la pandémie grippale. Je vous remercie d’être à nouveau présente devant nous. Nous nous verrons encore, avant la fin de l’année, le 15 décembre prochain.

Pour nous, l’essentiel est de suivre l’évolution de l’épidémie et de tenir compte des possibles fluctuations de l’opinion, comme celle que l’on constate aux États-Unis et ailleurs, où les files d’attente devant les centres de vaccination s’allongent.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports. Comme je m’y étais engagée, je reviens aujourd’hui devant vous pour faire le point.

L’épidémie de grippe A (H1N1) progresse, c’est indubitable, même si c’est encore de façon non homogène sur le territoire national. Elle nous a laissé un répit au début de l’automne, sans doute en raison de conditions climatiques favorables, et nous devons nous féliciter de cette chance, puisque cela nous a permis de parachever notre préparation et de lancer la campagne vaccinale avant que le pic épidémique ne soit atteint.

Plus de 360 000 consultations pour grippe sont recensées chaque semaine et l’Institut de veille sanitaire a annoncé, hier 11 décès supplémentaires depuis jeudi dernier, soit au total, 43 décès en métropole depuis le début de l’épidémie. Cela confirme l’accélération de l’épidémie. Mme Françoise Weber, directrice générale de l’Institut de veille sanitaire, vous communiquera les dernières données si vous le souhaitez.

Aux États-Unis, où l’épidémie a commencé quelques semaines plus tôt, on recense entre 4 500 et 6 000 décès, dont plus de 540 chez des enfants. Cela conforte notre analyse de la sévérité possible de cette grippe hautement contagieuse et qui légitime, s’il en était encore besoin, les efforts entrepris par l’État pour apporter une protection à nos compatriotes, en particulier aux plus fragiles et aux plus exposés.

Les premières livraisons de vaccins nous ont permis de lancer, dès le 20 octobre, la campagne vaccinale dans les établissements de santé, puis, le 12 novembre, dans les centres de vaccination, pour proposer, en fonction des quantités de vaccins livrées, la vaccination à l’ensemble de la population dans l’ordre de priorité retenu.

Trois types de populations ont d’ores et déjà été appelés à se faire vacciner :

D’abord, les professionnels de santé, les personnels des établissements médico-sociaux, les personnels des pharmacies et les personnels de la chaîne de secours. Ils sont essentiels pour prendre en charge les patients qui risquent de devenir de plus en plus nombreux. Pour eux, l’enjeu est aussi, et peut-être surtout, d’éviter de prendre le risque de transmettre le virus à un de leurs patients ou une personne fragile dont ils ont la charge. Je rappelle au passage que, lorsqu’on est porteur du virus H1N1, on peut commencer à être contagieux avant d’en présenter les symptômes et faire ainsi courir un risque à ses patients. On est donc ici dans le cadre de la vaccination « altruiste » ;

Ensuite, l’entourage des plus jeunes enfants : parents de nourrissons de moins de six mois et professionnels chargés de l’accueil de la petite enfance. La vaccination de ces personnes est, là encore, particulièrement importante pour qu’ils évitent de transmettre le virus aux plus fragiles, les tout-petits qui, pour les moins de six mois, ne pourront pas être vaccinés, conformément à ce que prévoient les autorisations de mise sur le marché des vaccins ;

Enfin, les personnes fragiles : enfants ou adultes souffrant de pathologies les rendant plus vulnérables au virus. Pour eux, l’enjeu est évidemment celui de la protection directe.

Au total, plus de 7 millions de personnes ont été invitées à se faire vacciner.

Pour accompagner le lancement de la vaccination dans les centres, une grande campagne de communication a été lancée dans le même temps sur les chaînes de radio et de télévision. Elle rappelle que la vaccination protège celui qui se fait vacciner, mais aussi son entourage. On entend, en effet, beaucoup d’âneries à ce propos, en particulier qu’il suffirait, si l’on est atteint, de rester chez soi pour ne contaminer personne. C’est stupide, puisque l’on est contagieux plusieurs jours avant l’apparition des symptômes !

Il me semble important de revenir aujourd’hui devant vous sur les évolutions qui font l’actualité de cette pandémie et de donner plus de détails que je n’ai pu le faire tout à l’heure dans l’hémicycle en répondant à Élie Aboud, dans le cadre contraint des questions d’actualité.

Quel est aujourd’hui le bilan d’étape de ce dispositif exceptionnel, et quelles sont les prochaines échéances ?

L’analyse de l’activité des centres de vaccinations serait un exercice prématuré : nous n’avons que quelques journées de recul et il a été volontairement donné aux préfets la possibilité d’organiser, de façon souple, les horaires de fonctionnement des centres, ce qui rend délicate l’analyse des données.

Je souligne néanmoins que, dès le 12 novembre, date de lancement de cette phase de la campagne vaccinale, 83 % des 1 060 centres ont été activés. Cette première journée a permis à plus de 12 000 personnes de se faire vacciner. En même temps, le rythme des vaccinations s’accélérait dans les établissements de santé, pour atteindre 9 000 à 10 000 vaccinations quotidiennes. On peut estimer qu’hier soir 160 000 personnes avaient été vaccinées en centre ou en établissement de santé.

Je tiens ici à saluer tout particulièrement les préfets, les services territoriaux de l’État et les établissements, qui se sont mobilisés pour rendre possible cette opération de grande ampleur. Je remercie aussi tous les professionnels, médecins, infirmiers, administratifs, qui se sont portés volontaires pour faire fonctionner ces centres. J’ai appris, en allant hier me faire vacciner dans le centre du XIVe arrondissement de Paris, que les personnels avaient travaillé toute la journée du 11 novembre pour mettre au point les derniers détails ; je leur exprime ici ma gratitude. Je remercie enfin les collectivités territoriales qui ont apporté leur soutien au dispositif, en particulier en mettant des locaux à disposition.

Conformément aux engagements que j’ai pris, la plus grande transparence est appliquée au suivi des événements indésirables rapportés dans le cadre de cette vaccination. Cette surveillance, à propos de laquelle, Mme Fabienne Bartoli, ajointe au directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), répondra à vos questions, se fait selon un plan européen de gestion des risques. J’ai déjà eu l’occasion de souligner que le lien de causalité entre la vaccination et un état pathologique justifie une expertise approfondie de la part des autorités sanitaire. L’AFSSAPS publie, à ma demande et chaque semaine, un bulletin détaillant la totalité des signalements et de leur analyse. À ce jour, dans l’ensemble des pays européens, les événements indésirables signalés sont conformes à ce qui était attendu, voire moins nombreux.

La prochaine étape très importante de cette campagne est la vaccination des femmes enceintes et des nourrissons de six à vingt-quatre mois, qui commencera vendredi 20 novembre, comme je l’avais annoncé à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette vaccination était particulièrement attendue car, depuis l’émergence du virus, les experts nous ont indiqué que les femmes enceintes constituaient une population particulièrement à risque.

Ce risque était déjà documenté pour les précédentes pandémies. Il est confirmé pour la grippe A (H1N1) qui, selon les données internationales recueillies en particulier dans l’hémisphère sud et le continent nord-américain, entraîne un taux beaucoup plus élevé de formes graves, voire de décès, dans cette catégorie de la population que dans l’ensemble de la population.

C’est pourquoi j’ai pris, dès l’émergence de la menace, des dispositions pour acquérir différents types de vaccins, fabriqués par différents laboratoires et selon des méthodes diverses. Cela a permis d’élargir la palette des solutions possibles pour les catégories de population que je viens d’évoquer. D’autres pays n’ont pas adopté cette stratégie et le regrettent aujourd’hui. Elle nous a également permis de répondre positivement à la recommandation du Haut conseil de la santé publique d’utiliser préférentiellement des vaccins sans adjuvant chez la femme enceinte, au motif que nous manquons d’informations précises et solides sur l’utilisation des vaccins avec adjuvant pour cette population spécifique.

Le vaccin de Sanofi-Pasteur sans adjuvant vient d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché, et nous disposons dès à présent de quelques centaines de milliers de doses qui nous permettent de proposer la vaccination aux femmes enceintes et aux très jeunes enfants dès vendredi prochain, ce qui est une très bonne nouvelle.

La question d’un schéma vaccinal en une ou deux injections est aussi très importante. Il semble qu’une seule pourrait être suffisante, ce qui serait également une très bonne nouvelle. En effet, passer à une seule injection nous permettrait de proposer beaucoup plus rapidement la vaccination à l’ensemble de la population. Cela simplifierait en outre sensiblement la logistique de la campagne, car la seconde injection doit être réalisée avec le vaccin utilisé pour la première. Cela rendrait enfin la vaccination plus acceptable par la population, point sur lequel M. Didier Houssin, directeur général de la santé, ici présent, a justement insisté hier sur une radio périphérique.

La décision repose sur les résultats des essais cliniques en cours qui viennent compléter ceux nécessaires à la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché. Ces essais doivent analyser le niveau de protection offert par la première injection, mais surtout sa pérennité. Faute d’un recul suffisant, les experts n’ont pas encore trouvé un consensus. En effet, s’ils s’accordent à reconnaître que les vaccins de Novartis, GSK et Sanofi atteignent des critères d’immunogénicité suffisants après la première injection, certains considèrent qu’il est possible de passer à un schéma à une dose dès à présent au moins pour les adultes, en l’absence d’éléments venant prouver que cette protection n’est pas pérenne, tandis que d’autres préfèrent attendre des résultats complémentaires pour faire cette proposition, jugeant que le recul n’est pas encore suffisant.

Le fait que le virus pandémique pourrait circuler sur une plus longue période que le virus saisonnier, donc nécessiter une protection prolongée, incite à une réelle prudence avant de consolider un schéma à une seule injection pour une partie de la population.

Je me réserve, bien entendu, la possibilité de faire évoluer notre position très rapidement si la situation épidémiologique évoluait ou si l’Agence européenne du médicament (EMEA) modifiait ses recommandations. En attendant, j’applique à la lettre – c’est ma responsabilité – les autorisations de mise sur le marché et le schéma vaccinal reste celui préconisé par l’agence européenne, pour chaque type de vaccin. La première dose doit donc être délivrée le plus tôt possible chez les personnes qui souhaitent se faire vacciner et font partie des catégories prioritaires. La seconde est moins urgente, mais reste conseillée.

Quelles seront les étapes ultérieures de cette campagne ?

Une fois que la vaccination des femmes enceintes et des jeunes enfants de moins de deux ans aura commencé, nous lancerons, à partir du 25 novembre, comme l’a annoncé mon collègue Luc Chatel, la vaccination des populations d’âge scolaire. Celle-ci sera réalisée pour les plus grands, c’est-à-dire pour les élèves de collèges et de lycées, dans leurs établissements, et pour les élèves des écoles maternelles et primaires en centre de vaccination, afin qu’ils puissent être accompagnés de leurs parents. Comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler, la vaccination des scolaires se fera uniquement après accord parental.

Les personnes âgées et les adultes sans facteurs de risque seront vaccinés ensuite, quand les quantités de vaccin seront suffisantes, sans doute à la fin de l’année.

Nous ne sommes pas le seul pays confronté à des controverses au sujet de la vaccination. Il convient, comme l’a justement souligné M. Pierre Méhaignerie, de se méfier des revirements brutaux de situation. Les États-Unis, le Canada et certains de nos voisins européens connaissaient des situations similaires de faible adhésion de la population à la campagne vaccinale. Mais dès que l’épidémie s’est véritablement installée, comme dans ces deux pays d’Amérique du Nord, la population s’est ruée sur les centres de vaccination et la controverse a brutalement changé de cible. Ainsi, aux États-Unis comme au Canada, les files d’attente s’allongent devant les centres de vaccination, posant parfois des problèmes d’ordre public. Dans certains cas, les personnes arrivées après 6 heures du matin ne sont pas admises dans la journée et c’est la pénurie de vaccins qui est critiquée par l’opinion. Aux États-Unis, c’est même le choix du gouvernement en faveur de vaccins non-adjuvés, qui limite les capacités de production des industriels, donc le flux des livraisons, qui commence aussi à être critiqué violemment.

Tout ceci m’amène à rappeler que la lucidité a posteriori reste partout une science aisée…

Mme Françoise Weber, directrice générale de l’Institut de veille sanitaire Je ferai un point rapide à partir des dernières informations d’aujourd’hui.

Selon nos estimations, nous avons dépassé la semaine dernière les 400 000 consultations pour affections respiratoires aiguës liées au virus A (H1N1). Nous assistons aujourd’hui à une très franche intensification de l’épidémie, dont la meilleure indication est la circulation du virus dans les écoles : le nombre de fermetures de classes et d’établissements montre que l’épidémie a réellement démarré là où elle débute habituellement, c’est-à-dire chez les plus jeunes. Après les deux paliers que nous avons connus lors de la deuxième quinzaine de septembre et des vacances de la Toussaint, le redémarrage est intense. Il se manifeste essentiellement dans le sud de la France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Rhône-Alpes, mais il concerne tout le territoire, avec peut-être une petite stabilisation en Île-de-France, qui a été la région la plus touchée au début.

Parallèlement au développement de l’épidémie, nous assistons à une augmentation du nombre d’hospitalisations pour cas graves. Nous surveillons essentiellement les personnes qui sont admises en réanimation et en unités de soins intensifs. Elles sont à ce jour 245, dont 25 la semaine dernière. On atteint 46 décès en métropole, soit 14 de plus que lors du point de la semaine dernière, dont 9 au cours de la semaine écoulée.

La plus grande partie des cas graves et des décès concernent des personnes qui présentaient des facteurs de risque, ce qui ne signifie pas qu’elles étaient atteintes de maladies graves ou étaient en phase terminale. Elles vivaient souvent comme vous et moi, avec cependant une maladie comme l’asthme, le diabète ou l’obésité, dont on sait qu’elles favorisent des formes graves de la grippe. C’est d’ailleurs ce qui différencie la grippe A de la grippe saisonnière. On compte, en effet, 21 % de moins de quinze ans dans les cas graves, soit beaucoup plus qu’avec la grippe saisonnière. Les patients atteints de maladies respiratoires représentent 33 % des cas graves, ceux souffrant de diabète 12 % et les personnes atteintes d’obésité 10 %. Sur les 46 personnes décédées, 43 étaient porteuses de facteurs de risque. Les trois autres étaient deux adolescents de quinze et seize ans et une jeune femme de vingt-sept ans. Parmi les morts, six avaient moins de quinze ans.

M. Georges Colombier. Vous nous mettez en garde contre la montée en puissance de l’épidémie. Pourtant, nous entendons encore beaucoup dire que l’on en fait trop. Comment améliorer encore la diffusion de l’information dans les médias ?

Une question pratique par ailleurs : une personne qui a déjà été vaccinée contre la grippe saisonnière peut-elle se faire vacciner une deuxième fois contre le virus H1N1 ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Me rendant, à la première heure, au centre de vaccination de Vitré, j’ai constaté une file d’attente importante, parce qu’un seul médecin était présent pour procéder à l’interrogatoire préalable obligatoire.

M. Élie Aboud. Je connaissais la réponse technique à la question que je vous ai posée cet après-midi, mais je souhaitais surtout en savoir davantage sur l’état des relations entre votre ministère et le monde médical. S’agissant des rapports entre les médecins et les médias, j’ai l’impression de retrouver ce qui se passe avec nous, députés : quand on travaille de façon régulière et sérieuse, personne n’en parle, mais il suffit d’une polémique ou d’une petite phrase pour que les médias s’en emparent. Si l’on en a l’habitude en politique, pour moi, qui suis aussi médecin, les choses sont, dans le domaine qui nous occupe, plus graves.

Je distingue trois catégories de médecins. La première est celle des ultra-spécialistes, ici les infectiologues, qui oublient qu’ils s’adressent au grand public qui peut s’alarmer de leur discours trop scientifique. La deuxième est celle des généralistes, dont on a l’impression qu’ils boudent, d’où mes questions : que se passe-t-il avec eux ? Quelles relations entretenez-vous avec les représentants de la profession ? Il y a enfin ceux qui publient des articles, voire qui biaisent les données et qui font une contre campagne pour occuper l’espace médiatique. Cette dernière attitude me semble extrêmement préjudiciable au regard des chiffres que vous venez de nous donner. Je souhaite donc savoir comment l’on pourrait améliorer la situation et pourquoi vous n’avez pas obtenu une adhésion totale du monde médical.

M. Guy Lefrand. Deux questions très pratiques.

Un médecin qui n’exerce pas actuellement, qui s’est inscrit sur les listes pour pouvoir faire des interventions et qui doit le faire dans dix jours, n’a pour l’instant reçu aucune réponse. On ne lui a pas proposé de se faire vacciner lui-même. Doit-il le faire ? Sera-t-il couvert par une assurance ? Recevra-t-il une formation spécifique ?

Pouvez-vous, par ailleurs, m’indiquer dans quelles conditions peut être vacciné le personnel des services associatifs d’hospitalisation à domicile ?

M. Jean-Marie Rolland. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des nouvelles du professionnel de santé dont la presse nous dit qu’il aurait été atteint, quelques jours après une vaccination, du syndrome de Guillain-Barré ?

Mme Michèle Delaunay. Est-on certain que les 400 000 consultations pour syndrome respiratoire aigu étaient toutes liées au virus H1N1 et pas à celui de la grippe saisonnière ? Comment fonctionne le système de déclaration obligatoire par les médecins ? Est-il bien suivi ?

Enfin, quels risquent encourent les personnes immunodéficientes, en particulier séropositives ?

M. Dominique Dord. L’épidémie monte en puissance. Même si cela peut paraître prématuré, peut-on prévoir le moment où le pic pandémique interviendra et quand nous pourrons considérer que l’épidémie sera derrière nous ? Cela a évidemment une grande importance pour la gestion de l’épidémie au quotidien.

M. Simon Renucci. Les 400 000 cas sont-ils diagnostiqués ou suspects ?

Pour moi, le nombre de décès dès le début de l’épidémie montre que celle-ci risque d’être très grave.

Il me semble, par ailleurs, que si la demande de vaccination s’accélère, l’organisation qui a été mise en place sera insuffisante et qu’il sera nécessaire de passer des conventions avec les médecins libéraux pour qu’ils effectuent des vacations à tour de rôle. Ce n’est pas une hypothèse d’école, car je suis persuadé que la demande peut devenir bien plus importante, en particulier si le nombre de cas dans les collectivités s’accroît.

Mme Catherine Lemorton. Pour les avoir vus travailler, je veux m’associer, madame la ministre, aux remerciements que vous avez adressés au personnel des collectivités territoriales.

Je suppose que des faisceaux de symptômes permettent d’identifier assez bien les personnes atteintes de la grippe H1N1. Sait-on combien de personnes ont eu la grippe A depuis l’arrivée de ce virus sur notre territoire ?

Je me fais, par ailleurs, le relais des questions que posent les fédérations de parents d’élèves. La grippe est arrivée hier dans le collège de ma fille. Dans les établissements scolaires, si la moitié des élèves est touchée, les parents de l’autre moitié se demanderont ensuite s’il est véritablement nécessaire de faire vacciner leur enfant dans la mesure où il a forcément déjà rencontré le virus.

Pouvez-vous, enfin, nous indiquer sur quel public ont été menés les tests cliniques ? S’est-on en particulier intéressé aux jeunes enfants, qui n’ont jusqu’ici fait l’objet d’aucune campagne systématique de vaccination contre la grippe saisonnière et qui reçoivent déjà un certain nombre de vaccins, en particulier, entre onze à quatorze mois, le vaccin rougeole-oreillons-rubéole et un rappel d’Hexavalent ?

Confirmez-vous que lorsque les parents n’auront pas indiqué explicitement qu’ils acceptent la vaccination, on considérera qu’ils l’ont refusée ?

Mme la ministre. Je réponds immédiatement sur ce point : quand les parents recevront l’avis, ils devront signer un papier autorisant leur enfant à se faire vacciner. À défaut, on considérera qu’ils ont refusé.

Mme Cécile Gallez. Je m’étonne que la préfecture nous impose des horaires d’ouverture des centres de vaccination. C’est le cas dans ma commune, où l’on nous a demandé de ne fermer qu’à 22 heures vendredi dernier, ce qui a été très largement inutile. Pourquoi ne pas laisser les élus locaux, qui connaissent bien mieux la population, apprécier sur place les horaires d’ouverture les mieux adaptés ?

Mme Edwige Antier. Dans leurs cabinets comme dans les crèches, les pédiatres sont confrontés à de nombreux problèmes, notamment lorsqu’on leur demande un certificat de non-contagion. S’ils font preuve d’une grande bonne volonté, leurs responsabilités ne sont pas toujours bien précisées.

Pour répondre à la question de ma collègue, il me semble qu’en période d’épidémie la vaccination des enfants contre le virus H1N1 doit être faite en urgence et que l’on peut, sans conséquence, décaler de trois semaines un rappel d’Hexavalent.

Enfin, madame la ministre, les médecins comme les patients se demandent si on ne va pas bientôt passer à la présentation unidose, ce qui permettra la vaccination personnalisée par le médecin traitant.

Mme la ministre. En faisons-nous trop ? Certes, tant que le bateau flotte, on ne se préoccupe guère des gilets de sauvetage. Se préparer à une pandémie signifie que l’on agit tant qu’il ne se passe rien, ensuite, il ne s’agit plus de préparation mais de réaction ! Pour notre part, si la pandémie s’aggravait, nous serions davantage en ordre de marche que des pays dont on a vu qu’ils s’étaient mal préparés. Pour autant, comme plusieurs d’entre vous l’avez signalé, il peut y avoir quelques difficultés dans une logistique aussi complexe, et nous sommes très attentifs aux informations qui remontent du terrain.

On peut recevoir la première injection contre la grippe A trois semaines après avoir été vacciné contre la grippe saisonnière. La question est d’ailleurs posée dans les centres de vaccination aux personnes qui viennent se faire vacciner, comme elle l’a été pour moi.

M. Élie Aboud est revenu sur la question fondamentale de l’état des relations avec les médecins. Je commencerai pas répondre à ceux qui, de bonne foi, me disent que les vaccins peuvent très bien être administrés par les médecins. Bien évidemment, ces derniers sont tout à fait aptes à prodiguer ce vaccin, comme tout autre, dans leur cabinet, que cet acte peut même être effectué par d’autres professionnels de santé, voire par des étudiants en médecine.

Mes décisions ne traduisent aucune méfiance à l’égard du corps médical. Je rappelle simplement que la campagne de vaccination doit s’étaler sur quatre mois, avec des livraisons successives et un ordre de priorité. Surtout, nous disposons de vaccins multidoses, qui doivent être gardés au réfrigérateur, tout flacon entamé devant être utilisé dans les 24 heures. Voilà qui explique tout simplement pourquoi la campagne doit être conduite de cette façon, dont M. Didier Houssin a justement souligné qu’elle constituait un « enfer logistique ». Malheureusement, on ne peut pas se rendre chez son pharmacien pour acheter le vaccin, puis aller se faire vacciner chez son médecin. Il est impossible de disposer d’une flotte de véhicules réfrigérés qui permettraient de livrer le vaccin, non pas dans 1 060 centres, mais dans 50 000 cabinets, comme il est impossible de créer un corps d’inspection pour vérifier que tous les cabinets disposent d’installations réfrigérées.

Nous avons longuement discuté de tout cela avec les médecins et nous avons cherché s’il serait possible de surmonter ces difficultés. À partir des discussions que nous avons eues en juillet avec les professionnels libéraux, tout le monde est convenu qu’il était impossible de procéder d’une autre façon. Le seul pays qui a essayé de se reposer sur les médecins généralistes, la Belgique, est en train de revenir sur sa position, en raison de difficultés insurmontables.

« Pourquoi cette méfiance ? », me demandez-vous à juste titre. Je pense que cela tient, tout simplement, au fait que la gestion d’une grande pandémie fait intervenir la puissance publique dans ce dialogue singulier entre le médecin et son patient que constitue l’acte médical. Il faut donc chercher comment rendre acceptable par l’opinion la nécessité absolue qu’un pilote organise la politique de santé. Il s’agit, en fait, d’une question de philosophie médicale, qui ne relève pas seulement de la réflexion politique, mais d’une réflexion globale sur le fonctionnement d’une société moderne et sur le rôle de l’État.

Si l’on veut voir les choses de façon positive, on constate qu’en réclamant de procéder eux-mêmes à la vaccination, les médecins expriment en quelque sorte leur confiance dans celle-ci. J’observe, par ailleurs, que les organisations représentatives de médecins ont des positions très différentes et je me demande si le fait que l’on entende toujours les mêmes est sans aucun lien avec la perspective des élections représentatives de l’an prochain…

Effectivement, monsieur Rolland, un syndrome s’est déclaré chez un professionnel de santé. S’agit-il du Guillain-Barré ? De façon factuelle, je dirais qu’une personne qui s’est fait vacciner a présenté, six jours plus tard, des paresthésies – ce que les enfants appellent des fourmis. Elle n’a pas été hospitalisée, elle a été prise en charge par son médecin et son état évolue de façon tout à fait favorable. Outre que cet événement survient bien tôt après la vaccination, la personne semblait présenter auparavant un syndrome grippal. Cela nous renvoie à la question du lien qui pourra être fait entre toutes sortes d’incidents qui peuvent survenir.

(M. Georges Colombier succède à M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance.)

M. Didier Houssin, directeur général de la Santé. En effet, « précéder » ne signifie pas « causer ». Nous allons, lors de cette campagne de vaccination, être confrontés en de nombreuses circonstances à la survenue d’événements de santé dont l’explication ne sera pas toujours claire. C’est le cas du syndrome de Guillain-Barré et d’autres affections analogues. Il y a aussi d’autres événements fréquents : on compte, chaque année, environ 40 000 morts subites, 150 000 avortements et de nombreux accouchements avant terme. Nous serons donc inévitablement confrontés à des situations, comme celle qui vient de se produire en Allemagne, dans lesquelles un de ces événements surviendra quelques jours après une vaccination. La question du lien sera alors posée. C’est pourquoi le dispositif de pharmacovigilance renforcée, lancé par l’AFSSAPS, est particulièrement important pour explorer ces événements et déterminer s’il y a ou non un lien, car l’on ne peut pas miser a priori sur une simple coïncidence. Mais, il faut bien avoir présente à l’esprit la fréquence de base de certains événements.

Mme la ministre. La Suède a déjà utilisé un million de vaccins GSK sans effet indésirable. Aucune donnée ne montre un développement du syndrome de Guillain-Barré. L’occurrence de ce syndrome étant 70 fois plus importante en cas de grippe qu’en cas de vaccination, la meilleure protection reste donc de se faire vacciner. Enfin, nous avons créé, autour d’un centre de référence situé à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, un observatoire de ce syndrome de Guillain-Barré.

Mme l’adjointe du directeur général de l’AFSSAPS. Mme Delaunay nous a interrogés sur le dispositif de pharmacovigilance. Notre système renforcé consiste en une application qui permet de notifier tout effet indésirable sur le site Internet de l’AFSSAPS. Un formulaire destiné à la déclaration des patients est également disponible. C’est une première, qui se fonde sur l’expérimentation que nous avons menée depuis 2007 avec des associations de patients. À ce jour, nous n’avons reçu aucune notification par ce biais.

Mme la ministre. Tous les comptes rendus vous seront donnés dans la plus grande transparence et un bilan extrêmement complet sera établi. Ce qui nous revient pour l’instant est extrêmement encourageant et confirme la grande innocuité du vaccin.

M. le directeur général de la santé. La France est le seul pays qui ait prévu un bilan public hebdomadaire dans le cadre de la pharmacovigilance.

Nous avons conduit, en étroite concertation avec les associations, un travail de préparation spécifique sur la vaccination des porteurs du HIV. Nous avons demandé au Haut conseil de la santé publique quelles recommandations il formulait en la matière et nous avons consulté le groupe qui se penche depuis plusieurs années sur les questions de dépistage, de prévention et de thérapeutique. Même s’il n’y a pas de risque particulier pour la plupart de ces personnes, il a été décidé de leur recommander la vaccination, en particulier à celles qui présentent un déficit immunitaire. Nous n’avons pas choisi l’envoi de bons de vaccination par l’assurance-maladie, afin de ne pas être amenés à identifier dans les bases de données les personnes vivant avec le VIH.

Mme la ministre. C’est un problème éthique !

M. le directeur général de la santé. Il a donc été décidé que les services hospitaliers qui suivent ces personnes leur adressent un courrier individuel. Elles peuvent être vaccinées au sein de l’établissement de santé qui les suit habituellement s’il organise la vaccination. À défaut, elles se rendent auprès de la caisse primaire d’assurance-maladie, pour obtenir le bon qui leur permet ensuite d’être vaccinées. Nombre d’entre elles ont déjà suivi ce processus.

S’agissant des personnes qui ont pu être en contact avec la maladie, lorsqu’il n’y a eu ni état fébrile ni phase aiguë, la vaccination est néanmoins recommandée par le Haut conseil de santé publique. On se place dans une approche « populationnelle » qui diffère quelque peu de l’approche médicale traditionnelle : quand on est face à plusieurs centaines de milliers de malades, il n’est pas possible de faire à chaque fois un prélèvement. Dès lors que la preuve d’une affection liée au virus H1N1 n’a pas été apportée, la personne doit être vaccinée.

Le Haut conseil considère également que, si toutes les vaccinations infantiles ne peuvent pas avoir lieu le même jour, la priorité doit aller au vaccin contre ce virus.

Mme la directrice générale de l’Institut de veille sanitaire. Je reviens sur la façon dont nous estimons le nombre de cas. Nous ne parlons d’ailleurs pas toujours de grippe, au sens clinique, mais plutôt d’infections respiratoires aiguës, sachant qu’un certain nombre de formes sont assez peu symptomatiques.

J’observe tout d’abord que, parmi les virus grippaux qui circulent, le A (H1N1) 2009 est très largement majoritaire puisqu’il représentait, la semaine dernière, 932 des 994 virus grippaux testés. Comme cela arrive régulièrement lors des pandémies, le virus majoritaire a quasiment éliminé ses concurrents. Cela dit, nous sommes en saison de virose respiratoire et d’autres virus circulent.

Pour connaître le nombre des infections respiratoires aiguës qui sont liées au virus A (H1N1) nous utilisons, comme la plupart des autres pays, des techniques d’échantillonnage scientifiquement éprouvées, dont nous pensons qu’elles nous donnent une estimation raisonnable du nombre de cas ainsi qu’une idée précise de l’évolution de l’épidémie, de ses tendances et de son impact sanitaire et socio-économique, ce qui est bien l’objectif de la surveillance.

En revanche, les cas graves font l’objet de prélèvements individuels. Une minorité des décès, pour lesquels les prélèvements n’ont pas pu être faits, sont attribués au virus à partir d’une évaluation épidémiologique, par exemple la présence d’une personne diagnostiquée dans l’entourage.

Il est vraisemblable que, depuis le début de l’épidémie, plus de 1,5 million de personnes ont été atteintes par le virus ou ont consulté. Il est bien évident que quelqu’un qui présente des symptômes mais reste chez lui ne peut pas être détecté par le système de surveillance et que nous passons donc à côté d’un certain nombre de cas très peu symptomatiques. Mais, cela vaut aussi bien sûr pour la grippe saisonnière, pour la gastro-entérite, comme pour l’ensemble des maladies surveillées. L’objectif de l’évaluation étant de mesurer l’impact sur le fonctionnement de la société et sur le système de soins, nous avons bien les moyens de l’estimer, puisque les personnes que nous ne voyons pas sont les moins gênées dans leur activité comme dans leur santé. Les premiers résultats de l’étude que nous conduisons à ce propos montrent, en outre, que les formes les moins symptomatiques sont probablement minoritaires.

M. le directeur général de la santé. Le chiffre de 1,5 million peut sembler élevé, mais il ne s’agit que d’une petite partie de ce qui peut survenir, les estimations conduites dans l’hémisphère sud donnant des taux d’attaque compris entre 10 et 20 % de la population.

Mme la directrice générale de l’Institut de veille sanitaire. Le précédent de l’hémisphère sud montre qu’il peut y avoir des petites vagues et des paliers voire, comme au Mexique, plusieurs vagues d’attaques successives au cours d’une même saison. Nous savons que nous risquons d’atteindre un taux d’attaque très important, beaucoup plus qu’avec la grippe saisonnière, mais nous ignorons si ce sera en une seule vague.

Monsieur Dord, on sait que lorsqu’une épidémie s’intensifie et que l’on est véritablement dans une phase ascendante, le pic survient quatre à six semaines plus tard. Cela dit, la saison est relativement douce et nous avons déjà eu, depuis que la diffusion du virus a commencé, deux débuts de phase ascendante, avec deux paliers. Je me garderai donc de faire des prévisions. Mais l’épidémie s’intensifie cette semaine, comme elle ne l’avait encore jamais fait, et nous devons donc nous préparer à un pic dans quatre à six semaines, même si personne ne peut certifier qu’il surviendra dans ce délai.

Mme Catherine Lemorton. Pour le professeur Flahaut, 40 % des personnes développeraient la grippe A de façon complètement asymptomatique, avec un épisode de fièvre de seulement quelques heures. Cela peut amener certains à se dire que si 40 % des personnes qui vivent dans une collectivité ont été touchées mais pas eux, cela signifie qu’ils sont résistants. En fait, on a un peu l’impression que les Français cherchent toutes les excuses pour ne pas se faire vacciner.

(M. Jean-Marie Rolland succède à M. Georges Colombier à la présidence de la séance.)

Mme la ministre. On entend, en effet, dire que la grippe A serait beaucoup moins méchante que la grippe saisonnière. Je ne partage pas cet avis : si les formes de la maladie ne sont souvent pas graves, si le pronostic vital n’est pas engagé, la plupart des personnes atteintes passent une semaine au lit en se sentant vraiment malades, avec de la fièvre et des maux de tête suivis d’une asthénie. Outre les troubles de santé, la désorganisation sociale est importante : un médecin atteint, même sous une forme modérée, peut se voir éloigné de son cabinet pendant quinze jours. Or, je compte beaucoup sur l’implication des médecins généralistes non seulement pour expliquer l’intérêt de la vaccination mais aussi pour faire face à des dizaines de milliers de consultations.

M. le directeur général de la santé On peut certes échafauder des stratégies d’évitement de la vaccination, mais il s’agit tout bonnement d’un pari dans lequel il faut prendre en compte la menace que représente une forme grave de la maladie, avec un risque d’incapacité familiale et professionnelle, mais aussi de décès. Dès lors qu’elle peut être offerte à temps, la vaccination paraît donc la solution la plus rationnelle.

S’agissant des enfants, l’Institut de veille sanitaire ayant montré que les conséquences sanitaires sont plutôt plus graves chez les 6-23 mois, ils sont considérés comme particulièrement prioritaires et les familles seront appelées très vite à procéder à leur vaccination. Le Haut conseil de la santé publique avait pour sa part jugé préférable, si cela était possible, d’administrer un vaccin sans adjuvant, car on manquait de données sur l’effet de l’adjuvant pour ces catégories d’âge. C’est ce que nous ferons et il faut donc espérer que les parents feront vacciner rapidement ces enfants.

M. Denis Jacquat. Je souhaite insister sur le fait que les Français se vaccinent peu. Si j’ai bien compris que la décision de procéder à la vaccination dans des centres tient aux problèmes de conditionnement, de conservation, de transport et de réfrigération, je demeure persuadé que nos concitoyens seraient plus nombreux à aller se faire vacciner par leur médecin de famille, en qui ils ont plus confiance que dans des centres impersonnels souvent éloignés de leur résidence. Cela ne devrait-il pas pousser à surmonter les difficultés techniques, en particulier pour aller vers un vaccin en présentation unidose, comme pour la grippe saisonnière ?

Mme la ministre. Sans doute parviendrons-nous dans les années qui viennent à des vaccins en présentation unidose.

En attendant, je recevrai après-demain les représentants des organisations de médecins, pour voir s’il serait possible de surmonter, dans des cabinets importants et en suivant un cahier des charges que nous élaborerions ensemble, un certain nombre des difficultés logistiques que nous rencontrons. Mais, il n’appartient pas à la ministre d’organiser l’activité libérale et j’attends donc les propositions des médecins, étant entendu qu’il ne pourra s’agir, pour les raisons que j’ai expliquées, d’une solution générale.

J’ajoute que nous serons sans doute heureux de pouvoir compter sur les médecins libéraux en appui des centres de vaccination, si, comme aux États-Unis et au Canada, on passe subitement de la méfiance à une forte demande du public, avec les troubles que cela peut susciter.

M. le directeur général de la santé. Lorsque nous avons discuté avec les industriels, aux mois de mai et juin dernier, pour l’obtention de ce vaccin, nous avons bien évidemment demandé des vaccins en présentation unidose. Il nous a été répondu que cela prendrait deux mois de plus parce que cela rendrait plus compliqué le conditionnement des vaccins. Le délai de livraison nous étant apparu crucial, nous avons été contraints, comme les autres pays, d’accepter la présentation multidose, qui impose une organisation collective de la vaccination.

Nous disposons d’environ un million de vaccins en présentation unidose, qui sont plutôt destinés à la vaccination dans des collectivités où elle est difficile à organiser, chez des personnes isolées ainsi que dans nos postes diplomatiques, à destination de nos compatriotes qui vivent à l’étranger.

Mme la ministre. Les livraisons s’étalant dans le temps, peut-être pourrons-nous hâter celles des vaccins unidose. Ce serait une bonne nouvelle.

Mme Edwige Antier. Dans le doute, quand on ignore si un enfant a eu ou non la rubéole ou la coqueluche, on le vaccine, car il n’est pas dangereux de le faire quand on a déjà eu une forme inapparente de la maladie. Il n’y a pas de difficulté à procéder de même pour la grippe A.

S’agissant des chiffres, nombreux sont nos concitoyens qui aimeraient disposer d’une comparaison entre les complications qui surviennent avec la grippe H1N1 et celles qui sont liées aux épisodes saisonniers.

M. le directeur général de la santé. La différence porte essentiellement sur les catégories d’âge touchées : la grippe saisonnière touche beaucoup les personnes âgées qui ont des problèmes de santé, la grippe A (H1N1) frappe particulièrement des sujets ne bénéficiant d’aucune immunisation, donc des jeunes.

Mme la ministre. Avec la grippe saisonnière, plus de 95 % des cas graves touchent des personnes âgées présentant des facteurs de risque.

Mme la directrice générale de l’Institut de veille sanitaire. Parce que nous sommes en début d’épidémie, il est trop tôt pour dire qu’il y a plus de cas graves qu’avec la grippe saisonnière. Mais, dans tous les pays où l’épidémie a déjà sévi, en particulier dans l’hémisphère sud, y compris dans nos collectivités d’outre-mer et dans les États qui ont des systèmes de soins comparables au nôtre, on a observé une forte surcharge des services de réanimation, que l’on n’observe pas avec la grippe saisonnière.

C’est seulement à la fin de l’épidémie que nous pourrons effectuer des comparaisons, car c’est alors que nous pourrons prendre en compte la mortalité non seulement directe mais aussi indirecte. Même avec des taux de mortalité et des cas graves identiques à ceux de la grippe saisonnière, compte tenu du taux d’attaque, c’est-à-dire du nombre de personnes qui vont être sensibles au virus et attraper la grippe A (H1N1), le nombre total des cas graves et des décès sera beaucoup plus important qu’habituellement.

Mme Catherine Lemorton. Les vacances de la Toussaint ayant ralenti l’épidémie, on peut espérer que celles de Noël auront le même effet…

Mme la directrice générale de l’Institut de veille sanitaire. En effet les vacances de la Toussaint ont correspondu, en particulier en Île-de-France, à un arrêt brutal de la progression de l’épidémie.

M. Jean-Marie Rolland, président. Madame la ministre, je vous remercie, ainsi que Mme Weber, Mme Bartoli et M. Houssin.

L’audition s’achève à dix-neuf heures quarante.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 17 novembre 2009 à 18 heures

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, M. Georges Colombier, Mme Michèle Delaunay, M. Dominique Dord, Mme Cécile Dumoulin, Mme Cécile Gallez, M. Denis Jacquat, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, M. Pierre Méhaignerie, M. Simon Renucci, M. Jean-Marie Rolland, Mme Valérie Rosso-Debord

Excusés. - M. Pierre Cardo, M. Gérard Cherpion, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Le Guen, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian