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Commission des affaires sociales

Mercredi 26 mai 2010

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Jean-Luc Préel, Vice-Président

– Examen du rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur le fonctionnement de l’hôpital (M. Jean Mallot, rapporteur)

– Informations relatives à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 26 mai 2010

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Jean-Luc Préel, vice-président de la commission)

La Commission des affaires sociales examine le rapport d’information de M. Jean Mallot en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur le fonctionnement de l’hôpital.

M. Jean-Luc Préel, président. Nous examinons aujourd’hui le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, qui est un organisme très important dont j’ai pu apprécier les travaux, sur le fond et sur la forme, qui ont permis de dresser un bilan exhaustif du fonctionnement de l’hôpital et de ses difficultés.

M. Jean Mallot, rapporteur. À travers ce rapport, qui a été intitulé « Mieux gérer pour mieux soigner », la MECSS s’est intéressée au fonctionnement de l’hôpital, ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait que ce secteur représente environ la moitié des dépenses d’assurance maladie. Ces travaux interviennent dans le contexte de l’application progressive de la tarification à l’activité depuis 2004 et de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et au territoire, deuxième élément structurant, qui n’est toujours pas complètement en application puisque tous les textes réglementaires n’ont pas été publiés, même si les agences régionales de santé ont été mises en place, le 1er avril 2010. À cet égard, la mission d’évaluation et de contrôle a considéré qu’il s’agit d’une loi de la République et qu’il ne convenait donc pas de refaire le débat sur ses dispositions ; il sera temps, dans deux ou trois ans, d’en faire l’évaluation et de voir notamment si certaines craintes étaient justifiées. Les travaux de la mission d’évaluation s’inscrivent donc dans ce cadre législatif.

La MECSS a, par ailleurs, suivi une méthode un peu nouvelle, en s’intéressant à un cas particulier, le Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, qui a été choisi pour plusieurs raisons, et notamment parce qu’après l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, il s’agit du plus gros centre hospitalier d’Île-de-France, résultant d’une fusion de deux établissements, intervenue en 1997, qui n’a jamais vraiment été appliquée, et qu’il concentre plusieurs dysfonctionnements liés notamment à des manquements humains, à des insuffisances des outils de pilotage et du système de facturation et même à des irrégularités aux règles régissant les marchés publics. Son déficit représentait, en 2007, environ 17 % du budget annuel, ce qui constitue une forme de record.

Cet établissement fait l’objet de quatre démarches : une procédure interne de redressement de ses comptes, une démarche judiciaire – le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ayant, après avoir constaté que sur un échantillon de dix-neuf marchés publics étudiés de manière approfondie par une mission d’inspection qu’il avait diligenté, quinze marchés étaient entachés d’irrégularités, saisi le Procureur de la République en novembre dernier – , une mission en cours de l’Inspection générale des affaires sociales et les travaux de la MECSS.

Nous avons essayé d’identifier des caractéristiques de gestion communes à d’autres établissements et les spécificités du Centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. En vue de formuler des préconisations visant à améliorer le fonctionnement des établissements publics hospitaliers, nous avons entendu en particulier des représentants de la Cour des comptes, d’autres établissements de santé, d’agences – en particulier, la Haute Autorité de santé et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux – des représentants du personnel ainsi que de l’Inspection générale des affaires sociales.

Il convient tout d’abord de rappeler que le service public hospitalier représente les deux tiers de l’activité hospitalière et que le secteur privé représente environ la moitié de l’activité de chirurgie et que l’activité hospitalière est marquée par la diminution de la durée moyenne des séjours. Enfin, les établissements publics de santé s’inscrivent dans un cadrage financier visant un retour à l’équilibre en 2012. Le déficit des établissements publics de santé représente environ 500 millions d’euros et environ 1 % des produits, ce qui n’est pas gigantesque au regard de l’inversion de tendance constatée en 2008. A priori, cet objectif ne paraît pas hors de portée. Mais, aujourd’hui, cet objectif de retour à l’équilibre s’inscrit dans un contexte budgétaire peu porteur de déficit de l’Assurance maladie, qui devrait être supérieur à dix milliards d’euros cette année, et des perspectives pessimistes d’évolution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). On peut donc légitimement s’interroger sur la réalisation de l’objectif fixé de retour à l’équilibre de tous les établissements en 2012. Si l’évolution de l’ONDAM est insuffisante, les hôpitaux seront placés dans une situation intenable.

Par ailleurs, si l’objectif ultime est d’assurer des soins de qualité, on ne peut se désintéresser de leur coût et il convient, en conséquence, de chercher à améliorer l’efficience médico-économique des établissements. À cet égard, on peut rappeler que si, en 2008, 40 % des établissements demeuraient en déficit, les centres hospitaliers régionaux et universitaires concentraient 70 % du déficit global. Par ailleurs, l’augmentation de l’endettement des établissements fragilise leur situation financière.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2009, la Cour des comptes a fait apparaître des disparités dans la répartition des moyens pour produire les soins, qui varie par exemple de 1 à 5 en maternité, de 1 à 8 pour la chirurgie orthopédique et jusqu’à 1 à 10 en pneumologie dans l’échantillon des établissements ayant fait l’objet de son étude. Deux questions se posent alors. Ces différences sont-elles justifiées ? Quel est leur impact sur la qualité du service médical rendu ?

S’agissant des préconisations, qui concernent un secteur d’activité essentiel et vaste, il convient tout d’abord d’améliorer le pilotage médico-économique des établissements. Au niveau national, des réformes ont été engagées. Ainsi, la création de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) marque une volonté de sortir de « l’hospitalo-centrisme », mais il est encore nécessaire de clarifier les compétences de la nébuleuse d’organismes qui gravitent autour d’elles, tels que l’Agence des systèmes d’information partagés (ASIP Santé), l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, le conseil général des établissements de santé et l’Inspection générale des affaires sociales qui font tous de l’audit mais qui sont amenés, tellement l’organisation est complexe, à devoir passer entre eux des conventions de partenariat pour coordonner leurs actions. Leurs travaux doivent notamment consister à élaborer des référentiels de bonne pratique, rendus obligatoires et opposables.

Par ailleurs, la loi du 21 juillet 2009 a institué, à l’échelon régional les agences régionales de santé qui ont un rôle important à jouer pour diffuser les bonnes pratiques organisationnelles, qui peuvent être mises en place dans certains établissements, mais que le système semble avoir du mal à transposer dans d’autres établissements. Par ailleurs, la MECSS souhaite que les renouvellements des personnels de direction des établissements soient l’occasion de recourir à de nouveaux profils de directeurs et que la formation des directeurs soit améliorée, afin de développer la culture de l’efficience médico-économique. Il semble, en outre, que la communauté médicale n’est pas suffisamment associée au pilotage médico-économique des établissements. Là aussi, il y a une culture d’efficience médico-économique à diffuser et un effort de formation à faire.

La mise en place de pôles doit, par ailleurs, être accompagnée d’une véritable délégation de gestion et les pôles doivent disposer d’outils de pilotage performants. De manière plus générale, il est étonnant de voir que, même avec la nouvelle donne que constitue la tarification à l’activité, beaucoup d’établissements n’ont toujours pas de système de comptabilité analytique efficace et ne disposent pas des outils leur permettant de se comparer. D’une certaine manière, c’est un peu comme un automobiliste qui devrait respecter une limitation de vitesse mais qui n’aurait pas de compteur dans sa voiture !

Une autre voie d’amélioration concerne les systèmes d’information, qui ne sont en général pas interopérables, ce qui complique le pilotage des établissements. Par ailleurs, il faut absolument soulager les urgences hospitalières, en réorganisant la permanence des soins et en développant la médecine ambulatoire.

Il y a également des progrès importants à réaliser en matière de gestion des capacités, c’est-à-dire des lits. En outre, le développement de la chirurgie ambulatoire, qu’il faut encourager, va pousser à la restructuration de l’offre hospitalière. Elle correspond au souhait des patients et constitue un progrès en terme de qualité des soins, mais elle ne représente en France que 32 % de l’activité de chirurgie, contre 78 % au Danemark et 79 % en Grande-Bretagne. Il convient d’accompagner ce mouvement concernant les personnels mais aussi les patients afin d’éviter d’accroître les inégalités d’accès aux soins en raison des inégalités sociales, la compréhension du système de soins étant plus difficile pour les personnes défavorisées.

Il apparaît aussi nécessaire de mettre en place des référentiels de prescription des médicaments ainsi que des examens de biologie et de radiologie, afin d’améliorer la qualité et la pertinence des soins. Car, avec la tarification à l’activité, les établissements sont, par nature, incités à accroître leur activité et l’on peut craindre que des établissements en arrivent à faire des actes dont l’utilité serait contestable. Afin d’éviter un tel effet pervers, la Haute Autorité de santé a préconisé de mieux financer la qualité des soins. Cette position est soutenue par la MECSS.

Il convient, par ailleurs, d’améliorer la lisibilité du parcours de soins et de mettre en place à cet effet un référent qui accompagne chaque patient dans son parcours, de promouvoir le développement de la télémédecine et de l’hospitalisation à domicile ainsi que l’amélioration de la chaîne de facturation et de recouvrement. Il suffit de comparer le déficit des établissements publics hospitaliers, qui représente 1 % des produits, au taux de 5 % de sous-facturation que l’on observe dans certains établissements, sans parler du cas particulier du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, pour comprendre la nécessité d’améliorer le recouvrement des recettes résultant des tarifs par les établissements.

Je poursuivrai mes propos par quelques remarques sur la tarification à l’activité (T2A). Elle a des effets structurants et permet, certes, de sortir de l’ancien système de financement par dotation globale en basant désormais le financement sur des tarifs correspondant à la réalité des actes effectués, mais cette tarification possède un caractère inflationniste, puisqu’elle pousse à l’activité. En outre, elle ne garantit pas l’efficience médico-économique et n’est toujours pas stabilisée, puisque nous en sommes à la onzième version des tarifs et que chaque changement de version nécessite une adaptation des agents chargés de l’appliquer. Se pose, en outre, le problème de la part du tarif par rapport à la part du financement par les dotations au titre des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC). En effet, ces dotations, dédiées au financement des missions d’intérêt général de l’hôpital public, tels que la permanence des soins, les services d’urgences, la recherche, l’enseignement, la prise en charge des populations en état de précarité, selon leur évolution, déforment en effet le système de financement des établissements, puisque, à enveloppe constante, plus les MIGAC augmentent, plus la part tarifaire diminue, et plus la part, soi-disant exacte, des tarifs perd de l’importance. Ce paradoxe est inhérent au nouveau système de financement. La T2A ne garantit pas non plus l’accessibilité géographique des soins. Le risque existe même qu’elle accentue les déséquilibres territoriaux. Enfin, se pose la question de savoir si elle doit s’appuyer sur des tarifs reflétant strictement et au centime d’euro près les coûts des prestations fournies ou si elle doit constituer un outil de pilotage du système, par exemple pour développer la chirurgie ambulatoire. À titre personnel, je pense que la fixation des tarifs doit, certes, partir des coûts réels constatés, mais que la T2A doit également être un outil d’orientation de l’activité hospitalière.

En outre, la tarification à l’activité ne doit pas être un frein à l’amélioration de la qualité des soins. La Haute Autorité de santé a, certes, proposé l’institution d’une dotation MIGAC dédiée à l’amélioration de la qualité des soins, mais il convient de veiller à ce que l’application de la T2A ne conduise pas à des dérives. Il faut notamment assurer la pertinence de chacun des actes et éviter que la T2A n’incite à les multiplier inutilement. Il faut aussi éviter que la T2A ne conduise à privilégier les activités les plus rentables et à sélectionner les patients ou à optimiser le codage, c’est-à-dire à favoriser le choix par le médecin qui réalise l’acte du code qui rapportera le plus lorsqu’il existera une ambiguïté entre deux codes. Il faut donc développer les travaux d’analyse sur les éventuels effets pervers de la T2A, afin de pouvoir, le cas échéant, les corriger. Des progrès peuvent certainement être accomplis dans ce domaine.

En ce qui concerne la question de la convergence des tarifs des établissements, il faut rappeler que l’application de la tarification à l’activité aux établissements publics s’est accompagnée de la mise en place de deux processus de convergence : d’une part la convergence intrasectorielle, qui consiste à faire converger les tarifs des établissements de chacun des secteurs, publics d’un côté et privé de l’autre, d’autre part la convergence intersectorielle, qui vise à faire converger les tarifs du secteur public vers ceux du secteur privé. La convergence intrasectorielle ne suscite pas de débat. Elle est logique et cohérente, puisque les établissements obéissent, au sein de leur secteur, aux mêmes règles. En revanche, la convergence intersectorielle suscite des débats et des oppositions, dans la mesure où les établissements n’ont pas les mêmes modes de fonctionnement, ne répondent pas à la même logique, ne se sont pas vus assignés par le législateur les mêmes objectifs, ni les mêmes missions, même si la loi du 21 juillet 2009 a porté « un coup de canif » à la compétence quasi exclusive des établissements hospitaliers publics pour accomplir les missions de service public de santé en ouvrant le droit d’en exercer aux établissements privés qui le souhaitent. Ce fut d’ailleurs, au moment de la discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale, un sujet de vifs débats entre la majorité et l’opposition, auxquels votre rapporteur a notamment participé activement pour s’opposer à cette évolution. Il reste que, à la différence des établissements publics, les établissements privés ne sont pas tenus d’accomplir les missions de service public. Les établissements du secteur privé ont donc des coûts de production des soins moins importants. C’est une autre source de difficulté pour réaliser la convergence tarifaire entre les secteurs. En outre, le secteur privé répond à des objectifs de rentabilité du capital et la comptabilisation des charges et des rémunérations des médecins s’effectue dans des conditions différentes dans le secteur public et dans le secteur privé. Partant de ce constat, dont il faut, comme je viens de le faire, expliquer les causes, le principe de la convergence apparaît discutable et il serait préférable, plutôt que de rechercher une convergence des tarifs, de s’orienter vers une mise en cohérence des règles de financement des deux secteurs. Il convient d’ailleurs de noter que ladite convergence a déjà été reportée à 2018, ce qui est une bonne chose, et pour ma part je pense que c’est un objectif qui ne pourra pas être réalisé.

Je terminerai ma présentation des préconisations, par trois points d’inégale importance. Afin d’améliorer la gestion du patrimoine immobilier hospitalier, il faut d’abord procéder à un inventaire de ce patrimoine que, aujourd’hui, l’on connaît très mal. Il serait d’ailleurs intéressant de réfléchir à la création d’un office public national de gestion du patrimoine immobilier hospitalier. Il faut voir si cela pourrait permettre d’aider les établissements à réaliser des progrès dans ce domaine.

Le coût des ressources humaines dans les hôpitaux publics est considérable, puisqu’il représente près de 70 % des charges d’exploitation. Pour autant, il ne faut pas en déduire qu’il suffit de réduire les frais de personnel pour réduire les déficits. Une telle attitude constituerait une erreur, surtout si cela conduisait à offrir un service médical rendu de moindre qualité. La collectivité n’y aurait rien gagné. Il faut, au contraire, développer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, rendre les carrières médicales et non médicales plus attractives, améliorer les conditions de travail en associant davantage le personnel aux évolutions et réorganisations des établissements. L’application des référentiels de bonne pratique et l’amélioration du dialogue social doivent faciliter les évolutions. La prise en compte de l’intérêt des personnels et l’amélioration de leurs conditions de travail ne s’opposent pas à l’amélioration de l’efficience médico-économique ; au contraire, les deux objectifs sont complémentaires. Il y a d’ailleurs beaucoup de progrès à accomplir pour améliorer le dialogue social dans les établissements.

En conclusion, je souhaite que la MECSS assure le suivi de l’application des 46 propositions assez précises présentées dans le rapport et qu’il soit proposé à la ministre en charge de la santé de venir s’exprimer devant nous sur ce sujet, dans quelques mois. En conclusion de cette présentation générale, je veux rappeler que la MECSS, tout au long de ses travaux, a eu pour seul objectif de déterminer les solutions pouvant permettre d’améliorer la santé de nos concitoyens et l’efficience médico-économique des établissements publics hospitaliers.

M. Jean-Luc Préel, président. Je remercie le rapporteur de sa présentation synthétique d’un rapport extrêmement riche, qui concerne un sujet essentiel. La lecture de ce rapport permet, en effet, à partir de l’exemple d’un établissement cumulant de nombreuses difficultés, d’appréhender la situation de l’ensemble des établissements hospitaliers privés et publics. Le rapport présente, en effet, de nombreuses données statistiques intéressantes concernant par exemple l’évolution du nombre d’entrées dans les établissements et les durées moyennes de séjours, ainsi que des éléments d’information tout aussi intéressants sur certains dysfonctionnements ou insuffisances, notamment en ce qui concerne les outils de pilotage et de gestion, que l’on peut retrouver dans certains établissements hospitaliers. Le rapport insiste en particulier sur la nécessité d’assurer un recrutement plus ouvert de dirigeants d’établissements plus polyvalents et mieux formés pour exercer leurs missions. Le rapport présente 46 propositions et on pourrait même encore en ajouter d’autres.

M. Pierre Morange. Je salue la qualité exceptionnelle de ce rapport qui répond au souhait exprimé par la MECSS de produire un document de synthèse, établi à partir de l’examen « de terrain » d’un établissement hospitalier placé dans une situation financière particulièrement dégradée, et présentant des conclusions pouvant concerner tous les établissements. Le rapport effectue une analyse du fonctionnement des établissements hospitaliers et formule des préconisations de portée générale. Après un rappel des fondamentaux – un hôpital est fait pour produire de la santé –, le rapport fait apparaître que toutes les problématiques constatées dans divers exemples précis se retrouvent dans les autres établissements de soins et que les logiques de contractualisation, de mutualisation et de recherche de la meilleure efficience médico-économique des hôpitaux au service de la santé de nos concitoyens permettent, à l’intérieur du cadre défini par la loi du 21 juillet 2009, d’améliorer les résultats en matière de gestion des ressources humaines, techniques et financières. Nous avons constaté, à de nombreuses reprises, que l’analyse du fonctionnement interne de l’hôpital est marquée par une mosaïque d’expériences réussies, mais qu’il faut, grâce à un effort renforcé de pédagogie, mieux les diffuser et les faire partager par l’ensemble des établissements. Il est, en effet, nécessaire de développer la culture de l’amélioration de l’efficience médico-économique. Je rappelle que le rapport, enrichi de la contribution de certains membres de la MECSS appartenant au groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du parti de gauche, a été voté à l’unanimité des membres de la mission d’évaluation et de contrôle. Celle-ci assurera le suivi de ses préconisations et souhaite traduire celles-ci en initiatives législatives, par exemple sous la forme d’amendements qui pourraient être soutenus par l’ensemble des membres de la MECSS, voire de l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales. Il faut rappeler que l’objectif de la MECSS est d’améliorer la réponse aux besoins de santé de nos concitoyens.

M. Bernard Perrut. Je salue la qualité du travail réalisé par la MECSS, dont témoigne notamment le nombre important d’heures d’auditions effectuées. Il faut en particulier féliciter ses coprésidents, Jean Mallot et Pierre Morange. Le rapport montre que, quelles que soient les convictions de chacun, tous peuvent se retrouver sur une analyse commune et c’est en cela qu’il est intéressant. À partir d’une analyse très précise du système hospitalier, ce rapport établit un certain nombre de constats sur les établissements tant publics que privés, qui sont au demeurant complémentaires. En qualité d’élus locaux, nous faisons, tous les jours, ces mêmes constats sur le terrain. Il est vrai que les différences qui peuvent exister entre les différentes catégories d’établissements peuvent permettre d’assurer un meilleur accueil des patients et un exercice différencié et spécialisé dans les différentes disciplines médicales. Mais, ce rapport va encore beaucoup plus loin grâce aux propositions qu’il comporte et qui reposent sur l’analyse de fortes évolutions, comme la réduction de la durée moyenne des séjours et l’augmentation de l’activité ambulatoire. Il développe également une véritable dimension économique, que j’apprécie beaucoup, et qui se traduit par la question suivante : comment mieux gérer pour bien soigner ? C’est là une évolution significative vers une stratégie de la performance médico-économique hospitalière. Dans cette logique, le rapport préconise de mettre en place de nouveaux instruments de pilotage et de mobiliser sur ce thème les agences régionales de santé, dont il est sans doute trop tôt pour mesurer l’efficacité dans ce domaine. Le rapport demande que des objectifs leur soient fixés en matière d’appui et de conseil aux établissements, de renforcement du dialogue de gestion et de redressement des établissements déficitaires. Celan étant, je souhaiterais présenter quelques autres observations et poser plusieurs questions :

– Quelle sera l’incidence du vieillissement de la population et de l’augmentation du nombre de personnes dépendantes sur les structures hospitalières ? Avez-vous pu mesurer si elles conduiront à une hausse du recours aux soins hospitaliers ? Comment les établissements publics et privés pourront-ils y faire face ?

– La répartition territoriale des établissements est-elle équilibrée ? C’est un problème que nous rencontrons et sur lequel nous travaillons en liaison avec la constitution des communautés hospitalières de territoires ?

– Quel constat peut-on faire s’agissant de la généralisation des bonnes pratiques dans les établissements ? Ces dernières peuvent se traduire directement dans des améliorations de leur gestion ; par exemple, l’ouverture des fonctions de direction à d’autres corps de fonctionnaires et à des non-fonctionnaires, l’intéressement aux résultats, qui est déjà mis en place pour les directeurs et qui devrait être étendu à tous les personnels, comme je l’ai moi-même fait dans mon département, au Centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. De même, devraient être plus souvent mises en place des politiques de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi qu’un projet social. Cela peut permettre d’organiser les vacances d’été du personnel, de mieux prendre en compte les contraintes de conciliation de la vie privée et de la vie familiale des salariés qui ont des enfants à charge, de mettre en place des procédures d’écoute des personnes subissant une souffrance au travail. Tous les établissements hospitaliers ont-ils mis en place un tel projet social ?

– L’encombrement des urgences nous interroge. Que faudrait-il faire pour les soulager ? Le développement des maisons médicales de garde, l’amélioration de la répartition des médecins sur le territoire et le renforcement du rôle de la médecine libérale, suffiront-ils ? Avez-vous envisagé d’autres réponses à ce problème ?

– Où en est le développement des groupements d’achats hospitaliers ? Sachant qu’ils permettent de sérieuses économies sur les achats hospitaliers, on peut s’interroger sur les différences de prix pratiquées pour l’achat de produits identiques par des établissements différents, selon leur situation géographique.

– L’hospitalisation à domicile, encore insuffisante et inégalement répartie, doit être développée en liaison avec les associations d’aide et de soins à domicile, ainsi qu’avec les infirmières et les médecins libéraux, et toutes les structures qui doivent être mieux coordonnées. Il faut aussi répondre aux difficultés que rencontrent les associations d’aide à domicile.

– Les relations avec les usagers doivent également être améliorées, notamment l’information sur leur parcours de soins, mais aussi sur les coûts des hospitalisations. Il n’est pas normal qu’une personne arrivant à l’hôpital n’en ait pas connaissance. Toute personne doit pouvoir savoir à quoi s’attendre, savoir que la santé a un coût et un prix et je me félicite de ce que, dans ma circonscription, l’hôpital de Villefranche-sur-Saône fournisse de telles informations à ses patients en les affichant sur un tableau, à l’entrée de l’établissement. En outre, il conviendrait d’améliorer la prise en charge des patients à la sortie de l’établissement hospitalier et, plus précisément, des personnes âgées isolées qui doivent être accueillies à leur sortie de l’hôpital dans un établissement de soins de suite et de réadaptation.

Saluant de nouveau la qualité du rapport présenté par Jean Mallot, je souhaite vivement que soit assuré le suivi de ses préconisations et que le plus grand nombre d’entre elles soient appliquées.

M. Jean-Luc Préel, président. Nous apprécions les remarques pertinentes de Bernard Perrut qui démontrent sa compétence en la matière et ses capacités d’analyse et de synthèse. Les établissements hospitaliers ont pour mission de procurer des soins aux patients dans les meilleures conditions de pilotage médico-économique possibles. Leur déficit budgétaire, qui s’accroissait régulièrement jusqu’en 2007, du fait principalement des centres hospitaliers universitaires, a diminué de près de 20 % en 2008. Or, si le taux d’augmentation de l’ONDAM diminue, l’équilibre financier des établissements ne sera pas atteint en 2012. Il faudra donc être particulièrement attentif à l’évolution de l’ONDAM hospitalier dans les prochaines années.

M. Dominique Tian. Je participais tout à l’heure à un débat avec M. Raoul Briet qui est un spécialiste de la sécurité sociale. Ce dernier rappelait que la France est le pays où les dépenses de santé sont les plus élevées, mais qu’elles ne produisent pas nécessairement un meilleur résultat en termes de santé publique que dans les autres pays. Cela doit nous faire réfléchir. Je tiens à féliciter Jean Mallot pour cet excellent rapport, qui souligne notamment la complémentarité entre les établissements de santé publics et privés. Les établissements publics représentent 149 000 lits, les établissements privés à but non lucratif 18 000 lits et les établissements privés à but lucratif 56 000 lits. Comme l’explique le rapport, si la dégradation de la situation financière des hôpitaux s’est ralentie en 2008, une clinique privée sur quatre déclare des pertes. Aussi, entre 1997 et 2006, sur les 276 services de chirurgie qui ont été fermés, 200 ont été fermés dans les cliniques à but lucratif.

M. Jean-Luc Préel, président. La rentabilité financière des établissements privés n’est quand même pas nulle !

M. Dominique Tian. Le nombre de cliniques privées ayant une activité de médecine, chirurgie et obstétrique a diminué de 40 % entre 1998 et 2005. Ce secteur a donc connu de nombreuses restructurations.

Le rapport adopte la logique de l’efficience médico-économique, ce que j’approuve en raison des écarts importants persistants entre les coûts de production des soins, selon les établissements. En revanche, et c’est la seule divergence que j’ai avec l’ensemble des propositions du rapport, proposer le report de la convergence intersectorielle à 2018 ne me paraît pas une bonne orientation. Cela est de nature à retarder l’analyse des causes objectives des écarts de coûts de production des soins entre les établissements du secteur public et ceux du secteur privé. Cependant, je veux enfin remercier à nouveau Jean Mallot pour son remarquable rapport.

M. Jean Mallot, rapporteur. Je souhaite donner quelques éléments complémentaires. Une contribution de Jacqueline Fraysse, membre de la MECSS et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du Parti de gauche qui apporte des nuances à notre propos, sera annexée au rapport.

M. Pierre Morange. J’ajoute que conformément à la tradition de la MECSS consistant à mener ses travaux en toute transparence, le compte rendu de l’audition de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui s’est tenue à huis clos, à sa demande, jeudi dernier, sera publié après la fin de la procédure contradictoire en cours entre la mission d’inspection et le Centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, qui fait l’objet du contrôle, et donc après l’établissement du rapport définitif de l’inspection.

M. le rapporteur. L’espérance de vie augmente, ce qui constitue une réalité heureuse, car l’on vit plus âgé et en relative meilleure santé. Notamment en raison de l’amélioration des techniques médicales, l’augmentation de la demande de soins ne devrait pas être proportionnelle au vieillissement de la population. Cependant, afin de limiter l’impact du vieillissement de la population, il faudra diversifier les modalités de prises en charge des patients. Il s’agira en particulier de développer l’hospitalisation à domicile et d’améliorer la coordination des soins et des prises en charge. L’évolution future de la demande de soins peut donc être maîtrisée.

Le système hospitalier ne peut garantir sans pilote un égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire. La tarification à l’activité ne permettant pas, à elle seule, d’assurer cette égalité, les agences régionales de santé doivent utiliser les leviers dont elles disposent pour y parvenir, en tous points du territoire. En outre, l’organisation territoriale de l’offre de soins, comme d’ailleurs l’organisation interne des établissements, doit être établie en réponse à un projet médical, élaboré en fonction des besoins de santé des populations, pour éviter aux établissements de se retrouver dans une situation dégradée, comme celle qui est, encore aujourd’hui, constatée au Centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

Le rapport aborde la question de la souffrance au travail dans les hôpitaux, notamment dans sa proposition n° 46. Les conditions de travail des personnels sont effectivement très difficiles, en particulier à cause de la confrontation permanente avec la maladie. Afin de limiter ce risque, les personnels doivent être mieux associés aux évolutions des établissements et mieux accompagnés, notamment grâce à un effort accru de formation professionnelle, dans leurs possibilités de mobilité et d’évolutions de carrière.

Les urgences hospitalières connaissent des difficultés évidentes. La réforme du système de financement peut, à cet égard, résoudre une partie du problème. On peut citer par exemple l’ancienne tarification à l’activité qui incitait à accueillir les patients. Le basculement actuel vers un système de dotations constitue une évolution positive. Les agences régionales de santé doivent néanmoins travailler à la réorganisation de la permanence des soins. Je pense également que des économies peuvent être réalisées grâce aux groupements d’achats.

Si l’on veut développer l’hospitalisation à domicile, il faut tout d’abord accroître la lisibilité du système et la coordination des acteurs. Il est surprenant que, parfois, ce soit le patient qui doive organiser lui-même son hospitalisation à domicile. De plus, nombre de nos concitoyens, isolés ou en situation de précarité, n’ont pas les moyens d’être hospitalisés chez eux dans de bonnes conditions.

Les relations avec les usagers peuvent être améliorées, grâce à la diffusion d’informations en ligne, sur le coût des prestations par exemple, et par un meilleur accompagnement des patients dans leur parcours de soins y compris après leur sortie de l’établissement. Il est proposé la création d’un référent coordinateur de soins pour accompagner chaque patient dans son parcours.

Je tiens à rappeler à notre collègue Dominique Tian que si les cliniques privées ont connu des pertes et des restructurations, leurs activités demeurent rentables.

Le retour à l’équilibre financier des établissements hospitaliers serait théoriquement possible en cinq ans, si les déficits continuaient de diminuer de 20 % chaque année. Mais cela suppose le maintien de l’évolution de l’ONDAM à un niveau suffisant pour financer les activités des établissements. À défaut, cet objectif sera difficile à atteindre. Si l’État accorde toujours les mêmes moyens aux hôpitaux, il est vrai que ces efforts de résorption du déficit de l’Assurance maladie devront être recherchés dans les autres types de dépenses .

Pour améliorer les pratiques professionnelles, la communauté médicale doit être davantage et mieux associée à la vie de l’établissement. Or, la loi du 21 juillet 2009, qui a centralisé le pouvoir de décision dans les mains du directeur, n’a pas promu cette orientation. Nos propositions visent à corriger ce travers de la loi. Le renforcement de l’implication de la communauté médicale suppose notamment que les médecins utilisent davantage les référentiels définis par les organismes spécialisés et assurent le codage des actes « au lit du malade », à la source du soin.

M. Jean-Luc Préel, président. Il faut méditer ce rapport, notamment son chapitre sur les déficits et l’endettement des établissements qui est particulièrement intéressant. En raison des investissements importants qu’ils ont engagés, certains établissements peuvent aujourd’hui se trouver en difficulté pour assumer la charge financière du remboursement des emprunts et les coûts de fonctionnement. Il faut d’ailleurs regretter la présence insuffisante de gestionnaires dans les conseils de surveillance pour permettre à ceux-ci de pouvoir exercer correctement leur mission. On peut d’ailleurs se demander comment faire pour améliorer les compétences en gestion des médecins qui font déjà en général quatorze années d’études. Les 46 propositions de cet excellent rapport donneront certainement lieu à de nombreux amendements qui les concrétiseront.

La commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

M. Roland Muzeau. J’apprends que les travaux de la mission d’information sur les risques psychosociaux au travail ont été suspendus jusqu’à l’élection partielle organisée à la suite de l’invalidation du rapporteur, Jean-Frédéric Poisson. Cela signifie que la mission ne pourra pas achever ses travaux au cours de cette session, malgré le temps et l’investissement que ses membres y ont consacré. C’est inacceptable d’autant que nous avions proposé une autre solution, qui consistait à confier le rôle de rapporteur à Mme Marisol Touraine, présidente de la mission. C’est d’autant plus inacceptable au regard des conditions de refus à l’automne dernier, de la demande de commission d’enquête formulée par mon groupe sur ce sujet.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je reconnais, Monsieur Muzeau, l’importance du travail effectué par la mission d’information dont vous êtes l’un des principaux acteurs. Le bureau de la commission, en présence de Jacqueline Fraysse, pour votre groupe, de Marisol Touraine, présidente de la mission et de Jean Mallot, pour le groupe SRC, après avoir débattu de la question, a jugé néanmoins qu’il était plus courtois de patienter jusqu’à la semaine qui suit l’élection, organisée les 4 et 11 juillet, pour décider de la suite à donner aux travaux de la mission, suspendus en attendant.

M. Roland Muzeau. Je pense que les rapports des missions devraient être remis durant la session qui a vu leur création. Si ce n’est pas le cas, comme cela va se produire pour le rapport de la mission sur les risques psychosociaux, il me semble que c’est assez vexant pour ceux qui ont y travaillé.

M. le président Pierre Méhaignerie. J’en prends acte, mais rien n’empêche que la question soit abordée dès le lendemain de l’élection partielle.

La séance est levée à dix-sept heures trente.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné :

– M. Gérard Bapt rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A (n° 2390) ;

– M. Gérard Cherpion rapporteur pour avis sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault visant à étendre la modernisation du dialogue social aux propositions de loi (n° 2499) et sur la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault tendant à réviser le Règlement de l’Assemblée nationale (n° 2491).

– MM. Pierre Morange et Christophe Sirugue, pour participer aux travaux du Comité d’évaluation et de contrôle, sur l’aide médicale d’État et la couverture médicale universelle.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 26 mai 2010 à 9 heures 30

Présents. - M. Gérard Cherpion, M. Jean-François Chossy, M. Michel Heinrich, M. Paul Jeanneteau, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Roland Muzeau, M. Bernard Perrut, M. Jean-Luc Préel, M. Arnaud Robinet, M. Dominique Tian

Excusés. - M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, M. Pierre Cardo, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Claude Leroy