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Commission des affaires sociales

Jeudi 22 juillet 2010

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n° 75

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Suite de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites (n° 2760) (M. Denis Jacquat, rapporteur)

– Amendements examinés par la commission (cf. lien ci-dessous)

– Présences en réunion

http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/amendements_comm_soc_retraites.pdf

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 22 juillet 2010

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)

La Commission poursuit l’examen, sur le rapport de M. Denis Jacquat, du projet de loi portant réforme des retraites (n° 2760).

Titre IV
Pénibilité

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous abordons maintenant les articles du projet de loi relatifs à la pénibilité.

À la suite de la présentation des principales orientations du projet de loi, le 16 juin dernier, le Président de la République a souhaité que, sur ce sujet essentiel et complexe, la réflexion soit approfondie en dialogue avec les partenaires sociaux. Cette concertation doit se poursuivre tout au long des six semaines qui nous séparent de la discussion du projet de loi en séance publique, prévue en septembre. Il est très important de ne pas en préempter les conclusions. Lors des nombreuses auditions auxquelles j’ai procédé au début du mois, la plupart des partenaires sociaux m’ont dit leur attachement à ces rencontres. Nous examinerons toutefois attentivement les propositions concrètes qui nous seront soumises à leur issue.

En attendant, il ne faut pas légiférer trop hâtivement et je me suis personnellement gardé, à ce stade, de présenter des amendements, à l’exception de deux pour demander au Gouvernement des rapports d’information ou d’évaluation. Dans la même logique, je vous inviterai à retirer les amendements proposés sur la pénibilité, notamment après l’article 27. A défaut, je donnerai un avis défavorable à leur adoption.

M. Francis Vercamer. Les mesures concernant la pénibilité comptent parmi les mesures phares de ce projet de loi et le Nouveau Centre tient particulièrement à leur adoption. Les principes de justice, de responsabilité et d’efficacité maintes fois invoqués à l’appui de ce texte exigent, en effet, que l’on prenne en compte l’usure professionnelle qui peut affecter un salarié exposé à des produits dangereux ou à un environnement préjudiciable à sa santé.

Notre groupe a déposé un certain nombre d’amendements – pour la plupart après l’article 27 – qui me semblent importants. Si je comprends le souhait du Rapporteur et du Gouvernement de poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux, je serais heureux d’avoir leur avis sur ces propositions.

Un premier type d’amendements porte sur la définition de la pénibilité. Même si celle-ci peut être assez large, il faut au moins dire ce que l’on entend par ce mot. Nous avons d’ailleurs déjà adopté un amendement parlant de « travail pénible » et si la loi ne dit pas en quoi celui-ci consiste, il y a fort à parier que la justice s’en chargera à notre place !

Pour autant, il est important de ne pas figer cette définition dans le temps : elle peut évoluer en fonction des apports de la recherche, des modifications des conditions de travail ou de la jurisprudence, y compris pénale – en relation, par exemple, avec la notion de faute inexcusable de l’employeur. Par ailleurs, la pénibilité peut aussi faire l’objet de compensations prévues par les conventions collectives ou sous forme de mesures de réduction du temps de travail. C’est pour cela que j’ai fait adopter avec le soutien du Rapporteur et du Gouvernement – ce dont je les remercie – un amendement créant un Observatoire de la pénibilité, afin de pouvoir mesurer dans la durée cette évolution et apprécier ses implications en matière de retraites.

Surtout, plus que de compenser, donnons-nous les moyens de prévenir cette pénibilité. Il me paraît important de réformer les services de santé au travail – et je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez annoncé le dépôt d’un texte sur le sujet. Il faut que ces services puissent faire leur travail de prévention et que les employeurs soient incités à améliorer les conditions de travail dans l’entreprise.

Enfin, il faut aller plus loin dans la prise en compte de la pénibilité. Le texte ne prend en compte que l’incapacité au travail. J’estime, pour ma part, qu’il faut tenir compte des effets différés : un certain nombre de métiers s’exercent au contact de produits dangereux qui provoquent inéluctablement une maladie, à terme.

Je comprends néanmoins que le Gouvernement veuille discuter avec les partenaires sociaux et nous retirerons, le cas échéant, nos amendements. Mais, ne doutez pas pour autant que nous serons très vigilants en séance publique, afin d’améliorer ces dispositions touchant à la pénibilité.

M. le rapporteur. J’ai précisé que j’inviterais au retrait des amendements ou que je me prononcerais contre leur adoption, cela par respect pour le Gouvernement et pour les partenaires sociaux, qui nous l’ont demandé !

M. Roland Muzeau. Le préambule du Rapporteur n’est pas acceptable. Nous ne sommes pas là pour enfiler des perles ou pour constater que nous n’avons pas le droit de faire de propositions ! Nous y avons travaillé en amont, nous devons en débattre, même si nous avons une idée du sort réservé à ces amendements. C’est le travail des parlementaires ! Annoncer que rien ne pourra se décider aujourd’hui parce que le Président de la République a déclaré qu’il rouvrait la concertation avec les partenaires sociaux, c’est tout de même aller un peu fort ! Le texte a été déposé au Parlement ; nos institutions ne prévoient pas que les commissions puissent renoncer à travailler ! Il est vrai que Jean-François Copé a annoncé, en début de semaine, que rien ne bougerait pendant les travaux de notre commission. Il a satisfaction : rien n’a bougé ou presque… Et voilà que, sur un volet aussi important que la pénibilité, vous écartez jusqu’à l’hypothèse d’accepter la moindre proposition ! En quoi les parlementaires seraient-ils moins qualifiés pour formuler des propositions ? Les partenaires sociaux, que nous avons rencontrés hier encore, nous ont donné leur sentiment sur la négociation en cours sur le thème de la pénibilité : ils n’y croient pas une seule seconde ! Martine Billard, Jacqueline Fraysse et moi-même défendrons donc nos amendements.

M. Régis Juanico. Le Gouvernement nous dit que l’inclusion d’un volet consacré à la pénibilité dans ce plan sur les retraites serait une première. C’est faux. Je puis citer deux décisions, remontant à moins de six mois, qui remettent en cause la pénibilité au travail en relation avec la retraite : l’une retire aux infirmières la possibilité de partir à 55 ans, et l’autre – c’est le décret du 31 décembre 2009 – prive les mineurs retraités de l’accès gratuit aux soins !

Le Gouvernement nous dit aussi que nous sommes le premier pays d’Europe à traiter de la pénibilité dans une réforme des retraites. Mais, l’étude d’impact jointe au projet de loi précise qu’en réponse à un questionnaire envoyé à différents pays, deux des sept qui ont répondu – l’Italie et la Pologne – ont déjà adopté des mesures de retraite anticipée, ou en ont posé le principe, pour prendre en compte la pénibilité.

Je suis surpris qu’alors qu’ils mentionnent notamment les rapports de M. Struillou, de 2003, et de M. Lasfargues, de 2005, le rapport de Denis Jacquat et l’étude d’impact ne fassent pas la moindre référence à la mission d’information parlementaire, créée au sein de notre commission, à laquelle plusieurs d’entre nous ont participé pendant huit mois. Elle était pourtant parvenue à un consensus sur la définition de la pénibilité au travail et sur les critères de pénibilité, qui avaient déjà fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux.

Que manque-t-il à ce volet pénibilité qui n’en est pas un ? D’abord, précisément, une définition de la pénibilité au travail et des critères de celle-ci, qu’il faudra introduire dans la loi par voie d’amendements. Ensuite, un volet prévention et amélioration des conditions de travail – renforcement de la formation et de l’information des comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, document unique, rôle des services de santé au travail.

Si ce volet fait défaut, c’est parce qu’il y a un volet incapacité physique permanente, qui étend les dispositifs existants en matière de maladies professionnelles et d’accidents du travail. Ce dispositif est extrêmement limité : il bénéficiera à moins de 9 000 salariés par an – chiffre auquel on parvient en additionnant les maladies professionnelles et les accidents du travail, sans tenir compte des accidents de trajet. On est loin des 2,3 à 2,7 millions de personnes concernées par des conditions de travail pénibles et des 700 000 salariés qui cumulent deux facteurs ou 20 heures par semaine de pénibilité.

Nous n’avons pas avancé d’un iota sur ce volet incapacité depuis l’avant-projet de loi, alors que vous vous étiez engagés à lancer une concertation pour l’améliorer. Vous nous dites maintenant qu’il faut six semaines supplémentaires. À quoi cela va-t-il servir ? Rappelons que le texte est déjà en recul par rapport à l’avant-projet de loi, puisqu’il ne s’agit plus de prendre en compte l’exposition à des conditions de travail pénibles tout au long de la carrière, mais les « conséquences » de cette exposition. On revient donc à l’état de santé, c’est-à-dire à une conception restrictive, individuelle et médicale de la pénibilité.

M. Dominique Dord. La prise en compte de la pénibilité est incontestablement l’une des avancées majeures de ce projet de loi. Cependant, on a rarement vu sujet aussi difficile à appréhender et à décliner dans un texte. Ceux qui prétendent le contraire n’ont eux-mêmes jamais réussi à le faire.

Notre commission a entendu plus de trente spécialistes de ces sujets. Si tous ont réaffirmé l’importance qu’ils attachaient à cette prise en compte, nous avons eu fort peu de commencements de débuts de réponse sur la manière dont il convient de procéder… J’entends bien les critiques qui sont adressées au dispositif proposé par le Gouvernement, mais il a au moins un mérite : celui d’être simple et objectif. Il se fonde sur des critères définis par des médecins. Par ailleurs, traiter le problème des carrières longues – ce que fait le texte –, c’est une autre manière de prendre en compte la pénibilité – et au moins aussi bien, à mon sens.

M. Dominique Tian. Ces articles sur la pénibilité sont suspendus à un accord dont nul ne sait s’il sera signé avant la discussion en séance publique. Voilà en effet deux ans et demi que les partenaires sociaux négocient sans parvenir à conclure. Espérer cet accord d’ici à septembre n’est-il pas illusoire ?

La définition de la pénibilité est extrêmement importante. Actuellement, elle ne s’appliquerait qu’à 10 000 ou 11 000 personnes. Il faudra sans doute aller plus loin dans les années qui viennent.

Reste le problème de fond : est-ce vraiment à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de financer cette nouvelle mesure ? Les hausses de cotisations vont affecter au premier chef les entreprises qui emploient le plus de personnel, qui sont aussi les plus fragiles. Notre souci majeur ne doit-il pas être de préserver la compétitivité des entreprises et d’éviter la délocalisation des activités à fort taux de main-d’œuvre ? Je m’inquiète donc de ce transfert de charges.

M. le président Pierre Méhaignerie. La pénibilité est un sujet très important, qui nourrit l’angoisse des salariés dans certains secteurs – très limités. Le Gouvernement y a déjà répondu – 2003 a marqué à ce titre une étape décisive. Le départ anticipé à la retraite – à 60 ans, voire plus tôt – de 100 000 personnes chaque année n’est pas négligeable, au regard de ce qui se fait dans les autres pays européens. J’ai moi-même changé de position au cours des auditions. Nous avons en effet reçu trois types de messages. L’Union professionnelle artisanale a dit redouter que les métiers de l’artisanat ne soient étiquetés « métiers pénibles ». Nombre d’organisations, y compris des syndicats, ont craint qu’en transférant la responsabilité de l’entreprise à la collectivité, on ne dissuade la première de faire des efforts de prévention. Enfin, on nous a fait valoir qu’aucun pays d’Europe n’a traité collectivement le problème de la pénibilité dans le cadre de son système de retraite. Nous l’avons fait, nous, indirectement, via les carrières longues et le dispositif des 20 % d’incapacité.

Il reste qu’un effort supplémentaire s’impose, à condition qu’il soit consenti par l’entreprise ou par la branche, et financé essentiellement par celle-ci. Rien n’empêche de mettre en place des systèmes d’incitation pour développer le tutorat ou le travail à temps partiel – à partir d’un certain âge et dans certains métiers –, mais les financer par les déficits sociaux serait trop facile ! Nous avons le système social le plus développé d’Europe, mais aussi le plus coûteux. En revanche, il existe des systèmes particulièrement avantageux qui donnent à penser qu’une solidarité interprofessionnelle pourrait jouer. L’UNEDIC permet, par exemple, des départs contractuels avec deux ans d’indemnités pouvant monter jusqu’à près de 6 000 euros par mois, ce qui n’a d’équivalent nulle part ailleurs en Europe.

C’est dans cet esprit que je déposerai avec le Rapporteur un amendement qui, contournant comme nous y sommes obligés l’obstacle de l’article 40, n’en sera pas moins une incitation pour le Gouvernement à travailler, d’ici à septembre – ce qui est une façon de participer à la concertation !

M. le rapporteur. J’approuve vos réflexions, monsieur le président. La pénibilité est un sujet difficile, mais qui devait être abordé, et nous savons gré au Gouvernement de l’avoir fait. Faut-il rappeler à ceux qui étaient des nôtres en 2003 les nuits que l’Assemblée nationale a passées à débattre de ce problème ? Un certain nombre de députés avaient alors expressément souhaité que les partenaires sociaux en discutent d’abord et donnent leur avis. C’était les respecter, et ce respect fait toujours partie de nos grands principes.

Je n’ai pas cité le rapport de Jean-Frédéric Poisson dans les commentaires d’articles qui ont un caractère technique, monsieur Juanico, mais je le ferai dans l’exposé général que je suis en train d’élaborer. Vous pouvez donc être rassuré.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. La prise en compte de la pénibilité est au cœur de nos préoccupations dans ce projet de loi. La vraie question est de savoir comment s’y prendre pour ne pas faire naître d’injustice, que ce soit vis-à-vis de ceux qui ont un travail vraiment pénible ou vis-à-vis des autres, ou encore en se trompant de critères. Dès lors que l’on accorde à certains la possibilité d’un départ en retraite précoce, par exemple, il faut que le dispositif soit compréhensible pour ceux qui ne bénéficient pas de cet avantage.

Nous avons longuement réfléchi. Comme vous, nous avons rencontré des experts et travaillé des semaines durant avec les partenaires sociaux. Nous sommes arrivés à plusieurs conclusions. Tout d’abord, le dispositif ne peut concerner tous les Français.

Mme Michèle Delaunay. Personne ne le demande !

M. le ministre. Ensuite, il ne doit pas être complexe et administratif au point de devenir ingérable. Enfin, il doit respecter l’équilibre général du projet – dont l’objectif reste d’assurer le financement de notre système de retraite.

Se pose alors une nouvelle question : s’intéresse-t-on à la pénibilité uniquement lorsque l’effet en est immédiat, ou également lorsqu’il est différé ? Le Gouvernement a fait le premier choix. On ne pose donc pas la question de la définition de la pénibilité, qui peut toujours être remise en cause. J’observe, d’ailleurs, que le code de la sécurité sociale ne définit pas la maladie, et ne s’intéresse qu’à ses conséquences. C’est la même chose que nous essayons de faire s’agissant de la pénibilité – et c’est sans doute une approche plus sûre.

Dès lors, nous avons voulu nous inscrire dans un dispositif connu et qui fonctionne, celui des accidents du travail et des maladies professionnelles. Qui dit conséquences de la pénibilité dit mesure de la pénibilité. Celle-ci tient à une usure physique prématurée due au travail. Contrairement à d’autres pays, nous entendons faire une distinction claire entre ce qui relève du travail et ce qui n’en relève pas, autrement dit entre ce qui relève de l’incapacité et ce qui relève de la notion d’invalidité. À partir d’un taux d’incapacité fixé à 20 %, on estime qu’il y a bien une conséquence de la pénibilité et un lien entre le travail et cette conséquence. Les salariés concernés conserveront donc la possibilité de partir à la retraite à 60 ans quand les autres progresseront vers la retraite à 62 ans.

Est-ce suffisant ? Je conviens que non. Il faut sans doute aller plus loin. Et la meilleure façon de lutter contre la pénibilité, c’est de supprimer ses conséquences, autrement dit d’éviter l’usure physique prématurée. Il y a donc un travail à conduire sur les conditions de travail. Le texte comporte déjà des dispositions à cet égard ; on peut les améliorer. Ce volet préventif est essentiel. S’il n’est pas le plus spectaculaire, c’est sans doute le plus efficace et le plus juste.

Il faut ensuite poser la question de la traçabilité, qui est la condition d’un traitement individualisé. Cette traçabilité ne peut être établie aujourd’hui en France : nous avons, certes, des services de médecine du travail performants – d’autres moins – et des matrices d’exposition aux facteurs de risque, mais aucun système global. Or, cette traçabilité est indispensable : il faut bien se pencher sur la carrière des salariés, pour savoir s’ils ont été exposés à des facteurs de pénibilité identifiés en liaison avec les partenaires sociaux. Nous aimerions donc pouvoir proposer un dispositif avant la discussion en séance publique – car sans traçabilité, il n’y a pas de pénibilité.

Nous avons répondu à une partie des questions qui se posent en prenant en compte les effets immédiats de la pénibilité. Nous pouvons encore avancer sur les effets différés, comme sur le suivi médical post-professionnel. Nous avons achevé nos rencontres avec les partenaires sociaux il y a quelques jours. Le Gouvernement a encore un certain nombre de choix à faire ; nous reviendrons ensuite vers votre Assemblée pour voir comment la France peut se doter d’un dispositif sérieux, responsable et juste sur la pénibilité et la retraite.

M. Alain Vidalies. On a renoncé à une grande idée partagée. En 2003, nous avions retenu le concept de pénibilité. Les négociations, qui se sont déroulées entre les partenaires sociaux, nous ont donné des espoirs. Elles ont achoppé, mais pas sur les concepts que vous remettez en cause aujourd’hui – et c’est là qu’il y a reculade. Le Gouvernement et la majorité ont-ils contesté le rapport de M. Struillou en 2003 ? Avez-vous refusé à un quelconque instant que le débat sur la pénibilité s’engage à partir de la définition très forte que je cite : « il s’agit des expositions qui réduisent l’espérance de vie sans incapacité des travailleurs » ? Le rapport sur la base duquel s’est engagée la négociation, comme le rapport Lasfargues qui a repris ces principaux concepts, vont à l’exact inverse de ce que vous proposez aujourd’hui. C’est sur cette base que les partenaires sociaux ont négocié. Ils ont achoppé précisément sur ce que l’on retrouve dans votre texte, la mesure individuelle de l’usure au travail.

Vous abandonnez donc l’idée même de pénibilité. Vous changez le concept en rebaptisant pénibilité ce qui relève en fait de l’invalidité. Les députés de la majorité ont invoqué à leur bénéfice, durant toutes ces années, les travaux qui étaient conduits – je vous relirai le moment venu les déclarations de certains d’entre eux reprenant la définition que je viens de citer et se targuant d’avoir inventé le concept de pénibilité !

Pour ma part, j’étais favorable à ce que nous nous engagions collectivement dans ce sens. Mais il y a alors eu une rupture, sous la forme de ce projet de loi – non pas parce que vous avez renié votre orientation initiale – je ne vous fais pas ce procès –, mais parce que vous avez pris conscience de contraintes de nature financière. Vous avez analysé les chiffres, et cela vous a conduits à proposer tout autre chose : une disposition qui, comme l’a rappelé M. le ministre dans sa présentation, bénéficiera à 10 000 personnes sur les 700 000 qui partent à la retraite chaque année. Ainsi, la pénibilité, sujet majeur pour les partenaires sociaux, ne concernerait que 1,5 % des Français en âge de prendre leur retraite ? C’est ridicule, convenez-en !

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous oubliez le dispositif des carrières longues !

M. Alain Vidalies. Ne mélangez pas tout ! Comme le savent ceux qui travaillent sérieusement sur le sujet, les carrières longues n’ont rien à voir avec la pénibilité. Ce qui vous gêne, c’est d’avoir pris le contre-pied d’une définition de la pénibilité que vous aviez commencé par revendiquer.

Vous dites, monsieur le président, qu’il faut combler les déficits. Je veux bien, mais lesquels ? Celui qui importe, c’est le déficit d’espérance de vie. Or, nous disposons sur ce sujet d’une série de rapports qui doivent nous permettre d’avancer. Je pense effectivement, monsieur le ministre, que la reconnaissance de la pénibilité ne peut reposer sur des critères subjectifs, sur le ressenti personnel. Il est nécessaire de s’appuyer sur un lien statistique entre les conditions de travail et l’évolution de la santé. De même, il est vrai qu’adopter une conception trop extensive de la pénibilité reviendrait à renoncer à cette notion. C’est pourquoi nous devons agir rationnellement et prendre en compte ce dont on est sûr, à savoir qu’il existe, dans un certain nombre de domaines – rythmes de travail, exposition à des produits toxiques, etc. –, un lien direct entre les conditions de travail et l’espérance de vie.

Est-ce que cela recouvre tous les cas de pénibilité ? Peut-être pas. Mais au moins, ce lien est confirmé par les statistiques et les travaux scientifiques. C’est pourquoi, au moment où vous reculez l’âge légal de départ à la retraite, la seule mesure progressiste et juste consiste, selon moi, dans la mise en place d’un système de bonification des annuités en fonction de la durée d’exposition.

M. le ministre. Il n’existe pas, actuellement, de traçabilité en ce domaine. On peut réfléchir à un tel dispositif pour le futur, mais, en dehors de quelques cas particuliers, il n’est pas possible d’établir de façon sérieuse l’historique de la carrière de chaque personne. Certes, certains éléments peuvent être recueillis, notamment auprès des services de la médecine du travail, mais on ne peut pas remonter sur quarante ans. En outre, l’état de la connaissance scientifique change tous les cinq ans.

Sans données stables, le système serait extraordinairement injuste. Une personne dont la carrière serait plus facile à retracer, parce qu’elle a travaillé dans une grande entreprise dotée d’un service de médecine du travail performant, en bénéficierait alors que le salarié d’une PME en serait écarté.

Il est aisé d’invoquer le concept de pénibilité, mais dès que l’on cherche à définir un dispositif opérationnel, tout devient beaucoup plus malaisé. Nous aurions pu nous abriter derrière cette difficulté pour ne rien faire, mais cela n’a pas été notre choix. Ce que nous proposons est déjà beaucoup.

M. Alain Vidalies. Pour certains, on dispose d’outils de traçabilité. Il est vrai que pour d’autres, les choses sont plus compliquées, mais est-ce une raison de décider que, puisque ce n’est pas possible pour certains, personne ne devrait bénéficier de cette prise en compte de la pénibilité ? Il vous appartient, en tant que représentant du pouvoir exécutif, d’imaginer un système de compensation à destination de ceux dont on ne peut pas retracer la carrière. D’ailleurs, rien n’interdit de combiner les deux systèmes, l’un fondé sur l’usure constatée, l’autre sur l’exposition aux risques.

La fixation d’un certain nombre de principes dans la loi est le seul moyen d’éviter que la question de la pénibilité ne soit définitivement enterrée. Une solution de facilité consisterait à renvoyer le problème aux négociations de branche, afin de déterminer quels sont les postes de travail pénible, mais je ne crois pas un instant à une telle solution. Notre expérience au sein des collectivités locales montre qu’il existe, dans ce domaine, une grande différence entre le ressenti des gens et la réalité. Il s’agit donc d’une fausse piste.

Compte tenu du travail scientifique déjà accumulé et des négociations qui ont déjà eu lieu entre partenaires sociaux, nous disposons de tous les éléments pour trancher. Le temps est venu de la décision politique. Mais, pour des raisons strictement financières, vous avez pris le contre-pied de la démarche initialement engagée. Et ce choix de faire prévaloir les exigences financières sur une réforme qui s’impose est ce qui nous paraît le moins acceptable dans votre projet.

Mme Marie-Christine Dalloz. On le voit depuis le début de nos débats : la vraie difficulté réside dans la définition de la pénibilité, dans l’impossibilité d’établir des critères en ce domaine.

Et cette difficulté est encore plus grande quand, comme Alain Vidalies, on pratique sans cesse l’amalgame entre l’invalidité et l’incapacité. On ne doit pas parler d’invalidité pour désigner la prise en compte d’une incapacité permanente d’au moins 20 %. Car l’invalidité, pour beaucoup, est synonyme d’un état définitif et d’une inaptitude à exercer un emploi, ce qui n’est pas le cas avec un taux de capacité de 80 %. La confusion entre ces notions est un écueil qu’il faut absolument éviter.

En revanche, Alain Vidalies défend une excellente idée lorsqu’il suggère de combiner les approches fondées sur l’exposition au risque et sur le constat d’incapacité. C’est exactement ce que prévoit le projet de loi. Peut-être ne sommes-nous pas d’accord sur certains points secondaires, mais sur le principe, la grande avancée de ce texte réside dans la prise en compte de données objectives. Le risque aurait justement été de se fonder sur des critères tels que l’espérance de vie, car dans ce domaine, il existe des disparités importantes entre les catégories de population : hommes et femmes, habitants du Nord ou du Sud. Ainsi, alors que l’espérance de vie pour une femme est de 85 ans en Midi-Pyrénées, elle tombe à 82 ans dans le Nord-Pas-de-Calais.

Si, en plus, on distingue selon les catégories socioprofessionnelles, les écarts deviennent impressionnants. Il était matériellement impossible, dans un texte de loi, d’atteindre un tel niveau de détail. Cela étant, la combinaison des facteurs d’exposition aux risques et du constat d’incapacité me paraît offrir les garanties d’une bonne prise en compte de la pénibilité.

Mme Marisol Touraine. L’intervention du ministre a eu le mérite de faire clairement apparaître en quoi nos approches divergent. Selon lui, il existe deux façons d’envisager les choses : soit prendre en compte l’exposition immédiate à certains facteurs de pénibilité, soit s’interroger sur leurs effets à long terme. C’est la deuxième approche que nous défendons. Toutes les analyses existantes, qu’elles proviennent des partenaires sociaux ou des milieux universitaires, montrent que la pénibilité ne peut pas s’apprécier ponctuellement. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines personnes ont le sentiment d’exercer un métier pénible, alors que ce n’est objectivement pas le cas, et qu’inversement d’autres sous-estiment les risques liés à la tâche qu’ils doivent accomplir, parce qu’ils n’en ressentent pas les effets. C’est ainsi que de nombreuses études ont montré les effets à long terme du travail de nuit ou de l’exposition à certains produits toxiques.

Si vous maintenez l’idée selon laquelle la pénibilité doit être appréhendée en fonction de ses effets immédiats, mesurés ponctuellement, nous n’avancerons pas.

Nous nous rejoignons évidemment pour juger que la prévention est essentielle et, dans ce domaine, nous sommes prêts à aller plus loin que vous. Même si les risques psychosociaux, que nous sommes nombreux à avoir étudiés, ne peuvent être pris en compte comme facteurs de pénibilité, nous insistons sur la nécessité de repenser l’organisation du travail dans un souci de prévention. En Suède, en Finlande et aux Pays-Bas, le gouvernement a imposé aux entreprises soit de reclasser les salariés d’un certain âge dans d’autres filières, soit de permettre leur départ anticipé.

Enfin, j’entends l’argument du ministre sur la traçabilité de l’exposition aux risques : il ne suffit pas de claquer les doigts pour procéder à une réforme. Pour notre part, nous ne parlons pas de métiers pénibles, car notre but n’est pas de recréer des régimes spéciaux.

M. le ministre. Je ne vous fais pas ce procès.

Mme Marisol Touraine. Mais, puisqu’il s’avère que les conditions dans lesquelles on exerce certains métiers sont pénibles, pourquoi ne pas progresser au moins dans deux directions ?

En premier lieu, nous pouvons nous appuyer sur un certain suivi professionnel : il existe un recensement qui permet d’établir une traçabilité de l’exposition à la pénibilité dans certains métiers publics ou privés. Il y a même une jurisprudence à cet égard.

D’autre part, on pourrait mettre en place des commissions – commission AT-MP classique ou commission spécifique composée de partenaires sociaux et de médecins du travail – auprès desquelles le salarié pourrait faire valoir qu’il a été exposé à des facteurs de pénibilité, à charge pour lui d’apporter les éléments le démontrant. Ceux-ci seraient examinés en cas de contestation. Plusieurs dispositifs peuvent être envisagés, mais on ne peut s’arrêter à l’argument selon lequel cette pénibilité ne pourrait être prise en compte pour le passé. Nous disposons de suffisamment d’éléments pour traiter la très grande majorité des cas.

Monsieur le ministre, si vous voulez que votre texte ne soit pas seulement une loi de financement, mais constitue une réelle avancée sociale, vous devez vous engager sur cette question. La loi de 2003 annonçait une réflexion qui, à cause du MEDEF et de la CGPME, n’a pas abouti à un accord entre les partenaires sociaux. Vous avez une responsabilité historique pour résoudre un problème de société majeur.

M. Guy Lefrand. Le projet de loi apporte plusieurs avancées en matière de prise en charge de la pénibilité. Il comporte des mesures automatiques, notamment le maintien de la retraite à 60 ans pour les salariés qui, du fait d’une situation d’usure professionnelle constatée, souffrent d’un taux d’incapacité physique supérieure ou égale à 20 %. Je suis également favorable à l’organisation d’une traçabilité – qui ne peut bien sûr s’exercer de façon rétroactive – en ce qui concerne l’exposition aux produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Je souhaite aussi que le Gouvernement étudie la possibilité de créer une filière individuelle de prise en compte de la pénibilité, comme l’ont fait certains pays. Le ministre peut-il s’y engager et, par exemple, constituer à cet effet une commission réunissant des représentants des partenaires sociaux et des professions de santé ? Cela permettrait de ne pas prendre de mesures automatiques pour tel type de filière ou d’entreprise.

Enfin, le ministre annonce une réforme de la santé au travail. Quels que soient les problèmes qu’elle rencontre en matière de démographie médicale, la France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de médecins du travail, rapporté au nombre de salariés – à elle seule, elle en compte quasiment autant que tout le reste de l’Union. Il faut redéfinir leur rôle, en leur assignant clairement une mission de prévention et de suivi post-professionnel.

M. Gaëtan Gorce. J’approuve les propos d’Alain Vidalies, et je veux répondre aux objections du ministre, qui a mis en avant la difficulté d’établir une traçabilité en ce qui concerne la pénibilité. Pour ne pas abaisser à 60 ans l’âge légal de départ en retraite, la loi du 30 décembre 1975 a institué un dispositif, essentiellement tourné vers le milieu ouvrier et vers les travailleurs manuels, qui a permis le départ anticipé de catégories professionnelles exposées à certains risques, au travail de nuit et au bruit. En 2000, pour élaborer le dispositif de cessation d’activité de certains travailleurs salariés (CATS), notamment dans la construction automobile, nous avions également pris en compte la notion d’exposition aux risques. Cela signifie qu’il faut accepter de définir un périmètre, en tenant compte de facteurs objectifs qui concernent surtout les ouvriers et les employés : travail de nuit, travail alterné, exposition au bruit ou à des matières toxiques. Si l’on veut prendre en compte tous les champs, même les risques psychosociaux, nous n’y parviendrons pas. Concentrons-nous au moins sur les atteintes physiques, d’autant qu’elles s’aggravent. Cela nous permettra d’avancer de manière concrète.

La négociation entre les partenaires sociaux n’a achoppé que sur le financement, mais a pour le reste dégagé des éléments sur lesquels le législateur peut s’appuyer. Il n’y a donc pas lieu de prétendre que le Gouvernement n’a pas d’autre choix que de confondre pénibilité et invalidité.

Mme Martine Billard. La loi de 2003 a ouvert des négociations qui, sans déboucher sur un accord final, ont en effet permis de dégager un consensus sur les critères de pénibilité. Contrairement à ce que laissent entendre certains de nos collègues de l’UMP, nul ne prétend que tout travail senti comme pénible doive donner droit à un départ anticipé à la retraite. Le tout est de prendre en compte certains facteurs – travail de nuit, travail posté, port de charges lourdes, exposition à des produits toxiques – qui réduisent l’espérance de vie. Mais, ce même critère exclut qu’on considère les troubles musculo-squelettiques, qui ne font que réduire l’espérance de vie en bonne santé. Qu’on cesse donc de nous opposer l’absence de définition de la pénibilité. Une définition existe, il faut nous y tenir.

Un point m’inquiète dans les déclarations du ministre : il s’arrête aux effets immédiats de la pénibilité, à l’usure physique, à l’incapacité égale ou supérieure à 20 %. Or, les effets du port de charges lourdes ou de l’exposition à certains produits toxiques sont parfois différés dans le temps. Les maladies liées à l’exposition à l’amiante ou aux éthers de glycol ou, pour les agriculteurs, aux pesticides peuvent se développer après le départ à la retraite.

Enfin, actuellement, quand, n’étant plus en état de travailler, les salariés sont placés en longue maladie ou en invalidité, ils sont pris en charge par la sécurité sociale. Reste à savoir si le droit au départ anticipé en retraite doit être supporté par le Fonds solidarité vieillesse, ou s’il faut prévoir une augmentation des cotisations AT-MP, voire une cotisation additionnelle. Il serait juste que les entreprises, qui ne font pas suffisamment d’efforts de prévention, assument les conséquences financières de leur politique. C’est ce que nous attendons d’un texte qui ne viserait pas uniquement, au nom d’intérêts comptables, à réduire les possibilités de départ anticipé pour des travailleurs qui ont été réellement exposés à des risques.

M. Jean Bardet. Nous tournons en rond depuis une heure, faute de distinguer handicap et pénibilité. On peut être handicapé, en fauteuil roulant, et faire un travail qui n’aura rien de pénible, comme on peut parfaitement effectuer un travail pénible – par exemple casser des cailloux sur les routes – sans être handicapé. Il est bon que la loi prenne en compte le handicap, mais je pense, comme mes collègues socialistes, qu’il faut redéfinir la pénibilité et formuler les critères qui permettent de la mesurer.

Mme Michèle Delaunay. Je suis heureuse de cette discussion car, après les quatre-vingts années de progrès sociaux et sanitaires qu’a connues notre pays, il serait inadmissible que ce texte marque un recul sur une question aussi importante.

À mon sens, la distinction entre risque immédiat, risque secondaire et risque potentiel est fragile : bien des risques immédiats peuvent s’aggraver de manière secondaire, ou comporter un risque potentiel d’altérer les conditions de vie des retraités. Nous devons donc nous efforcer de prendre tout cela en considération.

D’autre part, la prévention ne doit pas être exclue du texte. Les études de médecine du travail montrent que les couvreurs âgés tombent plus souvent que les jeunes, parce que leur vigilance est moindre. Dans leur cas, le report de l’âge de la retraite serait lourd de conséquences.

Enfin, j’aimerais savoir précisément comment on a déterminé le chiffre de 10 000 personnes – 1,5 % de celles qui partent en retraite, a calculé Alain Vidalies – susceptibles de bénéficier d’un départ anticipé au titre de la pénibilité.

M. Pascal Terrasse. Il ne saurait être question d’exonérer les entreprises de leurs responsabilités en matière d’ergonomie ou de prévention. C’est sur ce point que doit porter l’essentiel de notre réflexion, comme celle des branches professionnelles. Par ailleurs, envisage-t-on d’accorder des bonifications à ceux qui effectuent des tâches pénibles ? Ne pourrait-on, pour certaines activités professionnelles, organiser des sorties « en sifflet », par le moyen du tutorat, du travail à temps partiel ou de la cessation progressive d’activité ?

Cela dit, ne confondons pas l’usure prématurée et l’invalidité ou le handicap. Pour ceux-ci, des dispositifs sont en place : dès lors qu’un travailleur atteint un certain taux d’invalidité, il peut faire valoir ses droits à la retraite anticipée. Quant à l’usure prématurée, elle doit être définie en fonction de l’espérance de vie en bonne santé après 60 ans qui, dans certaines professions, est très limitée. À cet égard, on peut travailler dans trois directions : majorations du nombre de trimestres, financement de temps partiels ou cessation d’activité.

Enfin, un carnet de traçabilité pourrait permettre un suivi médical des postes professionnels. Puisque les carrières ne sont pas linéaires – l’ascenseur social doit permettre d’accéder avec le temps à des postes moins pénibles –, chacun devrait disposer d’un livret de traçabilité grâce auquel des majorations ou des bonifications pourraient intervenir, par exemple tous les dix ans. Elles seraient prises en compte lors de la liquidation des droits à pension.

Mme Valérie Rosso-Debord. Pour notre part, c’est en fonction de ses conséquences que nous définissons la pénibilité, tout en tenant compte du fait qu’au cours d’une carrière longue, on est davantage exposé à certains facteurs de risques. En 2015, cette loi concernera à ces deux titres 100 000 personnes par an, sur 650 000 départs.

M. Jean Mallot. La question des carrières longues n’a rien à voir avec la pénibilité !

Mme Valérie Rosso-Debord. Je comprends les difficultés de nos collègues socialistes. Puisqu’ils ont raté le cap des carrières longues en 2003, ils ne veulent pas rater celui de la pénibilité en 2010. Pour ma part, je suis fière d’appartenir à la majorité. Ceux qui auront pris ces mesures, comme celles qui concernent les carrières longues, appartiennent à notre majorité.

Mme Catherine Génisson. Nous divergeons sur un point essentiel. Pour nous, la pénibilité doit être définie en fonction des conditions de travail et non de ses conséquences. Si l’espérance de vie n’est pas le seul critère à prendre en compte, elle a son importance. Celle d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre supérieur et, quoi qu’en dise Marie-Christine Dalloz, si celle des habitants de la région Nord-Pas-de-Calais n’est pas élevée, c’est du fait des conditions de travail dans la mine, la métallurgie, la sidérurgie et l’industrie textile. Beaucoup de mineurs n’ont profité de leur retraite que quelques mois, voire quelques semaines seulement ! Distinguons donc conditions de travail et conséquences, et évitons de mélanger incapacité, invalidité et pénibilité.

Je me suis beaucoup occupée de la législation sur le travail de nuit. Il se trouve que l’homme est un animal diurne, dont le rythme chronobiologique est extrêmement perturbé par le travail nocturne. Pourtant, les travailleurs de nuit préfèrent souvent les compensations salariales aux repos compensateurs. C’est dire si la prévention et l’information sont cruciales dans ce domaine. Or, elles sont absentes du projet.

Enfin, le carnet de santé au travail – appellation que nous préférons à celle de « dossier médical » – doit être établi avec les partenaires sociaux et les professionnels de santé. Si le médecin du travail doit jouer son rôle, il ne doit pas être le seul à intervenir. Les ergonomes ou les psychologues peuvent aussi apporter leur contribution.

Mme Jacqueline Fraysse. Certains députés, comme Valérie Rosso-Debord, ont lié carrière longue et pénibilité. Ne mélangeons pas les deux sujets : à temps de carrière égal, l’usure et l’espérance de vie ne sont pas les mêmes selon qu’on occupe tel ou tel poste.

Le Gouvernement prétend que la notion de pénibilité serait trop subjective, trop individuelle pour faire l’objet d’une approche collective. Même si tout le monde ne résiste pas de la même manière aux mêmes agressions, des travaux scientifiques montrent que certains éléments réduisent objectivement l’espérance de vie. Les partenaires sociaux ont reconnu le rôle que jouent les facteurs physiques et chimiques, ainsi que le travail en horaires décalés. Ainsi, même s’ils travaillent souvent de nuit, l’espérance de vie des médecins est supérieure à celle des salariés qui effectuent un travail posté, de nuit et qui font les trois-huit.

Une approche collective de la pénibilité est possible, grâce à des critères sérieux et précis, dans certains secteurs d’activité. Est-il nécessaire de produire des certificats médicaux pour prouver certaines évidences ? Un homme de 65 ans, qui a travaillé pendant plusieurs dizaines d’années par tous les temps, ne peut plus porter des charges aussi lourdes qu’à 20 ans. Il est donc juste de prévoir un droit au départ anticipé pour certaines professions. J’ajoute qu’il serait honteux de laisser chaque salarié gérer individuellement son départ en retraite en fonction de son état de santé, surtout quand il s’agit de travailleurs d’origine étrangère, qui ont souvent du mal à s’exprimer par écrit.

Mme Valérie Fourneyron. J’aborderai un sujet qui, totalement absent du texte, trouve assez mal sa place dans cette discussion, mais qui mériterait de faire l’objet d’un de ces amendements que le Gouvernement envisage de déposer à la rentrée pour nous permettre de contourner l’obstacle de l’article 40 : je veux parler de la retraite des sportifs de haut niveau.

Les sportifs en question ne sont pas ceux qui occupent les médias, mais les autres qui, n’étant pas salariés, perçoivent des revenus très insuffisants, alors qu’ils donnent plus de dix ans de carrière à notre pays. Au cours de l’olympiade 2004-2008, ils ont été 200 seulement à avoir pu cotiser pour leur retraite !

Ce sujet, lors de chaque examen du budget des sports, fait consensus entre les différents groupes politiques. Jean-François Lamour a même déposé, lorsqu’il était ministre des sports, un projet de loi au Sénat, en 2007. Des critères précis pourraient être retenus : inscription sur la liste des sportifs de haut niveau, limites d’âge maximum et minimum, conditions de ressources.

Le moment sera venu, en septembre, de lever l’injustice qui les frappe. Comme ils sont peu nombreux, il n’en coûterait que 4 millions d’euros environ, somme qui pourrait être prélevée sur les économies réalisées grâce à la disparition du droit à l’image collective.

M. François Bayrou. Je ne trouve ni normal ni juste de réduire la pénibilité au handicap constaté médicalement, a fortiori si l’on traite le problème en rapport avec la retraite. La pénibilité ne doit pas être confondue avec le handicap.

Plus on approche de l’application, plus l’horizon d’une solution à ce problème de la pénibilité s’éloigne ! Nous ne pourrons en sortir qu’en créant, sur le modèle de la caisse des accidents du travail, une caisse financée par les entreprises des branches concernées, au prorata de la pénibilité subie par leurs salariés. Cela empêcherait les entreprises de se défausser sur leurs sous-traitants, comme il arrive assez couramment aujourd’hui. Nous devrions étudier plus attentivement cette piste, envisagée, je crois, par la CFDT et infiniment plus juste que les dispositions proposées dans le texte.

M. Jean Mallot. Bien que ma carrière parlementaire ne soit pas si longue, c’est au moins la troisième fois que je vois la droite repousser le moment de trancher cette question de la pénibilité.

L’article 12 de la loi de 2003 prévoyait une négociation sur trois ans, en vue de prendre en compte la pénibilité dans le calcul des pensions. Cette négociation n’a pas abouti, alors même que c’était, pour certains partenaires sociaux, la condition de leur acceptation – toute relative – de cette réforme des retraites, et le Gouvernement n’a pas tiré les conséquences de cet échec. Pour m’exprimer avec plus de modération qu’un dirigeant syndical important, je dirai que les partenaires sociaux se sont fait « berner »…

Par la suite, même si nous avons voté contre le rapport de Jean-Frédéric Poisson, la mission d’information sur les risques psychosociaux au travail a eu le mérite d’avancer plusieurs idées intéressantes, notamment celle du curriculum laboris, qui aurait permis de gagner quelques années dans l’organisation de la traçabilité, et celle de départ anticipé à la retraite. Ce rapport parlementaire, rédigé par un membre de votre majorité, n’a toutefois eu aucune suite.

Le troisième report de l’échéance, c’est celui qui résulte du présent projet, dont Valérie Rosso-Debord vient de nous livrer la philosophie officielle, en confondant traitement de la pénibilité et prise en compte des carrières longues et en assumant un glissement abusif de la pénibilité vers l’incapacité.

Bref, le Gouvernement, une fois de plus, a reculé et berné les partenaires sociaux.

M. Bernard Perrut. Nous constatons ce matin combien il est difficile de définir la pénibilité et d’assurer sa reconnaissance. Pourtant, alors que les salariés vont être appelés à travailler plus longtemps, il est capital de permettre à chacun d’entre eux de travailler dans de meilleures conditions tout au long de son parcours professionnel. Plutôt donc que de nous attarder sur cette question de définition, ne vaudrait-il pas mieux rechercher les moyens de faire reculer la pénibilité, de la prévenir concrètement, par des mesures relatives aux conditions de travail, à la médecine du travail, à la gestion des rapports au travail ? Il ne faut pas attendre qu’un salarié soit usé par des années de labeur pour préparer sa reconversion ou pour l’adapter à un nouveau poste de travail.

M. le ministre. Cette discussion sérieuse et intéressante ouvre la voie à des progrès, j’en suis convaincu.

Quoi qu’on en dise, nous nous efforçons de ne pas mélanger les notions, mais le sujet est extrêmement compliqué : il est aisé de broder sur les concepts, mais nettement plus malaisé de passer à la phase opérationnelle. Quand des droits spécifiques sont accordés à certains salariés, cela doit être parfaitement juste, mesurable et objectif, faute de quoi de nouvelles inégalités apparaissent et doivent être compensées à leur tour. Nombre de pays ont d’ailleurs refermé le dossier et en sont restés aux notions d’incapacité ou d’invalidité. La France étant un pays de forte tradition sociale, nous pensons qu’il convient de s’attaquer à cette question, posée depuis des années sans qu’un lien très fort ait été établi avec la retraite, hormis la mesure relative aux 50 % d’invalidité. Des tentatives ont été faites vers 1975, mais elles ont abouti à des généralités, qui ne sont plus de mise aujourd’hui. Nous ne mélangeons donc rien, nous essayons d’agir le plus justement possible. Je ne prétends pas que notre solution soit idéale, mais elle va vraiment dans le bon sens et peut d’ailleurs être encore améliorée.

Madame Billard, madame Fraysse, l’espérance de vie ne saurait être le critère unique : il importe beaucoup aussi que cette vie après la retraite soit ou ne soit pas accompagnée d’une incapacité. Le port de charges très lourdes dans le bâtiment, par exemple, n’a pas d’incidence sur l’espérance de vie, mais les salariés concernés ne vieilliront peut-être pas dans les mêmes conditions que les autres. Il importe donc de considérer l’incapacité.

Le vrai enjeu consiste à choisir entre un traitement collectif et un traitement individuel, et entre un traitement des effets différés et un traitement des effets immédiats. Nous avons opté pour un traitement individuel des effets immédiats. En effet, en l’état des choses, nous sommes dans l’incapacité de proposer une approche collective : nous ne savons tout simplement pas faire. Il existe, certes, des matrices d’exposition en fonction des emplois, par exemple pour l’exposition au benzène, pendant telle durée, dans tel type de métier, mais elles ne couvrent qu’une toute petite partie du monde du travail et, n’aboutissant qu’à des critères très généraux et collectifs, ne permettent pas une traçabilité individuelle. Tel est précisément le chaînon manquant. Le carnet de santé que nous proposons établira cette traçabilité individuelle de façon fine, et nous sommes prêts à ouvrir ce débat, dans un esprit de responsabilité.

Nous sommes incapables de traiter les situations du passé. Il ne suffirait pas, pour le faire, de réunir une commission départementale. Quant aux scientifiques, ils sont très hésitants. S’agissant du travail de nuit par exemple, ils avancent qu’il peut favoriser le cancer du sein chez la femme, les cancers digestifs chez l’homme, mais, d’autres fois, ne parlent que de stress ou de problèmes cardiaques. D’autre part, les salariés qui y sont soumis bénéficient souvent de repos compensateurs, mais parfois aussi d’une rémunération supplémentaire. Dans ce cas, certains pourront produire des feuilles de paie prouvant qu’ils ont perçu des primes à ce titre, mais qu’adviendra-t-il des pauvres malheureux qui n’en ont pas touché ? Faute de traçabilité, nous choisissons un dispositif permettant d’établir un lien entre travail effectué et mesure de l’usure physique.

Le groupe socialiste et certains syndicats – la CFDT notamment –, préconisent l’attribution de bonifications sous forme de trimestres supplémentaires, mais la plupart des salariés en ont accumulé le nombre requis. Une réduction de l’âge de la retraite serait donc plus pertinente.

Monsieur Perrut, les conditions de travail et le rôle de la médecine du travail sont effectivement déterminants. Un deuxième plan de santé au travail vient d’être élaboré et j’espère que nous pourrons introduire dans le texte quelques éléments relatifs aux conditions de travail.

Nous prenons en compte, dans le cadre du régime des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), les effets immédiats de la pénibilité, qui peuvent se mesurer objectivement. La discussion entre partenaires sociaux a certes porté sur les facteurs d’exposition, mais selon une approche collective. Or, il vient un moment où l’approche est forcément individuelle.

M. le président Pierre Méhaignerie. Entre le traitement individuel, assuré correctement mais un peu insuffisamment par la prise en compte des carrières longues et du handicap, et le traitement collectif, qui conduit à l’irresponsabilité et que personne n’a jamais engagé, il existe une troisième voie, évoquée par François Bayrou notamment : une certaine forme de mutualisation. Des entreprises ont pris conscience de la nécessité d’agir, mais les coûts sont substantiels et l’on pourrait donc envisager aussi une certaine solidarité interprofessionnelle, ce qui éviterait de faire appel à la collectivité au risque de créer de nouveaux acquis sociaux abusifs. Je rappelle que nous touchons à la limite, en matière de comptes sociaux : nous détenons le record d’Europe et nous ne sommes pas loin du moment où l’emploi peut s’en trouver étouffé.

M. François Bayrou. Si les entreprises entreprenaient de réfléchir à la pénibilité à laquelle leurs salariés sont soumis, je suis persuadé qu’elles seraient puissamment incitées à faire reculer ce phénomène. Il existe, en effet, plusieurs façons d’organiser le travail, et de l’organiser au fil du temps, afin que la pénibilité ne soit pas continuelle, tout au long d’une vie. C’est sans doute une piste à explorer, même si l’on voit mal comment cela pourrait se traduire du point de vue normatif.

Article 25 : Dossier médical en santé au travail – Document d’information sur l’exposition du travailleur aux risques professionnels

La Commission est saisie des amendements de suppression de l’article, AS 160 de M. Roland Muzeau et AS 299 de Mme Marisol Touraine.

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, souvenez-vous : lorsque le dispositif de cessation d’activité des travailleurs de l’amiante a été instauré, on ne pouvait s’appuyer sur aucune traçabilité et on a donc recouru à des attestations d’exposition, ce qui a tout de même permis de faire face à ce problème dramatique.

Par notre amendement AS 160, nous proposons de supprimer l’article 25, relatif au dossier médical en santé et au document individuel d’information.

Tous les rapports le disent : les pénibilités physiques sont réelles dans notre pays, les expositions – des ouvriers notamment – aux produits chimiques et reprotoxiques se sont accrues et les rythmes de travail sont devenus de plus en plus exigeants pour les salariés les moins qualifiés. Les contraintes organisationnelles se font plus dures et le travail s’intensifie, ce qui altère fortement la qualité de vie des salariés, comme en atteste l’affaire France Télécom et comme l’a démontré la mission d’information présidée par Marisol Touraine. Quant aux maladies professionnelles, elles ne cessent de se développer.

Un renforcement de la prévention de l’ensemble des risques professionnels et l’amélioration collective des conditions de travail sont, dès lors, des objectifs prioritaires et nous nous interrogeons sur l’opportunité du dispositif de traçabilité individuelle des expositions à certains facteurs de risques professionnels, proposé par le Gouvernement. Les médecins du travail, dont le rôle est central dans le suivi des salariés, refusent d’être chargés de décerner des bons ou des autorisations de retraite anticipée. Il est donc nécessaire de retravailler la question du dossier médical, de sa finalité et de sa confidentialité.

Mme Marisol Touraine. L’amendement AS 299 est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’article 25 vise à traiter la pénibilité par une meilleure prévention, donc par une meilleure traçabilité. Il s’appuie sur le travail effectué par les partenaires sociaux, en vue de définir les critères de pénibilité. Il inscrit, dans le code du travail, l’existence d’un dossier médical en santé au travail, qui fera état des conséquences constatées des expositions aux facteurs de risque, auxquelles aura été soumis le travailleur, et il institue un document dédié à la consignation de ces mêmes expositions. Autant d’éléments qui militent pour son maintien.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 160 et AS 299.

La Commission examine l’amendement AS 70 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Nous instituons donc un dossier médical en santé au travail en lui donnant même valeur législative. Parallèlement, nous imposons une nouvelle obligation déclarative à l’employeur, ce qui sera très utile, mais l’articulation entre les deux documents n’est pas précisée. Afin de lever toute ambiguïté, il convient de créer un document unique, sur lequel l’employeur consignerait à la fois les expositions et les mesures de prévention.

M. le rapporteur. Je comprends votre souci de simplification, mais votre amendement revient à supprimer le dossier médical en santé au travail. Je ne puis donc qu’y être défavorable.

M. le ministre. Le texte du Gouvernement simplifie déjà, mais nous en avons bien besoin de deux documents distincts. Le premier ne concernera pas seulement la pénibilité et, en outre, il sera soumis au secret médical.

Mme Catherine Génisson. Secret qui est intangible.

M. Dominique Tian. Je retire cet amendement.

L’amendement AS 70 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AS 161 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous ne contestons l’utilité ni du dossier médical ni de la traçabilité, mais nous pensons qu’il faut absolument préciser les objectifs assignés à la médecine du travail, afin de prévenir efficacement l’altération de la santé des salariés. Le médecin du travail doit pouvoir recevoir le salarié individuellement et se rendre dans l’entreprise, afin d’apprécier ses conditions de travail et de proposer éventuellement des améliorations – dans bien des cas, les chefs d’entreprise ont encore la possibilité de s’opposer à cette venue, surtout en l’absence du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Enfin, il doit pouvoir travailler dans le respect du secret médical et avec une indépendance suffisante. À cet égard, la formule proposée à l’instant par Dominique Tian, « l’employeur, en lien avec le médecin du travail, consigne […] les facteurs auquel le salarié est exposé », est particulièrement préoccupante. D’où notre volonté de préciser les conditions dans lesquelles il exercera sa mission.

M. le rapporteur. Si l’on peut approuver l’objectif, le dispositif que vous proposez est malheureusement trop complexe.

M. le ministre. Défavorable. L’employeur n’aura évidemment pas accès au dossier médical. Notre texte est très protecteur.

La Commission rejette l’amendement AS 161.

Elle est saisie des amendements AS 425 du rapporteur, AS 499 de la Commission des finances, AS 301 rectifié et AS 300 rectifié de Mme Marisol Touraine, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. le rapporteur. L’amendement AS 425 est un amendement de précision, qui correspond à une demande parfaitement justifiée émanant de partenaires sociaux : il s’agit de substituer à l’appellation « dossier médical en santé au travail » celle de « carnet de santé au travail ».

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. L’amendement AS 499 est défendu.

M. Pascal Terrasse. L’amendement AS 301 rectifié s’inscrit dans la continuité de la discussion de ce matin. Le ministre lui-même a laissé entrevoir qu’il était assez favorable à l’idée d’un dispositif de traçabilité et de suivi médical post-professionnel. La notion de « dossier d’exposition aux risques professionnels tout au long de la vie » correspond à cette exigence de traçabilité et répond à une sollicitation très forte des partenaires sociaux, ainsi que des associations intervenant dans le domaine du handicap.

M. Jean Bardet. On confond souvent maladie professionnelle et pénibilité au travail. Or, on peut être exposé à l’amiante dans un bureau pendant toute sa carrière ou bien développer une maladie professionnelle sans exercer, pour autant, un métier pénible.

M. Jean Mallot. L’amendement AS 300 rectifié est un amendement de repli. Les études d’impact, auxquelles nous nous habituons progressivement, sont toujours très intéressantes, aussi bien par ce qu’elles disent que par leurs silences. Celle-ci précise que « l’exigence d’équité implique également d’apporter une réponse à la question de la pénibilité au travail : l’effort demandé aux assurés pour assurer l’équilibre des régimes de retraite ne peut méconnaître l’usure professionnelle à laquelle certains travailleurs sont confrontés ». On pourrait en déduire que vous allez aborder la question de l’usure au travail, notion distincte de la maladie et de l’incapacité professionnelles. Or, vous n’en faites rien.

Par cet amendement, nous demandons la création de dossiers d’exposition aux risques, destinés à retracer l’usure professionnelle, et nous souhaitons donner une consécration législative aux critères de pénibilité retenus par les partenaires sociaux : des contraintes physiques marquées, un environnement agressif et certains rythmes de travail. Bien que les discussions entre les partenaires sociaux n’aient pas permis de prendre en compte ces critères en matière de retraite, il existe entre eux un consensus sur leur définition.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement du Rapporteur.

M. Roland Muzeau. Je m’étonne qu’on remplace le terme de « dossier » par celui de « carnet ». On peut penser qu’un « dossier médical » fera naturellement l’objet d’une confidentialité totale, mais en sera-t-il de même d’un simple « carnet » ? Sauf explications supplémentaires, je ne suis guère favorable à un tel changement.

M. le rapporteur. Aux termes de l’alinéa 2, les informations relatives à l’état de santé du travailleur devront être recueillies dans le respect du secret médical.

M. François Bayrou. Mais pourquoi remplacer « dossier » par « carnet » ?

M. le rapporteur. C’est une demande technique des partenaires sociaux : la référence à un « dossier » pouvait suggérer une sorte de flicage. D’où le terme de carnet de santé.

M. François Bayrou. Qui renvoie curieusement à la période de l’enfance.

La Commission adopte l’amendement AS 425.

En conséquence, les amendements AS 499, AS 301 rectifié et AS 300 rectifié deviennent sans d’objet.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 345 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. On vous sent mal à l’aise sur la question de la pénibilité. Vous en parlez, l’exposé des motifs y fait référence, mais vous bottez en touche, sans doute parce que l’exercice est complexe et onéreux – nous avons évalué le coût à 5 ou 6 milliards d’euros dans le projet alternatif que nous défendons. Certaines de vos propositions ne manquent pourtant pas de complexité. Il faudrait aller jusqu’au bout de votre démarche au lieu de vous contenter de présenter, sous le nom de pénibilité, des mesures en fait relatives à l’invalidité.

Par cet amendement, nous demandons que l’on ne retrace pas les « conséquences constatées » des expositions aux risques, mais les expositions elles-mêmes. Chacun sait, en effet, que certaines maladies professionnelles ne se manifestent pas tout de suite. Celles qui sont liées à l’amiante se déclarent souvent entre 63 et 68 ans.

M. le rapporteur. La rédaction du texte n’a rien de restrictif. L’ensemble des expositions aux risques sera consigné dans une fiche additionnelle versée au dossier.

M. Régis Juanico. Le texte est en recul par rapport à l’avant-projet de loi, car il n’est plus question de recenser les expositions aux risques, mais leurs conséquences constatées. Pour garantir une véritable traçabilité, il faudrait retracer la durée des expositions, leur fréquence, leur intensité et leur cumul. Sinon, le carnet de santé ne servira qu’à constater l’usure au terme de la carrière professionnelle. Il conviendrait donc de rétablir la rédaction initiale du texte.

M. le ministre. Je peine à comprendre cet amendement : il est normal de s’intéresser avant tout aux conséquences de l’exposition au risque. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Catherine Génisson. Ne confondons pas les conditions de travail et leurs conséquences. Il est essentiel que les conditions de travail tout au long de la vie professionnelle soient mentionnées dans le carnet de santé. Puisqu’il a été question de traçabilité, il faut être cohérent.

M. le rapporteur. Les expositions aux risques seront, je le répète, retracées dans la fiche additionnelle. Il n’y a donc pas d’oubli.

M. Jean Leonetti. Le suivi est essentiel pour la prévention. Il faut certes constater les conséquences, mais il faut aussi recenser les expositions aux risques susceptibles d’être pathogènes. La première rédaction du texte me semblait donc préférable. Il faut concilier prévention et évaluation des conséquences.

M. le ministre. Les deux approches sont défendables, même si je préfère tout de même la rédaction du projet de loi – il est bon qu’un professionnel de santé évalue les conséquences. Sur ce point, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement AS 345.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 302 de Mme Marisol Touraine.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La question de la couverture de tous les salariés par la médecine au travail ne relève pas de ce projet de loi. Le Gouvernement a d’ailleurs indiqué qu’un texte serait bientôt déposé sur le sujet.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 302.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 472 du rapporteur.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 346 de Mme Marisol Touraine.

Mme Catherine Génisson. Le projet de loi permet la communication du dossier à un médecin choisi par l’intéressé, sur la demande de celui-ci, et il impose sa communication au médecin inspecteur du travail en cas de risque pour la santé publique. Nous demandons qu’il puisse en être de même, sur simple demande de l’intéressé, et que le dossier soit transmis à un second médecin inspecteur du travail en cas de contentieux. Ces dispositions permettront d’améliorer la prise en compte des risques encourus par le salarié.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le code de la santé publique.

M. le ministre. C’est vrai, mais avis plutôt favorable.

M. le rapporteur. Dans ce cas, par coordination, il faut remplacer le terme « dossier » par le terme « carnet ».

La Commission adopte l’amendement AS 346.

Elle examine ensuite l’amendement AS 347 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Christian Hutin. Le scandale de l’amiante a causé 150 000 morts en France, soit l’équivalent des pertes militaires françaises en 1940. Tous les deux ou trois jours, on découvre un faire-part de décès lié à l’amiante dans l’édition dunkerquoise de la Voix du Nord. J’ajoute qu’il existe d’importantes inéquités territoriales en matière de retraite : le report de l’âge légal aura une forte incidence à Dunkerque. Il ne faut pas non plus oublier que l’espérance de vie des victimes de l’amiante est de 62,5 ans, ce qui ne leur laissera bientôt que six mois de retraite, sauf dispositions particulières.

Afin d’éviter de nouveaux scandales, nous proposons que la forme et le contenu du dossier soient fixés par la puissance publique.

Le premier amendement adopté par notre commission tendait à améliorer l’information de nos concitoyens sur l’incidence, en matière de retraites, d’un certain nombre de phénomènes tels que le chômage et les études. J’avais proposé un sous-amendement tendant à ce que la pénibilité du travail et l’exposition aux risques soient prises en compte, mais il a été refusé. Dans le cas de l’amiante, certains savaient, mais ils se sont tus par faiblesse, comme la médecine du travail, ou bien par goût du profit, et ceux qui ne savaient pas meurent. Pour éviter la répétition d’un tel drame, nous proposons que les travailleurs soient informés tous les cinq ans du contenu de leur dossier d’exposition aux risques.

M. le rapporteur. L’amendement renvoyant l’application de ces mesures à un arrêté ministériel, je m’en remets à l’avis du Gouvernement.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 347 rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 162 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement tend à pénaliser le fait d’obtenir ou de chercher à obtenir la communication des informations médicales mentionnées dans les nouveaux carnets de santé au travail. Les salariés peuvent être en position de faiblesse en raison du lien entre l’employeur et le médecin, que notre collègue Dominique Tian proposait tout à l’heure de reconnaître, mais aussi à cause du contexte actuel de difficultés d’accès à l’emploi : il faut éviter que certains salariés ne soient licenciés en priorité après la révélation d’éventuels problèmes de santé.

M. le rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait en droit positif, tant en ce qui concerne les employeurs que les médecins.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 162.

Elle examine ensuite l’amendement AS 164 de Mme Martine Billard.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’inciter les chefs d’entreprise à adopter des conditions de travail respectant davantage la santé des salariés et à instaurer des mesures de prévention. Connaissant la sensibilité des employeurs aux incitations financières, nous proposons de porter les contributions dont ils sont redevables à des niveaux dissuasifs.

M. le rapporteur. Je comprends bien l’esprit de l’amendement, qui consiste à responsabiliser les employeurs : c’est le principe auquel obéissent déjà les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, lesquelles évoluent en fonction des résultats obtenus par les entreprises en matière de prévention des risques. Étant donné que le projet de loi instaure un dispositif de cotisations supplémentaires au titre du nouveau régime de prise en compte de la pénibilité, et que ce dispositif pourra être modulé en fonction des secteurs d’activité, selon qu’ils sont ou non concernés par la pénibilité, cet amendement ne me paraît pas nécessaire. Mieux vaudrait réfléchir à d’autres moyens de prévention de la pénibilité d’ici au mois de septembre.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 164.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 348 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 4 ne permettra d’établir qu’une traçabilité minimale de l’exposition aux risques des salariés. Nous proposons de faire expressément référence aux risques chimiques, mutagènes et reprotoxiques, qui sont les plus dangereux de tous. Bien qu’ils passent fréquemment inaperçus au cours de la vie professionnelle, leurs conséquences sont souvent dramatiques. Nous demandons, en outre, que l’on remplace les termes « conditions de pénibilité » par « risques professionnels ».

M. le rapporteur. Nous reviendrons sur la déclinaison des critères, lorsque nous examinerons l’article 27. Il me semble, par ailleurs, que cette question devrait être abordée au cours des consultations qui seront menées par le Gouvernement au mois d’août. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 348 rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement AS 479 de Mme Martine Billard.

M. Roland Muzeau. Cet amendement demande la prise en compte des risques psychosociaux, dont témoignent de nombreuses études. Nous en sommes particulièrement conscients dans cette commission, qui a multiplié les missions et adopté de nombreux rapports sur ce sujet. Au demeurant, nous devrions bientôt connaître les conclusions de la mission d’information sur les risques psychosociaux au travail, présidée par Marisol Touraine, qui a presque achevé ses travaux.

Selon la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNAT), la rédaction actuelle du texte contribuera à exclure du dispositif une majorité de victimes – celles dont les affections ne sont pas inscrites aux tableaux de maladies professionnelles ou celles qui ne réussissent pas à franchir la barrière des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, notamment les salariés atteints de souffrances psychiques causées par le harcèlement ou par la dégradation de l’organisation du travail. Ces phénomènes sont bien connus, mais ils donnent rarement lieu à la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

M. le rapporteur. Cet aspect de la pénibilité du travail est très difficile à appréhender, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Il semble délicat de retenir un tel critère pour le moment. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Contrairement aux risques physiques, les risques psychosociaux sont impossibles à définir. Leur traitement relève, avant tout, d’actions quotidiennes au sein des entreprises.

La Commission rejette l’amendement AS 479.

Elle examine ensuite l’amendement AS 303 de Mme Marisol Touraine.

Mme Martine Pinville. L’amendement tend à préciser l’expression : « certains rythmes de travail ». Les études scientifiques ont montré que le bouleversement de ceux-ci a des conséquences indéniables sur l’état de santé.

M. le rapporteur. La rédaction proposée me paraît restrictive et peu protectrice des salariés. Elle ne vise que le travail de nuit et les horaires variables, et non le travail répétitif, qui est pourtant une cause de la pénibilité du travail.

M. le ministre. La rédaction actuelle du texte est plus claire et plus compréhensible.

La Commission rejette l’amendement AS 303.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 473 du rapporteur.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 304 de Mme Marisol Touraine.

Mme Odette Duriez. Nous proposons que le modèle du document, fixé par un arrêté du ministre chargé du travail, soit élaboré par une commission spéciale composée de médecins du travail et de représentants syndicaux des différentes branches. Cela permettra d’élaborer un document complet, prenant en considération toutes les formes de pénibilité. La composition de cette commission devra respecter la diversité des professions concernées et celle des risques qui leur sont propres.

M. le rapporteur. Je m’en remets à l’avis du Gouvernement.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 304.

Elle examine ensuite l’amendement AS 163 de M. Roland Muzeau.

Mme Martine Billard. Le projet de loi impose qu’une copie du document soit remise au salarié lors de son départ de l’établissement. Or, les employeurs sont parfois indélicats : certains salariés ont le plus grand mal à récupérer les documents nécessaires à leur inscription aux ASSEDIC. Nous proposons donc des sanctions à l’encontre des employeurs qui ne remettraient pas ce document, très important pour la suite des carrières et pour la liquidation des retraites.

M. le rapporteur. La Cour de cassation veille déjà à la bonne application des obligations de l’employeur dans le domaine de la santé et de la sécurité, parfois même dans un sens extensif. Cet amendement ne me paraît donc pas utile.

M. le ministre. Avis défavorable.

Mme Martine Billard. Mais la jurisprudence n’est pas la loi ! Il faut inscrire ces obligations dans la loi, pour que les salariés n’aient pas besoin de recourir à la justice pour faire reconnaître leurs droits.

La Commission rejette l’amendement AS 163.

Les amendements AS 391 et AS 79 ne sont pas défendus.

La Commission adopte l’article 25 ainsi modifié.

Article 26 : Abaissement de la condition d’âge pour le départ à la retraite et bénéfice du taux plein au profit des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie ou d’un accident professionnels

La Commission examine les amendements de suppression AS 165 de M. Roland Muzeau et AS 306 de Mme Marisol Touraine.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à supprimer l’article 26, qui traduit votre volonté de ne pas prendre totalement en compte la pénibilité. Nous contestons vigoureusement la façon dont vous traitez une injustice fragrante. Comme vous le savez, l’espérance de vie diffère selon la profession – il y a sept ans d’écart entre un ouvrier et un cadre – et cet écart s’est creusé au cours des dix dernières années. Les ouvriers jouiront donc moins longtemps de leur pension de retraite en bonne santé. Cette injustice, à laquelle vous devriez être sensible, monsieur le ministre, doit être compensée par un départ anticipé à la retraite pour ces salariés pénalisés. Au lieu de cela, vous nous proposez un dispositif individualisé, médicalisé, qui n’a pas l’envergure que nous pourrions attendre dans un pays comme le nôtre.

Nous avions déposé des amendements posant le principe d’un droit au départ anticipé en raison d’une bonification en fonction d’un quantum d’années d’exposition aux trois facteurs de pénibilité retenus par les partenaires sociaux – contraintes physiques, contraintes environnementales agressives et rythmes de travail – mais on leur a opposé l’article 40.

M. le président Pierre Méhaignerie. En matière de pénibilité, je rappelle qu’en 2002, les ouvriers partaient en retraite après quarante-cinq ou quarante-six années d’activité. Dans ce domaine, nous avons su prendre nos responsabilités et je n’accepte pas votre accusation, qui pour moi relève de la caricature !

Mme Martine Billard. M. Nicolas Sarkozy regrette que la retraite n’ait pas été maintenue à 65 ans : cela représenterait de nombreuses années de cotisations pour les ouvriers !

M. le rapporteur. Le dispositif proposé par le Gouvernement doit être maintenu, car il prend en compte les situations individuelles. En outre, il est immédiatement opérationnel et compréhensible. Je rappelle, enfin, que la concertation sur la pénibilité se poursuit jusqu’en septembre prochain.

La Commission rejette les amendements AS 165 et AS 306.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel, AS 474 du rapporteur.

Puis, elle adopte l’article 26 ainsi modifié.

Après l’article 26

La Commission examine l’amendement AS 411 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les organismes que nous avons auditionnés nous ont interpellés quant à la possibilité d’appliquer le nouveau droit, ouvert à l’article 26, aux personnes qui ne sont pas affiliées au régime général de sécurité sociale et ne bénéficient pas d’une couverture accidents du travail-maladie professionnelle – je pense en particulier aux ressortissants du régime social des indépendants. J’attends donc du Gouvernement qu’il propose, dans les meilleurs délais, la solution la plus adéquate pour adapter les dispositions de l’article 26 à ces situations.

M. Régis Juanico. La possibilité offerte aux salariés de partir à taux plein à l’âge légal pour une incapacité permanente déclarée supérieure ou égale à 20 % est présentée comme un progrès. Je voudrais introduire un élément de doute compte tenu du calendrier d’application de cette mesure. En effet, si le carnet de santé au travail doit être mis en place avant la fin de l’année 2011, au plus tard le 1er janvier 2012, la mesure d’incapacité permanente, elle, le sera dès le 1er juillet 2011. À partir de cette date, les salariés concernés pourront partir à 60 ans, mais le relèvement de l’âge légal de départ se faisant progressivement jusqu’en 2018, ceux qui pourront partir au titre d’une incapacité permanente à cette date gagneront deux ans, alors que ceux qui le feront en juillet 2011 ne gagneront qu’un ou deux trimestres. Pour ces derniers, il y a là un marché de dupe.

M. le ministre. Je suis favorable à l’amendement du Rapporteur.

La Commission adopte l’amendement AS 411.

Article 27 : Modalités de financement de la mesure d’abaissement de l’âge requis pour la liquidation de la pension de retraite des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail

La Commission examine les amendements de suppression AS 71 de M. Dominique Tian et AS 167, de M. Roland Muzeau.

M. Dominique Tian. Il serait dangereux pour la compétitivité des entreprises de faire financer par la seule branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) le dispositif de prise en compte de la pénibilité, car cela pénaliserait les entreprises qui utilisent une importante main-d’œuvre. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 27.

M. Roland Muzeau. Nous proposons également de le supprimer, mais nos arguments sont très éloignés de ceux de Dominique Tian. Pour nous, le financement du dispositif devrait reposer sur une cotisation mutualisée, à la charge de l’employeur. Nous refusons donc les modalités que vous avez retenues à cet égard, car elles ne font nullement appel à la solidarité nationale et n’inciteront pas les employeurs à réduire les risques professionnels.

M. le rapporteur. Le financement par la branche AT-MP se justifie pleinement, car il s’agit de financer des départs à la retraite pour pénibilité, donc des départs justifiés par l’état de santé des travailleurs. Il n’est donc pas illogique de majorer les cotisations au titre des maladies professionnelles. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette les amendements AS 71 et AS 167.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels AS 475 et AS 477, ainsi que l’amendement de coordination AS 476 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 27 ainsi modifié.

Après l’article 27

La Commission est saisie de 17 amendements portant articles additionnels après l’article 27.

Elle examine d’abord l’amendement AS 500 de la Commission des finances.

M. Hervé Mariton. Cet amendement, adopté à l’unanimité par la Commission des finances, vise à ouvrir la possibilité à tout salarié, en accord avec son employeur et nonobstant les stipulations de la convention ou de l’accord collectif ayant institué le compte épargne temps, d’utiliser les droits affectés sur ce compte pour cesser, de manière progressive ou totale, son activité.

Ce dont notre pays a besoin, c’est que les Français travaillent davantage. Cependant, si certains salariés souhaitent anticiper leur départ à la retraite, il faut leur en laisser le choix.

M. le rapporteur. Cet amendement présente un réel intérêt, mais il serait préférable de n’autoriser qu’une cessation progressive de l’activité.

M. le ministre. Le Rapporteur a raison. Il faut éviter ce qui s’apparente à une préretraite. L’utilisation des comptes épargne temps pour faciliter la fin de carrière est un dispositif clair, cohérent avec l’esprit du projet de loi.

M. Hervé Mariton. J’accepte la rectification proposée.

M. Pascal Terrasse. Cet amendement est, en effet, très intéressant. Un certain nombre de collectivités territoriales et d’entreprises, dans le cadre des 35 heures, ont mis en place les comptes d’épargne temps et ont pu ainsi faire bénéficier leurs salariés de départs anticipés. Le problème vient de ce que le dispositif est limité dans le temps, ce qui oblige l’employeur, soit à permettre au salarié d’interrompre son activité, soit à lui payer les heures qu’il n’a pas effectuées. Il faut donc laisser le choix au salarié d’utiliser son compte épargne temps lorsqu’il décide de cesser son activité.

La Commission adopte l’amendement AS 500 rectifié.

Les amendements AS 388, AS 386, AS 387, AS 389 et AS 390 ne sont pas défendus.

La Commission examine l’amendement AS 205 de Mme Cécile Dumoulin.

Mme Cécile Dumoulin. Il faut donner au médecin du travail un rôle central dans l’évaluation de la pénibilité de l’emploi. Son avis tient compte de l’âge de la personne, de sa résistance physique et de son état physique et mental. Nous proposons d’y ajouter les facteurs de risques professionnels déterminés par décret.

M. le rapporteur. Cette proposition est très intéressante, mais elle relève de la réforme de la médecine du travail que le Gouvernement nous présentera dès la rentrée. Vous pourrez présenter cet amendement à cette occasion.

M. le ministre. Ce texte est prêt, nous vous le soumettrons dès que le calendrier parlementaire le permettra.

Mme Cécile Dumoulin. J’accepte donc de retirer mon amendement.

L’amendement AS 205 est retiré.

L’amendement AS 80 n’est pas défendu.

La Commission examine l’amendement AS 294 rectifié de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à inscrire dans la loi une définition de la pénibilité et des facteurs de pénibilité, en précisant les éléments à prendre en compte à l’occasion de la fin de carrière ou au long du parcours professionnel du salarié.

Vous allez nous opposer qu’une définition relève au mieux du domaine réglementaire. Mais, outre que la loi de 2003 contient de nombreux articles de nature similaire, nous avons intérêt, pour faciliter le traitement individuel de la pénibilité comme pour déterminer les risques à prendre en considération, à distinguer dans la loi deux formes de pénibilité : la première génère des affections à long terme qui entraînent une diminution de l’espérance de vie, la seconde procède du ressenti chez un salarié dont l’état de santé est déficient.

M. le rapporteur. Nous avons déjà longuement discuté de la définition de la pénibilité. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 294 rectifié.

Puis, elle examine l’amendement AS 295 de Mme Marisol Touraine.

M. Alain Vidalies. Cet amendement, qui vise à définir les critères d’exposition à la pénibilité, fait un peu la synthèse de ce qu’ont apporté les négociations des partenaires sociaux et divers rapports.

La pénibilité n’est en rien théorique. S’agissant du port de charges lourdes, le nombre de salariés concernés a doublé entre 1984 et 2005. Les maladies du dos, notamment celles affectant les vertèbres lombaires, constituent la première cause d’invalidité professionnelle pour les moins de 45 ans. 100 000 travailleurs de plus de 50 ans travaillent régulièrement la nuit, dont la moitié plus de 200 nuits par an ! En 2005, 28 % des ouvriers déclaraient travailler sous contrainte automatique, c’est-à-dire sur une chaîne de production : ils n’étaient que 17 % en 1984 ! Seul le nombre de salariés exposés à des agents toxiques est en diminution – sur ce plan, nous avons fait des progrès.

Le travail de nuit est inévitable dans la police, les hôpitaux, les services de garde et certaines industries, mais cette contrainte sociale a des conséquences individuelles. Il convient donc de retenir ces critères qui concernent potentiellement des centaines de milliers de personnes.

M. François Bayrou. Je trouve cet amendement intéressant et si je pouvais, je le voterais. Il a le mérite, plutôt rare, de prendre en compte les résultats des discussions des partenaires sociaux, de les inscrire dans la loi, et ainsi de circonscrire les situations de pénibilité. Tout le monde, le ministre en particulier, reconnaît à quel point il est difficile de définir, donc de traiter la pénibilité. Cette difficulté disparaîtra si vous adoptez cet amendement.

M. le rapporteur. Nous avons déjà longuement évoqué cette question et défendu nos arguments respectifs. Avis défavorable.

M. le ministre. La pénibilité est définie dans l’article 25, qui mentionne les contraintes physiques marquées, l’environnement physique agressif, les rythmes de travail. Je ne vois pas ce que cet amendement apporte de plus. Peut-être faudra-t-il la redéfinir dans le texte que nous vous présenterons à la rentrée, mais il n’est pas utile d’insérer un article additionnel dans ce texte.

M. Jean Mallot. Monsieur le ministre, dois-je comprendre que, si vous aviez à reprendre de façon plus détaillée les critères mentionnés de façon synthétique à l’article 25, vous utiliseriez les termes que propose Alain Vidalies ?

M. le ministre. Que les rythmes de travail, l’environnement agressif ou les contraintes physiques soient des facteurs d’exposition aux risques professionnels, c’est un fait dont nous sommes convenus au cours de nos discussions avec les partenaires sociaux. L’article 25 est très clair sur ce point.

La Commission rejette l’amendement AS 295.

Elle examine ensuite l’amendement AS 296 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Régis Juanico. À travers ces quelques amendements, nous vous proposons un dispositif cohérent, comprenant une définition, des critères et un dossier d’exposition aux risques professionnels. Le Gouvernement, quant à lui, a renoncé à une belle idée en ne dotant pas son projet de loi d’un volet consacré à la pénibilité au travail.

C’est pourtant le moins que nous pouvions attendre, compte tenu des engagements pris en 2003 par la majorité, en particulier par votre ami M. Xavier Bertrand, rapporteur du texte et auteur de l’article 12, lequel prévoyait une négociation interprofessionnelle entre les partenaires sociaux dans un délai de trois ans. Certes, cette négociation ne s’est pas conclue par un accord, mais elle a donné des résultats, puisque le texte contient un volet prévention, approuvé par tous les partenaires sociaux. Ceux-ci se sont également mis d’accord sur une définition, reprise par la mission d’information parlementaire dont le rapporteur était Jean-Frédéric Poisson, ainsi que sur des critères détaillés devant être fixés par décret : environnement agressif, contraintes horaires et contraintes physiques ou psychiques.

Le présent amendement demande la constitution d’un dossier d’exposition aux risques professionnels. Certains salariés n’ayant pas de dossier médical qui permette le suivi précis de cette exposition, nous proposons qu’ils remplissent une déclaration, qu’ils joindront à leur dossier de liquidation de retraite, reprenant tous les éléments en leur possession susceptibles de démontrer le niveau de l’exposition, et nous souhaitons qu’ils puissent bénéficier pour cela de l’aide d’un représentant d’une organisation syndicale.

M. le rapporteur. J’ai écouté avec attention notre collègue Régis Juanico, mais son amendement en dit trop ou pas assez. Trop, car pourquoi prévoir un dispositif transitoire alors qu’il faut aller au plus vite ? Pas assez, dans le sens où nous ne connaissons pas les seuils à partir desquels une exposition a des effets sur l’espérance de vie en bonne santé. Cependant, cette question délicate des effets différés sera évoquée au cours du mois d’août, avec les partenaires sociaux, dans le cadre de la préparation du projet de loi portant réforme de la médecine du travail. En attendant, avis défavorable.

M. le ministre. Même position.

La Commission rejette l’amendement AS 296 rectifié.

Elle examine l’amendement AS 305 de Mme Marisol Touraine.

M. Pascal Terrasse. Le Gouvernement a refusé la quasi-totalité des amendements proposés par l’opposition. Celui-ci devrait cependant s’inscrire dans votre logique, car il propose que « toute réforme du régime des retraites donne lieu à une réflexion préalable et à une négociation sur la pénibilité du travail ». Cet amendement, qui pourrait être retiré en septembre, montrerait aux partenaires sociaux que vous allez engager avec eux, avant l’examen du texte en séance publique, une véritable négociation préalable.

M. le rapporteur. On ne peut qu’être d’accord avec l’intention qui inspire cet amendement. Cependant, sa mise en pratique est problématique. Que se passerait-il, par exemple, en cas d’échec de cette négociation ? Par ailleurs, pourquoi privilégier la pénibilité en négligeant tous les autres sujets ? Je m’en remets à la sagesse du Gouvernement.

M. le ministre. Avis négatif. Une réforme des retraites exige évidemment une réflexion et des consultations préalables, qui portent du reste sur bien d’autres sujets que la pénibilité.

La Commission rejette l’ amendement AS 305.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 393 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Luc Préel. L’amendement tend à ce que des conventions ou accords de branche puissent prévoir des modalités de cessation anticipée d’activité pour les salariés exposés à des facteurs de pénibilité. Ces dispositifs seraient financés par un fonds alimenté par les cotisations des entreprises de la branche.

M. le rapporteur. Il s’agit d’une piste intéressante, mais il faudrait proposer un véritable dispositif conventionnel. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 393.

Puis, elle examine l’amendement AS 405 de M. le président Pierre Méhaignerie.

M. le président Pierre Méhaignerie. Un traitement collectif de la pénibilité n’est pas possible, mais certains éléments du traitement individuel peuvent néanmoins paraître insuffisants. Il faut faire confiance et ne pas tuer la responsabilité individuelle des entreprises, ni transférer la politique de prévention de l’entreprise à la collectivité.

Certaines entreprises ont la volonté de s’engager dans le traitement de la pénibilité en le finançant en grande partie. Il faut tirer parti de la possibilité d’expérimenter – je crois en effet à la contagion des bonnes expériences – pour valoriser le travail, en particulier le travail ouvrier. Des voies existent, même si nous nous heurtons aujourd’hui à l’article 40. Je souhaite qu’au cours du débat en séance publique, le Gouvernement nous dise comment avancer dans ce traitement de la pénibilité. Le tutorat ou le travail partiel sont des solutions. En tout état de cause, il faut anticiper.

Il serait trop facile de recourir systématiquement, pour financer ces dispositifs, aux comptes sociaux ou au déficit. Tous ceux qui participent aux travaux de la Commission des affaires sociales savent que nous sommes arrivés aux limites de l’État providence. La France est, de tous les pays d’Europe, celui où il atteint le plus grand développement. La mondialisation et la compétitivité exigent d’être très vigilants à cet égard : l’exemple de tous nos voisins nous y invite.

Je souhaite que nous ayons sur ce point un débat approfondi et mettions en place des solutions expérimentales.

M. le rapporteur. Avis d’autant plus favorable que je suis cosignataire de cet amendement.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, votre proposition exprime votre bonne volonté, mais aussi votre mauvaise conscience, car vous sentez bien qu’il manque, dans ce texte, des éléments consacrés à la situation des travailleurs. Nous avons déjà préconisé plusieurs solutions et je suis persuadé que nous avons les moyens de définir concrètement les conditions de prise en compte de la pénibilité pour les ouvriers.

Il faudra sans doute envisager mieux que la simple augmentation des prélèvements fiscaux et sociaux. De fait, le recours à ces deux instruments ne saurait suffire à remédier à la situation financière de notre pays. En entendant hier la droite imputer cette situation à la gauche à cause des 35 heures et la gauche l’imputer – plus légitimement selon moi – à la droite à cause des déficits qu’elle a laissé filer, il m’a semblé qu’elle s’expliquait précisément par notre incapacité commune à en assumer collectivement, pour l’avenir, la responsabilité. Nous devrions donc réfléchir à des solutions adéquates.

Ainsi, si des mesures fiscales sont nécessaires pour assurer l’équilibre et le financement du système, sans doute ne peuvent-elles être que ponctuelles et provisoires. Du moins faut-il que chacun soit soumis à une contribution égale pour améliorer la situation de nos comptes de retraite et de nos comptes sociaux.

M. Roland Muzeau. Votre intervention, monsieur le président, exprime votre conscience du ressentiment que le monde du travail éprouvera dans les prochaines heures face à l’échec patent de la réunion de ce matin sur la définition et la reconnaissance de la pénibilité. Vous mesurez, avec vos mots, la déception de ceux qui souffrent.

Mais, cette déception sera partagée par certains employeurs. Ainsi, le directeur des ressources humaines de Rhodia sera atterré par la conclusion de nos débats, qui n’ont rien fait avancer. Dans une interview que je lisais à l’instant, il constatait qu’aucun des 1 500 salariés de son entreprise ne serait concerné par le projet de loi, et s’en félicitait d’ailleurs, car le contraire eût impliqué qu’ils fussent frappés d’une incapacité de 20 %. Il ajoutait qu’il est anormal de conditionner un départ anticipé à une usure physique déjà avérée – c’est du reste ce que nous ne cessons de répéter –, situation dont le traitement relève selon lui de la branche AT-MP et non des systèmes de retraite.

Les déçus seront donc nombreux et les salariés n’espèrent pas grand-chose des échanges, dont vous annoncez la poursuite pour le mois d’août.

M. le président Pierre Méhaignerie. La mauvaise conscience, monsieur Gorce, est également partagée sur tous les bancs, en particulier lorsqu’il s’agit de passer des intentions aux actes. Ainsi, le président du Parti socialiste européen, M. Rasmussen, n’évoquait-il pas la mauvaise conscience des dirigeants sociaux-démocrates, due aux raisons qui leur ont fait perdre le pouvoir.

M. Alain Vidalies. Ces dirigeants ont mauvaise conscience d’avoir mené une politique qui ressemble étrangement à celle que vous voulez mener aujourd’hui. Malraux disait qu’il faut transformer l’expérience en conscience. Je vous invite à le faire.

M. le président Pierre Méhaignerie. Pour relativiser votre projet, songez à 1981 et 1982.

La Commission adopte l’amendement AS 405.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 298 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Jean Mallot. Reprenons le débat à son point de départ. La campagne de publicité, que nous avons stigmatisée hier et que vous aviez lancée voici plusieurs mois sur la base d’un avant-avant-projet de loi, distinguait clairement les carrières longues et la pénibilité du travail, démentant ainsi l’amalgame que vous tentez de faire entre ces deux thèmes. Vous devriez bien aussi, au terme de nos débats de ce matin, distinguer la pénibilité de l’incapacité, car nous avons démontré que ce sont deux choses différentes.

Cependant, nous avons compris que vous ne souhaitez pas avancer réellement sur cette question de la pénibilité, mais seulement en parler pour préparer le terrain – au rugby, on dirait que vous voulez « garder la balle sous la mêlée » – en vue d’une annonce que pourrait faire le Président de la République dans quelques semaines. Gardez-vous cependant de l’abus de tactique, car la surprise risque d’être éventée. Mieux vaudrait vous appuyer sur les travaux de notre commission pour réaliser de réelles avancées et indiquer quelles sont réellement vos intentions.

Alors qu’il aurait dû vous obliger à de tels progrès, l’article 12 de la loi de 2003 vous a permis de berner les partenaires sociaux et de leur faire avaler la pilule. Le rapport Poisson n’a été suivi d’aucun effet. Nous craignons qu’il en soit de même des débats de ce matin. L’amendement AS 298 vous invite donc à avancer dans la prise en compte de la pénibilité et dans la définition des modalités d’une majoration de la durée d’assurance acquise, ainsi que des conditions d’un départ anticipé. Il serait temps, en effet, de passer à l’acte.

M. le rapporteur. Serge Volkoff déclarait que les outils scientifiques actuels ne permettent pas de déterminer les seuils à partir desquels l’exposition à des facteurs de pénibilité a des conséquences néfastes sur l’espérance de vie.

Nous devons poursuivre ensemble nos réflexions. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 298 rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 394 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Luc Préel. L’amendement propose la remise au Parlement d’un rapport sur les travaux de l’Observatoire de la pénibilité, portant sur la définition de la pénibilité au travail. Le Parlement doit, en effet, être régulièrement informé des connaissances en la matière de façon à pouvoir en tenir compte dans les politiques sociales.

M. le rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par l’amendement AS 405 que nous avons adopté tout à l’heure. Cependant, je m’en remets à la sagesse du Gouvernement.

M. le ministre. L’observatoire étant créé, il semble aller de soi qu’il rendra des rapports.

La Commission rejette l’amendement AS 394.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 293 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement exprime la nécessité de prendre en compte la pénibilité tout au long du parcours professionnel dans l’intitulé du titre IV du projet de loi.

M. le rapporteur. Avis très favorable.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 293.

TITRE V
MESURES DE SOLIDARITÉ

Chapitre Ier
Dispositions applicables au régime des exploitants agricoles

Article 28 : Extension de la retraite complémentaire obligatoire du régime des exploitants agricoles aux aides familiaux et aux collaborateurs de chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 470 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 28 ainsi modifié.

Article 29 : Exclusion du capital d’exploitation de l’assiette du recouvrement sur les successions du minimum vieillesse des exploitants agricoles

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 471 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 29 ainsi modifié.

Après l’article 29

La Commission est saisie de 34 amendements portant articles additionnels après l’article 29.

L’amendement AS 5 n’est pas défendu.

Elle examine ensuite l’amendement AS 53 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je présenterai en même temps cet amendement et l’amendement AS 54, lui aussi consacré à la réversion. Les dispositions en vigueur sont très inégalitaires. De fait, à la différence du secteur privé, le bénéfice de la réversion dans le secteur public n’est soumis à aucune condition d’âge ou de ressources dans le secteur public – pour autant que le bénéficiaire ne soit pas remarié ou pacsé.

M. le rapporteur. La convergence est une bonne chose, à condition de respecter des règles d’équité. La remise en question des conditions d’attribution des pensions de réversion dans la fonction publique devrait s’accompagner de la même démarche dans les régimes complémentaires, sous peine d’injustice. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Même avis. Historiquement, les systèmes de réversion du public et du privé, conçus à 200 ans d’écart, reposent sur des principes radicalement différents. Le régime du privé, qui date du milieu du xxe siècle, tenait compte du travail des femmes.

D’autre part, alors que le régime public est un régime intégré, le régime privé comporte deux étages, qui ne sont pas soumis aux mêmes conditions, de telle sorte que la transposition serait très difficile.

Mme Marie-Françoise Clergeau. La proposition de Dominique Tian est injuste. S’il faut réformer les pensions de réversion, mieux vaudrait aligner celles du privé sur celles du public. Les veufs et veuves du privé devraient pouvoir bénéficier des droits acquis.

La Commission rejette les amendements AS 53 et AS 54.

Elle examine alors l’amendement AS 377 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. En tant que président du groupe d’étude sur les conjoints survivants, j’avais déposé plusieurs amendements tendant à améliorer le système actuel. Ils sont tous tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution, à l’exception de celui-ci.

Il n’est pas équitable que la pension de réversion des veuves de militaires ou de certains fonctionnaires soit calculée non seulement en fonction de la durée du mariage, mais aussi du nombre de lits. Une veuve a ainsi vu sa pension de réversion divisée de moitié en même temps qu’elle a appris que son mari avait eu un enfant d’un autre lit.

M. le rapporteur. Les lits extraconjugaux sont une affaire bien compliquée ! Je refile le bébé au Gouvernement !

M. le secrétaire d’État. L’article 45 du code des pensions civiles et militaires dispose que la pension est répartie entre plusieurs conjoints divorcés ou survivants au prorata de la durée. Mais, dans la fonction publique, lorsqu’il existe un enfant issu du premier lit et s’il est orphelin de père et mère, la pension est divisée entre cet orphelin et la veuve jusqu’à ce que le premier atteigne l’âge de 21 ans, après quoi elle est versée à nouveau au prorata de la durée de mariage. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 377.

Elle examine ensuite l’amendement AS 412 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à rétablir l’assurance veuvage. En réponse à une question que j’ai posée la semaine dernière, le Gouvernement s’est d’ailleurs engagé à la prorogation de ce dispositif abrogé par la loi de 2003.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas moi qui, en 2003, ai voté la suppression de la condition d’âge pour le bénéfice de la réversion et la suppression du dispositif de l’assurance veuvage pour les jeunes veuves. C’est également votre Gouvernement qui a rétabli, en 2008, la condition d’âge. Depuis deux ans, bon nombre des 400 000 jeunes veuves que compte notre pays sont dans l’inquiétude, ignorant ce qu’il adviendra au 31 décembre 2010. Il est inadmissible que l’on n’envisage qu’aujourd’hui de trouver une solution. C’est se moquer de personnes qui n’ont pas toujours les moyens de se défendre.

La Commission adopte l’amendement AS 412.

La Commission examine l’amendement AS 400 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il convient d’assurer l’équité entre les différents régimes de réversion, de base et complémentaires. Compte tenu des limites apportées à l’initiative parlementaire, nous demandons au Gouvernement de présenter un rapport sur ce sujet.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 400.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 171 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous demandons qu’un décret détermine le montant du salaire mentionné à l’article L. 6222-27 du code du travail et les conditions dans lesquelles les avantages en nature peuvent en être déduits – le salaire minimum perçu par l’apprenti ne pourra être inférieur à 50 % du SMIC.

Il s’agit de permettre l’acquisition de droits dès l’apprentissage, de façon à améliorer les conditions des apprentis, tout en augmentant les recettes provenant des cotisations.

M. le rapporteur. La question du statut des apprentis est capitale, mais elle doit être envisagée de façon globale. Or, un plan de relance de l’apprentissage a justement été annoncé par le secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 171.

Puis elle examine l’amendement AS 170 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Suite, notamment, à la mobilisation de l’association « Génération précaire », une petite indemnisation est désormais prévue pour les stages de plus de deux mois. Mais ces stages, qui peuvent parfois être d’une durée assez longue, n’ouvrent pas de droits à la retraite. À partir du moment où l’on repousse l’âge de départ en retraite, il convient de permettre aux stagiaires de percevoir une rémunération ouvrant droit à cotisation, sur la base de 50 % du SMIC.

M. le rapporteur. Une évaluation de la loi est prévue à l’automne. Attendons d’en avoir les résultats avant de procéder à une nouvelle modification.

M. le président Pierre Méhaignerie. N’oublions pas que les collectivités, quelle que soit la couleur politique de leurs responsables, sont les premières à renoncer à l’emploi de stagiaires, lorsqu’on leur demande une participation importante.

M. le ministre. La règle d’enregistrement des trimestres sur la base de 200 heures de SMIC, hors gratification, vaut également pour les stagiaires.

M. Pascal Terrasse. Selon la présidente de la CNAV, des validations pour les stagiaires ou les étudiants devraient être décidées en contrepartie de l’allongement de la durée de cotisation ou du report de l’âge légal. Je ne vois rien de tel dans le projet de loi. Au contraire, le projet alternatif présenté par les socialistes prévoit la prise en compte des années d’études et de stages de façon à ne pas pénaliser les personnes qui suivent des études longues.

La Commission rejette l’amendement AS 170.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 156 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Depuis mardi, on entend beaucoup parler de convergence et d’équité, mais c’est toujours pour justifier une réduction des droits. Or, les modalités de la bonification pour enfant sont différentes dans le secteur privé et dans la fonction publique. Dans le privé, la mobilisation des associations a permis de la maintenir à deux ans, mais elle est d’un an seulement dans le public. En outre, pour en bénéficier, les fonctionnaires doivent avoir interrompu leur activité pendant au moins deux mois consécutifs. Cette condition n’est presque jamais remplie par les hommes, et elle ne l’est pas non plus par les enseignantes qui ont accouché au début des vacances scolaires d’été. Elles perdent donc le bénéfice de la bonification.

Nous demandons donc au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur cette question. Ainsi, pour une fois, la convergence se ferait au bénéfice des fonctionnaires.

M. le rapporteur. Je suis d’accord avec le raisonnement de Martine Billard : cette question doit être étudiée. Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. On peut être d’accord avec ce raisonnement tout en mesurant à quel point les distinctions entre régimes public et privé sont complexes. Ainsi, dans le public, la validation peut aller jusqu’à trois ans.

En ce qui concerne les enseignantes, la durée minimale du congé de maternité correspond à celle des congés scolaires d’été, soit environ deux mois. Sans cette possibilité de s’arrêter deux mois, la mère enseignante qui n’aurait pas pris ses congés de maternité, ou en aurait pris seulement une partie, tomberait dans l’illégalité. Sur ce problème mis en avant par le Médiateur de la République, on peut donc trouver des réponses.

En revanche, pour les adoptantes, le problème est réel. Nous avons demandé à nos services d’évaluer le nombre de personnes concernées, mais elles devraient être très peu nombreuses, car la durée du congé d’adoption, dix semaines, correspond à peu près aux vacances d’été.

En ce qui me concerne, je suis plutôt défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 156.

Puis, elle en vient à l’amendement AS 407 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. La prise en charge d’un enfant handicapé peut avoir pour conséquence de perturber, voire d’empêcher une carrière. C’est pourquoi la majoration de pension accordée aux assurés ayant élevé au moins trois enfants devrait être accordée avec la même générosité aux parents ayant eu un enfant handicapé. L’amendement vise à réclamer un rapport sur ce sujet.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Les avantages consentis aux personnes se trouvant dans cette situation ne sont pas remis en cause.

La Commission rejette l’amendement AS 407.

Elle examine ensuite l’amendement AS 311 de Mme Marisol Touraine.

Mme Martine Pinville. L’amendement prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les conditions de suppression de la condition d’âge prévue pour la majoration de la pension de réversion.

M. le rapporteur. Le système vient d’être modifié ; il fonctionne bien et il est juste. Pourquoi le modifier à nouveau ? Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Le Président de la République avait pris l’engagement de faire passer de 54 à 60 % le taux de la pension de réversion.

M. le ministre. Cela a été fait, sous conditions de ressources.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Cela ne concerne qu’un petit nombre de veuves.

M. le ministre. 600 000 personnes !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il y a environ quatre millions de veuves en France. Cet amendement se justifie donc par les engagements non tenus du Président de la République et du Gouvernement.

M. le président Pierre Méhaignerie. C’est tellement facile ! Demander toujours plus !

M. le ministre. Je m’étonne que vous vous fassiez les défenseurs d’engagements avec lesquels vous étiez en désaccord.

Mme Martine Billard. Les engagements du Président de la République concernent tous les Français !

La Commission rejette l’amendement AS 311.

Puis, elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS 413 du rapporteur et AS 312 de Mme Marisol Touraine.

M. le rapporteur. La loi de 2003 prévoit une suppression de l’allocation veuvage au 1er janvier 2011.

Dans l’urgence, il a été proposé dans un autre amendement de proroger le dispositif, afin de ne pas mettre en difficulté financière les veuves de moins de 55 ans qui ne bénéficient pas de la pension de réversion.

Cependant, les critiques adressées à l’allocation veuvage montrent que la prise en compte du veuvage précoce peut être améliorée, dans ses conditions d’attribution – notamment par la prise en compte des enfants à charge et par la revalorisation du montant de la prestation – et de financement – le cas échéant, un financement par la branche famille mériterait d’être étudié. La prorogation du dispositif actuel ne clôt pas le débat.

C’est pourquoi cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la prise en charge du veuvage précoce.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il importe, en effet, d’observer la situation des jeunes veuves et d’évaluer leurs moyens de subsistance.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement AS 413.

La Commission adopte l’amendement AS 413.

En conséquence, l’amendement AS 312 devient sans objet.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 501 de la Commission des finances, AS 313 de Mme Marisol Touraine et AS 142 de Mme Martine Billard.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. L’éventualité d’étendre le bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par un pacte civil de solidarité a été évoquée par le COR et par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Même si le PACS n’est pas assorti des mêmes obligations alimentaires que le mariage, la question se pose de l’équité de traitement au regard de la réversion. Pour étudier cette question complexe, la Commission des finances a jugé utile de réclamer un rapport.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. La question de l’égalité des droits en matière de réversion entre personnes pacsées et mariées se pose depuis plusieurs années. Marisol Touraine l’évoquait d’ailleurs à l’occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. En 2001, un arrêt du Conseil d’État reconnaissait que la question de la pension était soumise aux critères européens de non-discrimination. De même, le 1er avril 2009, la Cour de justice des communautés européennes a donné raison au compagnon d’un homme qui souhaitait toucher l’allocation veuvage. De leur côté, un certain nombre de députés UMP ont interpellé, il y a quelques mois, la secrétaire d’État chargée de la famille sur cette question. On leur a répondu que le Gouvernement était « disposé à approfondir la réforme de la réversion engagée en 2003 sur la base des engagements présidentiels et des questions qui lui auront été soumises dans le cadre des questions et des rapports parlementaires ». Enfin, le Médiateur de la République a évoqué la question dans le cadre de ses recommandations.

Notre amendement prévoit qu’un rapport soit présenté avant mars 2011 sur ce sujet dont on se préoccupe sur tous les bancs.

Mme Martine Billard. Cette question a fait l’objet de nombreux avis – de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale en 2007, du COR et de la Cour de justice des communautés européennes en 2008, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE)… Or, toutes ces institutions disent la même chose : il faut aligner les droits des couples pacsés – sous condition de durée – avec ceux des couples mariés. À entendre les propos de Laurent Hénart, je crois comprendre que la différence de traitement se justifierait par le fait que les personnes pacsées n’ont pas d’obligation en matière de pension alimentaire. Mais, la réversion concerne la retraite, donc un moment de la vie complètement différent. Sur la question de la pension de retraite, tous les avis convergent pour estimer qu’il y a discrimination. En matière d’égalité des droits entre couples mariés et couples pacsés, nous avons connu plusieurs avancées – sur l’imposition, par exemple. La réversion est le seul domaine dans lequel une différence subsiste, et il est donc temps d’avancer sur cette question. L’article 40 ne nous permettant pas de proposer directement cette mesure d’égalité, nous ne pouvons que réclamer un rapport sur le sujet.

Je sais que cette disposition a un coût, mais cela ne peut justifier qu’on laisse une discrimination perdurer. D’ailleurs, la France finira par être condamnée pour ce motif.

M. Hervé Mariton. C’est justement parce que la véritable intention de l’amendement est l’extension des droits à pension de réversion, et non la présentation d’un rapport, qu’il convient de le rejeter.

Le législateur ne pourrait qu’être hostile à une discrimination fondée, par exemple, sur l’orientation sexuelle. Par contre, il me paraît légitime d’établir une différence entre la situation d’un couple pacsé et d’un couple marié, car l’engagement n’est pas le même et la logique de la réversion non plus. La réversion n’a de sens que dans le cas d’un lien inscrit dans la durée et dont on peut supposer la stabilité. C’est toute la différence entre le mariage et le PACS : le premier est un engagement public, le second un contrat privé.

En réalité, je crains que l’extension du bénéfice de la réversion aboutirait, à terme, à la disparition de celle-ci, et à une approche purement individuelle des droits de retraite. Si une telle vision est souvent défendue par la présidente de la CNAV, ce n’est en tout cas pas la mienne.

M. Dominique Tian. Je n’ai rien à ajouter aux propos d’Hervé Mariton, si ce n’est que je suis violemment opposé à cet amendement.

M. le rapporteur. Si l’on reconnaît aux pacsés le droit à la pension de réversion, pourquoi ne pas le faire aussi pour les personnes vivant en concubinage ?

Cela a été dit, la question a déjà fait l’objet de nombreux avis. Nous n’avons pas besoin d’un nouveau rapport.

M. le ministre. Il existe bien un lien entre la pension alimentaire et la retraite, même si cela concerne des temps différents de la vie. En l’absence d’une solidarité individuelle, la solidarité publique ne se justifie pas.

Le débat est important, mais il va au-delà de la question des retraites. En tout état de cause, nous n’avons pas besoin d’un rapport supplémentaire. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 501, AS 313 et AS 142.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Vous le savez bien, à cause de l’article 40, il est parfois plus facile de demander un rapport que d’obtenir l’application immédiate d’une disposition.

Je rappelle que M. Nicolas Sarkozy, en 2007, avait promis une égalité des droits allant « jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Si un candidat à l’élection présidentielle fait une telle promesse, c’est que le débat mérite d’être posé.

La Commission en vient ensuite à l’amendement AS 315 de Mme Marisol Touraine.

M. Jean-Patrick Gille. La revalorisation du minimum vieillesse, opérée en 2008, ne concerne que les personnes seules, allocataires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Cet amendement propose que le Gouvernement évalue les conditions d’une extension de cette revalorisation à tous les couples, qu’ils soient mariés, pacsés ou concubins.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 315.

Puis, elle examine l’amendement AS 317 de Mme Marisol Touraine.

Mme Gisèle Biemouret. Il s’agit de demander au Gouvernement d’évaluer la modification des conditions d’attribution de la majoration du minimum contributif au titre des périodes effectivement cotisées. En effet, les conditions actuelles pénalisent fortement les femmes qui ne bénéficient, encore aujourd’hui, que de durées cotisées plus brèves.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine. J’entends certains collègues dire « Halte aux rapports ! ». Mais, dès lors que l’on fait une application stricte de l’article 40, on ne peut pas nous reprocher de déposer des amendements de ce type. C’est pour nous le seul moyen de proposer des options différentes de celles du Gouvernement. D’ailleurs, combien de rapports demandés dans ces conditions ont-ils été effectivement rédigés ? Je pense que ce chiffre tend vers zéro, et que de tels amendements n’ont pas pour conséquence une surcharge de travail pour l’administration.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 317.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 319 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement prévoit également la remise d’un rapport par le Gouvernement. Mais, nous n’aurions pas été amenés à le déposer si l’étude d’impact avait analysé l’incidence du texte proposé sur les personnes en situation de précarité, et notamment sur les titulaires du revenu de solidarité active et sur les chômeurs en fin de droits, qui n’acquièrent pas de trimestres validés d’assurance vieillesse pour la retraite de base. De nombreuses personnes sont dans cette situation, et le rapport demandé est donc essentiel.

En particulier, il est important de savoir quel sera le sort des personnes durablement concernées par le revenu de solidarité active, dans la mesure où personne n’a jamais été capable de nous dire comment on pouvait sortir d’un tel dispositif.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes tous sensibles à la situation des personnes en fin de droits, mais le Gouvernement a prévu d’ouvrir par voie réglementaire la possibilité de valider six trimestres au lieu de quatre, au titre de la première période de chômage non indemnisée. La mesure devrait profiter à 6 000 personnes.

M. le ministre. Avis défavorable. La mesure prévue par la loi est une grande avancée.

M. Christophe Sirugue. Une grande avancée ?

M. le ministre. Bien entendu : dans bien des pays, elle n’existe pas.

M. Christophe Sirugue. On ne peut tout de même pas s’aligner sur la Chine !

M. le ministre. On ne peut pas non plus dénigrer systématiquement notre modèle social.

La Commission rejette l’amendement AS 319.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Sirugue, vous étiez présent lorsque le président des Semaines sociales de France, M. Jérôme Vignon, a indiqué que le volume des prestations sociales versées par la France dépassait celui de la Suède. C’est sur l’efficience des dépenses qu’il faut travailler. Regardez ce que font nos voisins. Nous ne vivons pas à l’écart du reste du monde !

M. Christophe Sirugue. Nous connaissons l’argument. Il revient souvent dans votre bouche. Quant au ministre, sa seule réponse consiste à répéter que certaines mesures, qui s’appliquent en France, n’existent pas à l’étranger. Voilà qui ouvre la voie à bien des remises en cause !

Mme Marisol Touraine. N’oublions pas que, grâce à son modèle social, la France a mieux traversé la crise que d’autre pays.

La Commission examine l’amendement AS 320 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. L’amendement propose une solution pour atténuer l’impact sur les retraites des carrières hachées, des emplois précaires ou du temps partiel subi. Quand une personne a connu de telles conditions de travail pendant au moins quinze ans, ne pourrait-on pas calculer le montant de sa pension, non sur ses vingt-cinq, mais sur ses vingt meilleures années ?

M. le rapporteur. Le texte contient plusieurs mesures destinées à améliorer la prise en compte des périodes de chômage non indemnisées. Attendons qu’elles soient appliquées avant de demander un rapport ou de formuler de nouvelles propositions.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 320.

M. Alain Vidalies. Si les mécanismes de rattrapage a posteriori ne permettent pas de corriger les carrières incomplètes, la proratisation sur les vingt-cinq meilleures années me semble intéressante. Est-ce une piste que le Gouvernement envisage d’explorer ?

M. le ministre. Dès lors qu’on se fonde sur les vingt-cinq meilleures années, on procède déjà à une proratisation de la vie professionnelle, ce qui peut permettre de ne pas prendre en compte les années de chômage ou de précarité.

La Commission étudie l’amendement AS 183 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Dans son rapport, la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a soulevé le problème des femmes travaillant à temps partiel, qui ne peuvent valider quatre trimestres par an. C’est le cas de beaucoup de celles qui travaillent dans le secteur des services à la personne, qui exige un dévouement important.

On peut envisager deux solutions. La première consisterait à abaisser le seuil de 200 heures, ou de 800 heures par an ; la seconde, à mettre en place un cumul glissant sur plusieurs années, afin que ces femmes ne subissent pas, en fin de carrière, un déficit important de trimestres. Le Gouvernement est-il prêt à faire un geste envers cette catégorie très particulière de salariées ?

M. le rapporteur. Face à ce problème réel, le cumul glissant me semble une bonne idée. Je m’en remets à la sagesse du Gouvernement.

M. le ministre. Le Gouvernement n’entend pas travailler sur cette piste. Les 200 heures de SMIC sont elles-mêmes glissantes sur l’année.

Mme Martine Billard. Mais pas les 800 heures !

M. le ministre. Aujourd’hui, le système de solidarité en place est déjà important, puisqu’il suffit d’effectuer un mi-temps au SMIC pour valider une année complète. Au reste, je ne suis pas certain que le problème concerne beaucoup les salariés. Il se pose plutôt dans le cadre du Régime social des indépendants. Aujourd’hui, pour les femmes, le nombre de trimestres pris en compte a considérablement augmenté, ce dont je me réjouis.

La Commission rejette l’amendement AS 183.

La Commission est saisie des amendements identiques AS 174 de Mme Martine Billard et AS 502 de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. L’amendement est défendu.

M. Roland Muzeau. L’amendement aborde la question de la prise en compte de la période d’apprentissage.

Le Gouvernement affirme, depuis des années, son ambition en matière d’apprentissage. Le plan Borloo avait fixé pour objectif la signature de 500 000 contrats. Or, le bilan n’est pas glorieux, tant il est difficile de trouver des entreprises demandeuses, surtout quand on vient des banlieues. Je regrette que l’État ne cherche pas à fortifier ce dispositif, notamment en le prenant en compte dans le calcul des retraites.

Pour éviter que notre amendement ne tombe sous le coup de l’article 40, nous demandons la rédaction d’un rapport – c’est le jeu parlementaire –, mais nous espérons que des mesures concrètes permettront bientôt de revaloriser la retraite des apprentis.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. L’État paie déjà les cotisations salariales et patronales des apprentis, sur une base forfaitaire, compte tenu de certaines normes.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Muzeau, en partie grâce à Laurent Hénart, qui a fait un travail exceptionnel, des efforts considérables ont été consentis pour développer l’apprentissage, parfois malgré l’Éducation nationale.

Cela dit, vous avez raison sur un point : les jeunes qui ne trouvent pas de contrat d’apprentissage dans les banlieues sont sans avenir. Certaines entreprises se sont liguées pour les aider. C’est une pièce essentielle du plan de paix et de cohésion sociale, sans doute bien plus importante que certains travaux d’urbanisme très lourds.

M. Jean-Patrick Gille. Je voterai ces amendements. Le ministre oppose que l’État paie déjà les cotisations salariales et patronales pendant les années d’apprentissage, mais le problème n’est pas là. Il est anormal qu’à cause de la faiblesse de leur rémunération et de leurs cotisations, les apprentis ne puissent pas valider leurs trimestres, alors même qu’ils ont signé un contrat de travail à temps plein.

Compte tenu de son importance, il faut travailler sur le sujet, qui n’est pas uniquement technique. Peut-être faut-il mettre au point un système de périodes assimilées. Quoi qu’il en soit, il est anormal qu’un apprenti travaille pendant un an sans pouvoir faire valider ses trimestres.

La Commission rejette les amendements AS 174 et AS 502.

La Commission examine l’amendement AS 169 de M. Roland Muzeau.

Mme Martine Billard. L’amendement propose la rédaction d’un rapport sur les modalités d’affiliation des étudiants à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale.

Parmi les cadres qui partent en retraite aujourd’hui, bien peu ont fait de longues études, un grand nombre d’entre eux étant issu de la promotion interne. La situation sera différente dans quelques années : cette génération suivante, qui comprendra plus de cadres ayant fait de longues études, risque fort de ne pouvoir partir à la retraite avant d’avoir atteint la borne supérieure.

Dans un souci d’équité, il faut penser non seulement à ceux qui n’ont pas la chance de faire des études, et commencent à travailler jeunes, mais aussi à ceux dont les études apportent quelque chose au pays, et qui ne parviendront pas à cotiser suffisamment longtemps. Veillons à ne pas pénaliser ces derniers.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Jean Bardet. Je voterai l’amendement, qui rejoint la proposition que j’ai faite tout à l’heure pour les étudiants et les carrières longues.

La Commission rejette l’amendement AS 169.

La Commission examine l’amendement AS 336 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Lorsqu’ils prennent leur premier emploi, les étudiants devraient pouvoir opter pour une sur-cotisation vieillesse, pouvant s’étaler sur dix ou quinze ans, afin de valider jusqu’à trois années d’étude. Je souligne qu’il ne s’agit en aucun cas de créer un droit sans cotisation.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. Cette possibilité existe déjà.

La Commission rejette l’amendement AS 336.

La Commission examine l’amendement AS 338 de Mme Marisol Touraine.

M. Jean-Patrick Gille. Il s’agit d’un amendement de repli. Si l’on ne tient pas compte des années d’études, validons du moins les périodes de stage. Le dispositif est désormais bien encadré, puisque, même si le décret n’est pas totalement satisfaisant, il ne peut plus y avoir aujourd’hui de stage hors cursus.

M. le rapporteur. Avis favorable. Le problème est réel. D’ailleurs, au hit parade des demandes de rapport, ce sont les stages qui arrivent pour moi en tête.

M. le ministre. Pourquoi pas ?

La Commission adopte l’amendement AS 338.

La Commission en vient à l’amendement AS 340 de Mme Marisol Touraine.

M. Christian Hutin. L’amendement propose à nouveau la création d’un rapport, afin d’appeler l’attention du Gouvernement sur la situation très difficile des jeunes qui bénéficient du RSA. Puisqu’il s’agit d’un revenu de solidarité active, il y a bien activité : les intéressés travaillent, certes à temps réduit, pendant deux des trois ans durant lesquels ils se trouvent dans ce dispositif. Cette période devrait être prise en compte pour la retraite qu’ils percevront en 2062.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 340.

La Commission est saisie de l’amendement AS 344 de Mme Marisol Touraine.

Mme Odette Duriez. L’amendement demande le dépôt, avant le 30 juin 2011, d’un rapport du Gouvernement sur la suppression de l’actuelle clause de condition de ressources et de plafond pour l’affiliation des aidants familiaux, à titre gratuit, à l’assurance vieillesse. Leurs ressources étant faibles et leurs conditions de travail particulièrement difficiles, nous souhaitons que ce droit leur soit maintenu.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Tout dispositif d’assurance gratuite – par exemple l’assurance vieillesse des parents au foyer – est assorti de conditions de ressources.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 344.

En conséquence, les amendements AS 308, AS 334, AS 321, AS 318 et AS 341 de Mme Marisol Touraine sont devenus sans objet.

La Commission examine l’amendement AS 316 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marie-Françoise Clergeau. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a remplacé la majoration de durée d’assurance actuelle, de huit trimestres, pour toute femme qui accouche ou qui adopte un enfant, par deux majorations distinctes. L’une, de quatre trimestres, est attribuée aux femmes, au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité. L’autre, également de quatre trimestres, est instituée au bénéfice du père ou de la mère, au choix des parents. Cette seconde possibilité remet en cause l’objectif visé par la majoration de durée d’assurance, qui vise à compenser – du moins en partie – les inégalités de fait entre les hommes et les femmes en matière de retraite. Les femmes perçoivent une pension inférieure et valident, en moyenne, moins de trimestres que les hommes. Il semble donc logique d’abroger cette disposition et de revenir à la situation antérieure.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il n’y a pas lieu de revenir sur la réforme votée l’an dernier dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisqu’elle a permis de sécuriser juridiquement le dispositif, tout en préservant les droits des femmes.

M. le ministre. Avis défavorable, évidemment. La question relève du droit européen.

La Commission rejette l’amendement AS 316.

La séance est levée à treize heures quarante.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du jeudi 22 juillet à 9 heures 15

Présents. – Mme Edwige Antier, M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, M. Jérôme Bignon, Mme Martine Billard, M. Yves Bur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Vincent Descoeur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Cécile Dumoulin, Mme Odette Duriez, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Cécile Gallez, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, M. Gaëtan Gorce, Mme Anne Grommerch, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, M. Michel Issindou, M. Paul Jeanneteau, M. Régis Juanico, M. Patrick Lebreton, M. Guy Lefrand, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Roland Muzeau, Mme Marie-Renée Oget, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, Mme Sophie Primas, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, Mme Valérie Rosso-Debord, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, Mme Marisol Touraine, M. Jean Ueberschlag, M. Francis Vercamer, M. Alain Vidalies

Assistaient également à la réunion. – M. François Bayrou, Mme Valérie Fourneyron, M. Laurent Hénart, M. Hervé Mariton, M. Yanick Paternotte, M. Pascal Terrasse