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Commission des affaires sociales

Mercredi 10 février 2010

Séance de 10 heures 45

Compte rendu n° 26

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Alain Grimfeld, pressenti pour être reconduit à la présidence du comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé

– Présences en réunion 15

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 10 février 2010

La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Alain Grimfeld, pressenti pour être reconduit à la présidence du Comité consultatif d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

M. le président Pierre Méhaignerie. La fonction de président du Comité consultatif national d’éthique fait partie des trois fonctions, énumérées par le projet de loi organique de mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution, sur lesquelles l’avis des commissions des affaires sociales des deux Assemblées sera recueilli à l’avenir, les deux autres étant celle de directeur général de Pôle Emploi et de président du collège de la Haute Autorité de santé.

Bien que la loi organique et la loi ordinaire qui lui est liée ne soient pas encore entrées en vigueur, le Sénat devant les examiner en deuxième lecture, il a été décidé, en accord avec le Gouvernement, que les personnes concernées soient néanmoins entendues par les commissions compétentes. En revanche, la loi n’étant pas promulguée, il n’y aura pas de vote à l’issue de l’audition.

M. Alain Grimfeld, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Les travaux du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé ont connu une évolution au cours des deux dernières années, grâce non pas à mon unique volonté – ce serait à la fois prétentieux et faux de le prétendre –, mais également à celle d’autres membres. J’emploie à dessein le terme d’évolution, car parler de changement ou de réforme serait désobligeant vis-à-vis de nos prédécesseurs.

Après que le décret du 23 février 1983 créant le Comité eut attribué à celui-ci la « mission de donner son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, que ces problèmes concernent l'homme, des groupes sociaux ou la société tout entière », l’évolution s’est d’abord traduite dans les textes avec la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Celle-ci a, en effet, donné au Comité la mission de donner des avis non seulement sur les problèmes éthiques soulevés par les progrès de la connaissance, mais également sur les questions de société que ces progrès peuvent poser.

S’agissant de l’éthique tout d’abord, si sa définition est propre à chacun et dépend de l’évolution même de la société, au moins peut-on s’accorder sur le fait qu’il s’agit de l’exercice d’une morale active qui évolue entre compassion et raison. À cet égard, le terme « morale active » signifie que le Comité n’a pas pour objet de créer un cercle de grands penseurs aux dépens de tout autre intérêt pour la société. Telle est l’idée qui a présidé à la création puis à l’évolution du Comité, dont la composition demeure inchangée depuis 1983 et sa première présidence confiée au professeur Jean Bernard.

La fécondation in vitro et ses premiers résultats avec la naissance en France d’Amandine avaient fait prendre conscience à cette époque que l’on abordait là des questions qui touchaient à l’évolution de l’espèce humaine et qu’il convenait peut-être de réfléchir aux conséquences des progrès de la biologie sur l’avenir de notre espèce.

Le Comité, que je préside depuis février 2008 – fonction que je considère comme un aboutissement de vie plutôt que comme un couronnement de carrière – est une autorité indépendante, qui repose sur trois instances : un comité plénier, instance délibérative majeure qui se réunit mensuellement pour débattre des avis en cours ; une section technique et des groupes de travail.

La section technique est l’organe d’instruction des saisines, sachant que le Comité peut soit être saisi par des organes gouvernementaux ou des organismes représentatifs de la Nation tels que les associations ou les grands organismes de recherche, soit s’autosaisir de toute question posée par un citoyen qu’il considère comme pertinente. Ce pouvoir d’auto-saisine souligne d’ailleurs le caractère démocratique du fonctionnement du Comité. Lorsque la question l’impose, un groupe de travail la traite avant qu’une navette entre ce dernier et la section technique permette de parvenir à un texte suffisamment abouti pour être présenté en comité plénier.

Les travaux du Comité font par ailleurs l’objet d’une évaluation, démarche souvent évoquée dans ce pays mais assez peu pratiquée – je peux en témoigner en ma qualité d’ancien professeur de médecine en pédiatrie. Nous sommes pour notre part évalués sur la base des indicateurs de performance du programme budgétaire 308 « Protection des droits et libertés », qui regroupe depuis 2009 les crédits de plusieurs autorités administratives indépendantes et dont l’objectif n° 2 précise que le Comité aura « rempli sa mission dès lors que ses avis ont suscité un débat, soit au sein de la représentation nationale et des administrations concernées par son domaine de réflexion, soit dans la communauté professionnelle de la science et de la santé, soit plus largement encore dans la société civile en raison des échos que les médias leur ont donnés ». Il s’agit là encore d’une évolution des missions du Comité qui, en entrant dans le XXIème siècle, s’est sécularisé. Loin d’être introverti, il doit, pour être utile, évoluer avec la société.

En 2008, le fonctionnement de cette autorité administrative indépendante, dont le budget est contrôlé par les services financiers du Premier ministre, a rencontré quelques difficultés administratives, dues notamment à des retards dans les nominations de son président et de certains de ses membres. Certes, d’autres autorités ont connu des problèmes similaires, mais le Comité étant une instance de réflexion, utilisée à cet effet notamment par les parlementaires, ces difficultés ont obéré de fait son activité. Il a pu cependant mener à bien sa politique volontariste d’ouverture sur le plan national et international.

Sur le plan national, il a rendu un avis n° 104, relatif au « dossier médical personnel » et à l’informatisation des données de santé, à la suite d’une saisine de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, concernant « les mesures concrètes susceptibles de concilier la nécessité d’un accès des acteurs de soin aux informations qui s’y trouvent consignées avec le droit du patient de garder le contrôle de leur diffusion. » Le Comité a opté pour le volontarisme dans la mise en place du dossier, particulièrement lorsqu’il s’agit de maladies chroniques.

De même, il a rendu un avis n° 105 relatif aux États généraux de bioéthique, qui devaient se tenir jusqu'à juin 2009, le Premier ministre, M. François Fillon, l’ayant saisi afin d’identifier « les problèmes philosophiques et les interrogations éthiques que suscite ce rendez-vous, en indiquant les questions qui méritent d’être débattues et en rendant compte de la complexité de ces questions ». Cet avis a constitué pour nous une sorte de feuille de route concernant nos relations avec nos partenaires que sont l’Agence de la biomédecine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et le Conseil d’État, en vue du réexamen et, éventuellement, de la révision de la loi de 2004 relative à la bioéthique.

Enfin, le Comité a, comme chaque année, organisé les « Journées annuelles d’éthique » les 25 et 26 novembre. Dans notre souci de communication et de sécularisation de nos travaux, ces Journées nous permettent, dans le cadre des universités Paris V ou Paris VI qui nous accueillent, de débattre avec les citoyens.

Sur le plan international, le Comité a organisé, en partenariat avec l’Organisation mondiale de la santé d’une part, le septième sommet mondial des comités nationaux d’éthique qui a réuni, les 1er et 2 septembre 2008, trente-cinq pays, d’autre part, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, le sommet européen des comités d’éthique, les 22 et 23 novembre. Dans les deux cas, il est apparu que le Comité français, premier du genre à avoir été créé dans le monde, est très respecté et regardé comme un modèle à imiter, notamment en Allemagne et au Royaume Uni.

Toujours en 2008, le Comité a mené une politique d’ouverture en direction des régions en collaborant avec toutes les structures ayant reçu le label « Espace éthique régional ».

Il a poursuivi ses actions en 2009 en cherchant à participer de manière effective, c'est-à-dire efficace sur le plan théorique et efficiente sur le plan pratique, à la révision de la loi de bioéthique. Nous avons également cru bon de nous saisir d’une actualité brûlante en rendant l’avis n° 106 relatif aux questions éthiques soulevées par une possible pandémie grippale.

Concernant la bioéthique, il a d’abord émis un avis n° 107 relatif aux problèmes éthiques liés aux diagnostics anténatals, qui a fait débat concernant le diagnostic préimplantatoire (DPI) que nous avons considéré comme éthiquement acceptable s’agissant du dépistage de la trisomie 21, cela non dans une perspective d’eugénisme, mais pour éviter aux mères de se trouver tardivement confrontées au choix d’une interruption médicale de grossesse.

L’autre avis rendu dans le même domaine, en réponse à une saisine de M. le député Jean Leonetti « sur la question de savoir comment mettre en place un système de financement des soins, qui évite l’obstination déraisonnable proscrite par l’article L. 1110-5 du code de la santé publique et facilite les soins palliatifs », est le n° 108 relatif aux questions éthiques liées au développement et au financement des soins palliatifs. Il ne s’agissait évidemment pas pour nous de proposer un système financier, car ce n’est pas notre rôle. En revanche, nous avons estimé – ce qui était sinon original du moins conforme à l’évolution de notre société – qu’au-delà des aspects techniques et financiers non seulement de la prise en charge des soins palliatifs mais également de celle des soins médicaux en général, il convenait de privilégier l’écoute et l’accompagnement des personnes, ce qui n’est en définitive qu’un retour à la médecine du serment d’Hippocrate.

Au total, le Comité a émis cinq avis en 2008 et 2009, quand ses homologues étrangers n’en rendent qu’un ou un et demi par an.

Le Comité sollicite aussi la jeunesse, notamment les lycéens, également dans le cadre des Journées annuelles d’éthique, non par démagogie mais pour profiter de la grande maturité de ces jeunes qui travaillent beaucoup, avec leurs professeurs, à la préparation de ces Journées.

Sur le plan international, le Comité a participé, en mars 2009 à Prague, au forum des Conseils nationaux d'éthique européens et, en septembre, à celui de Stockholm, enfin en décembre à la réunion trilatérale de Berlin réunissant l’Allemagne, la France et le Royaume Uni.

Pour 2010, les perspectives de travail concernent d’abord le réexamen de la loi relative à la bioéthique, toujours en liaison avec l’Agence de la biomédecine, l’Office parlementaire et le Conseil d’État, s’agissant plus particulièrement de la recherche sur l’embryon humain in vitro, sur la gestation pour autrui et sur la communication scientifique – car nous voulons communiquer avec les citoyens. À cet égard, nos avis seront bientôt publiés sur ces trois sujets, ainsi que sur deux autres : l’assistance à la procréation médicale post mortem et le don d’organes. Sont également envisagées de nouvelles autosaisines portant sur les relations, d’une part, entre la bioéthique et les neurosciences, d’autre part entre la bioéthique et la biodiversité.

En vue d’actions nationales et internationales, le Comité entend développer de nouvelles collaborations avec d’autres partenaires, dont la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), la Haute Autorité de santé (HAS), le Conseil national de l’Ordre des médecins, le Médiateur de la République, le Conseil national du SIDA, la COMEX qui dépend du CNRS, le Comité étant par ailleurs associé aux travaux de l’Unesco par l’intermédiaire du Comité intergouvernemental de bioéthique et de la Commission française.

Enfin, des projets citoyens seront mis en œuvre en coopération avec les Espaces éthiques régionaux ou interrégionaux, afin de constituer avec eux un réseau et de poursuivre la réflexion avec les lycéens et les étudiants en sciences du vivant, et pas seulement en médecine. La préparation des Journée annuelles d’éthique commencera par une journée régionale d’éthique à Brive, en partenariat avec le Centre hospitalier universitaire de Limoges.

Sur le plan international, le Comité participera au prochain forum européen à Madrid en mars, au huitième sommet mondial des comités nationaux d’éthique à Singapour en juillet et organisera le prochain séminaire trilatéral avec l’Allemagne et le Royaume-Uni à Paris en décembre.

M. Jean Leonetti. Les réflexions du président du Comité rejoignent les nôtres. Le Comité n’est pas une assemblée de Sages parlant de philosophie sans vision pratique. Traiter de l’éthique, c’est aborder des situations concrètes sous un angle moral, ce qui constitue une approche à la fois inconfortable et indispensable, qui doit évoluer d’abord en s’appuyant sur des réseaux, tel celui des Espaces éthiques régionaux. On attend d’ailleurs toujours la publication des décrets d'application instaurant ces derniers, alors que leur réseau est nécessaire si l’on ne veut pas qu’un comité d’éthique « parisien » décide seul de la morale publique.

Les États généraux de la bioéthique de février, qui avaient pour objet de préparer la révision de la loi de bioéthique de 2004, ont montré, suite à l’expérience accumulée par le Comité dans ses rencontres avec les jeunes, que, contrairement à ce que l’on peut entendre, non seulement les jeunes Français reçoivent une éducation fondée sur les principes forts de solidarité, de dignité de la personne, de non-marchandisation du corps, mais que leurs inclinations, loin d’être individualistes et égoïstes, manifestent une stabilité de nos valeurs républicaines.

Les conférences citoyennes, organisées dans le cadre des États généraux avec l’aide du Comité, ont permis à des panels de 15 à 20 personnes, représentatives de la société civile, de discuter avec des experts de situations complexes sur le plan scientifique puis d’émettre des avis qui, au bout du compte, diffèrent peu de ceux donnés par le Comité. Cette expérience montre que l’éthique doit imprégner toute la société française et c’est dans cet esprit qu’a été examinée par la Commission des lois de notre Assemblée une proposition de loi faisant en sorte que, lorsque le législateur s’empare d’un débat sur le plan éthique ou sociétal à l’initiative du Comité, il prenne en compte l’existence de tels États généraux qui permettent de s’extraire de ces deux logiques médiatiques violentes que sont, d’une part, le sondage d’opinion – qui ne traduit qu’un état d’esprit à un instant t et non une réflexion aboutie – et, d’autre part, l’action des lobbies qui, bien que légitimes, ne représentent pas pour autant l’ensemble de la population. On observe que cette dernière témoigne d’une grande stabilité, comme l’ont montré les débats relatifs à l’anonymat du don de gamètes, à la procréation médicale assistée ou à la recherche sur l’embryon.

Une démocratie qui débat à partir d’une méthodologie rigoureuse est un élément rassurant pour le législateur, sachant que cette méthodologie repose sur un échange permanent entre le Comité, qui doit accroître son réseau de discussion, et la population par l’intermédiaire d’un débat citoyen qui doit s’organiser de manière beaucoup plus scientifique, car le social est aussi une science.

Mme Edwige Antier. C’est un bonheur pour moi de penser qu’Alain Grimfeld puisse être reconduit à la tête du Comité. Son expérience de pédiatre et la passion qui l’anime me paraissent importantes au moment où l’embryon se trouve au cœur des débats éthiques.

Autoriser la recherche d’une trisomie 21 à l’occasion d’un diagnostic préimplantatoire me semble légitime, puisque le diagnostic de cette maladie par échographie ou par dosage des marqueurs sanguins permet, après une amniocentèse, le recours à une interruption médicale de grossesse. Cette autorisation n’ouvre-t-elle pas cependant la voie à l’établissement d’une carte génétique de l’embryon, dont l’objectif serait de détecter d’autres anomalies avant son implantation ? Cette question va, à n’en pas douter, nourrir les débats des prochaines années.

Le sang du cordon ombilical sera-t-il utilisé pour constituer une banque de cellules à la disposition du nouveau-né ou sera-t-il mis – un échantillon de cellules étant seulement gardé pour lui – à la disposition de la collectivité ?

J’en viens au secret médical dû à l’enfant. Dans le cas d’adultes, le secret médical est habituellement gardé. En revanche, les parents n’hésitent pas toujours à faire savoir aux proches que le petit garçon qui vient de naître présente une anomalie au niveau de l’organe génital par exemple. Ce garçon, parvenu à l’adolescence, n’appréciera pas forcément que cette information ait été divulguée. Il me paraît important d’insister sur le secret médical dû à l’enfant.

M. Georges Colombier. J’ai apprécié, monsieur Grimfeld, que vous ayez qualifié votre nomination à la tête du Comité d’« aboutissement de vie » plutôt que de « couronnement de carrière ». C’est à mes yeux une précision importante.

Compte tenu de l’indépendance et du regard critique du Comité sur les questions de société qui se posent, ses avis sont précieux pour les parlementaires. Ces derniers peuvent ainsi se forger une opinion sur différents sujets : n’ayant pas pour ma part la prétention de tout connaître, vos travaux sont, pour moi, une source importante de connaissance.

Enfin, je salue les différents moyens que vous mettez en œuvre pour informer les citoyens et pour leur permettre, même en l’absence de formation scientifique spécialisée, d’acquérir des connaissances fondamentales sur des sujets qui les préoccupent.

M. Xavier Breton. Une fois paru le décret concernant les Espaces éthiques régionaux, comment voyez-vous l’articulation entre ces derniers et le Comité consultatif national au sein d’un réseau de bioéthique ?

La proposition de loi de Jean Leonetti, que nous allons prochainement examiner, tend à confier au Comité l’organisation du débat public sous forme d’États généraux sur les problèmes éthiques et les questions de société. Êtes-vous prêt à organiser de tels forums ? Cela constitue-t-il une nouvelle étape pour le Comité ? Enfin, quelles relations entretenez-vous avec la Commission nationale du débat public, qui organise des débats concernant les nanotechnologies ?

M. Paul Jeanneteau. L’Agence de la biomédecine, créée par la loi de bioéthique de 2004, rend, à propos des protocoles de recherche qui lui sont soumis, des avis qui ne peuvent être déconnectés d’une réflexion éthique. Quelles relations entretenez-vous avec elle ? Des progrès sont-ils souhaitables en la matière ?

Mme Catherine Génisson. Je vous remercie, monsieur Grimfeld, d’avoir insisté sur l’importance de la relation humaine dans l’exercice de la médecine. À une époque où celle-ci devient de plus en plus scientifique et où l’on rationalise les dépenses de santé, il est important de rappeler la nécessité d’un apprentissage en ce domaine pendant les années d’études.

S’agissant de la grippe A (H1N1), pouvez-vous nous rappeler l’avis rendu par le Comité en la matière ?

Vous avez par ailleurs parlé de débats avec les citoyens. Comment les rencontrez-vous, sachant que ceux auxquels vous participez à Paris ont lieu en milieu universitaire ?

Le dépistage de la trisomie 21 à l’occasion d’un dépistage préimplantatoire a fait l’objet de nombreux débats au sein de la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques. Le fait que 96 % des femmes choisissent l’avortement médical, lorsque la maladie est diagnostiquée lors d’un contrôle prénatal, milite en sa faveur. Mais un tel dépistage sera-t-il étendu à d’autres anomalies chromosomiques au fur et à mesure qu’on saura les diagnostiquer ? Cela pose un problème de fond, et une réflexion s’impose sur une pratique qui est entrée dans les mœurs sans que l’on y réfléchisse vraiment.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous remercie, monsieur Grimfeld, d’être venu devant notre commission présenter un bilan de l’activité du Comité et dresser des perspectives pour l’avenir.

Il existe, dans la mécanique même du comité d’éthique, une tension dialectique entre intention normative et intention régulatrice. Certains sujets réclamant plus de norme que de régulation et d’autres l’inverse, le point de vue du législateur est parfois en décalage avec les avis du Comité. La question du dépistage de la trisomie 21 à l’occasion d’un diagnostic préimplantatoire en est un bon exemple. Personne ne peut soupçonner le Comité d’être un club d’eugénistes mais l’introduction, dans la liste des maladies génétiquement transmissibles dépistées, d’une maladie génétique non transmissible relève plus d’une ouverture de brèche que d’une question de régulation. Cela pose, de mon point de vue, un problème.

Ma première question reprend celle de Xavier Breton : comment allez-vous prendre en compte la proposition de loi dont nous débattrons la semaine prochaine s’agissant de l’organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société ?

Le Comité a rendu un avis sur les nanotechnologies. Le sujet est très compliqué : certaines implications posent des problèmes éthiques, d’autres non. Avez-vous prévu de revenir sur le sujet ? Si oui, sous quelle forme et selon quel calendrier ?

Au début de la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques, il avait été envisagé, à l’instar de ce qui se fait aux États-Unis, d’inclure les questions environnementales à la réflexion bioéthique. La mission a pris le parti de les écarter de son champ d’investigation et je crois qu’elle a bien fait. Viendra cependant un moment où il faudra également les prendre en compte. Quelle est votre position à ce sujet ?

L’implication des sciences de la vie et de la santé sur le monde du travail et, en particulier, sur deux thèmes qui sont chers à notre commission, la santé au travail et la prévention des risques psycho-sociaux, doit être également étudiée. Menez-vous également des réflexions sur ce point ?

M. Michel Issindou. Je vous remercie également, monsieur Grimfeld, d’être venu nous éclairer sur des sujets éminemment complexes, qui suscitent plus de doutes que de certitudes et sur lesquels les clivages dépassent la droite et la gauche.

Grenoble est une terre de science et de recherche en nano-, micro- et biotechnologies. Mais, chaque fois que notre communauté d’agglomération propose d’aider cette recherche, cela suscite une levée de bouclier citoyenne. Nos concitoyens sont très méfiants vis-à-vis de ces nouvelles technologies, qui constituent pourtant un progrès certain pour la science et la médecine. Les mêmes craintes vis-à-vis du progrès sont-elles exprimées lors des débats citoyens que vous organisez ? Et quelles réponses les élus que nous sommes peuvent apporter ?

M. Dominique Dord. Quand un sujet soulevant un problème moral arrive devant notre Assemblée, nous avons des difficultés à le régler et les oppositions dépassent souvent, comme Michel Issindou l’a souligné, les clivages traditionnels. Il n’est pas facile de trancher entre le droit de l’enfant, le droit à l’enfant, le droit de la maman, etc.

Il serait intéressant d’avoir avec le Comité un rendez-vous régulier, annuel par exemple, comme nous en avons avec d’autres institutions, comme la Cour des comptes. Nos débats y gagneraient en clarté et nos positions en solidité. Qu’en pensez-vous ?

M. Rémi Delatte. Je tiens, tout d’abord à saluer, monsieur Grimfeld, la dimension humaine de vos propos. C’est une caractéristique remarquable qu’il m’est agréable de souligner.

La mission du Comité est de réunir, dans une construction équilibrée et harmonieuse, science, connaissance et ressenti de nos concitoyens. Il est important pour vous de savoir comment ces derniers perçoivent les sujets sur lesquels vous êtes conduit à donner un avis. Cette ouverture est intéressante, mais les travaux du Comité ne sont pas que l’aboutissement d’une concertation. Ils nous servent de référence dans nos travaux. C’est pourquoi, comme Dominique Dord, il me semblerait bon de nous appuyer plus régulièrement sur vos réflexions.

Votre démarche sur le plan international est enrichissante. Cependant, ne présente-t-elle pas un risque d’harmonisation des positions, voire de standardisation, pouvant aller à l’encontre de nos intérêts, de notre éthique et de notre culture nationale ?

Mme Catherine Lemorton. L’introduction de la trisomie 21 dans la liste des maladies dépistées à l’occasion d’un diagnostic préimplantatoire ouvre, certes, une brèche mais ce dépistage me paraît tout à fait normal : d’une part, les personnes porteuses d’anomalies génétiques – même non exprimées – sont écartées des panels de dons de gamètes ; d’autre part, le parcours de procréation médicalement assistée est suffisamment douloureux pour les parents souffrant d’infertilité pour leur éviter une vie tout aussi douloureuse après l’arrivée de l’enfant.

Les panels de citoyens regroupent-ils des personnes uniquement de plus de dix-huit ans ? Il est important d’entendre des enfants conçus par dons de gamètes ou par fécondation in vitro dès lors que les parents les ont informés des conditions de leur conception.

M. le président Pierre Méhaignerie. Reprenant la question de Rémi Delatte, je la formulerai différemment : quels enseignements peut-on tirer des autres comités d’éthique étrangers sur le choix de leurs thèmes de réflexion et sur les conclusions auxquelles ils aboutissent ?

M. Alain Grimfeld. Je répondrai aux questions en les regroupant par thème, en vous remerciant à nouveau de l’échange que vous me permettez d’avoir avec vous.

La sollicitation du citoyen n’est pas du tout de la démagogie. C’est une action qui nous tient à cœur. L’avenir du Comité consultatif national d’éthique en dépend d’ailleurs. L’époque est terminée où nous réfléchissions entre nous. Si nous nous enfermions dans ce type de fonctionnement, nous ne serions plus utiles et n’aurions plus aucune raison d’être financés par le denier public.

Entrer dans le XXIème siècle signifie informer le citoyen honnêtement, selon l’acception du XVIIIème siècle du terme, c’est-à-dire l’informer de manière transparente. Le mot « honnête » ayant été galvaudé, il convient de le redéfinir. « Informer honnêtement » signifie avoir un dialogue ouvert et compréhensible par chacun des citoyens de notre pays et non avoir un dialogue ésotérique uniquement compréhensible par les médecins, les philosophes ou les sociologues.

L’information du citoyen, monsieur Colombier, est une déclinaison de la sollicitation du citoyen évoquée par Jean Leonetti. Le Comité va d’ailleurs publier un avis sur la communication scientifique aux citoyens. C’est un sujet éminemment complexe car il concerne toutes les sources d’information, y compris celles qui ne sont pas contrôlées par des organismes honnêtes. À cet égard, ne pas s’entretenir de manière permanente avec le citoyen laisserait ce dernier livré à toutes sortes d’informations, y compris erronées comme sur Internet, lesquelles nourrissent ensuite les lobbies et les actions activistes et éloignent le citoyen d’un minimum de vérité sur les sciences de la vie et de la santé.

Le sujet « Gène et éthique » constitue une problématique essentielle, madame Antier. Je prendrai deux exemples qui le montrent et qui sont parfaitement accessibles aux citoyens. C’est d’ailleurs dans cet esprit – ayant moi-même besoin de savoir de quoi parle le physicien quand il me parle de physique – qu’au sein des autres comités que j’ai l’honneur de présider les spécialistes parlent d’une manière compréhensible pour tous.

Premier exemple et premier principe à retenir : la génétique n’est pas tout. Le génome humain n’est pas un mur de briques inamovibles. C’est quelque chose qui vit. Dans le cas de la mucoviscidose par exemple, l’évolution de la maladie peut, pour une transmission identique et un même génotype, être extrêmement différente d’un sujet à l’autre, des facteurs associés étant susceptibles de la modifier dans un sens ou dans un autre.

Si, un jour, on établissait – à Dieu ne plaise – un diagnostic génétique de l’enfant à naître, cela ne signifierait pas pour autant que le destin de celui-ci serait programmé. Pour un même génome, les évolutions seront différentes, notamment en ce qui concerne l’épigénétique – mon second exemple.

La préservation de la vie passe par la préservation de l’acide ribonucléique – ARN – et de l’acide désoxyribonucléique – ADN. Mais, pour un ADN donné, l’environnement exerce, tout au long de notre vie après la sortie du ventre de notre mère, des influences qui se répercutent jusqu’au niveau moléculaire à l’intérieur de la mécanique cellulaire. Par conséquent, dire que notre destin est programmé par notre génome à la naissance est faux. Celui-ci subira des modifications en fonction de notre environnement.

C’est un élément qu’il faut enseigner aux citoyens. Ils doivent savoir que notre génome ne prédit pas notre destin.

Les modèles présidant à la mise en place du réseau en médecine fonctionnant rarement, ils ne peuvent donc être utilisés pour la constitution d’un réseau d’Espaces éthiques régionaux. Nous comptons nous appuyer à cet effet, monsieur Breton, sur les structures déjà mises en place à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ainsi qu’à Strasbourg, Lyon, Amiens, Marseille, Rennes et Brest. Nous nous sommes déplacés pour rencontrer les personnes qui ont œuvré pour le rapprochement des universités afin que, dans un premier temps, les universitaires collaborent puis, dans un second temps, coopèrent au sein d’un espace éthique – ce qui n’a pas été simple. Toutes sont prêtes à constituer des espaces de réflexion éthique régionaux et souhaitent ardemment la création d’un tel réseau.

La réflexion éthique nécessitant un débat contradictoire permanent, elle ne peut être directive. Le Comité participera à la mise en place, avec des gens qui sont déjà prêts et qui ne demandent que cela, d’un réseau évolutif qui essaiera d’agir en temps réel. Il ne s’agit pas pour lui de piloter ou de diriger un tel réseau. Ce serait ridicule.

Quant à l’institution d’un rendez-vous annuel entre votre commission et le Comité, nous ne demandons pas mieux. Nous sommes une autorité indépendante dont la mission est de réfléchir à des problèmes de fond. Comme je le disais en aparté à l’un de vos collègues : « utilisez-nous ! » – sachant surtout que nos avis n’ont pas force de loi.

Le Comité entretient de très bonnes relations sur le plan organique et organisationnel avec la Commission nationale du débat public. Cette dernière dispose de prérogatives et de compétences que nous n’avons pas. Nous travaillons en collaboration, et j’ai déjà rencontré à plusieurs reprises M. Bergougnoux qui préside la commission particulière du débat public sur les options générales en matière de développement et de régulation des nanotechnologies.

Dès le début de nos mandats respectifs, Mme Emmanuelle Prada-Bordenave – directrice générale de l’Agence de la biomédecine – et moi-même nous sommes rencontrés. Certains auraient voulu que les relations entre l’Agence et le Comité ne soient pas bonnes et que le conseil d’orientation de la première supplante le second, mais nous ne faisons pas le même travail. Celui du Comité est complémentaire de celui de l’Agence, qu’il se situe en amont ou, comme il est proposé dans la proposition de loi qui, je l’espère, deviendra loi, en aval des actions de l’Agence.

Mme Emmanuelle Prada-Bordenave, M. Sadek Beloucif, président du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, et moi-même sommes d’accord pour considérer que l’évaluation doit être réalisée en collaboration avec le Comité. Ce dernier ne va pas se transformer en institut de contrôle même si le fait de se situer également en aval des actions menées par l’Agence le mettra en position d’évaluer les conséquences éventuelles, positives d’abord, de ces actions.

Les relations humaines, madame Génisson, ont pour moi toujours tenu la première place. Ma vocation pour la médecine m’est venue à l’âge de huit ans par admiration pour un grand-oncle médecin généraliste dans le XXème arrondissement et par le choc causé par le retour des camps de certaines personnes. Je ferme la parenthèse.

L’avis du Comité sur la grippe A (H1N1) ne tendait pas à se substituer aux décisions logistiques mises en place par des organismes habilités. Il insistait sur le fait, d’une part, que ce n’est pas parce que l’on met en place des structures techniques que tout est résolu et, d’autre part, que la mise en place de ces dernières nécessitait l’intervention des citoyens.

Cela étant, il s’agissait d’une pandémie et non d’une épidémie. La pandémie relève de la responsabilité de l’Organisation mondiale de la santé, qui agit en collaboration avec chacun des gouvernements des pays concernés, tandis que l’épidémie n’appelle pas de mesures particulières, comme chaque année pour la grippe saisonnière.

À côté de l’intervention éthique de l’Organisation mondiale, la pandémie réclamait, pour les aspects locaux, la participation des citoyens. Il n’est plus question de réfléchir à leur place et de leur dire qu’on prend la meilleure décision pour eux, sans pour autant tomber dans la démagogie. Les citoyens, qu’ils soient ouvriers ou couverts de diplômes, que je rencontre en région nous demandent, à nous comme à vous, mesdames et messieurs les parlementaires, d’intervenir de manière honnête chacun dans notre domaine.

La trisomie 21 est un cas particulier puisque son dépistage par échographie ou par dosage des marqueurs sanguins est réalisé au-delà du délai autorisé pour l’interruption volontaire de grossesse – à la quinzième, seizième ou dix-septième semaine – et que le recours à l’interruption médicale de grossesse, en cas de diagnostic de cette maladie, est possible jusqu’à la fin de la grossesse. C’est pourquoi le Comité a donné un avis favorable pour la recherche d’une trisomie 21 à l’occasion d’un diagnostic préimplantatoire. Compte tenu du fait que le nombre de cas est très limité et que la mère qui a recours aux techniques de procréation médicalement assistée suit déjà un véritable parcours du combattant, il nous a paru souhaitable de lui éviter d’avoir à procéder à ce diagnostic au cours de sa grossesse avec le risque de devoir opter pour une interruption médicale de grossesse.

On pourrait également envisager de dépister la trisomie 18, elle aussi très dommageable pour l’avenir de l’enfant.

Nous ne voulons pas, monsieur Poisson, que le Comité se transforme en organisme normatif. Il n’est pas question que nous nous substituions aux parlementaires. Ce serait absurde.

En bioéthique, le débat sera constant car il devra prendre en compte l’évolution des connaissances qui, dans le domaine de la biologie humaine, est exponentielle. Être normatif pour le Comité serait comme réviser les lois tous les cinq ans seulement pour le Parlement. Ce n’est plus possible. Si une grande découverte intervient, il serait absurde d’attendre cinq ans pour en examiner les conséquences. Les normes doivent être évolutives.

Il est clair que le métier de médecin devient plus compliqué qu’avant. En 1850, les études de médecine valaient pour toute la vie. En 2010, le médecin est obligé de se tenir constamment au courant de l’évolution des connaissances à l’intérieur de sa spécialité – et je ne parle pas de la médecine générale ou de la pédiatrie. Certains médecins disent de leur métier que ce n’est pas une profession mais toute une vie. Ils ont raison.

Il n’existe pas en France de liste énumérant les conséquences des diagnostics préimplantatoires ou prénataux. C’est volontaire. S’il y avait une liste, il n’y aurait plus de débat et la porte serait fermée à toute évolution des connaissances.

Le Comité a prévu de réfléchir à nouveau à la question des nanotechnologies sous l’angle de leurs aspects intrusifs. Quand ont lieu des irruptions volcaniques, des nanoparticules sont produites naturellement, que l’on pourrait qualifier de nanoparticules déchets. Quand des nanoparticules sont produites intentionnellement, comme c’est le cas dans la recherche médicale pour leurs effets intrusifs, la question est naturellement différente : comme elles sont, par définition, à l’échelle du nanomètre, elles passent la barrière hématoméningée, ce qu’aucun médicament ne peut faire actuellement. Dans le traitement des leucémies, nous avons besoin d’envoyer des médicaments dans les régions intrathécales, ce qui oblige à faire des ponctions lombaires. Les nanoparticules produites intentionnellement pourront, demain, être utilisées.

Les citoyens doivent être informés de cet aspect intrusif et savoir quels progrès cela permet. Là encore moins qu’ailleurs, on ne peut leur demander de ne pas s’en inquiéter parce que nous réfléchirions pour eux.

Le sujet « Bioéthique et biodiversité » est majeur. Il est traité en Allemagne et aux Etats-Unis, mais pas encore en France. Cependant, c’est une problématique qui me préoccupe car je travaille en santé et environnement, domaine qui me passionne et dont j’ai déjà montré l’importance en parlant des effets de l’environnement sur l’épigénétique et sur le métabolisme de l’individu au niveau de la mécanique cellulaire.

Le fait de susciter plus de doutes que de certitudes est le propre, monsieur Issindou, de la discussion éthique et du débat contradictoire. Si les scientifiques avaient des certitudes, d’une part, ils ne seraient pas des scientifiques, d’autre part, ils ne rechercheraient plus. D’ailleurs la culture de l’incertitude et la culture de la complexité vont devoir faire partie également de la réflexion de chaque citoyen. La biologie humaine est complexe. Elle ne répond pas uniquement au principe pasteurien d’« une cause, un effet ». Elle suit également ceux de « plusieurs causes, un effet » ou d’« une cause, plusieurs effets ». La prise de décision en situation d’incertitude devra faire partie du quotidien de chaque citoyen quand celui-ci comprendra que la vie n’est pas univectorielle. Elle n’a pas une direction et un sens mais plusieurs directions et plusieurs sens dans chacune de ces directions.

Concernant la notion de progrès, je me référerai à l’analyse qu’en fait M. Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998. Pour lui, cette notion doit être revisitée. Au progrès économique doit être associé le progrès humain induit par ce progrès économique car le développement d’un pays tient tout autant, sinon plus, au développement de sa population qu’à celui de son économie.

Concilier morale et politique est souvent difficile, monsieur Dord. Si les comités scientifiques dont je fais partie considèrent de leur devoir d’informer et de donner des conseils aux politiques, jamais ils ne se permettraient de prendre des décisions politiques. C’est une séparation très saine entre évaluateurs et opérateurs. C’est aux parlementaires qu’il revient, munis des réflexions éthiques menées sur les sujets en débat, de prendre les décisions politiques.

Si tout le monde est d’accord pour instituer un rendez-vous annuel entre votre commission et le Comité, je puis vous assurer que tous les membres de ce dernier en seraient à la fois ravis et honorés, car ils n’ont d’autre souhait que d’être utiles.

Nos démarches au niveau international, monsieur Delatte, ne courent aucun risque d’aboutir à une standardisation. Ce ne sont ni les statistiques, ni les sondages qui nous intéressent quand nous travaillons avec nos collègues étrangers. Ce sont leurs réflexions éthiques et la démarche qu’ils ont suivie. Nous cherchons, non pas le consensus, mais la convergence. Nous souhaitons savoir pourquoi ils autorisent la gestation pour autrui ou la recherche sur l’embryon humain in vitro et connaître la démarche qui les a conduits à autoriser ces pratiques.

C’est pourquoi je refuserai toujours que les avis du Comité soient accompagnés de la publication des votes intervenus pour leur établissement. Si j’étais contraint de le faire, je me limiterais à indiquer que tout le monde n’était pas d’accord mais qu’une majorité s’est dégagée dans tel ou tel sens. L’évaluation des avis du Comité en fonction du pourcentage de votes pour et de votes contre serait la négation même du principe de débat contradictoire et donc de la justification de l’existence d’un comité d’éthique : chacun viendrait avec ses idées, les exposerait puis repartirait après avoir voté sans débattre. Ce n’est pas possible.

J’espère, madame Lemorton, qu’avec la mise en place d’un réseau réunissant les Espaces éthiques régionaux et le Comité national, nous n’aurons plus à constituer des panels de citoyens. C’est un point de vue qui se discute mais, s’il existe un réseau, on ne va pas à côté former et organiser en jurys citoyens des gens qui réfléchissent depuis cinq, dix, voire quinze ans sur des questions d’éthique, soit à titre de spécialiste, soit à titre personnel pour y être confrontés dans leur famille. Nous avons été frappés par la maturité de réflexion des personnes que nous avons rencontrées, y compris chez les lycéens. Ce qui me semble pertinent, en revanche, c’est de préciser le vocabulaire. Parmi les diagnostics anté-nataux, que signifie diagnostic préimplantatoire ou diagnostic prénatal ? Comment sont-ils réalisés ? Quelles conséquences peut-il en découler sur le plan éthique ? Si l’on ne s’entend pas sur les termes, c’est la Tour de Babel. On ne se comprend pas. S’il existe un réseau, la réflexion éthique sera permanente et n’aura pas lieu seulement par à-coups.

J’habite un petit village de 2 454 habitants en Seine-et-Marne dont le maire s’intéresse beaucoup au rapport santé-environnement. Quand il organise des réunions, la salle est comble. Il n’a pas besoin de constituer des jurys citoyens. Les gens n’attendent qu’à être sollicités pour donner leur avis.

Enfin, pour répondre à votre question, monsieur le président, ce qui nous intéresse, au sein des forums européens des comités nationaux d'éthique, c’est, comme je l’ai déjà indiqué, de savoir comment les autres comités sont arrivés aux résultats qu’ils affichent et de connaître la démarche qu’ils ont suivie.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous voyons bien maintenant quelle est la ligne directrice de votre action et je vous en remercie.

(La séance est levée à douze heures trente.)

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 10 février 2010 à 10 heures 45

Présents. - M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, Mme Véronique Besse, Mme Martine Billard, M. Yves Bur, M. Pierre Cardo, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Guy Delcourt, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Dumoulin, Mme Cécile Gallez, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, M. Maxime Gremetz, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Régis Juanico, M. Jean-Marie Le Guen, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Philippe Morenvillier, M. Roland Muzeau, Mme Marie-Renée Oget, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Robinet, M. Dominique Tian, Mme Isabelle Vasseur

Excusés. - M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, Mme Valérie Rosso-Debord

Assistaient également à la réunion. - M. Xavier Breton, M. Jean Leonetti, M. Franck Riester