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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 17 octobre 2007

1ère séance
Séance de 15 heures
12ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

POLITIQUE FISCALE

M. Patrick Roy – Madame la ministre de l’économie, mon collègue Christian Bataille vous a posé hier une question très précise, à laquelle vous n’avez pas voulu répondre. Cette question portait sur les cadeaux fiscaux somptueux et pharaoniques que votre gouvernement offre à quelques-uns, et qui sont encore plus indécents en cette journée de lutte contre la misère (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Une misère qui explose depuis cinq ans ! Les travailleurs et retraités pauvres sont millions. Des retraités sont aujourd’hui contraints de fréquenter les Restaurants du cœur ! Ils subiront en outre de plein fouet la nouvelle taxe médicale, que vous préférez, sans doute par pudeur, appeler franchise ! (Même mouvement)

Comment ce Gouvernement peut-il, d’un côté, faire de grands coups médiatiques, de grandes déclarations élyséennes et, de l’autre, offrir de tels cadeaux à ceux qui ont déjà beaucoup ? (Même mouvement) Scandaleuse hypocrisie ! Vous ne voulez pas en parler, mais vous ne pouvez pas nous faire taire ! Je vous reposerai donc la question de mon collègue.

Il vous a interrogé sur les spectaculaires baisses d’impôts consenties pour quelques-uns, en conséquence de ce que vous appelez le bouclier fiscal. Dans le Nord-Pas-de-Calais, où vivent quatre millions de personnes, il révélait que 111 contribuables avaient reçu chacun – en moyenne – un chèque d’environ cent mille euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC). Allez-vous reprendre ces cadeaux injustes et scandaleux, pour les rendre à ceux qui en ont réellement besoin ? (Même mouvement ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR)

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – L’impôt sur le revenu a baissé pour tous ! (Dénégations et vices exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Et la prime pour l’emploi a augmenté pour ceux qui ne le paient pas.

L’impôt a baissé de 8 % pour l’ensemble des contribuables, avec un plafond de 300 euros (Même mouvement). Ces sept milliards de réduction sont répartis sur des centaines de milliers de Français. À revenu égal, tous les contribuables ont vu leur impôt baisser. (Même mouvement) Vous pouvez bien dire « non », mais c’est la réalité ! Et vous avez votre réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

MOUVEMENT SOCIAL

M. Maxime Gremetz – Monsieur le Premier ministre, je tiens à exprimer notre total soutien aux salariés qui défendent leurs retraites contre la politique de régression sociale de votre Gouvernement. Du reste, 54 % des Français soutiennent le mouvement social (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du NC).

Vous souhaitez réformer les régimes spéciaux, avant de vous attaquer au régime général, début 2008. Avec le MEDEF, vous martelez que la seule voie pour sauver les retraites par répartition, c’est d’allonger la durée de cotisation. Or, cela se pratique depuis quinze ans, avec les résultats que l’on connaît ! Il s’agit donc d’un argument mensonger, qui n’a fait que réduire les taux de pension.

Les salariés veulent un droit au départ à la retraite à soixante ans, un système de départ anticipé pour travaux pénibles ou contraintes de service public, un taux de remplacement de 75 % pour tous, avec un minimum équivalent au SMIC. Depuis des années, alors que vous faites des cadeaux royaux au grand capital (Même mouvement), vous refusez d’introduire dans l’assiette des cotisations tous les éléments de rémunération. Vous refusez de réformer la cotisation employeurs en élargissant son assiette aux revenus financiers et en instituant une modulation pour favoriser l’emploi.

Resterez-vous sourds à la voix des salariés et de la majorité de la population ? N’entendrez-vous que le MEDEF ? Certains l’ont fait ; ils l’on payé très cher ! (Même mouvement ; applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Xavier Bertrand, Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Quel dommage que vous n’ayez pas eu davantage de temps de parole ! Je n’ai pas entendu en effet vos propositions pour l’avenir de nos régimes de retraite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe GDR). Si nous voulons assurer cet avenir, il faut engager des réformes ; car si nous ne faisons rien, nous verrons disparaître notre modèle social.

M. Maxime Gremetz – Arrêtez !

M. le Ministre – Ainsi, les régimes spéciaux concernent plus d’un million de retraités pour 500 000 actifs seulement : comment financer leurs retraites ?

M. Maxime Gremetz – Ne prenez pas les gens pour des imbéciles !

M. le Ministre – Eux le savent bien : cette réforme est indispensable. S’ils font une carrière complète, ces agents auront droit à une retraite complète ; ce n’était pas le cas jusqu’ici ! Vous savez bien qu’à la SNCF, à EDF et dans d’autres entreprises, il est impossible de travailler au-delà de 55 ans même lorsqu’on le souhaite ! Grâce à notre réforme, cela sera possible ! Tous les Français seront désormais égaux devant la durée de cotisation. Certains parlent de justice sociale ; nous, nous la renforçons ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

OUVERTURE À LA CONCURRENCE DES PARIS HIPPIQUES

M. Michel Hunault – J’associe MM. Sauvadet, Lachaud et Myard à cette question qui concerne de nombreuses régions. La Cour de justice des communautés européennes considère que le monopole des paris hippiques accordé en France au PMU entrave la libre prestation des services. La Commission européenne a ensuite demandé à la France, par avis motivé, d’y mettre fin. La filière hippique et ses soixante mille emplois dépendent pourtant directement du prélèvement sur les paris. Dès lors, on ne peut ramener les courses hippiques à des compétitions sportives ordinaires. Toute la filière, de l’élevage à la compétition, est aujourd’hui menacée. En outre, il faut sécuriser l’ouverture des paris en ligne pour éviter les risques de blanchiment, et compléter la loi de 1996 en transposant la troisième directive.

Monsieur le ministre, je connais votre implication dans ce dossier, vous qui êtes député-maire de Chantilly (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Le Gouvernement peut-il s’engager à protéger un secteur économique de cette importance ?

M. le Président – Vous êtes député de la nation, cher collègue, comme M. Woerth est ministre de la République !

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – La France peut s’enorgueillir de son système de jeux, et notamment de sa filière hippique, à laquelle chacun ici est très attaché. Elle représente plus de 62 000 emplois. Tout jeu d’argent implique des risques de blanchiment, de fraude, mais aussi d’addiction – notamment pour les mineurs. La protection contre ces risques n’est pas négociable. Non, notre modèle français n’est pas incompatible avec le droit européen. Le 6 novembre prochain, M. Jouyet et moi-même aborderons le sujet avec le commissaire européen en charge du marché intérieur, mais nous ne transigerons sur aucun principe, du volume de l’offre à la nature des jeux et à l’égalité fiscale entre les opérateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TRAITÉ EUROPÉEN SIMPLIFIÉ

M. Pierre Lequiller – À l’initiative de M. Sarkozy et de Mme Merkel, l’Europe s’est remise en mouvement lors du Conseil européen de juin dernier. Le traité simplifié proposé par le Président de la République a reçu l’aval de tous nos partenaires, qui attendent beaucoup de la France, comme a pu le vérifier notre délégation pour l’Union européenne. Un accord aura-t-il lieu demain sur ce traité ? Sera-t-il compliqué par la position italienne sur la composition du Parlement européen ? Et s’il est signé, la France sera-t-elle le premier pays à le ratifier, déclenchant ainsi une dynamique à travers l’Union ? Un tel accord serait historique, car il remettrait l’Europe en marche après deux ans de blocage. Il ne faudra pas néanmoins s’arrêter là : la présidence française devra poursuivre sur cette lancée, avant les élections européennes de 2009. L’UMP a fait de l’Europe un thème majeur de ses journées parlementaires. Elle soutiendra sans réserve une politique de relance européenne : il y va de la place de la France en Europe, et de celle de l’Europe dans le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Pajon – Ce n’est pas une question, mais une déclaration d’intention !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des affaires européennes – L’initiative décisive du Président de la République sur le traité simplifié – avec l’appui de la présidence allemande – permettra à l’Europe de progresser tout en évitant les écueils du traité constitutionnel. Ce nouveau traité comporte un protocole sur les services publics et une référence contraignante à la Charte des droits fondamentaux, et ne fait pas de la concurrence la finalité ultime de l’Union. La conférence intergouvernementale, dont le mandat était précis, a très bien travaillé.

M. Albert Facon – Que c’est laborieux !

M. le Secrétaire d'État – À la lumière de ces débats, j’ai bon espoir qu’un projet de traité voie le jour lors de la réunion des chefs d’État et de gouvernement à Lisbonne, en fin de semaine.

S’agissant de la composition du Parlement européen, nous pourrons peut-être approuver la proposition que ce dernier a adoptée, mais le Conseil peut aussi se donner plus de temps pour l’examiner. Enfin, le Président de la République et le Premier ministre souhaitent que la ratification ait lieu dans les plus brefs délais.

M. Pierre Lellouche – Très bien !

M. le Secrétaire d'État – Aussi, dès que le Conseil constitutionnel aura validé la révision constitutionnelle, le projet de loi de ratification vous sera présenté au plus vite, si possible au début de l’année 2008.

La France serait ainsi l’un des premiers États membres, sinon le premier, à apporter la preuve que l’Europe sort enfin de l’impasse institutionnelle pour la première fois depuis quinze ans, et va pouvoir se consacrer aux préoccupations concrètes de nos concitoyens.

Cette ratification doit être notre priorité à tous, avant que notre pays ne prenne la présidence de l’Union au second semestre 2008, et conforte la relance politique de l’Union (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

NOUVELLE-CALÉDONIE

M. Jean-Claude Fruteau – Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Alors que nous allons célébrer en 2008 le vingtième anniversaire des accords de Matignon signés sous le gouvernement de Michel Rocard, et le dixième anniversaire des accords de Nouméa conclus sous celui de Lionel Jospin – accords qui ont restauré la paix civile et le fonctionnement normal des institutions en Nouvelle-Calédonie –, des incidents graves ont émaillé la récente visite dans ce territoire du secrétaire d’État à l’outre-mer, provoquant la démission du Haut commissaire de la République qui entendait ainsi manifester sa protestation.

Plus grave : les déclarations brutales de M. Estrosi, martelant que « l’avenir de la Nouvelle-Calédonie est dans la France » ouvrent une crise politique aux conséquences incalculables. Ces propos, très contestés y compris, semble-t-il, au sein du Gouvernement, sont d’autant plus irresponsables que la question de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie sera tranchée par les peuples eux-mêmes lors du référendum d’autodétermination qui doit avoir lieu au plus tard dans onze ans (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Monsieur le Premier ministre, je vous demande donc solennellement de dire devant la représentation nationale si le Gouvernement reprend à son compte les propos du secrétaire d’État à l’outre-mer et approuve son attitude – ce qui reviendrait à renier les engagements antérieurs de l’État –, ou s’il respectera la lettre et l’esprit des accords de Nouméa. Dans ce cas, quelles mesures comptez-vous prendre pour restaurer la confiance et substituer à l’arrogance et à la brutalité le respect auquel ont droit les peuples d’outre-mer ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Fillon, Premier ministre  Le préfet Michel Mathieu a donné sa démission. Il sera remplacé lors du prochain Conseil des ministres.

Quant à la politique que le Gouvernement entend conduire en Nouvelle-Calédonie, et que le Président de la République a lui-même rappelée aux habitants du territoire, elle s’inscrit dans le strict respect des accords de Nouméa. Nous croyons à une démarche politique fondée sur le consensus, le respect des engagements pris ainsi que de la volonté des Calédoniens de vivre ensemble.

Dans cet esprit, je réunirai moi-même à Matignon, avant la fin de l’année, le comité des signataires des accords de Nouméa. Cette réunion permettra de réaffirmer la volonté de l’ensemble du Gouvernement d’être le garant du respect loyal des accords passés. Elle sera aussi l’occasion de marquer la volonté de la République d’aider au développement économique de la Nouvelle-Calédonie. Je me réjouis, à cet égard, de l’annonce, confirmée aujourd’hui même par la société Xstrata, qu’une usine d’exploitation de nickel sera bien construite dans la province Nord, pour un investissement de plus de trois milliards d’euros.

Je suis convaincu que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie réside dans le respect réciproque de toute les sensibilités, dans le travail en commun pour la paix et la prospérité des Néo-Calédoniens, et cela dans le cadre des échéances prévues par la loi constitutionnelle qui s’impose à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Mme Marie-Jo Zimmermann – Monsieur le Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, je sais que vous devez quitter notre hémicycle pour être aux côtés du Président de la République lorsqu’il prononcera son discours devant le Conseil économique et social. Je souhaiterais auparavant appeler votre attention sur un problème qui me tient particulièrement à cœur. À l’occasion de la Journée mondiale de refus de la misère, vous avez présenté ce matin en Conseil des ministres une communication confirmant l’engagement pris par le Président de la République de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans dans notre pays.

Plus de sept millions de personnes vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté, et il est urgent d’agir, afin d’apporter une réponse à ceux de nos compatriotes qui, déjà fragilisés par la vie, se heurtent à la difficulté de retrouver un emploi et dépendent des minima sociaux. Nous avions eu l’occasion, sous la précédente législature, d’évoquer ces problèmes avec vous lors de votre audition par la Délégation aux droits des femmes.

Le Gouvernement s’est engagé résolument dans la lutte contre la pauvreté, et nous devons tous nous féliciter de la refondation de notre modèle social. En effet, notre société doit permettre à chacun de vivre dignement et s’épanouir.

Plusieurs députés du groupe SRC – Paroles, paroles !

Mme Marie-Jo Zimmermann – C’est la première fois qu’un gouvernement prend de tels engagements, et nous sommes prêts à le soutenir.

Merci, Monsieur le Haut commissaire, de nous éclairer sur la portée de ces objectifs, les personnes et les institutions qu’ils concernent, les négociations engagées avec les différents partenaires et, surtout, les moyens que vous allez mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté – En cette Journée mondiale de refus de la misère, le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, a en effet pris ce matin l’engagement de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans dans notre pays. C’est la première fois qu’un tel engagement est pris (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Cela faisait des années que nous nous battions pour imposer une obligation de résultat dans la lutte contre la pauvreté. Pour réussir, il faut à la fois définir une stratégie d’ensemble, mener des actions concrètes et assurer un suivi.

Sur le premier point, nous avons décidé ce matin de passer l’ensemble des politiques publiques – sociale, fiscale, environnementale – au crible de la lutte contre la pauvreté (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). S’agissant des mesures concrètes, nous nous efforçons dans les départements – de droite comme de gauche –, d’associer, comme le demandent les associations, les personnes concernées au premier chef – allocataires du RMI, chômeurs –, et l’ensemble des partenaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Au lieu de faire de grandes proclamations et d’élaborer une grande loi, pour s’apercevoir quelques années plus tard que les moyens nécessaires n’ont pas suivi et que tout cela a échoué, nous partons du terrain, nous montons des actions sur le plan local et, une fois appréciés leurs résultats, nous les étendons. Et croyez-le, comme le Président de la République l’a assuré, nous mettrons le paquet pour que les expérimentations locales, si elles marchent, soient généralisées. Nous serons bien au rendez-vous (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, vous m’interrogez sur les moyens : ce matin en Conseil des ministres, et pour la première fois, nous nous sommes engagés à revenir chaque année devant le Parlement dire où nous en sommes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Vous pourrez donc juger si les choses avancent ou non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

PLF 2008

M. Gilles Carrez – Au cours de ces dernières années, notre majorité a su redresser progressivement les comptes de l’État (Vives exclamations indignées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je rappelle, chers collègues, qu’en 2002, le déficit dont nous avons hérité du gouvernement Jospin s’élevait à 50 milliards (Même mouvement).

M. le Président – Je vous prie d’écouter la question.

M. Gilles Carrez – Les socialistes ont toujours été fâchés avec les chiffres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Ce déficit, nous avons réussi à le ramener à 36 milliards en 2006, et il sera stable en 2007. Comment avons-nous obtenu ces résultats remarquables ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

D’abord en nous imposant une règle en matière de dépenses : l’État s’interdit de les augmenter d’une année sur l’autre. C’est ce que l’on appelle la maîtrise de la dépense ; par exemple, nous ne remplaçons pas une partie des fonctionnaires qui partent à la retraite (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Ensuite, en respectant un deuxième règle qui concerne les recettes : nous faisons chaque année des prévisions prudentes, et lorsqu’il y a un surplus, au lieu de le dilapider comme l’ont fait les socialistes avec la « cagnotte » et les trente-cinq heures (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, dont quelques membres brandissent un carton rouge), nous l’affectons à la baisse du déficit et au désendettement.

Monsieur le ministre du budget et des comptes publics, le projet que vous nous présentez pour 2008 s’appuie sur ces deux règles de bonne conduite budgétaire : la dépense n’augmentera pas plus vite que l’inflation, et les prévisions de recettes sont à la fois prudentes et réalistes. Ce budget sincère a pour but d’améliorer le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises, et de créer des emplois, en particulier grâce à l’exonération des heures supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Si, comme nous en sommes tous convaincus, la croissance est supérieure en 2008 à la prévision (Même mouvement), prenez-vous l’engagement d’affecter la totalité – je dis bien la totalité – du surplus de recettes à la baisse du déficit et au désendettement, lequel est non seulement un impératif économique mais aussi un devoir moral à l’égard de nos enfants et petits-enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le projet de budget que Christine Lagarde et moi avons présenté hier est caractérisé par un investissement massif dans les dépenses d’avenir, en faveur de la croissance et du pouvoir d’achat. En même temps, il poursuit sans faiblir le redressement de nos finances publiques.

Ce redressement repose sur les règles de bonne gestion que vous avez rappelées : des recettes estimées de façon prudente et un effort accru dans la maîtrise des dépenses publiques, c’est-à-dire pour dépenser moins mais mieux, en améliorant la qualité du service public.

Oui, Monsieur le rapporteur général du budget, je prends devant vous l’engagement que si les recettes sont supérieures aux prévisions, nous consacrerons le supplément au désendettement de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) : c’est ce qu’on appelle une gestion responsable des finances publiques (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

En la matière, Mesdames et Messieurs du parti socialiste, vous avez vraiment la mémoire très courte (Plusieurs députés du groupe SRC scandent « Cinq ans ! » jusqu’à la fin de la réponse). Le dernier budget socialiste, celui de 2002, était tronqué : l’hypothèse de croissance était de 2,5 %, alors que celle-ci n’a été que de 1,1 %, et les dépenses non financées atteignaient 5 milliards ; le déficit, fixé à 30 milliards dans la loi de finances, s’est élevé finalement à 50 milliards – avec, pour l’ensemble des comptes publics, un taux de déficit de 3,2 % au lieu des 1,4 % annoncés ! Voilà la réalité de votre gestion. Non, décidément, vous n’êtes pas qualifiés pour nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RETRAITES

Mme Martine Lignières-Cassou – En cette journée mondiale du refus de la misère, je voudrais parler d’une nouvelle forme de pauvreté, celle qui touche les personnes âgées. Un million de retraités vivent en effet en dessous du seuil de pauvreté. Une grande majorité sont des femmes, et celles-ci représentent plus de 60 % des bénéficiaires du minimum vieillesse. Elles touchent en moyenne une retraite inférieure de 600 euros par mois à celle des hommes.

Monsieur le ministre du travail et de la solidarité, vous avez affirmé hier que la réforme de 2003 garantit le pouvoir d'achat des retraités ; mais qui peut le croire ? Nous recevons tous dans nos permanences des retraités confrontés à la hausse des dépenses de santé, à celle des cotisations des complémentaires santé, des dépenses d'énergie, des dépenses alimentaires, des charges de maintien à domicile ou d'hébergement en établissement.

En réalité, loin d'avoir garanti le pouvoir d'achat des retraités, cette réforme a aggravé les conditions de vie de nombre d'entre eux, à commencer par les veuves. Vous parlez souvent de l'augmentation du taux de la pension de réversion, mais c'est vous qui avez aggravé la situation de nombre de veuves en transformant cette pension, qui était un droit, en une simple allocation différentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Et ce n'est pas l'alignement à marche forcée des régimes spéciaux de retraites qui permettra de revaloriser les petites pensions…

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation du pouvoir d'achat des retraités de 1,1 % en 2008. Or l'inflation sera au minimum de 1,6 %. Quels efforts concrets allez-vous faire pour revaloriser les retraites, à commencer par les plus faibles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – M. Jean-Pierre Soisson m’interrogeait hier sur le même sujet, je vais donc vous répéter ma réponse (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). N’oubliez pas non plus la loi de 2003 : alors que le maintien du pouvoir d’achat n’avait jamais été garanti aux retraités dans le passé, il l’est aujourd’hui.

Pourquoi ne dites-vous pas que l’augmentation des pensions a été, l’an dernier, supérieure à l’inflation ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Pourquoi ne dites-vous pas que ce n’est pas seulement le Gouvernement, mais aussi les partenaires sociaux, qui auront la tâche de vérifier que le pouvoir d’achat est préservé, et que si tel n’est pas le cas, nous augmenterons les pensions ?

Plusieurs députés du groupe SRC – Quand le ferez-vous ?

M. le Ministre – Lors du rendez-vous sur les retraites, qui aura lieu avant la fin du premier semestre 2008. Nous veillerons à ce que le compte y soit.

Enfin, pourquoi ne dites-vous pas que nous avons trouvé une solution, à la fin de l’année 2004, pour qu’aucune veuve ne perde de pouvoir d’achat ?

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est faux !

M. le Ministre – Renseignez-vous auprès de la fédération des veuves, la FAVEC !

Contrairement à vous, nous ne nous contenterons pas de simples mots (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : nous augmenterons le minimum vieillesse avant la fin du premier semestre 2008, de même que le taux de la pension de réversion, comme s’y était engagé le Président de la République (Même mouvement). Voilà ce que nous ferons, et chacun verra si vous avez le courage voter ces mesures avec nous.

Au bout d’un certain temps, les grands discours, cela suffit ! Les Français attendent des responsables politiques qu’ils passent enfin aux travaux pratiques ! (Même mouvement) Sortez donc des grands discours et confrontez-vous à la réalité ! Oui, nous engageons l’ensemble des réformes, en particulier celle des retraites. Ceux qui s’y sont déjà attelés, en 1993 et en 2003, appartenaient déjà à cette majorité ; de votre côté, vous n’avez rien fait, car ce qui vous manque, c’est le courage politique ! (Vifs applaudissements sur bancs du groupe UMP et du groupe NC)

SERVICE MINIMUM

M. Yanick Paternotte – Ma question s'adresse au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. En août dernier, nous avons adopté le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, texte qui entrera en vigueur le 1er janvier 2008.

Cette loi a pour objectif de protéger les plus faibles, qui n'ont pas toujours une voiture, mais qui ont le droit au service minimum, le droit à une l'information préalable et gratuite, le droit au travail, le droit de circuler librement, c’est-à-dire un droit au respect.

Une grève très dure est annoncée pour demain en France, et particulièrement en Île-de-France (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR). Dans le Val-d'Oise, les réseaux Nord et St-Lazare devraient être très affectés, si bien que les salariés et les étudiants seront, une fois encore, pris en otage.

Plusieurs députés SRC – À qui la faute ?

M. Yanick Paternotte – Cerise sur le gâteau, le syndicat Sud-RAIL propose déjà de prolonger le mouvement, le vendredi 19 !

Ma question est la suivante : la loi adoptée cet été demande que le service minimum soit organisé avant le 1er janvier 2008 par la voie du dialogue social dans les entreprises de transport de passagers. Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations ? Où en sont les collectivités locales, notamment la région Île-de-France dans leurs négociations avec les entreprises de transport de passagers ? Il doit en résulter des plans de continuité du service public, qui établiront notamment un service ferroviaire garanti aux heures de pointe, très attendu des populations concernées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Je sais, Monsieur le député, combien vous avez pris à cœur ce texte relatif au service minimum. On en parlait depuis bien longtemps, et cela deviendra enfin une réalité à compter du 1er janvier 2008. Pourquoi cette date ? C’est que nous avons souhaité une négociation préalable dans les branches concernées et dans les collectivités locales : comment définir l’alarme sociale, comment se mettre autour de la table pour trouver une solution quand une grève menace, et surtout quel est le service minimum auquel les usagers ont droit quand le dialogue a échoué ?

Les négociations sont engagées ; elles progressent normalement dans certaines branches, mais pas assez à mon goût dans d’autres. Si les uns et les autres ne sont pas au rendez-vous le 31 décembre, le Gouvernement prendra ses responsabilités en recourant à des décrets. Il est hors de question de dire aux Français que nous avons essayé pour rien. Nous sommes ici pour assumer nos responsabilités et appliquer des textes attendus depuis longtemps.

S’agissant des évènements de demain, une grève n’est jamais une bonne nouvelle pour les usagers (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) : certains éprouveront en effet les plus grandes difficultés à se rendre au travail, les autres à conduire leurs enfants à l’école, même si j’entends bien l’inquiétude de celles et ceux qui font grève. À la demande du Premier ministre, j’ai voulu, en compagnie de Dominique Bussereau, qu’un effort d’information sans précédent soit organisé – par voie de presse, par l’intermédiaire de services locaux, par internet et dans les gares. Même si le service minimum ne doit s’appliquer qu’à compter du 1er janvier, nous avons dès maintenant le devoir de respecter l’usager quand il y a des perturbations. Nous avons voulu que les autorités organisatrices des transports et aux entreprises publiques adoptent dès à présent cette logique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SIMPLIFICATION DU PERMIS DE CONSTRUIRE

M. Charles-Ange Ginesy – Ma question s'adresse à Monsieur Borloo. Une réforme du permis de construire et des autres autorisations d'urbanisme est entrée en vigueur le 1er octobre dernier. Cette réforme, qui concerne 600 000 permis de construire et 1 400 000 autorisations d'urbanisme par an, apporte à nos concitoyens, jusqu’à présent confrontés à des régimes de déclaration et d’autorisation complexes et multiples, des garanties en matière de délais d’instruction des dossiers, mais aussi de sécurité juridique.

Je salue les efforts de concertation accomplis sur le terrain par les fonctionnaires de l'État, en relation avec les élus et les professionnels, mais il reste encore de réelles difficultés d'application à régler.

M. Michel Bouvard – Très juste !

M. Charles-Ange Ginesy – Malgré l’organisation de nombreuses réunions d'information dans nos bourgs-centres, certaines questions demeurent sans réponse. Pour avoir récemment assisté à l’assemblée générale des maires ruraux des Alpes-maritimes, je peux témoigner que de nombreuses inquiétudes persistent.

Tout d’abord, la nouvelle réglementation ne permet plus de contrôler la destination des locaux à construire, ce qui pose de sérieux problèmes aux maires en charge des communes touristiques, toujours à la recherche d'un équilibre entre l'accession locale à la propriété et la construction de lits destinés au marché touristique. Cette loi prive également les maires des petites et moyennes communes de l'assistance technique dont ils ont besoin pour l'instruction des dossiers. En effet, nous connaissons tous l’importance de la gestion du patrimoine foncier, et celle de la qualité des constructions immobilières – le Grenelle de l'environnement en a été la preuve… J’ajoute enfin qu’il n’y aura plus d’assistance contentieuse en dépit de la multiplication des conflits.

J’aimerais donc savoir si des mesures sont prévues pour apaiser les craintes des responsables de nos communes. Êtes-vous prêt, Monsieur le ministre, à les aider dans leur lourd travail quotidien ? (Applaudissements sur les bancs UMP et plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – Cette loi s’inscrit dans un ensemble de réformes qui a permis de passer de 277 000 mises en chantier par an, voilà cinq ans, à 480 000 cette année et 577 000 permis de construire déposés.

Cette réforme a tout d’abord permis d’accélérer les délais d’instruction, en supprimant les demandes de documents qui allongeaient indéfiniment les procédures. Elle a transféré la responsabilité au pétitionnaire : les communes auront essentiellement à vérifier la conformité aux règles d’urbanisme. Elle a enfin largement simplifié la procédure, en passant de seize types d’autorisation de permis ou de travaux à quatre.

En ce qui concerne les petites communes, notre position est claire : l’État doit une assistance technique, d’instruction ou de contentieux, totale et gratuite aux communes de moins de dix mille habitants. Les DDE sont en train de rencontrer les maires concernés pour savoir de quelle prestation ils ont besoin, totale ou partielle : c’est la commune qui choisit. Enfin, un comité de pilotage a été mis au point avec l’Association des maires de France pour vérifier la bonne application de ce dispositif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

Mme Michèle Delaunay – Le ministre de l’emploi vient de nous inviter à voter prochainement une augmentation des retraites. Quant à nous, nous l’invitons à voter dès demain notre amendement visant à augmenter de 5 % les petites pensions (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

L’annonce faite hier, à Bordeaux, par le Président de la République, de la suspension des mesures « désincitatives » qui étaient prévues, dont en particulier la modulation du conventionnement des médecins selon leur lieu d’installation, a rendu de fait nuls et non avenus les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatifs à la démographie médicale. La commission des affaires sociales a donc voté leur retrait hier soir, mais ils ont été réintroduits ce matin. La confusion s'est installée, tandis que le problème des déserts médicaux reste posé. Il est des cantons ruraux qui n’ont qu’un médecin, âgé et qui va cesser son activité sans être remplacé. Il est des communes où le temps d'attente pour un rendez-vous en gynécologie équivaut à celui de la grossesse ! Je vois tous les jours des patients prendre un taxi médical pour consulter à l'hôpital car ils n’ont aucun spécialiste à proximité, tandis qu’on nous parle de faire des économies et de recentrer l’hôpital sur ses fonctions.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

Mme Michèle Delaunay – L'égalité d'accès et la permanence des soins ne sont plus garantis dans notre pays (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). C’est un problème grave de santé publique. Dans ce domaine, le Gouvernement a une obligation de résultat.

Plusieurs députés du groupe UMP – La question !

Mme Michèle Delaunay – Qu’entend faire le Gouvernement – pas demain, pas après-demain, mais aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Nous sommes au moins d’accord sur le fait que les problèmes de démographie médicale deviennent cruciaux, dans les zones rurales certes, mais aussi urbaines. Nous avons déjà pris des mesures, telles que l’augmentation du numerus clausus des étudiants en médecine, l’augmentation de l’ONDAM de 3,2 % pour la médecine – tant de ville qu’hospitalière –, ou l’installation de maisons médicales de garde. Mais il faut passer à la vitesse supérieure.

La question de la démographie médicale a été très justement abordée par le Président de la République hier, notamment en ce qui concerne les conditions d’installation des jeunes médecins. Il va de soi que ceux-ci sont pleinement associés au processus de réforme, tandis que, de notre côté, nous rappelons notre attachement au caractère libéral de la médecine. C’est l’article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui fixe le cadre de la négociation conventionnelle. Parallèlement, les jeunes médecins participeront aux états généraux de la démographie médicale et disposeront d’une voix délibérative – et non seulement consultative –, dans l’établissement des règles qui seront décidées. Enfin, s’il faut aboutir à des mesures désincitatives, elles ne concerneront pas les générations qui sont en cours d’études. Le principal syndicat de médecins a estimé que ces propositions faites par le Président de la République étaient de nature à rassurer les médecins et les jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

M. Éric Ciotti – Le Président de la République a confié le 11 octobre au ministre du budget une mission de coordination intergouvernementale pour lutter contre tous les types de fraude sociale et fiscale, qui se multiplient : faux Rmistes, escroquerie à l'assurance maladie, faux chômeurs, travail au noir…

Plusieurs députés du groupe SRC – Lagardère, UIMM…

M. Éric Ciotti – Ces fraudes ont un coût économique considérable, que le Conseil des prélèvements obligatoires estime à 60 milliards, mais aussi un coût social car les Français ne supportent plus de payer pour quelques-uns. Le Président de la République vous a invité, Monsieur le ministre, à combattre ces excès avec la plus grande détermination…

M. Henri Emmanuelli – Comme le Medef…

M. Éric Ciotti – …et nous nous réjouissons que ce tabou soit enfin levé. Votre lettre de mission contient des pistes qui semblent pertinentes, telles que la suspension des prestations des fraudeurs pendant un an ou des peines planchers forfaitaires pour les entreprises. Quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour lutter contre ces fraudes qui mettent en péril notre pacte social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Lutter contre la fraude est une priorité pour le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). C’est essentiel pour nos finances publiques et pour la confiance des Français, mais aussi d’un point de vue éthique. C’est d’ailleurs ce qu’avait souhaité la MECSS. Le Premier ministre et le Président de la République m’ont demandé de centraliser l’ensemble des moyens de lutte contre la fraude : sociale, aux prestations, aux prélèvements et aux aides publiques.

Nous utiliserons tous les outils qui sont à notre disposition pour agir. Avant la fin de l’année, une délégation interministérielle à la lutte contre la fraude sera créée, qui fera rapport au Premier ministre. Sera visée la « grande » fraude fiscale, cette forme de délinquance à l’origine d’une forte injustice, puisque certains se dispensent de payer l’impôt dont les autres s’acquittent. Sur le plan social, le projet de loi de financement de la sécurité sociale contiendra des mesures visant à renforcer les contrôles pour lutter contre le travail dissimulé et la fraude aux prestations sociales. Le croisement des informations entre services fiscaux et services sociaux sera d’une aide précieuse. Répondant à un souci d’équité, il contribuera efficacement à restaurer l’égalité de traitement entre nos compatriotes, qu’il s’agisse de l’impôt ou des prestations sociales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance est suspendue à 16 heures 2.

La séance est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Le Fur.

PRÉSIDENCE de M. Marc LE FUR
vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 –PREMIÈRE PARTIE– (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.

M. le Président – Hier soir, nous avons engagé la discussion générale. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 2. Hier, le président Accoyer a décidé, après une intervention que j’avais faite en anglais…

M. Charles de Courson – Avec un mauvais accent !

M. Jean-Pierre Brard – …, qu’elle ne figurerait pas au Journal officiel. Nous interdira-t-on jusqu’aux citations latines ? La marque des députés n’est tout de même pas l’inculture !

Il m’a été opposé que, depuis la réforme constitutionnelle de 1992, « la langue de la République est le français » – ce que je n’ignorais nullement ! Or, s’exprimer en une langue autre que le français n’interdit pas une retranscription au Journal officiel, puisque, le 7 juin 1994, le président Clinton s’est exprimé en anglais dans cet hémicycle, et son discours a été intégralement retranscrit. Bénéficiant de la légitimité du suffrage universel, je ne vois pas pourquoi je serais censuré, d’autant plus que je croyais imiter – fût-ce avec une moindre maîtrise de la langue de Shakespeare – Madame la ministre Lagarde. Je demande que justice me soit rendue !

M. le Président – L’intervention que vous venez de faire figurera bien, elle, au Journal Officiel. Le Président n’a fait qu’appliquer une jurisprudence constante depuis 1982, bien antérieure, donc, à la révision constitutionnelle de 1992.

M. Jean-Pierre Brard – Notre collègue Georges Hage, qui s’exprimait en latin – avec quel brio ! –, n’a jamais été censuré !

M. le Président – Je vous invite maintenant à prendre la parole à la tribune au nom du groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard – Alors que le Premier ministre s’est récemment illustré en annonçant, sans ménagement, que la France était en faillite, on nous présente, quelques jours plus tard, un budget de routine, un budget de croisière. Croisière de luxe, pour les riches ; croisière en soute pour les autres, il est vrai.

Ce budget n’est nullement indolore, puisqu’il commence à régler la facture des largesses post-électorales de l’été. Ainsi, vous avez stérilisé 13 milliards en année pleine pour engraisser davantage les rentiers et multiplier les effets d’aubaine. Aussi regrettons-nous que le Premier ministre n’ait pas eu sa révélation dès le mois de juin, car cela aurait épargné à nos concitoyens la potion amère qu’ils sont obligés d’ingurgiter pour payer vos dilapidations. Que n’a-t-il été touché par la grâce de M. Borloo, annonçant la TVA sociale ? (Sourires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

Ces crédits manqueront pour créer une dynamique redistributive permettant de protéger nos concitoyens contre les conséquences de l’envolée des prix des produits alimentaires, du pétrole – Total, qui, possédant à la fois les puits et les pompes, s’en met, elle, plein les choses ! –, du gaz, et contre les effets de la crise financière. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire que vous avez été surpris par la crise, car celle-ci a fait, voici déjà deux ans, l’objet de notes de notre conseiller financier à Washington, qui avaient parfaitement décrit la situation. Mais vous êtes tellement imprégné d’idéologie dominante, tellement fasciné par tout ce qui vient des États-Unis, que vous ne voyez pas les nuages arriver d’outre-atlantique, quand bien même vous entendez gronder le tonnerre !

En outre, avec les 22 900 emplois publics que vous avez décidé de supprimer, ce sont autant de jeunes qui ne seront pas embauchés et manqueront à nos services publics.

Le choc de confiance tant claironné par le Président de la République – auquel les ministres renvoient incessamment, et ce de manière illégitime, puisqu’en vertu de la Constitution, le Président n’a pas de conseils à nous donner, ni de lettres de mission à vous adresser – est en train de virer au « flop » économico-financier, sans doute le plus retentissant de l’histoire de la Cinquième République. Il s’agissait, selon vous, de créer, par des réformes ambitieuses, un cycle vertueux. Or, toutes les prévisions de croissance sont revues à la baisse. La Commission européenne, par exemple, prévoit 1,9 % pour 2008, contre une prévision du Gouvernement de 2,25 %.

Le moral des Français est en berne. Tous les indicateurs d’opinion de l’INSEE ont reculé en septembre. La baisse la plus notable concerne l’opinion des ménages sur les perspectives d’évolution du niveau de vie. Le niveau d'opinion sur l'opportunité de faire des achats importants a également reculé.

Les patrons de PME sont pessimistes quant à la situation économique, après avoir connu, pour certains, une baisse de leur activité en septembre. Le baromètre BPLG-AFP de vitalité des PME a chuté de 19 points en septembre, pour atteindre 34 points, son niveau le plus bas depuis février 2007.

Nos compatriotes ont raison d'être inquiets pour leur pouvoir d'achat. Dans son point de conjoncture du 26 septembre, l’INSEE écrit : « Les prix du pétrole ont continué à progresser au début du troisième trimestre : le 20 juillet, le baril de Brent a atteint un record, à près de 80 dollars. Après un recul au début du mois d'août, les prix sont repartis à la hausse : sur un marché contraint par l'offre et sensible aux facteurs géopolitiques, ils devraient rester volatils dans les mois à venir. Notre prévision s'appuie sur l'hypothèse d'un baril de Brent à 75 dollars en moyenne à l'horizon de la fin de l'année. Aux tensions sur le marché pétrolier s'ajoute l'accélération des prix agricoles et des matières premières, laquelle devrait se poursuivre au second semestre, entraînant une augmentation de l'inflation à la fin de 2007, ce qui devrait peser sur le pouvoir d'achat des ménages ».

Cette prévision vaut évidemment aussi pour 2008, car l'évolution rapide à la hausse du prix des matières premières et des produits agricoles est une tendance lourde, ayant des causes structurelles, et le ralentissement économique lié à la crise financière ne saurait l’inverser.

Hélas, vous faites fi de tout cela… Pourtant, la crise financière, dont on mesure mal les conséquences, pourrait affecter gravement la croissance et, partant, les investissements des entreprises.

Plus graves encore sont les conséquences du TEPA. En matière d’heures supplémentaires d’abord, certains membres de la famille idéologique du Président de la République et, clonage oblige, de la vôtre, Monsieur le ministre…

M. le Ministre – C’est la mienne, même sans clonage.

M. Jean-Pierre Brard – En effet, vous avez su montrer combien la droite était votre famille naturelle… Quoi qu’il en soit, les acteurs de terrain multiplient les critiques sur cette « usine à gaz ». M. Christian du Mesnil du Buisson par exemple, directeur financier de PME, souligne que les patrons et leurs employés pourront décider ensemble, dans les petites entreprises où le climat social est généralement bon, d’assimiler les augmentations ou primes annuelles à des heures supplémentaires nominales. « Gagner plus en travaillant comme d’habitude et sans que cela coûte un sou au patron : cela ne vaut-il pas de signer les yeux fermés une feuille d’horaires bidon ? » s’interroge-t-il dans Le Monde pour poursuivre ainsi : 90 % des heures supplémentaires détaxées étant déjà effectuées, on ne fera que créer un effet d’aubaine, qui réduira le travail offert aux salariés précaires au profit de ceux qui sont mieux installés. Et de conclure : voilà un cas d’école de mesure coûteuse et contreproductive, dont la France pourrait bien se passer en ce moment.

Autre absurdité : l’abaissement à 50 % du plafond du bouclier fiscal. Le Gouvernement nous avait annoncé 93 000 bénéficiaires et un remboursement moyen de 4 000 euros par contribuable. Or, seules 2 398 demandes avaient été déposées fin août, pour une somme moyenne de 50 000 euros ! Quand on aime, on ne compte pas… Et vous aimez tant les privilégiés, dont vous êtes les fondés de pouvoir, que vous ne pouvez vous empêcher de leur beurrer la tartine ! (Rires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC) Un élève de CM1 saurait pourtant constater qu’il manque plus de 90 000 contribuables à l’appel. Leur discrétion tiendrait-elle à leur ignorance ou, mieux encore, à leur civisme ? Hélas, elle est plutôt due à la crainte d’un examen trop attentif de leur dossier fiscal – et notamment de leur déclaration d’ISF. Et le Gouvernement, plutôt que de diligenter les contrôles, préfère abaisser le plafond du bouclier !

Troisième impasse : les fonds d’investissement de proximité, dont Les Échos ont bien expliqué qu’ils profitaient surtout aux plus fortunés qui, en investissant 66 667 euros, bénéficieront d’une réduction d’impôt optimisée de 50 000 euros – à laquelle s’ajoute un remboursement au titre du bouclier fiscal. Rien n’est trop beau pour vos protégés !

Tous ces cadeaux, naturellement, sont financés par l’ensemble des contribuables au titre du premier de tous les impôts : la TVA, qui représente 2 700 euros par an et par personne. Savez-vous ce que les gens modestes, loin de réclamer des dizaines de milliers d’euros, feraient de cette somme ? Ils consommeraient et, ainsi, contribueraient à la baisse du chômage !

M. le Président – Le temps passe, M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard – Hélas, oui, depuis que l’univers existe… (Sourires) Permettez–moi donc de conclure en rappelant les quinze milliards de cadeaux fiscaux que la majorité a, depuis 2002, glissés dans les poches sans fond des plus riches, depuis la baisse de l’impôt sur le revenu jusqu’à l’exonération des plus-values immobilières, et auxquels s’ajoutent, en un vertigineux quitte ou double, les quinze milliards du TEPA ! Que sont, en regard, les vingt-cinq millions que vous avez, dans votre mesquinerie, cédés aux érémistes qui retrouvent du travail ! Pour les uns vous distribuez les milliards, et pour les autres vous comptez vos sous ! Voilà pourquoi nous ne voterons pas votre projet de loi de finances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Charles de Courson – C’est à l’aune de trois critères que le groupe NC apprécie ce projet de loi de finances : le respect des engagements électoraux du Président de la République et de la majorité ; le respect de l’égalité et de la justice ; l’impact sur la croissance. Plusieurs observations s’imposent.

Tout d’abord, vos hypothèses économiques sont trop incertaines pour garantir le succès du projet. Vous tablez sur 2,25 % de croissance pour 2007 et 2008 alors que le groupe technique et l’INSEE prévoient plutôt 1,8 %. Le ralentissement pour 2007 est certain, et la reprise prévue pour 2008 est fragile. Le dollar poursuit sa chute contre l’euro – à 1,42 dollar aujourd’hui, contre 1,37 selon vos prévisions – et le baril de pétrole, à 88 dollars, coûte quinze dollars de plus que vous ne l’anticipiez. Ajoutez à cela la crise américaine, qui pourrait nous coûter un demi-point de croissance.

Voilà qui vous contraindrait à utiliser la majeure partie des sept milliards mis en réserve. Vous prévoyez une réduction de 0,2 point du poids de la dette dans le PIB, mais il restera stable si vos hypothèses de croissance doivent être revues à la baisse. Il en va de même pour le taux de prélèvements obligatoires et, in fine, pour la baisse des déficits, d’ailleurs négligeable dans vos estimations. Or, en 2007 et 2008, le taux de déficit stabilisant oscille, je le rappelle, entre 2,4 et 2,6 %. Ainsi, une conjoncture plus mauvaise que prévu pourra annuler la modeste amélioration de la situation des finances publiques que vous envisagez. Il faudra donc non seulement conserver la réserve de sept milliards, mais encore en créer une autre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

S’agissant des dépenses publiques, le Gouvernement a fait un louable effort de maîtrise, mais il n’est pas allé assez loin. Le budget pour 2008 alloue des moyens supplémentaires substantiels à la justice ; à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’enseignement scolaire, notamment pour l’accueil des élèves au-delà de 16 heures. Vu l’extrême modestie des marges de manœuvre, ce sont des choix courageux. Et le Nouveau Centre approuve en effet le refus du saupoudrage.

Le budget pour 2008 est également un budget d’avenir, qui vise à encourager l’innovation et à stimuler la croissance économique. L’allègement de la fiscalité des brevets, la création du statut de jeune entreprise universitaire, la simplification et l’augmentation du crédit d’impôt-recherche, ainsi que la priorité donnée à l’enseignement supérieur et à la recherche, traduisent cette volonté d’investir dans l’avenir. Si l’on y ajoute les dépenses d’investissement, soit quelque 20 milliards, les dépenses d’avenir progressent de 6 %, c’est-à-dire près de quatre fois plus vite que l’ensemble des dépenses de l’État. Mais leur total ne représente que 39 milliards, soit environ 10 % du budget de l’État.

Le budget pour 2008 soutient également le pouvoir d’achat et valorise le travail, comme en témoignent le nouveau crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, l’amélioration de la rémunération des heures supplémentaires – qui coûtera 5,5 milliards –, et la revalorisation, modeste, de la prime pour l’emploi.

Le Gouvernement fait valoir que les dépenses de l’État n’augmentent pas en volume et restent strictement en ligne avec l’inflation, en ne progressant que de 1,6 %. L’objectif est d’autant plus ambitieux qu’il porte sur un périmètre plus large de dépenses, puisque les prélèvements destinés aux collectivités territoriales et à l’Union européenne, représentant un total de 68,5 milliards, ont été réintégrés dans la norme de dépenses, conformément d’ailleurs à ce que souhaitait le Nouveau Centre. Mais le Gouvernement n’est pas allé encore assez loin. Cinq éléments auraient en effet dû être eux aussi intégrés dans le périmètre : les remboursements et dégrèvements sur impôts locaux, qui passent de 14,1 milliards en 2007 à 16 milliards en 2008 du fait du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée ; la prime pour l’emploi, dont le montant global diminue certes en 2008 mais qui constitue bel et bien une dépense budgétaire ; les crédits d’impôt, dont le montant va passer de 0,6  à 1 milliard ; le bouclier fiscal, dont le coût est estimé à 0,8 milliard en 2008 mais qui devrait plus vraisemblablement ne pas dépasser 0,3 ou 0,4 milliard ; enfin, le coût des exonérations de charges sur les heures supplémentaires, ou plus exactement leur mode de financement. Cette dépense est en effet financée par des transferts de recettes fiscales de l’État vers la Sécurité sociale, afin de ne pas faire apparaître en dépenses les sommes considérables en jeu. Si l’on ajoute ces cinq postes à la norme retenue, même élargie, on obtient une hausse de la dépense, non pas de 1,6 %, mais de 3,9 %. Et même si l’on n’incluait pas les deux derniers postes, la hausse serait de 2,1 %. C’est dire que l’effort nécessaire reste largement devant nous !

La maîtrise de la dépense publique se traduit dans le budget 2008 par un triple effort que le Nouveau Centre a toujours demandé, et qu’il soutient. Tout d’abord, une clarification des relations financières entre l’État et la Sécurité sociale ; ainsi l’État va-t-il régler intégralement sa dette, et il faut en rendre hommage à ce Gouvernement. Ensuite, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite, pour une économie théorique de 700 à 800 millions en année pleine, mais inférieure à 300 millions en 2008 prorata temporis – et une fois redistribuée aux fonctionnaires une partie des gains ainsi réalisés. La baisse des effectifs de fonctionnaires ne sera au total que de 1 %, ce qui est peu : quelle organisation n’est pas capable de réaliser 1 % de gains de productivité par an ? Enfin, une participation accrue des collectivités locales à l’effort de maîtrise des dépenses. Mais là encore, l’effort demeure modeste, la limitation de la progression à 1,6 % ne s’appliquant qu’à 55 des 93 milliards auxquels s’élèvent les dotations de l’État aux collectivités.

Pour respecter les engagements pris, la réduction des déficits doit commencer dès cette année, à hauteur d’environ 4 milliards pour celui de l’État et de 2 milliards pour celui de la Sécurité sociale. Le Nouveau Centre a fait en ce sens deux propositions. La première consistait à plafonner l’ensemble des niches fiscales, de façon à économiser 2 milliards, la seconde à réduire les exonérations de charges accordées aux grandes entreprises. Le Gouvernement s’est déclaré intéressé par la première de ces propositions. Mais, aux termes du rapport qu’il nous a remis, il n’est pas favorable au plafonnement des niches, tout en restant disposé à étudier le cas de celles des niches qui ne sont actuellement pas plafonnées du tout. Sur le deuxième point, la commission des finances a repoussé notre amendement, en reconnaissant toutefois que les dispositifs d’exonération ne pouvaient pas continuer de s’accumuler – alors même qu’une partie d’entre eux n’a pas d’efficacité, comme l’a démontré la Cour des comptes.

De tout cela, on peut bien entendu débattre, mais il serait contraire aux engagements pris, à la fois par notre pays devant l’Eurogroupe et par nous-mêmes devant les Français durant la campagne, d’afficher un déficit d’exécution supérieur en 2008 à celui de 2007.

La situation de la dette publique, pour sa part, ne s’améliore pas. L’objectif du Gouvernement est de la ramener en dessous de 60 % du PIB à l’horizon 2012. Mais de 2007 à 2008, elle ne passera que de 64,2 % à 64 %. Le moindre fléchissement de la croissance économique en 2008 risque donc de conduire au statu quo. Or, notre dette publique est excessive, les seuls intérêts de la dette cumulée de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales représentant 46 milliards. Le remboursement de cette dette représente une lourde charge pour notre économie, et explique pour une large part l’affaiblissement de notre croissance.

S’agissant de la Sécurité sociale, le déficit du régime général est estimé par le Gouvernement à 8,9 milliards en 2008 – à comparer aux 8,7 milliards de 2006. Mais à cela, il faut ajouter le déficit du régime agricole, lequel s’accentue, et celui du FSV qui, lui, diminue quelque peu, si bien que le déficit total avoisine 12 milliards. Sur une telle pente, la totalité des produits de la CADES suffirait tout juste à payer les intérêts de la dette qui lui a été transférée.

M. Michel Sapin – Conséquence automatique : la CRDS augmentera !

M. Charles de Courson – Pour ce qui est des collectivités locales, la position du Nouveau Centre sur le sujet n’a jamais varié : il faut redonner de l’autonomie fiscale aux collectivités en contrepartie, bien sûr, d’une réduction des dotations de l’État, de sorte que les élus locaux soient responsables devant leurs électeurs des impôts dont ils décident.

Je terminerai en évoquant certaines des mesures du budget 2008 qui me paraissent devoir être améliorées dans le sens de la justice sociale et de l’efficacité économique. Il faut ainsi rendre plus équitable la fiscalité sur les dividendes. Le Nouveau Centre a soutenu l’amendement de la commission des finances supprimant le nouveau prélèvement sur les dividendes, libératoire de l’impôt sur le revenu et s’appliquant au choix du contribuable. En effet, cette mesure rapporterait certes 600 millions en 2008, mais en ferait perdre plus de 200 en 2009 et les années suivantes. En outre, elle profiterait exclusivement aux détenteurs d’un portefeuille supérieur à un million d’euros et pénaliserait les patrons de PME-PMI qui, du fait de la clause des 25 %, ne pourraient en bénéficier. L’amendement de la commission des finances relevant le taux du prélèvement, s’il présente l’avantage de ne pas obérer les exercices postérieurs à 2008, ne résout toutefois pas le problème des PME-PMI. Il n’existe qu’une façon de le faire : ou bien supprimer la clause des 25 % ou bien réserver l’option aux PME-PMI.

Une autre nécessité est de moraliser les stock-options. Chacun reconnaît aujourd’hui que le dispositif a conduit à des excès.

M. Jean-Pierre Brard – Vous découvrez la lune !

M. Charles de Courson – Ce n’est pas d’aujourd’hui. Le Nouveau Centre a proposé une série d’améliorations en ce domaine.

S’agissant enfin de la fiscalité locale, le texte gouvernemental présentait un grave inconvénient pour les communes rurales les plus fragiles. Le Nouveau Centre approuve donc l’amendement de la commission des finances visant à sortir la part communale de la taxe foncière sur le non bâti de l’enveloppe normée. Mais demeure un problème pour les départements les plus pauvres, qu’il faudra bien résoudre.

Enfin, le Nouveau centre a diverses autres propositions visant la justice sociale et l’efficacité économique.

En conclusion, l’état des finances publiques nécessite de renforcer la maîtrise de la dépense, sans laquelle les engagements pris devant le peuple français par le Président de la République et la majorité présidentielle ne pourront être tenus. Seule l’accélération des réformes permettra de tenir ces objectifs ; notre groupe est prêt à soutenir le Gouvernement pour aller dans ce sens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Charles de Courson est un homme remarquable, qui connaît les chiffres comme personne, mais je suis désolé de lui dire que je ne partage pas son analyse.

Le budget exprime une volonté politique, et je voudrais exposer les raisons profondes pour lesquelles celui-ci est bon et marque une réelle rupture.

La croissance française est émolliente et connaît des variations erratiques. Elle est émolliente, du fait de l’absence de marges permettant d’investir : nous avons les marges les plus faibles d’Europe ; elle connaît des variations erratiques, parce qu’elle est très conditionnée par la conjoncture mondiale. Elle connaît ainsi des pics à 3 ou 3,5 %, comme entre 1998 et 2000 ; mais à l’époque, au lieu d’en profiter pour investir dans l’avenir, on a gaspillé des milliards pour réduire la durée du travail. C’était un choix politique.

Ce budget, au contraire, poursuit un objectif de croissance structurelle. En réformant le crédit d’impôt recherche, il aide les entreprises à investir dans la recherche et l’innovation. De même, dans la loi sur les universités, la création de ponts entre l’université et l’entreprise, tant pour la recherche fondamentale que pour la recherche appliquée, vise à encourager les innovations technologiques dans les produits français, afin qu’ils soient plus compétitifs tant sur le marché intérieur que sur le marché mondial.

Dans la même optique, nous avons adopté cet été, à l’initiative de Mme Lagarde, la mesure ISF pour financer les PME françaises.

M. Jean-Pierre Brard – Cadeau !

M. Jérôme Chartier – Si l’on compare la situation de la France à celle de l’Allemagne, il nous manque en effet 250 000 entreprises de taille moyenne. Pourquoi ? Parce qu’en Allemagne on encourage l’investissement dans les PME, alors qu’en France on préfère l’investissement dans les dépenses publiques. La disposition concernant l’ISF est donc excellente, et nous devons en assurer la promotion.

M. Jean-Pierre Brard – La promotion de la rente !

M. Jérôme Chartier – Au-delà de ces mesures structurantes pour l’avenir, il y a celles qui sont prises pour soutenir la croissance. Celles qui ont été décidées cet été injectent 9 milliards dans la poche des Français ; et cela, sans augmenter le niveau de l’emprunt, qui baisse même de 0,3 point. Bien plus, on parvient à réduire très légèrement le niveau des prélèvements obligatoires.

Ce budget vertueux est également rigoureux en matière d’engagements. On décide de réduire le nombre de directions dans les administrations centrales, notamment avec la fusion DGI – DGCP qui produira ses effets sur les comptes de l’État d’ici un ou deux ans ; et on décide de ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur trois, ce qui permet de réduire les dépenses de 450 millions. Dans le même temps, on consacre 225 millions à augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires – que je préfère appeler « professionnels des métiers de l’État ».

De cette façon, nous allons pouvoir ramener progressivement les prélèvements obligatoires à un niveau qui ne nuise pas à notre compétitivité par rapport aux autres pays européens. En Allemagne, par exemple, quand on fait passer le taux de TVA de 16 à 19 %, c’est d’une part pour financer la diminution des cotisations qui pèsent sur le travail, et d’autre part, à hauteur des deux tiers, pour compenser la réduction de 25 à 15 % du taux de l’impôt sur les sociétés ; nos partenaires allemands, qui sont aussi nos concurrents, peuvent ainsi attirer des sièges sociaux, avec pour conséquence un transfert de recettes du budget de la France vers celui de l’Allemagne et des délocalisations d’emplois. Nous ne sommes pas à l’abri de cette concurrence fiscale !

C’est dans ce contexte que s’inscrit le paquet fiscal. Le bouclier fiscal à 50 % a ainsi eu pour effet que l’un des principaux acteurs sur la place de Paris en matière de délocalisations fiscales a vu réduire le nombre de dossiers de 20 en 2006 à 2 au deuxième semestre 2007. C’est dire que c’était une décision salutaire.

Bref, le groupe UMP soutient ce budget, non par esprit moutonnier, mais parce qu’il y croit, par adhésion.

M. Jean-Pierre Brard – Vous êtes des laquais !

M. Jérôme Chartier – Ce premier budget de la législature est en effet exactement celui qui convient à notre situation, et je souhaite que la stratégie qu’il exprime soit largement approuvée au-delà des bancs de l’UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Laurent Fabius – En exergue d’un livre très intéressant que certains ici ont peut-être lu, La disgrâce de Turgot, Edgar Faure cite cette formule : « Il n’y a pas de politiques sans risques, mais il y a des politiques sans chances ». Je la reprends volontiers pour commenter ce budget.

Tout d’abord, force est de constater, en dépit de l’énergie – talentueuse – que vient déployer M. Chartier, que parmi les observateurs réputés impartiaux, en France comme dans les organismes internationaux, presque personne ne croit à ce budget.

Vous l’avez construit sur l’hypothèse d’un taux de croissance de 2,25 %, non parce qu’il est vraisemblable, mais parce que vous en avez besoin. D’où, en effet, pourrait venir ce taux ? Résultera-t-il d’une hausse de la consommation ? Malheureusement non, car les mesures en faveur du pouvoir d’achat sont extrêmement chiches dans ce budget. La PPE, principal instrument dont nous disposons, n’augmentera que de 1,3 %. Des millions de Français ne s’y retrouveront pas…

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Et les heures supplémentaires ?

M. Laurent Fabius – J’y viens : comme le révélait hier M. Migaud, vous affirmez qu’elles relanceront la croissance, mais vous avez prévu le même nombre d’heures supplémentaires que l’an dernier ! Comment comprendre ?

Du point de vue de « l’offre », c’est-à-dire des entreprises, nous souffrons de difficultés de compétitivité. Or, ce n’est pas en comptant sur une dynamisation spontanée des investissements que nous relèverons le défi ! Le rapport économique, social et financier fait état d’une hausse soudaine de 4,75 % de l’investissement, soit bien plus que les années précédentes. Mais au nom de quoi ? Nos exportations, de plus en plus insuffisantes, progresseraient subitement de 5,8 %, prétend la ministre. À ma connaissance, l’état de nos entreprises ne permet pas d’espérer un tel boom des exportations !

L’environnement économique international serait-il meilleur ? Sur ce point, vous êtes pris en flagrant délit de travestissement de la réalité. L’euro tourne autour de 1,41 ou 1,42 dollar, et pourtant vous tablez sur une parité de 1,35. Que l’on m’explique pourquoi ! Et quand le baril de pétrole coûte 88 dollars, vous prenez comme hypothèse 73 dollars. Pour quelle raison ? Ce n’est pas que ces chiffres soient crédibles, c’est que vous en avez besoin pour asseoir le taux de croissance que vous avez choisi de retenir, puis vos prévisions de déficit et de dette, déjà très élevées. Vous surestimez la qualité de l’environnement international dans le seul but de sous-estimer votre déficit…

Vous annoncez – c’est la formule retenue par la loi TEPA – un « choc de confiance ». Or, je crains que nous subissions déjà un début de contre-choc de défiance. Le climat social en est la preuve (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

J’en viens aux nombreuses conséquences négatives de ce budget. Vous ne soutiendrez pas la croissance, car les mesures destinées à améliorer le pouvoir d’achat restent très faibles. Pour les entreprises, vous allez certes amplifier le crédit d’impôt recherche, excellente mesure à laquelle je suis attaché, notamment parce que je l’ai créé au cours d’une vie antérieure (Sourires) ; il reste que cet effort est insuffisant.

En matière d’emploi public, vous avez fait le choix de supprimer 22 791 postes. Nous ne sommes pas hostiles à des redistributions – nous avons tous voté la LOLF ! Encore faut-il qu’elles soient justifiées. Quand on connaît la situation de notre système scolaire, comment comprendre que vous supprimiez plus de 10 000 emplois ? Et alors que l’environnement est, paraît-il, votre priorité, vous allez supprimer 1 000 emplois publics dans ce secteur. Quelle est donc votre logique ?

Ce budget sera également très dur pour les collectivités locales, dont les dotations ne bénéficieront plus de 33 % de la hausse de la croissance. Il faudra que vous alliez expliquer aux responsables locaux pourquoi le compte n’y sera plus, alors même que nous subissons déjà de grandes difficultés : comme le demandait hier un collègue, quand leur rembourserez-vous ce qui leur est dû par l’État au titre du RMI ? Si vous prenez en compte la seule inflation dans le calcul des dotations, il y aura des pertes. Et pourtant, vous en demandez toujours plus : quand M. Darcos décide de supprimer l’école le samedi midi, il laisse entendre que les collectivités locales devront s’occuper des enfants, ce qui signifie encore une dépense locale supplémentaire !

Votre budget aura enfin des conséquences négatives en matière de justice fiscale. Vous allez en effet taxer les malades, sous le terme trompeur de « franchises médicales ». Les bien-portants payaient pour les malades, ce sont désormais les malades eux-mêmes qui paieront, dans des conditions qui soulèveront une grande émotion dans le pays.

Lorsque le bouclier fiscal a été institué, sous la législature précédente, le Gouvernement avait annoncé que les restitutions s’élèveraient en moyenne à 4 000 euros. Or, avant même que le plafond soit ramené de 60 à 50 %, les chèques sont déjà de 45 000 à 50 000 euros en moyenne… Vous allez donc faire de lourds dégâts. Vous traînerez ce « bouclier » comme un boulet fiscal tout au long de cette législature (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Pierre Brard – Très bien !

M. Laurent Fabius – Mais vous savez déjà tout cela. Vous y avez réfléchi, car vous n’en êtes pas à votre premier budget – c’est le sixième de la majorité UMP, après tout… Vous connaissez les difficultés de notre pays. Pourquoi donc nous présenter un budget déséquilibré, qui ne vas même pas au terme de votre propre démarche ? L’explication est politique, voire politicienne : vous ne souhaitez pas, avant les élections municipales et cantonales, assumer toutes les conséquences de votre politique économique et sociale !

M. Jean-Pierre Brard – Ce sont des tartuffes !

M. Laurent Fabius – Le collectif budgétaire que vous ne manquerez pas de nous présenter comportera notamment des amputations. Vous avez déjà emprunté ce chemin en annonçant 7 milliards d’euros de gels budgétaires.

M. le Rapporteur général – C’est une décision vertueuse.

M. Laurent Fabius – Puisque vous ne l’avez pas encore indiqué, il faudra que nous vérifiions, mission par mission, sur quoi ces gels de crédits porteront exactement. Affecteront-ils vos propres priorités ? Le budget de la justice peut paraître excellent, mais il sera médiocre s’il est touché par les amputations (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Une fois les élections passées, les privatisations se multiplieront également en 2008. Je pense notamment à Areva, entreprise magnifique à laquelle nous sommes tous attachés, moi en particulier puisque j’étais aux bancs du Gouvernement quand elle a été fondée.

M. Michel Piron – Nostalgie, quand tu nous tiens !

M. Laurent Fabius – S’il y a privatisation, l’État conservera-t-il la majorité du capital ? Nous attendons une réponse.

Petit à petit, avec la tarification à l’activité, vous vous engagez aussi sur la voie de la privatisation en matière hospitalière : à force de priver le secteur public des moyens dont il a besoin, il faudra recourir aux assurances privées. La même solution vaudra en matière de pensions : si vous exigez des salariés de travailler toujours plus longtemps pour toucher ensuite des retraites insuffisantes, quel recours y aura-t-il, sinon les assurances privées ? Il faut donc s’attendre à des privatisations de grande ampleur.

La principale différence entre nous, ce n’est pas l’exigence de qualité de la gestion publique, car nous y sommes tout aussi attachés que vous. Mais c’est un anachronisme et une erreur que de ne pas donner à l’État les moyens d’être efficace, moderne et puissant. Tous les pays qui réussissent sont dotés d’États puissants ; ce ne sont pas des pays qui ont fait une croix sur le service public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Charles de Courson – Un exemple ?

M. Laurent Fabius – Aux amputations et aux privatisations s’ajouteront des super taxations. Je ne reviendrai pas sur la TVA « sociale », tellement appréciée de ceux qui auraient bien souhaité siéger sur ces bancs et qui ont été battus pour cette raison…

Plusieurs députés du groupe SRC – Merci Borloo !

M. Laurent Fabius – Pas seulement… (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Choisissez, Madame la ministre : demanderez-vous une hausse de la TVA après les élections ? De la CSG ? De la CRDS ?

M. Jean-Pierre Brard – Avouez !

M. Laurent Fabius – Ou bien tout cela à la fois, et même encore plus ?

M. le Rapporteur général – Vous fantasmez !

M. Laurent Fabius – J’ai bien peur que la formule de Nicolas Sarkozy, « travaillez plus pour gagner plus », qui n’a pas été pour peu dans son succès électoral, ne devienne : travailler plus pour gagner moins !

Au lieu de ce budget caché, auquel nous sommes hostiles, nous aurions préféré un budget bien différent. Comme l’indiquait M. Chartier, nous sommes effectivement d’accord sur bien des points – l’insoutenabilité du déficit et de la dette, nos problèmes de compétitivité, la nécessité de favoriser le pouvoir d’achat et de réformer l’État. Mais que faut-il faire ? Ce budget ne permettra aucune amélioration.

Il aurait mieux valu réduire courageusement la dette : la moitié des sommes consacrées au paquet fiscal aurait dû l’être à la réduction de la dette – 7,5 milliards, ce n’est pas rien ! Il aurait également fallu soutenir le pouvoir d’achat en utilisant la PPE, qui touche 10 millions de nos concitoyens. Pourquoi ne pas avoir augmenté cette prime de 50 % au lieu de seulement 1,3 % ? Pour un coût de deux à trois milliards d’euros, la situation aurait beaucoup changé pour bien des Français…

On pourrait réserver les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui acceptent de négocier sur les salaires : c’est bien là le meilleur moyen d’augmenter le pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

On pourrait, pour améliorer notre compétitivité, aller plus loin dans le crédit impôt recherche – car on sait que les grandes entreprises n’en ont pas besoin : il faut le concentrer sur les PME. On pourrait aussi moduler l’impôt sur les sociétés, afin qu’il soit moins lourd pour les entreprises qui réinvestissent que pour celles qui ne font que distribuer des dividendes.

On pourrait encore se concentrer sur les dépenses d’avenir, dans l’éducation – au lieu de supprimer onze mille postes –, la recherche – alors qu’aucune création d’emplois n’est prévue –, ou l’environnement et l’urbanisme, pour encourager du même coup les économies d’énergie. En matière fiscale, il me semble que les bénéfices des compagnies pétrolières pourraient supporter un prélèvement sans trop de dommages – sans compter les réformes à faire concernant les stock-options ou la taxe d’habitation, et pour rééquilibrer la fiscalité entre travail et capital.

Enfin, le Président de la République pourrait profiter de la présidence française de l’Union européenne pour mettre en place une coopération renforcée en matière de recherche et d’innovation, afin de faire travailler en commun les forces de tous les pays de l’euro. Cela permettrait de s’éloigner du désormais célèbre « travailler plus… » pour atteindre le « travailler mieux pour vivre mieux ».

Nous pensons que le budget qui nous est présenté, en lui-même contestable, cache un budget d’hyper austérité. Le Gouvernement a l’occasion de nous prouver le contraire en répondant à deux questions très simples. D’abord, y aura-t-il oui ou non une loi de finances rectificative après les élections municipales ?

M. le Rapporteur général – Nous ne sommes pas en 1984 !

M. Laurent Fabius – Si vous nous dites que non, nous en prendrons acte, mais il faudra tenir vos engagements. Dans le cas contraire, cela voudra dire que notre analyse est juste.

Ensuite, y aura-t-il, oui ou non, une augmentation de la TVA – quel qu’en soit le nom – de la CSG ou autre CRDS ? Si vous répondez non, encore faudra-t-il expliquer pourquoi le document que vous avez transmis à la Commission de Bruxelles et qui engage la France ne montre, pour 2012, aucune baisse des prélèvements obligatoires. Les engagements du Président de la République ne sont pas près d’être tenus ! Et si vous répondez oui – ou si vous ne répondez pas –, nous pourrons considérer, là encore, que nous avions raison.

En conclusion, et pour citer encore une fois Edgar Faure, si nous sommes opposés à votre budget – celui qui est présenté comme celui qui est masqué – c’est parce que, malheureusement, il présente le maximum de risques et très peu de chances (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Pierre Brard – Excellent !

M. le Président – Nous reprenons la suite de la discussion générale.

M. Marc Goua – Pour moi, quel baptême du feu, que de succéder à la tribune à Laurent Fabius ! (Sourires)

Le budget que vous nous présentez n’est d’abord pas rigoureux, puisqu’il marque une pause, pour ne pas dire plus, dans la réduction des déficits. Il est vrai que les réductions des années antérieures étaient dues à des recettes exceptionnelles – la vente des bijoux de famille. Vous tablez pour 2008 sur un déficit de 41,7 milliards, soit à peine mieux que ce qui était prévu dans le budget pour 2007 – à propos duquel le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, avait estimé que le déficit de la France était en deçà des engagements qu’elle avait pris, avant de nous inviter à réduire résolument le niveau de notre dépense publique. Quelque temps avant, la BCE nous décernait un bonnet d'âne par l’intermédiaire de son président M. Trichet, pourtant ami de M. Sarkozy. Un tel manque de rigueur ne laisse dès lors pas d’étonner, surtout alors que le Premier ministre a parlé de faillite de l'État !

Ce projet de loi de finances est fondé sur une croissance médiane de 2,25 %, alors que la plupart des économistes donnent une fourchette de 1,8 à 2,1 % – 2 % pour le FMI et l'OCDE. Beaucoup d’économistes jugent largement irréalisable l'assainissement des finances publiques d'ici 2010. Certains pronostiquent une détérioration, due au coût du paquet fiscal voté cet été, à la faiblesse de la croissance et au fait que les taux d'intérêt augmentent, ce qui alourdit la charge de la dette. Selon eux, les déficits publics pourraient franchir le seuil des 3 % l'an prochain, et le ratio d’endettement dépasser 65 % du PIB en 2009. Le rapporteur général lui-même a d’ailleurs admis qu'une croissance limitée à 2 % causerait de graves difficultés – rappelons que, même dans votre prévision optimiste, l'encours de la dette s'alourdit encore de quelques milliards !

Ce budget n’a pas non plus d’ambition, pas de souffle. Il contient peu de mesures fiscales susceptibles de favoriser la croissance, hormis l’encouragement aux étudiants qui créeront leur entreprise et l'extension du crédit d'impôt recherche, laquelle ne produira ses effets qu'au terme de quelques années. Il faut dire que vous avez dilapidé cet été, par le paquet fiscal, 8,9 milliards qui étaient censés dynamiser la croissance. Nous vous avions pourtant prévenus ! Vous avez joué les cigales, vous n’avez pas relancé notre appareil de production, et maintenant vous devez faire face aux réalités.

Au moment où notre croissance souffre de la comparaison avec les autres pays européens, où l'ensemble de nos partenaires réduisent leurs déficits, où notre commerce extérieur se détériore de mois en mois, vous nous présentez un budget de continuité, de déclin économique. Où est la rupture tant annoncée ? Où sont l'envolée de l'économie, le « choc de confiance » que devait provoquer le paquet fiscal ? S’agirait-il en vérité d’un budget de transition, en attente des élections du mois de mars ? Car après ce projet de loi de finances, après les cadeaux fiscaux aux plus riches, il y aura sans doute un plan de rigueur, au détriment, comme d’habitude, des plus démunis (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Michel Piron – Pour aborder cette discussion, je voudrais établir d’abord d’où nous venons, quelle est la situation précise et ce que nous pouvons faire. Au prix d’un effort considérable, la précédente législature a ramené le déficit de 56,4 milliards en 2002 à 35,7 en 2006, en situation d’excédent primaire. Le poids de la dette reste cependant très lourd – 64,2 % du PIB –, ce qui fragilise notre compétitivité, mais surtout nos équilibres sociaux et, plus généralement, notre capacité à maintenir une société solidaire. En ce sens, la rigueur ne me semble pas l’ennemie de la solidarité, mais son alliée. Actuellement, le déficit atteint 40,8 milliards, avec des charges d'intérêts qui progressent. Comme je l’avais dit il y a trois ou quatre ans, nous n’avons fait que ralentir la vitesse à laquelle nous filons droit dans le mur. Aujourd’hui, l'urgence demeure de revenir en dessous de 40 milliards de déficit en exécution, pour retrouver un solde stabilisant.

La loi TEPA, qui coûtera 1,64 milliards pour cette année, vise à revaloriser le travail et à promouvoir l'emploi. Une fois ajoutées les dépenses des pensions, la marge de manœuvre initiale est des plus réduites. Dès lors, que nous est-il proposé ? Il faut d’abord stabiliser la dette. Comment ? En maîtrisant la dépense publique, ce qui est d'autant plus nécessaire qu'il faut parallèlement alléger les prélèvements pour relancer la croissance. Soulignons à cet égard le besoin d'une gestion plus rigoureuse des engagements, et non seulement des crédits de paiement, dans un cadre pluriannuel. Enfin, il faut concentrer les efforts sur la justice et la recherche.

Ces choix s’appuient sur un effort de sincérité maintenu, comme en témoigne la prudence des prévisions de recettes, et sur une amélioration de la lisibilité du projet – à laquelle la LOLF n’est pas étrangère –, avec l’élargissement du périmètre de la dépense, qui inclut désormais les prélèvements sur recettes déclarées des collectivités territoriales et de l’Union européenne. Aussi bien, la stricte maîtrise de nos dépenses publiques renforce notre devoir de les répartir plus efficacement et plus justement.

Nous savons tous qu'entre investisseurs et consommateurs, entre producteurs et distributeurs, les arbitrages ne vont pas de soi, non plus qu’entre mutualisation et responsabilisation en matière de santé, ou entre les responsabilités de l'État et celles des collectivités locales. Mais sur quoi fonder le compromis, sinon sur la recherche de l’intérêt général, désormais trop rarement invoqué ? Or, c'est bien I'intérêt général qui nous demande de ne plus minorer le montant des prélèvements obligatoires aussi longtemps que nous n'aurons pas réduit la dette. À ce sujet, je tiens à rappeler que le mot « impôt » n'est pas une grossièreté – et je pense particulièrement à l'impôt minimum pour les tranches de revenu les plus élevées.

M. Jean-Pierre Brard – Très bien !

M. Michel Piron – C'est aussi I'intérêt général qui nous commande d'affecter à la réduction du déficit tout surplus de recettes imprévu, et c’est toujours I’intérêt général qui exige que nous freinions le rythme d'évolution des dépenses publiques dès 2008.

En énonçant ces principes, je ne fais, il est vrai, que citer notre rapporteur général. Qu'on me permette seulement de rappeler en conclusion l'incertitude qui pèse sur les taux de croissance espérés. Elle est une raison supplémentaire pour engager des réformes structurelles plus profondes, concernant l'État – ce qui a commencé – mais aussi les collectivités territoriales et notre système de santé, où beaucoup doit être repensé. Elle est surtout une raison majeure pour ne pas perdre de vue les perspectives européennes dans lesquelles doivent s'inscrire nos choix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Sylvie Andrieux – Je dois vous dire ma déception devant ce projet de budget vidé de sa substance par la loi TEPA, dont les nombreuses dispositions fiscales ont réintroduit une forme d'insécurité dans le contrôle du budget par le Parlement.

Loin de tirer les leçons des échecs passés et surtout loin de la politique dite « de rupture » voulue par le Président de la République, le gouvernement Fillon étend les mesures fiscales injustes et inefficaces prises par les gouvernements Raffarin et Villepin. Comme l’a talentueusement souligné Laurent Fabius, ce budget trompeur en cache un autre. En premier lieu, le texte n’est pas sincère. Cette insincérité vaut à l'égard du Parlement mais aussi à l'égard des ménages. L’hypothèse de croissance retenue et maintenue est d’un irréalisme qui laisse songeur, et ce manque de sincérité aura des conséquences drastiques sur le pouvoir d'achat des ménages dans les mois qui suivront l'élection municipale.

Le renforcement du pouvoir d'achat était pourtant en tête de la liste des promesses électorales du candidat Sarkozy et la loi TEPA a prétendu y pourvoir. Mais ses dispositions profiteront-elles aux salariés des classes moyennes ?

M. Pascal Terrasse – Nullement ! Elles ne profiteront qu’aux plus riches !

Mme Sylvie Andrieux – Certes, la perspective d’une exonération fiscale des heures supplémentaires est attrayante pour les salariés, mais l’on feint d’oublier qu’ils ne sont pas maîtres du jeu. De même, ce budget est trompeur lorsqu’il pose le principe de l'exonération d’impôt sur les rémunérations perçues par les étudiants. Comme l'ont fait observer associations et syndicats d'étudiants, nombreux sont en effet les étudiants salariés qui ne gagnent pas suffisamment pour être imposables – et combien ne sont même pas déclarés ? Le groupe socialiste déposera un amendement prévoyant d’exonérer les étudiants de la redevance audiovisuelle, souhaitant ainsi rétablir une cohérence perdue.

On pourrait s'étonner de cette absence de vision d’ensemble qui fait que l’on prétend exonérer d’impôt des revenus souvent non imposables tout en exigeant le paiement de la redevance. C'est que les exonérations destinés aux plus vulnérables sont symboliques ou de portée limitée, alors qu’un programme d'ampleur est décidé en faveur des ménages les plus aisés et des grandes entreprises.

Ainsi, s’agissant du financement de la sécurité sociale, M. Séguin, premier président de la Cour des comptes, a souligné que la mise à contribution des détenteurs de stock options permettrait de renflouer les caisses à hauteur de 3 milliards. C’est, de longue date, le point de vue de notre groupe, qui déposera un amendement en ce sens. Une telle mesure contribuerait fortement à la sauvegarde du régime de retraites par répartition, et les actionnaires exonérés de l'impôt sur la fortune pourraient ainsi faire amende honorable, en contribuant à la solidarité nationale. Il serait souhaitable que la mesure soit plus que symbolique ; il en va aussi de la crédibilité de la majorité, plutôt chahutée par l'affaire de présomption de délits d'initiés au sein d’EADS, et qui, cette année, aura distribué plus de 15 milliards en pure perte dans le cadre d’un « paquet fiscal » destiné aux plus aisés.

La fiscalité des stock options me conduit à évoquer plus globalement celle des entreprises, pour observer que rien, dans ce projet, n’est prévu pour doper l'investissement, notamment dans les PME et les PMI.

Élue locale, je ne conclurai pas sans souligner la pression fiscale accrue qui pèse sur les collectivités territoriales. La décentralisation telle que l’a voulue le gouvernement Raffarin, en organisant une compensation insuffisante des transferts de compétences, a mis les finances locales sous tension. En parallèle, les gouvernements successifs ont adopté des réformes fiscales qui ont réduit les marges de manœuvre financière des collectivités. D'ailleurs, pour la première fois depuis des années, le revenu compensatoire des collectivités sera augmenté de la seule inflation – et le pire est encore à venir. Elles doivent conserver les moyens d’une autonomie financière effective, dès cette loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Hervé Mariton – Nous approuvons les ambitions que traduit ce projet de budget, au premier rang desquelles l’objectif politique de la maîtrise de l’évolution des prélèvements obligatoires. J’appelle toutefois l’attention sur un point : dire que l’élasticité des recettes est sous-évaluée…

M. Jean-Pierre Brard – C’est prendre le risque que l’élastique vous revienne douloureusement en pleine figure ! (Sourires)

M. Hervé Mariton – …signifie l’existence d’un autre danger : celui que les prélèvements obligatoires soient, eux aussi, sous-évalués.

Nous approuvons le parti pris de révision générale des prélèvements obligatoires et de la fiscalité, qui s’impose en effet, sous peine de faire du bricolage, comme le montrent deux exemples. Prenons les stock options. Bien des choses intéressantes ont été dites à leur sujet, mais l’on semble avoir oublié que leur plus-value est taxée, et l’on ne tranche jamais sur le point de savoir si elles relèvent du patrimoine ou du revenu – ou des deux. Le débat est permis, mais il demande une réponse cohérente et non pas une réponse émotive. S’agissant de la fiscalité des dividendes, point sur lequel la commission a progressé, la comparaison doit-elle être faite entre fiscalité du travail et fiscalité du capital, ou entre fiscalité en France et fiscalité dans le monde ? Nos choix doivent tenir compte de la concurrence internationale ; c’est fait dans ce budget, et je m’en félicite, mais il faut aussi parvenir à ce que la fiscalité du travail ne soit pas plus pénalisante que celle du capital.

L’appel à la croissance est une autre ambition bienvenue. À ce sujet, je constate que le Gouvernement est parfois critiqué pour avoir choisi une hypothèse de croissance optimiste. Or, il est de son devoir et de celui de la majorité d’en appeler à un optimisme raisonnable.

Le débat est tout aussi excessif sur le poids respectif que doivent avoir la politique de l’offre et celle de la demande, car le projet de budget refuse de privilégier exclusivement l’une ou l’autre. Ainsi plusieurs dispositions importantes du projet de loi de finances, comme l’exonération de charges pour les heures supplémentaires, le développement du crédit d’impôt recherche, ou la mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle, visent heureusement à cet équilibre entre politique de l’offre et politique de la demande, étant rappelé que beaucoup reste encore à faire sur le terrain de l’offre.

Si nous partageons l’objectif de croissance, nous voulons que cette croissance soit durable. Pour cela, il faut amplifier l’effort de réduction du déficit, car sinon, les citoyens, les acteurs économiques craindront toujours qu’à un moment donné, la dépense publique, et donc l’impôt, ne relèvent la tête ! Il s’agit en fait de la condition pour que la stratégie de réduction de l’impôt produise tous ses effets !

Le projet obéit à une norme « zéro en volume », dans un périmètre élargi. Encore faudrait-il que la nomenclature soit aussi stable que possible d’un budget à l’autre. Dans le cadre de la réforme des institutions, pourquoi cette nomenclature ne serait-elle pas fixée par le Parlement ?

Nous pourrions même faire davantage que le « zéro en volume » ! Votre prédécesseur, Monsieur le ministre, n’avait-il pas appelé à préparer le présent budget en appliquant la norme « zéro en valeur » ?

En exécution, la réduction des déficits a été de 57 milliards en 2003, de 44 en 2004, de 43 en 2005 et de 36 en 2006. Cet effort a exigé toute la détermination, toute la constance de la majorité et des gouvernements de MM. Raffarin et de Villepin. Il est dommage qu’il s’interrompe en 2008, le déficit restant à peu près au même niveau qu’en 2007, puisque aggravé seulement de 74 millions.

Vous dites que les réformes structurelles doivent avoir la priorité. Oui, il faut mener les réformes, mais l’effort budgétaire doit être amplifié dès aujourd’hui. Nous n’avons pas le temps d’attendre ! Certains de nos voisins européens, dont les finances publiques étaient encore plus dégradées que les nôtres, ont su plus vite que nous les rétablir. Je ne doute pas de votre ambition de réaliser beaucoup dans les prochaines années, mais il ne faut pas faire l’impasse sur 2008. Pensez à l’ampleur de l’effort qu’il faudra sinon déployer en 2009 ! Les réformes auront-elles d’ailleurs porté leurs fruits à ce moment-là ?

Si ce projet de loi de finances comporte de nombreuses dispositions que nous approuvons, nous avons donc un regret tout de même : c’est que l’effort de réduction du déficit ne soit pas plus important. Peut-être nous proposerez-vous, comme l’a suggéré le rapporteur général, de faire de plus amples efforts en exécution... C’est le seul moyen pour convaincre les Français que nous menons une politique budgétaire et fiscale, une politique de croissance durables. Courage, et bon succès ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Etienne Pinte – Comment ne pas adhérer à tant de détermination et de volontarisme ? J'ai toujours plaidé pour un État moderne, fort et recentré sur ses fonctions essentielles d'orientation, d'arbitrage, de protection et de solidarité. Les orientations de ce budget laissent à penser que nous sommes sur cette voie.

Qu'un budget soit fondé sur des calculs optimistes ne me choque pas ; personne n'est capable de prévoir l'avenir, même immédiat, et les retournements de conjoncture sont toujours possibles, sinon probables. Et cela me semble tout à fait compatible avec l'objectif de diviser par deux la progression de la dépense publique dans les cinq prochaines années. Nous pouvons donc nous reposer sur ces prévisions, d'autant que des mécanismes de régulation sont prévus, comme celui, très habile, de la réserve de précaution.

Le 25 septembre dernier, devant le Comité des finances locales, madame la ministre de l'intérieur a fait part de son souhait d'instituer un partenariat « sincère et responsable entre l'État et les collectivités ». Enfin ! Certes, c'est ce que l'on nous dit tous les ans, mais soyons positifs, et prenons acte de cet engagement.

Vous nous proposez d'indexer la croissance du montant des dotations de l'État sur l'inflation. Or, cet indice n’est pas vraiment représentatif de la création de richesse et de son partage équitable. La dépense la plus importante des budgets locaux est constituée par les charges de personnel. Le statut ubuesque de la fonction publique territoriale prive les élus de toute prise sur le fameux indice GVT. En outre, les revalorisations annuelles de traitements sont fixées par l'État. Nous ne pouvons donc réguler cette charge qu'en agissant sur les recrutements, et encore hors secteurs dits normés.

De ce fait, et compte tenu de l’augmentation constante des besoins dans le secteur des services aux personnes, je vois mal comment nous pourrons équilibrer des dotations qui ne progressent que faiblement et des dépenses qui augmentent sans possibilité de les maîtriser. Dans ma ville, les impôts ont augmenté en 2007 de 4,27 points, soit de 3,54 % par rapport au budget 2006, tandis que la DGF a progressé de 1,18 % et que les compensations ont diminué de 2,44 %. Je vous demanderais donc d’abord de nous dire, dans le cadre de ce nouveau partenariat, quand et comment sera enfin réformé le statut de la fonction publique territoriale. De même, quand aurons-nous la possibilité de négocier nous-mêmes la politique salariale de nos collectivités ?

Par ailleurs, pourquoi faut-il que nous soyons toujours obligés de faire valoir nos droits en justice, comme je l'ai fait au sujet des passeports ? Pourquoi l'État nous oppose-t-il un refus systématique, avant d'être non moins inévitablement condamné par nos tribunaux ? Je vous demande, là encore, l'engagement solennel de privilégier la négociation et la concertation pour régler ce genre de différends, ouverts dans la marge obscure des transferts de compétences.

L’article 48 du projet crée un fonds de solidarité en faveur des communes de métropole touchées par des catastrophes naturelles. Je croyais que la notion de catastrophe naturelle était « indivisible » sur l’ensemble du territoire et qu’à ce titre, elle appelait toujours la mise en œuvre de la solidarité nationale. Or, l’article introduit la notion nouvelle, alambiquée, de catastrophe ne relevant pas de la solidarité nationale, de catastrophe locale, qui appellerait la mise en œuvre exclusive de la solidarité des collectivités. Il est ainsi proposé de ponctionner vingt millions par an sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qu’on n’aura donc de cesse de martyriser jusqu’à ce qu’elle disparaisse complètement !

Est-ce là une démarche sincère et responsable ? Pour y répondre, je renverrai à l’article 12 du projet, instituant le nouveau contrat de stabilité. L’exposé des motifs dit : « De nouvelles variables d'ajustement sont intégrées au contrat afin que la charge d'ajustement ne pèse pas de manière excessive sur la seule DCTP. » Donc, si d’un côté, l’article 12 limite le rôle de variable d'ajustement de la dotation, d’un autre côté, on y prend vingt millions par an ! Sans doute est-ce une erreur, et le ministre nous dira-t-il que les choses vont rentrer dans l’ordre !

En conclusion, ce projet de loi de finances est porteur de progrès et de prémices de changement que la très attendue révision générale des politiques publiques consolidera certainement. Mais j'ai aussi l'impression que certaines mauvaises habitudes ont la vie dure et je dirai donc : bien mais peut mieux faire !

Le 20 octobre 2005, M. Méhaignerie, président de la commission des finances, me déclarait : « Pour éviter de s'accuser les uns les autres, nous avons vraiment besoin d'une clarification et d'un débat sur les relations des collectivités locales avec l'État. » Depuis, nous attendons ! Monsieur le ministre, nous sommes prêts à ce partenariat sincère et responsable promis par la ministre de l'intérieur ; nous n'attendons qu'un signe pour nous mettre au travail avec vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Victorin Lurel – La discussion de la loi de finances est toujours un moment de vérité. La présente majorité a été élue sur le thème de la rupture. Or, la seule rupture visible, c'est la rupture avec le réalisme, comme le montre votre refus obstiné d’entendre les instituts et les institutions internationales qui vous disent que vos prévisions de croissance sont irréalistes !

Quelle rupture dans un budget qui reste fidèle aux orientations du gouvernement précédent ? Quelle rupture dans un budget fidèle aux préceptes du libéralisme, si ce n’est, peut-être, le style décomplexé de ce gouvernement pour assumer ces derniers, un style qui confine souvent à la désinvolture et parfois au cynisme ?

Pourquoi le Président de la République, qui aime à puiser ses références outre-Atlantique, n’a-t-il pas préféré le New Deal de Roosevelt au néo-conservatisme ultralibéral de Reagan ? Pourquoi n’a-t-il pas préféré de vastes chantiers d’infrastructures et d’ambitieux projets de recherche à la réduction du rôle de l’État et des impôts des plus riches ? Quitte à pratiquer la rupture, voilà qui eût été vraiment neuf ! Hélas, vous persistez dans l’erreur de croire que seuls les riches créent de la richesse et qu’ils le font mieux encore s’ils sont gavés de cadeaux fiscaux.

Votre attitude envers l’outre-mer en est l’illustration. Malgré les besoins, ce budget, en baisse de 6,8 %, n’aura plus qu’une valeur incitative en matière d’emploi. Les exonérations ne remplaceront jamais les aides directes, mais Bercy tient fermement les cordons de cette bourse ! De même, la future loi de programme sur les zones franches s’en remet aveuglément au marché, alors qu’un véritable plan Marshall de rattrapage s’impose pour les équipements. Un tel laisser-faire a provoqué, depuis cinq ans, une chute d’un tiers – soit 600 millions – des crédits de l’outre-mer, et les documents préparatoires révèlent noir sur blanc que, désormais, vous ne cherchez plus à obtenir un quelconque rattrapage par rapport à la métropole. Au contraire, en creusant les retards pour les revenus comme pour les équipements, vous allez mettre notre cohésion nationale en péril. C’est un choix révoltant, sur lequel j’attends que s’expriment mes collègues ultramarins de l’UMP.

Les équipements structurants font cruellement défaut à l’outre-mer. Or, à l’heure de la stratégie de Lisbonne, qui est loin d’en faire sa priorité, et des contraintes budgétaires que connaissent les collectivités locales, l’État, volontariste, doit achever les efforts commencés avec la départementalisation. C’est pourquoi nous souhaitons la création d’un fonds de rattrapage, financé au besoin grâce à la remise en cause d’autres dispositifs spécifiques à l’outre-mer. Songez qu’en Guadeloupe, où seules trois communes ont encore une marge financière, la seule mise aux normes sismiques des bâtiments publics coûtera deux milliards sur quinze ans, et la construction d’usines de traitement des ordures ménagères plus de 300 millions ! L’Europe donne peu ; si l’État ne donne rien, nous ajouterons un demi-siècle au demi-siècle de retard que nous avons déjà sur la métropole.

Le Premier ministre ne s’en cache pas : la réforme de l’État signifie son désengagement. C’est tout le contraire dont a besoin l'outre-mer ! Ce désengagement a déjà provoqué la disparition des services vétérinaires à la Réunion – services qui auraient pourtant été bien utiles lors de la crise du chikungunya – et la suppression de 140 postes de fonctionnaires de police à la Guadeloupe – où le taux des vols est double de celui de la métropole. Et pas un seul chantier d’État n’est entrepris en Guyane, où la commande publique est le moteur de la croissance et les retards d’équipement sont énormes ! Le retrait de l’État est dramatique pour ces territoires.

Réformer l’État devrait plutôt revenir à rationaliser l’administration déconcentrée et, surtout, à accroître l’autonomie des collectivités par une décentralisation normative, et non plus seulement technique. Je m’étonne à cet égard que la commission Balladur s’en tienne à une réflexion sur les seuls pouvoirs nationaux. Les collectivités locales, en effet, sont les premières à pâtir du retrait de l’État ! Non contents de ne pas compenser l’ensemble des transferts de charges – j’ai, dans ma région, dû débourser 4,8 millions pour financer les TOS –, vous leur faites payer le coût de votre politique. Ainsi, la fin prochaine du contrat de croissance et de solidarité entraînera une baisse de 20 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. En l’absence de réforme de leur fiscalité, les collectivités déjà exsangues ne pourront plus pallier les carences de l’État.

Je mesure toute l’audace qu’il vous faudrait pour troquer Reagan contre Roosevelt. Un autre orateur vous jugeait ainsi : « Bien, mais peut mieux faire ». Voici mon avis : inacceptable, copie à revoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Mallot – Les ressources fiscales ne représentent que le quart des recettes d’une région, dont l’autonomie est ainsi très réduite. Les dotations de l’État sont donc déterminantes. Or, le Gouvernement a décidé de les indexer sur la seule inflation et de supprimer la part de PIB qui s’y ajoutait. Dès lors, les collectivités territoriales vont perdre une partie de leur capacité d’investissement, alors qu’elles sont à l’origine de 72 % des investissements publics ! En outre, une bonne part de cette dotation servira à compenser des transferts de charges, en matière de personnels notamment.

Pour financer ces transferts, vous avez déjà innové en transférant aux régions une part de la TIPP et en leur permettant d’en moduler – quelle belle formule ! – le taux. Néanmoins, le produit de cette taxe décroît avec l’heureuse évolution de nos comportements. Ainsi, la consommation de super a diminué de 3,7 % en Auvergne. D’autre part, n’y a-t-il pas contradiction à encourager les régions à développer les transports collectifs tout en leur confiant une ressource fondée sur la voiture ? Enfin, les charges que cette ressource est censée compenser sont à la hausse. Une aubaine pour le ministre : le voilà en mesure de prétendre qu’il diminue les impôts alors qu’il transfère aux régions des charges en hausse et des ressources en baisse !

M. Michel Vergnier – « À l’euro près », souvenez-vous de M. Copé !

M. Jean Mallot – Mieux encore. Tout à votre volonté d’asphyxier les régions, coupables d’avoir mal voté en 2004, vous avez limité l’une de leurs principales recettes fiscales, la taxe professionnelle, en la plafonnant à 3,5 % de la valeur ajoutée – preuve, soit dit au passage, qu’on sait parfaitement calculer la valeur ajoutée dégagée par une entreprise, ce qui fait tomber les arguments prétendument techniques selon lesquels il serait impossible de transférer l’assiette de calcul des cotisations sur la valeur ajoutée !

Ce plafonnement uniforme de la taxe professionnelle a un effet redoutable : les régions, contraintes d’augmenter leur fiscalité pour faire face aux transferts de charges non compensés, ne peuvent même pas percevoir intégralement le produit des décisions douloureuses qu’elles sont contraintes de prendre en matière fiscale. En 2007, dans une région comme la mienne, l’Auvergne, un point de fiscalité supplémentaire rapporte 500 000 euros, alors que le manque à gagner sur la taxe professionnelle représente, lui, 14 millions d’euros – soit exactement le péage que la région paie à RFF pour avoir le droit de faire rouler ses trains sur des voies délabrées ! Les régions ne peuvent faire autrement que recourir à l’impôt ou à l’emprunt, impôt différé, d’autant que leurs charges vont s’alourdissant : transfert de personnels, gros investissements nécessaires dans les lycées – nous avons hérité en Auvergne d’un parc en très mauvais état, nos prédécesseurs ayant eu d’autres priorités –, charges nouvelles que l’État voudrait leur faire partager comme l’entretien des routes nationales ou la rénovation des voies ferrées.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Mallot.

M. Jean Mallot – J’ai bien noté les explications assez embarrassées du rapporteur général sur la péréquation.

M. Michel Vergnier – C’est de la péréquation à l’envers !

M. Jean Mallot – Pourquoi en a-t-on inscrit le principe dans la Constitution si c’est pour ne pas l’appliquer ?

En conclusion, ce budget 2008 marque pour le Gouvernement une étape supplémentaire dans le transfert de charges vers les collectivités et dans la bataille politique contre les régions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Laurent Hénart – Ce projet de budget traduit la double volonté de réduire les déficits et de soutenir la croissance et l’emploi. Et ce, dans un contexte difficile, sur le plan international tout d’abord avec l’augmentation du prix de l’énergie, sur le plan national ensuite avec la remontée des taux d’intérêt et l’alourdissement inévitable des pensions à régler par l’État, ce qui limite d’autant les marges de manœuvre.

Le Gouvernement s’est fixé pour objectif de réduire le déficit d’un dixième de point de PIB en 2008, ce qui est certes peu, mais la recherche résolue d’une meilleure efficacité de la dépense publique est le gage d’améliorations plus importantes dans les années à venir, améliorations qui augurent du retour à l’équilibre en 2012 promis par le Président de la République à nos partenaires européens.

S’agissant de la maîtrise de la dépense publique, vous allez au-delà de l’objectif d’une croissance zéro en volume, retenu sous la précédente législature – je mesure combien cet objectif, facile à énoncer, est certainement beaucoup plus difficile à mettre en œuvre ! Vous tirez profit des opportunités offertes par le départ en retraite de nombreux fonctionnaires et poussez le curseur plus loin que sous la précédente législature. Je ne suis pas de ceux qui vous reprocheront de n’avoir pas tenu l’objectif du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Plutôt que de tailler à la hache, vous avez cherché avant tout à être pragmatiques et efficaces – je m’en félicite, et il n’est pas mauvais que dans la majorité certains vous le disent. Vous avez enfin annoncé une révision générale des politiques publiques, seul moyen de rendre encore plus efficace la dépense, et méthode dont, je l’espère, pourront s’inspirer les collectivités et la Sécurité sociale.

Certains ont émis des doutes sur la sincérité de ce budget. Je rappellerai seulement que depuis 2004, le déficit constaté a toujours été inférieur au déficit prévu. Ainsi l’exécution 2007 sera-t-elle inférieure de quelques milliards au montant maximal autorisé par le Parlement en loi de finances initiale. La qualité de l’exécution budgétaire depuis 2004 est la meilleure preuve de la sincérité des budgets successifs présentés depuis lors.

Si ce budget pour 2008 ne réduit que modérément le déficit, c’est qu’il est placé avant tout au service de la croissance. Le Gouvernement a été cohérent : on ne peut à la fois appuyer sur le frein et sur l’accélérateur. Des mesures ambitieuses ont été votées cet été dans le cadre de la loi Travail, emploi et pouvoir d’achat, qui doivent nourrir la croissance. Contrairement à ce qui est parfois dit, tous les Français quasiment en profiteront, qui parce qu’il effectuera des heures supplémentaires, qui parce qu’il pourra déduire les intérêts d’emprunt de sa résidence principale, qui parce qu’il recevra une succession, qui parce qu’il bénéficiera du bouclier fiscal – dont seulement un cinquième des bénéficiaires est assujetti à l’ISF. L’intérêt de ce « paquet fiscal » est qu’il agit à la fois sur l’offre et sur la demande. La mesure sur les heures supplémentaires tourne définitivement la page des 35 heures en donnant à nos entreprises une plus grande souplesse dans la gestion de leurs ressources humaines et de leur charge de travail, souplesse qui leur est indispensable dans un contexte de concurrence internationale accrue.

Ce budget soutient également l’investissement et la modernisation de notre économie. Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de la mission « enseignement supérieur et recherche ». Ses crédits augmentent de quelque 8 %, soit 1,8 milliards : voilà qui ne s’était jamais vu ! Et que dire des 190 millions au bénéfice des diverses agences, des 400 millions prévus pour l’augmentation du crédit d’impôt-recherche ? Il ne serait pas honnête non plus de passer sous silence les 3 000 emplois de chercheurs débloqués depuis 2005 ou les 2 250 postes de moniteurs qui apportent une réponse concrète aux aspirations des doctorants tout en leur offrant une première expérience. D’autres chantiers ont été ouverts, dont il faut se féliciter mais pour lesquels des crédits supplémentaires seraient bienvenus. C’est le cas de l’effort en faveur du logement étudiant ou bien encore du programme Réussir en licence – un étudiant sur deux aujourd’hui n’obtient pas sa licence…

Ce budget ne rompt pas avec les engagements pris antérieurement par notre majorité. Le plan de cohésion sociale adopté sous la précédente législature et qui court jusqu’en 2009 sera bien entendu revu du fait même de la révision générale des politiques publiques. La fusion ANPE-Unedic amène d’ailleurs à considérer différemment les maisons de l’emploi, et le Grenelle de l’insertion amènera sans doute à revoir les emplois aidés. Mais en attendant que tous les chantiers ouverts aboutissent, l’ensemble des moyens existants doit être utilisé jusqu’au bout. Depuis deux ans et demi, le nombre de demandeurs d’emploi enregistrés à l’ANPE a diminué de 20 % et le taux de chômage de deux points. Et cette baisse est bien réelle, puisqu’elle s’est accompagnée d’une augmentation du nombre de cotisants. Pour autant, cette évolution est fragile, reposant pour l’essentiel sur des secteurs comme le bâtiment et les services à la personne, qui ne sont pas touchés par les délocalisations. L’une des innovations du plan de cohésion sociale, à laquelle, je le sais, la ministre est attachée, est de permettre aux services déconcentrés de l’État de gérer dans une même enveloppe les emplois aidés du secteur marchand et du secteur non marchand, ce qui facilitera les relais. L’ouverture de nouveaux chantiers ne doit pas dispenser d’appliquer jusqu’à son terme le plan de cohésion sociale. Ainsi, les maisons de l’emploi doivent poursuivre leur travail, au moins jusqu’à ce que la fusion ANPE-Unedic ait eu lieu, d’autant qu’elles recouvrent un champ plus large.

La décrue du chômage, laquelle nous permettra de rétablir l’équilibre de nos comptes publics et sociaux et de redonner espoir et dignité à beaucoup de nos concitoyens en les ramenant vers la vie active, est au prix de toutes ces mesures.

Je vous demande, Madame la ministre, d’être aussi habile dans l’exécution de ce budget que vous l’avez été dans son élaboration. Je vous remercie par avance de votre esprit d’ouverture dans le débat à venir et tout au long de l’année 2008 car s’il faut rétablir l’équilibre des comptes, il ne faut jamais perdre de vue l’objectif du retour au plein emploi, qui, en même temps qu’il contribuera au rétablissement des comptes, donnera des perspectives à nos concitoyens les plus modestes et les plus fragiles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Censi – Ce projet de loi de finances est l’expression de trois principes approuvés par nos concitoyens lors des dernières échéances électorales. Tout d’abord, le volontarisme. Ce budget soutient la croissance en soutenant les Français car c’est en effet entre leurs mains que réside notre potentiel de création de richesses. Madame la ministre, vous leur faites confiance et on voit bien comment ce budget est destiné à les aider, dans leur ensemble, à aller de l’avant.

Deuxième principe : l’efficacité. Ce budget réalise en effet un bon équilibre entre une saine gestion des comptes publics et le renforcement de nos performances économiques.

Troisième principe : l’équité. Ce budget restaure en effet le respect du travail et de ses revenus, et favorise le retour à l’emploi, notamment de ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés.

Il y a six mois, deux grands projets ont été présentés à notre pays. C’est celui de notre majorité qui a été choisi. Le présent budget se situe dans le droit fil des attentes de nos concitoyens. Il est conforme à nos ambitions pour la France et les Français. Il ne peut y avoir de croissance sans libération du travail ni augmentation du pouvoir d’achat des ménages. Or, non seulement vous permettez que les heures supplémentaires soient mieux rétribuées – depuis les lois Aubry, le budget de la nation était mobilisé pour empêcher les salariés de travailler, et ce pour un montant presque équivalent au déficit de l’État ! –, mais vous desserrez aussi l’étau des prélèvements qui pèsent aujourd’hui sur les salariés et sur les investisseurs.

En outre, vous poursuivez le redressement des finances publiques. Déjà, grâce aux bonnes pratiques de la précédente législature, le déficit a été ramené de 50 milliards en 2002 à 36 en 2006 ; en vous appuyant sur cette réussite, vous prenez le tournant nécessaire pour améliorer encore les performances économiques, sociales et fiscales de notre pays.

Il y a en effet un tournant, n'en déplaise au Président Migaud, qui n’y croit pas – mais il ne croyait pas non plus, en 2006, à notre capacité de diminuer le déficit budgétaire ; chaque année, il nous donne rendez-vous l'année suivante, et nous vérifions alors que ses propres prévisions étaient erronées. Je ne doute pas que cette règle se confirmera l'année prochaine !

Nos collègues de l’opposition sont contraints de recourir au schéma éculé de la lutte des classes pour critiquer ce PLF. Mais quoi qu’ils en disent, l'accession à la propriété intéresse tous les Français, et l'exonération fiscale applicable aux heures supplémentaires n'est pas un cadeau fait aux riches ! Non, il ne faut pas interdire de travailler plus pour réduire le chômage, pas plus qu'il n'est utile d'augmenter les impôts pour maîtriser le déficit public ou améliorer les performances de l'État – sinon on l’aurait vu !

M. Fabius et le président de la commission des finances disent ne pas voir dans ce budget les moteurs de la croissance. Ils les ont pourtant sous les yeux ! Outre les mesures en faveur du travail, il y a la diminution de 0,3 point du taux de prélèvements obligatoires, le renforcement des moyens consacrés à la formation, la revalorisation de la prime pour l'emploi, l’augmentation du crédit d’impôt recherche, la hausse importante du budget de la recherche et de l'enseignement supérieur ; sans oublier le bouclier fiscal à 50 %, dont plus de 81 % des bénéficiaires ne sont pas assujettis à l’ISF, contrairement à ce qu'affirment nos collègues !

Ces mesures volontaristes sont toutes porteuses de croissance. Quant aux prévisions de recettes, qui restent prudentes, elles nous laissent espérer des rentrées supérieures, comme cela s'est produit depuis quatre ans.

Alors qu'une immense majorité de Français bénéficieront de ces dispositions, l'opposition n'a pas cessé de stigmatiser les détenteurs des plus hauts revenus. Chacun se souvient du premier secrétaire du Parti socialiste déclarant « Je n'aime pas les riches »… Mais les Français ne s'y sont pas trompés.

Il n'y pas de partage de richesses sans création de richesses. C’est bien pourquoi nous devons aller plus loin encore dans le soutien à l’activité, y compris dans les services financiers. Il nous faut en particulier supprimer enfin l'impôt sur les opérations de bourse. Voilà dix ans que l'on en parle, mais il y a urgence car c’est un impôt néfaste. Les services du ministère estiment son rendement à 240 millions en 2008, mais en réalité la recette sera nulle ! À partir de novembre, en effet, la directive MIF obligera de passer par l'intermédiaire le mieux disant, ce qui est une excellente chose ; mais si nous maintenons cet impôt, la perte de rentrées fiscales et sociales annuelles liée à la délocalisation de ces services peut être estimée à un milliard. Pour éviter ce scandale, qui empêcherait Paris de devenir une véritable place financière internationale, le vote de l'amendement que j'ai déposé avec deux de mes collègues est indispensable.

Ainsi modifié, ce projet de budget, déjà très bon, deviendrait excellent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Vergnier – Madame et Monsieur les ministres, il est de notre devoir, à défaut de vous convaincre de changer de stratégie, de vous proposer des améliorations pour défendre l'intérêt général.

Ayant l’honneur de présider la commission nationale des territoires ruraux de l’AMF, j’ai pu constater que mes collègues maires, de toutes tendances politiques, portent un jugement plutôt sévère sur votre projet de budget. Je conviens que notre mobilisation est parvenue à infléchir votre position ; cependant le compte n'y est pas.

Ce qui est en cause, c’est l'avenir de 80 % de notre territoire national, dont les habitants ne représentent certes que 20 % de la population française, mais ont non seulement des devoirs, mais aussi des droits.

Pendant la campagne présidentielle, le candidat Sarkozy a déclaré qu’il était « normal que les Hauts-de-Seine aident la Creuse ». Nous espérions que ces paroles seraient suivies d'effet car depuis longtemps, nous réclamions une réforme de la fiscalité et une péréquation financière entre collectivités. Au lieu de cela, vous nous proposez de mettre fin au contrat de croissance et de solidarité, en indexant l’enveloppe sur la seule inflation, ce qui se traduit par une baisse d’au moins 20 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Et sans l'intervention déterminée des élus, en particulier de l'AMF, cela aurait pu être pire !

Les collectivités locales continuent donc à servir de variable d'ajustement. Permettez-moi d’illustrer mon propos par l’exemple de la Creuse. Une étude menée par le cabinet Klopfer, dont l'impartialité et le sérieux sont reconnus, conclut à la nécessité d'augmenter la fiscalité de 10 % par an pendant cinq ans, tout en aggravant l'endettement. Il manque à mon département de 10 à 15 millions par an pour assurer la couverture de ses charges et un peu de développement local ; c'est à peine un millième de la DGF des départements.

Veut-on sacrifier un département comme le mien, alors que d'autres ont engrangé des droits de mutation considérables et peuvent avoir un taux d’endettement par habitant quasiment nul ?

Les départements ne refusent pas les transferts de compétences, mais ils aimeraient un véritable effort de solidarité. Au lieu de cela, ils seront une nouvelle fois contraints de serrer la vis. Il faudra donc soit diminuer le personnel, donc les services rendus à la population, soit réduire les investissements, ce qui ne manquera pas de mettre en difficulté les entreprises. C'est un mauvais calcul politique et une erreur économique.

Au passage, je voudrais dire que j’en ai un peu assez qu’on revienne sans cesse sur ce qui s’est passé en 2002 : au moment où la loi de finances a été votée, personne ne savait quelle serait la nouvelle majorité. On pourrait aussi parler de 1997, du budget impossible et de la dissolution – dont j’ai d’ailleurs profité !

Chacun sait que les départements ne pourront pas faire face. Ce budget déconcertant sera sans doute une bonne affaire pour les plus favorisés, mais il n’y a rien pour les autres, qui subiront seulement les hausses de fiscalité locale et une dégradation des services rendus. Vous deviez vous rendre dans la Creuse en qualité de ministre de l’agriculture, Madame la ministre, mais vous n’en avez pas eu le temps. Permettez-moi toutefois de vous inviter à venir tout de même : vous pourrez constater sur place qu’il n’y a que 3 millimètres de route par habitant dans la Creuse, contre 17 à 18 mètres dans les Hauts-de-Seine.

Il faut aujourd’hui que nous nous penchions ensemble sur le constat au lieu de continuer à jouer aux chaises musicales, chacun critiquant la décentralisation menée par les autres. Cela ne fait pas avancer le schmilblick ! Quand on évoque les transferts de charges non compensés, il faudrait s’entendre sur ce que cela signifie exactement pour les collèges et les lycées, ou pour les routes.

Il est vrai que l’État paie son dû, mais le plus tard possible, ce qui nous contraint à engager des lignes de trésorerie fort coûteuses pour nos budgets. L’État est un mauvais payeur : nous le répétons inlassablement, non pour vous ennuyer, mais pour que vous regardiez enfin la vérité en face.

Permettez-moi de terminer par deux questions : le 19 septembre dernier, le bureau de l’Association des maires de France a demandé au ministère de l’intérieur de lui fournir toutes les informations relatives aux conséquences de la baisse des variables d’ajustement en vue d’étudier une modulation de cette mesure pour les collectivités les plus en difficulté. Puisque nous n’avons eu aucune réponse à ce jour, j’aimerais savoir où en est le Gouvernement.

Lors de la réunion du Comité des finances locales, le 25 septembre dernier, plusieurs élus ont également demandé une exonération de la taxe foncière sur les biens non bâtis agricoles. Un amendement relatif aux communes semble en bonne voie en commission, mais quid des départements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Louis Giscard d'Estaing – Répondant hier soir à la question préalable défendue par Jérôme Cahuzac, j'ai eu l’occasion de rappeler combien ce budget contrastait, par sa sincérité, avec la dernière loi de finances présentée par un gouvernement socialiste. Nous poursuivons en effet l'effort d'assainissement des finances publiques engagé depuis 2002 tout en finançant la relance de la croissance et la revalorisation du pouvoir d'achat enclenchées par la loi TEPA. C’est sans doute pour cela que les Français ont, pour la première fois depuis 1981, reconduit une majorité en place.

Je me réjouis tout d'abord du dispositif relatif aux heures supplémentaires et complémentaires, voté cet été et intégré dans ce projet de loi. J'y tenais depuis longtemps : certains se souviendront de l’amendement 127 que j’avais défendu le 17 novembre 2004. Je demandais alors au Gouvernement d'examiner les possibilités de modification du dispositif applicable aux heures supplémentaires ou majorées, et de compensation des pertes de recettes pour les organismes sociaux.

Trois ans plus tard, ce n'est pas un rapport que j'ai obtenu, mais l’adoption du dispositif que j’espérais. Dès maintenant, les Français ont ainsi un moyen efficace et simple d'augmenter leur pouvoir d'achat. Si certains, parmi nous, n'en sont pas encore convaincus, qu’ils lisent le rapport adressé par le Gouvernement au président de la commission des finances, le 11 octobre dernier. Nos collègues pourront aussi, dès la fin du mois, jeter un œil aux bulletins de paye : ils constateront eux-mêmes les hausses de salaire net dont bénéficieront des dizaines de milliers de Français.

Toutefois, nous traînons encore le boulet des exonérations patronales consenties par les lois dites « Aubry » – plus de 17 milliards d’euros ! Après avoir déjà porté le seuil des exonérations de 1,7 à 1,6 SMIC en loi de finances pour 2006, il faudrait poursuivre le mouvement en adoptant mon amendement visant à abaisser ce seuil à 1,5 SMIC. Nous pourrions ainsi alléger de plus d’un milliard les conséquences financières des 35 heures.

Plusieurs députés du groupe SRC – Que ne les avez-vous purement et simplement supprimées ?

M. Louis Giscard d'Estaing – J’en viens au rôle du Parlement en matière de contrôle de la dépense publique. Comme l’indiquait Nicolas Sarkozy, le 14 janvier dernier, une démocratie irréprochable n’est pas une démocratie où l'exécutif est tout, et le Parlement rien : c'est une démocratie où le Parlement a les moyens de contrôler l’exécutif.

Avec plusieurs collègues de la commission des finances, Gilles Carrez, Michel Bouvard, Jean-Michel Fourgous ou encore Hervé Novelli, j’ai déjà pris des initiatives en ce sens durant la précédente législature… Il faut garder toutefois à l’esprit que l’une des premières missions incombant aux rapporteurs spéciaux, aux rapporteurs pour avis, et à tout auteur d’amendement, c’est de proposer des économies budgétaires aux ministres.

Pour cela, nous devons nous appuyer sur des évaluations, notamment grâce à une concertation renforcée avec la Cour des comptes, mais cela ne signifie en aucun cas qu’il faudrait attendre la revue générale des finances publiques, comme certains nous y invitent. Aussi sain et nécessaire que soit cet exercice, il ne saurait ôter au Parlement sa capacité d'initiative en matière de réduction des coûts. Une chose est le contrôle exercé par l'exécutif sur lui-même, une autre est celui du Parlement sur l'exécutif ; confondre ces deux missions serait contraire au mandat confié par les Français, mais aussi au renforcement du rôle du Parlement souhaité par Nicolas Sarkozy.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement peut compter sur mon soutien à toutes les mesures qui concourent à assainir nos finances publiques et à revaloriser le pouvoir d’achat des Français comme sur ma volonté d’explorer les pistes qui s’offrent à nous pour améliorer la dépense publique. Si nous travaillons en ce sens, nous accomplirons tous notre mission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Annick Girardin – Ce projet de loi de finances aura de lourdes conséquences pour l'outre-mer. Les crédits de la mission « outre-mer » baisseront en effet de 11,3 %, d’une part en raison d’une réduction de 6,8 % des crédits à périmètre constant, alors que les besoins sont plus forts que jamais, et d’autre part en raison d’un transfert de compétences vers d'autres ministères. La gestion de l'ensemble des dispositifs de soutien à l'emploi et à la formation passera notamment sous la responsabilité du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.

De telles évolutions n’ont rien pour nous rassurer : outre la baisse effective en 2008 de 20 millions d’euros de l’ensemble des crédits affectés aux aides à l’emploi outre-mer, le ministère de l’économie s’est fixé pour objectif une « décélération » des contrats aidés au plan national – 45 000 contrats en moins en 2008 selon une dépêche AFP. Vos services font par ailleurs état, Madame Lagarde, de 100 000 entrées en moins au sein du dispositif par rapport à 2007.

Afin de réduire ce que l’on appelle à tort le « poids » des contrats aidés, vous comptez sur la relance de la croissance. Or, une reprise économique en métropole ne s’accompagne pas nécessairement d’une reprise outre-mer, où les facteurs économiques sont fondamentalement différents. Il faut donc espérer que l'emploi aidé outre-mer ne servira pas de variable d'ajustement à votre objectif de « décélération » au niveau national. Ce serait un désastre pour le développement économique de l’outre-mer, qui souffre déjà de tant difficultés non reconnues et non compensées.

Saint-Pierre-et-Miquelon, faut-il le rappeler, traverse ainsi une crise sans égale depuis l’arrêt de la pêche en raison de l’échec français devant le tribunal arbitral franco-canadien de New York, en 1992. La crise s'installe, et c'est un climat paralysant de morosité qui prévaut.

Bien que notre économie soit en chute libre, les spécificités de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont toujours pas prises en considération par les dispositifs d'aide – je pense au fonds de péréquation, mais aussi à la dotation de continuité territoriale, dont les effets sont restés négligeables chez nous parce qu'ils privilégient les collectivités lointaines et densément peuplées. Nous sommes à la fois la collectivité la plus petite et la plus proche de la métropole, même si le voyage entre Saint-Pierre et Paris dure au moins 19 heures, si on a la chance d'éviter une nuit d'escale.

Les dotations consenties aux collectivités locales de Saint-Pierre-et-Miquelon sont manifestement insuffisantes compte tenu des coûts structurels qui nous sont propres et du faible nombre de nos foyers fiscaux, déjà soumis à une imposition excessive. Il en résulte un déficit chronique et une dette quatre fois plus élevée que les recettes annuelles de la collectivité territoriale. Dans ces conditions, comment pourrions-nous dégager les marges de manœuvre nécessaires à la relance de l’économie dans l’archipel ? Cette situation doit impérativement être prise en compte par le Gouvernement, que ce soit dans ce budget ou dans la « loi de programme » pour l'outre-mer en cours de préparation.

Au-delà de nos divergences politiques, c’est le rôle de la représentation nationale que de veiller à l’équité entre tous nos concitoyens. Or l'équité impose la prise en compte des spécificités. À l'occasion de ce budget, l'outre-mer a besoin d'un message fort de la part du Gouvernement. C'est le sens des amendements que je vous proposerai, concernant notamment la dotation globale de fonctionnement, mais je souhaite que le Gouvernement affirme dès cette discussion générale sa volonté d'agir pour l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Pierre Morel-A-L’Huissier – En attendant la révision annoncée des politiques publiques – révision urgente tant notre pays est sclérosé et inadapté aux évolutions internationales –, ce premier budget de la nouvelle législature traduit incontestablement l’engagement du Président de la République à poursuivre le redressement de nos finances publiques, grâce à une forte maîtrise de la dépense publique, et à rétablir les conditions d'une croissance forte par la revalorisation du travail et le renforcement de la compétitivité. Il a été construit sur des hypothèses prudentes, avec une fourchette de croissance comprise entre 2 et 2,5 % et une inflation de 1,6 %, contre 1,3 en 2007. Le redressement des finances publiques se poursuit donc, avec un déficit prévisionnel en amélioration de 3,7 milliards par rapport à la loi de finances initiale et un solde budgétaire de 41,7 milliards, en légère amélioration. Je note aussi un effort particulier en faveur du pouvoir d'achat et de la valorisation du travail, dans le droit fil de la loi TEPA. Avec l'exonération des charges sur les heures supplémentaires, la diminution des droits de mutation, la réforme du bouclier fiscal et de l'ISF et les mesures concernant le revenu des étudiants et les intérêts d'emprunt immobilier, près de 9 milliards sont consacrés à la dynamisation de la croissance et à la revalorisation du travail.

Cette volonté rompt avec la politique de partage du travail mise en oeuvre depuis 25 ans et qui a fait la preuve de son échec. Comme le dit le chef de l’État, ce n'est pas en partageant les emplois existants que l'on réduit le chômage et que l'on crée de la richesse, mais en travaillant plus et en faisant naître des emplois qui n'existent pas encore. En dehors du budget lui-même, la création d’un grand service public de l’emploi apte à bien mieux aider les chômeurs, la levée des contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser le prix ou la suppression des réglementations qui constituent autant de barrières à l'activité permettront à notre pays de sortir de la spirale infernale qu'il connaît depuis des années.

Pour améliorer le pouvoir d’achat, la loi TEPA prévoit une exonération des charges fiscales et sociales sur les heures complémentaires et supplémentaires. Permettez-moi d'appeler votre attention sur les difficultés rencontrées dans son application par les experts-comptables : le contingent d'heures supplémentaires n'ayant pas été remis en cause, les possibilités de faire des heures supplémentaires sur une année sont réduites. Le système des heures choisies est censé permettre de contourner ce problème, mais il s’avère trop rigide et trop formaliste pour être mis en place dans les PME. En outre, force est de constater une inégalité des gains de pouvoir d'achat puisque, dans le secteur de l’hôtellerie-restauration par exemple, la durée de travail est de 39 heures et la majoration pour heures supplémentaires de 10 % seulement au lieu des 25 % prévus par la loi TEPA. J’insiste sur ces aspects pour que cette mesure-clé ne finisse pas par créer la déception : je vous remettrai une note technique sur ces différents points.

Je voudrais également appeler votre attention sur le régime d'exonération en faveur des zones de revitalisation rurale. La loi relative au développement des territoires ruraux de février 2005 contenait une mesure phare au profit d’organismes d'intérêt général intervenant dans divers domaines : éducatif, social, humanitaire, sportif, culturel, environnemental… Des milliers d'emplois ont ainsi été créés ou préservés dans les zones rurales les plus sensibles. Le coût est évident…

M. Pascal Terrasse – Surtout en Lozère, ça va coûter très cher !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier – …et une évaluation est nécessaire, mais je vous demande de tout faire pour maintenir ce dispositif, au moins pour les salariés aux revenus modestes. J'ai déposé un amendement en ce sens. L’impact de cette mesure est important et ces zones doivent être aidées par la solidarité nationale, C'est particulièrement vrai pour les associations gestionnaires de maisons de retraites et de centres d'handicapés.

En ce qui concerne le produit des amendes des radars automatiques, j'ai déposé avec M. Bouvard un amendement tendant à une répartition différenciée selon les départements. Enfin, on sait les questions récurrentes qui se posent sur la fiabilité de notre appareil statistique, coordonné par l’INSEE, et donc des analyses qui en découlent. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, je proposerai des mesures concernant notamment l'indice des prix et les chiffres du chômage, afin que, comme le souhaite le Président de la République, les statistiques utilisées par le Gouvernement présentent toutes les garanties et reflètent bien la réalité vécue par les Français. Il s’agit notamment de replacer notre outil statistique dans le dispositif défini par Eurostat et par le BIT, pour éviter toute discordance.

Au bénéfice de ces observations, je ne peux que redire mon entier soutien à ce projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. David Habib – Hier, le ministre du budget a évoqué les déficits cumulés de la France : bel aveu, surtout après le jugement définitif de François Fillon sur l’état de faillite du pays ! Mais vous êtes au pouvoir depuis cinq ans ; vous avez l’un et l’autre, Madame et Monsieur le ministre, été ministres sous l’ancienne législature ; depuis juin, vous avez massivement utilisé l’arme budgétaire – 15 milliards pour un produit qui s’annonce déjà nul –, et nous avons bien quatre déficits : en matière de chômage, de pouvoir d’achat, de commerce extérieur et de finances publiques.

Oui, la France est malade. Vous n’êtes sans doute pas les seuls responsables, et nous devons assumer une part de ces difficultés. Mais c’est vous qui êtes au pouvoir. C’est à vous qu’il revient, plutôt que de critiquer vos prédécesseurs, de conforter les atouts du pays et de remédier à ses faiblesses. Or ce budget, déjà contestable en soi, apparaît déjà comme un exercice obligé avant un collectif d’après-municipales qui sera fondé sur des indicateurs plus réalistes, qu’il s’agisse de croissance, de coût de l’énergie ou de taux de change. Il aurait été plus honnête de donner une date limite de consommation à ce projet de loi de finances : le 16 mars 2008 !

Cette première loi de finances pour 2008 se traduit par un manque d’ambition pour la consommation des ménages et l’investissement des entreprises. Elle ignore les ménages à faible revenu : la prime pour l’emploi suit l’indice des prix, sans augmentation significative. Le dispositif d’heures supplémentaires est censé favoriser le pouvoir d’achat des Français, mais vos propres prévisions montrent que vous n’y croyez pas. D’ailleurs, la meilleure façon de le faire serait de lutter contre le chômage. Venez dans nos circonscriptions, vous verrez que le chômage progresse, que la précarité se généralise, que l’outil industriel se délite. À ce propos, le budget est particulièrement décevant en matière de capacités de production. Vous faites cadeau de quinze milliards aux plus aisés, mais il n’y a presque rien pour l’entreprise ! Les louables efforts consentis en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur ne compensent pas l’absence d’une stratégie pour encourager l’investissement productif et l’initiative. Les entreprises moyennes, qui aménagent le territoire, embauchent et peuvent rivaliser sur les marchés extérieurs, sont complètement oubliées dans le projet de loi de finances, qui reste notamment silencieux sur la question de leurs contraintes de financement. Vous avez enfin accordé une énième déduction fiscale aux assujettis à l’ISF investissant dans ces PME, mais le dispositif est si peu utilisé qu’il en dit long sur votre vision de l’économie.

Grâce au bouclier fiscal, en Aquitaine, 99 contribuables sur deux millions d’habitants vont se partager 2 703 706 euros. Si vous comparez ces chiffres avec les dotations accordées aux entreprises qui investissent et créent des richesses et des emplois, vous constaterez qu’il vaut mieux être rentier qu’acteur du développement économique. Le président de la commission des finances avait raison de dire que ce budget caresse les épargnants et décourage le travail. Il avait raison de noter que les promesses du candidat Sarkozy pour le soutien aux entreprises ne figurent pas dans ce budget.

J’aimerais pour finir poser deux questions aux ministres. D’abord, que pensez-vous d’une hausse des prélèvements sur les sociétés pétrolières ? Étant l’élu d’une circonscription qui est le siège du complexe de Lacq et de Total, croyez bien que je n’ai aucunement l’intention de diaboliser des entreprises qui contribuent à la richesse de notre pays et développent des technologies qui lui font honneur, mais, compte tenu du prix actuel du baril et des profits de ces entreprises, une telle hausse ne semble-t-elle pas opportune ? Nous proposons d’en affecter l’intégralité à la prime pour l’emploi. Ensuite, allez-vous clairement dégager des moyens pour les pôles de compétitivité, que nous avons par ailleurs soutenus ? Aujourd’hui, ils sont soutenus par les seules régions et l’État est aux abonnés absents (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Daniel Garrigue – Bien que l’Union européenne soit aujourd’hui le cadre de nos échanges et nous impose ses règles, le débat sur la loi de finances reste profondément hexagonal. Il me semble pourtant qu’il devrait être l’occasion de mettre la loi de finances à l’épreuve de l’Europe – et pourquoi pas l’Europe à l’épreuve de la loi de finances.

Les exigences européennes sont de deux ordres, et elles ne sont pas parfaitement accordées. Pour éviter que les errements des uns ne soient supportés par les autres, chaque État membre doit contribuer à une forte cohérence des politiques budgétaires nationales au sein de la zone euro ; les instruments de cette politique sont la politique monétaire de la BCE et la Pacte de stabilité, dont nous devons appliquer les règles. D’autre part, chaque État membre doit s’astreindre à appliquer la Stratégie de Lisbonne, qui vise à accroître la compétitivité de l’Union par la modernisation et l’innovation.

Le projet que vous nous soumettez tend à répondre à la première de ces exigences par la poursuite de la réduction du déficit budgétaire, et à la seconde par des réformes essentielles – celles des universités, des retraites, de notre système fiscal – et par un effort continu en faveur de la recherche. Ces réformes, conditions indispensables d’un retour à un niveau de croissance comparable à celui de nos partenaires, ont un coût, qui s’impute inévitablement sur notre effort de réduction du déficit.

Notre double démarche ne nous met à l’abri ni des critiques de nos partenaires ni de celles de la Commission européenne. À ces critiques, nous devons répondre avec vigueur, en soulignant pour commencer que la réduction des déficits est pour une large part fonction de la croissance, qui dépend elle-même des réformes. Il nous faut ensuite relativiser l’exigence de réduction du déficit au taux zéro, qui reflète avant tout la faiblesse des instruments actuels de l’Union. Nous devons aussi demander que l’Union se dote enfin d’un gouvernement économique solide qui la rende, par exemple, capable de s’opposer à la menace nouvelle que constituent les fonds souverains.

Se placer dans une perspective européenne, c’est aussi avoir le souci constant de se comparer, notamment en matière fiscale. On parle beaucoup, ces temps-ci, des « champions cachés » allemands, ces PME puissamment spécialisées dans l’exportation. Nous savons, Madame la ministre, l’intérêt que vous portez à ces questions. Ce projet de budget contient des dispositions novatrices en matière de crédit d’impôt recherche, dont nous souhaitons qu’elles bénéficient au premier chef aux PME. Nous serions également favorables à ce que des dispositions fiscales appropriées encouragent nos PME à exporter. Enfin, alors que l’on parle de libéraliser les circuits de distribution, un arbitrage clairvoyant s’impose entre le libéralisme « à l’anglo-saxonne » et le libéralisme « à l’allemande », plus conservateur sans doute mais plus favorable aux « champions cachés ».

En conclusion, nous nous devons d’être en phase avec nos partenaires européens, mais nous devons aussi exiger l’édification d’une Europe plus cohérente et plus ambitieuse. Le projet s’inscrit dans cette perspective et je le voterai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse – Tout budget traduit un mode politique d’organisation sociale et économique. Celui qui nous est soumis, parce qu’il est le premier de la législature, montre quelles seront les orientations du Gouvernement au long de ces cinq ans. L’opposition trouve donc là le moyen de mesurer si les promesses électorales se concrétisent. Y a-t-il rupture avec la pratique du précédent Gouvernement, issu de la même majorité ? Ce projet répond-il aux aspirations du plus grand nombre ? L’intérêt général prime-t-il sur les corporatismes ? Un horizon politique est-il offert à notre pays ? Telles sont les questions auxquelles j’ai tenté de répondre en constatant que les orientations retenues s’apparentent à l’idéologie reaganienne déjà appliquée en France entre 1986 et 1988. À l’époque déjà, il fallait réduire les impôts des nantis pour stimuler la croissance et l’emploi, sans que le déficit public en soit aggravé… Déjà, les plus cyniques validaient cette stratégie en défendant la théorie dite du ruissellement, selon laquelle plus on donne aux riches, plus les pauvres en profitent, par effet de cascade… L’échec a été patent, et notre pays s’est installé durablement dans une situation financière inquiétante, caractérisée par une croissance plus faible que celle de ses partenaires, un déficit public qui n’a cessé de se creuser depuis 2002 et un endettement qui a explosé au cours des dernières années.

Au vu de ce tableau bien peu reluisant, quelle sera la crédibilité de la France lorsqu’elle prendra la présidence de l‘Union européenne en juillet prochain, si aucun collectif n’a été adopté après les élections municipales ? Ou faut-il croire qu’une fois encore les crédits seront gelés à peine votés par le Parlement, et la loi de finances profondément modifiée par les services du ministère, au mépris de la démocratie ?

Après cinq années de croissance faible, le Gouvernement prétend apporter à notre économie le point de croissance supplémentaire qui lui manque. Malheureusement, la réalité diffère sensiblement des messes électorales, puisque le taux de croissance pourrait être, en 2007, de quatre dixièmes de point inférieur à ce qu’il était l’an dernier.

Alors que ce débat se déroule pendant la Journée de lutte contre la misère, pensez-vous que le paquet fiscal réponde aux attentes de la majorité de nos concitoyens ? J’en doute, sachant que le bouclier fiscal a été utilisé par 2 300 contribuables en tout, auxquels ont été restitués 50 000 euros en moyenne – mais 200 000 euros à certains… Quelle indécence ! De la « fracture sociale » dont a tant parlé le précédent Président de la République, on est passé à une facture sociale payée par tous – autrement dit : « Travailler plus pour payer plus ».

D’autre part, au moment où se tient le congrès national de l’ADF, je tiens à souligner la situation précaire dans laquelle vont se trouver sous peu de nombreux départements, de droite comme de gauche, dont je me fais le porte-parole. Je prendrai pour exemple celui de l’Ardèche qui, après avoir dû subir une décentralisation de charges mal compensée et des mesures nouvelles coûteuses, doit préparer son budget en tenant compte de la réforme de la taxe professionnelle et de la remise en cause du pacte de croissance et de solidarité. Pour mon seul département, la perte sera de 6 millions en 2008. Certes, vu de Paris, ce n’est pas grand-chose… si ce n’est que cela représente 8 points de fiscalité locale. « Faites des économies », me répondrez-vous sûrement. Nous en ferons, mais cela ne suffira pas. Dans trente départements, la valeur locative est si faible et les charges sociales sont si fortes que d’ici peu d’années ils n’auront plus aucune épargne nette. Une compensation réelle est nécessaire ainsi qu’une péréquation véritable, et une réforme de fond de la fiscalité locale s’impose, sans laquelle on peut craindre le pire.

Ces territoires, en raison de la rationalisation des services publics, et notamment du non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois, éprouveront de réelles difficultés pour accéder aux services publics. Hier, à Bordeaux, le Président de la République a dit qu’il fallait revoir la carte hospitalière. Si cela est accompli dans la même logique que la réforme de la carte judiciaire, alors cela signifie la fermeture de nombreux hôpitaux, ce dont les territoires ruraux seront encore les premiers à pâtir.

Nous attendons de votre part une vision politique, que vous donniez du sens à vos choix, un horizon pour nos concitoyens. Malheureusement, ce budget est dans la lignée de ce qu’ont fait vos prédécesseurs ; il manque de souffle et d’ambition. Il est inefficace sur le plan économique et renforce les inégalités sociales. J’espère donc que la voix des parlementaires sera entendue (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Bertrand Pancher – Ce budget, très satisfaisant car volontariste et tourné vers l’avenir, réalise les nombreuses mesures adoptées cet été pour créer un choc de confiance : détaxation des heures supplémentaires, suppression des droits de succession, crédit d'impôt pour les ménages ayant acquis ou fait construire leur résidence principale, augmentation du crédit d'impôt recherche pour les entreprises.

Mais avec un déficit de près de 42 milliards d'euros, il ne peut pas être pleinement satisfaisant. Si le processus de réduction des dépenses publiques se trouve engagé, avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois – 23 000 emplois ne seront pas reconduits, ce qui permet une économie de 233 millions –, il faut que nous menions les grandes réformes attendues par nos concitoyens, car il est impossible de relancer notre pays sans moderniser profondément l’État.

Cela passe par des réformes structurelles, comme les fusions annoncées récemment : celle de la direction des impôts et de la direction de la comptabilité publique ; celle des services de l'ANPE et des Assedic, qui permettront toutes deux d'améliorer la qualité du service rendu et d'accroître l'efficacité de l'État. Cela passe également par les réformes qui découleront de la revue générale des politiques publiques lancée par le Premier ministre, et dont les premiers résultats, attendus en mars 2008, serviront de cadre pour les prochains budgets.

Mais cela passe aussi par des questions que nous devons nous poser sans tabou. Un secteur privé soumis à des règles n'est-il pas, dans certains cas, plus efficace que l’État ? Dans le domaine de la santé, nos cliniques ne sont-elles pas mieux gérées que nos hôpitaux ? S’agissant de la justice, une mise en détention d'un mineur délinquant dans un centre éducatif fermé n'est-elle pas moins coûteuse et ne donne-t-elle pas de meilleurs résultats qu’une détention en prison ? Un CFA n'insère-t-il pas mieux les jeunes qu'un lycée professionnel ? Et en vertu de quoi une famille aux ressources modestes subventionnerait-elle, par ses impôts, une place d'opéra à Paris, alors qu'elle ne peut même pas amener ses enfants au cirque de ma ville ?

Nous devons en outre mieux gérer nos ressources humaines. Dans l’hôpital que je préside, nous constatons 10 % d'absentéisme, contre 6 % dans la clinique voisine. Et ce constat peut être étendu. Comment mieux embaucher, promouvoir et récompenser nos agents publics ? L'État doit clarifier ses missions dans certains domaines. Par exemple, les urgences médicales manquent d'efficacité en raison de la multiplicité des intervenants.

Enfin, il faut en finir avec le maquis des collectivités. Les échelons locaux se sont multipliés, sans que l’État renonce à quoi que ce soit. Tout le monde intervient sur tout. Les financements sont morcelés, les délais d'attentes pour les dossiers se sont allongés, et les impôts locaux ont explosé. Le chantier du regroupement des collectivités et de la désignation d'un chef de file par compétence est à ouvrir.

M. Louis Giscard d'Estaing – Absolument !

M. Bertrand Panche – L'évaluation de nos politiques publiques, en particulier dans le domaine des solidarités et de l'action sociale, doit être systématisée. Nous pouvons agir avec fermeté si l'on est généreux. Nous pouvons redonner confiance en l'État si les impôts sont redistribués dans un objectif de justice.

Ce budget 2008 constitue une première marche vers l'assainissement de nos finances afin d'atteindre l'équilibre des dépenses publiques avant la fin du quinquennat.

M. le Rapporteur général – Très bien !

M. Bertrand Pancher – Il nous reste donc encore beaucoup à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Brunel – Je salue l'effort du Gouvernement pour redresser notre pays et motiver nos concitoyens. On ne peut qu'approuver les priorités données à l'innovation, à la recherche, à l'enseignement supérieur, secteurs essentiels pour l'avenir. Cependant, notre endettement actuel exige de faire davantage d’efforts pour maîtriser nos dépenses.

A-t-on tiré les conclusions des audits menés ? Notre administration fourmille de comités et d'observatoires divers et que nous n'osons supprimer. Paul Valéry écrivait pourtant : « Il n'est de pire folie que de vouloir que les choses survivent à leur raison d'avoir été. » Nous connaissons tous des organismes dont l’utilité nous paraît douteuse. Il faut avoir le courage de trancher, même si cela doit faire quelques mécontents.

Il faut également lutter contre la fraude, qui a trouvé de nouveaux terrains d'action avec la création de prestations sans précautions nécessaires, comme la CMU ou le RMI. Ces fraudes s’ajoutent à celles sur les accidents du travail, ou les indemnités de chômage, et aux fraudes fiscales. Les moyens de l'administration doivent être renforcés et notamment il conviendrait de permettre les croisements de fichiers ; la liberté individuelle ne saurait servir à la fraude ! Je ne peux à cet égard qu'approuver le renforcement des moyens prévu par le projet.

Suite aux allégements fiscaux que nous avons votés cet été, comme le bouclier fiscal, trois mesures devraient être prises. Tout d’abord, l'ensemble des réductions d'impôts et des déductions fiscales doit être limité. Il n'est pas sain que certains, avec l'aide de sociétés spécialisées, recherchent comment payer moins d'impôt, voire comment ne plus payer d'impôt du tout.

Mme Catherine Génisson – Très bien !

Mme Chantal Brunel – Selon l'annuaire statistique 2006 de la direction des impôts, plusieurs dizaines de milliers de foyers fiscaux à hauts revenus n'acquittent aucun impôt sur le revenu. Mettons un terme à ces dérives. Il faudrait ainsi élaborer un plan de suppression des niches fiscales. Le Conseil constitutionnel n'ayant pas accepté le plafonnement des déductions fiscales, ne peut-on trouver une solution acceptable en classant les réductions d'impôts en différents groupes, et en les hiérarchisant ?

Par ailleurs, je repose la question de l'imposition minimale, que vous avez écartée. N'ayons pas peur de briser des tabous. Les Français attendent plus de justice face à l'impôt ; ils s'inquiètent de notre dette excessive. Or, la charge augmente encore de 1,5 milliard dans ce budget. Le creusement de la dette et une éventuelle montée supplémentaire des taux d'intérêts en 2008 ne feraient que renforcer ce péril.

Si je salue, donc, les éléments très positifs de ce budget, je souhaite que notre Assemblée apporte sa contribution à une plus grande réduction du déficit. La campagne électorale nous l'a montré : les Français attendent de nous ces efforts, et le redressement de notre pays est à ce prix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Mancel – Ce budget est un bon budget, surtout si on l’agrège à ce que nous avons déjà voté cet été en matière de travail, d’emploi et de pouvoir d’achat, et si on le lie à la révision générale des politiques publiques, sur laquelle nous n’insistons pas assez alors qu’elle va nous permettre de réfléchir à la finalité même de l’action publique et aux moyens mis en œuvre pour la conduire – j’espère d’ailleurs que les parlementaires y seront étroitement associés.

Je ferai sur ce point un certain nombre de propositions. Tout d’abord, supprimons la distinction entre l’ordonnateur et le payeur ! Il y a là un gisement d’économies très important, en charges de personnel, et du fait de l’allégement des procédures.

De même, vous avez eu raison d’associer les collectivités locales aux efforts de réduction des dépenses. Il faut sortir du système actuel, où les collectivités ne cessent de réclamer à l’État. Car c’est un fait : elles sont dépensières mais, comme le disait naguère M. Méhaignerie, tous nos textes les y incitent ! Le changement de pratique requerra d’autant plus de courage et de volonté que l’électeur récompense rarement l’élu qui limite ses dépenses… Néanmoins, il faudra simplifier les procédures, mettre fin aux financements croisés et aux juxtapositions de compétences, et sans doute aussi trancher en matière d’organisation administrative avec la suppression d’un échelon – le département ou la région. Les solutions astucieuses ne manquent pas.

Ensuite, je me réjouis de la réforme de la fonction publique dont le Président de la République a fixé les grandes lignes. Pour que l’État soit plus réactif, je propose une solution simple : les fonctionnaires actuels conservent leur statut, mais les agents qui y entrent signent un contrat – sauf dans certains secteurs stratégiques tels que l’armée, la police ou la justice.

D’autre part, si j’approuve vos mesures concernant l’ISF, je ne peux m’empêcher de déplorer que, chaque année, on ajoute un tuyau supplémentaire pour pallier les carences de ce mauvais impôt. Pourquoi ne pas tout simplement le supprimer ? Si on l’avait fait plus tôt, on n’en parlerait déjà plus !

Enfin, je remercie le Gouvernement d’avoir inscrit la désolidarisation fiscale dans le projet de loi de finances, et M. le rapporteur général d’avoir rappelé qu’elle fit l’objet de l’une de mes propositions de loi. Je rappelle toutefois que c’est aussi un engagement du Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

MISSION TEMPORAIRE D’UN DÉPUTÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m’informant qu’il chargeait M. André Flajolet, député du Pas-de-Calais, d’une mission temporaire auprès de madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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