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Commission des affaires sociales

Mardi 16 février 2010

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 27

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Examen de la proposition de résolution de MM. Jean-Christophe Lagarde, Jean-Luc Préel et Maurice Leroy, tendant à la création d’une commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A (H1N1) (n° 2214) (M. Jean-Luc Préel, rapporteur) 2

– Amendements examinés par la commission 10

– Présences en réunion 11

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 16 février 2010

La séance est ouverte à seize heures cinquante.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Jean-Luc Préel, la proposition de résolution de MM. Jean-Christophe Lagarde, Jean-Luc Préel et Maurice Leroy, tendant à la création d’une commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A (H1N1) (n° 2214)

M. Jean-Luc Préel. C’est dans le cadre du « droit de tirage » prévu par l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale que le groupe Nouveau Centre a demandé, lors de la Conférence des présidents du 19 janvier 2010, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution de Jean-Christophe Lagarde tendant à la création d’une commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1), qui doit être examinée en séance publique le 24 février prochain.

L’épidémie de grippe A semble avoir commencé en mars 2009 au Mexique. Le 11 juin 2009, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a porté au niveau 6 son niveau d’alerte qui correspond à l’état de pandémie.

Le gouvernement français a réagi rapidement, en mettant en place un plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale. Il convient de se rappeler qu’à l’époque, on craignait un virus contaminant et virulent. On rappelait le nombre de morts causés par la grippe espagnole. On craignait que le virus ne mute et devienne encore plus virulent. Heureusement, nous avons pu observer par la suite l’existence de cas asymptomatiques et la virulence a été modérée, puisque nous ne comptons que 250 décès, ce qui est bien sûr toujours trop, malgré des formes graves survenant chez des sujets jeunes, sans prédisposition particulière. Face à une pandémie déclarée, le devoir de l’État est de tout mettre en œuvre pour prévenir la diffusion de la maladie, protéger la population et limiter autant que possible les conséquences socio-économiques.

Après plusieurs réunions interministérielles, la mise en œuvre du plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale a conduit, tout d’abord, à acquérir d’importants moyens de protection : un milliard de masques chirurgicaux destinés aux malades, plus de 900 millions de masques de protection de type FFP2 destinés notamment aux professionnels de santé et enfin 33 millions de traitements antiviraux, commercialisés sous le nom de Tamiflu et de Relenza. Des actions d’information du grand public et des professionnels de santé ont également été lancées.

Concernant le volet « prévention » de la lutte contre la grippe A, la France a lancé une vaste politique de vaccination. Comme il était initialement envisagé deux injections, notre pays a fait l’acquisition de 94 millions de doses de vaccins. La campagne de vaccination a été officiellement lancée par la ministre de la santé le 20 octobre dernier pour les professionnels de santé, puis étendue à l’ensemble de la population le 12 novembre. Elle a été pilotée par le ministère de l’intérieur. Près de 11 000 lieux de vaccination ont été mis en place sur le territoire, afin d’assurer cette vaccination collective. Il a été décidé de ne pas faire appel aux professionnels de santé libéraux.

Cependant, nous constatons que, malgré la campagne d’information, le nombre de personnes vaccinées – environ 5,7 millions – est resté relativement modéré, notamment en proportion du nombre de vaccins acquis. Ce résultat est-il satisfaisant ? À l’évidence, non. C’est pourquoi la création d’une commission d’enquête apparaît nécessaire pour étudier les raisons de ce « non-succès » et voir comment mettre en œuvre un plan de vaccination plus efficace en cas de nouvelle pandémie. Il s’agit en effet d’un réel problème de santé publique.

Dans cet esprit, les sujets suivants pourraient être évoqués dans le cadre de cette commission :

– les rôles respectifs des ministères et de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (ÉPRUS) ;

– les conditions de réquisition des salles et ses incidences éventuelles sur les communes et le fonctionnement des écoles ;

– la réquisition des professionnels de santé et notamment des internes, et son impact sur le fonctionnement hospitalier ;

– l’organisation de la vaccination collective et l’articulation entre les centres de vaccination et les médecins généralistes ;

– les raisons du choix de vaccins multidoses ;

– la gestion des bons de vaccination, des vaccins et des stocks de médicaments

– la raison de la faiblesse du nombre de vaccinations constatées fin 2009 ;

– l’influence des campagnes anti-vaccinales ;

– la gestion des stocks de vaccins excédentaires ;

– la définition de la communication à destination de nos concitoyens.

Ce champ d’investigation pourrait être enrichi par des comparaisons internationales.

J’ajoute que cette proposition de résolution satisfait à toutes les conditions de recevabilité requises pour la création d’une commission d’enquête : elle porte sur des faits précis, aucune commission d’enquête ou aucune mission n’a effectué des travaux sur ce même sujet depuis douze mois et aucune procédure judiciaire en cours ne concerne la campagne de vaccination contre la grippe A, conformément aux dispositions prévues par l’article 138 du Règlement.

Je vous propose en conséquence d’adopter cette proposition de résolution.

Mme Marisol Touraine. Nous ne prendrons pas part au vote sur cette proposition de résolution. En effet, c’est avec scepticisme et un peu d’agacement que nous accueillons la création d’une commission d’enquête sur la campagne de vaccination de la grippe A, alors que nous avions vainement demandé, depuis septembre, la mise en place d’une mission d’information sur ce sujet – cette demande nous ayant été refusée au motif qu’elle aurait constitué une marque de défiance vis-à-vis du gouvernement.

De fait, il aura fallu attendre la parution de plusieurs articles de presse sur la gestion de la grippe A pour que finalement la représentation nationale accepte de se saisir de ce sujet, à la demande du groupe Nouveau Centre. Nous y voyons à la fois une mauvaise manière et une façon de botter en touche qui ne nous convient pas.

En effet, à la lecture notamment du rapport de Jean-Luc Préel, nous avons l’impression que les questions essentielles ne seront pas abordées. Nous ne pouvons pas accepter, par exemple, que les questions relatives aux contrats conclus avec l’industrie pharmaceutique ne soient pas abordées au motif que cette question serait examinée par une commission d’enquête du Sénat. Pourquoi restreindre ainsi le champ d’investigation des travaux de la commission ?

J’observe par ailleurs une présentation très administrative du champ de la commission d’enquête et des questions qu’elle sera appelée à examiner, concernant par exemple la manière dont ont été émis les bons de vaccination ou envoyées les directives.

Tout porte donc à croire qu’il s’agit là de ne pas gêner le gouvernement et donner le sentiment que l’essentiel des difficultés rencontrées tiennent à des problèmes de gestion administrative ou de communication. Or, ce qui est important, c’est la manière dont ont été élaborés les choix de fond et la nature des éléments et des expertises qui ont été pris en compte et sur lesquels s’est appuyée la décision publique. En particulier, pour quelles raisons a-t-il été décidé de proposer la vaccination à l’ensemble de la population et non pas seulement aux populations à risque ? Les experts qui ont été consultés étaient-ils indépendants ? Dans quelle mesure la transparence a–t-elle été assurée ? Pourquoi les médecins ainsi que la vaccination en milieu professionnel ont-ils été écartés du dispositif ? Et quelles sont les raisons du changement de cap opéré par le Gouvernement – questions auxquelles la ministre de la santé et des sports n’a pas répondu lors de son audition par la commission le 12 janvier dernier ?

En conclusion, cette commission d’enquête apparaît de pure façade et laisse volontairement de côté plusieurs sujets préoccupants, et c’est avec mauvaise humeur que nous déplorons la manière dont le groupe SRC a été traité.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je tiens à rétablir la vérité. J’ai toujours dit qu’il fallait différer la mission d’information et ce, d’une part, pour permettre à l’ensemble des membres de la commission – et non aux onze membres seulement d’une mission d’information – d’être régulièrement informés par la ministre, et donc par respect pour eux, et, d’autre part, parce qu’il ne me semblait pas être de bonne méthode de créer une mission d’information sur un évènement en cours. Une demande de commission d’enquête a ensuite été présentée et, comme elle est de droit, empêche la création d’une mission d’information. Mais, j’insiste : il ne s’agissait pas d’une position de refus, mais seulement d’un souhait de différer la création d’une mission d’information.

M. le rapporteur. Je peux comprendre le mouvement d’humeur exprimé par Marisol Touraine, mais l’explication du Président mérite d’être prise en compte.

Je ne comprends pas le scepticisme concernant le champ de la commission d’enquête. De fait, après la déclaration de pandémie, peu de personnes ont été vaccinées, ce qui constitue un vrai problème de santé publique et un échec ou un non-succès, sur les raisons duquel il convient de s’interroger, en vue notamment de préparer un plan plus efficace en cas de nouvelle pandémie. Les experts, notamment des ministères, pourront être entendus, afin notamment d’éclairer les conditions et les raisons pour lesquelles il a été décidé de retenir des vaccins multidoses plutôt qu’à dose unique, ou encore de réquisitionner des professionnels de santé plutôt que de solliciter les médecins libéraux. C’est dans cet esprit que pourra travailler la commission d’enquête, qui pourra du reste se pencher également sur les conditions dans lesquelles les contrats ont été conclus ou encore sur les stocks excédentaires de vaccins. La commission d’enquête permettra de faire un point très complet.

M. Jean-Pierre Door. L’heure n’est pas au ton accusateur, ni à la recherche de boucs émissaires, mais plutôt à la réflexion sur la meilleure réponse face à une pandémie et à un virus imprévisible, dans le cadre du principe de précaution, qui nous oblige probablement à exagérer la menace de manière excessive.

La crise a mis en lumière quelques difficultés au niveau de l’opinion publique comme au niveau sociétal. Par ailleurs, j’appelle votre attention sur trois points.

Quelle situation aurions-nous dû gérer si la pandémie avait été plus grave, si le virus s’était répandu plus rapidement et si les quantités de doses de vaccins n’avaient pas été suffisantes pour vacciner le plus grand nombre ? Une grande humilité est nécessaire dans la mesure où nous avons encore présentes à l’esprit plusieurs crises sanitaires antérieures.

Il convient d’éviter tout esprit polémique sur la question de la stratégie vaccinale. Les scientifiques et les organismes internationaux, européens, nationaux ont leur part de responsabilité dans les décisions qui ont été prises, ce qui pose la question du transfert de l’information du scientifique au politique.

Évitons d’accroître les maux dont nous souffrons déjà. Les dysfonctionnements constatés ne concernent pas, à titre principal, les décisions appliquées à partir du plan national. Il s’agit surtout d’une crise de confiance de l’opinion publique et d’un déni de la réalité du risque. Il serait trop facile de pointer du doigt la seule responsabilité des autorités sanitaires.

Les évènements se sont succédés de manière très complexe, variable suivant les continents et suivant les données statistiques fournies par les instituts de veille sanitaire, les centres de référence européens ou américains.

L’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques va rendre son rapport d’étape demain. Il comporte notamment des comparatifs internationaux ainsi qu’une analyse de la stratégie vaccinale adoptée en France. Notre travail de réflexion doit s’effectuer avec humilité et rigueur. Une simple mission d’information était plus raisonnable, mais il en va autrement, nos collègues ayant demandé la création d’une commission d’enquête.

Cette commission m’apparaît à contre-courant alors que le virus continue de circuler. Il convient, en effet, de rappeler que la semaine dernière il y a eu 463 décès supplémentaires dans le monde, dont 3 en France, ce qui porte le nombre de décès à 291 dans notre pays. Cette histoire est donc loin d’être terminée. Évitons donc de faire le procès de la prudence et de faire grief au pouvoir politique d’en faire trop plutôt que pas assez.

À titre personnel, je ne m’opposerai pas à la création de la commission d’enquête, mais je m’abstiendrai, ayant une préférence pour une mission d’information.

Mme Jacqueline Fraysse. Je tiens à vous dire que ce sujet devrait nous rassembler dans une volonté constructive puisque, de droite à gauche, on constate que cela a mal fonctionné et qu’il est du devoir des parlementaires d’en rechercher les causes, de rechercher pourquoi il y a eu ce « déni du risque » dénoncé par notre collègue Jean-Pierre Door. Il nous appartient de clarifier tout ce qui s’est passé sans accuser l’un ou l’autre : tout le monde sait qu’il est impossible de prévoir l’évolution d’une pandémie ou de connaître la virulence d’un nouveau virus et personne ne saurait être accusée de ne pas savoir lire dans le marc de café.

Mais sur un sujet d’une telle importance, il nous appartient de faire la lumière sur l’ensemble des problèmes qui ont été posés. Le débat ne porte pas sur la mise en œuvre d’une vaccination la plus large possible ni sur l’application du principe de précaution, lesquelles sont de bonnes idées. Il aurait été dommage de se retrouver dans une situation où l’on aurait manqué de vaccins, où l’ensemble de la population n’aurait pas été vaccinée. Le débat porte sur tous les points où existe des interrogations voire une suspicion, celle-là même dont débat le Conseil de l’Europe à propos de l’Organisation mondiale de la santé. De ce fait, le champ de la commission d’enquête est trop restrictif et omet de poser diverses questions quant au défaut d’instruments de pilotage permettant de faire évoluer les dispositifs mis en place, quant aux excès concernant l’appréciation de la virulence du virus, quant au nombre de vaccins commandés et à leur distribution. Trop d’interrogations demeurent également sur le rôle des experts en la matière : quel lien ces personnalités scientifiques ont-ils eu avec les laboratoires, quel rôle et quelle place ont tenu ces laboratoires ? Je ne réponds pas d’avance à ces questions. Je souhaite que la commission d’enquête apporte la preuve que tous les experts ont bien joué leur rôle. Si nous ne le faisons pas, nous ne ferons pas disparaître la suspicion dont nous nous plaignons et nos concitoyens nous diront que nous avons souhaité éviter un sujet épineux et se défieront de nous.

Dès lors, pour tenter de répondre à toutes ces questions et pour que les réponses qui seront apportées nous apprennent à mieux gérer une pandémie, il faut élargir le champ d’investigation de la commission d’enquête. C’est pourquoi je fais usage du droit d’amendement que nous reconnaît le règlement, même si en matière de droit de tirage, nous le contestons. J’ai déposé, même sans illusion, un amendement tendant à développer de manière concise ce que je viens de vous exposer, puisqu’il s’agit d’étendre le champ d’investigation de la commission d’enquête à « la façon dont les autorités sanitaires ont réagi face aux menaces de pandémie » et de lui permettre de faire des propositions au gouvernement « pour prémunir l’expertise des institutions publiques nationales de tout risque de conflit d’intérêts ».

M. Gérard Bapt. Je constate que le rapport de Jean-Luc Préel contient diverses références à des travaux parlementaires complémentaires pour justifier l’exclusion de leurs sujets du champ d’investigation de la commission d’enquête. Or, une commission d’enquête ne doit pas être limitée par les travaux des autres.

Lorsque j’ai participé à la mission sur la grippe aviaire, qui avait très bien fonctionné, tous les membres s’étaient fait porteurs des problèmes de terrain, d’organisation et de moyens de la médecine de ville mais aussi des problèmes psychologiques et des questions posés par les citoyens. Cette mission avait retenu, en matière de stratégie vaccinale, un objectif de vaccination de 30 % de la population pour prévenir une pandémie. Il serait bon de savoir pourquoi, aujourd’hui, nous n’avons pas retenu cette préconisation. Je n’ai lu aucune explication à ce sujet. Par ailleurs, notre rapporteur évoque le contrôle de la Cour des comptes relatif aux contrats et à la gestion de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires mais je ne vois pas comment cette étude pourrait déborder sur les travaux de la commission d’enquête.

J’ajoute enfin qu’il serait intéressant que cette commission d’enquête puisse établir à quelle date a été prise la décision de choix de la stratégie vaccinale retenue ; à quel moment sont intervenus les experts, à quelle époque ont été passées les commandes de vaccins.

M. Élie Aboud. Comme Jean-Pierre Door, j’ai apprécié le ton modéré et constructif de notre rapporteur. Dans notre société où il est impossible de toucher aux médias et à la justice, il est désormais interdit de s’en prendre aux scientifiques parce qu’ils auraient la vérité révélée, ce que je vis souvent en tant que praticien hospitalier. Pourtant, à l’époque de la survenue de la pandémie, de nombreux experts, notamment des infectiologues, ont critiqué les hommes politiques en les accusant de ne pas en faire assez et pas assez rapidement. Or ce sont les mêmes qui, aujourd’hui, disent le contraire et les accusent d’en avoir fait trop. Une commission d’enquête doit trouver la vérité dans un esprit constructif et pédagogique, et non pas rechercher un coupable. C’est une question de crédibilité de l’action publique et de l’action politique.

Mme Catherine Génisson. La survenue de la grippe aurait pu permettre un travail commun, mené dans un esprit constructif, car la grippe n’est ni de droite ni de gauche comme l’a dit Jacqueline Fraysse. Nous avons, les uns et les autres, essayé de travailler avec un esprit constructif. Or, cette demande d’une commission d’enquête constitue un véritable pavé dans la mare et un reproche implicite au gouvernement. Elle est inadaptée et risque d’affoler nos concitoyens en instaurant un climat de suspicion généralisée, alors même que la pandémie n’est pas terminée. Le groupe Nouveau Centre semble d’ailleurs s’en être aperçu, puisqu’il en a restreint le périmètre.

Je regrette la voie ainsi suivie car il me paraît qu’une mission d’information – telle que celle dont Gérard Bapt nous a rappelé l’existence pour la grippe H5N1 – aurait été préférable et que ses travaux n’auraient en rien été incompatibles avec des auditions de la ministre de la santé par la commission. En effet, la mission d’information ne se serait pas limitée à entendre la ministre, mais beaucoup d’autres intervenants.

Comme l’a rappelé Elie Aboud, je crois qu’un vrai sujet doit être approfondi, alors même qu’il n’est pas compris dans le champ de la commission d’enquête : celui d’une définition du rôle des politiques par rapport aux informations que leur apportent les experts. Cette question se pose pour tous les grands sujets qui mobilisent nos concitoyens comme par exemple les questions de bioéthique, comme nous en débattions ce matin en séance.

M. Dominique Dord. Comme l’a dit notre collègue Catherine Génisson, la demande de commission d’enquête m’apparaît quelque peu inquisitoire. Nous voulons tous connaître la vérité, mais il me semble qu’une mission d’information aurait été beaucoup plus appropriée. Par ailleurs, j’affirme mon désaccord total avec l’amendement présenté par Jacqueline Fraysse qui est doublement accusatoire en mettant en cause la façon dont les autorités ont réagi puis en voulant prémunir le Gouvernement du risque de conflit d’intérêts. On désigne à la fois les coupables et la cause.

En outre, je constate que, comme d’habitude en France, on discute stratégie alors que la guerre n’est pas terminée.

Je pense que tout responsable en charge de la politique nationale de santé aurait réagi de la même façon, en appliquant le principe de précaution et en prenant soin de la protection de la population. Il convient donc en menant cette enquête de ne pas fragiliser les responsables politiques, lorsqu’ils devront gérer d’autres crises dans des circonstances identiques.

Enfin, je souhaite poser une question. Cette commission d’enquête est certes de droit mais ne va-t-elle pas interférer avec les investigations que de nombreux autres organismes, nationaux et internationaux, sont en ce moment même en train de mener ? En tout état de cause, je ne prendrais pas part au vote sur cette proposition de résolution.

M. Michel Issindou. Notre débat est intéressant. Nous n’avons pas obtenu la création d’une mission d’information et nous avons aujourd’hui une demande de création d’une commission d’enquête : créons la donc ! De ce point de vue, il nous faudra être objectifs, car on peut dire qu’il n’y a pas de clivage entre la droite et la gauche. Il nous faut apprendre collectivement et voir comment nous pourrons faire mieux la prochaine fois. Il y a eu trois acteurs dans cette crise : les experts, les médias et les décideurs politiques. Je pense que les politiques ont été un peu débordés par les deux premiers. Il serait notamment souhaitable d’étudier la dramatisation jouée par les médias et d’étudier les moyens de contenir cette tendance à l’avenir. Il y a des moments où les médias doivent faire preuve de mesure. Il conviendrait aussi de s’interroger sur le rôle des experts dont on a parfois l’impression qu’ils décident à la place des politiques. Il s’agit d’un manque de courage de ces derniers ! Le principe de précaution n’a-t-il pas rendu les politiques trop frileux vis-à-vis des experts. Quand les experts ont parlé, on a l’impression que l’on a tout dit et qu’il n’y a plus qu’à s’exécuter. Il nous faudra se poser ces questions pour l’avenir, car nous serons forcément confrontés à de nouveaux épisodes pandémiques.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je remercie la commission des affaires sociales de m’accueillir pour la discussion de cette proposition de création de commission d’enquête. En tant que membre de la commission des lois, j’ai participé à l’examen de la récente réforme constitutionnelle qui a eu pour objectif de créer des commissions d’enquête et non plus seulement des missions d’information. Contrairement à ce qui a été dit précédemment, une commission d’enquête n’est pas un processus accusatoire. Notre proposition n’a pas pour objet de mettre en accusation les acteurs responsables de la lutte contre l’actuelle pandémie grippale. Je ne comprends pas la réflexion de Marisol Touraine sur le caractère restreint de la commission d’enquête. Quand on parle de la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination, je ne vois pas quel aspect on laisse de côté. Ce champ permet de réfléchir au rôle de chacun des acteurs dans le but de renforcer l’efficacité de nos politiques publiques et la qualité de notre réponse à la pandémie. Il permet aussi d’étudier les rapports entre les experts et les décideurs politiques, lesquels se sentent parfois liés par les avis des experts. Il permettra de mesurer pourquoi l’expérience de la pandémie grippale H5N1 n’a pas permis de faire face, dans les meilleures conditions comme on aurait pu l’espérer, à la pandémie actuelle. Afin de mieux préparer l’avenir et d’anticiper les futures pandémies, il nous faudra aussi étudier pourquoi certains aspects du plan de prévention et de lutte contre la pandémie de grippe H1N1 ont moins bien marché que dans d’autres pays. Nous devrons nous pencher sur les processus de décision. Il est choquant que nous soyons arrivés à une situation où la population craignait davantage le vaccin que la maladie. Cela nécessite une réflexion sur la durée. Nous avons un taux de personnes vaccinées de seulement 10 % dans notre pays malgré la mise en œuvre de moyens considérables. Il ne s’agit pas d’instruire un procès politique du gouvernement ou de certains de ses membres, mais simplement de faire œuvre utile, dans un esprit constructif, afin de se préparer aux futures pandémies. Voilà le seul objet de la commission d’enquête.

M. Jean-Luc Préel. Je constate finalement que l’approche des orateurs a été assez consensuelle. L’objet de la commission d’enquête est de réfléchir aux raisons pour lesquelles les actions conduites n’ont pas été totalement couronnées de succès, et comment la réponse à une prochaine pandémie pourrait être mieux organisée pour être plus efficace. Il faudra notamment essayer de comprendre pourquoi le vaccin a d’abord été proposé seulement en multi-doses, pourquoi les médecins libéraux n’ont pas été immédiatement mobilisés pour procéder à la vaccination et de s’interroger sur les conditions d’envoi de manière très échelonnée des bons de vaccination. La commission devra aussi se pencher sur la difficulté d’appréhender le risque épidémique a priori. Au départ, on a cité le précédent de la grippe espagnole. Finalement, cela n’a pas été le cas. Comme l’a dit Jean-Christophe Lagarde, l’objectif de la proposition de création de commission d’enquête est d’améliorer la réponse globale en cas de nouvelle pandémie.

La commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution.

La commission examine l’amendement AS 1 présenté par Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai déjà présenté l’amendement lors de mon propos liminaire.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui a une dimension accusatoire qui n’est pas acceptable et qui, s’il était adopté, restreindrait le champ de la commission d’enquête.

Mme Jacqueline Fraysse. Il ne s’agit pas d’un amendement accusatoire mais, monsieur Préel, vous confirmez que dans le cadre de l’intitulé que vous proposez, la commission d’enquête pourra étudier le rôle joué par l’industrie pharmaceutique dans le plan de lutte contre la pandémie et la campagne de vaccination ?

M. le rapporteur. Tout à fait. La commission d’enquête auditionnera tous les acteurs qu’elle estime souhaitable d’entendre, notamment ceux qui ont participé à l’alerte sur la pandémie et la mise en place de la vaccination.

La Commission rejette l’amendement AS 1.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 2 présenté par le rapporteur, ainsi que l’article unique ainsi modifié.

Puis, elle adopte l’amendement rédactionnel AS 3 présenté par le rapporteur sur le titre de la proposition de résolution.

La Commission adopte ensuite la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1), ainsi modifiée.

(La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.)

——fpfp——

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par Mme Jacqueline Fraysse

Article unique

Rédiger ainsi l’article unique :

« Conformément aux articles 137 et suivants du Règlement, il est créé une commission d’enquête de trente membres sur la façon dont les autorités sanitaires ont réagi face aux menaces de pandémie de grippe A (H1N1), dans le but de faire des propositions au Gouvernement pour prémunir l’expertise des institutions publiques nationales de tout risque de conflits d’intérêts afin de rendre plus opérationnels, efficaces et réalistes nos futurs plans de vaccination contre les pandémies. »

Amendement n° AS 2 présenté par M. Jean-Luc Préel, rapporteur

Article unique

Après les mots : « campagne de vaccination », substituer au mot : « de », le mot : « contre ».

Amendement n° AS 3 présenté par M. Jean-Luc Préel, rapporteur

Dans le titre de la proposition de résolution, après le mot : « vaccination », substituer au mot : « de », le mot : « contre ».

Présences en réunion

Réunion du mardi 16 février 2010 à 16 heures 30

Présents. - M. Élie Aboud, M. Georges Colombier, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Cécile Dumoulin, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Cécile Gallez, Mme Catherine Génisson, M. Michel Heinrich, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Régis Juanico, M. Céleste Lett, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Bernard Perrut, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Jean-Luc Préel, M. Arnaud Robinet, Mme Marisol Touraine

Excusés. - M. Jean Bardet, Mme Marie-Christine Dalloz

Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, M. Jean-Christophe Lagarde