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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 16 octobre 2007

1ère séance
Séance de 15 heures
10ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉFORME DES RÉGIMES SPÉCIAUX

Mme Bérengère Poletti – Bien que la France soit l’un des pays européens où le nombre de naissances est le plus élevé, la population vieillit, et cela met en péril le financement de nos systèmes de retraites. La réforme générale des régimes s’est du reste imposée depuis plusieurs années. Merci d’avoir eu le courage de l’entreprendre ! Aujourd’hui, après les réformes de 1993 et de 2003, il nous faut engager, au nom du principe d’égalité, celle des régimes spéciaux. Nous avons tous des efforts à fournir et votre méthode, Monsieur le ministre du travail, ne peut souffrir aucun reproche (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC). Vous avez rencontré les organisations syndicales et les entreprises concernées, puis vous avez débattu avec le Parlement. Enfin, un document d’orientation précisant le cadre général a été remis aux partenaires pour ouvrir la deuxième phase de négociation.

Des efforts seront demandés, notamment pour ce qui concerne la durée de cotisation. Mais des avancées attendues de longue date par les salariés seront aussi rendues possibles, comme la liberté de choisir l’âge du départ. La bonne application des réformes passées a demandé plusieurs années. Syndicats et entreprises demandent à bon droit que la réforme des régimes spéciaux soit également progressive. Actuellement, les organisations négocient avec les entreprises, et nous savons que vous attendez leurs propositions. Alors que la France se prépare à un « jeudi noir » dans les transports en commun, pouvez-vous nous préciser l’état d’avancement des négociations et les objectifs que vous poursuivez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – L’objectif principal de cette réforme, c’est de placer l’ensemble des Français sur un pied d’égalité en matière de retraite, en particulier quant à la durée de cotisation (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La justice sociale commande donc que l’on s’aligne sur la règle des quarante années de cotisation. Et il est tout aussi essentiel de garantir l’avenir des retraites des agents des régimes spéciaux. Si rien ne bouge, d’ici dix ou quinze ans, personne ne pourra leur garantir le même niveau de pension, d’autant qu’ils sont soumis au même déséquilibre démographique entre actifs et retraités que l’ensemble des salariés. Pour mener à bien cette réforme attendue et indispensable, nous avons choisi de faire preuve de la plus grande détermination, tout en restant ouverts à la discussion. Le document que j’ai mis sur la table à la demande du Président de la République et du Premier ministre fait suite à 80 heures de discussions (Murmures sur les bancs du groupe GDR), avec les parlementaires – ici même, le 3 octobre –, avec les directions des entreprises et les organisations syndicales. Et je suis allé à la rencontre des agents sur le terrain pour bien comprendre la nature de leurs attentes. Si on leur demande des efforts supplémentaires, on doit aussi leur adresser ce message simple : s’ils accomplissent une carrière complète, leur pension de retraite sera complète. Il est important, alors que se disent et s’écrivent beaucoup de choses, de donner ce signal clair en matière de pouvoir d’achat. Enfin, nous devons être capables de faire du sur-mesure pour envisager la deuxième partie de carrière de ceux auxquels il sera demandé de travailler plus longtemps.

Ma porte reste ouverte aux partenaires sociaux et nous sommes décidés à aller jusqu’au bout de cette réforme, sans jamais renoncer au dialogue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PLURALISME DES MÉDIAS

M. Didier Mathus – Un sondage paru ce matin même fait état de la défiance des Français à l’égard des médias, 62 % des personnes interrogées les estimant dépendants du pouvoir politique. Cela peut se comprendre, à l’énumération des propriétaires des principaux groupes de presse : M. Lagardère – qui considère le Président Sarkozy comme un frère –, M. Dassault, sénateur UMP, M. Bouygues, témoin de mariage de M. Sarkozy… (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), M. Arnault, qui s’apprête à prendre le contrôle des Échos.

En démocratie, la question du pluralisme se doit toujours d’être posée. Or il est aujourd’hui mis à mal par l’accaparement des médias auquel se livre le Président de la République. Le chef de l’État occupe radios et télévisions à sa guise : 224 interventions télévisées en quatre mois selon l’INA !

M. Richard Mallié – Jaloux !

M. Didier Mathus – Par une sorte de tour de passe-passe, cette omniprésence n’est pas relevée par le CSA, pourtant chargé par la loi de veiller au respect du pluralisme sur les ondes. M. Sarkozy revendique d’être le principal chef de l’exécutif et n’hésite pas à ravaler le Premier ministre et son Gouvernement au rang de collaborateurs subalternes ! La contrepartie élémentaire de cette posture devrait être que son temps de parole soit pris en compte au titre de l’exécutif. Las, le CSA est aujourd’hui présidé par l’ancien directeur de cabinet d’un Premier ministre UMP : c’est dire son indépendance ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Posez votre question.

M. Didier Mathus – Et cette autorité soi-disant indépendante est composée de personnalités exclusivement désignées par des responsables de l’UMP.

Monsieur le Premier ministre, face à cette situation, assez singulière en démocratie, allez-vous demander au CSA d’assumer les responsabilités que lui confie la loi ou proposer sa dissolution et la création d’une autorité enfin pluraliste ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – Je dois dire que j’ai pris connaissance de ce sondage avec beaucoup de perplexité, car, lorsque j’écoute les radios ou lis la presse, je n’ai pas du tout l’impression que les médias soient aujourd’hui écrasés par le pouvoir politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). J’ai, au contraire, le sentiment d’une grande indépendance (Même mouvement). S’agissant du temps de parole du Président de la République, le CSA, dont nul ne peut mettre en cause l’indépendance,…

M. Jean Glavany – Tu parles !

Mme la Ministre – …considère qu’il n’entrait dans aucune des catégories pouvant donner lieu à décompte, celui-ci concernant exclusivement le Gouvernement, la majorité et l’opposition parlementaires. Ce faisant, le CSA respecte l’arrêt du Conseil d’État selon lequel le Président de la République, en vertu de la place institutionnelle que lui confère la tradition républicaine, ne s’exprime pas au nom d’un parti ou d’un groupement politique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je rappelle d’ailleurs que le Président de la République a été démocratiquement – et massivement – élu, et qu’il est le Président de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe SRC).

Le CSA ne peut qu’appliquer cette jurisprudence, en l’état actuel de nos institutions. La commission Balladur y réfléchit. Si elle suggérait des évolutions sur ce point, nous verrions comment les traduire sur le plan législatif. Mais ce n’est pas le cas pour l’instant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe NC).

FRANCHISES MÉDICALES

Mme Martine Billard – Le Gouvernement a institué de nouvelles franchises pour les médicaments et les actes paramédicaux, sous prétexte d’un excès de prescription. Mais vos mesures ne visent pas à réduire cette surconsommation ; elles visent uniquement à réduire les remboursements de l’assurance maladie, dans une logique purement comptable. Vous prétendez responsabiliser les assurés sociaux. Mais une franchise décourage la prévention, dissuade certains malades de se soigner. C’est l’inverse d’une politique cohérente de santé publique.

Ce ne sont pas les malades qui sont irresponsables, c’est ce Gouvernement qui, de plus est cynique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Ni les malades atteints d’affections de longue durée, ni les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne sont exonérés de ces franchises. Comment peut-on glorifier le travail et pénaliser les salariés malades de leur travail ? Comment prétendre responsabiliser les victimes, alors même que les coupables n’ont été ni jugés ni recherchés ? Ainsi, aucun procès pénal n’a été engagé contre les responsables des centaines de morts de l’amiante. Le Gouvernement se targue constamment d’être aux côtés des victimes. Mais « la France qui se lève tôt » est usée par le travail. Elle veut arriver à la retraite en bonne santé. Vous justifiez l’institution d’une nouvelle franchise de 50 euros par la nécessité de lutter contre la maladie d’Alzheimer. Comment pensez-vous responsabiliser ces malades qui ne seront pas exonérés de cette franchise – ce qui est un comble ? Quelle est la responsabilité des victimes d’accident du travail, de maladie professionnelle, notamment des victimes de l’amiante, dans ce qui leur arrive ? Celle des malades de cancers liés à l’environnement ? Pourquoi persister dans une maîtrise comptable des dépenses de santé dont on constate chaque année l’échec ? N’est-il pas temps, pour assurer l’avenir de notre système solidaire de santé, d’engager une Grenelle de la santé avec l’ensemble des acteurs, assurés, professionnels, syndicats, patronat et associations de victimes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – La franchise est utile, nécessaire et courageuse (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Elle doit nous permettre de financer les grandes priorités de santé publique que sont la lutte contre la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs et la lutte contre le cancer. Personne ne conteste l’importance des besoins dans ces domaines. La franchise constitue un effort de solidarité de tous pour y répondre, sans reporter, comme on l’a fait si souvent, l’effort de financement sur nos enfants. Dire qu’elle limitera l’accès aux soins relève du fantasme. Pour protéger les plus fragiles, les bénéficiaires de la couverture maladie complémentaire associée à la CMU, les enfants et les femmes enceintes ne la paieront pas. Au total, 15 millions de nos compatriotes seront exonérés. Le montant de la franchise ne pourra excéder 50 euros, soit environ 4 euros par mois, ce qui protégera les plus malades. Ces derniers continueront à bénéficier de l’exonération du ticket modérateur dans le cadre de la prise en charge à 100 % des affections de longue durée. Les dépenses à leur charge resteront donc extrêmement faibles. En même temps, nous irons plus loin dans la prise en charge de leur maladie, grâce aux ressources supplémentaires procurées par la franchise.

Il est au moins un point sur lequel nous sommes d’accord : il faut lutter plus vite et plus efficacement contre la maladie d’Alzheimer et le cancer et pour assurer une fin digne grâce aux soins palliatifs – en tant qu’élus locaux, nous savons que ce n’est pas toujours le cas. Les familles touchées par ces drames comprendront mieux que quiconque les politiques que nous menons pour atteindre ces objectifs. Une bonne politique, c’est une politique qui allie lucidité et courage. Telle est notre volonté, en faisant face aux dépenses nouvelles. C’est la raison d’être des franchises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

STOCK-OPTIONS

M. Philippe Vigier – Suite aux récentes affaires – je pense bien sûr à EADS – le Nouveau Centre souhaite définir les conditions d’un débat sur les stock options, sans arrière-pensée idéologique ni idée préconçue. On ne peut s’y opposer par principe car, dans les start-ups par exemple, elles permettent de récompenser l’innovation, la prise de risque, et d’apporter un complément de rémunération. Mais être favorable au principe ne signifie pas accepter les dérives. Il y a donc urgence à encadrer la pratique et à introduire plus de transparence ; urgence à mettre fin aux scandales financiers comme ceux qui nous avons connus récemment, en raison du comportement de certains dirigeants qui disposaient d’informations privilégiées. Nous sommes dans une situation de faillite morale, et j’associe à mes propos Stéphane Demilly, qui s’est engagé activement sur ce sujet.

Dans le cas précis d’EADS, que certains aient gagné autant d’argent par une spéculation sans risque est un véritable pied de nez à tous ceux qui se lèvent tôt pour aller au travail, à tous ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus.

Madame la ministre, pour assurer plus de transparence, le Nouveau Centre fait deux propositions. Il s’agirait d’abord, comme l’avait proposé Édouard Balladur, d’interdire à un dirigeant de lever ou de céder ses options tant qu’il est en fonction et peut donc accéder à des informations privilégiées. Il s’agirait ensuite d’accroître la fiscalité sur les stock-options. Quelle est la position du gouvernement sur ces deux propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Effectivement, les stock-options sont un outil extrêmement utile et efficace, dans les grandes entreprises comme dans les « jeunes pousses » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – Lagardère !

Mme la Ministre – La France y recourt comme la plupart des grands pays développés.

Cela étant, se pose effectivement la question des sanctions. Un titulaire de stock-options, qu’il ait levé ses options ou vende ses actions, dès lors qu’il enfreint les règles de droit applicables en la matière, doit être sanctionné de la manière la plus sévère. L’AMF doit faire son travail en toute indépendance. Ensuite, s’agissant de la gouvernance d’entreprise, le régime des stock-options doit être rigoureusement encadré. La plupart des entreprises françaises y sont très attentives et ont des codes internes permettant de réguler les modes de cession et de levée d’option. En décembre dernier, l’Assemblée, dans le cadre d’un débat auquel participait M. Balladur, a voté un texte qui prévoit que le conseil d’administration d’une société peut soit interdire la levée d’option à ceux des cadres dirigeants qui en bénéficient, soit les obliger, s’ils ont levé leur option, à conserver tout ou partie de leurs actions pendant toute la durée de leurs fonctions. Enfin, la fiscalité applicable aux stock-options doit être appréciée en fonction de ce qui se pratique dans les autres pays du monde, car c’est un élément d’attractivité. Mais le Gouvernement n’est pas du tout opposé à examiner leur taxation. Vous pourrez en débattre avec M. Woerth lors de la discussion du budget puis du PLFSS (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

BUDGET

M. Jérôme Chartier – Monsieur le ministre du budget et des comptes publics, le président socialiste de la commission des finances vous a demandé, ainsi qu’à Mme Lagarde, un rapport sur les conséquences réelles de l’application de l’article premier de la loi TEPA, relatif à l’exonération de charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires. Vous lui avez répondu, dans une analyse incontestable de 31 pages, qu’il en résulterait une croissance nette de pouvoir d’achat pour tous les Français qui accompliront ces heures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Avec cette loi TEPA et le projet de loi de finances dont nous allons débattre à partir de cet après-midi, nous abordons le premier budget d’une rupture tranquille (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), qui va permettre aux Français d’avoir 9 milliards de plus dans leur poche – sans faire appel à l’emprunt.

Plusieurs députés du groupe SRC– Quelle est la question ?

M. Jérôme Chartier – De même que certains avaient parlé de plan B à propos du projet de constitution européenne, des socialistes évoquent depuis quelques jours un budget B. Qu’en est-il ? Le budget qui nous est présenté est-il sincère et réaliste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – C’est un budget de vérité, fondé sur la réalité de la situation – des déficits publics qui ont atteint un niveau inacceptable, des prélèvements obligatoires qui amputent le pouvoir d’achat de nos concitoyens et nuisent à la compétitivité de nos entreprises. Nous nous engageons résolument dans la baisse des prélèvements, mais aussi dans la réduction des déficits, grâce à un effort accru sur les dépenses ; et nous évaluons nos recettes et nos charges en toute transparence, pour construire un budget indiscutablement sincère.

Il est fondé sur des hypothèses de croissance réalistes – d’autant que la loi TEPA, entrée en vigueur il y a deux semaines, va produire ses effets. Les prévisions de recettes sont établies de façon prudente (Rires sur les bancs du groupe SRC). Quant aux charges, elles sont évaluées de la manière la plus juste, en tenant compte la progression inéluctable de certains postes comme les pensions ou les intérêts de la dette.

Il n’y a pas un budget A et un budget B, il y a le budget de la France, qui sera présenté tout à l’heure en toute sincérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE

M. Yannick Favennec – La filière porcine traverse une fois encore une crise très grave, en raison de la hausse du prix des matières premières alimentaires. Le doublement en quelques mois du prix des céréales retentit fortement sur les coûts de production, au point de menacer l’existence même de la filière française.

Alors qu’en 2006, pour un prix moyen de l’aliment de 158 euros la tonne, le coût de production d’un kg de carcasse de porc était de 1,24 euros, on est passé cet été à 235 euros la tonne et 1,57 par kg ; dans le même temps, le prix payé aux éleveurs est passé de 1,40 à 1,24 euro le kg, soit une perte de 20 euros par cochon produit ; aujourd’hui, on est à 1,10 le kg, soit une perte de 34 euros par animal.

Or ce secteur, important pour notre alimentation, l’est aussi pour notre économie puisqu’un élevage de 100 truies représente environ 7 emplois indirects. Mais il attire de moins en moins de jeunes : il n’y a eu qu’une seule installation en Mayenne en 2006, et jusqu’à présent aucune en 2007 – alors que 35 % des producteurs seront bientôt à la retraite. Des mesures d’urgence, telles que des aides à l’exportation, vont-elles être prises au niveau national et au niveau européen pour lui redonner des perspectives d’avenir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  La crise porcine actuelle, l’une des plus graves que notre pays ait traversées depuis de longues années, est en effet due à l’augmentation du prix des matières premières alimentaires, qui n’est pas répercutée dans le prix de vente.

Pour accompagner les éleveurs, j’ai tout d’abord demandé à la Commission européenne de déclencher le plus vite possible des mécanismes de soutien au stockage privé et de soutien aux exportations par le système des restitutions. Nous espérons une première réponse en début de semaine prochaine.

Deuxièmement, malgré les difficultés budgétaires, j’ai dégagé 500 000 euros pour des allègements de charges et 2 millions pour des reports de charges.

Enfin, je réunirai demain l’ensemble de cette filière avec les distributeurs, pour rechercher avec eux les moyens de soutenir cette filière, qui en a vraiment besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC).

FINANCEMENT DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE

M. François Brottes – Au Monopoly, on joue avec de faux billets pour construire un monopole, de fausses maisons et de faux hôtels. La règle n’interdit pas de piocher dans la caisse de la communauté, c’est même vivement conseillé. Mais lorsque la caisse de la communauté est la caisse de l'État, il convient de s'interroger… Témoins de mariage, parrains des enfants, compagnons de villégiature, Martin Bouygues, Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère, Bernard Arnault, Albert Frère : la liste est longue des familiers du Président qui sont directement impliqués dans ces « arrangements entre amis » qui ne sont jamais contrôlés ni par le Parlement par personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Énergie, télécommunications, média, tous ces secteurs impliquent le pouvoir (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), parce que l'État est actionnaire ou qu’il donne les autorisations d'exploitation.

Privatisation de Gaz de France et bientôt d'EDF, fréquences de télécommunications obtenues par Bolloré, suppression annoncée des dispositifs anti-concentration dans les média, comportement de Lagardère chez EADS – cautionné par l'État, comme M. Lagardère l’a confirmé lui-même ce week-end – (Interruptions sur les mêmes bancs) et, maintenant, entrée prochaine de Bouygues dans Areva, dans notre filière nucléaire qui devait pourtant rester publique ! C'était même l'argument principal de l’opposition de Patrick Devedjian à la fusion EDF-GDF : « Bruxelles », expliquait-il, « risquait de nous obliger à vendre des centrales nucléaires au secteur privé » si la fusion se réalisait… Et le ministre Sarkozy ajoutait, en 2004, qu'« une centrale téléphonique n'avait rien de commun avec une centrale nucléaire » (Mêmes mouvements). Si la maison Bouygues rachète Areva, cette affirmation risque d'être rapidement démentie... Or, Mme Lagarde a indiqué sans sourciller à la commission des affaires économiques qu'une entreprise privée pourrait parfaitement détenir une partie du parc nucléaire français.

M. le Président – Veuillez poser votre question (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. François Brottes – L’affaire est grave. Pour nous, l'État doit rester le garant d'un haut niveau de sûreté des installations nucléaires. Ce niveau de sûreté ne doit en aucun cas dépendre de la seule rentabilité financière. Nous vous demandons donc des comptes (Huées sur les bancs du groupe UMP) : dites-nous avec quelle garantie de transparence et avec quel intérêt pour l'État le Gouvernement va poursuivre ce Monopoly entre amis ? (Interruptions sur les mêmes bancs) Pour nous, l'industrie nucléaire n'autorise aucune manœuvre improvisée ou d'opportunité (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – La parole est à Mme Christine Lagarde… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – Laissez Mme Lagarde parler ! (Exclamations sur les mêmes bancs) Madame la ministre, vous avez la parole, et vous seule.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Votre question ne me surprend pas, Monsieur Brottes, car il y a une usine Areva dans votre circonscription et il est légitime que vous m’interrogiez (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Comme EDF, Areva a une excellente compétence technique en matière nucléaire. Nous avons tout intérêt à valoriser cette filière qui est en mesure d’exporter tout ce qui concourt au cycle de production, de l’amont – la construction des centrales – à l’aval. Le nucléaire bénéficie en outre d’une conjoncture internationale favorable, cette source d’énergie n’étant plus considérée comme une énergie redoutable mais comme une énergie propre. Dans ce contexte, nous devons donner à l’entreprise les moyens de financer son développement. C‘est d’autant plus nécessaire qu’elle se trouve confrontée à la concurrence exacerbée de Westinghouse et de Toshiba, qui s’efforcent de lui prendre des parts de marché. Une réflexion s’imposait et une étude est en cours, qui se poursuivra. Cela étant, il n’y a pas d’urgence, et aucune décision ne sera arrêtée dans l’immédiat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FILIÈRE AÉRONAUTIQUE

M. Serge Poignant – Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie. Hier, l’avionneur Airbus a livré à la compagnie Singapore Airlines le premier Airbus 380 sorti des usines, le plus gros porteur jamais conçu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce formidable événement, qui sera suivi de nombreuses répétitions puisque le carnet de commandes d’Airbus est très fourni, montre combien notre industrie aéronautique est attrayante. Au-delà de la fierté légitime de tous ceux qui ont contribué à ce succès – et je rends hommage à tous les salariés du groupe – quel bénéfice pouvons-nous en attendre pour le commerce extérieur en général pour la filière aéronautique en particulier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Je me réjouis, comme vous, de la livraison du premier Airbus 380 à Singapore Airlines, et je salue le travail accompli par l’ensemble des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Leur fierté est d’avoir, à ce jour, 185 de ces aéronefs en commandes fermes, ce dont nous avons toutes raisons de nous réjouir avec eux, d’autant que les A380 ne sont pas seuls en chantiers : la gamme comprend aussi les A320, A330 et A340, auxquels s’adjoindront les A350 de la génération suivante, et la forte demande internationale signifie que le carnet de commandes d’Airbus augmentera des deux tiers d’ici 2010.

Mais Airbus, ce sont aussi des sous-traitants et, à la demande du Premier ministre, M. Borloo et moi-même avons élaboré un plan de soutien à la filière aéronautique que M. Fillon a présenté jeudi dernier à Marignane. Il s’agit, en injectant 1,5 milliard pendant cinq ans, de renforcer plus de deux cents PME qui participent à la fabrication des avions, par la création d’un fonds de garantie, d’un fonds de capital-développement et par un soutien fort à la recherche et à l’innovation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT DES RETRAITÉS

M. Jean-Pierre Soisson – Je souhaite appeler l’attention du ministre du travail sur la situation des retraités, dont les plus modestes ont du mal à régler les dépenses courantes et notamment les frais de logement et de chauffage. Cette situation est l’une des préoccupations majeures des députés UMP (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), peut-être plus proches que d’autres des difficultés des Français et du terrain ! (Mêmes mouvements) Les associations et les syndicats de retraités craignent que la revalorisation prévue ne permette pas de garantir le pouvoir d’achat des retraités. Qu’en est-il exactement ? Ce pouvoir d’achat sera-t-il bien garanti par les mécanismes de revalorisation en vigueur ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Avant de crier, écoutez le ministre ! (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Dans quel délai le Gouvernement réunira-t-il la conférence prévue par la loi d’août 2003 pour faire le point sur cette question ? Comment garantira-t-il à ceux qui ont travaillé toute leur vie, dans le cadre du rendez-vous de 2008, un niveau de ressources satisfaisant ? Le groupe UMP unanime attend votre réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Nous avons vis-à-vis des retraités une responsabilité morale, sociale, mais aussi légale. La réforme de 2003 défendue par François Fillon – que vous avez votée – prévoit la garantie du pouvoir d’achat des retraités (M. Roy interrompt violemment l’orateur). Non seulement c’est écrit noir sur blanc dans le texte, mais la commission de revalorisation des pensions qui a été instituée par la loi se réunira fin novembre ou début décembre – j’attends que les partenaires sociaux désignent tous leurs représentants. C’est cette commission qui jugera si le pouvoir d’achat est garanti. Si tel n’est pas le cas, le Gouvernement prendra ses responsabilités en vous proposant d’augmenter les pensions dès le rendez-vous prévu au premier semestre 2008. La vérité, c’est que la loi nous faisait obligation d’inscrire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 1,1% d’augmentation : l’an dernier, les pensions ont augmenté plus vite que l’inflation (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Il faut dire la vérité, et je la redis clairement à l’ensemble des parlementaires comme à l’ensemble des Français : s’il apparaît que le pouvoir d’achat n’est pas garanti, le Gouvernement augmentera le taux des pensions dès cette année. Il ne suffit pas de parler du pouvoir d’achat, il faut le garantir. C’est ce que nous voulons faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe NC)

RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

M. Olivier Dussopt – Permettez-moi d’abord de m’associer aux propos de Mme Lagarde : nous sommes nous aussi solidaires des salariés d’EADS, en particulier lorsqu’ils sont victimes de l’incurie de leurs dirigeants et de certains de leurs actionnaires (Applaudissements sur les bancs du SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR). Pour son information, je précise également à Mme la ministre que Romans-sur-Isère…

M. le Président – Posez votre question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Henri Emmanuelli – Vous n’avez pas le droit de faire cela, Monsieur le Président !

M. Olivier Dussopt – … est dans la Drôme et non dans l’Isère.

Vous avez demandé l’été dernier aux chefs de cours et aux préfets, Madame la Garde des Sceaux, d'organiser une concertation sur la réforme de la carte judiciaire, en lien avec les élus locaux. Nous avons donc été surpris de constater, malgré votre réponse à mon collègue Lesterlin la semaine dernière, que leurs recommandations n'étaient pas accessibles au public. Nous comprenons mieux aujourd'hui : vous avez entamé un tour de France qui se traduit par de véritables coupes sombres. Le Nord-Pas-de-Calais, la Bourgogne et le Centre ont déjà eu à subir votre visite : vous avez annoncé la suppression de 25 tribunaux d’instance, alors que vous vous étiez engagée devant nous à poursuivre la concertation et à travailler dans la transparence.

La justice de proximité mérite mieux que la hache que vous maniez (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je vous le dis sans détour : ne comptez pas sur nous pour cautionner votre entreprise de déménagement du territoire (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC) et les plans sociaux de la justice que vous êtes en train de mettre en œuvre dans chacune de nos régions ! Ce sont encore les territoires ruraux et les citoyens les plus modestes qui vont payer la facture : après les franchises médicales et les 15 milliards du paquet fiscal (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), après les annonces du Gouvernement, ce sont encore et toujours eux qui devront payer le gasoil pour gagner des tribunaux toujours plus éloignés ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP) Comment d'ailleurs financerez-vous les investissements immobiliers colossaux qu’entraîne le regroupement des tribunaux, alors que le Premier ministre lui-même nous a informés de l'état de nos finances ? Comment garantirez-vous réellement, dans ces conditions, l’accès de tous à une justice de proximité efficace ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La concertation a commencé le 27 juin dernier par l’installation du comité consultatif (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Les préfets et les chefs de cour ont entamé cette concertation avec tous les acteurs locaux, acteurs judicaires comme élus (Mêmes mouvements). Des contributions et des propositions m’ont été remises ; nous les avons analysées tribunal par tribunal, cour d’appel par cour d’appel, ville par ville. Je me rends dans chaque cour d’appel pour les présenter. La concertation continue ainsi : vos collègues Christian Paul et François Sauvadet doivent me remettre des contre-propositions en ce qui concerne leurs départements. La justice publique de proximité n’est pas remise en cause. Le greffier et le magistrat se déplaceront par exemple chez toutes les personnes placées sous tutelle, qu’elles vivent à l’hôpital, en maison de retraite ou à leur domicile (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Vous ne pouvez pas croire à cela !

Mme la Garde des Sceaux  Ils se déplaceront de même auprès des justiciables les plus modestes et les plus démunis. Pour nous, la concertation ne consiste pas à ne rien faire, mais à réformer la justice dans l’intérêt du justiciable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ACCESSIBILITÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Mme Valérie Rosso-Debord – La loi du 11 février 2005 s’est donné un objectif ambitieux : faire enfin de la personne handicapée un citoyen à part entière et lui permettre d’accéder le plus aisément possible aux bâtiments tant publics que privés. Cette accessibilité doit aussi concerner les personnes âgées, qui perdent de leur mobilité, et les mères ou pères de famille avec une poussette. Vous avez souhaité, Madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, pousser plus loin cet engagement au service d'une égalité des chances que les personnes handicapées souhaitent avec ardeur. Ce volontarisme ne saurait occulter les difficultés existantes, qui ne doivent toutefois pas nous conduire à reculer : coût souvent très élevé, problématique des bâtiments historiques, allongement du calendrier de rénovation du patrimoine, adaptation aux différentes formes de handicap - sensoriel, physique, psychique, mental.

Nous sommes tous conscients de la nécessité de développer avec les acteurs concernés une stratégie de facilitation de la mise en œuvre du droit à l'accessibilité. Nous avons un devoir de transparence et d'efficacité à l'égard de nos concitoyens - notamment ceux qui souffrent d'un handicap. Je souhaite donc connaître la méthode qui sera la vôtre pour mettre en œuvre concrètement cet engagement. Vous pourrez compter dans cette démarche sur mon soutien et – j'en suis convaincue – sur celui de l'ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – L’accessibilité est un droit pour les personnes handicapées ; elle est aussi une chance pour tous. Cessons d’appréhender cette question sous l’angle de la contrainte ou de la revendication catégorielle : l’accessibilité, c’est la qualité d’usage pour des millions de personnes et un aspect du développement durable.

Le Gouvernement a choisi d’accélérer ses efforts. À l’initiative de Xavier Bertrand, la date butoir pour établir les diagnostics d’accessibilité dans les établissements recevant du public est avancée de deux ans, à fin 2008. Je veux faire aboutir ce décret pour la prochaine réunion du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le 24 octobre. Certains jugent ces délais intenables, mais cette clarification incitera les propriétaires concernés, non pas à effectuer les travaux nécessaires, mais à les planifier dès maintenant.

Nous avons aussi demandé aux préfets de s’assurer de l’installation des commissions communales d’accessibilité avant la fin de l’année et de nous communiquer les plans d’action départementaux avant juin 2008. Les travaux d’accessibilité pourront être financés grâce au Fonds interministériel pour l’accessibilité des bâtiments publics. Enfin, l’accessibilité des locaux professionnels est une priorité car elle conditionne l’accès à l’emploi des personnes handicapées.

Nous respecterons la loi de 2005 dans sa lettre comme dans son esprit : accessibilité totale dans les bâtiments neufs et mise en accessibilité progressive de l’ancien. Pour aider les collectivités et les employeurs privés, nous mobiliserons le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et l’Agence de gestion du fonds d’insertion professionnelle des personnes handicapées. Les avancées de la loi devront se traduire rapidement et de façon concrète dans la vie de tous les Français ; nous savons devoir compter sur le soutien de l’ensemble des élus que vous êtes pour parvenir à cet objectif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE FISCALE

M. Christian Bataille – Madame la Ministre de l'économie et des finances…

M. Patrick Roy – Et de la faillite !

M. Christian Bataille – Les contribuables achèvent de payer l’impôt sur les revenus de 2006. Beaucoup croyaient à la baisse annoncée par le gouvernement précédent ou par le président de la République lorsqu’il était candidat, d'autres espéraient une stabilisation de leur imposition ; ils ont constaté que les baisses ne les concernaient pas et ont eu la mauvaise surprise de recevoir en juillet, une fois les élections passées, une imposition en hausse. Pire, beaucoup de nos concitoyens qui n’étaient pas imposables le sont maintenant ! Voilà démenties les annonces triomphales de baisse des impôts faites en début d’année !

Un député du groupe UMP – Ce sont les impôts perçus par les régions socialistes qui sont en hausse !

M. Christian Bataille – Quel contraste avec la situation des contribuables aisés qui bénéficient de spectaculaires baisses d'imposition grâce au bouclier fiscal. Dans le Nord-Pas-de-Calais, qui compte 4 millions d'habitants, 111 contribuables exactement ont bénéficié d’une « restitution » – terme pudique – et ont reçu un chèque de remboursement de 100 000 euros en moyenne ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Et cela devrait encore augmenter l’année prochaine !

Madame la ministre, comment entendez-vous corriger dans ce pays l'injustice fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Il est légitime que les Français sachent à quoi servent les impôts, à combien ils s’élèvent, quelles en sont les assiettes et qui les acquitte. Les prélèvements obligatoires sont passés de 44,2 % en 2006 à 43,7 % en 2007 ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

L’objectif du Gouvernement est de maîtriser la dépense publique et le déficit, et ce faisant, de réduire l’impôt. Le bouclier fiscal bénéficie à 235 000 personnes, dont 200 000 ne sont pas soumises à l’ISF. En revanche, 93 % du financement de la loi TEPA, votée cet été, bénéficie à une très grande majorité de Français, avec le triple bonus sur les heures supplémentaires, le crédit d’impôts sur les intérêts d’emprunts, la baisse des droits de succession. Cette pression fiscale moindre permettra aussi une augmentation du pouvoir d’achat.

Je profite de cette question pour répondre à M. Dussopt : une entreprise, c’est un tout. Il est curieux de féliciter ceux qui ont concouru à la fabrication de l’A380 et de condamner l’incurie des dirigeants ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Il faut dissocier la gestion du patrimoine et la direction d’une entreprise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 15.

PRESTATION DE SERMENT DE JUGES
DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

L'ordre du jour appelle la prestation de serment devant l'Assemblée nationale des six juges titulaires et de cinq juges suppléants de la Cour de justice de la République.

M. le Président - M. Jean-Paul Garraud m’ayant fait savoir qu’il ne pouvait être présent aujourd’hui, sa prestation de serment aura lieu ultérieurement.

Aux termes de l’article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges parlementaires « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».

Je prie Mesdames et Messieurs les juges de bien vouloir se lever à l’appel de leur nom et, levant la main droite, de répondre par les mots « Je le jure ». (Les juges titulaires MM. Tony Dreyfus, Francis Hillmeyer, Philippe Houillon, Mme Marie-Anne Montchamp, MM. André Vallini, Jean-Luc Warsmann, puis les juges suppléants, Mme Arlette Grosskost, MM. Thierry Lazaro, Jean-Yves Le Bouillonnec, Noël Mamère, Pierre Morel-A-L’Huissier, se lèvent successivement à l’appel de leur nom et, levant la main, disent : « Je le jure »).

Acte est donné par l'Assemblée nationale du serment qui vient d’être prêté devant elle.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Laffineur.

PRÉSIDENCE de M. Marc LAFFINEUR
vice-président

SUSPENSION DES TRAVAUX DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

M. le Président – En application de l’article 28, alinéa 2 de la Constitution, la Conférence des Présidents propose à l’Assemblée de suspendre ses travaux du 21 décembre 2007 au 8 janvier 2008, puis pendant la campagne des élections municipales et cantonales du 9 février au 23 mars 2008, ainsi que du 19 au 27 avril. L’Assemblée ne s’y opposant pas, il en est ainsi décidé.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 -première partie-

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2008.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – La France est en déficit.

MM. Michel Pajon et Patrick Roy – En faillite !

M. le Ministre – Elle est en déficit de travail, de compétitivité et d’efficacité publique.

M. Michel Pajon – Ce n’est pas brillant !

M. le Ministre – C’est à ces déficits, qui expliquent celui de nos finances publiques, que s’attaque le projet de loi de finances pour 2008 avec un objectif double : renforcer la croissance et maîtriser la dépense publique, car l’un ne va pas sans l’autre.

M. Patrick Roy – C’est mal parti !

M. le Ministre – La croissance, d’abord : il faut aller la chercher, et ne pas s’en remettre à la seule conjoncture internationale. Une baisse modérée des déficits en 2008 créera les conditions d’une croissance forte. Je m’étonne de voir tant de nouveaux partisans d’une politique malthusienne : ayons plutôt confiance en l’avenir et investissons ! Il y a certes un coût immédiat, mais pourquoi laisser le bénéfice de l’audace au seul secteur privé ?

Le déficit de l’État passera donc de 42 milliards en loi de finances initiale pour 2007 à 41,7 milliards en 2008, et celui de l’ensemble des administrations publiques sera ramené à 2,3 % du PIB, contre 2,4 % cette année.

Ces objectifs seront atteints, car le budget repose sur des prévisions de croissance raisonnables, des prévisions de recettes prudentes et un effort de maîtrise des dépenses sans précédent. Songez aux réformes de structure et aux redéploiements que nous envisageons, ainsi qu’au rapport sur la dépense que nous avons ajouté au PLF : vous le voyez, nos prévisions sont bien étayées, d’autant plus que la réserve de précaution est renforcée. Transparence et sincérité sont les maîtres mots de ce budget réaliste et prudent.

Pour agir sur l’offre et sur la demande, nous voulons revaloriser le travail et le pouvoir d’achat, renforcer les leviers de croissance et consolider le tissu des entreprises. Les 35 heures ont dévalué le travail et freiné le pouvoir d’achat. Au contraire, le PLF pour 2008 finance la baisse massive des prélèvements que vous avez votée cet été.

Cette baisse nous permettra d’alléger nos prélèvements obligatoires qui sont encore parmi les plus élevés d’Europe. Cette démarche sera complétée par l’encouragement de l’emploi des seniors, dont le dispositif sera présenté dans le PLFSS, car c’est aussi l’une des clés de l’équilibre durable de nos régimes de retraite.

Avec une conjoncture internationale moins porteuse, les mesures de la loi TEPA n’en sont que plus justifiées et leurs effets seront d’autant plus sensibles que ce sont des mesures équitables, qui s’adressent pour la plupart d’entre elles aux ménages modestes et aux classes moyennes, soit ceux dont la plus grande part du revenu est consacrée à la consommation.

C’est le cas notamment de l’exonération des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires ou encore de la mesure facilitant l’accès à la propriété, plafonnée et cumulable avec le prêt à taux zéro. Quant au bouclier fiscal, sur les 235 000 contribuables potentiellement concernés, 200 000 ne sont pas assujettis à l’ISF. J’ai du reste demandé à mes services de lancer une campagne d’information pour que la mesure touche l’ensemble de son public.

Oui, nous devons préserver notre progressivité fiscale et nous attaquer aux inégalités injustifiées de rémunération. C’est pour cela que nous avons réglementé les parachutes dorés et que nous sommes favorables à l’assujettissement des stock-options à une cotisation patronale. Nous y pourvoirons dans le PLFSS. Le présent PLF contient aussi d’autres mesures fiscales allant dans le sens de l’équité, comme la suppression de la déduction du bénéfice soumis à l’impôt des amendes infligées aux entreprises ou la décharge de la solidarité fiscale entre époux, pour tenir compte de situations parfois dramatiques.

Dans le même temps, nous devons veiller à ne pas porter atteinte aux sources mêmes de la production de revenus. Il faut donc trouver un meilleur équilibre entre éthique républicaine et efficacité économique, porteur d’égalité par le haut plutôt que tendant à aligner tout le monde vers le bas.

Le travail et le pouvoir d’achat, ce sont les leviers de la croissance au présent. Mais nous devons aussi renforcer les leviers de la croissance à venir que sont, dans l’économie de la connaissance, la recherche et l’innovation, facteurs clés de compétitivité. Le PLF pour 2008 opère des choix clairs en ce sens, avec plusieurs mesures fiscales.

Au plan fiscal, nous renforçons l’ensemble des maillons de la chaîne de recherche, grâce à une très forte amplification du crédit impôt recherche. Côté dépenses, nous augmentons d’1,8 milliard les dotations de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour accompagner la réforme des universités adoptée cet été. L’objectif que nous poursuivrons tout au long du quinquennat est de faire de nos universités des centres d’excellence, offrant tout à la fois de meilleures perspectives professionnelles aux étudiants et des partenaires de premier plan aux entreprises, pour les soutenir sur la scène mondiale où elles sont en compétition.

Si l’on ajoute les dépenses d'investissement, les dépenses qui fondent notre avenir progressent de 6 %, soit près de quatre fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'État. Elles s'élèvent désormais à 39 milliards, soit un niveau proche de celui du déficit budgétaire. Si l’on ne peut en aucun cas se réjouir de ce déficit, force est de constater qu'il est de plus en plus lié à des dépenses d'investissement et non pas au fonctionnement courant.

Troisième axe de la dynamisation de notre économie, nous consolidons le tissu de nos entreprises, avec trois mesures : la baisse de la taxe professionnelle votée il y a deux ans et dont le PLF 2008 prend en compte l'impact croissant pour le budget de l'État en la fixant à 2 milliards ; la simplification et l'harmonisation des règles relatives aux pactes d'actionnaires, visant à favoriser la pérennité des entreprises – notamment des PME –, souvent fragilisées au moment de leur transmission ; la modernisation de la fiscalité des dividendes, qui orientera davantage l'épargne vers le financement des entreprises. Cette dernière disposition a suscité des débats au sein de votre commission des finances : nous examinerons ensemble les propositions de modification que vous avez formulées.

L'idée centrale, à laquelle je reste attaché, tout comme la plupart des membres de votre commission, c'est de disposer d’un régime fiscal homogène, cher Gilles Carrez, pour les revenus d'actions et les revenus de ce qu'on appelle les produits de taux, c'est-à-dire les obligations et les SICAV de court terme.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – C’est indispensable !

M. le Ministre – Car il est paradoxal, et injuste, que les revenus moins risqués profitent d'un traitement fiscal plus favorable que les plus risqués !

M. Michel Bouvard – Absolument !

M. le Ministre – Il faut évidemment donner la préférence au risque.

Pour autant, investir dans la croissance n'est crédible que si nos mesures s'inscrivent dans un cadre maîtrisé pour l’ensemble de nos finances publiques. Nous avons donc procédé à d'importants redéploiements, en recherchant l'efficacité dans toutes les dépenses de fonctionnement et d'intervention. Concrètement, les dépenses de l'État seront stabilisées en volume, c'est-à-dire qu'elles ne progresseront pas plus vite que l'inflation. Compte tenu de la croissance, le poids de la dépense publique dans le PIB sera ramené, en deux ans, de 53,4 % en 2006 à 52,6 % en 2008.

L'innovation, c'est que cette stabilisation en euros constants s'appliquera, pour la première fois, à un périmètre élargi de dépenses, qui comprendra, outre les dépenses du budget général, les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités locales. Sur ce périmètre très large, qui représentait 335 milliards en 2007, les dépenses n'augmenteront que de 5,5 milliards.

Il est donc patent que nous approfondissons les efforts antérieurs puisque, sur ce nouveau périmètre, les dépenses avaient augmenté en moyenne de 1,1 % en volume entre 1999 et 2006, et encore de 0,2 % en 2007. L’année prochaine, elles augmenteront de zéro volume.

M. Jean-Pierre Brard – Traduisez en français !

M. le Ministre – Cette maîtrise renforcée s'inscrira dans la durée. Notre objectif, c'est de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique – celle de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités locales – pendant les cinq prochaines années. Nous ramènerons la progression à un peu plus de 1 % en volume, alors qu'elle était supérieure à 2 % par an au cours des dix dernières années. C’est la clé du retour à l’équilibre en 2012.

Cette stabilisation est d'autant plus exigeante qu'elle s'inscrit dans un contexte de hausse des taux d'intérêt, qui renchérit de 1,6 milliard la charge de la dette, et d'accélération des départs en retraite, qui augmente les versements consacrés aux pensions de 2 milliards. Enfin, elle est d'autant plus importante qu'elle s'accompagne d'un effort accru de sincérité et de clarté budgétaires.

Les dispositifs gérés par les organismes sociaux mais financés par l'État – comme les minima sociaux ou les aides au logement – étaient généralement sous-estimés dans leur montant en loi de finances initiale. Dans le PLF pour 2008, nous mettons à niveau la budgétisation de ces dispositifs, en leur affectant 1,2 milliard supplémentaires. Le budget de l'aide médicale d'État inscrit en loi de finances initiale passe ainsi de 233 millions à 413 millions.

La progression de ces trois postes – charges d'intérêt de la dette, pensions, rééquilibrage des dispositifs sociaux – sature, presque à elle seule, la marge de 5,5 milliards autorisée par le zéro volume.

M. Jean-Pierre Brard – Cela veut-il dire quelque chose ?

M. le Ministre – Néanmoins, cette stabilisation exigeante n'empêche ni le financement de nos priorités – la recherche et l'enseignement supérieur – ni des mesures ciblées qui correspondent à des attentes fortes des Français. Le budget de la justice progresse ainsi de 4,6 %, afin de poursuivre le programme de construction et d'augmentation des capacités de l'administration pénitentiaire, parce que la sécurité est la première des libertés et qu'elle est une condition indispensable de notre prospérité.

Nous dégagerons également 140 millions de moyens nouveaux pour la mise en place des études dirigées et de l'accueil des élèves après 16 heures dans les collèges, parce que mieux instruire, c'est mieux préparer l'avenir de notre pays.

Nous tenons notre double objectif de relance de la croissance et de maîtrise raisonnée de la dépense en faisant un triple effort, de redéploiement de l'action de l'État, de clarification de ses engagements et de rationalisation de l'ensemble des politiques publiques.

Les dépenses publiques représentent plus de la moitié de la richesse nationale. Pour le service public comme pour notre économie, il est donc indispensable qu’elles soient plus réactives, mieux assumées et plus productives. Parce qu'un euro public doit être aussi efficace, voire davantage, qu'un euro privé ! Parce que les devoirs que nous impose le service public sont plus exigeants encore que ne le sont les lois du marché pour le secteur privé.

Nous faisons aussi un effort de redéploiement, en adaptant nos politiques publiques à l'évolution du contexte économique et social et en étendant l'effort de maîtrise à l'ensemble de la dépense publique. C’est ainsi notamment qu’au sein des dépenses d'intervention de la politique de l'emploi seront accomplis des efforts de rationalisation, via une réduction raisonnée et progressive du nombre des emplois aidés, pour tenir compte de la poursuite de l'amélioration du marché du travail (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Autre exemple de mesure structurante, nous indexons les concours de l'État aux collectivités territoriales sur les prix seuls, soit la norme que l'État s'impose à lui-même. En contrepartie, les collectivités seront – grâce à la Conférence nationale des exécutifs –davantage associées aux décisions qui peuvent avoir un impact financier sur leurs comptes, notamment les réglementations liées à la sécurité ou à l'environnement.

Nous faisons aussi un effort de clarification et de sincérité des comptes avec, outre la remise à niveau des dispositifs sociaux, le remboursement de la totalité de la dette de l'État à la sécurité sociale, soit 5,1 milliards. C'est chose faite depuis le 5 octobre dernier, conformément à l’engagement que j’avais pris à cette tribune au moment du débat d’orientation budgétaire. De même, nous compensons intégralement à la sécurité sociale les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires et sur les heures supplémentaires.

Enfin, tous les ministères se sont engagés dans un effort de rationalisation de leurs interventions et de recherche systématique de gains de productivité. Cette démarche s'inscrit dans le prolongement des stratégies ministérielles de réforme et des conclusions des audits de modernisation lancés en 2005. Elle nous permet de réduire les effectifs de l'État dans des proportions très supérieures à ce qui avait été fait au cours des dernières années : 22 900 départs en retraite ne seront pas remplacés, contre 11 200 en 2007, soit un départ à la retraite sur trois, pour une économie en année pleine de 716 millions. Tout cela sans transférer de charges sur les opérateurs de l'État, puisque leurs effectifs seront stabilisés. Vous pourrez le constater dans le Jaune qui vient de vous être transmis.

Conformément à l'engagement du Président de la République, les fonctionnaires bénéficieront d'un intéressement à hauteur de 50 % de l'économie procurée par cet effort de maîtrise des effectifs. Parce qu'une fonction publique efficace, c'est une fonction publique valorisée !

La révision générale des politiques publiques, lancée le 10 juillet dernier, nous permettra de franchir une étape supplémentaire en matière d'efficacité de la dépense publique au cours des années à venir. Les décisions de réforme qui en découleront seront mises en œuvre, pour la première fois, dans le cadre d'une programmation budgétaire pluriannuelle, qui couvrira les années 2009-2012. C'est par cette recherche permanente d'une plus grande efficacité dans les dépenses que nous parviendrons à restaurer l'équilibre des finances publiques en 2012, au plus tard, tout en continuant de répondre aux attentes de nos concitoyens.

Nous devons aussi changer d'échelle dans la lutte contre la fraude fiscale et sociale, laquelle a un coût, financier et moral, considérable. Elle mine l'esprit de responsabilité et le sens de la solidarité qui fondent notre protection sociale et notre pacte républicain. Comment pouvons-nous demander aux Français davantage de solidarité, si nous ne nous attaquons pas plus efficacement à ceux qui en profitent injustement ?

M. Jean-Pierre Brard – Ah, vous allez vous en prendre à la mafia russe ?

M. le Ministre - Le Président de la République et le Premier ministre m'ont confié la mission de piloter un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale. Celle-ci profite trop souvent des cloisonnements entre services fiscaux et organismes de sécurité sociale. Le périmètre étendu du ministère des comptes publics nous donne les moyens d'améliorer la qualité des collaborations entre ces services. Il nous permet aussi de lutter plus efficacement contre toutes les fraudes, celles qui escamotent des prélèvements comme celles qui détournent des prestations.

Nous avons inscrit une première série de mesures dans le PLFSS : Nous développons les échanges d'informations entre les services, nous donnons plus de pouvoir de contrôle aux agents et nous renforçons les sanctions. Nous poursuivrons cette action dans le projet de loi de finances rectificative.

La recherche de l'efficacité de nos dépenses publiques passe par une implication très forte de votre Assemblée dans sa double mission de législation et de contrôle. Vous avez refondé notre constitution budgétaire en introduisant la culture du résultat avec la LOLF. Vous contribuez à l'assainissement des finances publiques en exerçant un contrôle vigilant sur leur évolution. Je salue à cet égard le travail rigoureux du rapporteur général, Gilles Carrez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et j’y associe le président de la commission, Didier Migaud. Nous comptons maintenant sur votre soutien et sur votre action pour poursuivre le redressement de nos comptes publics.

M. Patrick Roy – Pour le soutien, on verra !

M. le Ministre – Il est donc indispensable de vous associer à l'exercice de révision générale des politiques publiques.

Le Président de la République a souhaité, dans un geste d'ouverture, que nous ne regrettons pas, que la présidence de la commission des finances soit confiée à une personnalité de l'opposition.

M. Jean-Pierre Brard – Brillante et compétente. Prenez-le au Gouvernement !

M. le Ministre – Enfin, nous souhaitons rénover la procédure budgétaire afin de donner plus de poids à la loi de règlement. À quoi bon en effet voter des crédits si on n'évalue pas ensuite l'efficacité de leur emploi ?

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. le Ministre – Pour avancer plus sûrement sur le chemin du redressement financier, il nous faut assurer des bases plus équilibrées, avec des recettes plus dynamiques – grâce à plus de travail et de croissance – et des dépenses moins lourdes – grâce à une maîtrise renforcée de nos finances publiques. Il faut aussi que les politiques publiques soient plus efficaces, grâce aux réformes de fond que nous lançons pour muscler l'économie, moderniser l'État et libérer les énergies.

C'est tout le sens de ce projet de loi de finances, qui se veut à la fois ambitieux et équilibré dans ses objectifs, volontariste et cohérent dans ses choix, rigoureux et efficace dans sa démarche.

Oui, nous faisons résolument le choix de l'avenir en pariant sur la croissance. C'est un pari audacieux, mais calculé, car nous mettons tous les atouts de notre côté. C’est aussi un pari maîtrisé car les réformes que nous engageons permettront de redresser durablement les comptes publics.

Investir dans la croissance sans compromettre la baisse des déficits publics : tout l'enjeu de ce budget est de se tenir sur cette ligne de crête en évitant le double écueil de la maîtrise comptable et du « toujours plus » de dépenses. C'est ainsi que nous quitterons définitivement les plaines maussades de la croissance molle, que nous échapperons aux abîmes des déficits continuels, et que nous laisserons à nos enfants une France qui aura retrouvé la confiance, une France au sommet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard fait un rappel au règlement en anglais.

M. le Président – Votre intervention ne figurera pas au compte rendu car vous ne vous exprimez pas en français.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Éric Woerth vient de vous présenter les efforts que l'État va entreprendre pour maîtriser les dépenses publiques, rétablir l'équilibre budgétaire, et financer les dépenses d'avenir. Ce projet appuie également les réformes structurelles destinées à dynamiser notre économie. Comme je l'ai dit à votre commission des finances – dont je remercie le rapporteur général et le président pour leur travail de qualité et leur esprit de coopération – nous avons deux objectifs : une gestion rigoureuse de nos finances publiques et la recherche déterminée d'une croissance vigoureuse.

M. Patrick Roy – C’est mal parti !

Mme la Ministre – Notre pays a largement les moyens de gagner, dans les prochaines années, le point de croissance supplémentaire qui lui donnera les marges de manœuvre dont il a besoin. Un point de croissance en plus, c'est comme si chaque actif en France créait, par son seul travail, 750 euros de richesse supplémentaire chaque année. Les richesses, il faut d'abord les produire avant de pouvoir les partager.

M. Patrick Roy – Mais vous avez une conception du partage particulière !

Mme la Ministre – Un point de croissance en plus, c’est du pouvoir d'achat pour les salariés, de l'emploi pour ceux qui en cherchent, des financements pour les entrepreneurs, et de l'espoir pour tous.

La loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat constituait la première étape de cette politique de croissance. Du pouvoir d'achat, nous en avons donné aux salariés, aux nouveaux propriétaires, aux étudiants, ainsi qu'à tous ceux qui héritent. De l'emploi, nous en créerons grâce aux heures supplémentaires. Des financements, nous en avons dirigé vers les PME avec la possibilité d’y investir une partie de l'ISF. De l'espoir, je ne doute pas que nous en ayons donné à tous nos concitoyens, car plus de 90 % des mesures contenues dans la loi Travail, emploi, pouvoir d'achat leur sont applicables.

La deuxième étape est le budget, qui établit un cadre sain pour une croissance durable. Puis je présenterai très prochainement la loi sur la consommation avec Luc Châtel, et au printemps 2008 la grande loi de modernisation de l'économie.

Je veux aujourd'hui souligner trois points. D’abord, notre budget est axé sur la compétitivité, le pouvoir d'achat et l'emploi. Ensuite, c’est un budget compact. Enfin, notre dynamique de réformes viendra alimenter la croissance.

La compétitivité passe par l'innovation, par la recherche, par des investissements audacieux dans les technologies de demain ; elle passe aussi par la promotion d'un bon environnement économique et social, avec des régulations imposées au marché et des garanties données aux individus.

Ce projet favorise l'innovation. Les inventeurs qui apportent un brevet à une entreprise seront totalement exonérés d'impôt sur la plus-value au bout de huit ans. Les cessions de brevets bénéficieront du même taux réduit à 15 % que les concessions. Le nouveau statut de Jeune Entreprise Universitaire donnera droit aux mêmes avantages fiscaux et sociaux que celui de Jeune Entreprise Innovante.

La mesure-phare est la réforme du crédit impôt-recherche. Pour le rendre encore plus avantageux et plus simple, nous supprimons la part en accroissement, et nous triplons le taux du crédit d'impôt sur la part en volume, qui sera porté à 30 % jusqu'à 100 millions de dépenses de recherche – il est de 5 % au-delà. Avec cet investissement, évalué à 800 millions en 2009, et à 1,3 milliard en régime de croisière, la France d’aujourd’hui investit dans la France de demain. Par exemple, grâce à ces 30 % de crédit d'impôt, avec le budget destiné à deux chercheurs, une entreprise pourra constituer une équipe de trois.

Ensuite, nous voulons aussi augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

M. Patrick Roy – C’est raté !

Mme la Ministre – Il passe d'abord par la rémunération.

M. Jean-Pierre Brard – Lagardère !

Mme la Ministre – La mesure sur les heures supplémentaires est entrée en vigueur le 1er octobre. Une circulaire de la direction de la sécurité sociale précise le dispositif. Dès la fin du mois, de nombreux salariés pourront voir la différence sur leur feuille de paye.

M. Patrick Roy – Pas ceux qui ne travaillent pas et ceux à qui on refuse les heures supplémentaires !

Mme la Ministre – Ces heures supplémentaires seront mieux payées, sans impôt ni charges sociales.

Nous devons réussir, dans les mois à venir, à développer l’activité par ce moyen. Nous avons envoyé un million de notices pour informer les entreprises, mis en place des sites internet et un numéro de téléphone, qui reçoit en moyenne 600 appels par jour.

Un salarié payé au SMIC qui décide de travailler quatre heures de plus par semaine, parce que son employeur le lui demandera, touchera plus de 2 000 euros supplémentaires par an,…

M. Patrick Roy – Et ceux à qui il les refuse ?

Mme la Ministre – …soit l'équivalent d'un treizième, et presque d'un quatorzième mois.

En second lieu, pour améliorer le pouvoir d'achat, nous allons renforcer la concurrence sur le marché des biens et des services pour faire baisser les prix et revaloriser la prime pour l'emploi.

La mesure-phare dans ce domaine est de porter le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt de 20 % à 40% la première année. Pour un couple avec 2 enfants empruntant 200 000 € sur 20 ans à 4 %, l'avantage fiscal pourra atteindre 3 400 € la première année, ce qui diminuera le coût total du crédit de près de 10 %. Ce crédit d'impôt est aussi la clé de voûte de cette « France de propriétaires » que le Président de la République avait promise durant sa campagne.

J’en viens maintenant à la priorité des priorités, l'emploi. Notre objectif est de parvenir au plein emploi d'ici à la fin du quinquennat.

M. Jean-Pierre Brard – Vous y croyez ?

Mme la Ministre – Oui, j’y crois.

M. Jean-Pierre Brard – Sœur Anne…

Mme la Ministre – Conformément à la volonté du Président de la République, j'ai déjà engagé un vaste chantier en faveur de l'emploi. La réforme du service public de l'emploi sera au cœur de mon action dans les semaines et les mois à venir, afin de créer un service efficace, centré sur le demandeur et l’entreprise qui recrute. J'ai présenté à votre commission des affaires sociales les grandes lignes d'une fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC, qui devrait être sur les rails, après concertation, d'ici à la fin de l'année. Notre objectif, c'est de garantir du travail pour toute la vie, sans promettre le même travail toute la vie, mais en facilitant l'alternance des périodes d'emploi et des périodes de formation. Je m’y consacrerai pendant toute l’année 2008.

Ce projet affecte 11 milliards à deux grands programmes, « Accès et retour à l'emploi », et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

La mesure-phare est le renforcement des possibilités de formation. Pour les jeunes, les dispositifs d'alternance seront revus à la hausse, avec 285 000 contrats d'apprentissage et 140 000 contrats de professionnalisation. Pour les salariés les plus en difficulté, les moyens alloués à la formation des demandeurs d'emploi en fin de droits passeront de 115 à 200 millions.

Réforme du crédit d’impôt recherche, doublement du taux du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, renforcement des dispositifs de formation : ces trois réformes, le Gouvernement entend les mener, comme les autres, avec détermination.

La grande nouveauté de ce budget, c'est qu'il est compact (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC).

Un budget compact, qui va à l’essentiel, est la condition première d'une gestion rigoureuse des finances publiques : ce budget nous permet de dégager les économies nécessaires pour réduire la dette, ramenée de 64,2 % à 64 % du PIB.

Un budget compact, c'est un budget qui se concentre sur des actions ciblées, au lieu de saupoudrer l'argent public. C'est aussi un budget qui épargne le contribuable : en 2008, le taux de prélèvements obligatoires devrait reculer de 0,3 point, pour s'établir à 43,7 % du PIB.

M. Jean-Pierre Brard – Mme Bettencourt vous dit merci !

Mme la Ministre – Ce budget joue pleinement son rôle de tremplin pour nos concitoyens : tremplin pour les chercheurs, encouragés à déposer des brevets, à créer des entreprises, bref à mettre leur intelligence au service de notre économie ; tremplin pour les nouveaux accédants à la propriété, dont l'effort financier sera beaucoup allégé la première année ; tremplin pour les salariés, plus mobiles, mieux payés et mieux formés. C’est en fait un tremplin pour tous ceux qui veulent travailler. L'État investit dans le travail comme jamais il ne l'avait fait auparavant, à travers les heures supplémentaires, la prime pour l'emploi, le revenu de solidarité active, ou encore la modernisation du service public de l’emploi.

J’en viens au chiffrage, avec la conviction que la dynamique des réformes que nous avons commencé d’engager alimentera la croissance.

Nous tablons sur une croissance comprise entre 2 % et 2,5 % ; notre objectif est bien sûr d'atteindre le haut de cette fourchette – et pourquoi pas davantage. Cette prévision est tout à fait compatible avec celles des économistes indépendants, comprises entre 1,6 et 2,6 %. Elle serait trop optimiste, disent certains ; je dirais plutôt qu’elle ne cède pas au défaitisme : je ne crois pas qu'il faille être pessimiste pour se donner l'air intelligent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les derniers indicateurs économiques ne font que confirmer nos hypothèses, et je crois que tous ensemble, nous pouvons nous en réjouir. 

M. Jean-Pierre Brard – « Tous ensemble », ce sera jeudi ! (Sourires)

Mme la Ministre – Au troisième trimestre, la consommation des ménages a été particulièrement vigoureuse, et la production industrielle, beaucoup plus dynamique qu'au deuxième trimestre. Les enquêtes d'opinions indiquent que le climat des affaires est excellent dans le secteur industriel comme dans les services ; et en septembre, le nombre de créations d'entreprises a de nouveau battu son record historique, atteint en août : quel meilleur signe de la confiance retrouvée ? Je maintiens donc l’objectif pour 2007 d’une croissance comprise entre 2 % et 2,5%, tout en pensant que nous nous situerons plutôt dans le bas de cette fourchette.

Bien entendu, la croissance dépend aussi de la situation internationale. Or celle-ci devrait nous être plutôt favorable l'année prochaine, avec une croissance du PIB mondial estimée à 4,4 %, et une croissance du commerce mondial estimée à 7,4%. L'activité des États-Unis devrait accélérer de façon très graduelle, une fois absorbées les conséquences de la crise du secteur immobilier. Une croissance chinoise supérieure à 10 % devrait continuer à tirer celle de l’Asie. La demande mondiale à destination de la zone euro est donc appelée à se redresser significativement.

Les tensions observées récemment sur les marchés ne devraient pas hypothéquer sérieusement la croissance française. Elles sont nées de crédits immobiliers très risqués accordés aux ménages américains les moins solvables, produits qui n’ont pas d’équivalent en Europe et en France. Le niveau de solvabilité des entreprises françaises est élevé, notre système bancaire est solide, on ne constate pas de difficultés particulières ; et la politique monétaire exemplaire de tous les acteurs de la zone euro a contribué à stabiliser la situation.

Mais la croissance, il faut aussi la chercher. Par les réformes, et aussi en négociant avec nos partenaires, et notamment en convenant de stratégies communes avec nos partenaires européens. Depuis la rentrée, j'y consacre une grande partie de mon temps, même si ce n'est pas la plus visible.

À Porto, j'ai expliqué à nos partenaires européens l'esprit de ce budget et, croyez-moi, ils l'ont parfaitement compris (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Peut-être en souhaiteraient-ils un peu plus, mais ils applaudissent notre volonté de mener de front assainissement des finances publiques et réformes structurelles, afin de retrouver le chemin d'une croissance solide et durable.

À Berlin, avec mon homologue allemand, nous nous sommes mis d'accord sur la nécessité de renforcer la transparence des marchés financiers ; nous ferons des propositions à cet effet.

À Pékin, j'ai plaidé devant les responsables chinois pour que tous les pays respectent les mêmes règles du jeu. Cette croissance équilibrée à l’échelle mondiale, je n'ai pas hésité à leur dire qu'elle passe par une évolution de leur politique de change.

M. Jean-Pierre Brard – Les avez-vous convaincus ?

Mme la Ministre – À Luxembourg, avec nos partenaires de l'Eurogroupe, nous avons débattu sans préjugés de l’évolution de l'euro. Le message de la France a été entendu : le taux de change doit refléter les fondamentaux économiques ; c'est la seule manière de garantir aux pays de la zone une croissance juste au regard de leurs performances économiques.

À Washington, où je pars à la fin de la semaine participer au G7 des ministres des finances, je délivrerai les mêmes messages, et j'inviterai mes homologues à définir en commun les orientations indispensables pour parvenir à une croissance mondiale vigoureuse. Je me flatte que tous les Européens puissent parler d’une même voix.

Ce budget, nous y croyons, comme nous croyons dans les forces de notre pays.

M. Jean-Pierre Brard – Eh oui, c’est un acte de foi !

Mme la Ministre – Nous y croyons parce que c'est un budget sérieux, qui ne dilapide pas l'argent des contribuables ; parce que c'est un budget honnête, qui ne cache pas à nos concitoyens l'état de nos comptes, et qui leur indique la manière dont nous allons les redresser ; parce que c'est un budget ambitieux, qui va permettre de mener à bien les grandes réformes voulues par le Président de la République et par la nation tout entière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur général  Je ferai d'emblée deux observations.

La première, c'est que ce projet de budget conforte les règles de bonne gouvernance budgétaire que nous avons su appliquer tout au long de la précédente législature. Souvenons-nous que nous avons hérité en 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) d’un déficit de 50 milliards, et qu'en 2006 il a été ramené à moins de 36 milliards : jamais une telle réduction n’avait été opérée au cours d’une législature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Ma deuxième observation, c'est que ce budget s'inscrit dans la stratégie de redressement économique lancée par la loi TEPA : on ne peut en comprendre la cohérence si on ne le relie pas aux excellentes dispositions que nous avons votées en juillet dernier, en particulier l’exonération des heures supplémentaires, lesquelles ont elles-mêmes été permises par l’assainissement de nos comptes au cours des cinq dernières années.

La bonne gouvernance budgétaire repose tout d’abord sur la maîtrise de la dépense : une norme générale d’évolution des dépenses de l’État est fixée chaque année ; elle ne doit pas être supérieure à l’inflation. Mais nous devons faire encore plus attention à l’exécution qu’à la prévision ; or que constate-t-on ? Nous avons respecté chaque année, à l’euro près, la prévision de dépense que nous avions votée.

Deuxième outil de la bonne gouvernance : des prévisions de recettes prudentes, laissant espérer davantage en exécution, comme cela s’est produit depuis 2004.

Enfin, le déficit doit être contenu à un niveau tel qu’il n’aggrave pas le poids de la dette ; d’autre part – et le président de la commission des finances y est très attaché –, il faut dégager un excédent primaire, c’est-à-dire faire en sorte que, hors intérêts de la dette, les dépenses restent inférieures aux recettes.

La prévision de croissance, qui doit mobiliser le pays, se situe dans une fourchette de 2 à 2,5. La prévision de recettes fiscales est très prudente, étant fondée sur un taux d’élasticité entre croissance et recettes de 1,3.

Je prends le pari qu’une nouvelle fois les recettes seront largement présentes.

M. Jean-Pierre Brard – On voit que le rapporteur général a lu Pascal !

M. le Rapporteur général – Avec raison, le Gouvernement s’en est tenu à des prévisions prudentes, à la fois parce que les résultats constatés dans la zone euro ont été assez décevants au deuxième trimestre et pour tenir compte de la crise financière estivale – mais je pense comme vous, Madame la ministre, que cette crise, qui porte sur un certain type de prêts américains, restera localisée.

Notre effort, j’y insiste, s’est fait en deux temps : la relance de la croissance en juillet, le projet de budget à présent, qui ne prévoit pas, recherche exceptée, de nouvelles baisses d’impôt (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Pierre Brard – Il ne faut pas exagérer !

M. le Rapporteur général –Comme Mme Lagarde l’a réaffirmé à Porto devant nos partenaires européens, ce projet de budget s’inscrit dans la stratégie pluriannuelle de redressement de nos finances publiques voulue par le Gouvernement, stratégie qui tient en quelques mots. En vertu de la loi TEPA, toute réduction d’impôt supplémentaire sera subordonnée à notre objectif prioritaire – restaurer l’équilibre des comptes publics ; si un surplus se dégage, il devra obligatoirement être affecté à la réduction du déficit ; enfin, le rythme d’augmentation de la dépense publique devra avoir été réduit de moitié d’ici à 2012.

Avec ce budget, nous franchissons une étape supplémentaire en matière de maîtrise de la dépense, puisque, pour la première fois, il sera tenu compte des prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l’Union européenne. En conséquence, le périmètre des dépenses qui devront ne pas augmenter plus vite que l’inflation passera de 270 à plus de 330 milliards. Cela exigera évidemment des efforts de la part des collectivités locales (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Pierre Brard – Nous y voilà !

M. le Rapporteur général – En cette matière, l’État et les collectivités territoriales ont partie liée, et la proposition du Gouvernement est tout à fait honnête... (Mêmes mouvements) puisque le concours de l’État aux collectivités continuera d’être indexé sur l’inflation et que les modalités d’indexation de la DGF ne changeront pas. L’objectif de péréquation, qu’il est à l’honneur de la précédente législature d’avoir inscrit dans la Constitution, sera donc respecté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Alain Néri – Et les départements ?

M. le Rapporteur général – La dotation globale des départements est préservée, de même que la dotation de péréquation urbaine et la dotation de fonctionnement minimale. Vous n’avez donc pas à vous inquiéter (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Ces principes étant posés, l’accroissement maximal possible des dépenses sera de 5,5 milliards en 2008. Toutefois, deux postes en absorberont à eux seuls les deux tiers : les pensions, qui augmenteront mécaniquement de 2 milliards, et les intérêts de la dette, qui progresseront de 1,6 milliard. Pour la première fois depuis cinq ans, cette seconde charge dépassera 40 milliards, car l’époque des taux bas est révolue ; c’est une raison supplémentaire pour limiter le recours à l’emprunt.

Dans ce contexte, de gros efforts devront être faits sur les effectifs. Notre objectif est de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ce principe ne sera pas intégralement appliqué cette année, puisque le projet de loi prévoit le non-remplacement d’un agent public partant à la retraite sur trois. Il en résultera une économie de 450 millions, dont la moitié sera restituée aux agents en fonction, sous forme d'un intéressement.

Plus généralement, le non remplacement d'un agent partant à la retraite sur deux ne peut s’envisager sans la réforme préalable des services de l’État par la fusion de directions centrales – et je salue, à cet égard, le regroupement de la DGI et de la DGCP annoncé par le ministre –, la réorganisation des services déconcentrés et celle des services extérieurs de l’État. Je ne doute pas que notre collègue Piron aura de nombreuses propositions à faire à ce sujet, et la réflexion en cours sur la révision générale des politiques publiques étayera les réformes possibles. Le seul exemple de la dématérialisation des procédures fiscales montre quels considérables gains de productivité il est possible de faire : en 2008, le pourcentage de recettes de TVA, d’IS et de taxe sur les salaires acquittées par télépaiement devrait atteindre 70 %. Cette évolution a permis des économies considérables. Mais un sujet de préoccupation demeure : entre 2002 et 2006, la réduction des effectifs de l'État est allée de pair avec l’augmentation des effectifs de ses opérateurs, ce qui est intolérable. Même si le phénomène a été moins marqué cette année, on constate, en 2007, que l’effectif de l’État a été réduit de 12 000 postes d’équivalent temps plein mais que celui des établissements publics a augmenté de quelque 3 000 personnes… Voilà pourquoi le Parlement, lors de l’examen de la dernière loi de règlement, a voté à l’unanimité une disposition prévoyant la modification du champ de l’« annexe jaune » jointe au projet de loi de finances. Il doit en effet pouvoir contrôler avec vigilance l’évolution des effectifs des opérateurs, et s’assurer que par un phénomène de vases communicants, la baisse des effectifs ici ne se traduit pas par une augmentation là.

Doté d’une enveloppe de dépense très contrainte, le Gouvernement n’en a pas moins mis l’accent sur les fonctions régaliennes de l'État. L’effort se fait en particulier en faveur de la justice et de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour plus de deux milliards.

Je reviens un instant sur la révision générale des politiques publiques, sur laquelle nous fondons de grands espoirs car elle conditionne la réussite de la maîtrise de la dépense. Déjà, la réforme de la configuration du Gouvernement est une excellente chose. Quant à la commission de modernisation, elle agit au plus haut niveau, puisque y siègent le secrétaire général de l’Élysée…

M. Jean-Pierre Brard – À quel titre ?

M. le Rapporteur général - …ainsi que le directeur de cabinet du Premier ministre. Elle accomplit un travail de fond, et chaque ministre apporte le meilleur de lui-même pour faire que, comme le souhaitait M. Fabius, chaque euro dépensé par l’État le soit au mieux. Cette démarche a été rendue possible par la LOLF, outil de contrôle et de management public d’une remarquable efficacité.

S’agissant des recettes, l’essentiel figure dans la loi TEPA et le Gouvernement a souhaité ne proposer de nouvelles mesures que si elles sont autofinancées, ce qui fait de ce projet un budget particulièrement responsable.

Toutes les mesures prévues ont le même objectif : l’augmentation du pouvoir d’achat. À cet égard, je veux mettre fin à un faux procès, puisque certains ont parlé de « cadeaux fiscaux » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Un député du groupe SRC – Voilà qui vous gène !

M. le Rapporteur général – Or, l’essentiel de la loi TEPA a trait aux heures supplémentaires, mesure qui s’adresse avant tout aux ouvriers, aux employés et aux classes moyennes. Un salarié célibataire au SMIC employé dans une entreprise de moins de 20 salariés qui travaille 39 heures par semaine gagnera ainsi sur l’année - s’il maintient son horaire de travail – presque les trois quarts d’un SMIC supplémentaire.

M. Henri Emmanuelli – Oh là là !

M. le Rapporteur général – Et s’il travaille deux heures et demie de plus par mois, il bénéficiera d’un treizième mois.

M. Jean-Pierre Brard – Et le patron ?

M. le Rapporteur général - S’il était à 35 heures et qu’il passe à 39, c’est deux mois de SMIC supplémentaires qu’il gagnera sur l’année ! (« Oh là là ! » bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Jamais vous n’avez été capables, entre 1997 et 2002, de faire un tel effort en faveur des travailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

J’en viens au déficit, en légère diminution par rapport à celui de 2007 – 41,7 milliards d’euros au lieu de 42 en prévision.

M. Henri Emmanuelli – Vous êtes gêné…

M. le Rapporteur général – Je souhaite ardemment qu’en exécution – et comme c’est le cas depuis 2004 – il ne dépasse pas 40 milliards. C’est en effet à ce niveau que nous pouvons être sûrs de stopper l’effet boule de neige de la dette par rapport au PIB et de dégager un excédent primaire – deux notions essentielles dans une trajectoire de retour à l’équilibre. C’est aussi le meilleur moyen de garantir le respect de l’objectif ambitieux et nécessaire sur lequel nous nous sommes engagés auprès de nos partenaires européens pour 2008 : ramener notre déficit global à 2,3 % du PIB.

S’agissant des ménages, l’essentiel des mesures de ce budget est tourné vers le pouvoir d’achat, avec la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu et de la prime pour l’emploi. Nous poursuivons l’effort que nous avons engagé au bénéfice du travail, via la prime pour l’emploi, sous la précédente législature. La PPE, qui représentait un peu plus de 2 milliards d’euros en 2002, en représente plus de 4,5 pour 2008.

Avec la réforme du crédit impôt recherche, nous améliorerons la compétitivité de nos entreprises. Nous serons même les plus performants de l’Union européenne en la matière : les dépenses de recherche seront beaucoup mieux prises en compte – 30 % de l’assiette – et cette assiette sera elle-même élargie. Les procédures qui sont associées à cette réforme permettront aux entreprises de connaître la position de l’administration dans un délai plus court et donneront une acception plus large à la notion de crédit impôt recherche. C’est vraiment la mesure phare de ce budget en faveur des entreprises : grâce au développement de la recherche et de l’innovation, nous aurons un surcroît de croissance dans notre pays.

M. François Goulard – C’est tout à fait exact.

M. le Rapporteur général – Cette mesure est complétée par un ensemble de petites mesures qui ont aussi leur importance : alignement des cessions de brevet sur les concessions du point de vue des plus-values – taxation à 15 % – et exonération totale, au bout d’un certain délai, l’inventeur d’un brevet ayant cédé celui-ci à une entreprise.

J’en viens à un sujet qui m’est très cher : les engagements de conservation et les pactes d’actionnaires. Il y a une grande continuité entre le travail du précédent rapporteur général du budget, aujourd’hui président de la commission des finances, et le mien. En 2000, il avait constaté que bien des PME familiales disparaissaient ou passaient sous la coupe de multinationales étrangères et étaient délocalisées simplement parce que leurs héritiers ne pouvaient payer les droits de succession. Il a donc mis au point les « pactes Migaud » sur les droits de succession à 50 %. J’ai poursuivi dans cette voie, en étendant la mesure aux donations en 2003 : si nous voulons conserver nos PME familiales, qui sont aujourd’hui les plus créatrices d’emplois dans notre pays, il faut assurer leur pérennité. Malgré les débats idéologiques stériles auxquels cela a donné lieu, je l’ai également étendue à l’ISF. Vous nous proposez d’approfondir encore ces engagements qui assurent la pérennité du capital de nos entreprises, donc de nos emplois. Nous nous en félicitons et j’espère qu’il n’y aura plus – au moins sur ce sujet-là – de polémiques idéologiques. Si nous voulons faire du bon travail, il faut être pragmatique et apporter des réponses concrètes là où c’est nécessaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François Goulard – Voilà des propos modernes !

M. le Rapporteur général – Il en va de même de l’imposition des dividendes. La commission a été très sensible à votre souhait d’harmoniser la fiscalité sur les dividendes et celle sur les produits de revenus à taux fixe. Il était en effet aberrant de taxer davantage un investissement en actions – par essence risqué – qu’un investissement en obligations, qui se fait en toute sécurité. Mais la formule que vous nous proposiez avait l’inconvénient de conduire à une perte définitive de recettes à partir de 2009. Or nous sommes – comme vous – très attachés au redressement de nos finances publiques. Même s’il ne s’agit que de 200 millions, nous devons être vigilants sur le principe. Nous vous proposerons donc un amendement procédant à cet alignement, mais au taux de 18 % – ce qui garantit qu’il n’y aura aucune perte budgétaire après 2008. J’espère que vous l’accepterez !

M. Henri Emmanuelli – C’est pour les portefeuilles supérieurs à 500 millions !

M. le Rapporteur général – J’évoquerai enfin le droit à décharge de responsabilité solidaire en cas de rupture de la vie commune instauré par ce budget. Jean-François Mancel a beaucoup travaillé sur ce sujet, et je me réjouis que le Gouvernement s’inspire ici une fois de plus de propositions des parlementaires. Désormais, le conjoint ou le partenaire d’un pacs poursuivi en qualité de débiteur solidaire d’une dette fiscale issue de la communauté de vie sera en droit de demander une répartition équitable de cette dette en cas de disproportion marquée entre le montant qui lui est réclamé et les revenus ou le patrimoine dont il dispose. Nous avons tous été interpellés sur ce sujet que le Médiateur de la République a largement évoqué dans son rapport.

Ce projet budget est donc parfaitement cohérent. Il s’inscrit dans une stratégie de relance de la croissance et de la compétitivité de notre pays – dans le prolongement des mesures votées en juillet – et de rétablissement des comptes publics, fondée sur les règles de bonne gouvernance qui ont fait le succès de la précédente législature. La commission vous invite donc à l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Permettez-moi de formuler quelques observations et interrogations qui seront d’une tonalité tout autre que celles des précédents orateurs.

M. Patrick Roy – Ce sera le ton de la vérité !

M. Yves Censi – Le ton ne suffit pas !

M. le Président de la commission – Ce projet de loi de finances vient après le vote dans l’urgence, cet été, du « paquet fiscal » qui consiste pour l’essentiel en des baisses d’impôts ciblées sur un certain nombre de contribuables, censées apporter un « choc de confiance » pour provoquer un « choc de croissance ». Les interrogations sur l’efficacité de ce « paquet fiscal » sont nombreuses, alors même que nous connaissons un endettement record et un déficit public persistant. Se priver d’un tel montant de recettes – que vous avez vous-mêmes estimé à 15 milliards en régime de croisière – et faire une pause dans l’amélioration de nos comptes publics pourrait se justifier si la croissance était au rendez-vous. Or votre projet est bâti sur une hypothèse de croissance de 2,25 % ; inférieure à celle du scénario bas de la programmation pluriannuelle des finances publiques. Si choc il y a, c’est davantage celui de l’inquiétude et de la perplexité ! Ce scepticisme est renforcé par le fait que votre scénario pour 2008 exclut pratiquement tout effet négatif de la crise financière partie cet été des États-Unis. Selon le rapport économique et financier, « les canaux de propagation du ralentissement américain vers l’Union européenne semblent pour le moment peu actifs. La zone euro apparaît bien placée pour absorber le ralentissement américain ».

Votre optimisme n’est pas partagé par de nombreux économistes, qui estiment que la crise financière n’est pas terminée et qu’elle aura des conséquences sur le taux de croissance en Europe et particulièrement en France. Des personnalités comme le Gouverneur de la Banque de France ou le président de l’AMF, auditionnées par la commission des finances l’ont reconnu, malgré des propos liminaires moins pessimistes !

Les performances économiques de la France se situent en deçà de la moyenne des pays de la zone euro. Monsieur le ministre, vous avez parlé de « triple déficit ». Il s’agit certes d’un terme plus faible que celui de « faillite » employé par le Premier ministre. Mais en vous écoutant, je me demandais : à qui ont-il succédé ? Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Qui gouvernait notre pays avant la présidentielle ? En cherchant bien… (Sourires), je me suis aperçu que le Gouvernement précédent comptait dans ses rangs M. Woerth et Mme Lagarde. Monsieur le ministre, personne n’a été aussi loin dans l’exercice d’autocritique…

M. Yves Censi – Si, Jospin !

M. Henri Emmanuelli – C’est plus éloigné… et pourquoi pas Léon Blum ?

M. le Président de la commission – La France s’est fait tancer par l’Eurogroupe et la commission à la suite du report de 2010 à 2012 du retour à l’équilibre des finances publiques. Vos perspectives pluriannuelles laissent nos partenaires sceptiques – je les ai moi-même qualifiées de « conte de Noël » – la faiblesse de la croissance française, la situation de nos comptes publics et nos affichages suscitent des inquiétudes.

Le déficit prévisionnel est supérieur à celui de 2007 en exécution.

M. le Rapporteur général – Oui, mais nous avons été toujours meilleurs en exécution, et ce, de manière constante depuis quatre ans !

M. le Président de la commission – La dette est stabilisée, mais à un niveau très élevé. Quant aux prélèvements obligatoires, vous affichez une baisse de 44 à 43,7, tout en sachant que ces baisses sont rarement confirmées par la réalité. Vous prévoyez une nouvelle baisse de 0,3 % en 2012 : j’avoue que je n’ai pas trouvé les quatre points de baisse sur lesquels s’était engagé Nicolas Sarkozy. Peut-être nous direz-vous si cette promesse est toujours d’actualité ?

Le commissaire européen Joachim Almunia a exprimé ses doutes, expliquant que le déficit serait sans doute « légèrement supérieur aux chiffres présentés par le Gouvernement ». De même, les conjoncturistes de la Conférence économique de la Nation éclairent votre projet de budget d’un jour différent, en soulignant que le déficit pourrait dépasser son niveau de 2006, et se creuser encore en 2008 pour se rapprocher des 3 %.

Quant aux instituts – car il en existe – qui se fondent sur une croissance égale ou supérieure à vos estimations, ils pronostiquent en parallèle une dégradation des comptes, avec un déficit dépassant les 3 % ! Cette différence d’analyse ne laisse pas de m’interroger : y aurait-il une surestimation des recettes de votre part, ou une sous-estimation des dépenses ?

M. Jean-Pierre Brard – Les deux !

M. le Président de la commission – De même, notre rapporteur général évoque dans son rapport trois scénarii, dont le plus pessimiste est – malheureusement – le plus vraisemblable.

M. le Rapporteur général – C’est vous qui le dites !

M. le Président de la commission – Le déficit atteindrait 3,1 % et la dette 64 % du PIB ! Selon la presse, Monsieur Carrez, vous « croisez les doigts » pour que les hypothèses se réalisent.

M. le Rapporteur général – Dans vos rangs, certains prient !

M. le Président de la commission – Je ne savais pas que l’on faisait un budget en croisant les doigts !

M. Jean-Pierre Brard – Sauf à se prendre les pieds dans le tapis ! (Sourires)

M. le Président de la commission – S’agissant de la dette, le rapport économique et financier souligne que le solde stabilisant ne sera pas atteint en 2007 : l’effet boule de neige continuera donc de jouer. En 2008, le solde stabilisant serait de 2,6 %, ce qui est bien éloigné de vos hypothèses de croissance !

Ce budget, loin d’être un budget de rupture, est un budget de continuité, comme l’a écrit avec franchise le rapporteur général, qui n’oublie pas qu’il se succède à lui-même !

M. le Rapporteur général – La continuité dans la bonne gouvernance !

M. le Président de la commission – De fait, vous persistez dans les erreurs stratégiques. La France souffre du manque de compétitivité de ses entreprises, de leur manque d’investissement, de leur faiblesse à l’exportation. L’investissement public dans la recherche, dans l’innovation, dans l’éducation et dans la formation est insuffisant. Certes, il ne faut pas opposer la demande et l’offre. Mais je regrette que la politique de l’offre soit quasi inexistante, à l’exception – notable – du crédit impôt recherche. Avec la loi TEPA, vous avez donné bien peu à ceux qui consomment, et beaucoup à ceux qui épargnent. Le taux d’épargne augmente constamment, jusqu’à atteindre 16,1 % en 2008 ! Est-ce encourager le travail que de favoriser un tel taux ?

La part réservée à la consommation ne favorisera en rien la croissance si l’appareil productif ne peut y répondre, faute d’avoir bénéficié d’une politique de l’offre forte et cohérente. Rien de ce que vous aviez promis durant la campagne en faveur des entreprises ne figure dans ce projet de loi de finances.

Je vois dans les chiffres relatifs à l’évolution du pouvoir d’achat et des salaires une preuve d’un manque de confiance dans votre propre politique : la progression ne serait que de 2,5 % en 2008, soit de 0,3 % inférieure à celle de 2007 – je me permets de rappeler que l’augmentation, entre 1998 et 2008, avait été supérieure à trois points. Votre pessimisme vous a également poussés à retenir un volume de crédits correspondant au volume d’heures supplémentaires actuel : vous confortez ainsi le raisonnement qui ne voit dans cette mesure qu’un effet d’aubaine, le nombre d’heures supplémentaires n’étant pas appelé à croître ! Malgré votre slogan de campagne, vous n’imaginez pas que les Français gagneront davantage en travaillant plus l’année prochaine !

Par ailleurs, la remise en cause des moyens financiers des collectivités locales – qui assurent 72 % des investissements publics – augure mal de l’évolution de cette composante essentielle des investissements.

M. Michel Vergnier – Très bien ! Voilà ce qu’il faut dire et répéter !

M. le Président de la commission – Il est trop facile de rendre les collectivités locales responsables de la situation de nos comptes publics !

Pour que la France tienne ses engagements en matière de réduction des déficits publics, encore faudrait-il ne pas adopter de mesures fiscales injustes et inefficaces !

Le Président de la République vous invite, Madame la ministre, à revoir l’ensemble de nos prélèvements obligatoires. Chiche ! Un débat sur l’amélioration de notre fiscalité s’impose en effet : pour la première fois en 2008, l’impôt sur le revenu ne sera que la troisième recette fiscale de l’État, après la TVA et l’impôt sur les sociétés. Le bouclier fiscal ne fait d’ailleurs qu’accélérer ce déclin de l’impôt progressif.

M. Alain Cacheux – L’injustice grandit !

M. le Président de la commission – Je continuerai pour ma part à plaider en faveur d’un impôt sur le revenu plus équitable, rapproché de la CSG et prélevé à la source. Je souhaite surtout que nous envisagions une cotisation minimum, même si vous avez hélas fermé la porte à tout débat en la matière. Comment accepter que certaines personnes aux revenus confortables échappent complètement à l’impôt sur le revenu ?

De même, il faut réformer la fiscalité locale, archaïque et injuste ; vous n’en dites rien. Il faut modifier l’examen de la loi de finances initiale, et surtout rapprocher les volets recettes du projet de loi de finances et de celui de financement de la Sécurité sociale. Notre débat y gagnerait en cohérence – ce même souci qui a suscité la création d’un ministère des comptes publics.

J’en terminerai par quelques questions. Comment le choc de confiance se traduit-il dans ce PLF ? Pourquoi croyez-vous si peu en ses effets ? Pourquoi certains, avec des hypothèses de croissance pourtant plus optimistes que les vôtres, prévoient-ils un déficit plus important ? Qu’arrivera-t-il si vos hypothèses ne se vérifient pas ? S’agit-il là d’un budget de rupture – si oui, avec quoi ? – ou de continuité – et dans ce cas, 2008 risque d’être bien plus mauvaise que ce que vous ne prévoyez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical et citoyen une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4 du Règlement.

M. François de Rugy – On voudrait croire que ce budget, première étape selon vous sur la voie de l’assainissement de nos finances publiques, marque une rupture avec ce que votre majorité fait depuis cinq ans. N’est-ce pas d’ailleurs sur le thème de la « rupture » que M. Sarkozy s’est fait élire ? Hélas, en matière budgétaire, vous poursuivez – en pire ! – l’œuvre de MM. Raffarin et de Villepin en précipitant le budget de l’État sur la pente des déficits.

Le Premier ministre l’a dit : l’État est en faillite. Aucun hasard ici : ce n’est que le résultat de votre acharnement à priver l’État des moyens de sa politique par des baisses d’impôts irresponsables qui ne touchent que les plus riches. À l’inefficacité économique, vous ajoutez l’injustice sociale ! Les Français, qui s’en passeraient bien, ne sont pourtant pas dupes. Ils peuvent supporter la vérité, comme le disait le Premier ministre ; encore faut-il que vous ne la leur dissimuliez pas ! Ou bien n’est-ce que de l’incohérence ? En juillet, vous mettez le feu aux finances publiques pour, en septembre, jouer aux pompiers !

Si elle faisait suite à un vaste plan d’investissement public en faveur du logement, de l’éducation, de la solidarité, l’aggravation temporaire du déficit serait acceptable. Au contraire, vos emprunts financeront des cadeaux fiscaux et la baisse des recettes qui s’ensuivra ! C’est de la cavalerie financière !

Cette politique est intenable. Vous semblez d’ailleurs être tétanisés par votre propre persévérance dans l’erreur. Le temps de l’action s’est arrêté, dirait-on, le 4 août, cet anniversaire de l’abolition des privilèges dont vous avez profité pour distribuer des cadeaux fiscaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Depuis, plus rien, qu’il s’agisse de nouvelles recettes, de réforme fiscale, de mesures en faveur des classes moyennes ou de régulation des stock-options, comme vous le recommande M. Séguin, premier président de la Cour des comptes.

M. Jean-Pierre Brard – Voilà un vrai républicain !

M. François de Rugy – Cette atonie est sans doute le fait du Président de la République, qui a souhaité la séparation du ministère des comptes publics de celui de l’économie. D’un côté, Mme Lagarde piaffe d’impatience de distribuer de nouveaux cadeaux fiscaux, et de l’autre, M. Woerth piaffe d’impatience de faire subir aux Français de nouveaux tours de vis budgétaires !

Mme la Ministre - Au moins, nous piaffons de concert (Sourires) !

M. François de Rugy – Les engagements européens de la France, gravés dans notre Constitution, ne sont pas tenus puisque notre dette publique dépasse de quatre points le taux prévu. Voilà qui suffit à justifier cette exception d’irrecevabilité ! Le respect du pacte de stabilité sert pourtant l’intérêt de la France : il lui éviterait d’alourdir sa dette par des intérêts d’emprunt croissants, dont la charge fiscale échoira bientôt aux Français, dès le lendemain des élections municipales peut-être. Il permettrait aussi de réduire les taux d’intérêt européens qui, s’ils peuvent vous réjouir car ils nourrissent les rentiers, obstruent l’accès au crédit de millions de salariés modestes et même d’entrepreneurs. Vous savez pourtant combien l’investissement des entreprises est à la traîne !

L’opposition n’est pas seule à critiquer votre budget ; la majorité le fait aussi. M. Morin lui-même le qualifie de déraisonnable, et M. Lagarde de semblable à celui de l’an passé – qu’il n’avait pas voté. En somme, c’est un véritable colis piégé pour nos finances publiques et pour tous ceux qui en pâtiront à l’avenir.

De mauvaise foi, vous prétendez dans l’exposé des motifs que le solde progresse de 300 millions par rapport à la loi de finances initiale. Or, la réalité est tout autre : le déficit s’aggravera de 3,4 milliards ! Souvenez-vous ce que le rapporteur général écrivait lors de notre débat d’orientation budgétaire en juillet dernier : les montants distribués en 2008 épuiseront – le terme n’a pas été choisi au hasard – les marges disponibles et contraindront les choix budgétaires pour l’ensemble de la législature. Autrement dit, les cadeaux fiscaux entérinés en moins d’une semaine au mois de juillet nous lient les mains jusqu’en 2012 ! Enfin, le rapporteur général relevait que si d’aventure la croissance faiblissait – et nous sommes nombreux à considérer que le risque n’est pas à exclure -, les ajustements nécessaires au reflux de la dette publique en 2012 seraient certainement hors de portée.

Pour conjurer le sort, vous annonciez alors, Madame la ministre, un « choc de confiance », recette magique à toutes les difficultés pointées du doigt jusqu’au cœur de votre majorité. A la vérité, nous l’attendons toujours !

M. Patrick Roy – Il y a peut-être eu un choc, mais de croissance, point !

M. François de Rugy – Sans doute faudra-t-il se contenter d’un coup de bambou sur la fiscalité dans les prochains mois ! Très friand de sondages, le Président de la République ne peut pas davantage ignorer que les Français n’ont jamais été aussi inquiets qu’aujourd’hui pour l’évolution de leur pouvoir d’achat. Or il ne serait pas sérieux de leur faire miroiter un improbable « choc de croissance » – lequel devait succéder au choc de confiance que nous attendons toujours – alors que les experts tablent sur un modeste 1,8 % pour cette année. Adepte de la méthode Coué, le Gouvernement continue d’afficher une prévision hautement improbable de 2 ou 2,5 %. Lorsqu’on sait ce que représente un dixième de point de croissance, avouez qu’il y a de quoi s’inquiéter !

Au reste, vous avez vous vous-même parlé, Madame Lagarde, de plan de rigueur pour les mois à venir et les tours de vis chers à M. Woerth ont déjà commencé dans la fonction publique, à l’éducation nationale notamment. En supprimant 11 200 postes alors que notre système ne se distingue pas par son efficacité, on veut nous faire croire que l’on va faire mieux avec moins. Quiconque a été élève sait pourtant que ce n’est pas dans les classes surchargées que l’on apprend le mieux. Quant aux beaux discours sur la sécurité dans les établissements, ils perdent tout crédit si l’on supprime, dans le même temps, toujours davantage de postes de surveillants ou de CPE ! À cet égard, les 1 000 postes administratifs que vous avez prévu de supprimer au ministère de l’éducation nationale ne sont pas de nature à nous rassurer.

Qui peut croire que la diminution du nombre de contrats aidés va conforter une hypothétique amélioration de la situation de l’emploi ? Lors des questions de cet après-midi, Mme Lagarde a rappelé que le Gouvernement avait choisi de favoriser les heures supplémentaires, au prix d’un effort budgétaire exorbitant, plutôt que la création nette d’emplois nouveaux. Soit, mais imaginez tout ce que l’on aurait pu faire en affectant les 4 à 5 milliards d’euros d’exonérations de cotisations au soutien d’activités nouvelles, par exemple dans le secteur des écotechnologies ? Il y a bien, Monsieur le ministre, plusieurs politiques envisageables, et il est abusif de prétendre que celle que vous avez choisie s’imposait comme la seule possible.

Avez-vous eu connaissance, Madame et Monsieur les ministres, du rapport indépendant sur les heures supplémentaires commandé par le CHS-CT de Renault ? Il indique que 20 % des techniciens et ingénieurs hautement qualifiés du technocentre de Guyancourt effectuent déjà un surcroît de travail de l’ordre de 20 % par rapport à la durée de référence et que ces dépassements ne sont sans doute pas sans incidences sur les cas de suicides qui ont été à déplorer. Imaginez ce que peuvent donner de telles conditions de travail si on les impose à des ouvriers déjà soumis à des cadences forcées. Au reste, dans nombre de secteurs d’activité, qu’il s’agisse du BTP ou de la grande distribution, les conditions de travail continuent de se dégrader et l’on ne peut que redouter une nouvelle détérioration de la santé au travail. Pouvez-vous l’ignorer alors que vous prétendez vouloir revaloriser le travail ?

À l’évidence, les recettes vont pâtir du paquet fiscal entériné cet été. Celui-ci témoigne du reste d’une certaine continuité, puisque, lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances, Nicolas Sarkozy avait déjà proposé de réduire le nombre de tranches de l’IR, au risque d’attenter gravement à sa progressivité. Nous soutiendrons pour notre part les amendements de MM. Sandrier et Brard tendant au contraire à l’augmenter, en vue de redonner à cet impôt un caractère plus progressif, gage de justice sociale. Intégré à notre bloc de constitutionnalité, l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne dispose-t-il pas que la contribution doit être équitablement répartie entre tous les citoyens, en fonction de leurs facultés ?

Cet été, vous vous étiez engagée, Madame la ministre, à faire des propositions sur l’impôt minimuM. Las, l’été est passé et vous avez abandonné !

M. Patrick Roy – Que voulez-vous, il faut ménager les amis !

M. François de Rugy – Renonçant à vos propres objectifs, vous préférez les rentiers aux entrepreneurs, une économie de capitalistes à une économie de l’innovation. Vous feignez d’ignorer que les pays à très haut revenu sont souvent, à l’instar des pays scandinaves, ceux où la progressivité de l’impôt est la plus marquée et où une fiscalité écologique est de plus en plus appliquée.

Loin d’être novateur, votre projet de budget amplifie les effets pervers des mesures votées cet été. S’agissant de la compensation des intérêts d’emprunts consentis pour l’acquisition de la résidence principale, vous tentez de contrer la décision – pourtant prévisible – du Conseil constitutionnel interdisant d’appliquer la mesure de manière rétroactive, en faisant passer de 20 % à 40 % la possibilité de récupération. La vérité, c’est que cette « contrepartie » ne changera rien puisqu’elle n’affectera en rien la situation des Français qui ont déjà investi dans l’acquisition de leur résidence. Une fois encore, vous passez à côté ! Et puis, permettez-moi de dire qu’il est pour le moins dérisoire d’entendre le Président de la République déclarer dans une interview que les Français mécontents n’ont qu’à demander des comptes au Conseil constitutionnel ! Est-ce vraiment la parole que l’on est en droit d’attendre du garant de nos institutions ? Et qui peut croire que l’aléa constitutionnel n’était pas connu lorsque la mesure a été intégrée au projet de loi ? Les Français ne sont pas dupes et l’heure de vérité va bientôt sonner. Alors que se profilent les franchises médicales et une hausse inéluctable de la fiscalité, le mirage du salut par les heures supplémentaires va bientôt se dissiper.

En matière d’immobilier, nous avons des propositions alternatives fortes et le fait que vous persistiez à n’en tenir aucun compte ne nous découragera pas de les formuler. C’est ainsi que nous proposons d’encourager fiscalement l’isolation des logements anciens, qu’elle soit financée par les propriétaires ou par les locataires. Il faut aussi développer les crédits d’impôt pour favoriser la production individuelle d’énergie renouvelable, afin de participer à la lutte contre l’effet de serre, de promouvoir de nouvelles filières d’emplois et de réduire la facture énergétique des ménages, dans une perspective de pouvoir d’achat durable.

Qu’attendez-vous pour agir enfin, alors que la crise financière de l’été et l’explosion des cours du pétrole devraient vous convaincre que vous faites fausse route ? N’avez-vous pas noté que l’attribution du Nobel à Al Gore indiquait la voie à suivre ? Las, vous préférez déclarer votre flamme à Jacques Attali et soutenir ses vieilles recettes, comme si l’on pouvait gagner quelque chose à remettre en cause le principe de précaution, dont l’inscription dans notre Constitution avait pourtant fait consensus !

Comment imaginer, enfin, qu’on va donner du pouvoir d’achat en accentuant la domination des hypermarchés, qui se fonde sur l’asphyxie des producteurs et la délocalisation à outrance de la production ?

Dites plutôt la vérité aux Français sur la façon dont vous allez financer le déficit, sur les nouveaux impôts que vous préparez. Plutôt que de prolonger le cafouillage sur la TVA, dites aux Français si, après les municipales, et la période de paralysie actuelle, vous allez leur proposer un plan de rigueur et d’austérité. Arrêtez votre course folle vers l’abîme budgétaire, et écoutez la voix de l’Assemblée, c’est la voix de la sagesse (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. le Ministre – Votre conservatisme et votre pessimisme sont préoccupants. Vous ne croyez pas à l’avenir de la France ! Notre politique économique est fondée sur une idée très simple : pour gagner du pouvoir d’achat et de la croissance, il faut travailler plus. Cela vous échappe, semble-t-il, et c’est une idée assez nouvelle dans ce pays. Christine Lagarde l’a défendue avec brio, et nous la traduisons dans ce projet de budget. Les mesures fiscales, encore une fois, ce n’est pas un coût, c’est un investissement qui portera ses fruits. Pour gagner ce point de croissance dont elle a besoin, la France doit rompre avec un système qui ne fonctionne pas.

M. Jean-Claude Sandrier – Cela fait cinq ans que vous êtes au pouvoir !

M. le Ministre – Sinon, les déficits de croissance, de confiance, d’emploi et de pouvoir d’achat subsisteront. On ne peut pas s’en satisfaire.

Nous ne sommes absolument pas paralysés. Nous acceptons un risque, celui de la pause dans les déficits des finances publiques, car nous sommes persuadés que demain la France retrouvera le chemin de la croissance.

M. Patrick Roy – C’est la méthode Coué !

M. le Ministre – Évidemment, cela ne relève pas uniquement de mesures comme celle sur les heures supplémentaires, mais d’une politique d’ensemble cohérente. Rendre les universités plus autonomes, lancer le Grenelle de l’environnement, mener des politiques structurelles dans chaque ministère, c’est libérer la croissance.

Vous vous trompez, dites-vous. Et si c’était vous qui vous trompiez ? Si vous aviez tort de ne pas avoir confiance, de ne pas croire que la France peut travailler plus, être plus compétitive ? Vous ne croyez pas en l’avenir de notre pays, et cela me désole.

Vous laissez aussi entendre que Mme Lagarde représenterait une politique de relance, et moi un tour de vis. Non, mais nous menons une politique de maîtrise de la dépense publique comme jamais elle n’a été faite en France. La révision générale des politiques publiques y concourt, et nous l’anticipons dans le budget, avec la politique du « zéro volume », c’est-à-dire d’un budget stable compte tenu de l’inflation, et, une fois tenu compte des dépenses sociales, un maintien en euros courants pour les autres dépenses. C’est un effort très inusité.

M. Alain Néri – Supprimez le paquet fiscal, cela fera 15 milliards de gagnés !

M. le Ministre – Dans le PLFSS, vous constaterez le même effort de maîtrise pour les dépenses d’assurance maladie. En effet, les dépenses publiques ont atteint un niveau qui les rend improductives. Trop de dépense publique tue la croissance.

Plusieurs députés SRCDV – Vous êtes là depuis cinq ans !

M. le Ministre – Avec ce budget, nous disons la vérité sur les dépenses et sur les recettes. Et pour le cas où la croissance serait plus faible que prévu, notre évaluation des recettes reste suffisamment prudente. Sans laisser-faire ni fuite en avant, avec ambition mais avec prudence, nous préparons la France pour une politique de croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Une motion de procédure peut être intéressante – je ne doute pas que la question préalable le sera – mais M. de Rugy, avec son fatalisme, nous a plutôt endormis. C’était pourtant l’occasion d’interroger le Gouvernement – il répond toujours de façon constructive, on l’a vu avec le projet sur le pouvoir d’achat – et d’engager un vrai débat. Par exemple, le baril à 86 dollars, les 80 milliards de dollars consacrés par l’Administration américaine pour lutter contre la crise des subprimes, tout cela peut avoir des conséquences sur la croissance en France et donc sur le budget. Heureusement, M. Woerth a très bien répondu aux questions que vous n’avez pas posées (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Michel Vergnier – Quel donneur de leçons !

M. Jérôme Chartier – À propos du paquet fiscal, vous avez dressé un tableau si noir qu’il m’a fait penser à la chanson de Leonard Cohen, Everybody knows : tout le monde sait que c’est fichu d’avance. L’OFCE nous dit que 37 % des salariés vont bénéficier des heures supplémentaires et complémentaires…

M. Alain Néri – Mais qui décide des heures supplémentaires ?

M. Jérôme Chartier – …et que le gain de ces seuls salariés représentera 1,8 point de pouvoir d’achat en 2008. Mais vous, vous dites que l’on ne fait rien pour le pouvoir d’achat et que cela n’aura aucun effet sur la croissance : vous nous expliquerez pourquoi dans une prochaine motion ! Vous nous expliquerez aussi comment les dépenses d’avenir que comporte ce budget – pour l’Université, pour l’innovation – n’auront pas d’effet pour une croissance durable – pas du jour au lendemain, bien sûr. Dans un premier temps, il y a le soutien à la croissance par le pouvoir d’achat, et ces 9 milliards – et non 15 milliards – que nous avons votés. Dans un second temps, il y a les mesures structurelles pour la production, que le Gouvernement a commencé à prendre.

Quant au bouclier fiscal, ce n’est pas faire preuve d’obscurantisme que de le défendre. Selon un spécialiste en délocalisation fiscale, il traitait une vingtaine de dossiers par an, à 50 millions d’euros en moyenne ; pour le deuxième semestre 2007, il s’attend à n’en avoir que deux et, selon lui, le rapprochement de notre fiscalité avec ce qui se fait en Europe devrait faire disparaître ces pratiques. Mais pour vous, dès qu’on parle de toucher à l’ISF, il s’agit de cadeaux aux riches !

Le Gouvernement peut compter sur le soutien de sa majorité, et le groupe UMP votera contre l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – « Ceux qui ont appris à échanger des mots ont moins envie de s’échanger des coups », écrit Régis Debray dans L’Obscénité démocratique. Vous êtes autistes, vous n’entendez pas les souffrances du pays. À force d’humilier les gens pour qui les « fins de mois » commencent au début, qui sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants, qui ne savent pas ce qu’ils vont leur donner à manger le lendemain, vous les poussez à la révolte, vous mettez en danger la démocratie. J’espère que vous ne serez pas complètement sourds au message qui sera délivré dans nos rues après-demain. N’oubliez pas que nous sommes le pays des jacqueries. Mme Lagarde s’enorgueillit des baisses d’impôts, mais ce sont des baisses pour qui ? Pour les privilégiés ! On rend de l’argent à des gens qui ne savent pas où le placer, tellement ils sont riches ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) En Alsace, vous avez rendu en moyenne 46 903 euros ; à Paris, 91 554 euros ; dans le Limousin, 91 673 euros ! Vous consacrez toute votre énergie à soutenir ces privilégiés arrogants qui piétinent les humbles ! (Même mouvement) Vos hurlements sur ces bancs sont un hommage aux causes que nous défendons !

Votre régime, Madame et Monsieur les ministres, c’est celui des injustices, celui des fins de mois impossibles pour les uns et, avec les Lagardère, Gautier-Sauvagnac, Tapie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et autres, celui des vacances offertes à d’autres qui ont l’indignité de les accepter ! (Même mouvement) Vous hurlez parce que vous ne voulez pas entendre ! Oui, c’est bien un régime de rupture, celle de nos institutions républicaines !

Maîtrise des dépenses, dites-vous. En réalité, vous tarissez les recettes et vous sacrifiez l’école, la santé, les retraites, les conditions de vie des plus modestes. Les heures supplémentaires sont l’exemple parfait de l’hypocrisie d’État : vous n’en avez pas prévu plus en 2008 ! Comment mieux dire que vous ne croyez pas à votre discours ? La vérité, c’est que vous organisez la possibilité pour les entreprises de se soustraire à leur devoir de solidarité.

Notre rôle ici, c’est de combattre votre politique en faveur des privilégiés, des parvenus, qui plus est mâtinés d’inculture, dont vous êtes les porte-voix (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Georges Tron - Quel talent oratoire !

M. Charles de Courson – Une fois encore, je rappellerai qu’une exception d’irrecevabilité vise à démontrer que le projet contient des dispositions anticonstitutionnelles : on attend toujours les arguments – mais nous sommes habitués.

Par ailleurs, le propos de notre collègue n’est pas cohérent : quand on réclame des moyens, il ne faut pas déplorer l’état de nos finances publiques, mais proposer des hausses d’impôts ! Notre taux de prélèvements obligatoires est pourtant l’un des plus élevés au monde… Hélas, il ne baissera pas en 2007, la croissance étant moindre que prévu ; et il risque de peu baisser l’année prochaine.

Le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale est également, chez nous, particulièrement élevé. Si son alourdissement était un gage de solidarité et d’amélioration des services publics, nous le constaterions ! Or ce n’est pas le cas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

C’est pourquoi il faut s’interroger sur l’efficacité de la dépense publique et envisager des réformes. Le problème de l’opposition, c’est qu’elle n’ose pas le faire. Le pays gagnerait à ce qu’elle fasse une révolution culturelle, comme le lui suggérait Laurent Fabius en critiquant la « gauche dépensophile ». Au Nouveau Centre, au contraire, nous avons proposé des économies supplémentaires, afin de réduire le déficit plus vite que ne le propose le Gouvernement.

Nous voterons donc contre l’exception d’irrecevabilité.

M. Alain Claeys – Le groupe socialiste la votera. Non, Monsieur le ministre, que nous soyons pessimistes ou conservateurs, mais pour une seule raison : ce budget n’est pas sincère. Je vous donne rendez-vous en avril prochain : nous verrons alors apparaître des mesures que vous cachez aujourd’hui à nos concitoyens. Vous êtes en effet pris en tenailles entre vos promesses électorales et la crise financière. Votre bouclier fiscal, qui ne relève ni d’une politique d’offre ni une politique de demande, n’aura aucun effet de levier. Quant aux heures supplémentaires, vous avez avoué que vous ne prévoyez pas l’augmentation de leur nombre. Autrement dit, vous ne pourrez pas réaliser ce que vous annoncez. C’est pourquoi nous voterons l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement !

Monsieur le Président, j’attends de vous, qui êtes un homme courtois, une réponse à ma question de tout à l’heure.

M. le Président – La loi constitutionnelle adoptée par le Congrès en 1992 a introduit à l’article 2 de la Constitution un alinéa disposant que « La langue de la République est le français ». Mes prédécesseurs à cette place, dans des circonstances analogues, ont agi de la même façon que moi.

M. Jean-Pierre Brard – J’y reviendrai.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président – J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jérôme Cahuzac – Ce projet de loi de finances s’inscrit-il dans la tradition de ceux qui l’ont précédé ? Autrement dit, le pouvoir exécutif, dont c’est le devoir, en fait-il un acte fort, engageant des politiques publiques, et le Parlement est-il en mesure de l’examiner ?

Ce qu’on peut en dire, chacun avec ses mots – et nous avons tous apprécié la finesse du discours du rapporteur général (Sourires) –, c’est que ce PLF est un intermède.

C’est un intermède discret, pas vraiment consistant, entre ce qu’on a demandé au Parlement de voter il y a quelques mois et ce qu’on lui demandera de voter probablement au printemps prochain, après les élections municipales et cantonales.

C’est un intermède décevant, car ses auteurs n’assument pas les conséquences de leurs choix antérieurs. En réalité, nous assistons en ce début de législature à la répétition de ce à quoi nous avons assisté en 2002. Cette année-là déjà, avec la même précipitation, dans la même urgence, pour les mêmes raisons impérieuses, les mêmes ont demandé aux mêmes, qui malheureusement ont accepté, de voter en bloc une réduction d’impôt de cinq milliards, mesure non financée et non gagée – pas davantage que ne l’est la réduction d’impôt adoptée cet été. De cette stratégie, il est résulté un échec flagrant dans le redressement des finances publiques, comme en attestent vos propres discours, qui appellent à la « rupture ». C’est que les dépenses votées par votre majorité en 2002 ont lourdement pesé sur le budget de l’État ; dans le même temps, on sait quel a été le succès de la réforme Douste-Blazy de la sécurité sociale…

C’est ainsi qu’en dépit de vos engagements – que je crois sincères, Monsieur le rapporteur général –, le déficit public ne s’est pas résorbé, tant s’en faut ; quant au déficit de la sécurité sociale, il s’est creusé pour atteindre le montant abyssal de quinze milliards. Cette triste situation a bien sûr eu pour conséquence l’augmentation de la dette publique, à hauteur de 8 points de PIB en cinq ans. Comment pouvez-vous, dans un tel contexte, parler d’« assainissement budgétaire » ? Si c’est la conception que vous en avez, il y a tout lieu de s’inquiéter !

L’accroissement de la dette s’explique par l’engagement précipité, il y a cinq ans, de dépenses exagérément coûteuses et mal ciblées qui ont dégradé le budget de l’État pendant toute la mandature. Même les prélèvements obligatoires ont augmenté d’un point de PIB, la part des collectivités locales dans cette augmentation n’étant, selon les calculs du Conseil économique et social, que d’un dixième de point !

La compétitivité de nos entreprises s’étant dégradée, la balance de notre commerce extérieur est déséquilibrée. Son déficit nous coûte à présent 1,5 point de PIB. La situation n’a jamais été, en trente ans, aussi lamentable, et il est inutile de prétendre en tenir pour responsable le taux de change entre l’euro et le dollar – le commerce extérieur de l’Allemagne étant, avec le même euro et le même dollar, florissant.

Parce que nous ne voulons pas que ce scénario se répète, nous aurions souhaité examiner un projet de budget différent de l’intermède inconsistant qui nous est soumis. Il faut, comme l’a souligné notre collègue Chartier, parler de la croissance – mais il faut en parler sérieusement car le sujet est grave. À cet égard, à qui fera-t-on croire qu’il est sérieux de dire qu’il faut aller la chercher « au fond de soi » ou « avec les dents » ?

La croissance, c’est la conjonction de la croissance du pouvoir d’achat des ménages, de l’investissement des entreprises et d’un commerce extérieur excédentaire. Vous faites le pari que cette conjonction aura lieu en 2008, mais Didier Migaud, citant les chiffres du ministère de l’économie, a montré qu’il n’en sera rien. La consommation des ménages ne sera pas plus forte en 2008, puisque leur pouvoir d’achat va baisser. Peut-on espérer qu’une augmentation de 0,1 % du salaire moyen per capita suffira à redresser les comptes publics ? Évidemment pas ! Malgré cela, vous avez refusé de réévaluer le SMIC et la PPE au-delà de l’inflation, et vous attendez des miracles d’une disposition destinée, paraît-il, à favoriser les heures supplémentaires – dont chacun s’accorde à dire qu’il n’y en aura pas davantage en 2008 ! De deux choses l’une : ou le Gouvernement ne prend pas au sérieux les promesses du Président de la République, ce qui serait curieux si peu de temps après son élection, ou ce budget est d’une insincérité coupable. Quoi qu’il en soit, l’augmentation de la consommation des ménages ne sera en aucun cas de nature à redresser l’économie dans les proportions que vous imaginez ni, donc, à assurer la trésorerie de l’État, actuellement contraint de demander aux collectivités locales de faire ses fins de mois.

Qu’en est-il, alors, des entreprises ? Le projet n’en parle pas, sinon par le biais du crédit d’impôt pour la recherche, financé par une nouvelle réduction de l’ISF. Ne serait-il pas temps de débattre sur le fond de cet impôt que vous dépecez sans avoir le courage de l’abroger ? C’est que, manifestement, ce débat devrait d’abord avoir lieu entre vous. Nous pourrons ensuite vous demander si, en cette période de profonde disette budgétaire, l’État peut véritablement se priver d’une recette de 4 milliards – et poser la question, c’est y répondre.

J’en reviens aux entreprises dont, selon les chiffres du ministère, le taux de marge continuera de se dégrader en 2008. Si l’on ajoute que leur taux d’autofinancement a chuté dans des proportions catastrophiques, on comprendra qu’elles sont privées des ressources qui leur permettraient d’investir. Le crédit y pourvoira, paraît-il. Mais, sur les conditions de ces crédits, on note dans les discours des deux ministres des contradictions étonnantes, qui donnent à penser que leurs discours ont des auteurs différents… Au delà de la méthode Coué, il est impossible d’imaginer que la crise financière qui a secoué l’économie mondiale n’aura pas pour conséquence le durcissement des conditions de crédit. Étant donné la situation des entreprises, il est d’autant moins probable qu’elles emprunteront pour investir qu’aucune mesure n’est prise pour infléchir cette évolution.

Les chiffres du ministère de l’économie montrent enfin que notre balance commerciale continuera de se dégrader, ce qui ne va pas dans le sens du renforcement de la croissance. Mais, alors que la situation ne cesse de s’aggraver, alors que le volume de nos importations est déjà six fois supérieur à celui de nos exportations, vous ne faites rien pour endiguer cette tendance.

Voilà en quoi ce projet de budget pâlichon est inconsistant, bien que chacun s’emploie avec vigueur à le décrire décisif.

Mais la réalité est bien là : la croissance ne sera pas au rendez-vous, et le dire n’est ni faire preuve de pessimisme, ni manquer de patriotisme : c’est simplement jouer notre rôle de parlementaires. Non seulement ce projet de loi de finances n’engage aucune politique publique majeure nouvelle, mais il n’assume même pas celles qui ont été engagées.

Alors que faire ? Au fond, le principal reproche que l’on puisse adresser au Gouvernement, c’est de ne pas avoir saisi l’occasion de ce budget pour faire les choix importants. De la même manière qu’en 2002, il ne tire pas les conséquences des textes adoptés cet été dans l’urgence. C’est en tout cas l’impression qu’il donne. Ce budget est donc un objet inconsistant : le propre d’un budget, c’est tout de même de faire les choix importants non seulement pour l’année qui vient, mais aussi pour les années à venir ! Ces choix ne sont pas faits. C’est la raison pour laquelle vous nous annoncez une croissance à 2,25 %, quasiment identique à la croissance moyenne de la zone euro, qui sera de 2,3 %. Mais ces cinq dernières années, la croissance de notre pays a systématiquement été inférieure de 0,8 à un point de PIB à la croissance moyenne de la zone euro – je vous renvoie aux annexes économiques et financières. Au nom de quoi cet écart se réduirait-il soudain à 0,05 point l’année prochaine ? Quelle mesure de ce budget permettrait seulement de l’espérer ? Aucune ! Or le ministère de l’économie et des finances convient lui-même qu’il n’y aura pas de pouvoir d’achat supplémentaire, qu’il n’y aura pas d’investissement dans les entreprises, et que le commerce extérieur va continuer à se dégrader. Comment comblerions-nous notre retard dans ces conditions ?

Le Gouvernement ne fait pas davantage de choix en matière de politique économique. Quelle politique économique menez-vous ? Une politique de la demande, une politique de l’offre, ou les deux ? Il ne s’agit pas de porter un jugement sur leurs avantages respectifs – chacune peut apporter quelque chose au pays. La seule chose qui n’apporte rien, c’est de ne pas choisir ! Or, dans ce budget, vous ne choisissez pas : pas de pouvoir d’achat, pas d’investissement.

Vous avez la majorité, chers collègues ; vous avez le pouvoir de faire et de défaire la loi…

M. Jean-Pierre Brard – Ils croient l’avoir !

M. Jérôme Cahuzac – …de décider ce qui sera ou ne sera pas. Vous vous astreignez bien sûr à une certaine loyauté à l’égard du pouvoir exécutif, mais vous n’en détenez pas moins la légitimité du suffrage universel. Rien ne vous oblige donc à accepter les non-choix du Gouvernement ! Vous avez, vous, la possibilité d’assumer ou non les conséquences des décisions votées cet été, à commencer par des privatisations massives. Certains parlent d’EDF, d’autres de la Caisse des dépôts – encore qu’elle puisse avoir quelque utilité quand il s’agit de tirer d’affaire celui qui est plus qu’un ami et presque un frère… Mais ces privatisations ne permettront guère que de surnager une année. Il vous est en revanche possible de faire un choix que le Gouvernement se refuse à faire publiquement : voulez-vous revenir sur des dispositions non financées qui lestent les finances publiques dans des conditions insupportables, ou acceptez-vous de voter dès l’année prochaine – après les élections locales – un plan de rigueur, pour reprendre l’expression de Mme Lagarde ?

Il y a un deuxième choix à faire, puisque là encore le Gouvernement s’y refuse : faites-vous une politique de la demande ou une politique de l’offre ? Discutons-en !

Si je vous demande de voter la question préalable, c’est parce que vous ne pourrez faire ces choix que si elle est votée. A supposer que je ne vous ai pas convaincus, je vous livre un dernier argument. Une commission ad hoc a été constituée pour réfléchir à un éventuel renforcement des pouvoirs du Parlement. Ses membres n’ont jamais siégé dans cet hémicycle, ou y ont siégé mais n’y siégeront plus (Sourires) ; ce sont pour l’essentiel des gens qui ne se sont jamais présentés devant les électeurs. Vous avez la possibilité de leur montrer que vous n’avez pas besoin d’eux non pour prendre le pouvoir, mais tout simplement pour exercer celui qui est le vôtre. C’est à ce choix-là que je vous engage !

M. Georges Tron - C’est un peu excessif !

M. Jérôme Cahuzac – C’est ce choix-là que j’aimerais vous voir faire en votant la question préalable. Débattre entre nous de notre politique économique pour les années à venir, n’est-ce pas la meilleure façon de démontrer à ceux qui pourraient en douter que oui, c’est bien ici que le pouvoir réside ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Ministre – Je veux bien recevoir toutes les leçons que l’on voudra, mais il faudrait quand même se souvenir de l’état dans lequel nous avons trouvé les finances du pays en 2002 : 15 milliards d’euros de dépenses non budgétées venues plomber le déficit, 10 milliards de surévaluation de recettes, 4,5 milliards de dépenses non prévues, trois primes de Noël et l’APA non financées… Bref, beaucoup de bombes à retardement – tout cela pour dire qu’il y a tout de même des limites à la mauvaise foi !

M. Cahuzac qualifie ce budget d’« intermède inconsistant ». Pas du tout : nous assumons parfaitement notre politique, qui entend relancer le travail, encourager la propriété immobilière et la compétitivité des entreprises. C’est le budget d’une France qui accepte de financer les mesures qui lui permettront de retrouver le chemin de la croissance. Ce n’est pas inconsistant : ce sont des mesures structurelles et une volonté sans faille.

Jamais budget n’a été aussi sincère ; jamais nous n’avons fixé avec autant de réalisme le niveau de la dépense. Rembourser l’ensemble des dettes de l’État à la Sécurité sociale, revenir à des taux de dépenses réalistes s’agissant des prestations sociales que l’État rembourse à la Sécurité sociale, n’est-ce pas du réalisme, n’est-ce pas de la sincérité ? C’est trop facile de vouloir échapper à la dépense. C’est une tentation à laquelle ce budget ne cède pas. Quand on augmente la norme de dépenses, c’est en toute connaissance de cause. Tout cela va dans le sens de la sincérité.

Vous nous dites que nous fondons nos perspectives budgétaires sur une croissance qui n’existera pas. Mais 2,25 %, c’est une hypothèse à la fois ambitieuse et prudente. Je ne comprends pas comment vous pouvez nous reprocher à la fois de prendre trop de risques et de ne pas faire de choix ! Tout ce que je sais, c’est que ce budget est une étape essentielle dans la réduction des dépenses publiques.

D’autres réformes – peu coûteuses – viendront consolider la croissance.

J’en viens aux heures supplémentaires. Nos hypothèses sont fondées sur ce que l’on connaît aujourd’hui. Si nous avons une bonne surprise, tant mieux. La réserve de précaution mise en place par la LOLF passe d’ailleurs de 5 à 7 milliards d’euros pour permettre le cas échéant de rembourser à la sécurité sociale le coût de ces heures supplémentaires. Je le souhaite d’ailleurs : cela voudrait dire que le volume de travail en France – et par conséquent la croissance et le pouvoir d’achat – augmentent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Ministre – Je veux d’abord souligner la clarté des tableaux et des annexes, qui faciliteront le débat et permettront d’apprécier la sincérité de ce budget. Celui-ci s’inscrit dans une trajectoire pluriannuelle qui devrait aboutir à un déficit « zéro » - pour s’exprimer en français, comme le souhaite M. Brard – et à un endettement équivalent à 60 % du PIB, à l’horizon 2010 ou 2012, selon la croissance. Je veux par ailleurs réaffirmer nos objectifs : la gestion rigoureuse des finances publiques et une croissance des plus vigoureuses.

Rappelons que la croissance est alimentée par les trois moteurs que sont la consommation, les investissements et les exportations. Reportons nous aux pages 21 et 47 du rapport, et regardons tous les chiffres, même ceux qui montent ! Si les chiffres liés à la consommation sont en moins forte hausse que ce que nous avions imaginé, c’est que la croissance a été fortement alimentée par la consommation des ménages en 2007. Qui s’en plaindrait ? On observe aussi que l’investissement sera un relais très fort de la croissance en 2008, ce qui est conforté par les chiffres record de créations d’entreprises en août et en septembre. S’agissant du commerce extérieur, je voudrais souligner une corrélation – ou une coïncidence – qu’il appartiendra aux statisticiens de vérifier plus scientifiquement : le déficit du commerce extérieur s’est nettement accru avec l’application de la loi sur les 35 heures ! En 2008, le rebond des exportations correspondra à un tassement des importations : le commerce extérieur ne pèsera plus sur la croissance.

Le calcul des crédits pour les heures supplémentaires sur le stock de l’année précédente ? D’aucuns y voient la preuve que je ne crois pas à la politique de relance par le pouvoir d’achat. Faut-il rappeler que dans nombre d’entreprises, grâce – ou à cause – des dispositions relatives aux 35 heures, les heures supplémentaires n’entreront pas dans ce dispositif car il n’est pas à l’avantage des salariés ? En tout état de cause, pour le cas où le volume d’heures supplémentaires excéderait nos prévisions, nous disposons de réserves.

Monsieur Cahuzac, vous avez subodoré l’ombre d’une dissension entre M. Woerth et moi-même sur l’appréciation des taux d’intérêt. Je dois malheureusement vous décevoir ! L’observation de mon collègue portait sur la manière dont la charge de la dette a pu peser ces dernières années. La mienne portait sur le recours au crédit lors de turbulences financières : le Gouvernement sera attentif à ce que le recours par les entreprises et par les ménages ne soit pas rendu plus rigide et plus cher dans ces circonstances.

C’est à l’honneur du Gouvernement que d’avoir fait le choix de la confiance plutôt que de la défiance, de l’optimisme plutôt que du pessimisme, de la réforme plutôt que de l’immobilisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Louis Giscard d'Estaing – Il existe en effet un problème de sincérité budgétaire : l’exemple du budget de 2002 devrait inviter les membres de l’opposition à plus de modération. Le rapporteur général n’était autre que le président de la commission des finances, M. Migaud et vous siégiez, Monsieur Cahuzac, sur les bancs de la majorité.

M. Marc Francina – Eh oui !

M. Louis Giscard d'Estaing – Qui ne se souvient du débat à l’automne 2001 sur la fixation du taux de croissance pour 2002, quand tous les économistes s’accordaient à dire que les prévisions du Gouvernement n’étaient pas tenables ?

M. Pascal Terrasse – Parlez-nous de l’avenir, c’est ce qui nous intéresse !

M. Michel Vergnier – Et en 1974 ?

M. Louis Giscard d'Estaing – Monsieur Cahuzac, avez-vous exercé alors la vigilance critique à laquelle vous nous invitez aujourd’hui ? Le budget 2002, de fait, est l’exemple à ne pas suivre : 17 % de charges non budgétées, une baisse des impôts de 16 %, sans compter les mesures liées aux 35 heures, la débudgétisation du FOREC, l’APA et le SDIC dont les conseils généraux connaissent le poids…

Vous accusez ce budget de ne pas assumer les choix opérés, tout en lui reprochant de prendre en compte l’application de la loi TEPA. Par ailleurs, si le volume d’heures supplémentaires en 2008 devait dépasser les prévisions, il faudrait y voir un signe encourageant. Rappelons enfin le débat sur les cagnottes : cette majorité préfère quant à elle poursuivre l’effort de déficit, la revalorisation du pouvoir d’achat. Cela incite le groupe UMP à rejeter les arguments sur lesquels vous avez fondé votre question préalable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Patrick Roy – Le groupe socialiste votera cette question, excellemment défendue par M. Cahuzac. Laissez-moi vous dire combien je suis choqué de voir l’hilarité gagner les rangs de la droite lorsque l’on évoque la situation de millions de Français qui souffrent ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

Ce budget est bien un budget de continuité, il est le sixième présenté par des ministres de cette majorité, qui font le constat d’un triple déficit, voire d’une faillite. Ce budget persiste dans l’erreur, plombé qu’il est par les dispositions de la loi TEPA et par les 15 milliards d’euros de cadeaux. À ce sujet, j’ai été étonné, Madame la ministre, de ne pas vous entendre répondre à la question de M. Bataille, qui relevait qu’une centaine de contribuables dans le Nord-Pas-de-Calais avait reçu des chèques d’un montant moyen de 100 000 euros. C’est exorbitant ! La loi TEPA donne très peu à ceux qui consomment et beaucoup à ceux qui épargnent.

Quel intérêt les chômeurs et les signataires de contrats aidés – d’ailleurs en baisse – trouveront-ils dans ce budget ? Nous sommes pourtant de nombreux élus à rencontrer quotidiennement des gens qui ne demandent qu’à travailler ! D’autre part, vous savez bien que ce ne sont jamais les salariés qui décident de faire des heures supplémentaires, mais toujours les patrons !

Le groupe socialiste votera cette question préalable, et je ne doute pas de vous avoir tous convaincus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. François de Rugy – M. Cahuzac a brillamment exposé l’incohérence de votre budget. Hélas, nos questions restent sans réponse ! J’insiste donc : quel effet sur la croissance attendez-vous du paquet fiscal ? M. Chartier nous reproche de tout voir en noir…

Plusieurs députés UMP - En vert !

M. François de Rugy – …mais vous reconnaissez vous-mêmes que les prévisions doivent être revues à la baisse ! Qu’en est-il de la politique de rigueur et des impôts nouveaux que vous aurez peut-être à décider après les élections municipales ? Comment financerez-vous le déficit ? Au fond, nous n’avons pas ici un débat économique ; nous sommes en pleine idéologie ! Chacun sait que les baisses d’impôt ne sont pas une solution lorsqu’elles s’adressent aux nantis ! Quant au non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite, sur lequel vous avez dû en rabattre, il ne s’agit que de quelques centaines de millions d’euros. Qu’est-ce au regard de vos quinze milliards de cadeaux fiscaux ?

Vous nous reprochez de ne pas faire de propositions : grand classique ! C’est tout le contraire : nous sommes là pour éclairer les Français, n’en déplaise à ceux qui voudraient en finir plus vite. Si vous ne répondez pas à nos questions, c’est parce que vous souhaitez cacher la réalité. Notre collègue Giscard d’Estaing fait référence aux années 1997 à 2002…

M. Marc Francina – Il a raison ! Il faudrait même remonter à 1981 !

M. François de Rugy – Pourtant, voilà cinq ans que vous gouvernez ! Confrontons donc les bilans : l’excédent à l’époque était tel que M. Chirac parlait même de « cagnotte » (M. Tron s’exclame). Autre chose : regardez les collectivités locales que nous gouvernons (« Justement ! Les impôts y ont explosé ! » sur les bancs du groupe UMP). Regardez les politiques que nous y menons avec succès (Rires sur les bancs du groupe UMP). Et puisque vous voulez des propositions, en voici : que dites-vous de la taxation des stock-options, de l’imposition des dividendes et des revenus financiers, de la fiscalité écologique ? Voilà l’approche différente que nous souhaitons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Francina – Il fallait gagner les élections !

La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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