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Commission des affaires sociales

Mardi 30 mars 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 36

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président puis de M. Jean-Luc Préel, Vice-président

– Audition de M. Pierre Mayeur, directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) sur la réforme des retraites

– Présences en réunion 16

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 30 mars 2010

La séance est ouverte à 17 heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Pierre Mayeur, directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) sur la réforme des retraites.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous poursuivons notre cycle d’auditions consacrées à la réforme des retraites en accueillant M. Pierre Mayeur, directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse depuis juillet 2009.

La Caisse, qui gère le régime des retraites de base des salariés du secteur privé, joue évidemment un rôle essentiel dans la branche vieillesse de notre pays, tant en termes de personnes cotisantes, de personnes pensionnées que de pensions versées.

La Caisse est en déficit depuis 2005. Son déficit, qui s’élevait à 5,6 milliards d’euros en 2008, devrait poursuivre sa progression dans les années qui viennent.

En octobre 2007, nous espérions que 1,5 point de cotisation de l’assurance chômage pourrait être transféré pour permettre d’équilibrer le régime de retraite, mais la crise a remis en cause ce schéma.

Cette audition a lieu alors même que le Comité d’orientation des retraites est en train d’établir le rapport actualisant ses projections et avant la concertation avec les partenaires sociaux annoncée par le Gouvernement. Par ailleurs, votre latitude de parole est limitée, car les choix ne dépendent pas uniquement de vous. Pour autant, cette audition ne me semble pas prématurée, car elle va donner à notre commission des éléments de contexte de nature à nourrir sa réflexion.

M. Pierre Mayeur, directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). La Caisse nationale d’assurance vieillesse, établissement public administratif, est le premier opérateur français en matière de retraites et le régime de base des salariés du secteur privé.

Je suis accompagné de Mme Annie Rosès, directrice juridique et de la réglementation nationale, et de M. Vincent Poubelle, directeur des statistiques et de la prospective.

Comme nous sommes naturellement soumis au principe de neutralité qui s’attache à tout service public, mon propos ne sera pas de plaider pour l’une ou l’autre piste – c’est un débat de nature éminemment politique – mais plutôt de vous faire part d’éléments objectifs qui s’inspirent d’une expérience « métier », d’une expérience juridique et d’une expérience statistique.

Les constats objectifs sont au nombre de trois.

Premier constat : la Caisse connaît un lourd déficit. La crise économique a, certes, démontré la robustesse des régimes de retraite par répartition, car elle n’a eu aucun impact sur les pensions versées aux personnes retraitées, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays de l’OCDE. Mais, cette crise a eu pour effet de creuser un déficit conséquent. Ce déficit est évalué à moins de 8 milliards d’euros en 2009, car l’évolution de la masse salariale s’est révélée moins catastrophique que ce que nous avions craint en septembre, et à environ 10 milliards en 2010. Mais, il devrait atteindre 13 ou 14 milliards à l’horizon 2013, même avec une croissance de 2,5 % en 2011.

Nous finançons donc les pensions par la dette, ce qui n’est pas une situation normale.

Le déficit a été aggravé par la crise économique, qui a entraîné une perte de recettes et l’absence d’augmentation d’un point de cotisation en provenance de l’assurance chômage. Le plan de financement élaboré en 2003 n’a pas pu fonctionner alors même que, début 2008, le taux de chômage était de 7,2 % et que les excédents de l’UNEDIC laissaient espérer ce transfert d’un point de cotisation.

Ceci étant, le déficit est également structurel puisque, avant la crise, il s’établissait déjà entre 4 et 5 milliards d’euros. Aujourd’hui, nous enregistrons chaque année un écart entre l’évolution des recettes et celle des dépenses de l’ordre d’un milliard d’euros les années les plus favorables.

Les dépenses progressent en volume de 3,5 % au minimum et de 4,5 % en valeur, avec une inflation à 1 %. Pour ne pas aggraver le déficit, il faudrait donc une croissance de la masse salariale de l’ordre de 4 % en volume et de 5 % en valeur.

Une forte croissance permet de maintenir le déficit, mais en aucun cas de rétablir la situation. Pour cela, il faudrait aller bien au-delà de ces chiffres. Il nous faudra bien assurer le financement de ce handicap que constitue un déficit de l’ordre de 10 à 15 milliards d’euros pour la Caisse et le Fonds de solidarité vieillesse réunis. Or, nous savons bien que, d’ici à 2030, nous ne connaîtrons pas une croissance en volume de 4 % et qu’une augmentation mécanique des besoins de financement s’ajoutera au handicap actuel. Aujourd’hui, je rappelle que le Conseil d’orientation des retraites travaille sur des prévisions de croissance de 1,6 à 1,9 % en volume. Nous sommes donc très loin des 4 % nécessaires.

Le deuxième constat concerne les leviers ou paramètres qui pourraient nous permettre de répondre à ces besoins de financement : la durée de cotisation, le niveau des recettes affectées à la fonction « retraites » – dont le taux de cotisation –, l’âge de départ, le niveau des pensions.

Certains pays ont déjà procédé au gel des pensions. C’est le cas de l’Allemagne, pour une période de trois ans, et de la Suède, qui les a même diminuées par l’application d’une formule correctrice. Dans notre pays, ce gel représenterait une perte de pouvoir d’achat. Or, les retraités se sont vu accorder cette garantie minimale, réaffirmée par la loi de 2003, qu’est le maintien du pouvoir d’achat de leur pension.

Nous pourrions augmenter la période de référence du salaire annuel moyen – comme cela a été fait en 1993 avec le passage des 10 aux 25 meilleures années. Nous pourrions aller au-delà et passer aux 30 ou 35 meilleures années. Mais attention : si cela se traduit par une baisse du taux de remplacement des pensions, le montant moyen des pensions liquidées, génération après génération, continue d’augmenter. Quoi qu’il en soit, le paramètre « niveau des pensions » semble avoir été écarté par l’ensemble des forces politiques de notre pays.

Quant à la durée de cotisation, elle permet de décaler l’âge de liquidation de la pension – c’est tout au moins ce que l’on espère de son augmentation. Celle-ci a été modifiée en 1993 et en 2003, et nous sommes en train de passer à 41 ans de cotisation. Ce paramètre aura des effets importants à long terme, sur les générations nées dans les années 1970 et 1980, qui ont commencé à travailler tard. À court terme, le passage à 41 ans aura peu d’impact sur l’âge de départ des générations nées dans les années 1950 et au début des années 1960, qui, en moyenne, ont commencé à travailler tôt. Il faut rappeler qu’en 2003 nous avons probablement surestimé l’impact de l’allongement de la durée de cotisation, en sous-estimant les durées de cotisation réellement acquises. Depuis, nous avons fait des progrès grâce au modèle Prisme, créé par Vincent Poubelle, qui permet d’effectuer des prévisions plus fiables. Nous savons qu’aujourd’hui 72 % des hommes et plus de 60 % des femmes disposent de la durée nécessaire pour liquider leur retraite à 60 ans, voire avant. Nous aurions pu penser que l’augmentation de la durée de cotisation allait faire diminuer ce nombre, mais cela n’a pas été le cas : en pourcentage, il n’a pas diminué depuis 1993.

Le paramètre de l’âge permet, quant à lui, de décaler, de manière certaine l’âge de liquidation de la pension et d’ouverture des droits, qui est actuellement de 60 ans. Pour cette raison, c’est un paramètre plus efficace à court terme – soit d’ici à 2020 – qu’une nouvelle augmentation ou qu’une accélération de l’augmentation de la durée de cotisation. Selon les prévisions du Conseil d’orientation des retraites, l’augmentation de l’âge de 60 à 62 ans aurait un impact de 6,6 milliards d’euros sur les résultats de l’année 2020.

Dernier paramètre : le niveau des recettes affectées à la fonction « retraites ». Celui-ci est de l’ordre de 12 à 13 % du PIB, ce qui place la France au troisième rang des pays de l’OCDE, après l’Autriche et l’Italie. Cela n’a rien d’étonnant et reflète notre choix de systèmes collectifs de retraite par répartition de haut niveau. On sait qu’il faudra aller au-delà, compte tenu du choc démographique – car il y aura de plus en plus de retraités. On se heurte immédiatement à la question du taux de cotisation, qui est de 16,65 % pour le seul régime général. Sans augmenter le taux de cotisation, on pourrait demander à la solidarité nationale de prendre en charge des avantages non contributifs – c’est ce qui a été fait en 1993 avec la création du Fonds de solidarité vieillesse –, mais cela reviendrait à affecter des recettes supplémentaires aux systèmes de retraites, recettes qui ne pourraient servir à d’autres besoins collectifs.

Faut-il faire reposer sur le seul paramètre des recettes – c’est-à-dire sur les cotisants de demain – le financement des retraites ? Est-ce légitime, est-ce souhaitable pour les jeunes générations ? Voilà la question que nous devons nous poser.

Le troisième constat objectif concerne l’emploi des seniors. Tout le monde se focalise sur le chiffre de 38 % – on vient de passer à 39 % – du taux d’emploi des seniors entre 55 et 64 ans. Ce chiffre mérite d’être fortement relativisé. Il est vrai qu’en France, 17 % des personnes âgées de 60 à 64 ans travaillent – elles étaient 13 % en 2003 –, ce qui est très faible par rapport à d’autres pays européens. En revanche, s’agissant des 50-54 ans, la France enregistre cinq points de plus que la moyenne des pays de l’Union européenne, grâce au travail féminin. En outre, 59,2 % des 55-59 ans travaillent, résultat à peine inférieur aux 60,5 % de la moyenne des pays de l’Union.

Si la moyenne de l’ensemble des personnes de 55 à 64 ans qui travaillent apparaît faible, c’est parce que cette moyenne prend en compte des périodes qui n’ont rien à voir entre elles. Ainsi, si seulement 17 % des personnes âgées de 60 à 64 ans travaillent, c’est que plus de 70 % d’entre elles ont atteint la durée nécessaire pour liquider leur pension au taux plein et sont donc parties à 60 ans, voire plus tôt encore.

Attention également au raccourci qui consiste à comparer l’âge moyen de la cessation d’activité à 58,5 ans et l’âge moyen de la retraite à 61,5 ans ! Il s’agit de moyennes ! Cela ne signifie pas, heureusement, qu’il existe une période de trois ans durant laquelle une personne se trouve entre la cessation d’activité et la retraite. L’âge de la retraite est une moyenne, avec une très forte concentration autour de 60 ans. On constate une autre concentration, moindre cependant, autour de 65 ans, parce que c’est l’âge à partir duquel les personnes obtiennent forcément le taux plein, quelle que soit la durée de leur cotisation. C’est à 65 ans que les personnes qui, ayant peu travaillé, ont peu cotisé, et les poly-pensionnés, qui bénéficient d’une retraite venant d’un autre régime, liquident leur pension du régime général pour éviter la décote.

Des efforts conséquents ont été accomplis sur les dispositifs de préretraite publique. Une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail de juin 2009 montre la diminution drastique de tous les dispositifs de préretraite publique depuis dix ans. Les pouvoirs publics n’ont donc pas relâché leur pression, alors même que la crise aurait pu leur donner l’occasion de revenir à des mesures d’âge.

Pour ce qui concerne l’emploi des seniors, il est intéressant d’examiner le dispositif en faveur des carrières longues. Le nombre des départs en retraite anticipée est passé de 122 000 en 2008 à 25 000 en 2009. Cette forte chute s’explique notamment par l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier du droit à la retraite anticipée. Cela a eu pour effet de supprimer la borne d’âge de 56 ans : les personnes de cet âge qui n’ont pu partir en 2009 sont parties plutôt à 57 ou 58 ans ou partiront l’année prochaine, ce qui devrait porter le nombre des départs anticipés à 50 000 en 2010. On a constaté un relèvement de l’âge moyen de cessation d’activité et de liquidation de la retraite, qui est ainsi passé de 60,9 ans à 61,5 ans, ce qui a eu un impact immédiat sur le taux d’emploi des seniors. Ce qui confirme ce que je disais tout à l’heure sur l’effet direct d’un relèvement de l’âge de liquidation.

Je conclurai sur la difficulté de réformer les retraites. Les réformes se doivent d’être progressives, afin d’éviter les ruptures d’égalité ou d’équité entre générations. Pour passer des 10 aux 25 meilleures années dans le régime général, il nous a fallu quinze ans entre 1993 et 2008. Les effets des réformes ne peuvent que monter en charge que progressivement puisqu’une mesure ne s’applique seulement qu’à la génération qui part à la retraite. Les générations qui se trouvent déjà en retraite, heureusement, ne sont pas concernées. La montée en charge d’une réforme des retraites dure donc en moyenne vingt-cinq ans.

En matière de retraite, quels sont les souhaits des Français ? Actuellement, il faut être clair : la majorité de nos concitoyens souhaitent partir à la retraite le plus tôt possible. Un sondage réalisé par la Caisse révèle que les Français considèrent que 57 ans est l’âge rêvé pour partir à la retraite. Cela traduit une part d’irrationnel et pose la question du mal-être au travail. Il est évident que le travail des personnes de plus de 60 ans va nécessiter une organisation différente du travail. Mais, dans le même temps, quand on leur pose une question sur leur situation personnelle, les Français pensent qu’ils seront sans doute contraints de partir à 64 ans – ce qui témoigne d’un certain pessimisme – mais, pour avoir une retraite satisfaisante, ils se disent prêts à travailler jusqu’à 62 ans.

À cet égard, le droit à l’information, qui a connu de grands progrès depuis 2003, permettra aux assurés de faire leur choix en fonction de l’ensemble des paramètres et des informations qui auront été portés à leur connaissance. En 2009, nous avons adressé une estimation indicative globale aux personnes âgées de 55 ans, leur indiquant le montant estimé de la pension globale tous régimes selon l’âge de leur départ. Une telle information n’était pas disponible il y a encore quelques années. De plus, avant la création de la surcote, dans le régime général, il n’était en outre pas possible d’améliorer sa retraite en travaillant plus longtemps. Le droit à l’information est important pour l’avenir d’un système de retraites qui est complexe, comprend 35 régimes différents et concerne de plus en plus de poly-pensionnés.

M. Denis Jacquat. S’agissant des départs anticipés et des carrières longues, que nous avons défendus, disposez-vous d’une projection financière pour les années à venir ?

En matière d’informations relatives à la retraite, la Caisse nationale est un précurseur puisqu’elle est en mesure de proposer à chacun une projection de carrière. Deux générations sont ainsi informées chaque année sur l’avenir de leur retraite. En Allemagne, les principales caisses adressent à chacun de leurs cotisants un document présentant ce que sera leur retraite selon qu’ils partent à 60 ou à 65 ans, les incitant notamment à se diriger vers la formation continue. Info-retraite ou la Caisse sont-ils en mesure, techniquement, d’en faire autant ?

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les pensions auxquelles ont été appliquées la décote et la surcote ? De nombreux pays, dont la Finlande, ont, en effet, mis en place un système de très forte décote. Cela est-il efficace ?

M. Roland Muzeau. Vous avez évoqué le niveau des recettes affectées aux retraites et le taux de cotisation de 16,5 %. Parmi les pistes que vous citez, et que le Conseil d'orientation des retraites est en train d’explorer, ne figurent ni la modification de l’assiette des cotisations ni la mise en place de recettes nouvelles, issues par exemple des produits financiers. En rester à la situation présente, en matière d’assiette et de pourcentage, produit les effets que vous venez de dénoncer. Si l’on veut déplacer les curseurs, il faut augmenter les cotisations et, surtout, instaurer des assiettes et des taux plus appropriés. Mais, on n’entend jamais de telles propositions. On préfère agir sur la durée de cotisation, l’âge de départ, la référence aux 10 ou 25 meilleures années – ou aux six mois dans la fonction publique.

M. Michel Issindou. Ce remarquable exposé brosse un panorama réaliste, mais pas forcément réjouissant, de ce qui nous attend.

En disant que nous ne toucherons pas au niveau des retraites, qui fait l’objet d’un consensus politique et national, vous avez partiellement raison. Les retraites ne sont déjà pas très élevées – en moyenne autour de 1 500 euros en comptant les retraites complémentaires. Nous essayerons tous de préserver ce paramètre.

Le président Méhaignerie se souvient sans doute de l’engagement que nous avons pris dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale de trouver des recettes, sociales ou fiscales, autres que les salaires, pour partager l’effort que représente l’allongement de la durée du travail. Nous étions quelques-uns à penser que l’âge légal de départ n’avait pas beaucoup d’importance et qu’il suffisait d’allonger la durée de cotisation. Mais, vous nous apprenez que repousser l’âge légal de 60 à 62 ans représente un gain de 6,6 milliards d’euros. Pourquoi cela est-il réellement efficace ?

Autre sujet d’inquiétude, le décalage entre l’âge rêvé et l’âge réel de départ à la retraite. Plus personne aujourd’hui n’imagine partir à la retraite à 57 ans. L’effet surcôte a permis à certains d’améliorer leur retraite, et de ce fait nous voyons de plus en plus de personnes travailler jusqu’à 65 ans. Mais, si les Français souhaitent partir en retraite à 57 ans, c’est qu’ils ne sont pas satisfaits de leur travail. Ce malaise inquiète les parlementaires que nous sommes, car il illustre une dégradation des conditions de travail et le fait que nos concitoyens perçoivent le travail comme étant difficile et stressant. Comment rendre plus attractives les dernières années de la vie professionnelle ?

M. Jean-Luc Préel. Le conseil de surveillance de la Caisse ne s’est pas réuni depuis deux ans. Pour quelles raisons ?

Ma deuxième question concerne l’autonomie de la Caisse, mais je crains que vous ne puissiez y répondre. Vous êtes directeur d’une institution importante, mais vous ne décidez ni des recettes, ni des dépenses. Êtes-vous satisfait de cette situation ? Aimeriez-vous disposer d’une plus grande autonomie, contrôlée par un véritable conseil d’administration représentant l’ensemble de la population ?

Savez-vous combien de personnes ont souhaité bénéficier de la surcote ? Pour quel résultat sur leur pension ? Combien ont subi une décote ?

En matière de relevés de carrière et de prévisions de retraite, de réels progrès ont été accomplis, en particulier pour les personnes relevant de plusieurs régimes. Les relevés de carrière ont-ils une incidence sur l’âge de départ à la retraite ?

Par ailleurs, est-ce la Caisse ou l’État qui a versé les soultes pour les régimes spéciaux ? Comment a été effectuée la compensation ? Pour ma part, je ne suis pas certain que l’équilibre financier y ait beaucoup gagné.

Enfin, pensez-vous que la pénibilité du travail doive être prise en compte par le régime de retraite, en se basant sur l’espérance de vie des personnes – on sait que celle des cadres est supérieure de sept ans par rapport à celle des ouvriers –, ou est-ce à l’entreprise d’en supporter la charge ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Quel est le niveau des recettes manquantes, soit du fait de décisions émanant des pouvoirs publics, soit du fait du contournement par certains de la législation sur les cotisations sociales, par le biais du travail au noir, par exemple ?

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Je vais tenter d’apporter des éléments de réponse à vos questions, sachant qu’il en est certaines dont ce n’est pas à moi de répondre.

Monsieur Jacquat, en 2008, les départs anticipés ont pesé pour 2,4 milliards d’euros sur le déficit de la Caisse, qui se montait alors à 5,6 milliards. En 2009, ce chiffre est tombé à 2,2 milliards et il sera de 1,6 milliard en 2010, avec 50 000 départs anticipés. En 2011, on devrait compter 41 000 départs anticipés, pour un coût de 1,2 milliard d’euros. Cela s’explique par l’allongement des durées requises de cotisation, mais également parce que les générations nées en 1952 et 1953 ont connu la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans prévue par la loi de 1959.

M. Jacquat souhaite savoir s’il serait possible, sur le plan technique, d’envoyer annuellement à chacun un relevé d’information. Aujourd’hui, une estimation indicative globale est adressée à l’âge de 55 ans. Ce n’est que depuis l’année dernière qu’y sont indiqués les différents montants de retraite à escompter selon l’âge de départ. Autant dire qu’on en est encore aux balbutiements du droit à l’information en matière de retraite.

M. Préel, quant à lui, se demande si l’envoi de ces relevés a une incidence sur le choix des individus. Il est clair que l’ambition de la Caisse est de développer une offre de conseil inter-régimes pour les assurés qui, âgés de 55 ans et ayant reçu l’estimation indicative globale du montant de leur retraite, s’interrogent sur les diverses options possibles. Opérateur se contentant aujourd’hui de liquider les pensions, elle souhaite à l’avenir accompagner davantage les assurés. Cela est d’ailleurs prévu dans la convention d’objectifs et de gestion passée avec l’État.

Le pourcentage de pensions liquidées avec décote demeure stable, aux alentours de 8 %. Il n’augmente pas pour l’instant. Je dis pour l’instant parce que l’on aurait pu penser que la diminution du taux de décote, prévue par la loi de 2003 – elle est passée de 10 % à 5 % par année manquante – aurait entraîner une augmentation du nombre de pensions liquidées avec décote. Pour l’instant, ce n’est pas le cas.

M. le président Pierre Méhaignerie. Quelle est la décote moyenne et quel devrait être son niveau pour qu’elle soit efficace ?

Mme Martine Billard. Y a-t-il des différences significatives entre les hommes et les femmes ?

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Il ne semble pas.

Le pourcentage de pensions liquidées avec surcote, lui, en revanche augmente. De 5,4 % en 2005, il est passé à 7,6 % en 2007 pour s’établir à 12,6 % en 2009, ce qui représente 83 000 bénéficiaires. La surcote moyenne est de six à sept trimestres, pour un montant moyen de 55 euros par mois.

Oui, monsieur Muzeau, on pourrait parfaitement ne pas toucher au taux de cotisation et affecter d’autres ressources au poste « retraites ». Il appartiendrait au pouvoir politique d’indiquer lesquelles. Je n’ai pas, pour ma part, d’opinion à avoir sur le sujet. Je rappelle que des études menées en 2006 ont montré qu’il n’y aurait pas vraiment d’intérêt à substituer la valeur ajoutée à la masse salariale comme assiette des cotisations.

Monsieur Issindou, le montant mensuel moyen d’une retraite du régime général s’élève en droits directs à 623 euros. Mais cette moyenne n’a pas grande signification, car elle intègre aussi les retraites servies à des personnes n’ayant cotisé que très peu de temps à ce régime. La retraite versée pour une carrière complète au régime général, donnée beaucoup plus significative, s’élève à 980 euros, hors régime complémentaire.

D’un point de vue strictement comptable, pour parvenir à l’équilibre financier, c’est l’allongement de la durée de cotisation qui est le paramètre le plus efficace à long terme. À court terme, c’est-à-dire d’ici à 2020-2025, c’est le recul de l’âge légal de départ qui est le plus efficace, dans la mesure où vont d’ici là partir en retraite des personnes généralement entrées encore tôt dans la vie active. Allongement de la durée de cotisation et recul de l’âge légal ne s’opposent donc pas : tout dépend de l’horizon qu’on se fixe.

Pour ce qui est d’un aménagement des dernières années de la vie professionnelle, ce qui frappe aujourd’hui en France, c’est le passage brutal d’une activité à plein temps à une retraite totale. La retraite progressive ne s’est que peu développée, alors que ce pourrait être un outil intéressant pour les salariés…

M. le président Pierre Méhaignerie. Et pour les entreprises !

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Cela modifierait certes les habitudes et supposerait d’inventer de nouvelles formes d’organisation du travail. Mais nous avons le temps pour y procéder : les salariés peuvent prendre peu à peu conscience du problème et les entreprises s’adapter progressivement. L’une des difficultés sur le sujet des retraites est qu’il faut se projeter loin dans le temps et faire des hypothèses à échéance lointaine : on peut être optimiste et imaginer que les conditions de travail des seniors seront meilleures en 2030 ou 2050 qu’elles ne l’ont été dans les années 1980-1990.

Monsieur Préel, s’agissant du conseil de surveillance de la Caisse, nous attendons toujours l’arrêté du ministre qui doit en nommer les membres.

M. Jean-Luc Préel. Depuis deux ans !

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Vous avez appelé de vos vœux une plus grande autonomie de la Caisse. Celle-ci est un établissement public administratif, dont je ne suis que directeur. Le code de la sécurité sociale dispose toutefois que son conseil d’administration peut faire des préconisations aux pouvoirs publics sur l’organisation du système de retraite, ce qu’il a d’ailleurs fait en 1998, en 2003 et encore en 2007. Il a ainsi produit un travail très complet sur le sujet des majorations de durée d’assurance, qui a largement nourri les réflexions du Gouvernement.

Pour ce qui est des soultes versées au régime général en contrepartie de l’adossement de certains régimes spéciaux, il n’y en a eu à ce jour qu’une seule, celle du régime de retraite des industries électriques et gazières, soit 7,6 milliards d’euros. Pour la RATP, l’opération n’a jamais été finalisée.

Plusieurs d’entre vous ont abordé la question de la pénibilité. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il serait extrêmement difficile de prendre en compte cette réalité dans le calcul de la retraite et de faire jouer aux régimes de retraite un rôle correcteur. Cela introduirait beaucoup de complexité et exigerait des adaptations permanentes difficiles à apporter.

Enfin, oui, monsieur le président, la lutte contre le travail au noir et la fraude sociale est cruciale pour tous les organismes de sécurité sociale. À la suite de travaux du Conseil des prélèvements obligatoires, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la Délégation nationale à la lutte contre la fraude ont déjà mené des études sur l’ampleur de la masse salariale échappant à toute cotisation, bien entendu difficile à évaluer. Des chiffres ont circulé, mais ils me semblent problématiques.

M. Dominique Dord. Vous avez énuméré les différents paramètres qu’il serait possible de faire évoluer pour équilibrer les régimes de retraite, du moins pour limiter leur déficit. Vous êtes-vous livré à l’exercice, certes assez théorique, consistant à regarder ce qui se passerait dans chaque cas si l’on ne jouait que sur un seul de ces paramètres ? Si l’on ne modifiait que l’âge de départ, jusqu’où faudrait-il le reculer ? Si l’on ne modifiait que la durée de cotisation, jusqu’où faudrait-il la porter ? Si l’on ne modifiait que le taux de cotisation, de combien faudrait-il l’augmenter ? Cette démarche, à vertu très pédagogique, me paraît importante sur le plan politique.

Vous considérez que, sur un plan strictement comptable, le paramètre le plus efficace, du moins à court terme, est l’âge de départ. Mais, n’est-ce pas le plus injuste en ce qu’il pénalise davantage ceux qui ont commencé à travailler tôt, puisque, vous l’avez dit vous-même, la grande majorité des salariés qui partent aujourd’hui en retraite possèdent déjà le nombre d’annuités requises ? Les syndicats auront en tout cas du mal à l’admettre.

Enfin, vous avez dit qu’il n’appartenait pas à la Caisse nationale de faire des choix politiques, mais on nous demande à nous, politiques, de procéder à des arbitrages en fonction de paramètres visant à équilibrer ses comptes. La réforme prochaine ne devrait-elle pas aussi modifier les conditions de gestion de la Caisse et lui laisser le soin d’ajuster quasi-automatiquement ses recettes à ses dépenses ?

M. Jean-Claude Leroy. L’un des critères d’appréciation de la pénibilité d’un travail est l’espérance de vie de ceux qui l’ont exercé leur vie durant. La Caisse est-elle en mesure d’identifier les métiers pénibles ? A-t-elle au moins essayé de les répertorier ?

M. Michel Liebgott. Loin de moi l’idée qu’il faudra à l’avenir prendre en considération le montant des retraites des ménages, et non celui des individus. Il n’empêche que, dans notre approche de la question des retraites, il faut tenir compte du fait que désormais le plus souvent, les deux membres du ménage travaillent. Dans la région sidérurgique dont je suis originaire, il était auparavant quasiment interdit aux femmes de travailler ; aujourd’hui, dans la plupart des ménages, la femme doit travailler, pour une simple raison de pouvoir d’achat. On le voit, beaucoup d’éléments nouveaux vont devoir être pris en compte. Avez-vous établi plusieurs scénarii ? Nous avons besoin de ces données techniques.

Le niveau moyen des retraites est extrêmement faible. Quelles ressources supplémentaires les retraités pourraient-ils escompter de la souscription d’assurances vie, objet de tant de publicité ? Avez-vous, directement ou indirectement, exploré cette piste ?

Mme Martine Billard. A-t-on observé, parallèlement à la quasi-suppression des préretraites, une augmentation du nombre d’arrêts pour longue maladie ou de mises en invalidité chez les salariés de plus de 50 ans ?

Avez-vous étudié l’incidence de l’allongement de la durée des études et de la multiplication des périodes de chômage sur la durée de cotisation pour les jeunes générations ? Combien, parmi ceux nés après 1980, devront par exemple attendre 65 ans pour liquider leur retraite à taux plein, ne possédant pas avant cet âge le nombre de trimestres requis ?

M. Jean Mallot. Le Fonds de réserve pour les retraites a été constitué en 1999, notamment pour faire face à la « bosse » attendue à l’horizon 2020. Les besoins de financement, initialement estimés à 150 milliards d’euros, ont été ramenés à une centaine de milliards – je ne sais d’ailleurs pas sur quelles bases. Le Fonds disposerait, dit-on, de 87 milliards en 2020. Disposez-vous d’éléments plus précis sur les besoins de financement à cet horizon et donc sur l’abondement nécessaire du Fonds ?

Je suis de ceux qui pensent qu’aucune réforme des retraites ne sera acceptée par le corps social si la pénibilité n’est pas, d’une façon ou d’une autre, prise en compte, car elle est tenue par nos concitoyens pour le critère le moins injuste. Je ne sous-estime pas la complexité qui en résulterait, mais cette prise en compte peut se faire en amont des caisses de retraite. Avez-vous effectué des simulations à partir des différents critères de pénibilité qu’il serait possible de retenir ?

Vous avez indiqué que les deux paramètres les plus efficaces pour parvenir à l’équilibre financier étaient l’âge de départ et la durée de cotisation. Mais le levier le plus efficace ne serait-il pas tout simplement le taux de cotisation, lequel ajuste immédiatement recettes et dépenses ? Je n’ignore pas la charge nouvelle que son augmentation représenterait pour les salariés comme pour les entreprises. Mais si l’on recule l’âge de départ ou si l’on allonge la durée de cotisation, beaucoup devront attendre plus longtemps avant de toucher leur retraite. Il faudra donc mettre au point des dispositifs de type allocation équivalent retraite ou autres compensations, qui ne sont pas sans coût non plus pour la collectivité.

M. Yves Bur. Existe-t-il des pays étrangers où la pénibilité a pu être prise en compte dans le système de retraites ?

Le montant d’une pension du régime général pour une carrière complète s’élève en droits directs à 983 euros. Quelle est la courbe de Gauss de distribution des pensions versées ?

Le Fonds de réserve pour les retraites a été créé pour faire face à la « bosse » attendue en 2020, à un moment où l’on ne pensait pas qu’il serait possible de réformer notre système de retraites. Si l’on parvient à une réforme durable, sinon définitive, ce fonds aura-t-il encore une utilité après 2020 ? Peut-il en avoir une avant ?

Le Fonds de solidarité vieillesse compense-t-il à hauteur suffisante les pertes de recettes subies par la Caisse du fait des périodes de chômage des salariés ?

Enfin, quel regard portez-vous sur les régimes de retraite par points et comptes notionnels ? Pensez-vous qu’il serait techniquement possible d’instituer ces dispositifs dans notre pays ?

M. Dominique Tian. Permettez-moi, monsieur le directeur, d’avoir trouvé assez lapidaire votre réponse sur la fraude. Pourriez-vous nous fournir au moins quelques chiffres ? On sait qu’après la réforme de 2003 ont été produites des milliers de fausses attestations sur l’honneur pour justifier de trimestres travaillés ouvrant droit à un départ anticipé pour carrière longue et que cela a coûté très cher à la Caisse. J’ai du mal à imaginer que vous n’en sachiez pas davantage. Je signale que la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) doit consacrer ses prochains travaux à la fraude sociale.

La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures trente-cinq sous la présidence de M. Jean-Luc Préel, vice-président de la commission.

M. Jean-Luc Préel, président. M. Mayeur va maintenant répondre aux questions qui lui ont été posées avant la suspension de la séance.

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. M. Dord estime que le recul de l’âge légal de départ est plus injuste que l’allongement de la durée de cotisation. Il faut certes garantir une certaine équité au sein d’une même génération, mais aussi entre les générations. Or, chacun sait que les générations nées dans les années 1970-1980 ont commencé à travailler plus tard que les précédentes en raison de l’allongement des études et des difficultés d’intégration sur le marché du travail consécutives au second choc pétrolier.

M. Jean-Luc Préel, président. Quel est aujourd’hui l’âge moyen du premier emploi ?

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Les générations nées dans les années 1950 et au début des années 1960 ont en moyenne commencé à travailler entre 18 et 19 ans, alors que pour celles nées dans les années 1970-1980, l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de 21 ans et demi.

S’agissant des conditions de gestion de la Caisse, celle-ci est un opérateur public placé sous tutelle du Gouvernement. Elle dispose d’une forte expertise, notamment statistique. Ce sont ses services statistiques qui ont effectué les prévisions d’évolution des recettes et des dépenses du régime général que le Conseil d’orientation des retraites rendra publiques le 14 avril. Celui-ci a souhaité que nous élaborions divers scénarii en faisant varier l’âge de départ, la durée de cotisation ou en combinant les deux. On nous a ainsi demandé d’évaluer l’impact à l’horizon 2050 de l’allongement de la durée de cotisation selon les règles de 2003
– c’est-à-dire le lien entre allongement de la durée et augmentation de l’espérance de vie qui se limitait à l’horizon 2020. On nous a également demandé de chiffrer ce qui se passerait si la durée de cotisation était portée à 45 ans pour les générations nées à partir de 1968, si l’âge d’ouverture du droit à pension était reporté à 63 ans, si l’âge de liquidation d’une pension à taux plein était reculé au-delà de 65 ans.

M. Dominique Dord. On ne dispose pas de ces simulations aujourd’hui ?

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Non. Le Conseil d’orientation des retraites va officialiser les nouvelles prévisions de l’ensemble des régimes de retraite d’ici à 2050 et présentera ces différents scénarii.

M. Jean Mallot. Si je puis me permettre de préciser la question de Dominique Dord, il me semble que celui-ci demandait de combien il faudrait allonger la durée de cotisation ou reculer l’âge de départ pour parvenir à l’équilibre financier. Cette démarche, certes théorique, est intéressante sur le plan pédagogique. Si l’on découvrait par exemple que, pour atteindre l’équilibre, il faudrait porter la durée de cotisation à 60 ans, chacun comprendrait que cela serait impossible !

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Je crois que l’abaque élaboré par le Conseil d’orientation des retraites permet de répondre à la question de M. Dord. Dans son rapport de 2001 comme dans celui de 2007, il a toujours dit qu’il était utopique de penser atteindre l’équilibre en ne jouant que sur un seul des paramètres. Cet abaque va être actualisé dans son rapport du 14 avril.

La Caisse participe activement à ces simulations. Lui appartient-il d’élaborer elle-même différents scénarii d’équilibre et de conseiller le Gouvernement ? Je ne le pense pas : son rôle est plutôt de déterminer si telle ou telle réforme, souhaitée par le pouvoir politique, est possible sur le plan technique ou dans quelles conditions elle pourrait l’être.

M. Jean-Luc Préel, président. Si la Caisse était autonome, elle pourrait décider…

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. La direction de la Caisse n’a pas la légitimité démocratique nécessaire pour décider des réformes à mettre en œuvre.

Pour ce qui est de la pénibilité, ce serait un critère très difficile à prendre en compte pour la bonne raison que si la Caisse sait combien de trimestres chaque personne ayant cotisé au régime général a validé, elle ignore les emplois qu’elle a occupés. Même si l’on souhaite tenir compte de la pénibilité, nous ne disposons à ce jour d’aucun élément nous permettant de reconstruire a posteriori les éléments correspondants dans la carrière des personnes. S’il était décidé d’aller en ce sens, cela serait éventuellement possible, mais à partir de 2011 seulement. On pourrait traiter les flux, non les stocks.

M. Yves Bur. Ce que vous venez de dire est très important car, si la Caisse ne dispose d’aucun élément, évoquer la pénibilité est un leurre.

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Des critères de pénibilité avaient été fixés pour le mécanisme de cessation anticipée d’activité de certains travailleurs salariés, qui fut largement utilisé dans le secteur de la sidérurgie. Il fallait, par exemple, avoir exercé son activité un certain nombre d’années en travail posté. Ce sont les entreprises qui fournissaient les données et cela concernait non des retraites, mais des préretraites.

M. Dominique Dord. On voit bien que la pénibilité va être un sujet central. Le critère de la durée de cotisation ne coïncide-t-il pas neuf fois sur dix avec la caractéristique de la pénibilité ?

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Pas nécessairement. Après la réforme de 2003, 600 000 personnes sont parties en retraite anticipée au titre des carrières longues. Toutes n’avaient évidemment pas exercé des métiers pénibles.

Monsieur Leroy, aucun pays au monde n’intègre l’espérance de vie comme critère dans son système de retraites. Il existe, certes, une différence d’espérance de vie entre les cadres et les ouvriers, mais il en existe une aussi entre les femmes et les hommes, et entre les habitants des différentes régions. Ainsi, une ouvrière du Sud-Ouest de la France a une bien meilleure espérance de vie qu’un cadre supérieur du Nord !

Une confusion est souvent faite concernant la Suède, où l’âge de liquidation de la retraite en comptes notionnels est en effet fonction de l’espérance de vie, mais il s’agit de l’espérance de vie non pas d’un individu ou d’une catégorie professionnelle, mais d’une génération. Clairement, que l’on soit cadre ou ouvrier, homme ou femme, cela ne change rien aux règles appliquées.

Oui, monsieur Liebgott, les femmes sont plus nombreuses à travailler aujourd’hui et elles ont des carrières de plus en plus longues, ce qui leur permet de toucher de meilleures retraites que leurs aînées. D’une manière générale, le montant total de retraite perçu par foyer augmente du fait de la généralisation du travail des femmes. C’est un fait extrêmement positif.

Madame Billard, nous allons étudier, en liaison avec la Caisse nationale d’assurance maladie, l’évolution du nombre d’arrêts de longue maladie ou de mises en invalidité chez les salariés de plus de 50 ans. Il semble que ce nombre ait augmenté. En revanche, celui des liquidations de retraite à 60 ans à taux plein pour cause d’inaptitude est, quant à lui, resté stable.

Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé a montré que les générations nées dans les années 1970 avaient en moyenne, à 30 ans, cotisé neuf trimestres de moins pour les hommes et cinq pour les femmes que les générations nées dans les années 1950, du fait d’un allongement moyen de 2,2 ans de la durée des études et de plus grandes difficultés d’insertion sur le marché du travail. Nos projections en tiennent naturellement compte.

Monsieur Mallot, le Fonds de réserve pour les retraites est conçu pour financer la moitié du déficit des régimes de retraite entre 2020 et 2040, sur la base d’un déficit qui avait été estimé à 152 milliards d’euros en 2020. Mais, les excédents du Fonds de solidarité vieillesse et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui devaient l’abonder, ne sont plus au rendez-vous. Le Fonds ne dispose aujourd’hui que de 31,5 milliards et l’on parle de 80 milliards environ en 2020. Il est donc légitime de s’interroger. Mais cela dépend de l’horizon que l’on observe : si l’on porte le regard au moins jusqu’en 2030, la question du rôle du Fonds de réserve entre nécessairement dans le champ du débat.

Monsieur Bur, aucun pays étranger n’a, à ma connaissance, pris en compte la pénibilité dans le calcul de la retraite.

Le Fonds de solidarité vieillesse compense-t-il de façon suffisante les périodes de chômage ?

M. Vincent Poubelle, directeur des statistiques et de la prospective à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Elles sont compensées sur la base de 90 % du SMIC, ce qui est inférieur au salaire réel et même moyen.

M. Yves Bur. Il y a donc bien un manque à gagner pour la Caisse.

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Il faut bien voir que notre barème de validation est assez généreux, puisqu’il suffit d’avoir travaillé au moins 200 heures payées au SMIC, soit par exemple cinq semaines consécutives seulement, pour valider un trimestre. C’est un élément de solidarité implicite fort. Beaucoup d’étudiants qui travaillent à temps partiel durant leurs études valident ainsi des trimestres sans s’en rendre compte. D’où l’intérêt d’adresser à terme à chacun, comme cela est prévu, tous les cinq ans à compter de 35 ans un relevé de situation. Plus nombreuses qu’on ne le croit sont d’ores et déjà les personnes qui ont l’heureuse surprise de découvrir qu’elles ont plus de trimestres validés qu’elles ne le pensaient. Ce qui explique que nous ayons peut-être, dans le passé, sous-estimé le nombre moyen de trimestres validés.

S’agissant de la question du changement de système. Les systèmes de retraites par points ou comptes notionnels restent avant tout un changement de technique, puisqu’il s’agit toujours de systèmes par répartition. Le rapport du Conseil d’orientation des retraites a montré que leur adoption ne changerait rien aux déficits à combler. Je me demande donc s’il serait judicieux d’engager une telle révolution – c’en serait une en ce que cela exigerait par exemple de fusionner le régime de base et les régimes complémentaires ou bien encore le régime général et celui de la fonction publique – soulevant de nombreux problèmes politiques sans rien résoudre en soi. Si nous devions aujourd’hui adopter un système de retraite ex nihilo, peut-être choisirions-nous un tel système, mais là où nous en sommes, il nous faut faire avec notre passé et nos 35 régimes de retraite différents ! Nous avons progressé avec le droit à l’information, qui aura des effets structurels et structurants à long terme, pour les assurés comme pour les caisses.

Monsieur Tian, la question des fausses attestations sur l’honneur, ayant pu être produites pour faire régulariser des trimestres ouvrant droit à départ anticipé au titre des carrières longues est prise très au sérieux et des investigations sont en cours. 1 112 dossiers seraient concernés, pour un montant moyen de 20 000 euros environ par dossier. La Délégation nationale à la lutte contre la fraude nous a demandé de procéder à une évaluation globale des fraudes sur les prestations vieillesse, ce qui n’est pas très facile, mais nous y travaillons. Cela étant, on peut penser que les fraudes sont en ce domaine moins nombreuses que pour les prestations familiales ou les allocations chômage, où le bénéfice est immédiat, alors que, pour la retraite, il faut frauder en prévision de temps beaucoup plus lointains.

M. Denis Jacquat. Ces fraudes à l’assurance vieillesse sont apparues après la réforme de 2003, qui a autorisé les déclarations sur l’honneur de personnes qui auraient travaillé pour des entreprises ayant fermé ou disparu. Il est vrai que des personnes relevant notamment du régime de la Mutualité sociale agricole auraient eu du mal à retrouver certains employeurs.

Mme Martine Billard. Dans les années 1970, le minimum d’heures travaillées exigé pour valider un trimestre n’était-il pas inférieur à 200 heures ? Par ailleurs, ce seuil de 200 heures est-il apprécié trimestre par trimestre ou de manière glissante ? Je m’interroge pour les droits à retraite des femmes qui, travaillant un peu moins qu’à mi-temps, totalisent moins de 200 heures par trimestre.

Mme Annie Rosès, directrice juridique et de la réglementation nationale de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Le seuil de 200 heures n’est pas apprécié trimestre par trimestre, mais sur l’année. On valide autant de fois un trimestre que, dans l’année, la personne a cotisé sur un salaire équivalant à 200 heures de SMIC.

M. Simon Renucci. Nous avons écouté avec grand intérêt, monsieur le directeur, les éléments d’information que vous nous avez apportés et vos réponses à nos questions. Mais, si vous me permettez cette impertinence, nous aimerions maintenant connaître vos préconisations.

M. le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Seul le conseil d’administration de la Caisse où sont représentés les partenaires sociaux, a le pouvoir de faire des préconisations sur l’évolution des systèmes de retraite, en aucun cas son directeur.

M. Jean-Luc Préel, président. Il me reste à vous remercier pour vos réponses précises.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 30 mars 2010 à 17 heures

Présents. - Mme Véronique Besse, Mme Martine Billard, M. Yves Bur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Dominique Dord, Mme Cécile Gallez, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Jean-Claude Leroy, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Roland Muzeau, M. Bernard Perrut, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Dominique Tian

Excusés. - M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, M. Pierre Cardo, M. Jean-Marie Rolland, M. Francis Vercamer