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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 16 octobre 2007

2ème séance
Séance de 21 heures 30
11ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 -première partie- (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.

Mme la Présidente – Nous abordons la discussion générale. La Conférence des présidents a décidé que les interventions des premiers orateurs inscrits porteraient sur les prélèvements obligatoires.

M. Jean-Pierre Brard – Madame la ministre, avant de disserter sur les prélèvements obligatoires pour se féliciter de leur baisse, encore faut-il s’interroger sur leur efficacité redistributive, environnementale et économique. Or c’est désormais aux ménages les plus riches que profite la redistribution – véritable retournement dont vous êtes responsable, notamment par la démolition de l’impôt progressif. Au cours des deux dernières décennies, et plus particulièrement depuis 2002, plusieurs mesures contraires à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme ont en effet gravement entamé la dimension redistributive du système fiscal français en prenant pour cible les services publics, principal vecteur de la redistribution puisqu’ils permettent à l’ensemble de la population, conformément au principe d’égalité, de bénéficier sur tout le territoire de prestations de qualité, gratuites ou que leurs tarifs rendent accessibles à tous. En France, ces services, particulièrement développés dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture et du logement, s’accompagnent d’un système de protection sociale garant de la solidarité entre générations, entre actifs et chômeurs, entre bien-portants et malades.

Madame la ministre, vous qui avez vécu aux États-Unis – ce qui n’est ni un péché, ni nécessairement un atout –, je vous recommande le dernier film de Michael Moore, qui montre bien que, pour un Américain, mieux vaut être jeune, riche et bien portant : la pauvreté des malades ne tarde guère à abréger leurs souffrances… Au contraire, les services publics français favorisent la cohésion sociale et l’intégration des populations les plus modestes, notamment immigrées. L’offensive qui les vise consiste à présenter la baisse du nombre de fonctionnaires comme une solution miracle permettant d’éviter la hausse des prélèvements obligatoires. Mais, si ces agents sont aussi nombreux que les membres de la majorité l’affirment, que ceux-ci désignent chacun publiquement, à notre intention, mais surtout à destination de leurs électeurs, les postes d’infirmières, d’enseignants, de magistrats, de policiers et de gendarmes qui doivent être supprimés dans leur circonscription : je gage que le chiffre de 22 000 postes prétendument à supprimer ne sera pas atteint, voire que des créations de postes seront réclamées !

Quant à l’efficacité environnementale, notre pays est en retard : en effet, la fiscalité environnementale y est squelettique du fait de l’opposition des groupes de pression industriels, pétroliers, agricoles, chimiques ou automobiles ; de ce point de vue, le déroulement du Grenelle de l’environnement n’incite guère à l’optimisme. Cette fiscalité joue pourtant un rôle essentiel en encourageant les comportements vertueux et en pénalisant les productions et les modes de consommation qui polluent ou entraînent des gaspillages.

Mme la Présidente – Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard – S’agissant enfin de l’efficacité économique des prélèvements obligatoires, l’article 6 du projet de loi de finances est un véritable cas d’école. Ainsi, selon le rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale intitulé « La France en transition 1993-2005 », « la part des revenus allant aux apporteurs de capitaux a crû, en particulier ces dernières années, au détriment de l'autofinancement – épargne brute –, donc de l'investissement. En effet, le taux net de distribution des revenus par les sociétés non financières s'établit en moyenne, de 2001 à 2005, à près de 32 % – près de 35 % en 2005 –, contre près de 26 % de 1993 à 2000. La contrainte de rendement financier des capitaux investis et, pour les sociétés cotées, la politique de soutien des cours après la dépression boursière de 2001 ont ainsi conduit à privilégier la distribution de revenus, en particulier de dividendes, sur l'investissement. » Afin de corriger cette dérive nuisible à la compétitivité de nos entreprises, la fiscalité devrait logiquement encourager l'investissement au détriment de la distribution de dividendes. Au contraire, l'article 6 allège la fiscalité sur les dividendes, mesure si choquante qu’elle a même effarouché certains membres de la majorité, qui tentent timidement de la rectifier !

En réalité, le problème que posent les prélèvements obligatoires résulte moins de leur niveau élevé que d’une orientation de moins en moins propice à l’efficacité redistributive, environnementale et économique et d’une répartition de plus en plus inégale, dont témoigne le refus récent de l’impôt minimal (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Gilles Carrez – Le débat sur les prélèvements obligatoires auquel est consacrée, à la demande du groupe SRC, la première partie de la discussion générale, ainsi que la création d’un ministère des comptes consolidés – comptes de l’État et comptes de la sécurité sociale –, me fournissent l’occasion d’évoquer quelques problèmes de cohérence générale que révèle l’évolution des prélèvements obligatoires.

Depuis une quinzaine d’années, le niveau des prélèvements obligatoires en France – impôts de l’État, impôts locaux et cotisations sociales confondus – se caractérise par une stabilité proprement stupéfiante – autour de 44 % –, qui ne fait que masquer une tendance profonde à la diminution des impôts de l’État et à la hausse des prélèvements de la sécurité sociale et des collectivités locales. S’agissant des collectivités locales, la hausse s’explique d’abord par le transfert des recettes qui accompagne nécessairement le transfert de compétences. Au cours de la précédente législature, nous avons en effet réformé la Constitution afin d’assurer l’autonomie financière des collectivités locales, rompant avec les errements qui, de 1997 à 2002, les faisaient dépendre de l’État en remplaçant l’impôt local par des dotations. D’autre part, les transferts de dépenses sont compensés par des transferts de ressources : taxe intérieure sur les produits pétroliers – TIPP – et taxe spéciale sur les conventions d’assurance.

Quant à la sécurité sociale, deux phénomènes se conjuguent : dynamisme des dépenses, notamment des dépenses de l’assurance-maladie, d’une part ; politique d’allègement du coût du travail conduisant à transférer chaque année des parts de recettes du budget de l’État à celui de la sécurité sociale, d’autre part.

Ainsi, en 2008, grâce à ces transferts de recettes, 1,3 milliard d’euros ira aux collectivités locales – par l’intermédiaire de la TIPP et de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance – et plus de 4 milliards d’euros à la sécurité sociale, notamment en vertu de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, au titre de la compensation de l’exonération des heures supplémentaires.

Compte tenu des transferts continus de recettes de l’État en faveur des collectivités locales et de la sécurité sociale, nous devons nous interroger : il peut sembler cohérent d’affecter aux dépenses d’assurance maladie les taxes sur l’alcool et les tabacs, voire la TVA sur les produits pharmaceutiques, mais il faut réfléchir sur l’affectation de la taxe sur les salaires, ou celle de la contribution sociale sur les bénéfices. Irons-nous jusqu’à brancher l’énorme tuyau de la TVA sur les comptes sociaux, ce qui serait extraordinairement dangereux ? Compte tenu du rythme des transferts, il faut s’interroger sur la stratégie suivie : quels sont les impôts qui doivent rester affectés à l’État ?

Quid également du montant des transferts, aujourd’hui faramineux : plus de 35 milliards d’euros de recettes affectées à la sécurité sociale, soit plus de la moitié du produit de l’impôt sur le revenu, que ce soit au titre des allégements de charges – 26 milliards d’euros – ou des dépenses sociales dépourvues d’autre financement. Je pense notamment au FFIPSA, financé à hauteur de cinq milliards d’euros par les taxes sur le tabac. Si nous continuons à transférer les recettes, année après année, comment parviendrons-nous à réduire le déficit de l’État, qui représente plus de 80 % de la dette publique ? En transformant peu à peu l’État en une sorte de système de compensation générale, qui transfère les recettes vers les besoins, n’organisons-nous pas également l’impuissance de l’État, qui peine à dégager des marges de manœuvre pour les dépenses d’avenir ?

Afin de préserver la recherche, le Gouvernement nous a ainsi demandé en 2007 de transférer la cotisation sociale sur les bénéfices vers OSEO et l’Agence nationale de la recherche. Nécessité faisant loi, nous allons maintenant transférer cette recette à la sécurité sociale.

Une réflexion stratégique s’impose : face à des dépenses dynamiques en matière de santé et de vieillesse, il faudra renforcer les recettes propres de la sécurité sociale. Nous devrons notamment élargir l’assiette de la CSG et celle des cotisations sociales, sans instaurer pour autant des prélèvement nouveaux. Qui dit assiette plus large, dit en effet taux plus faibles.

La CSG est un impôt universel, mais certains prestations y échappent encore, en particulier les allocations familiales et le RMI ; le taux de prélèvement pesant sur certains revenus est également plus faible, qu’il s’agisse des pensions de retraite ou des indemnités de chômage. Plus contestable encore est l’exonération de certaines plus-values immobilières et mobilières – sous un plafond de 20 000 euros, et enfin celle des plus-values professionnelles. Notre débat sur l’instauration d’une cotisation supplémentaire sur les stock-options est une excellente chose, et je me félicite que le Gouvernement accepte d’explorer cette piste, mais il faudrait aussi raisonner de façon beaucoup plus large : je pense notamment à certains versements qui sont quasiment des salaires, comme l’intéressement ou la participation, ou encore aux indemnités de licenciement et de préretraite, que nous devons assujettir aux contributions sociales pour financer certaines dépenses.

M. Michel Piron – Très bien !

M. Gilles Carrez – Nous devrons également nous interroger sur les allégements de cotisations patronales, qui sont passées en une quinzaine d’années de quelques milliards à 23 milliards au seul titre des allégement dits « Fillon ». J’ajoute que nous avons nous-mêmes organisé l’opacité du système : lorsque nous avons tenté d’expliquer que l’augmentation du surcoût des heures supplémentaires ne représenterait une charge supplémentaire qu’au-delà de 1,45 SMIC, parce que nous avons voté, voilà deux ans, la suppression des deux derniers points de cotisations sociales pour les PME de moins de vingt salariés, nous nous sommes heurtés à l’incrédulité de bien des chefs d’entreprise, qui sont persuadés, en toute bonne foi, que le surcoût ne sera pas compensé et qu’il existe encore des cotisations importantes à la hauteur du SMIC. Or, celles-ci sont devenues virtuelles puisque désormais remboursées dans un second temps.

Mieux vaudrait élaborer un barème des allégements de charges afin d’établir la vérité des coûts. C’est seulement lorsque nous connaîtrons la réalité des charges patronales que nous pourrons enfin réformer le système, dont le coût s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Gilles Carrez – J’en termine par une analyse tirée du rapport de la Cour des comptes : sommes-nous certains que les allégements de cotisations sociales vont dans le bon sens ? Ne devraient-ils pas porter sur les seuls emplois soumis à la concurrence internationale ? Cela a-t-il un sens de les concentrer sur la grande distribution et sur des services protégés ? Nous devrons y réfléchir…

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

M. Gilles Carrez – Enfin, nous attendons tous des effets positifs d’une politique en faveur de l’emploi. Or, en quoi le budget de l’État, et même celui de la sécurité sociale, bénéficieront-ils d’une baisse notable du chômage ? Seuls les comptes de l’UNEDIC s’amélioreront. Il faudrait donc songer à un redéploiement de la baisse des cotisations UNEDIC vers les cotisations de retraite, ou encore vers les comptes de l’État.

Voilà autant de questions stratégiques qui dépassent nos clivages politiques. Je souhaite que nous y réfléchissions dans les semaines qui viennent en toute lucidité et en allant jusqu’au bout de notre démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard – Ce débat ne manque pas de légitimité, même si certains pourront se demander s’il a sa place en loi de finances.

En effet, dès lors que le respect de nos engagements internationaux impose la prise en compte de l’ensemble de la dépense publique, dès lors que le pouvoir d’achat, donc la croissance et la compétitivité de nos entreprises, dépendent des prélèvements obligatoires, un débat sur ce sujet est un préalable à une vision d’ensemble des politiques publiques.

M. Jean-Pierre Brard – Vous étiez contre le traité de Maastricht !

M. Michel Bouvard – Que l’on ait été pour ou contre, il a été ratifié. Le devoir d’un parlementaire est de respecter les traités ratifiés.

M. Jean-Pierre Brard – Il y a quelque chose au dessus des traités : la morale !

M. Michel Bouvard – Le rapport sur les prélèvements obligatoires démontre que leur évolution dépend en partie d’effets mécaniques, liés à la croissance, et en partie des décisions publiques. Pour ramener la France vers la moyenne européenne, nous devons toutefois réduire bien davantage leur niveau, comme l’ont fait nos partenaires depuis 2000. Il est vrai que les prélèvements obligatoires ont toujours été plus élevés en France que dans le reste de l’Union européenne ou même de l’OCDE, mais il ne faut pas oublier que leur répartition et leur affectation a profondément changé dans notre pays. Si la part de l’État a diminué, ce n’est pas seulement grâce à la maîtrise des dépenses, mais surtout à cause du dynamisme des dépenses de la sécurité sociale et des collectivités locales, notamment du fait des transferts de l’État. L’État et les organismes divers d’administration centrale ne représentent plus qu’un tiers du total des dépenses. On pourrait s’en réjouir si la majeure partie des recettes n’était pas affectée à des dépenses de fonctionnement.

De leur côté, les prélèvements des organismes de sécurité sociale n’ont pas cessé de croître au cours des dernières années – 1,1 point de PIB supplémentaire en 2006. La maîtrise des prélèvements passe donc nécessairement par la maîtrise des dépenses de la sécurité sociale et des collectivités locales. Notre majorité a instauré la loi de financement de la sécurité sociale, les ARH et la LOLFSS, dotant progressivement notre pays des outils nécessaires pour encadrer et évaluer l’efficacité de la dépense sociale, mais il faut aller plus loin. Les dépenses de la sphère sociale ont en effet vocation à augmenter, notamment du fait du vieillissement de la population. Des réformes de fond sont donc nécessaires : la responsabilisation des patients et des professionnels de santé va dans le bon sens et le Président de la République a raison de rappeler que nous devrons mieux définir ce qui relève de la solidarité nationale et des décisions individuelles.

Les ARH doivent également poursuivre leur effort de rationalisation des équipements hospitaliers dans un souci de bonne gestion et d’une meilleure qualité des soins. La décision de faire rentrer dans l’enveloppe normée 95 millions d’euros supplémentaires va également dans le bon sens, de même que les efforts de sensibilisation menés. Mais l'effort doit aussi et toujours porter sur le budget de l'État en vue de diminuer les prélèvements et de mieux prendre en compte les besoins des organismes de sécurité sociale.

J’en viens aux allégements de charge en faveur des entreprises.

Il y a trois ans, ils atteignaient 19 milliards et nous trouvions urgent de réagir. Nous en sommes aujourd’hui à 35 milliards !

M. Henri Emmanuelli – À quoi servent-ils ?

M. Michel Bouvard – Or, selon un rapport commandé à la Cour des comptes par notre commission des finances, l’efficacité du dispositif n’est pas prouvée. Il y a donc de quoi s’interroger sur ces mesures qui pèsent sur l’ensemble de la collectivité. La loi de finances ne contient pas de disposition spécifique sur ce sujet. C’est pourtant l’une des rares marges de manœuvre dont nous disposions en matière de dépense. Je souhaite donc que nous adoptions une démarche pragmatique pour traiter de cette question. Les engagements pris par l’État, dans le cadre du dispositif de Robien, des lois Aubry sur les 35 heures ou de la reconstruction du SMIC unique par exemple nous créent certes des obligations vis-à-vis des entreprises, mais l’effet mécanique d’accroissement de ces dépenses coûte cher. Cela fait donc partie des sujets de fond que nous devons aborder si nous voulons continuer à réduire les prélèvements et redistribuer la ressource de manière productive (Applaudissements sur le banc de la commission, sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs du groupe UMP).

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Je voudrais à mon tour me référer à l’article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen…

M. Jean-Pierre Brard – C’est bien !

Mme la Ministre – …selon lequel l’impôt sert à l'entretien de la force publique et aux dépenses d'administration.

M. Henri Emmanuelli – Il ne dit pas que cela !

Mme la Ministre - Aujourd’hui, il me semble indispensable de prendre en considération une autre dimension : celle de la compétition internationale que nous livrons, et dans laquelle la fiscalité joue un rôle prépondérant. C’est une arme dont se dotent un certain nombre d’États et que notre pays devrait considérer comme un outil d’attractivité et de compétitivité.

M. Jean-Pierre Brard – Vous ne vous battez pas pour l’harmonisation fiscale !

Mme la Ministre – Nous devons être très attentifs à ce qui se passe actuellement chez nos amis anglais.

Plusieurs députés du groupe SRC – Amis ?

Mme la Ministre – Pas au rugby, je vous l’accorde. À l’heure où ils s’apprêtent à discuter un budget qui taxe beaucoup plus lourdement qu’auparavant certains étrangers résidant sur leur sol, les « non domiciliés », il me semble très opportun de rendre notre système de prélèvements obligatoires plus séduisant et plus juste pour nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Brard – Le dumping ne peut pas être une politique fiscale !

Mme la Ministre – Nous voulons que nos jeunes ingénieurs, issus de nos meilleures formations de mathématiques financières et fréquemment recrutés par des institutions, restent sur notre territoire. Nous voulons que les industriels américains ou indiens qui élaborent leur stratégie de développement pensent à la France sans considérer d’office les impôts comme un obstacle. La loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat de cet été renforce cette attractivité fiscale grâce à des mesures toutes simples, telles que le bouclier fiscal à 50 %, la défiscalisation des heures supplémentaires, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt ou l'exonération d'impôt sur le revenu pour le travail étudiant. La faculté offerte aux redevables de l'ISF d'investir une partie de leur impôt dans le capital d'une PME est une mesure particulièrement intelligente.

M. Jean-Pierre Brard – Vous y croyez vraiment ?

Mme la Ministre – Il faudra explorer d’autres pistes du même type pour mettre l’argent là où il manque le plus.

Le budget pour 2008 constitue une nouvelle étape pour rendre notre fiscalité plus compétitive et plus attrayante. Cela commence par le niveau de nos prélèvements obligatoires : il est clair que nos impôts doivent diminuer. Avec un taux de 44,2 % en 2006, la pression fiscale est en France une des plus élevées du monde (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). La moyenne est inférieure à 40 % dans l’UE, et proche de 35 % dans les pays de l'OCDE. Pour pouvoir rivaliser avec l'Angleterre, l'Allemagne ou les États-Unis, il faut garder cette barre des 40 % en tête – instaurer, en quelque sorte, un bouclier fiscal pour l’État !

Nous sommes sur la bonne voie : après le record de l'année 1999, où les prélèvements obligatoires avoisinaient les 45 % du PIB…

M. Henri Emmanuelli – Il y a eu mieux en 2004 !

Mme la Ministre - …le taux s’est stabilisé vers 43 ou 44 %. La tendance est aujourd'hui à la baisse. Ainsi, chaque ménage a pu voir en 2007 son imposition sur le revenu baisser, à revenu égal, de 275 euros en moyenne.

Plusieurs députés du groupe SRC – En moyenne !

Mme la Ministre - La baisse du taux des prélèvements obligatoires pour 2008 – il devrait être ramené à 43,7 % – sera largement due aux allégements d'impôts et de charges prévus par la loi du 21 août sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. En 2009, la baisse se poursuivra grâce à une autre mesure de cette loi, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, qui croît naturellement d'une année sur l'autre. Il nous reste certes bien des efforts à fournir pour égaler l’Allemagne ou les Pays-Bas, dont les taux de prélèvements obligatoires ont baissé respectivement de 3 % et 2 % en 5 ans, mais nous sommes sur la bonne voie. Nous diminuerons nos prélèvements autant que le permettra l'équilibre de nos finances publiques.

M. Henri Emmanuelli – Vous ne l’avez même pas encore trouvé !

Mme la Ministre – Il faut combiner ce « moins d'impôt » avec un « mieux d'impôt ». Un impôt intelligent est un impôt qui se met au service de l’attractivité et de la croissance.

Changer la structure des prélèvements obligatoires suppose d’abord de savoir à qui profite l'impôt.

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Aux riches !

Mme la Ministre - Aujourd'hui, la part de l'État dans les prélèvements obligatoires a tendance à reculer, au profit des collectivités territoriales.

M. Henri Emmanuelli – Cela fait quinze ans !

Mme la Ministre - Cela résulte des transferts successifs de compétences dus à la décentralisation commencée avec M. Defferre et poursuivie par M. Raffarin. En 2007, le taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques locales augmentera de 0,1 point de PIB sous l'effet du transfert de la taxe sur les conventions d‘assurance aux départements et de la TIPP aux régions. Le taux de prélèvements obligatoires au profit des administrations de sécurité sociale est également en hausse depuis de nombreuses années, mais se stabilise presque en 2007. Le rapporteur général a évoqué la question du volume et de la cohérence de ces transferts. C’est un véritable problème, que nous devrons impérativement traiter à l’occasion de la revue des prélèvements obligatoires.

Deuxième question, plus délicate : qui paie l'impôt ?

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Les pauvres !

Mme la Ministre – Le projet de loi de finances pour 2008 illustre bien notre volonté de modifier en profondeur la répartition de l'impôt.

M. Henri Emmanuelli – Ça, on avait compris !

Mme la Ministre – Les objectifs de la réforme sont de promouvoir l'innovation, d’encourager l'accès à la propriété, de récompenser ceux qui veulent travailler plus (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). En jouant sur les taux et les assiettes des différents impôts, nous pouvons améliorer l'efficacité de notre politique économique, axée sur la valorisation du travail et l'augmentation du pouvoir d'achat. Le rapporteur général et M. Bouvard ont évoqué les allègements de charges sociales, dont le coût est passé de 3 à 23 milliards. Une des solutions possibles est la « barémisation » des coûts. Ces réflexions indispensables devront être menées dans le cadre de la revue des prélèvements obligatoires, comme nous devrons nous interroger sur l’efficacité et l’opportunité de ces allègements, dans un souci de valorisation de la recherche, de l’innovation et du savoir-faire.

Outre ces mesures, nous devrons repenser sereinement mais sans tarder l'ensemble de notre système fiscal, afin de le rendre plus simple, plus stable, plus cohérent, plus juste (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et plus attractif. Tel est l'enjeu de la revue générale des prélèvements obligatoires, qui devrait être bouclée au printemps et pour laquelle je travaillerai en étroite collaboration avec Éric Woerth, en m’appuyant sur les travaux d'Éric Besson.

Plusieurs députés du groupe SRC – Nous sommes sauvés !

Mme la Ministre – Il faudra en effet mettre en perspective des questions touchant à la démographie, aux forces et faiblesses de l’économie française et à la stratégie que nous entendons développer. Je ne m’interdis bien sûr pas de faire appel à d’autres membres du Gouvernement sur des points précis. Je veillerai à toujours privilégier le dialogue et la concertation en associant à ma réflexion tous les élus qui le souhaitent, au premier rang desquels le président du comité des finances locales Gilles Carrez, ainsi que les partenaires sociaux, les consommateurs ou les experts qui veulent faire valoir leur point de vue. Je suis aussi certaine de pouvoir compter sur l’expérience et le soutien des députés. Il faudra en effet étudier de multiples questions : la fiscalité doit-elle être plutôt directe ou indirecte, progressive ou linéaire, doit-elle porter sur le capital ou sur le travail, sur la consommation, sur les comportements écologiques ? Quel est le seuil acceptable de prélèvements obligatoires ? Enfin, il faudra s’interroger sur le caractère universel de la CSG et examiner l’hypothèse avancée par le rapporteur général sur le retour à meilleure fortune de certains régimes.

Nous procéderons en trois temps. D’abord, sur la base d’une note générale comportant des éléments de démographie et de stratégie, nous devrons établir un diagnostic identifiant les faiblesses du système actuel. Ensuite, nous imaginerons un traitement. Sur la base des orientations retenues, je constituerai un ou plusieurs groupes de travail dont la mission sera d'organiser la concertation sur les modalités concrètes des réformes et leur calendrier.

M. Henri Emmanuelli – Avec Besson !

Mme la Ministre – Enfin, nous appliquerons les remèdes. Avant l'été prochain, le Gouvernement disposera d'une véritable stratégie pluriannuelle en matière de prélèvements obligatoires, assortie d'un calendrier pour l'ensemble de la législature, ainsi que d'une description précise des principales réformes.

Naturellement, cet exercice n'a pas vocation à se substituer aux initiatives en cours, mais à s'articuler avec elles de façon cohérente. Nous devrons y prendre en compte les conclusions du Grenelle de l'environnement, ainsi que les orientations retenues par le Gouvernement pour les finances publiques.

Notre action fiscale doit s'inscrire dans le long terme, reposer sur des principes clairs et faire l’objet d’une large concertation. Nous voulons encourager tous ceux qui travaillent, embauchent, investissent en France. Moins d'impôt, et mieux d'impôt : ce sera une bouffée d'air frais pour tous les hommes et les femmes qui font la richesse de notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier – Pour la première fois depuis longtemps, personne ne croit au projet de budget…

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Si, nous !

M. Jean-Claude Sandrier – …Les économistes les plus éminents s’inquiètent. Ou vous vous trompez, et notre devoir est de le dire au pays. Ou vous avez une telle capacité d’anticipation, que vous devez prendre le temps de nous expliquer. Pour faciliter votre travail pédagogique, je vous poserai quelques questions.

D’abord, nous serions en faillite, mais nous multiplions les cadeaux – 15 milliards en année pleine – sous prétexte que demain, cela pourrait rapporter gros. Deux éminents professeurs d’économie, l’un de l’université de New York et l’autre de HEC , ont jugé ce budget déconcertant. Le paquet fiscal ne peut redonner à la France le point de croissance qui lui manque. Dès lors, demandent-ils, « dans un État déjà surendetté, comment comprendre le geste du Gouvernement ? »

M. Jean-Pierre Brard – On est toujours trahi par ses amis !

M. Jean-Claude Sandrier – Le Conseil d’analyse économique ne dit pas autre chose. Ces économistes se demandent s’il ne s’agit pas d’une stratégie de la menace : pour pouvoir restructurer l’État, il faudrait au préalable le pousser à la « faillite ».

M. Jean-Pierre Brard – Bien vu.

M. Jean-Claude Sandrier – C’est, ajoutent-ils, un moyen douloureux mais efficace de faire des économies et de négocier avec les syndicats en position de force.

Si c’est bien votre calcul, je dénonce l’imposture qui consiste à souligner le poids de la dette, alors qu’il s’agit d’un choix. En 20 ans, le cadeau fiscal fait aux entreprises atteint 450 milliards – la moitié de la dette ! Et pour quel résultat ?

D’ailleurs la dette nette de la France est inférieure à celle des pays de la zone euro, des pays de l’OCDE, des États-Unis et du Japon.

M. Lionel Tardy – Alors tout va bien !

M. Jean-Claude Sandrier – Il en va de même du « trou » de la sécurité sociale. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, l’État lui doit 9 milliards ; taxer les stock options lui rapporterait 3 milliards. Cessez donc d’utiliser ce prétexte pour taxer la majorité des Français, les malades et les personnes âgées et pour continuer à accorder des exonérations dont, toujours selon la Cour des comptes, 85 % ne servent pas l’emploi.

Ensuite, pourquoi persévérer dans une politique qui a échoué ? Depuis plus de cinq ans, on nous parle de libérer l’initiative en multipliant exonérations et allégements de cotisations sociales. Pour quel résultat ? La croissance est passée de 2,2 % à 1,8 %. Les inégalités se creusent : en cinq ans, les revenus des 0,01 % de foyers les plus riches ont progressé de 42,6 % contre 4,9 % pour les 90 % de foyers les moins riches. Selon Martin Hirsch, le pourcentage de pauvres vient de battre un record, à 12,1 % de la population ; Médecins du monde nous dit que les plus pauvres ont de moins en moins accès aux soins ; le nombre de retraités en dessous du seuil de pauvreté a augmenté de 63 % en cinq ans ; les salaires sont presque bloqués, le pouvoir d’achat baisse, les prix augmentent… Voilà le bilan de votre politique !

En revanche, selon Les Échos, les dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 ont augmenté de 70 % en 4 ans, contre 6,6 % pour les salaires.

Mais vous persévérez dans cette politique négative pour la majorité des Français. En 2008, les exonérations de cotisations sociales atteindront 31 milliards, avec une prise en charge par l’État en hausse de 26 % alors que, encore une fois, selon la Cour des comptes, pour l’essentiel ces exonérations ne servent pas l’emploi.

Il faudra payer la facture. Mais tout est prêt : hausse de la TVA et de la CSG, réduction des subventions aux collectivités territoriales, curée dans la fonction publique, vente du patrimoine national, pression sur le pouvoir d’achat, franchises médicales, attaques contre les retraites.

Pourtant, ce cadeau de 15 milliards doit vous paraître mesquin, puisque vous en rajoutez dans le projet de loi de finances. À l’article 6, le cadeau aux détenteurs d’actions imposés à la plus haute tranche d’impôt sur le revenu était tellement scandaleux que le rapporteur général s’en est offusqué. Et à l’article 9, le pacte d’actionnaires est un avantage de plus pour les détenteurs d’action peu soucieux de l’intérêt général.

Nous faisons tout cela pour être compétitifs, dites-vous. Mais par rapport à qui, et en quoi ? Compétitifs avec la Chine, l’Inde ? Jusqu’où alignerez-vous les salaires et les retraites ? Compétitifs avec les paradis fiscaux ? Ce n’est pas 23 000 fonctionnaires qu’il faut supprimer, mais tous les fonctionnaires, car nous n’aurons plus de recettes ! Pour être compétitifs, vous dévalorisez le travail, vous le précarisez, vous le sous-payez, vous sabrez dans les dépenses sociales et publiques utiles pour soutenir profits et dividendes. Pourtant, la seule richesse d’un pays, ce sont ses hommes – donc leur éducation, leur formation, la recherche. Les investisseurs étrangers donnent trois raisons de s’installer en France : la qualité des infrastructures, celle des services publics et celle de la formation. C’est dans ces domaines qu’il faut travailler, ainsi que pour le pouvoir d’achat. Dans cet esprit, il faudrait, entre autres, définir un schéma national de fret et développer le transport multimodal, compléter le maillage du territoire en trains à grande vitesse, ne pas se contenter de consacrer 5 % du budget à l’investissement public. Il faudrait revivifier les services publics, hôpitaux et Éducation nationale, garder le contrôle total de l’énergie et des transports notamment. Enfin, la clé de voûte de la compétitivité est la recherche. Mais l’effort est insuffisant et trop orienté vers les grandes entreprises. Il est indispensable de doubler le budget de la recherche et d’aider les grandes institutions, que vous sabordez. Puisque vous aimez tant prendre des exemples à l’étranger, voyez ce que fait la Finlande ; elle consacre 4 % du PIB à la recherche. Voilà un objectif à atteindre rapidement. Tous les secteurs doivent être concernés mais la priorité doit aller à l’environnement, aux énergies nouvelles, aux économies d’énergie et à la santé.

L’urgent est de mobiliser l’argent en faveur des capacités humaines, donc de rémunérer le travail plus que le capital. C’est tout à fait possible, car selon tous les spécialistes, l’argent coule à flots. Selon Les Échos, la sphère financière pèse aujourd’hui trois fois plus que le PIB mondial, alors qu’ils étaient équivalents en 1980. La Tribune du 26 juillet 2007 le confirme, et prévoit que le partage de la valeur ajoutée devrait bénéficier plus encore aux entreprises au détriment du travail.

Pour promouvoir le pouvoir d’achat du plus grand nombre et accroître l’investissement public, contribuer à l’investissement privé par des bonifications d’intérêt dès lors qu’il sert à l’emploi, l’investissement et la formation, nous proposons de créer un fonds national, doté des 27 milliards affectés aux exonérations sociales, afin d’accorder des crédits aux PME.

Nous proposons de taxer les revenus boursiers au même taux que les salaires, d’annuler 12 des 15 milliards du paquet fiscal destinés aux plus riches, de prélever 0,5 % sur les actifs financiers, de doubler l’impôt sur le revenu, d’obtenir une meilleure progressivité de l’impôt sur le revenu en allégeant la TVA sur les produits de première nécessité. Nous montrons ainsi qu’un autre budget est possible, favorable à la croissance, à une saine compétitivité et au progrès social qui doit être l’objectif de toute société.

« L’argent va partir », diront M. Chartier et d’autres avec lui. Mais où, sinon dans des paradis fiscaux, scandales absolus qui symbolisent ce monde de prédateurs où la plupart des États laissent une voyoucratie financière libre de tout faire. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que l’on évoque la dépénalisation des fraudeurs en col blanc. Pourquoi se gêneraient-ils, alors qu’on les absout ?

La France se grandirait à mener le combat en faveur du progrès social, de la justice et de la solidarité, comme elle se grandirait à proposer la création d’un tribunal pénal international du travail, car l’insolente richesse de quelques-uns ne peut se bâtir sur l’insupportable exploitation des autres (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Nicolas Perruchot – Je tiens, au nom du groupe Nouveau Centre, à saluer l'esprit de dialogue et d'ouverture qui a régné lors de nos échanges préliminaires sur ce projet de budget 2008.

M. Michel Vergnier – Tiens ! Tout est arrangé !

M. Nicolas Perruchot – Quand nous pouvons avoir des échanges constructifs avec le Gouvernement, je le dis. Je sais, Monsieur le ministre, les difficultés auxquelles vous avez été confronté pour présenter un budget volontariste, mais notre groupe ne peut passer sous silence certaines déceptions, qui tiennent en premier lieu au ralentissement de la réduction des déficits. En cette matière, on fera à peine mieux que ce qui était prévu dans le budget 2007, ce qui va à l’encontre des engagements européens.

Ensuite, l'hypothèse de croissance que vous avez annoncée, entre 2 et 2,5 % du PIB, nous parait totalement surévaluée.

M. Henri Emmanuelli – Ce qui n’est pas un détail…

M. Nicolas Perruchot – En outre, le montant de la réserve de précaution prévue par Bercy, fixée à 7 milliards, est particulièrement élevé, et bien supérieur à ce qu’il était en 2007 ; ce qui donne à penser que le Gouvernement est déjà convaincu qu'il aura grand mal à tenir les engagements pris dans le texte. De plus, l'annonce de cette réserve de précaution est faite avant même qu'ait été votée la loi de finances pour 2008…

La prise de conscience de notre endettement sans précédent se fait progressivement. Il est grand temps de dire à nos concitoyens quelles solutions s'imposent pour réformer nos finances publiques, même s’il est difficile d'annoncer que les seules qui s'offrent à nous sont des solutions de rigueur, d'économie, voire d'austérité. Nous devons dire à nos concitoyens que la réforme, et non l'augmentation continue des dépenses, est l’unique moyen de garantir la solidarité dans notre pays ! Il est donc urgent d’entreprendre les réformes indispensables à la croissance et à l'emploi que nous appelons de nos vœux depuis quatre ans : réforme des retraites, réforme de l'assurance maladie, réforme de la décentralisation et réforme de l’État. Cette vérité budgétaire, nous la devons aussi à nos partenaires européens, envers lesquels nous avons pris des engagements.

Face à ce défi, le Nouveau Centre s'interroge : en quoi les propositions du projet de loi de finances pour 2008 vont-elles pouvoir remédier à une situation aussi alarmante ? Certes, plusieurs mesures vont dans le bon sens. Ainsi, le budget encourage l'innovation et stimule la croissance économique, les dépenses d’investissement qui fondent notre avenir progressant quatre fois plus que l'ensemble des dépenses de l'État.

Je ne peux non plus passer sous silence l'effort accentué de maîtrise de la dépense publique par l'application du principe du « zéro volume » de la croissance des dépenses de l'État. Cet effort est d'autant plus ambitieux qu'il porte sur un périmètre de dépenses élargi aux prélèvements destinés aux collectivités territoriales et à l'Union européenne.

Avec le non-remplacement d'un départ à la retraite sur trois, les effectifs de l'État sont réduits dans des proportions très supérieures à ce qui avait été fait au cours des dernières années. Qui plus est, ces réductions d'emploi ne seront pas détournées par des créations dans les établissements publics, opérateurs de l'État.

Enfin, il faut souligner la participation accrue des collectivités locales à la maîtrise des dépenses, mais l’on peut s’interroger sur l’effort qui sera demandé aux plus petites d’entre elles, auxquelles nous sommes très attachés…

M. Henri Emmanuelli – On ne dirait pas !

M. Nicolas Perruchot – …et nous veillerons donc à ce que l’équilibre territorial soit respecté…

M. Michel Vergnier – Il n’y a pas d’équilibre territorial !

M. Nicolas Perruchot – Le temps me manque ce soir pour aborder cette question de fond, mais nous ferons des propositions à ce sujet. D’autres amendements porteront sur les stock-options, à propos desquels nous aurions souhaité que l’on aille plus loin…

M. Henri Emmanuelli – Il n’y a pas longtemps !

M. Nicolas Perruchot – …ainsi que sur les niches fiscales, pour favoriser la justice sociale. Sur tous ces sujets, nous espérons être entendus, car, en l’état du texte, des efforts seront nécessaires pour que le groupe Nouveau Centre se joigne à la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Henri Emmanuelli – Aucune crainte à avoir !

M. Michel Bouvard – Ce budget nous permet-il de tenir nos engagements ? C’est la seule question qui vaille. Permet-il de soutenir la croissance et l’emploi ?

M. Henri Emmanuelli – Raté !

M. Michel Bouvard – Donne-t-il les moyens d’une gestion plus rigoureuse des finances publiques ?

M. Henri Emmanuelli – Raté !

M. Michel Bouvard – Permet-il le retour à l’équilibre budgétaire ?

M. Henri Emmanuelli – Raté !

M. Michel Bouvard – Soutenir la croissance et l’emploi, c’est l’objet des neuf milliards consacrés non pas à l’enrichissement des plus aisés ni à la thésaurisation mais bien au renforcement du pouvoir d’achat de ceux qui en ont besoin, avec cinq milliards destinés aux salariés par le biais de la détaxation des heures supplémentaires, ces heures supplémentaires que le gouvernement Jospin a bridées arbitrairement par l’instauration de la semaine de 35 heures, provoquant dans la foulée la baisse autoritaire des revenus de millions de Français alors même que les accords de modération salariale faisaient stagner les revenus ordinaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Certains ont vite oublié le moment de lucidité de la candidate socialiste à l’élection présidentielle, qui disait vouloir se pencher « sur les effets négatifs des 35 heures » !

Ces neuf milliards sont ensuite destinés à financer les mesures relatives aux successions, et notamment la suppression des droits de succession entre conjoints. Nous ne sommes pas les seuls à la vouloir : le New Labour a annoncé, la semaine dernière, la suppression des droits de succession pour les couples, à hauteur d’un million d’euros…

Ces neuf milliards iront aussi pour partie aux étudiants salariés, exonérés d’impôt sur le revenu.

Le projet de loi de finances traduit aussi des mesures de soutien et de dynamisation de la croissance, avec la réforme du crédit impôt recherche, assoupli et rendu plus efficace, levier puissant en faveur de la recherche privée, encore insuffisamment développée en France. La volonté de réorienter les dépenses se manifeste aussi dans la forte augmentation des crédits de la MIRES.

L’originalité de ce budget tient à ce que les choix opérés ne remettent pas en question la volonté de maîtriser la dépense et de ne pas dégrader le déficit.

Pour ceux qui la cherchent, c’est là la vraie rupture : financer les priorités sans creuser le déficit, limiter à deux – enseignement supérieur et recherche et justice – les priorités budgétaires. Pour y parvenir, le Gouvernement a fait des choix courageux. D’abord ne pas renouveler 22 900 emplois publics, c’est-à-dire ne remplacer que deux départs à la retraite sur trois. Rappelons que la Cour des comptes s’inquiète depuis des années de la progression de la part des salaires et pensions dans le budget de l’État, qui atteint aujourd’hui 45 %, et que le seul accroissement des pensions représentera 2 milliards d’euros en 2008. Nous veillerons d’ailleurs, grâce aux outils dont nous a dotés la LOLF, à ce que cet effort ne soit pas remis en cause par les ministres.

Je m’inquiète d’ailleurs de constater dans le jaune budgétaire que le nombre des commissions consultatives et délibératives placées directement auprès du Gouvernement continue de croître : les créations sont quatre fois plus nombreuses que les suppressions !

Ce budget est aussi un budget de sincérité. Un effort est fait pour budgéter dès la loi de finances initiale des dépenses habituellement sous-évaluées. L’aide médicale d’État passe ainsi de 233 à 413 millions d’euros. C’est aussi le cas des OPEX – qui ont donné lieu à des débats que nul n’est près d’oublier dans cet Hémicycle – ou de la prise en compte de la hausse des taux d’intérêt pour la dette. De même, les phénomènes de débudgétisation ou d’affectation de dépenses de l’État à des opérateurs ont disparu.

Compte tenu de mes fonctions, j’ai cependant le souci que la Caisse des dépôts ne joue pas un rôle supplétif pour les ministres qui ont perdu leurs arbitrages budgétaires. Nous serons vigilants sur ce point qui a donné lieu à discussion.

Ces efforts doivent être salués, même s’ils ne sont pas suffisants. Ce budget reconduit la norme zéro volume pour la dépense, et intègre logiquement le concours de 95 millions d’euros aux collectivités locales. En l’absence de tout nouveau transfert de compétences, comment pourrait-il les dispenser de la discipline qu’il s’impose à lui-même ?

Ce budget garantit enfin, dans son article d’équilibre, la mesure d’affectation des recettes supplémentaires – et non illusoires puisque calculées sur des bases prudentes – à la réduction du déficit.

Approuvant ce budget, je souhaite néanmoins aborder quelques questions techniques pour apporter ma contribution à une meilleure gestion de l’État. Je me réjouis du rééquilibrage entre la loi de finances initiale – l’intention – et la loi de règlement – le résultat – annoncé par Éric Woerth.

La maquette budgétaire trouve une nouvelle cohérence avec la mise en place des missions immigration, asile et intégration ou écologie, développement durable et transports. Certaines modifications me laissent plus dubitatif, comme la création du programme co-développement, sorti de la mission aide publique au développement. Il faudra un document de politique transversale pour apprécier l’action de l’État en faveur des pays du sud. Je m’interroge aussi sur la non-intégration à la mission immigration, asile et intégration de tous les crédits immobiliers qui lui sont liés. Il est vrai que cette nouvelle maquette a été élaborée dans un délai qui ne permettait pas de concertation avec le Parlement, et notamment avec la MILOLF que nous venons de reconstituer. Nous souhaitons donc que vous vous montriez ouvert aux modifications proposées par les rapporteurs spéciaux, et qu’une concertation avec la commission des finances permette d’aboutir à un dispositif stable pour la durée de la législature. Le niveau élevé de la réserve de précaution ne doit par ailleurs pas affecter les délégations de crédits aux responsables de BOP dans des délais raisonnables. Certaines des modifications intervenues à ce niveau étaient souhaités par la MILOLF ; d’autres sont encore espérées.

J’en viens au fonctionnement de la fongibilité asymétrique. Les économies de postes réalisées par les responsables de programmes et de BOP dans le souci d’une réaffectation ne doivent pas faire l’objet d’une récupération en fin d’année : cela tue l’esprit de la fongibilité asymétrique, qui entend aussi encourager l’adaptation des moyens en personnels.

M. Michel Raison – C’est vrai.

M. Michel Bouvard – Ce sont les réformes de structure qui procureront des économies durables sans remettre en cause les services à la population. Le regroupement DGI-DGCP, qui a coûté son poste à l’un de vos prédécesseurs, Monsieur le ministre, est un signal fort puisqu’il permettra de simplifier les démarches des contribuables, tout comme le regroupement ANPE-ASSEDIC – toujours annoncé et jamais réalisé – permettra de mieux accompagner les demandeurs d’emploi, comme cela se fait en Suède. La revue générale des politiques publiques et l’évaluation avant décision s’inscrivent dans cette logique, et le fait qu’elle soit accompagnée au sommet de l’État est une garantie.

Parce que ce budget signe le respect des engagements pris devant les Français et parce qu’il engage les réformes de structure nécessaires, le groupe UMP lui apporte son plein soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Baert – Je le dis d’emblée, je ne voterai pas ce projet de budget. D’abord, il n’est pas le bon pour la croissance économique. A-t-il d’ailleurs la moindre ambition à cet égard ? Hormis le crédit impôt recherche, qu’y a t-il pour stimuler la consommation ou l'investissement ? Rien. Ce texte n'est pas le cœur de votre politique économique. Le texte fondateur du quinquennat, celui dont vous attendez beaucoup et qui restera l'erreur historique de ce gouvernement, c'est ce fameux projet bien mal nommé TEPA – travail, emploi, pouvoir d'achat – que vous avez fait adopter en urgence cet été. C'est lui qui porte la marque de vos références idéologiques et qui est l'instrument premier de votre stratégie. Avec lui, vous avez beaucoup donné. Vous nous dites que c'est pour la croissance. Vous avez en fait accumulé les erreurs financières qui seront demain autant d'erreurs économiques. Vous dites vouloir faciliter le recours aux heures supplémentaires : vous ne ferez qu’aggraver le chômage, car elles se substitueront aux créations d'emplois. Vous allégez les cotisations patronales des entreprises : vous ne ferez qu'accroître leur profitabilité. Vous réduisez l'impôt de ceux qui ont à payer des intérêts d'emprunts : vous ne créerez qu'une niche fiscale de plus et un effet d'aubaine au profit de contribuables qui n'ont pas besoin qu’on les aide à acquérir un patrimoine ! Vous réduisez les droits de succession : vous ne favoriserez que ceux qui thésaurisent et creuserez les inégalités devant le patrimoine, sans stimuler la croissance. Enfin, vous réduisez le « bouclier fiscal ». Les reversements auxquels il donne droit sont déjà scandaleux au regard des franchises médicales et des sacrifices que vous imposez aux plus modestes. Aux faibles, les sacrifices, aux plus riches les remboursements d'impôts ! Avec le bouclier à 50 %, vous rendez cette politique encore plus injuste et inefficace. Comment pourrait-il en être autrement quand vous rendez de l'argent à ceux qui épargnent plus qu'ils ne consomment ?

Rien dans tout cela n'est en mesure d’apporter une once de croissance supplémentaire ! Aucun des moteurs de la croissance n'est réellement stimulé, ni la consommation des ménages ni l'investissement des entreprises. Les dépenses publiques sont au contraire aveuglément contraintes : il y aura moins de fonctionnaires dans nos écoles, moins de militaires, de policiers, et surtout moins de services publics. Le service public local est en voie de dégradation. Le « choc de confiance » promis par le candidat Sarkozy n'est qu'un leurre : il a vécu ce que vivent les campagnes électorales, l'espace d'un printemps. Mais il faudra bien payer l’addition !

Bientôt, vous nous proposerez de réduire encore les dépenses publiques. M. le ministre du budget a d’ailleurs déjà mis en réserve 7 milliards de ce que nous n'avons pas encore voté… Bientôt, vous reviendrez annoncer une hausse des impôts. Le Gouvernement et l’UMP ont déjà rédigé des rapports sur la TVA sociale… Bientôt, vous n'aurez plus d'autre choix que d'aller expliquer à nos partenaires européens que la France ne pourra pas respecter son objectif d'équilibre des finances publiques, ni en 2010, ni en 2012 !

Voilà le vrai projet de loi de finances, voilà ce que sera la loi de finances rectificative d'après les municipales, voilà la vraie facture : moins de services publics, plus d'impôts, plus de déficit. Et tout cela pour une croissance qui ne sera même pas au rendez-vous ! Le FMI vient d’annoncer qu'il révisait de 2,3 % à 2 % la croissance française pour 2008 : même en dehors de nos frontières, on n'est pas convaincu par votre politique économique !

Président départemental d'une association d'élus, je veux vous dire mon inquiétude et celle de tous les élus que je rencontre. Qu’ont-ils entendu de ce budget ? Qu'avec lui, les collectivités locales ne profiteront plus de la croissance économique nationale, que leurs dotations augmenteront moins vite que ces dernières années et diminueront de 400 millions d’euros chaque année pendant 4 ans, que la dotation forfaitaire, principale ressource des communes et des intercommunalités, n'augmente même pas de 1 %, que l'enveloppe de la DGF pour 2008 devrait être diminuée d'une régularisation de la DGF 2006 de 84,2 millions et que la dotation de compensation de la taxe professionnelle baisse de 22 % ! Nous cherchions la rupture dans ce projet de budget. Elle est là, dans les collectivités locales ! Fini le temps de la décentralisation, de l'autonomie politique et du libre choix. Finie l'idée si pertinente que quand l'État mène une politique de rigueur, les collectivités locales jouent un rôle contracyclique. La rigueur que vous voulez imposer aux collectivités locales signe l'étranglement de leurs budgets !

Aucune collectivité ne sera épargnée, chacune se demandera comment satisfaire les besoins de sa population, avec des recettes qui stagnent ou diminuent. Cet « effet de ciseaux » risque bien d'être un « effet de tondeuse » : ce texte est dangereux et inefficace pour les collectivités locales.

Le projet de loi de finances ne résout pas les problèmes économiques que connaît la France. Notre pays risque de s’enfoncer encore : quel niveau la dette publique atteindra-t-elle fin 2007, et fin 2008 ? Par suite de ponctions sur les trésoreries et grâce à quelques placements opportuns, le stock avait été amené opportunément à 63,7 % du PIB, fin décembre 2006, à quelques mois des élections. Fin mars, la dette était déjà revenue à 65 % du PIB, fin juin 2007, elle dépassait les 67 % ! C’était avant le vote de la loi TEPA, avant la crise bancaire, et avant ce projet de loi de finances !

Le président de la commission des finances y faisait allusion : bon nombre d'organismes de conjoncture prévoient une dégradation du déficit public en 2008. Certes, la prévision du Gouvernement est de 2,3 % du PIB, l’OFCE le voit passer de 2,6 % à 2,9 % et Morgan Stanley de 2,7 % à 3 % ! Cette dérive relancera la spirale de la dette publique.

D'autant que s’y additionnent une dette sociale écrasante et la dette des hôpitaux publics. Nous l’évoquerons de nouveau lors du PLFSS, mais comment ne pas rappeler qu’entre les dépenses et les recettes, l’écart est presque d’un milliard d’euros, et qu’il ne cesse de se creuser ? Mais le Gouvernement ne donne pas même le sentiment de s'en soucier.

Ce budget n'est qu'un projet de loi d'attente, qui fait la transition entre un été 2007 où l’on aura beaucoup dépensé, et un été 2008 où sera envoyée la facture à la majorité de nos concitoyens. Il y aura les Français dont les impôts auront baissé à l’été 2007 et les Français qui paieront à l’été 2008 : gageons que ce ne seront pas les mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Yves Deniaud – Le débat budgétaire est au Parlement ce que les marronniers sont à la presse. Il revient chaque année, et sa partie la plus connue est la discussion sur les prévisions de croissance.

Cette loi de finances 2008 fait un pas de plus dans la discipline des dépenses. Elle intègre les prélèvements au profit de l'Union européenne et des collectivités locales dans l'objectif d'une augmentation zéro des dépenses de l'État. Après cinq exercices successifs – six si l’on compte l’année 2007 – où l'État a respecté scrupuleusement le montant des dépenses votées par le Parlement dans la loi de finances initiale, c'est un pas de plus dans le changement de nos habitudes budgétaires.

Quant aux prévisions de recettes, il est vrai que c’est un art difficile. Chaque année, nous avons ce débat, l’opposition nous dit que nos prévisions de croissance sont délirantes, qu’elles ne seront pas tenues, que le déficit explosera, que les experts ne sont pas d’accord.

M. Pascal Terrasse – C’est pour cela qu’il faut chasser le directeur de l’INSEE !

M. Yves Deniaud – Comparer les différentes prévisions d'experts avec les résultats, c’est comparer les prédictions des voyantes extra lucides le 1er janvier avec ce qui s'est réellement produit le 31 décembre !

M. Michel Bouvard – Ce sont les Pythies des temps modernes !

M. Yves Deniaud – L’un de nos prévisionnistes économiques les plus célèbres était d'ailleurs surnommé « Nostradarthus » ! (Sourires)

M. Henri Emmanuelli – Ne riez pas, il est UMP !

M. Yves Deniaud – Ne soyons pas sectaires !

La prévision choisie par le Gouvernement est dans la ligne des performances constatées de l'économie française ces dernières années, elle est comparable à celle de nos partenaires les plus proches : le gouvernement britannique table lui aussi sur une fourchette de croissance de 2 % à 2,5 % !

Monsieur le ministre, vos estimations sont tout à fait raisonnables, j’en veux pour preuve les résultats obtenus : l'exécution budgétaire 2005 s'est traduite par un déficit final de 43,5 milliards d'euros au lieu des 45,2 initialement prévus, celle de 2006 par un déficit de 39 milliards au lieu des 46,9 prévus, et celle de 2007 devrait aboutir à 38,3 milliards au lieu des 42 prévus. Que ceux qui ont toujours dépassé leurs prévisions de dépenses et gaspillé les recettes supplémentaires tirées de la croissance s’abstiennent de nous donner des leçons !

M. Pascal Terrasse – Nous, nous avions la croissance !

M. Yves Deniaud – Ils nous ont accusés de sous-évaluer les dépenses et de surévaluer les recettes : nous n'avons jamais dépensé plus que prévu ces six dernières années ; les recettes des trois derniers exercices ont été meilleures que prévu et le déficit amoindri.

M. Henri Emmanuelli – Quelle fine analyse !

M. Yves Deniaud – La prévision de croissance de 2008 ne prend en compte qu'avec prudence des éléments aussi favorables que la formidable augmentation des créations d'entreprises depuis cinq ans, les mesures de cet été pour le pouvoir d'achat et pour la construction, et les dispositifs de cette loi de finances pour la recherche et l'innovation. C’est ce qui la rend aussi fiable.

Ce projet de loi de finances est novateur en ce qu’il fait une grande place aux dépenses d'avenir, qu’il s'agisse des crédits de paiement au profit des établissements d’enseignement supérieur pour 1,35 milliard ou de l'effort fiscal, crucial dans une économie mondialisée, en faveur de la recherche privée pour 455 millions. Toutefois, j’appelle votre attention sur la nécessité d'accompagner cet effort financier d'une simplification des procédures et d'un soutien logistique aux chercheurs et innovateurs. Si Albert Fert a obtenu le prix Nobel, seul Peter Gründberg, le chercheur allemand avec qui il partage le prix, a déposé un brevet, lequel a rapporté 10 millions d'euros. Je souhaite que le Gouvernement s'assure que les instruments nécessaires à une veille efficace et à la célérité des dépôts de brevets soient bien en place. L'effort financier entamé cette année sera poursuivi et complété ; les lourdeurs administratives ou une insuffisante mobilisation des organismes concernés ne doivent pas en amoindrir les résultats.

Les investissements directs de l'État constituent aussi une dépense d’avenir. Nous sommes nombreux à plaider inlassablement, chaque année, pour leur retour à un niveau convenable, et à demander à ce qu’ils ne soient pas gelés.

M. Henri Emmanuelli – Quelle efficacité !

M. Yves Deniaud – Cela nous a valu d’être traités de keynésiens attardés, mais un pays a besoin de s'équiper pour soutenir l'activité et pour créer les outils de son développement. Je pense, bien sûr, aux infrastructures de transports, qui constituent l’un des principaux attraits de la France : pour une fois que nous avons de l’avance, ne la perdons pas !

Si l’augmentation des investissements civils de l'État – qui passent de 12,4 à 13 milliards – est significative, convenez que, rapporté aux 272 milliards de l'ensemble des crédits de paiement, l'effort de redressement mérite d'être poursuivi. Une fois de plus, nous vous implorons de ne pas en faire la cible privilégiée des annulations de crédits alors que ces dépenses sont souvent liées à des contractualisations avec les collectivités locales et l'Europe et qu’elles ont, par conséquent, un effet de levier sur l'économie très supérieur à leur propre poids.

Enfin, une réforme en profondeur de l'État est nécessaire : c’est là le seul moyen d'en réduire le coût et de ramener nos finances à l'équilibre. Le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, est profondément déterminé, mais il lui faudra triompher des résistances, des pesanteurs, des corporatismes et des conservatismes. À votre prédécesseur qui présentait les stratégies ministérielles de réforme je citais Lampedusa : « Il faut que tout bouge afin que rien ne change. »

Vous aurez besoin du Parlement, et nous y sommes prêts. La revalorisation de notre rôle, surtout dans le domaine du contrôle, doit vous apporter tout le profit qu'on peut attendre d'un indispensable regard extérieur. Un professeur de droit administratif le disait très lucidement : « Il n’y a de pire réforme que celle d'un corps par lui-même ». Les travaux que nous avons menés avec la Cour des comptes et les corps d’inspection vous aideront également.

L'effort d'amincissement de l'État – 22 800 postes de moins cette année – doit être amplifié, dans l'esprit défini par le Président de la République : un État plus mince mais plus musclé, avec des fonctionnaires mieux payés et plus motivés, un État moins coûteux mais plus efficace.

Je citerai deux exemples de dysfonctionnements graves que l’on constate aujourd’hui. L'audition, la semaine dernière, des différents échelons de responsabilité de l'État vis-à-vis d'EADS a révélé l'inefficacité des mécanismes en place. Lors de ma mission sur l'immobilier de l'État, j'ai eu à connaître de l'opération immobilière du ministère des affaires étrangères, la vente de l’Imprimerie nationale, sur laquelle l’État a perdu plusieurs dizaines de millions d’euros.

L'allégement des procédures et une plus grande réactivité permettront de réaliser bien des économies. Cet effort, de longue durée, nécessitera beaucoup de volonté et de ténacité.

Nous avons confiance en votre capacité à faire preuve de ces deux vertus. Car, au-delà des chiffres, ce projet de loi de finances est animé par une volonté de réforme – réforme que nous mènerons à bien à vos côtés, cette année comme les suivantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Balligand – La question des finances locales, certes déjà évoquée lors du débat d'orientation budgétaire, est trop importante pour être laissée de côté, dès lors que le Gouvernement fait peser sur les collectivités locales, au mépris de leur autonomie financière, le coût de sa politique.

Si le désendettement de la France est, plus qu’une visée louable, une nécessité – car la dette fait peser sur nos enfants le coût de nos dépenses, susceptible d'être renchéri par chaque hausse du taux d'intérêt –, le Gouvernement n’en prend guère le chemin : dans le sillage du gouvernement précédent, qui avait notamment diminué l'impôt sur le revenu de 20 % au cours de la dernière législature, il a créé par la loi « TEPA » un paquet fiscal dont le coût sera de 9 à 15 milliards d'euros en année pleine !

Et il ne s’en tiendra pas là, si l’on en croit l’engagement du Président de la République, lorsqu’il était candidat, à diminuer de quatre points de PIB les prélèvements obligatoires en dix ans – il est vrai que les promesses de Nicolas Sarkozy n'engagent que ceux qui y croient ; peut-être, Monsieur le rapporteur général, parviendrez-vous à lui faire comprendre combien cet objectif est déraisonnable, par exemple en lui rappelant que même Margaret Thatcher n’est parvenue qu’à une diminution de deux points dans le même délai. C’est pourtant précisément au cours du mandat de Mme Thatcher qu'a été menée, au Royaume-Uni, l'attaque la plus dure contre les collectivités locales, sous la forme d’une centralisation économique désormais à l'œuvre en France.

Comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, publié en juin 2007, « les mesures prises en 2006 pour réduire le ratio d'endettement ne sont pas durablement reconductibles et ne constituent donc pas une voie structurelle de désendettement ». Entre le désendettement et la baisse des ressources publiques au profit des plus aisés, le Gouvernement, comme ceux qui s’étaient succédé depuis 2002, a donc choisi la seconde voie ; surtout, il a décidé de faire peser sur les collectivités locales une part importante du coût de cette décision.

Ainsi, d’une part, il les instrumentalise en diminuant certains impôts locaux sans en compenser intégralement le coût – par exemple par la « réforme » de la taxe professionnelle, en 2006 –, ce qui lui permet d’afficher à bon compte – puisqu'une fraction du coût du plafonnement de la taxe professionnelle est à la charge des collectivités locales – sa volonté farouche de diminuer les prélèvements obligatoires.

D'autre part, il leur transfère une partie de la dette et des charges qui lui incombent, usant de méthodes qui révèlent une imagination particulièrement fertile : transfert des charges aux collectivités sans compensation sur des bases suffisantes – par exemple dans un domaine dont l’État a déjà commencé de se dégager, tel l’entretien des routes nationales, si bien que la compensation ne permet pas de satisfaire les besoins réels ; transfert de recettes dont la croissance est beaucoup moins dynamique que celle des charges qu'elles visent à compenser – s’agissant du RMI-RMA, le déficit atteindrait en 2007 plus d'un milliard d'euros par rapport à une évaluation des droits à compensations fondée sur l’année 2003.

Mais la fin du contrat de stabilité et de croissance prépare une nouvelle étape. En effet, aux termes du contrat de stabilité qu’institue l'article 12 du projet, l'enveloppe normée ne sera désormais plus indexée sur l'inflation augmentée d'un tiers de la croissance, mais sur la seule inflation, ce qui entraîne notamment une diminution supérieure à 23 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Cette baisse aurait même atteint 46 % sans l’intégration à l’enveloppe normée de trois nouvelles dotations de compensation de mesures fiscales. Le Gouvernement justifie cette indexation par les objectifs de maîtrise de dépense auquel l'État lui-même se soumet ; mais rien n’autorise l'État à imposer ainsi ses choix aux collectivités locales, personnes publiques à part entière dont le principe d'autonomie financière est inscrit dans la Constitution !

Du reste, les collectivités n'ont heureusement pas attendu que l'État leur montre la voie : alors que le déséquilibre entre dépenses et recettes publiques depuis 25 ans est presque entièrement imputable au second, la situation des premières s'est continûment améliorée jusqu'en 1998, leur permettant de limiter aujourd'hui leur déficit à 0,1 % du PIB. Voilà pourquoi le rapport Pébereau a préconisé une action volontariste de retour à l'équilibre des comptes de l'État et des organismes de sécurité sociale sans en faire peser la charge sur les collectivités locales et leurs prélèvements obligatoires. Si l'on tient vraiment à faire de la norme de dépense de l'État un instrument de gestion des finances publiques au service du désendettement, ne faudrait-il pas commencer par y intégrer les affectations de recettes, les remboursements et dégrèvements ou les dépenses fiscales ?

En outre, comme l’a souligné le rapporteur général, l’évolution de la plupart des concours de l’État inclus dans l'enveloppe normée conduira à réexaminer rapidement ce contrat de stabilité, sans aucun doute après les élections municipales, pour le rendre assurément moins favorable encore aux collectivités locales ; ainsi, le fonds de compensation de la TVA – FCTVA – pourrait être intégré à ces concours ou leur évolution réglée sur celle des dépenses de l'État.

Quoi qu’il en soit, les collectivités ne peuvent espérer que leur sera garantie la prévisibilité nécessaire à l'élaboration et à la conduite d’une politique efficace. Contrairement à ce que son appellation semble indiquer, le dispositif institué par l'article 12 ne garantit aucune véritable stabilité, tout comme il n'a de contrat que le nom, puisque, encore une fois, l'État impose purement et simplement ses choix aux collectivités locales !

Il en va de même d'autres transferts de charges qui ne disent pas leur nom : les désengagements, pudiquement qualifiés de « retards », dans l’application des contrats de plan entre État et région ; la multiplication de contrats d'itinéraires par lesquels le ministère de l'équipement « fait les poches » des collectivités sur des routes nationales après avoir prétendu en 2004 que les financements seraient décroisés…

M. Michel Vergnier – Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand – …enfin, plus récemment, les contrats aidés dans le secteur non marchand. Les collectivités locales ont contribué à en assurer le succès, rendant possibles de nombreux retours à l’emploi. Alors qu'une diminution du nombre de ces contrats, annoncée au début du mois de juillet, avait commencé d’être mise en œuvre pendant l'été, les associations concernées semblent avoir obtenu que cette baisse soit pour l'essentiel reportée à 2008. Le projet de loi de finances ne prévoit ainsi que 230 000 nouvelles entrées dans les contrats d'avenir et d'accompagnement à l'emploi, contre environ 310 000 en 2007, selon Les Échos. La réduction sera doublement pénalisante : pour les populations éligibles à ces contrats, lesquels continuent de conditionner largement, malgré la baisse statistique du chômage, le retour à l’emploi ; pour les collectivités locales elles-mêmes, qui devront soit renoncer à assurer un besoin collectif, soit voir leurs charges augmenter, et avec elles, la fiscalité locale. Comment les élus pourraient-ils expliquer à leurs concitoyens que c'est l'action de l'État qui les confronte à ce dilemme ?

M. Michel Vergnier – Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand – Ainsi les collectivités locales deviennent-elles de véritables variables d'ajustement du budget de l’État.

En outre, lorsqu'une collectivité est ainsi contrainte d’augmenter la fiscalité, elle est victime de l’incurie du Gouvernement précédent, qui s’est montré incapable de modifier un système fiscal local vieilli, illisible et largement régressif.

M. Michel Vergnier – Et injuste !

M. Jean-Pierre Balligand – Les associations de collectivités, l'Institut de la décentralisation ou le Conseil économique et social – dans le rapport Valletoux – ont pourtant proposé des réformes. Mais, en se contentant pour l’essentiel de réformer la taxe professionnelle, le Gouvernement n’en a mis que davantage ménages et PME à contribution ; en outre, il s'apprête à abaisser de nouveau le seuil du plafonnement à la valeur ajoutée à 3 %.

Ainsi le Gouvernement instrumentalise-t-il des problèmes qu'il renonce à résoudre : il continue d'alimenter l'endettement public, mais le met en avant pour justifier la fin du pacte de croissance et de solidarité ; de même, il invoque le caractère régressif de la fiscalité locale des ménages pour mieux assimiler le bouclier fiscal à une mesure sociale. En 2006, le gain fiscal moyen serait pourtant supérieur à 50 000 euros par bénéficiaire – où sont les ménages les plus pauvres ?

Les communes, les départements, les régions et les établissements de coopération intercommunale sont essentiels non seulement à la cohésion sociale, mais aussi à l’économie : leur investissement s’élève – mais pour combien de temps encore ? – à 40 milliards d'euros par an et permet, malgré une hausse des prix qui en affecte l’augmentation, de créer plus de 200 000 emplois dans le secteur privé. Afin de poursuivre dans cette voie, loin d’être instrumentalisées, les collectivités ont besoin de dotations prévisibles qui accompagnent leur développement et d'une vaste réforme des impôts locaux. Peut-être la Conférence nationale des exécutifs locaux prévue en 2008 y contribuera ; mais ce n’est pas le cas de ce projet de loi de finances, bien au contraire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Claude Mathis – Élaborer un budget, c’est prévoir ; c’est se projeter dans l’avenir ; c’est engager, dans la mesure du possible, une dynamique économique favorable ; c’est enfin faire un geste politique décisif en matière de dépenses et de fiscalité. Pour chaque exercice budgétaire, nous devons déterminer le plus précisément possible quels sont les besoins prioritaires et comment les financer à moindre coût en vue d’une efficacité maximale.

Ce texte est un budget de transition, conforme aux engagements du Président de la République : moderniser et simplifier notre fiscalité, équilibrer les finances publiques sur la durée du quinquennat, valoriser le travail, renforcer notre compétitivité, encourager l’innovation afin d’accélérer la croissance. Le rythme de croissance de la dépense sera ainsi divisé par deux au cours du quinquennat, les mesures fiscales seront concentrées sur deux priorités : le pouvoir d’achat et l’innovation, tandis que le déficit sera stabilisé à 41,7 milliards. Après une réduction des déficits plus de quinze milliards en quatre ans, la France s’apprête toutefois à marquer une pause. Le Président de la République a en effet choisi de privilégier un choc de croissance et de confiance, qui doit permettre de produire assez de richesse pour rattraper le chemin perdu.

Le choix qui nous est proposé est responsable : le coût des mesures fiscales votées cet été est non seulement pris en compte, mais la fourchette retenue pour la croissance est également réaliste, quoique difficile à respecter. Il n’est en effet pas possible de tout modifier en un seul exercice budgétaire, et les réformes structurelles dont nous avons cruellement besoin ne pourront pas être intégralement menées en 2008.

Certains esprits chagrins font du paquet fiscal la cause de l’augmentation du déficit, mais ils oublient que nos difficultés budgétaires ne datent pas de cet été : aucun budget n’a été voté en équilibre au cours des trente-trois dernières années ! Il s’agit donc d’un mal structurel.

J’ajoute que la diminution de la pression fiscale n’a rien d’un cadeau : c’est une simple mesure de justice fiscale ! Ne perdons jamais de vue que la richesse prélevée est le fruit du travail de chacun.

M. Patrick Roy – Pas pour les plus riches !

M. Jean-Claude Mathis – Contrairement à ce que certains affirment, il suffit que le budget soit excédentaire pour réduire la dette : cela ne suppose certainement pas une hausse des impôts, dont il résulte toujours une baisse de l’activité économique, donc une diminution du produit des prélèvements obligatoires. Pour transformer en excédent le déficit budgétaire, nous devons utiliser un levier plus efficace : la baisse des dépenses publiques. Tel doit être notre premier souci. Tous les pays qui sont parvenus à redresser leurs finances publiques sont en effet passés par cette étape.

Nous devons désormais nous concentrer sur la gestion des ressources humaines, qui est le principal gisement d’économies, le traitement des fonctionnaires absorbant plus de la moitié du budget de l’État. Alors que l’objectif fixé par le Président de la République est de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux, le budget pour 2008 se contente de 22 000 départs non remplacés, soit un tiers seulement des postes concernés. Les marges de manoeuvre sont pourtant colossales dans certains ministères aux effectifs pléthoriques. Bien sûr, je pense pas aux postes d’infirmières ou d’enseignants…

M. Patrick Roy – Il y en aura pourtant 11 000 en moins !

M. Jean-Claude Mathis – Reste que la taille et les règles de fonctionnement de nos administrations sont trop souvent en décalage avec les besoins réels sur le terrain. Il faudra mieux maîtriser les dépenses courantes pour consacrer davantage de ressources à l’investissement, dont dépend notre avenir économique.

Le ralentissement de la baisse du déficit public pose enfin une autre question : la crédibilité et l’influence de la France au sein de l’Union européenne, dont nous allons exercer la présidence. Nos partenaires critiquent en effet l’insuffisance de notre redressement budgétaire. Il ne faudrait pas que notre volonté de stimuler la croissance nationale altère notre force de conviction sur des dossiers aussi essentiels que l’énergie, la défense, la PAC ou la lutte contre le réchauffement climatique.

J’en viens aux mesures fiscales qui demeurent limitées, à l’exception du crédit d’impôt recherche. Ce budget est rigoureux, la dépense est tenue – au moins sur le papier, puisque nous allons donner un tour de vis supplémentaire en élargissant le champ d’application du principe de croissance zéro en volume.

Je me réjouis que ce projet de budget repose sur des choix conformes à nos valeurs : la maîtrise de la dépense publique et le renforcement de l’efficacité de l’État. Souhaitons que de tels efforts soient durables pour que nous puissions préparer l’avenir dans les meilleures conditions possibles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt – L’orateur précédent a parlé de valeurs, et Jean-Pierre Raffarin avait d’ailleurs déclaré, juste après les élections présidentielles, que la bataille fiscale s’était jouée sur ce thème. Considérant que la droite n’avait pas pu baisser la fiscalité directe pesant sur les plus riches au cours des années précédentes, c’est au nom de la famille et du travail que le Gouvernement a demandé à la majorité de baisser respectivement et notablement les droits de succession et l’impôt sur le revenu.

Face aux défis immenses que nous devons relever en matière de cohésion sociale, de croissance économique et de discipline financière, que proposez-vous ? Au 31  août, le bilan de la première version de votre bouclier fiscal, qui n’intégrait pas encore les cotisations sociales, est sans équivoque : 2 398 contribuables se sont partagés 121 millions d’euros. Plus de 100 000 SMIC ont été remboursés à ces privilégiés ! En Midi-Pyrénées, 87 familles se sont partagé 1,9 million d’euros, soit 20 000 euros, contre 10 millions pour 111 familles dans le Nord-Pas-de-Calais, ce qui représente 100 000 euros de restitution en moyenne. Où est la cohésion sociale, puisqu’il s’agit purement et simplement de transferts d’impôts au profit des classes supérieures ? Ces mesures sont fondamentalement injustes.

J’en viens à la croissance économique : le paquet fiscal de cet été – 15 milliards d’euros, dont 8 ou 9 pour de purs cadeaux fiscaux – a été adopté malgré le scepticisme des économistes de toutes sensibilités : aucun effort n’est en effet consenti en faveur du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes ou de la consommation – rien pour le SMIC, rien pour la prime pour l’emploi, moins que rien pour les retraites ! Rien non plus pour l’investissement, car le crédit d’impôt recherche ne produira ses effets qu’à partir de 2009. Bien au contraire, l’instauration d’un prélèvement libératoire sur les dividendes encouragera la distribution des bénéfices au détriment de l’investissement.

S’agissant enfin de la discipline budgétaire, sans cesse évoquée depuis la dernière législature, la dette publique est passée de 56,2 % du PIB en 2002 à une prévision de 64 % en 2008. Cela représente 6 000 euros de dette supplémentaire par Français, en seulement six ans ! Après avoir augmenté les déficits et la dette, votre gouvernement recourt maintenant aux découverts : avec l’ACOSS et le FFIPSA, 40 milliards d’euros de dette seront camouflés en 2008, ce qui aura pour conséquence 1,5 milliard de frais financiers supplémentaires.

Double héritage de la législature précédente et du paquet fiscal de cet été, l’explosion de la dette publique ne pourra que déboucher sur une hausse massive des prélèvements. Après les élections municipales, l’augmentation de la CRDS est inéluctable compte tenu de l’alourdissement de la dette de la sécurité sociale et de l’interdiction de prolonger la durée de son amortissement, à moins que le Gouvernement décide de supprimer la CADES et de réintégrer la dette sociale – quelque 100 milliards d’euros en 2009 – dans la dette publique totale. Il serait bon que nous connaissions vos intentions réelles…

Qu’en sera-t-il par la suite ? La TVA – antisociale – augmentera nécessairement, et nous connaissons tous le projet, cher au sénateur Marini, de réforme de l’impôt sur le revenu, qui serait un véritable retour en arrière d’un siècle, avant l’adoption de la loi Caillaux. Il s’agit en effet d’abolir la progressivité de l’impôt en instaurant une fiscalité à taux unique, appelée flat tax par les néo-conservateurs américains.

Or, depuis 2001, la baisse cumulée de la progressivité de l’impôt sur le revenu a déjà coûté 50 milliards d’euros, ce qui a fait passer cet impôt au troisième rang des contributions fiscales. Fidèle aux « valeurs » invoquées par M. Mathis, votre choix est de refuser un impôt minimal sur le revenu et de tolérer les plus grandes inégalités ainsi que la fragmentation sociale. Nous continuerons à défendre notre choix, qui est opposé : celui de la solidarité, de la lutte contre les inégalités excessives et du combat contre la pauvreté, conformément à la vision républicaine de la juste contribution de chacun en proportion de sa faculté contributive. Las, votre projet de loi prend la direction opposée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jacques Myard – Il a beaucoup été question des critères maastrichtiens – déficit et dette limités respectivement à 3 et 60 % du PIB… Si nul ne peut nier qu’il faille effectivement faire des économies, reste que la comptabilité n’est jamais qu’un arrêt sur image, bien éloigné de l’économie elle-même. Il faut donc se méfier des critères et les remettre en perspective. Au demeurant, je rappelle qu’il n’existe pas de théorie économique qui justifie l’équilibre budgétaire : vous ne trouverez pas un prof, pas un prix Nobel pour le faire. Il n’y a donc pas de quoi se tirer une balle dans la tête si on n’arrive pas à l’équilibre ! (Sourires) Il est certes louable d’essayer de stabiliser l’endettement, mais en gardant à l’esprit la maxime de Claude Bernard : tout est poison, rien n’est poison – tout est affaire de mesure ! Méfions-nous des excès, d’un côté comme de l’autre.

Ce qui est indispensable, c’est de nous interroger sur les causes structurelles de l’atonie de la croissance française. La première est sans doute la cherté de l’euro face au dollar et au yen, qui constitue un véritable défi pour l’économie française. Je rappelle qu’il nous en a coûté un million de chômeurs pour entrer dans le système monétaire ficelé en référence au mark, et que l’euro fort nous fait perdre un point de croissance tous les ans. Il représente au contraire une bénédiction pour l’Allemagne, puisqu’elle elle fait produire à bas prix, grâce à lui, des biens intermédiaires dans son hinterland, avant de les valoriser et de les revendre, par exemple en Chine. Il va de soi que, lorsque les Chinois fabriqueront lesdits produits finis, les Allemands tomberont brutalement de l’échelle !

La deuxième cause structurelle est la faiblesse de nos investissements, qui rend absolument indispensable de mettre sur pieds une politique industrielle, nationale et européenne. Par quelles mesures entendez-vous favoriser l’émergence d’une telle politique, qui irait à l’encontre du dogme européen du tout-concurrence ? Cela suppose également d’adapter notre fiscalité : dans le cadre d’une monnaie unique, c’est la seule arme qui nous reste. Or, le ratio entre les impôts courants sur la production et la valeur ajoutée des sociétés non financières a augmenté régulièrement ces dernières années, pour arriver à 10,3 % en 2006 : on voit que la formation brute de capital des entreprises est pénalisée. Il est donc indispensable de favoriser l’investissement, ce qui passe par une fiscalité incitative.

Répétons-le une fois encore : l’ISF est un impôt imbécile et anti-économique. Il doit être supprimé, pour que nous récupérions le capital qu’il a fait sortir de France – 120 milliards, alors qu’il n’en rapporte que 35 ! Il est temps de s’affranchir du terrorisme intellectuel imposé par les attardés dignes du musée Grévin qui siègent sur ma gauche ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Il faut également abaisser l’impôt sur les sociétés pour les PME, car si les grandes entreprises du CAC 40 investissent partout dans le monde, les PME n’investissent que chez nous. Il nous faut donc un Small business act pour les PME.

Mme la Présidente - Monsieur Myard, il faut conclure.

M. Jacques Myard – Il faut enfin adapter l’euro à la structure de production française – et là se pose un problème avec la BCE. M. Trichet est un monétariste des années 1970, aux idées complètement dépassées dans un période sans inflation. Nous allons vers une crise politique : c’est la survie même de la monnaie unique qui est en cause. Si nous n’agissons pas, nous ne serons pas au rendez-vous de l’histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Launay – Je voudrais d’abord m’intéresser, dans cette discussion générale, aux concours financiers de l’État aux collectivités locales. L’article 12 du projet de loi de finances remplace le contrat de croissance et de solidarité par un contrat de stabilité – plutôt un constat ! – visant selon vous à rendre l’indexation des dotations aux collectivités territoriales compatible avec l’objectif de maîtrise de la dépense de l’État. Mais ce contrat de croissance et de solidarité avait permis, depuis 1997, d’assurer une progression des dotations des collectivités locales conforme à la croissance économique. Sa suppression est injuste autant qu’illégitime, car ces dotations ont souvent été accordées en contrepartie d’un transfert de compétences – et que les dépenses qui y sont liées progressent plus vite que l’inflation, qu’il s’agisse des besoins sociaux, de l’investissement public ou de l’énergie.

Sachant que les collectivités territoriales assurent plus des deux tiers de l’investissement public, il apparaît que votre constat de stabilité va fragiliser la dynamique de la dépense locale, d’autant que les collectivités vont subir les dommages collatéraux de vos réformes fiscales. Nous resterons vigilants quant au projet de TVA sociale, qui comporte un risque inflationniste pour les impôts locaux, les collectivités locales ne récupérant pas la TVA sur leurs dépenses de fonctionnement. Nous le serons aussi quant à la nouvelle réforme de la taxe professionnelle, en nous souvenant que son plafonnement a retiré 200 millions des finances locales en 2007 – sans compter cet effet indirect que de nombreux groupements intercommunaux ont renoncé à la taxe professionnelle unique pour adopter un régime de fiscalité mixte.

La fin du contrat de croissance et de solidarité, sous couvert d’orthodoxie budgétaire, est un moyen très commode de financer une partie des mesures fiscales prises cet été. L’enveloppe normée des dotations de l’État aux collectivités locales représente en effet le deuxième poste de dépenses de l’État, et le principe de l’indexation annuelle une charge d’un milliard par an. Les élus locaux ont calculé que ramener l’indexation à l’inflation vous permettra d’économiser à leurs dépens 300 millions dès 2008. Face à un tel chiffre, les arguments du rapporteur général ne peuvent guère être convaincants. Le contrat de croissance et de solidarité n’était pas un privilège, mais un outil de solidarité nationale, un juste retour sur investissement pour les collectivités locales.

M. Michel Vergnier – Tout à fait !

M. Jean Launay – L’indexation annuelle des dotations au-delà de l’inflation avait permis de compenser, au moins en partie, l’écart entre les charges et les ressources transférées aux collectivités. Alors que celles-ci assument des charges toujours plus importantes, imposées par l’État, le constat de stabilité impose la règle « zéro volume » à l’enveloppe normée des concours aux collectivités locales. Les associations d’élus sont inquiètes, notamment à propos de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et de l’intégration de certaines variables d’ajustement. Le bureau de l’Association des maires de France a d’ailleurs demandé au ministère de l’intérieur des données concernant la baisse importante de ces variables d’ajustement, pour envisager une modulation en faveur des collectivités les plus en difficulté. De nombreux élus ont aussi demandé que la compensation de l’exonération du foncier non bâti agricole ne constitue pas une variable d’ajustement, car cela pénaliserait lourdement de nombreuses communes rurales dont cette taxe constitue une bonne part des recettes.

M. le Rapporteur général – Nous allons présenter un amendement sur ce point !

M. Jean Launay – Je vous en remercie : la commission des finances de l’AMF avait rappelé, le 9 octobre, son opposition à cette mesure. Elle a aussi refusé, à titre préventif, toute intégration du FCTVA dans l’enveloppe normée, compte tenu de son caractère de remboursement, et a enfin souhaité le maintien des exonérations et compensations accordées dans les zones de revitalisation rurales.

M. Michel Vergnier – C’est la moindre des choses !

M. Jean Launay – La question des relations financières entre l’État et les collectivités locales est indissociable de la péréquation. La décentralisation, dont nous sommes les initiateurs et les défenseurs, est affectée par l’inégale répartition des moyens entre les territoires. L’État devrait jouer son rôle de gardien de la solidarité nationale et participer davantage à cette péréquation.

M. Benoist Apparu – Et l’augmentation de la DSU ?

M. Jean Launay – C’est la condition pour assurer un égal accès au service public sur l’ensemble du territoire. Or, la disparition du contrat de croissance et de solidarité pèse sur les masses affectées à la péréquation, pourtant principe de rang constitutionnel. La Cour des comptes admet elle-même que la remise en cause du rythme de progression des concours de l’État n’aurait de sens que dans le cadre d’une rationalisation des concours et d’un renforcement des mécanismes de péréquation.

J’en viens à une autre question, qui a été entamée lors de la discussion de la loi TEPA et se poursuivra avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale : celle des stock-options et des parachutes dorés. C’est très simple : il faut les supprimer. C’est d’ailleurs ce qu’avait avancé le candidat Sarkozy durant la campagne.

M. Patrick Roy – Il a oublié sa promesse !

M. Jean Launay – Une loi de 1970 les avait créées, une autre peut les supprimer. Les graves dérapages qui ont eu lieu suffisent à expliquer leur rejet par l’opinion publique. Le système des parachutes dorés induit une forme de privilège ; celui des stock-options produit par nature des délits d’initiés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il faut en finir avec ces pratiques qui ne servent aucunement aux créateurs d’entreprises innovantes et taxer les stock-options existantes pour contribuer au financement de la sécurité sociale – bref rompre définitivement avec ce système immoral et démonétisé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Fréderic Lefebvre – Depuis de nombreuses années, le taux de croissance de la France est inférieur d’environ un point à celui de ses partenaires européens, et à la moyenne de la zone euro.

M. Patrick Roy – En gros, depuis cinq ans !

M. Fréderic Lefebvre – Nos prévisions de croissance pour 2007 sont de 2,25 %, contre 2,6 % pour l’Allemagne, 3,1 % pour le Royaume-Uni et 2,7 % pour la zone euro. D’autre part, 11 pays européens ont enregistré un excédent du solde des comptes publics en 2006. Alors que nous parlons, en Espagne s’organise le débat sur l’utilisation de cet excédent.

Il est donc urgent de relancer la croissance dans notre pays et, parallèlement, de réduire le déficit de l’État. Je salue donc la démarche de révision générale des politiques publiques. Vous vous êtes engagés à chasser les dépenses improductives et à introduire un plan de modernisation de la fonction publique ainsi qu’une réduction de ses effectifs. C’est courageux et c’est de bonne politique.

M. Patrick Roy – Moins de professeurs, c’est une bonne politique ?

M. Fréderic Lefebvre – La loi TEPA adoptée cet été relancera et l’offre et la demande. L’exonération fiscale sur les heures supplémentaires, assortie d’un allégement des cotisations sociales patronales, soutiendra la croissance en augmentant le pouvoir d’achat, donc la demande, et l’offre puisque les employeurs pourront recourir à des heures supplémentaires lorsque ce sera nécessaire sans majorer le coût du travail.

Mais il faudra mesurer au plus vite les résultats de cette révision générale des politiques publiques. Pour cela, il faudra réformer nos modes d’évaluation.

M. Michel Bouvard – Tout à fait !

M. Fréderic Lefebvre – En tant que rapporteur spécial du budget de l’emploi, j’ai choisi de ne pas déposer d’amendement de réduction de crédits, pour donner sa chance à la nouvelle démarche engagée par le Gouvernement. Mais il va falloir créer l’architecture de ce système d’évaluation et lui donner des moyens. Avec Gaétan Gorce et Alain Joyandet, nous ferons des propositions en ce sens au cours de la discussion. Il faudra déterminer l’ensemble des indicateurs à mettre en place pour prendre en compte les résultats à court et moyen terme et les interpréter. C’est à ce prix que nous pourrons restaurer l’équilibre.

Dans cette logique, j’ai saisi la commission Balladur d’une proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier l’article 34 de la Constitution et à garantir l’équilibre budgétaire des lois de finances dès 2012.

Je soutiens donc avec enthousiasme ce budget et la logique qui le sous-tend. Mais je suis aussi déterminé à participer à l’évaluation des politiques publiques, pour que nos voisins européens ne soient pas les seuls à bénéficier d’excédents budgétaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Ce premier budget du nouveau Gouvernement, du nouveau Président, devait être un budget de rupture.

M. Lionnel Luca – C’est le cas !

M. Patrick Roy – En fait, c’est un budget de continuité. Les mêmes sont privilégiés et reçoivent des cadeaux somptueux, les mêmes continuent à souffrir. C’est bien le sixième budget de la majorité de 2002.Vous avez l’honnêteté de dire que la France est en faillite. C’est faire un constat d’échec de cette politique. Mais vous continuez !

C’est en partie une conséquence de la loi TEPA, loi injuste, inefficace, qui précipitera l’échec. Mais il est vrai que son seul objet, c’était de faire des cadeaux à vos amis. Si vous vouliez un budget de rupture, vous n’auriez pas privilégié ceux qui épargnent, en laissant de côté ceux qui consomment. Qui paye en effet ? Les plus modestes. Et l’État ne dispose pas d’argent pour remplir ses missions. Aussi, quand je rencontre un handicapé qui ne trouve pas de place en établissement, je lui dis : il n’y en a pas, car le Gouvernement a préféré privilégier un chanteur helvéto-monégasque.

M. Lionnel Luca – C’est scandaleux !

M. Patrick Roy – Et ce budget ne stimule pas la consommation, car il n’améliore pas le pouvoir d’achat. Vous parlez des heures supplémentaires. Mais comment les chômeurs en bénéficieraient-ils, ou ceux qui ont des contrats aidés ? Et que peuvent faire les salariés auxquels le patron refuse de donner des heures supplémentaires ?

À l’heure de vérité, certainement après les municipales, nous aurons inévitablement un plan de rigueur. On supprimera des postes d’enseignants. Après les franchises médicales, on instituera la TVA antisociale. Que vais-je dire aux travailleurs pauvres, aux petits retraités, aux personnes malades dans ma circonscription ? Qu’ils vont bénéficier du bouclier fiscal ? Christian Bataille vous a interrogée, Madame la ministre, en indiquant que, dans le Nord-Pas-de-Calais, 100 familles vont se voir restituer 100 000 euros.

M. Michel Bouvard – Mais non, ce sont les 200 familles !

M. Patrick Roy – Vous ne lui avez pas répondu.

Et je n’insiste pas, faute de temps, sur le fait que vous obligez les collectivités locales à augmenter l’impôt pour accomplir leurs missions.

Avec ce budget, vous vouliez créer un choc de confiance pour un choc de croissance. Vous n’aurez ni confiance ni croissance. Restera le choc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jacques Remiller – Ce projet de budget est construit sur une hypothèse de croissance comprise entre 2 % et 2,5 %. Pour une fois, donc, les dépenses n’augmenteront pas plus vite que l’inflation. Ce budget est responsable, puisqu’il absorbe pleinement le coût du paquet fiscal, dont les mesures les plus importantes – la défiscalisation des heures supplémentaires, le bouclier fiscal à 50 % et la majoration du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier – sont aussi les plus chères. Je me réjouis également que le Gouvernement ait facilité les transmissions d’entreprises en réduisant de six à deux ans la durée de l’engagement collectif de conservation pour être exonéré de l’impôt sur les successions. Laisser aux Français le fruit de leur travail, ce n’est pas un « cadeau », mais simplement la justice.

Je regrette cependant que le budget n’aille pas plus loin dans la réduction du déficit de l’État, qui devrait passer à 2,3 % du PIB, tandis que le poids de la dette passerait de 64,2 % à 64 % à la fin de 2008. À 41,7 milliards, le déficit serait à peine inférieur à celui de 41,9 milliards inscrit dans la loi de finances de 2007, mais supérieur au déficit d’exécution, qui devrait s’établir, pour 2007, à 38,3 milliards.

Le Gouvernement a raison de vouloir relancer la croissance grâce au paquet fiscal, mais il faut absolument maîtriser les dépenses publiques. En particulier, l’effort de réduction des effectifs de la fonction publique est insuffisant. Le Président s’était engagé pendant la campagne électorale à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et ce sera finalement un sur trois, soit 22 900 fonctionnaires. Il ne s’agit bien sûr pas de diminuer le nombre de professeurs ou d’infirmières, mais d’adapter la taille de nos administrations.

Enfin, soucieux de la défense du pouvoir d’achat de nos compatriotes et de l’avenir de notre agriculture, je défendrai un amendement visant à l’application d’une TVA réduite à 2 % sur les fruits et légumes, les produits laitiers non sucrés, la viande et le poisson. J’espère que le Gouvernement examinera avec bienveillance cette proposition qui favorisera la consommation en rendant des produits sains accessibles à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Paul Giacobbi – Le budget est une prévision qui, partant des données comptables des exercices précédents, et sur la base d'hypothèses économiques, expose, grâce à un système d'informations intégré un vaste ensemble de calculs et d'analyses. Dans la situation particulière de la France – je n'ai pas dit « la faillite » – et compte tenu de l'impératif du retour à l'équilibre des comptes publics en 2010 et de la charge écrasante des engagements de retraite pour l'État, notre budget doit s'inscrire dans une perspective à moyen et long terme. Tout le monde peut être d'accord avec cette définition, mais l'énoncer c'est déjà souligner les lacunes de ce projet qui, je l'espère sincèrement, seront comblées, en partie au moins, par nos travaux.

Pour commencer, les données comptables des exercices précédents sont loin d'être certaines. La Cour des comptes a souligné, pour l'exercice 2006, que si le déficit s'est trouvé limité par l'augmentation spontanée des recettes, l'amélioration constatée doit beaucoup à « la mobilisation de ressources extérieures au budget de l'État (…) mais aussi à d'importants reports de dépenses sur l'exercice 2007, sans que les informations disponibles permettent d'identifier celles qui auraient dû être payées en 2006 ». C’est, en termes élégants, parler de cavalerie. Quel en a été le montant ? Le même mouvement a-t-il été opéré en 2007 ? On peut l'imaginer en constatant que le solde d'exécution en fin de mois du budget de l'État marque une dégradation de l'ordre de 10 milliards au moins par rapport à 2006. Peut-être cette situation s’améliorera-t-elle avant la fin de l’année ; peut-être s’explique-t-elle par la persistance du dispositif précédemment décrit.

Ensuite, les hypothèses économiques qui sous-tendent le budget, dites prudentes, sont manifestement contestables. Elles sont d’ailleurs contestées de concert par l'Union européenne, l'OCDE et le FMI. Vous continuez d’affirmer que la croissance sera supérieure à 2,2 % en 2007 quand le consensus s'établit à 1,8 %, et vous persistez à prétendre qu'il ne se serait pas passé grand-chose aux États-Unis, ni d'ailleurs en Grande-Bretagne, et que rien de tout cela n'aura pour effet de ralentir les économies européennes. On peut toujours rêver… Cette manière de faire n'est pas nouvelle ; au cours de la législature précédente, c’est devenu une sorte de tradition d'État qui se perpétue, et qui consiste à toujours présenter des hypothèses irréalistes, qu’il s’agisse du prix du pétrole ou du taux de croissance. Se tromper dans une prévision économique est une faute vénielle car fréquente, mais se tromper tout le temps et toujours dans le même sens, en opposition avec les principes de prudence comptable, c'est devenu dans notre pays une sorte de perversion d'État.

Quant à nos systèmes d'information, ils sont, pour le moins, encore en gestation. Donnons encore une fois la parole à la Cour des comptes, dont la mission constitutionnelle est d'éclairer le Parlement : « Les conditions dans lesquelles ont été établis les comptes de l'exercice 2006 ne sont pas satisfaisantes. Elles ont pâti des importantes lacunes et des défaillances des systèmes d'information dont il est à craindre qu'elles ne puissent être qu'imparfaitement corrigées, au plan technique, d'ici la mise en place du projet Chorus, qui ne devrait s'amorcer qu'à compter de 2009. »

Je voudrais enfin insister sur la question cruciale du financement des retraites des fonctionnaires. Dans un graphique saisissant, MM. Mer et Lambert nous avaient rappelé, en 2002, que si nous ne faisions rien, la part des charges de fonction publique dans les dépenses de l'Etat doublerait d’ici 2040. Cela reste vrai, et j’ai quelque mal à comprendre pourquoi le Gouvernement n'expose pas plus clairement cette donnée fondamentale incontestable. Même si des progrès ont été accomplis, cette analyse n'est pas suffisamment mise en valeur. Il est vrai, que compte tenu du montant de l’engagement de retraites de l’État, qui est presque équivalent à celui de sa dette explicite, mieux vaut peut-être ne pas insister, de peur que la position de l'Union européenne sur le traitement de la dette implicite dans le calcul du déficit des comptes publics n’en soit modifiée. Quel serait notre ratio de dette publique sur PIB si l'on intégrait l'engagement de retraites des fonctionnaires ?

À tout le moins, le débat parlementaire sur l’évolution à moyen terme devrait tenir compte de cette donnée fondamentale, d’autant que les choses ont plutôt tendance à s'aggraver. En 2002, la direction de la comptabilité publique évaluait le montant de cet engagement à 800 milliards, soit environ 50 % du PIB. Pour 2006, le compte général de l'État, selon la même méthode de calcul, évalue l'engagement à 1 031 milliards, soit plus de 60 % du PIB.

Je souhaite donc que le Gouvernement nous éclaire sur plusieurs points, en premier lieu sur la réalité du déficit 2007 et, en particulier, sur l'évolution des reports de dépenses sur l'exercice suivant, pratique qui n’a rien de fantasmatique puisque la Cour des comptes en fait explicitement état. Je souhaite qu’il nous donne les arguments d'analyse économique précise qui lui permettent d'avoir une prévision de croissance très différente de celle de l'Union européenne, de l'OCDE et du FMI ainsi qu'une prévision pour le prix du pétrole très clairement inférieure au cours constaté actuellement. Sur ce point précis, les éléments contenus dans le rapport ne m’ont pas convaincu, et nous n’avons manifestement pas les mêmes sources d’information. Où voit-on que le prix du pétrole baisserait en 2008 alors qu’il est entrain d’augmenter très considérablement ? Je souhaite enfin que le Parlement soit complètement informé du développement des systèmes d'information qui sous-tendent la LOLF ainsi que de l'évolution du volume des engagements de retraite de l'État et des causes de l’écart, à mode de calcul constant, entre 2002 et 2006 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Éric Ciotti – Le projet de loi de finances pour 2008 traduit en termes budgétaires la politique que les Français ont appelée de leurs vœux au printemps dernier. Une nouvelle fois, nous respectons les engagements pour lesquels nous avons été élus. Les Français souhaitent la baisse des prélèvements obligatoires et l’augmentation du pouvoir d'achat. Ils veulent un Etat plus efficace, plus soucieux de la bonne utilisation des fonds publics, capable de réduire la dette et les déficits. Pour répondre à ces exigences, vous nous présentez un projet équilibré qui, parce qu’il conjugue l'assainissement de nos finances et la mise en œuvre de nos priorités politiques, contribuera grandement à aller chercher ce point de croissance qui nous fait cruellement défaut depuis tant d'années.

Ce projet de budget marque un engagement fort en faveur du pouvoir d'achat et de la compétitivité, par le renforcement du crédit d'impôt logement, la revalorisation des tranches de revenus, des seuils du barème de l'impôt sur le revenu et de la prime pour l'emploi. La réforme du crédit d'impôt recherche renforcera l'innovation, pierre angulaire de la compétitivité de nos entreprises.

Ce budget est aussi un budget de vérité, cette vérité qu’il faut dire, comme l’a fait le Premier ministre. Nos concitoyens exigent que nous résolvions le déficit chronique des comptes publics. À cet égard, vous êtes mal placés, chers collègues socialistes, pour nous donner des leçons, vous qui avez gaspillé, à cause des 35 heures, les fruits de la forte croissance dont vous avez bénéficié en arrivant au pouvoir en 1997, vous qui avez dépensé sans mesure (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

En s'attaquant aux causes structurelles du déficit, mises en évidence depuis longtemps, ce projet de loi de finances engage la première diminution importante des dépenses de personnels, premier poste budgétaire de l'État.

Mais réformer et moderniser ne suffit pas, car un autre facteur obère la maîtrise des dépenses publiques et la lutte contre les déficits : la fraude sociale et fiscale, sujet trop longtemps demeuré tabou sur lequel je veux insister. Faux érémistes, escroqueries généralisées aux ASSEDIC, travail clandestin, trafics d'ordonnances médicales, fraudes à la CMU, fraudes fiscales… Les exemples, hélas, ne manquent pas et, selon certaines études de l'INSEE, de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires, le montant de ces fraudes avoisinerait les 60 milliards, soit plus que le montant de l'impôt sur le revenu.

Le Président de la République a fait du combat contre les fraudes fiscales et sociales une priorité nationale. C'est salutaire. Nous faisons confiance à Éric Woerth pour engager une véritable révolution dans ce domaine et renforcer les dispositifs de contrôle, notamment dans les organismes sociaux qui y sont parfois réticents. Au-delà des questions financières, la lutte contre les fraudes est un devoir moral : comment expliquer à nos concitoyens qu'il faut faire des efforts quand certains exploitent sans vergogne la générosité de notre système ? Il faut combattre davantage ces pratiques qui fracturent notre pacte social et déséquilibrent nos comptes. Ce budget 2008 doit voir l'ouverture de ce chantier. Cela renforcera l'efficacité de cette loi de finances que je voterai avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Rodet – La discussion que nous avons eue sur les prélèvements obligatoires était fort instructive. Vous connaissez bien le monde anglo-saxon, Madame la ministre. Je me rappelle la souscription lancée il y a quelques années par la revue Jazz magazine pour venir en aide au percussionniste Sam Woodyard, qui crevait sur une paillasse à Harlem parce qu’il ne pouvait se payer sa dialyse rénale. Les prélèvements obligatoires sont bien moins élevés aux États-Unis que chez nous, mais les chefs d’entreprise français installés dans la ville de Caroline du Nord avec laquelle est jumelée Limoges ne m’ont parlé ni de l’ISF ni des 35 heures : ils m’ont parlé du coût de la scolarité ou d’une assurance maladie aux États-Unis !

À l’occasion de la coupe du monde de rugby, le journal Le Monde a analysé tous les pays qui participaient à la compétition. On salue généralement les performances de l’Irlande : taux de croissance de 4 % ; finances publiques équilibrées… Mais pour se faire admettre aux urgences, il faut 48 heures ; tous les élèves n’ont pu être scolarisés à la dernière rentrée ; et Galway, seconde ville du pays, a manqué d’eau potable pendant six mois ! Il y a certes des questions à résoudre en matière de prélèvements obligatoires, mais n’oublions pas l’essentiel !

Notre collègue Carrez, rapporteur général pour la sixième année consécutive, nous invite cette année à applaudir la rupture tranquille et à adorer ce qu’il a brûlé (Sourires).

M. le Rapporteur général – Vous ne m’avez pas écouté…

M. Alain Rodet – C’est Docteur Jekyll et Mister Hyde, le double maléfique ! Mais nous ne sommes pas dupes. Il est vrai, cependant, qu’il y a une continuité dans vos interventions et dans vos rapports : la stigmatisation de la dépense locale et des échelons locaux de responsabilité. C’est un peu navrant de la part du président du Comité des finances locales… Rappelons que les concours de l’État aux collectivités locales résultent d’abord des dispositions arrêtées il y a quatre décennies. Les relations financières entre l’État et les collectivités locales ne doivent relever ni de l’aumône, ni de la libéralité, mais d’une logique d’équité et de bon sens. Les investissements des collectivités locales représentent plus de 70 % des investissements civils. Entraver leur action, c’est anémier la croissance.

Vous voilà revenu au Gouvernement, Monsieur le ministre, après un premier passage dans l’équipe Raffarin, où vous étiez chargé de la réforme de l’État. Vous avez dû éprouver bien des frustrations puisqu’à peine arrivé à Bercy, vous engagez, flamberge au vent, la fusion de la DGI et de la DGCP. Depuis le retrait de la réforme de 2000, toutes les décisions prises avaient pourtant pour objectif premier de clarifier les missions de ces deux grandes administrations – fiscales et foncières pour la DGI, comptables et de service aux collectivités locales pour la DGCP. Les chevauchements entre les deux entités sont aujourd’hui rares ; ils ne sauraient justifier ce mariage forcé, d’autant que 80 % des contribuables sont satisfaits de ces deux réseaux. Pourquoi déstabiliser deux services publics efficaces ? Vous n’en appelez d’ailleurs pas cette fois-ci aux comparaisons internationales. : il n’existe en effet aucun pays moderne où l’administration de la dépense soit fusionnée avec celle de la recette. On voit d’ailleurs l’inquiétude que suscite l’évocation de « préfets financiers »…

Le véritable objectif de cette usine à gaz est de justifier les suppressions de postes dans ces deux administrations. Tout cela n’est guère raisonnable quand on sait que l’insuffisance de postes à la DGI empêche de procéder à suffisamment de contrôles fiscaux en Île-de-France… Vous auriez mieux fait de vous pencher sur le fonctionnement de la Direction du Trésor - qui aurait dû être beaucoup plus vigilante dans l’affaire EADS – ou de la Direction de la prévision – qui a produit des hypothèses de croissance totalement irréalistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Lionnel Luca – Ce budget de transition s'inscrit dans une évolution qui marque – insuffisamment mais nettement – une rupture. On y retrouve ainsi un certain nombre des mesures votées cet été pour redonner du pouvoir d’achat à tous les Français, en particulier aux plus modestes. Contrairement à ce qu'affirme l'opposition, le paquet fiscal n'est pas un cadeau aux riches – à moins que tous les Français ne le soient – mais bien à l'ensemble des Français.

L'exonération des heures supplémentaires est la mesure la plus spectaculaire et la plus efficace : elle donne immédiatement du pouvoir d'achat à tous ceux qui font déjà des heures supplémentaires, et va en donner à ceux qui pourront désormais en faire. La déduction des intérêts d'emprunts permettra aux plus modestes de réaliser leur rêve, celui de devenir propriétaire. La déduction fiscale profitera aux étudiants qui travaillent pour payer leurs études ou pour aider leur famille – évidemment les plus modestes. L’exonération des droits de succession pour le conjoint survivant est une mesure de justice, qui aurait dû être prise plus tôt. Le réajustement des barèmes pour les héritiers directs, enfin, permet de supprimer les droits de succession pour un certain nombre d'entre eux, mais pas autant que ce qui a été affirmé. Je réitère donc ma demande d'un bilan en la matière lors du prochain budget.

Ces mesures touchent tous les Français, et non seulement, comme l'a prétendu le président du groupe socialiste, « des héritiers et des rentiers ». Seules les mesures sur l'ISF peuvent concerner nos compatriotes les plus favorisés, encore que de plus en plus de Français des classes moyennes se trouvent frappés par cet impôt, du fait de l'augmentation considérable des prix de l'immobilier dans nombre de nos régions. Hélas, nous restons prisonniers de tabous idéologiques qui s'épanouissent sur l'ignorance économique et sur celle des réalités vécues par nos compatriotes. Partout dans le monde, cet impôt est supprimé, et il ne trouve plus guère de défenseurs. Le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol, Tomás Gómez, vient de déclarer que l’impôt sur la fortune « pénalise l’argent familial et affecte de manière constante les classes moyennes ». Tout est dit !

Le mode de déclaration de l'ISF n'est plus adapté à la réalité et crée une inégalité entre les Français selon l'endroit où ils possèdent leur bien. L’administration fiscale emploie trois méthodes, dont deux essentielles si l'on n’a pas de revenus: la méthode par comparaison, qui oblige à considérer la valeur du marché immobilier, et la méthode dite de réajustement d'une valeur antérieure, qui tient compte de l'inflation. Bizarrement, l'administration indique qu'on a le choix d'une méthode mais « généralement combinée ». Lorsque le contribuable privilégie la seconde, le fisc le contraint à employer également la méthode par comparaison, en s'appuyant sur une jurisprudence des années 1950 ! Or il existe désormais des « riches virtuels », qui ne sont riches que de la valeur fictive d'un bien, leurs revenus n'ayant pas suivi la spéculation immobilière. Il s’agit par exemple de retraités paysans qui ont travaillé dur toute leur vie mais ont réussi à garder leur patrimoine, et se retrouvent victimes de la rurbanisation, ou de ménages de la classe moyenne héritant d'un patrimoine familial leur faisant atteindre le seuil fatidique.

Ces phénomènes ne concernent pas tous les Français. Ils varient selon la géographie de la pression immobilière. L'égalité du citoyen devant l'impôt n'est donc plus assurée. L'ISF devient un second impôt foncier, à la cette différence près que pour les taxes foncières locales, on ne réévalue pas chaque année la valeur des biens immobiliers en fonction du marché.

Je souhaite donc – et c'est le sens de l’amendement que j'ai déposé, mais qui a été repoussé par la commission – que la déclaration de l'ISF retienne comme mode de calcul la seule méthode de réajustement d'une valeur antérieure, c'est à dire le prix du bien lors de son acquisition, rectifié de l'inflation, sur la base de l'actualisation du barème des rentes.

M. Louis Giscard d'Estaing – C’est logique !

M. Lionnel Luca – Ainsi, seuls les détenteurs de biens importants seront concernés par l’ISF. En seront exclus tous ceux qui sont victimes de l’effet d'aubaine dont profite indûment l’État. Si vous acceptez, Monsieur le ministre, de le faire étudier dans le cadre de la lettre de mission que vous a transmise le Président, vous donnerez sens à la politique de rupture sur laquelle Nicolas Sarkozy a été élu, et nous avec lui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Nayrou – Ce budget est un budget de cigale – laquelle se trouva fort dépourvue quand l’automne fut venu –, budget cynique qui portera préjudice à des millions de foyers modestes et à des centaines de collectivités, cinq mois après la victoire du candidat de la « rupture » et trois mois après que le Gouvernement a jeté des centaines de millions d’euros par les fenêtres donnant sur les somptueux jardins des villas de ses meilleurs amis (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cela nous rappelle la « fracture sociale » de 1995, dont les cadeaux se voulaient des pseudo-leviers pour doper la croissance, laquelle rima avec indécence. Le convoi funèbre des indicateurs de la Nation : dette, déficit budgétaire, trou de la Sécu, entame largement les 5 « C » – consommation, croissance, confiance, comptes sociaux et chômage.

Ce budget est aussi celui de la fourmi, dont le travail a succédé au chant de la cigale. Ce travail suffira-t-il à redonner du punch à notre économie ? Toujours est-il qu’il sera à même d’éroder les capacités financières des collectivités et que des millions de contribuables seront appelés à rembourser les libéralités estivales consenties à 200 000 bénéficiaires. La fourmi s’affaire dans les tiroirs où sont rangés quelques menus avantages, qui apparaissent disproportionnés aux yeux des collectivités et des citoyens défavorisés.

Prenons l’exemple de l’Ariège, dont vous avez admiré les paysages, Monsieur le ministre, lors d’un tour de France ; département présidé par Augustin Bonrepaux – dont je souhaiterais avoir la persévérance, à défaut de la compétence et de la véhémence (Sourires). Ce département dit « stop ! » à votre politique budgétaire indigne : avec le remplacement du contrat de croissance par le contrat de stabilité, les dotations de l’État sont vouées à stagner, tout comme les nouvelles dotations issues des lois de décentralisation.

En outre, ce département perdra 300 000 euros en 2008, puisque vous avez sournoisement intégré dans le calcul des dotations d’État la taxe sur le foncier non bâti comme variable d’ajustement du pacte de stabilité.

M. le Rapporteur général – Nous allons le supprimer !

M. Henri Nayrou – Cet amendement profite aux communes rurales, pas aux départements ! Caillou supplémentaire dans le sac à dos de ces montagnards, la réforme de la taxe professionnelle entraînera une perte de 900 000 euros, soit 1,5 % du produit fiscal et 3 % de la fiscalité des ménages.

Enfin, l’article 12 du PLFSS propose de supprimer le dispositif d’exonération de charges sociales institué au profit des organismes d’intérêt général ayant leur siège en zone de revitalisation rurale, au motif qu’il n’incite pas suffisamment à la création d’emplois.

M. Michel Vergnier – C’est un scandale !

M. Henri Nayrou – En vérité, c’est la fourmi qui se propose là d’économiser quatre sous, pour compenser la grande distribution de l’été. Or cette exonération a bénéficié à de nombreuses associations du secteur médico-social et a permis la création de nombreux emplois directs et indirects, à l’exemple du centre hospitalier de Saint-Girons, qui perdrait ainsi 1 % de son budget annuel de fonctionnement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC). Pourquoi ne pas procéder à l’évaluation de ce dispositif, prévue par la loi en 2009 au plus tard ? Pourquoi le supprimer sans sommation et sans période transitoire ? Quel cas faut-il faire de la parole de l’État ?

Cette digression sur le PLFSS ne nous a guère éloignés du débat sur la loi de finances. Dans les deux cas, vous faites la chasse au moindre euro, au risque d’accentuer encore la désertification des zones rurales – dont vous prétendez être les défenseurs. Aux abois, vous êtes prêts à tout pour récupérer les milliards d’euros offerts aux cigales de l’été. Moralité : les fourmis font parfois du mauvais travail ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC)

M. Alain Joyandet – De crainte de répéter les propos pertinents et exhaustifs de mes collègues de la majorité, je me contenterai d’appeler votre attention sur deux points.

S’agissant de la suppression des 22 500 postes de la fonction publique, j’estime nécessaire d’y procéder là où ils sont vraiment en trop, et de ne pas céder à la facilité qui consiste à réduire les moyens sur le terrain. Entre 1997 et 2002, alors que les agences régionales de l’hospitalisation étaient mises en place dans toute la France, j’ai pu constater, par un effet inverse à la déconcentration, une hausse de 16 % des effectifs à la direction générale de la santé ! Cet exemple montre bien que la machine à créer de l’emploi public continue de fonctionner : eh bien, c’est là qu’il faut supprimer les postes, non pas sur le terrain !

M. Henri Nayrou – Il a raison !

M. Alain Joyandet – Je suis heureux que mon co-rapporteur spécial sur l’emploi, Frédéric Lefebvre, ait parlé tout à l’heure du contrôle de l’action publique, car celui-ci nous permettra de vérifier que ces réformes sont justes, et par conséquent, soutenues par nos concitoyens.

M. Lionnel Luca – Bien dit !

M. Alain Joyandet – Nous devons aussi veiller à marcher sur nos deux pieds, l’emploi marchand et l’emploi non marchand. Nous sommes en ce moment confrontés à un problème sur le terrain : les collectivités – et notamment les conseils généraux – ne veulent plus renouveler les contrats d’avenir, préférant continuer de prendre en charge les érémistes, dont les allocations sont compensées par l’État. De ce fait, nous n’aidons plus ceux qui veulent s’en sortir.

Ce budget est un bon budget : il est le reflet de ce qui a été dit avant les élections et réalisé depuis. Comme le disait Clemenceau : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire. Et quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 17 octobre, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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