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Commission des affaires sociales

Mardi 18 mai 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 47

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président, puis de M. Bernard Perrut, Vice-président

– Audition de M. Christian Charpy, directeur général de Pôle Emploi

– Informations relatives à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 18 mai 2010

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Christian Charpy, directeur général de Pôle Emploi.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cette audition, qui se tient à la demande du groupe socialiste, intéresse cependant tous nos collègues. Nous accueillons en effet M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi depuis la création de cette institution en décembre 2008, après avoir dirigé pendant trois ans l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE).

Monsieur Charpy, il y a un an, devant la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, vous aviez fait un point sur les premiers mois d’existence de Pôle emploi. Dans quelle mesure les difficultés du démarrage sont-elles aujourd’hui en voie de résorption ? Les informations paraissant régulièrement dans la presse sont-elles toujours fondées ? Comment procéder pour diffuser partout les bonnes pratiques en vigueur sur certains sites de Pôle emploi ?

M. Christian Charpy, directeur général de Pôle Emploi. Lors de ma précédente audition, quelques mois après la création de Pôle emploi, la situation était particulièrement complexe. Nous avons en effet connu deux chocs concomitants. Le premier résultait de la création même de Pôle emploi, par fusion entre deux maisons dont l’histoire, la culture, la pratique, les métiers, l’organisation et la gouvernance différaient. Le second, imprévu et particulièrement violent, fut l’explosion du chômage : dès notre premier mois d’existence, en janvier 2009, nous avons enregistré 100 000 inscriptions supplémentaires de demandeurs d’emploi en catégorie A, alors qu’auparavant leur nombre diminuait au rythme de 15 000 à 20 000 par mois.

En 2009, nous avons appliqué une partie significative de la feuille de route qui nous avait été fixée par la convention tripartite signée avec l’État et avec l’UNEDIC (Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce). Quels sont ces acquis ?

Premièrement, l’établissement existe, avec une direction nationale, des directions régionales, des directions territoriales et des directions d’agence. À partir de deux réseaux, nous avons créé une entreprise unique, dotée d’une seule ligne managériale.

Deuxièmement, nous avons installé des sites mixtes sur tout le territoire : à partir des quelque 900 agences ANPE et 650 antennes ASSEDIC (associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce), l’enjeu consistait à bâtir des sites dans lesquels l’ensemble des services seraient proposés aux demandeurs d’emploi, qu’il s’agisse de l’inscription, de l’indemnisation ou de l’accompagnement vers l’emploi. Ce fut sans doute la tâche la plus ardue pour nous, mais aussi la plus nécessaire. En effet, pour les demandeurs d’emploi comme pour les entreprises, l’obligation de s’adresser à deux institutions différentes était incompréhensible. Ces sites mixtes étaient, en outre, le moyen de faire vivre ensemble des collaborateurs venant de deux structures qui se connaissaient mal et ne s’aimaient pas forcément. Mais, ce fut difficile car nous avons fusionné en un temps record – un an alors que les services des impôts et de la comptabilité publique ont, eux, disposé de quatre ou cinq ans –, en nous conformant aux dispositions du code du travail relatives à la consultation du comité central d’entreprise, des comités d’entreprise et des comités d’hygiène d’établissement. Pour des raisons immobilières, les localisations ne sont pas toutes définitives et nous avons dû parfois aménager un front office pour recevoir les demandeurs d’emploi cependant que leurs dossiers et les offres d’emploi sont traités dans un back office. Cependant, 95 % des sites mixtes étaient déjà réalisés au 1er janvier 2010.

Troisièmement, nous avons complètement unifié les dispositifs d’aide : depuis le 5 janvier 2009, tous les demandeurs d’emploi, indemnisés ou non, bénéficient des mêmes prestations, qu’il s’agisse de la formation, de la mobilité ou du développement des compétences. Un seul critère est désormais pris en compte : l’aide leur est-elle utile ?

En interne, nous avons négocié la convention collective de Pôle emploi, qui a été signée en novembre 2009, agréée et étendue. Elle s’est appliquée automatiquement aux agents de droit privé, tandis que les 25 000 agents sous statut public, relevant du décret de 2003, disposaient d’un droit d’option ; 42 % d’entre eux, soit plus de 11 000 personnes – et non 30 % comme cela a été affirmé dans la presse – ont à ce jour choisi d’être soumis à cette convention, de sorte que celle-ci couvre déjà davantage d’agents que le décret de 2003.

En revanche, nous avons rencontré de grosses difficultés en ce qui concerne l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Nous espérions que la fusion permettrait de faire passer le taux d’accompagnement à un conseiller pour soixante demandeurs. Avec l’explosion du nombre d’inscriptions, nous n’avons pas été en mesure d’atteindre cet objectif. Nous y sommes néanmoins parvenus dans certains domaines, par exemple pour les bénéficiaires du contrat de transition professionnelle (CTP) ou de la convention de reclassement personnalisé (CRP), pour lesquels le taux d’accompagnement est, respectivement, d’un pour trente et d’un pour soixante. La densification de l’accompagnement pour les autres demandeurs d’emploi constituera donc l’une des tâches majeures que nous nous sommes assignées pour 2010.

M. le président Pierre Méhaignerie. Étant entendu que les missions locales peuvent prendre en charge certaines tâches.

M. Christian Charpy. Trois actions ont été conduites pour délester Pôle emploi : nous avons effectivement passé un contrat cadre avec les missions locales, nous avons accru le recours au réseau Cap Emploi et nous avons souscrit, pour le placement des licenciés économiques et des personnes éloignées de l’emploi, des contrats avec des opérateurs de placement privés, qui prennent ainsi en charge quelque 140 000 demandeurs.

Nous avons également rencontré des difficultés dans nos relations avec les employeurs. En effet, du fait de la crise économique, nous avons été moins présents dans les entreprises, dont le besoin de recrutement était plus faible. Nous avons toutefois collecté un peu plus de 3 millions d’offres, dont quelque 2,650 millions ont été satisfaites. C’est certes moins qu’en 2008, mais la crise est passée entre-temps.

D’autres difficultés sont survenues en matière de formation, mais elles ont été moins graves et nous avons redressé la situation au quatrième trimestre 2009. Nous avons la capacité d’envoyer environ 100 000 personnes en formation. Malgré un démarrage difficile, nous avons consommé l’intégralité des crédits votés pour 2009 ; sur les fonds de Pôle emploi, nous avons envoyé 85 000 personnes en formation, auxquelles il convient d’ajouter celles qui ont suivi des cycles financés par les régions ou les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Quant aux difficultés concernant le téléphone et les retards d’indemnisation, qui ont fait l’objet de polémiques, je considère qu’elles sont réglées. Grâce aux plateformes mises en place en septembre 2009, nous gérons 300 000 à 400 000, voire 500 000 appels par jour et, dans plus de huit cas sur dix, un conseiller décroche en moins d’une minute et apporte une réponse complète. Et, alors que les dossiers en attente de traitement avaient atteint un nombre extrêmement élevé au début de 2009, le volume de dossiers en stock représente aujourd’hui moins de 1,2 jour de traitement.

Parmi nos priorités pour 2010 figurent deux éléments complémentaires de la réforme. À partir du 1er janvier 2011, le recouvrement des cotisations d’assurance chômage sera transféré aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), ce qui est un sujet techniquement compliqué et qui entraîne la nécessité de reclasser 1 500 personnes. D’autre part, nous avons récupéré les compétences d’orientation de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et nous devons donc insérer les 919 agents correspondants, qui contribueront à fluidifier les parcours des demandeurs d’emploi.

Je citerai encore, pour mémoire, trois projets internes importants.

Pour intensifier les relations avec les entreprises, nous avons mis en place, fin mars, le numéro d’appel unique 39 95, pour qu’elles puissent déposer leurs offres d’emploi auprès de conseillers en ligne. Plus de 400 offres sont ainsi déposées quotidiennement. Nous avons même créé des forces de prospection pour aller plus franchement vers les entreprises.

Nous accentuerons les envois en formation des demandeurs d’emploi en fin de droits, en mettant sur pied des marchés de formation et en fluidifiant l’entrée en formation.

Enfin, les partenariats de Pôle emploi seront développés. Mme Rose-Marie Van Lerberghe, à qui nous avions confié la tâche de réunir une commission sur la territorialisation de l’action de Pôle emploi, a recommandé que la priorité soit donnée aux partenariats avec les organismes institutionnels tels que les missions locales et les maisons de l’emploi, avec les collectivités territoriales – conseils généraux pour le revenu de solidarité active (RSA) et les conseils régionaux pour la formation –, ainsi qu’avec les acteurs socio-économiques de terrain – et il est vrai qu’à ce dernier égard, nous avons des progrès à faire.

Le jugement de la presse à notre égard est parfois exagérément négatif, parfois plutôt correct. Nous n’avons pas de problème de notoriété, mais nous souffrons encore d’un déficit de popularité. Avec le ralentissement de la progression du chômage et la professionnalisation de l’action de Pôle emploi, nous pouvons espérer parvenir progressivement à améliorer la seconde sans rien perdre de la première !

Mme Laurence Dumont. Le groupe socialiste avait effectivement demandé cette audition en octobre dernier. Elle nous offre l’occasion de vous interroger sur la réalisation des engagements que vous aviez pris devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, il y a un an. Les effets de la crise ne pouvant vous être imputés, je ne vous questionnerai donc qu’à propos des effets de la fusion et des conditions dans lesquelles elle a été conduite.

Nous avons reçu énormément de témoignages de salariés de Pôle emploi faisant état de leur souffrance au travail ; à l’automne dernier, j’en ai rendu un public, avec l’autorisation de l’intéressé. Je crois d’ailleurs que plusieurs suicides sont à déplorer. Vous nous aviez parlé d’un questionnaire relatif aux risques psychosociaux, dont les résultats, parus en janvier, sont inquiétants, puisque 78 % des agents jugent leur charge de travail excessive. Ce questionnaire devait conduire à l’élaboration d’un plan de lutte contre les risques psychosociaux. Quelles mesures ont été prises pour rétablir un climat de travail acceptable à Pôle emploi ?

Dans votre exposé, vous n’avez pas insisté sur le mouvement des personnels sous contrat à durée déterminée et autres contrats précaires. Vous aviez pourtant annoncé, en 2009, leur titularisation. Je n’ai pas trouvé dans la presse d’informations permettant de penser que leur situation serait réglée. Qu’en est-il ?

La convention collective ne fait pas encore l’unanimité et elle n’a pas été signée par toutes les organisations syndicales. Des agents travaillent sur un même site, voire sur un même poste, sans avoir le même salaire, les mêmes horaires, les mêmes congés ni les mêmes droits aux primes d’ancienneté. Cette situation est de nature à attiser les conflits entre salariés et surtout à compliquer l’accès au service public, car elle oblige à aménager les horaires : ainsi, dans le Calvados, une agence ferme tous les jeudis après-midi et tous les vendredis à partir de quinze heures !

La suppression du comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ne contribue-t-elle pas à amplifier le malaise des agents ? Cette instance n’aurait-elle pas permis de définir des mesures propres à instaurer des conditions de travail satisfaisantes ?

En 2009, vous nous aviez déclaré que la simplification de l’accès au service serait votre priorité. Où en êtes-vous à cet égard ? Au vu des réclamations qui arrivent dans nos permanences, il semble que nous soyons loin de la performance optimale. La plateforme téléphonique ne simplifie pas toujours les démarches et allonge les temps d’intervention, les dossiers ne se trouvant plus sur le lieu où travaille l’opérateur téléphonique. Cela donne aussi lieu à des situations surréalistes, comme celle décrite par Mme Florence Aubenas dans son dernier ouvrage, Le quai de Ouistreham : un demandeur d’emploi, qui se rendait dans son agence pour faire consigner dans son dossier qu’il n’avait plus le téléphone, a dû ressortir et téléphoner de la cabine d’en face afin de prévenir la plateforme !

Vous ne vous êtes pas étendu non plus au sujet de la démission du médiateur et des propos qu’il a tenus lors de son départ. Qu’en pensez-vous ? Cela ne doit-il pas vous conduire à revoir les procédures appliquées dans les agences de Pôle emploi ?

Le demandeur d’emploi doit passer par trois étapes : il appelle le numéro unique pour obtenir un rendez-vous d’accueil ; il a un premier entretien avec un agent de Pôle emploi ; quatre mois plus tard, il est convoqué tous les mois et le suivi est collectif une fois sur deux. Ce traitement très administratif est bien éloigné de la « personnalisation de la relation avec les demandeurs d’emploi » que vous annonciez.

Enfin, au lieu des 60 annoncés, chaque agent suit de 150 à 200 dossiers, contre 80 à 100 avant la crise. Conseiller autant de demandeurs d’emploi, à raison d’entretiens de quinze minutes, c’est mission impossible ! Dans ces conditions, peut-on parler honnêtement d’un service public de l’emploi ? À force de décrédibiliser ce service public, ne finira-t-on pas, à terme, par susciter l’envie de le privatiser complètement ?

M. Bernard Perrut. J’ai, moi, une vision plus positive de Pôle emploi. Sur nos territoires, nous mesurons en effet l’importance du travail mené depuis un an par l’ensemble de vos collaborateurs, dont la motivation a permis de sortir de la difficile période de démarrage. Toute réorganisation, tout changement de culture nécessite des adaptations.

Vous avez affirmé que votre vision était à la fois plus ambitieuse et plus opérationnelle que par le passé. En quoi la construction d’une politique partenariale contribue-t-elle à ces objectifs ?

Pôle emploi s’est adjoint des compétences externes pour animer une commission de territorialisation. Quels en sont les résultats, en matière de proximité et d’accessibilité, de lisibilité des services et de continuité des parcours des demandeurs d’emploi ?

Un accord cadre de partenariat renforcé a été signé le 21 janvier entre l’État, le Conseil national des missions locales et Pôle emploi. Quelle valeur ajoutée apporte-t-il ? Convient-il d’aller plus loin ?

Disposez-vous de moyens conformes à vos ambitions ?

Certains employeurs éprouvent de la défiance à votre endroit. Comment renforcer, localement, le rôle de Pôle emploi vis-à-vis des entreprises ? Certains de vos collaborateurs, dans vos agences, prennent des initiatives bienvenues. Ainsi, à Villefranche-sur-Saône, il y a quelques jours, Pôle emploi a organisé, en lien avec la ville et avec la mission locale, un forum de l’emploi saisonnier où 600 postes ont été proposés par une trentaine d’entreprises. Comment faire en sorte que, suivant cet exemple, tous vos services s’adaptent aux réalités locales et travaillent avec les collectivités ?

M. Roland Muzeau. Les réponses aux questions qui se posent apparaissent clairement dans deux interviews que vous avez données aux Échos et à Capital.fr, monsieur Charpy. Les difficultés graves traversées par Pôle emploi résultent de ce que, pour créer cet organisme, la majorité parlementaire a ignoré les alertes lancées par l’opposition, en particulier par les députés communistes, qui relayaient les remarques des organisations syndicales et des salariés de l’ANPE et des ASSEDIC. Nos collègues sont allés de dénégations en dénégations face à nos objections et à nos propositions, affirmant que cette création s’effectuerait en deux temps trois mouvements. Or, dans votre interview aux Échos, vous déclarez : « 2009 nous a montré que rassembler dans un métier unique placement et indemnisation n’est ni réaliste, ni souhaité par les agents. » Nous ne disions rien de plus ; notre position n’était pas un refus de principe, mais un refus argumenté.

Pôle emploi, ce sont deux échecs patents.

Le premier est celui de la fusion elle-même. La grande souffrance des personnels est incontestable. La lutte contre le stress au travail doit faire l’objet d’un accord avec les organisations syndicales, mais la négociation de celui-ci traîne depuis un an. Pourtant, les situations de mal-être au travail sont extrêmement nombreuses, le manque d’effectifs est criant, notamment dans les zones les plus touchées par le chômage, et les agents, qu’ils soient issus des ASSEDIC ou de l’ANPE, manquent de formation.

Le second échec est celui du suivi des demandeurs d’emploi. La majorité présidentielle affirmait hardiment que la norme serait d’un conseiller pour soixante demandeurs mais, dans la boucle nord des Hauts-de-Seine et en Seine-Saint-Denis, où la situation est parfois pire, nous en sommes à un agent pour 170 à 220 demandeurs. La situation est d’autant plus pénible que les personnes à orienter vers l’emploi sont souvent peu formées.

En outre, les actions de formation sont très en deçà des objectifs initiaux, vous le reconnaissez dans les deux interviews. L’appel au privé pour soulager vos difficultés se solde par un échec. Les effets de la politique affirmée de radiation sont critiqués de toutes parts.

En avril, le médiateur de Pôle emploi a démissionné, ce qui n’est pas banal. Son rapport d’activité dresse en quelque quatre-vingt-dix pages un état des lieux accablant, décrivant des dysfonctionnements graves : les inscriptions laborieuses, le retard et les erreurs dans le versement des allocations, l’arrêt brutal des formations, etc. Il conclut par une série de préconisations. Que comptez-vous en faire ?

M. Dominique Dord. Nous avons tous la mémoire courte : comme si l’ancien système était irréprochable et rendait un service merveilleux ! Je me souviens des critiques récurrentes, quotidiennes, contre l’ANPE. Quant aux services rendus par les autres organismes, notamment par les missions locales, ils sont aussi très souvent décriés. La vérité, c’est que la mission du service public de l’emploi est terriblement compliquée, car il s’agit d’un travail accompli à un point névralgique de la société française. Dans le contexte des quinze derniers mois, la tâche de Pôle emploi n’a pas dû être aisée !

Ne perdons pas de vue l’essentiel : pour les demandeurs d’emploi, n’est-il pas préférable de pouvoir s’adresser à un guichet unique plutôt que de devoir se rendre dans des services dispersés ? Nous pourrions nous accorder sur ce constat de bon sens ; je ne suis pas sûr que le service soit rendu de manière parfaite, mais il faut relativiser les problèmes.

Le Conseil d’orientation des retraites, a fondé ses hypothèses sur un quasi-retour au plein emploi, avec un taux de chômage de 4,5 % seulement. Pensez-vous que cette hypothèse soit réellement accessible ?

M. Christophe Sirugue. Certains imputent les difficultés à Pôle emploi, d’autres à la crise, mais personne ne peut raisonnablement affirmer que votre situation est stabilisée. Quoi qu’il en soit, avoir de la mémoire, c’est se souvenir que l’ANPE ne fonctionnait certes pas de manière satisfaisante, mais aussi que le Président de la République avait pris un engagement : les chômeurs devaient avoir un interlocuteur unique pour l’indemnisation, le conseil et le placement. Or, ce n’est pas la réalité d’aujourd’hui, faute de formation adéquate des personnels Dans la pratique, selon qu’il provient des ASSEDIC ou de l’ANPE, votre interlocuteur vous conseillera mieux dans un domaine ou dans l’autre.

Tous les témoignages confirment que, depuis la fusion, la formation est insuffisante au regard de la montée en charge énorme à laquelle vous êtes confronté. S’ensuit une fragilisation des agents de Pôle emploi, qui se trouvent eux-mêmes dans une situation d’insécurité et c’est en particulier le cas de ceux qui, recrutés sur des postes temporaires, doivent conseiller des demandeurs d’emploi alors qu’ils ignorent ce qu’il adviendra de leur propre emploi !

Qu’est-ce qui a changé pour les usagers, notamment pour les allocataires du RSA, qui doivent être particulièrement accompagnés ?

J’admets qu’un site unique a des avantages mais, à Chalon-sur-Saône, où fut labellisée l’une des premières maisons de l’emploi, Pôle emploi est parti dans les locaux des ASSEDIC, tandis que l’AFPA et le centre d’information et d’orientation ont quitté la maison de l’emploi, qui n’héberge donc plus que la mission locale, c’est-à-dire la structure portée par la collectivité. L’évolution ne doit pas être conduite dans le seul intérêt de Pôle emploi, en excluant les autres acteurs du bassin d’emploi. Comment ceux-ci sont-ils associés à vos réflexions ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Pour équilibrer les points de vue, j’apporterai un autre témoignage. La maison de l’emploi du secteur de Vitré fonctionne sous un seul toit, avec un directeur unique et elle est présidée par un chef d’entreprise. Y sont regroupés Pôle emploi, l’instruction du RSA et du contrat de transition professionnelle, la mission locale, les associations, le centre d’information et d’orientation, la chambre de commerce et d’industrie, la chambre de métiers et la chambre d’agriculture. Pour favoriser la communication entre les structures, nous avons voulu doter Pôle emploi et la maison de l’emploi d’un directeur commun. Compte tenu du choc des cultures, les salariés ne sont peut-être pas favorables à ce mouvement, mais il est évident que les clients y voient un énorme progrès pour ce qui est de la qualité des services rendus, qu’il s’agisse de recherche d’emploi, de valorisation des acquis de l’expérience ou de réorientation. Songez que le nombre d’offres d’emploi passant par la maison de l’emploi a augmenté de 50 % depuis sa création !

Je ne voudrais pas que nous donnions le sentiment que tout est noir en oubliant des réussites de ce genre.

M. Christophe Sirugue. Sauf que Pôle emploi, à Chalon-sur-Saône, s’est contenté de choisir le site des ASSEDIC parce qu’il en était propriétaire, sans se soucier du fait qu’il dépouillait la maison de l’emploi.

M. Jean-Patrick Gille. Nos grandes inquiétudes se sont confirmées. La crise et l’aggravation du chômage sont certes arrivées au pire moment mais nous avons tous recueilli des témoignages d’usagers confrontés à des situations inacceptables et d’agents qui connaissent une souffrance liée à la surcharge de travail, dans des open spaces où tout le monde ne trouve pas sa place. J’ai dernièrement rencontré une personne employée sous contrat à durée déterminé pendant quatre mois et qui n’a pas été reprise, malgré ses compétences, ce qui la rejette dans la précarité, de l’autre côté de la barrière. La démission du médiateur symbolise cette gestion déshumanisée, un peu kafkaïenne. Il convient de se montrer vigilant, même si je ne doute pas que vous le soyez.

À l’ANPE, tout n’était pas parfait, mais il existait des comités d’usagers. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Quelle politique entendez-vous mener en matière d’embauche de personnel précaire ? Face à la crise, pourquoi n’avez-vous pas recruté davantage ?

Vous vous étiez d’abord pratiquement engagé à ne pas fusionner les métiers. Puis, une fois la machine lancée, vous avez déclaré qu’il n’y en aurait plus qu’un seul. Eu égard au déficit de formation des personnels et en raison de certains mouvements des agents, j’ai cru comprendre que vous aviez gelé ce rapprochement. Où en sommes-nous ?

Comment le personnel de l’AFPA sera-t-il intégré ? Quid des opérateurs privés de placement ?

Il serait utile que Pôle emploi s’exprime à propos des retraites. Beaucoup de demandeurs d’emploi attendent en réalité la retraite. Repousser l’âge de départ ne réglera rien, si les actifs seniors deviennent autant de demandeurs d’emploi.

S’agissant du RSA, faute de dispositions particulières, des reculs sont constatés localement parce que le partage des responsabilités entre les conseils généraux et Pôle emploi n’est pas clair.

Du côté des missions locales, les choses se passent assez bien. En tant que président de l’Union nationale des missions locales, je vous invite cependant à veiller au profil des agents mis à disposition, qui doivent être parfaitement opérationnels.

Globalement, la gestion de Pôle emploi n’est-elle pas trop centralisée ? Ne convient-il pas de s’orienter vers une approche plus régionale ? Alors que, d’après ses statuts, Pôle emploi procède des partenaires sociaux, ceux-ci ont un peu été éclipsés ; au niveau régional, c’est même l’éclipse totale. N’est-il pas envisageable de desserrer un peu l’étau ?

M. Dominique Tian. Le regroupement dans des locaux communs permet aux demandeurs d’emploi d’échapper au parcours kafkaïen qui les contraignait à accomplir les mêmes démarches à deux endroits différents. Vous avez légitimement insisté sur le taux de 95 % de réalisation des sites mixtes ; il y a un an, nous en étions loin.

La nouvelle convention collective suscitait des craintes pour le climat social. Or, six mois seulement après sa signature, 42 % des agents de l’ANPE y ont adhéré, ce qui, pour nombre d’entre eux, représente une amélioration de salaire sensible. La situation sociale a certes été tendue au départ, mais elle est aujourd’hui apaisée – les derniers mouvements ont été assez peu suivis.

Dans une étude, vous formulez un concept nouveau, celui de « diagonales », en énumérant les bassins d’emploi qui recrutent le plus : l’Île-de-France, Toulouse, Bordeaux, Lille, Nantes, Marseille et Nice. Pouvez-vous nous en dire davantage à propos de cette notion de « diagonales » et sur les évolutions positives attendues en 2010 ?

M. Gérard Cherpion. Le chemin parcouru en un an, en pleine crise, explique bon nombre des difficultés rencontrées. J’ai pu vérifier sur le terrain que les personnes sous contrat de transition professionnelle bénéficient d’un taux d’accompagnement d’un pour trente et que le temps consacré à chaque demandeur d’emploi augmente progressivement. L’amélioration est donc notable.

La conduite du service public de l’emploi par le préfet permet une coordination remarquable entre l’ensemble des acteurs du département.

Je crois qu’une nouvelle négociation sur la convention tripartite a été ouverte. Où en est-elle ?

L’« emploi caché », comme l’on dit pudiquement, ne traduit-il pas la difficulté que vous rencontrez encore pour être présent dans les entreprises ?

M. Simon Renucci. Cette fusion, touchant à l’humain, constituait un véritable défi et il est bon que nous en parlions sereinement, car cela concerne des personnes en difficulté, qui ont perdu leur dignité en même temps que leur emploi.

Après celui qui a été signé avec le réseau des missions locales, d’autres accords cadres seront-ils conclus, par exemple avec celui des maisons de l’emploi ? Dans celle d’Ajaccio, nous avons aussi la chance de faire cohabiter des collectivités, des institutions, la chambre de métiers, la chambre de commerce et d’industrie, des associations et Pôle emploi, bien sûr, ainsi que la mission locale, ce qui offre bien des facilités aux demandeurs d’emploi.

M. Jean-Marie Rolland. Pôle emploi intervient dans le dispositif du RSA, préoccupation importante pour les départements. Vous êtes liés aux conseils généraux par des conventions, mais nous butons sur des difficultés.

Ainsi, le conseil général ne peut accéder au dossier unique du demandeur d’emploi (DUDE) que si l’intéressé est enregistré comme allocataire du RSA ; quand il sort de ce dispositif, le conseil général n’a plus la possibilité de l’accompagner, alors même qu’il peut encore avoir besoin d’un suivi social.

Mon département, comme d’autres, a délégué une partie de l’accompagnement à une association, qui n’a pas non plus accès au dossier unique. Serait-il si compliqué de lever cet obstacle ?

Enfin, les services me signalent que les fichiers mensuels adressés aux départements par votre direction générale sont difficilement exploitables, pour ne pas dire inexploitables. En effet, outre que nous nous heurtons à des incompatibilités informatiques, les adresses ne sont pas mentionnées. Ne peut-on y remédier ?

Enfin, quel est votre sentiment sur le plan « Rebond pour l’emploi » ? Comment empêcher que les chômeurs en fin de droits ne basculent vers le RSA ?

(M. Bernard Perrut, vice-président de la Commission, remplace
M. le président Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance)

M. Régis Juanico. La mission d’information sur les risques psychosociaux au travail vous auditionnera jeudi matin. Il y a là un problème crucial, que Pôle emploi ne réglera pas par un questionnaire car, comme à France Télécom ou à La Poste, nous sommes confrontés à un malaise lié à la perte de l’identité professionnelle et à des sous-effectifs conjugués à une politique du chiffre.

Avec 790 000 chômeurs supplémentaires depuis septembre 2008 et 30 % de chômeurs de longue durée de plus en un an, il faut reconnaître que ce n’est pas à un choc que vous avez dû faire face, mais à un tsunami ! Or, occupé par sa réorganisation, le service public de l’emploi a tardé à comprendre qu’il convenait de renforcer ses effectifs et de bien les former. Avec vos autorités de tutelle – notamment avec M. Laurent Wauquiez qui a été très présent, au point de parfois se comporter en manager général de Pôle emploi –, ne vous êtes-vous jamais interrogé sur l’opportunité de mettre provisoirement la fusion entre parenthèses, en attendant des temps meilleurs ?

Enfin, qu’est devenue l’offre raisonnable d’emploi ?

Mme Martine Pinville. Le traitement des dossiers de RSA est beaucoup plus long que celui des anciens dossiers de revenu minimum d’insertion (RMI). Les retards atteignent parfois plusieurs mois. Le délai moyen pour signer un projet personnalisé d’accès à l’emploi est de l’ordre de quatre mois. Quelles mesures avez-vous prises ou allez-vous prendre pour permettre un accompagnement spécifique des demandeurs d’emploi allocataires du RSA ?

Mme Monique Iborra. Avant la décision de fusion, les guichets uniques se mettaient en place progressivement, sans éclat mais avec efficacité. Cette expérimentation aurait pu être poursuivie. D’autres pays européens ont opté pour un guichet unique sans fusion institutionnelle. Mais l’objectif était de récupérer les financements des partenaires sociaux pour payer les politiques de l’État, tout le monde l’a compris…

Le nouveau cahier des charges des maisons de l’emploi, qui vient d’être rendu public, en fait des coquilles vides, au profit de Pôle emploi. Pourquoi pas, mais à condition que Pôle emploi puisse assumer toutes les missions qui lui sont confiées, au-delà de l’accompagnement des demandeurs d’emploi : la formation des salariés par le biais du fonds de sécurisation des parcours, le suivi des jeunes et des seniors, la gestion des contrats d’apprentissage et maintenant l’orientation. Les compétences des conseils généraux et des conseils régionaux sont niées. Au-delà de la crise, le problème de Pôle emploi est la centralisation abusive de ces politiques au sein d’un service qui contrôle tout. La bonne volonté des agents est certaine, mais qui trop embrasse mal étreint !

M. Francis Vercamer. La création d’un guichet unique effectif constitue un véritable progrès pour les demandeurs d’emploi. Il fallait cette transformation, même si, en période de crise, l’entreprise n’a pas été facile. Nous assistons à une véritable professionnalisation des agents, grâce à laquelle ils parviennent à faire face aux problèmes inhérents au rapprochement en même temps qu’à l’afflux des demandeurs d’emploi.

Pôle emploi fonctionne sans doute différemment selon les régions mais, dans la mienne, la situation est assez satisfaisante.

Un rapport relatif à la territorialisation, qui vous a été remis il y a une quinzaine de jours, préconise des partenariats, des sous-traitances et des modifications du périmètre de compétence de Pôle emploi. Qu’allez-vous en retenir et dans quel délai ? Je note que, dans cette attente, certaines relations entre acteurs locaux ont été gelées.

L’institution du médiateur au sein de Pôle emploi résultait d’un amendement que j’avais moi-même déposé. Quel bilan en tirez-vous après un an ? Quels litiges principaux a-t-elle permis de régler ? Que convient-il de faire pour que les demandeurs d’emploi connaissent davantage l’existence de ce médiateur ?

M. Bernard Perrut, président. Ces nombreuses questions reflètent la diversité des situations sur le terrain, en particulier s’agissant des maisons de l’emploi. Cela étant, il était souhaitable que les missions de celles-ci et de Pôle emploi soient différentes ou complémentaires, ce qui nécessitait une plus grande clarté.

M. Christian Charpy. Je voudrais d’abord faire une remarque d’ordre général. Monsieur Muzeau, je suis en total désaccord avec vous : la création de Pôle emploi n’est pas un échec patent. Cela ne vous étonnera pas que le directeur général de Pôle emploi fasse cette réponse. Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Durant la dernière grande crise, en 1993-1994, les ASSEDIC, qui étaient en première ligne, ont eu les plus grandes difficultés à traiter les dossiers des demandeurs d’emploi qui venaient s’inscrire : les files d’attente s’étendaient parfois jusque dans la rue. En 2009 et en 2010, que je sache, alors que l’intensité de la crise était trois fois plus forte, nous n’avons jamais connu de telles difficultés. Je ne regrette donc pas la création de Pôle emploi, même au plus fort de la crise.

Ayant dirigé pendant trois ans l’ANPE, je me souviens aussi des critiques dont elle était l’objet ; cela me conduit à relativiser celles qui visent Pôle emploi aujourd’hui. Notre difficulté majeure, c’est que les gens qui viennent nous voir attendent d’être reçus par des personnes aimables et compétentes, de recevoir une indemnisation, mais surtout d’obtenir un emploi. Or, Pôle emploi ne recrute pas, sa fonction consiste à apporter de la transparence. Avec quelque 3 millions d’offres d’emploi en 2009, nous n’étions pas en mesure de proposer un emploi à chacun et encore moins deux, comme le prévoit l’offre raisonnable d’emploi. Nous sommes d’abord là pour aider les usagers à être autonomes, à obtenir les qualifications nécessaires et à apprendre à se « vendre » à un recruteur pour trouver un emploi.

Monsieur Juanico, j’ai évidemment été tenté de mettre la fusion entre parenthèses, mais je ne l’ai pas fait. Quand on est au milieu du gué, il est aussi difficile de rebrousser chemin que d’atteindre l’autre rive. J’ai donc préféré avancer, d’autant que j’étais convaincu que cela pouvait fonctionner. Mais, nous avons établi des priorités et nous nous en sommes sortis grâce au plan de rentrée. Je craignais que nous ne puissions passer la rentrée 2009, période durant laquelle nous savions que nous enregistrerions 30, 40, voire 50 % d’inscriptions supplémentaires, comme chaque année à la même époque. Le dispositif adopté, avec trois priorités – inscrire, indemniser et commencer l’accompagnement – a permis de passer ce cap difficile. Cependant, nous avons réduit nos ambitions sur d’autres points, notamment sur le suivi mensuel personnalisé, car, avec 725 000 demandeurs d’emplois supplémentaires, nous ne pouvions pas y pourvoir : le nombre d’inscrits en catégorie 1 est, je le rappelle, passé de 1,9 million en août 2008 à 2,6 millions aujourd’hui.

Je suis conscient que les personnels de Pôle emploi effectuent un travail particulièrement difficile. Matin, midi et soir, ils sont confrontés aux difficultés, à la misère et à l’angoisse des demandeurs d’emploi, mais aussi à l’évolution de leurs métiers. J’ai effectivement envoyé un questionnaire, en novembre, avant que France Télécom ne fasse de même et que cela ne devienne un sujet de polémique dans la presse ; nous y travaillions depuis fin août, avec les représentants du personnel. Les réponses font effectivement apparaître des difficultés relatives à notre organisation et à l’évolution des métiers.

Nous en avons déduit qu’il fallait éviter de mettre nos conseillers en difficulté, c’est-à-dire dans des situations où ils ne savent pas répondre aux questions posées par les demandeurs d’emploi. C’est pourquoi, en attendant que le socle commun de compétences soit dispensé à chacun, nous avons placé deux personnes à l’accueil, l’une plutôt compétente en matière d’indemnisation, l’autre en matière de placement.

Ce questionnaire a montré que l’inquiétude sur l’évolution des métiers était une inquiétude majeure. Certains craignaient de ne pouvoir acquérir la compétence de l’autre métier, d’autres ne souhaitaient pas acquérir cette compétence nouvelle, craignant que cela constitue un désaveu de leur expérience professionnelle.

Nous avons donc travaillé sur un dispositif comprenant un socle commun de compétences et deux expertises complémentaires – intermédiation et gestion des droits à indemnisation –, avec la possibilité ouverte à 15, 20 ou 25 % des agents d’acquérir la double compétence. Je crois que ce dispositif a rassuré. Hormis celle d’octobre dernier, qui a été fortement suivie, nous n’avons pas vécu de grève importante et le dernier mouvement notable, à Pôle emploi, a mobilisé 6,91 % du personnel seulement. Des conflits sont certes intervenus dans certaines agences, en Corse, en Basse-Normandie ou en Île-de-France. Le climat, reste tendu, mais nous ne sommes pas au bord de l’explosion sociale.

La convention collective a été signée par cinq organisations syndicales sur sept – CGT-FO, la CFDT, la CFE-CGC, l’UNSA et la CFTC –, qui totalisent près de 60 % des voix aux élections professionnelles. Seules la CGT et la FSU ont refusé de signer : je le constate et je le regrette.

Le directeur général adjoint chargé des ressources humaines était aujourd’hui même en négociation au sujet des risques psychosociaux. Les discussions ont commencé au début de cette année et j’espère que nous aboutirons cet été.

Madame Dumont, un agent de Pôle emploi s’est effectivement donné la mort dans son agence. Comme toutes les grandes entreprises, nous avons aussi connu des tentatives de suicide et des appels au secours, que nous avons traités en assurant une prise en charge psychologique et en ouvrant une ligne d’écoute vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je ne prétends pas que le problème soit résolu, mais nous avons réagi, je le crois, le plus efficacement possible.

Sur la précarité de l’emploi, nous avions fait passer en contrat à durée indéterminée, au sein de l’ANPE puis de Pôle emploi, tous les agents de droit public comptabilisant plus d’un an d’ancienneté. Avec la crise, nous avons recouru à des renforts temporaires : 3 500 personnes pour les contrats de transition professionnelle, plus d’autres recrutements pour la convention de reclassement personnalisé et les plateformes téléphoniques. Nous n’entendons pas conserver éternellement 50 000 collaborateurs, car nous pensons que la crise aura une fin. Toutefois, considérant que la situation perdure, nous serons amenés à faire passer en CDI une partie des personnels affectés à ces dispositifs. Nous sommes en cours de négociation sur ce point.

À l’issue des élections professionnelles, cinq syndicats sont reconnus représentatifs. Les instances du personnel fonctionnent. Quant au comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il existait à l’ANPE, mais pas à l’UNEDIC. Dans la mesure où nous sommes passés sous le régime du code du travail, le comité central d’entreprise comportera une commission hygiène et sécurité, dotée de compétences comparables à celles du comité national. Il appartient au comité central d’entreprise d’établir son règlement intérieur et de l’installer. J’ajoute que cette question importante de l’hygiène et de la sécurité est aussi gérée au niveau régional.

Monsieur Gille, vous avez raison, notre organisation est trop centralisée. En période de fusion, nous devions montrer le cap ; il convient peu à peu de desserrer l’étau, afin que les responsables des directions régionales et des agences puissent s’engager dans des partenariats. Mais certaines missions, comme la mise en place de l’entretien unique d’inscription ou l’application de la convention d’assurance chômage, sont intangibles.

S’agissant des relations avec les conseils généraux, je reste sur ce que j’ai dit au groupe socialiste quand il m’a auditionné il y a quelques semaines : l’orientation vers l’emploi des bénéficiaires du RSA reste de la compétence exclusive des conseils généraux. Ensuite, si ceux-ci optent en sa faveur plutôt que pour une orientation sociale, nous pouvons prendre le demandeur d’emploi en charge, soit dans le cadre de notre offre classique, soit dans le cadre d’une offre renforcée, si les conseils généraux le souhaitent. Mais, il est vrai que le nombre de personnes dans ce cas et restant inscrites à Pôle emploi reste assez faible, proche de celui qui était constaté du temps du RMI. La conjoncture n’a pas aidé à cette orientation vers l’emploi des bénéficiaires du RSA ; Pôle emploi et les conseils généraux doivent mener un travail en commun sur ce sujet.

Je me félicite du partenariat conclu avec le Conseil national des missions locales. Nous avons accru le nombre de personnes prises en charge et les moyens financiers, grâce à un pilotage national, régional et local mieux partagé et plus cohérent. Nous avons également signé des accords de partenariat avec Alliance villes emploi pour les maisons de l’emploi.

Je veux bien endosser des responsabilités mais pas toutes : j’ai certes été consulté à propos du décret relatif au rôle des maisons de l’emploi, mais il a été élaboré sous l’autorité du ministre. Une cohérence doit être trouvée entre Pôle emploi et les maisons de l’emploi, qui ont respectivement vocation à s’occuper de l’accompagnement et du diagnostic territorial. Quoi qu’il en soit, j’interviens sur ce sujet en tant qu’expert ou participant, certainement pas en tant que décideur.

Monsieur Vercamer, vous avez eu la gentillesse de participer à la commission de territorialisation. Des décisions seront prises en vue de développer les délégations et d’axer les collaborations sur des actions utiles à la fois pour Pôle emploi et pour ses partenaires. En effet, compte tenu de sa taille – il emploie 50 000 personnes et pèse 5 milliards d’euros de budget, indemnisation du chômage exclue –, Pôle emploi est exposé à des tentations hégémoniques. Nous devons avoir la modestie de distinguer les sujets sur lesquels nous sommes pivots et ceux sur lesquels nous ne sommes que contributeurs, dans des proportions plus ou moins significatives.

Monsieur Dord, je suis très prudent à l’égard des prévisions de taux de chômage. À l’occasion de la précédente réforme des retraites, le COR avait évoqué un taux de 5 ou 6 %. Avec un taux de chômage ramené à 7,5 %, nous nous dirigions dans la bonne direction et, sans cette crise, nous serions probablement descendus encore plus bas. Mais, la France est encore très mauvaise en ce qui concerne les jeunes et les seniors. L’action menée en faveur de l’alternance va dans le bon sens. Objectivement, malgré les accords qui leur sont destinés, ce sont les seniors qui souffrent le plus aujourd’hui. J’aurais du mal à confirmer le taux de 4,5 % ; pour l’atteindre, il nous faudrait rester « bons » sur la population de vingt-cinq à quarante-neuf ans et progresser nettement en ce qui concerne les jeunes et les seniors.

Nous avons remis sur pied des comités de chômeurs à l’échelon territorial. Ils doivent se réunir chaque trimestre et je les rencontre deux fois par an. Nous avons conclu un partenariat structurant avec le Mouvement national des chômeurs et des précaires. Le dialogue est un peu plus compliqué avec Agir ensemble contre le chômage (AC !).

Les 919 agents de l’AFPA sont arrivés au Pôle emploi le 1er avril. L’insertion s’est bien passée jusqu’ici, dans un climat social relativement apaisé. Quelques difficultés touchant à l’informatique ou aux locaux demeurent cependant. Les psychologues du travail peuvent jouer un rôle important pour sécuriser les parcours professionnels, pour conforter les projets de formation ou de transition professionnelle, mais ils ne doivent pas constituer un point de passage obligatoire pour l’entrée en formation. Nous vérifierons dans les prochains mois la qualité de leur insertion, car nos deux cultures diffèrent.

Comme chaque année, nous avons mené une enquête sur les besoins en main-d’œuvre, mais nous avons élargi le spectre des entreprises interrogées et cherché à mieux connaître l’évolution des métiers à l’horizon de trois ou quatre ans. Certains bassins recrutent davantage et d’autres redémarrent doucement, notamment dans le Sud ou en Lorraine, ce qui traduit un début de reprise économique. Nous constatons aussi, depuis six ou sept mois, une progression du nombre d’intérimaires : il est remonté à environ 550 000, alors qu’il avait chuté jusqu’à 340 000. Mais, ce mouvement reste très incertain. Les entreprises éprouvent beaucoup de difficulté à imaginer l’évolution à moyen terme des métiers de leur secteur ; nous devons travailler, avec les organismes professionnels et les structures d’expertises, comme le Centre d’analyse stratégique, sur les métiers de demain et les formations correspondantes.

Monsieur Rolland, la signature de conventions avec les conseils généraux permet à ceux-ci d’accéder aux dossiers uniques. Toutefois, le décret relatif à la transmission des données personnelles des bénéficiaires du RSA exclut les adresses ; nous avons demandé une rectification et un projet de nouveau décret est en préparation.

Le plan « Rebond pour l’emploi » est compliqué, car les demandeurs d’emploi potentiellement en fin de droits sont nombreux : un million, contre 850 000 en 2008. Ce plan s’adresse aux personnes qui ne sont éligibles ni à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ni au RSA, dans la mesure où leur conjoint travaille et gagne un peu d’argent. On leur propose soit un emploi aidé, soit une formation rémunérée, soit encore, à défaut, à partir du 1er juin prochain, une allocation de rebond vers l’emploi. Cela constitue une charge d’indemnisation et d’accompagnement non négligeable pour Pôle emploi, mais c’est le moins que nous puissions faire en faveur de concitoyens vivant des situations extrêmement difficiles. Mais, il faut éviter le paradoxe qui nous amènerait à en faire plus pour ceux qui sont un peu trop riches pour avoir le RSA et moins pour ceux qui bénéficient de celui-ci.

Madame Iborra, la loi nous a confié des missions extrêmement étendues et nous avons procédé par étapes. Le travail en direction des actifs occupés fait certes partie de ces missions, mais j’ai considéré que ce n’était pas la première des priorités ; nous nous sommes intéressés avant tout aux chômeurs. D’autre part, des entreprises sollicitent notre aide en matière de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, pour les recrutements externes comme pour la mobilité interne. Je mets un peu le frein car, si nous disposons aujourd’hui d’un socle solide, nous n’arriverons pas à tout faire tout de suite.

J’avoue avoir été extrêmement surpris par la démission du médiateur. Son rapport n’a fait l’objet d’aucune demande de modification de la part du président du conseil d’administration ou du directeur général, car ce rapport était parfait et me convenait parfaitement. Il y formulait des propositions intéressantes et mettait l’accent sur des vérités : nos courriers sont trop administratifs et trop brutaux, les conditions dans lesquelles nous suspendons les allocations en cas de suspicion de fraude ne sont pas forcément très raisonnables. En outre, il tordait le cou à la polémique relative aux radiations, en soulignant que ces dernières ne motivaient pas la majorité des requêtes reçues par son service. J’ai simplement émis des réserves sur des formulations laissant entendre que nos agents manquaient de bon sens et d’humanité. Ce rapport a été présenté au conseil d’administration, puis à la presse. Sur les six propositions formulées, quatre relèvent de la compétence des partenaires sociaux dans le cadre de la convention d’assurance chômage et deux de la nôtre : l’une relative aux courriers, l’autre aux suspensions en cas de suspicion de fraude. Des groupes de travail ont été mis sur pied pour y répondre et j’espère que nous pourrons aboutir dans les prochaines semaines sur le second sujet. Le problème des courriers est beaucoup plus compliqué, car il en existe 350 et ils résultent de fusions entre des fichiers informatiques et des fichiers papier. Si l’on oublie de cocher la case « motif de radiation », celui-ci reste en blanc dans la lettre adressée au demandeur radié.

Quant aux moyens alloués au médiateur, le service de la médiation dispose de trente-cinq à quarante collaborateurs, dix au niveau national plus un – parfois deux ou trois – dans chaque région, ce qui n’est pas ridicule au regard de ce qui se pratique ailleurs dans des organismes de taille comparable. J’avais du reste prévu de créer deux postes supplémentaires au budget 2010. J’ai découvert la lettre de démission du médiateur sur ma messagerie, un soir, alors qu’il ne m’en avait jamais parlé. Je regrette qu’il ait communiqué avec excès, car il met en cause la maison dans laquelle il a travaillé durant un an. Bref, il cherche à poursuivre une carrière médiatique plutôt qu’une carrière de médiateur. Mon seul souci est de trouver quelqu’un pour le remplacer ; nous sommes en train de recruter quelqu’un, plusieurs profils sont disponibles et j’espère pouvoir proposer un nom lors de la réunion du conseil d’administration du 15 juin.

M. Bernard Perrut, président. Monsieur le directeur général, je vous remercie d’avoir répondu à nos nombreuses questions. Les attentes vis-à-vis de Pôle emploi sont immenses. J’émets le souhait qu’il puisse y répondre, en s’adaptant au mieux aux réalités locales.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné M. Fernand Siré membre des missions d’information sur la formation des auxiliaires médicaux, sur les missions et l’action de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes, en remplacement de Mme Isabelle Vasseur.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 18 mai 2010 à 17 heures

Présents. – M. Élie Aboud, Mme Véronique Besse, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Guy Delcourt, M. Dominique Dord, Mme Laurence Dumont, Mme Cécile Gallez, M. Jean-Patrick Gille, Mme Anne Grommerch, M. Michel Heinrich, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Régis Juanico, M. Jean-Claude Leroy, M. Pierre Méhaignerie, M. Roland Muzeau, Mme Marie-Renée Oget, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, M. Simon Renucci, M. Jean-Marie Rolland, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean Ueberschlag, M. Francis Vercamer

Excusés. – M. Jean Bardet, M. Pierre Cardo, M. Georges Colombier, M. Jean-Pierre Door