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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 17 octobre 2007

2ème séance
Séance de 21 heures 30
13ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 -PREMIÈRE PARTIE- (SUITE)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.

M. le Président – Le Gouvernement demande la réserve de l’article 2 jusqu’à l’article additionnel après l’article 6, ainsi que des articles additionnels après l’article 7. La réserve est de droit.

L’Assemblée ayant achevé cet après-midi la discussion générale, la parole est au Gouvernement.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique Quelques mots, à l’issue de cette longue discussion générale. Gilles Carrez a brillamment analysé la stratégie économique qui sous-tend ce budget et soulevé quelques points essentiels, comme les prélèvements forfaitaires libératoires sur les dividendes ou les effectifs des opérateurs. Débattues en commission, ces questions ont été résumées dans le jaune budgétaire et nous aurons l’occasion d’y revenir. S’agissant des opérateurs, je puis d’ores et déjà confirmer qu’à périmètre constant, les effectifs sont stabilisés. Quant aux prélèvements forfaitaires libératoires, nous verrons ensemble comment faire évoluer favorablement leur traitement.

L’analyse de Didier Migaud m’a laissé dubitatif, puisqu’il nous reproche à la fois d’être trop optimistes sur la croissance et pessimistes à l’excès dans d’autres domaines. En réalité, ce budget volontaire est le fruit d’une politique économique cohérente. Je comprends que l’on puisse la contester, sinon nous ne serions pas en démocratie, mais force est d’admettre que nous traçons un chemin de croissance et d’équilibre qui doit permettre le retour à l’équilibre des comptes en 2012. Comme tout bon projet de budget, le présent PLF retient des hypothèses prudentes de croissance et de recettes. Au reste, être prudent n’empêche pas d’être ambitieux et tant mieux, Monsieur Migaud, si nous avons, au final, plus de croissance que prévu !

Michel Bouvard a fort méthodiquement démontré l’originalité de ce budget, dans un exposé bien argumenté. Il a appelé l’attention sur plusieurs points importants, qu’il s’agisse de la refonte de la maquette budgétaire – opérée dans des délais très serrés –, des suites données aux recommandations de la MILOLF au sujet des BOP ou de la fongibilité asymétrique, laquelle a joué sur 400 millions en 2006. Le dispositif fonctionne : nous serons attentif à ses effets en 2007. Quant à la fusion DGI-DGCP que M. Bouvard a évoquée, elle est un exemple de réforme de structure gérée pas à pas avec les agents concernés pour offrir à la population un service public de proximité.

Je ne souhaite pas polémiquer avec Laurent Fabius mais le ton qu’il a employé me force à lui répondre sur un mode défensif : nous n’avons pas à recevoir de leçons sur nos prévisions de croissance de la part de l’architecte du budget de 2002, assis sur une prévision de 2,5 % pour à peine 1 % réalisé ! Tout le monde peut faire des erreurs d’appréciation, mais il ne faut pas, ensuite, donner des leçons à la terre entière. S’agissant de la fonction publique, nous profitons des départs en retraite pour faire les réformes de structures trop longtemps différées : peut-on valablement nous le reprocher ?

Quant aux propositions du parti socialiste, les parlementaires de l’UMP et le Gouvernement y répondent déjà. M. Fabius nous parle de fiscalité écologique : le Grenelle de l’environnement traite le sujet. M. Fabius nous parle d’augmenter la PPE : elle a déjà doublé en 2002 et nous l’abondons cette année de 260 millions. M. Fabius nous parle des stock-options et des parachutes dorés : l’UMP et le Nouveau centre ont déjà émis à ce sujet des propositions concrètes, qui seront débattues dans le cadre du PLF et du PLFSS. Alors, que M. Fabius regarde la poutre qui est dans son œil, et qu’il ne nous refasse pas le coup du « plan B » en agitant le fantasme d’un budget caché ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) Peut-être y aura-t-il un collectif budgétaire de fin d’année, comme cela se pratique couramment, mais ne diffusez pas l’idée qu’il y a un budget pour « avant les municipales » et un autre pour après.

Louis Giscard d’Estaing a eu raison d’insister sur l’importance du rôle du Parlement et je souhaite que nous puissions aller plus loin dans la réforme de la procédure budgétaire, pour aller plus vite tout en traitant les problèmes plus au fond, être encore plus transparents et intéresser davantage nos concitoyens. Parlement et Gouvernement doivent y travailler ensemble au plus vite.

Charles de Courson a donné plusieurs satisfecit

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – C’est exceptionnel ! (Sourires)

M. le Ministre – Merci pour ses encouragement à poursuivre dans la voie du sérieux et de l’ambition. Oui, nos prévisions de recettes sont prudentes, car l’élasticité des rentrées fiscales à la croissance est souvent moindre qu’on ne pourrait l’attendre. Ainsi que la LOLF le permet, la mise en réserve doit être considérée, non comme un budget caché mais comme une démarche de précaution dont il serait absurde de se priver. Nous verrons ce que sera l’exécution budgétaire. S’agissant de la maîtrise budgétaire, vous avez salué l’avancée que constitue la norme élargie. On peut toujours aller plus loin et y intégrer de nouveaux éléments, mais il faut qu’ils soient évaluables, et ce n’est pas toujours facile. Vous regrettez qu’il n’y ait pas plus de propositions pour réduire le déficit. Je suis toujours à l’écoute d’amendements visant à diminuer réellement des dépenses, à condition de ne pas remettre en cause nos objectifs de croissance et d’emploi.

Monsieur Brard, je ne sais pas si les vieilles rengaines font les bonnes chansons, mais elles ne font pas les bonnes politiques. Vous nous dites toujours la même chose, en vertu de la même vision idéologique. Je ne suis pas sûr non plus que nous utilisions les mêmes indicateurs de production. Je vois que, selon l’INSEE, la production industrielle a bondi en août et que la consommation se maintient solidement. Le vent de défaitisme qui souffle sur les bancs de la gauche n’est pas de bon aloi. J’espère bien qu’aux troisième et quatrième trimestres, la croissance sera meilleure et qu’en 2008 elle dépassera nos hypothèses. Vous nous demandez toujours plus de pédagogie. Or nous l’avons beaucoup expliqué et Christine Lagarde l’a bien dit, la loi TEPA n’est pas un cadeau pour les riches. Mais pour vous, il n’y a que des riches et des pauvres ! Il y a aussi des gens normaux. Pour vous, dirait-on, un riche, c’est quelqu’un qui gagne plus que vous ; cela laisse un large champ. N’ayez pas cette vision haineuse et caricaturale de la société.

M. Jean-Pierre Brard – Je n’ai de haine que pour l’extrême droite.

M. le Ministre – Il y a des gens qui travaillent, sont utiles à la société, des gens qui investissent...

M. Jean-Pierre Brard – …Et qui s’enrichissent.

M. le Ministre – Oui, qui s’enrichissent honnêtement par le fruit de leur travail.

Monsieur Chartier, vous l’avez dit avec brio, ce budget est fondé sur l’investissement dans l’avenir, et je ne suis pas peu fier que les dépenses d’investissement augmentent de 6 %. Bien entendu, nous accompagnerons ce budget par des politiques structurelles. La revue générale des politiques publiques est un outil puissant de révision des politiques et de mesure de leur efficacité. Nous verrons dès cet automne, puis au printemps, les orientations politiques qui en découlent.

Yves Deniaud a bien dit que ce budget était aussi marqué par la prudence et la recherche de l’équilibre, ainsi que par des efforts pour la recherche et l‘enseignement supérieur. Ceux-ci s’inscrivent dans le droit fil des engagements de campagne du président de la République. Y consacrer 1,8 milliard de plus dans un budget où pratiquement aucun poste n’augmente, ce n’était pas si facile.

M. Perruchot a évoqué les quatre grandes réformes engagées. Nous sommes de plain pied dans celle des retraites, avec les régimes spéciaux. S’agissant de la réforme de l’assurance maladie, le PLFSS comprendra des mesures, et l’institution de la franchise permet déjà de freiner certains dérapages. Nous travaillons sur les modes de financement de la protection sociale et nous serons prêts au premier semestre de 2008. Nous prenons à bras le corps la réforme de l’État avec la révision générale des politiques publiques et avec des réorganisations administratives. Enfin, la réserve de précaution est déjà inscrite dans la LOLF, mais a été présentée avant le budget par souci de transparence.

Messieurs Baert et Rodet, il faut vraiment sortir d’une vision comptable de la dépense publique, dans laquelle faire mieux, c’est mettre toujours plus d’argent dans la dépense publique. Moins de dépense publique, ce n’est pas moins de service public, mais un service public réorganisé et redéployé. De même pour les effectifs, il faut avoir des objectifs. Quel employeur pourrait voir partir 50 % de ses employés sans s’interroger sur leur remplacement ? Quand on embauche un fonctionnaire de 30 ans, il « pèsera » pendant 50 ans sur les comptes publics. Je suis sûr que M. Brard se pose la question dans sa mairie. Nous avons pris la décision politique : nous ne compenserons pas un départ sur deux – un sur trois dans ce budget – et nous accompagnerons progressivement la décroissance des effectifs par une réorganisation des services publics.

M. Mathis et M. Remiller ont souligné que le redressement durable de nos finances publiques passe par la maîtrise de la dépense. Notre but est bien de ne pas miser seulement sur la croissance ni seulement sur la maîtrise de la dépense. Pour l’équilibre des finances publiques à terme, nous associons maîtrise et incitation.

Monsieur Bapt, comment pouvez-vous critiquer notre gestion de la dette de l’État envers la sécurité sociale ? Nous la remboursons et nous évitons qu’elle ne se reconstitue : c’est l’intérêt d’un ministère qui regroupe l’ensemble des comptes publics. Nous y reviendrons dans le PLFSS.

Je remercie Frédéric Lefebvre pour son soutien à la démarche consistant à passer en revue nos politiques publiques. Elle est nécessaire et, bien évidemment, le Parlement aura à en connaître.

Monsieur Roy, il ne s’agit pas d’un budget de transition, mais d’une première étape vers l’équilibre des finances publiques en 2012. Pour cela il faut susciter la confiance, mais aussi manifester de la constance, en menant la même politique pendant plusieurs années.

Monsieur Giacobbi, il est évident que ce budget, ainsi que nos prévisions pluriannuelles, tient compte des charges de retraite. C’est une contrainte inéluctable, héritée du passé, qui rend difficile la construction du budget, puisqu’elle représente 2 milliards supplémentaires en 2008.

Mme Brunel et M. Ciotti ont insisté sur la lutte contre la fraude. C’est une priorité.

M. Jean-Pierre Brard – La mafia russe !

M. le Ministre – On ne peut appeler à faire plus d’effort, à travailler plus, à réformer les administrations, et laisser la fraude perdurer. L’État n’y a pas consacré assez de moyens. Nous avons décidé de centraliser les moyens dans une délégation interministérielle qui aura compétence sur la fraude fiscale et sur la fraude aux prestations sociales. Je pense que , sur ce sujet, il y aura consensus.

M. Jean-Pierre Brard – Et Lagardère ?

M. le Ministre – Monsieur Nayrou, vous soulevez le cas des organismes d’intérêt général dans les zones de revitalisation rurale. Réformer, c’est un peu de clairvoyance et surtout du courage. Il faut donc bien examiner les mécanismes d’exonération de charges en vigueur. On ne peut maintenir des systèmes dérogatoires qui, à l’expérience, ne sont pas efficaces puisqu’ils n’ont pas permis la création d’emplois.

M. Henri Nayrou – C’est faux. Faites une estimation.

M. le Ministre – Il y a des effets d’aubaine. Un emploi pour un organisme d’intérêt général en ZRR coûte 6 000 euros et l’État finance près d’un emploi sur trois.

M. Michel Vergnier – Mais ils sont créés.

M. le Ministre – Non, ce sont des emplois existants.

M. Pascal Terrasse – Les heures supplémentaires aussi, elles existent déjà !

M. le Ministre – Nous examinerons avec M. Bur, rapporteur général du PLFSS, un dispositif de sortie progressive (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Ces organismes d’intérêt général en ZRR bénéficieront de l’exonération de droit commun pour les nouvelles embauches, mais ne comptez pas sur moi pour laisser perdurer des mécanismes coûteux pour les finances publiques et inefficaces.

M. Michel Vergnier – Mais c’est vous qui les avez créés ! Et une procédure était prévue en 2009, pas en 2007 !

M. le Ministre – Nous évaluons les politiques publiques, et quand elles sont inefficaces, nous les rectifions.

Plusieurs d’entre vous, dans la majorité comme à gauche, ont évoqué le nouveau contrat de stabilité avec les collectivités locales. Avec le Premier ministre et la ministre de l’intérieur, nous avons regardé les choses de près. On ne peut laisser croître indéfiniment les transferts de l’État vers les collectivités, lesquels représentent tout de même près de 95 milliards d’euros. Il n’y a aucune raison de ne pas demander aux collectivités le même effort que l’État s’impose à lui-même. C’est pourquoi le contrat de stabilité évoluera comme l’inflation sans prendre en compte la progression de la croissance. Conformément au souhait des collectivités locales, nous ne toucherons pas à la DGF et je suis, pour ma part, tout à fait disposé à débattre des dotations sur lesquelles portera plus particulièrement l’effort. Nous n’avons aucun dogmatisme en la matière, pourvu que l’on parvienne à la maîtrise nécessaire. N’oubliez pas enfin que la dotation du FCTVA augmente de 10 % et les dégrèvements d’impôts locaux pris en charge par l’État de près 15 %. Notre dialogue sur tous ces points doit être le plus serein et le moins idéologique possible. Le Premier ministre a installé une Conférence des exécutifs locaux…

M. Michel Bouvard – Excellente initiative !

M. le Ministre – …en vue de mieux associer les collectivités locales aux décisions qui ont des incidences sur leurs finances. Pour la première fois, je vais engager d’ici à la fin octobre des discussions avec les organisations syndicales de fonctionnaires, auxquelles j’inviterai des représentants des communes, des départements et des régions.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. le Ministre – Monsieur Lurel, Madame Girardin, l’outre-mer n’est pas oublié dans ce budget. À périmètre constant, hors transfert au budget de l’emploi des contrats aidés, les crédits progressent de 31 millions d’euros, ce qui permettra notamment d’accroître les moyens du logement social. Par ailleurs, la loi d’orientation en préparation mettra en place les zones franches globales qui figuraient dans le programme du candidat à la présidence de la République. Soyez assurés que la solidarité nationale jouera, comme elle a d’ailleurs joué après le passage du cyclone Dean, l’État faisant face à ses responsabilités en dégageant 60 millions d’euros au profit des territoires touchés.

Monsieur Pinte, vous appelez de vos vœux la réalisation d’un « partenariat sincère » entre l’État et les collectivités. Vous avez satisfaction, notamment avec la mise en place de la Conférence des exécutifs locaux qui sera le lieu où débattre en profondeur de tous ces sujets.

Monsieur Mariton, vous avez appelé à des réformes rapides. C’est bien ce qu’a fait le Gouvernement avec la réforme de l’université engagée dès cet été, la fusion en préparation entre l’ANPE et l’Unedic, la réforme des régimes spéciaux de retraite… Vous avez aussi appelé à une réduction plus forte du déficit, afin de l’amener sous le niveau d’exécution prévu en 2007. J’ai bien l’intention d’y parvenir, même si je sais que cela sera difficile. Je serai en tout cas toujours à l’écoute des propositions allant en ce sens.

Monsieur Hénart, vous avez eu raison de souligner la difficulté du contexte budgétaire. Il nous faut en effet faire davantage avec des dépenses héritées du passé et qui sont plus lourdes. Je vous confirme que la révision générale des politiques publiques ne sera pas limitée à l’État, mais concernera toutes les grandes politiques menées en partenariat, notamment dans la sphère sociale, et bien entendu les relations entre l’État et les collectivités. Une mission spécifique transversale a d’ailleurs été confiée à M. Alain Lambert sur ce dernier point.

M. Pancher et M. Mancel ont tous deux évoqué de nombreuses pistes de réforme, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités, en posant les bonnes questions. Quels sont les objectifs poursuivis ? Dans quels domaines appartient-il à l’État d’intervenir ? Quelle est la bonne répartition des compétences ? Comment agir plus efficacement ? Tel est bien l’objet de la révision générale des politiques publiques et de la mission confiée à Alain Lambert.

Je vous remercie tous d’avoir fait preuve de franchise dans cette discussion générale. Notre débat démocratique ne peut qu’y gagner (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Je me contenterai ici de répondre sur les points que n’a pas abordés M. Woerth, notamment sur les hypothèses retenues pour élaborer ce budget et sur les questions strictement fiscales.

Les prévisions de croissance tout d’abord. Je vous remercie, Monsieur Deniaud, d’avoir souligné la difficulté de l’exercice, dont l’expérience malheureuse de 2002 a apporté la preuve. Nous avons donc été prudents en tablant sur une croissance comprise entre 2 % et 2,5 %. Alors que l’ensemble des experts situent la fourchette entre 1,6 % et 2,6 %, il n’est pas anormal de retenir une médiane à 2,25 %. L’OFCE, que l’on ne peut suspecter d’être favorable à l’actuelle majorité, retient une hypothèse proche de la nôtre, ses experts anticipant les effets bénéfiques de la loi du 21 août 2007. Cette prévision de 2,5 % est par ailleurs tout à fait compatible avec notre objectif de retour à l’équilibre en 2012, nos réformes allant faire sentir leurs pleins effets à partir de 2009 (Exclamations sur les bancs du groupe GDR).

S’agissant des moteurs de la croissance, il n’est pas anormal de prévoir que la consommation augmente de 2,5 % et l’investissement de 4,75 % quand le nombre de créations d’entreprises a augmenté de 14 % sur les douze derniers mois et que l’indicateur du climat des affaires est au plus haut depuis octobre 2006. Il n’y a rien non plus d’anormal à anticiper une augmentation de 5,6 % des exportations quand les derniers chiffres connus font état d’une progression de 7,6 %. Notre hypothèse de taux de change euro/dollar, quant à elle, bien que critiquée par M. Fabius, n’est autre que celle retenue par tous les économistes de place, à savoir, au centime d’euro près, le même taux qu’il y a six mois. Les variations erratiques observées ces dernières semaines ne la remettent pas en cause. Enfin, pour le prix du pétrole, nous avons pris pour référence celui du baril de Brent de la mer du Nord, plus proche de 82 que de 88 dollars. En retenant un prix de 73 dollars le baril, nous sommes plus prudents que la plupart des économistes qui tablent sur 66 dollars.

De la croissance, que n’a-t-on dit ? Je retiendrai les qualificatifs particulièrement pertinents de Jérôme Chartier qui a parlé de « croissance émolliente à variations erratiques ». Un mot des conséquences potentielles des tensions observées cet été sur les marchés financiers. Toutes les études étayées sur des faits montrent que si ralentissement de l’économie réelle américaine il doit y avoir, ses conséquences sur l’économie réelle en Europe devraient être très réduites. Alors que la crise de l’immobilier aux États-Unis, qui a débouché sur celle des subprimes, est bien antérieure à août 2007, l’indice de la production industrielle pour l’ensemble de la zone euro a augmenté de 1,2 % en août, après l’avoir fait de 0,7 % en juillet. C’est la preuve que les entreprises ont parfaitement anticipé la crise américaine et intégré dans leurs décisions d’investissements les effets potentiels par diffusion sur l’économie européenne.

Pour le reste, la supervision de notre secteur financier, tant au niveau européen que national, est efficace. La proximité qui existe entre le gouverneur de la Banque de France et la Commission bancaire nous a permis d’en éprouver la solidité, manifestement plus forte qu’en Allemagne ou en Grande-Bretagne. L’inflexion récente de la politique monétaire va contribuer à la renforcer encore, nous allons nous y employer en tout cas.

Quant à la situation financière des entreprises, nous avons toutes les raisons de nous en réjouir. Monsieur Cahuzac, la faiblesse du taux d’autofinancement n’est pas un gros problème quand la solvabilité reste à l’un de ses plus hauts niveaux depuis près de trente ans. Je vous renvoie à la page 28 du rapport économique et financier.

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement a bien sûr pour objectif d’en diminuer progressivement le poids – autant que le permettra le redressement de nos finances publiques – pour revenir dans la moyenne européenne. Notre objectif est de ramener le taux de prélèvement à 40 % à échéance de dix ans ; nous serons à 43,7 % l’année prochaine.

S’agissant des prévisions de déficit, Monsieur Baert, vous citez celles de Morgan Stanley, d’HSBC et de l’OFCE ; c’est un peu comme choisir les fruits pourris plutôt que les fruits mûrs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) : voyez les prévisions de la Deutsche Bank ou de la JPMorgan, un peu plus optimistes, et qui rejoignent les nôtres. Au demeurant, les prévisions sont à prendre avec d’autant plus de prudence qu’à la date où ces instituts les ont communiquées, ils ne connaissaient pas le contenu du PLF et du PLFSS. Quant à M. Almunia, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, il a indiqué, sur la base des informations préliminaires dont il disposait, ne pas être sûr que le déficit puisse être contenu exactement comme prévu ; mais de grâce, donnons-lui le temps d’achever son travail et de nous livrer ses conclusions, sans doute en novembre !

M. Fabius nous demande ce que nous allons faire en matière d’énergie nucléaire. En ce domaine, nous disposons d’une maîtrise inégalée de la filière, de l’amont à l’aval. Grâce notamment à EDF et à AREVA, non seulement nous bénéficions d’une autonomie énergétique que bien des voisins nous envient, mais nous sommes en mesure de vendre à l’étranger des filières intégrées ou des éléments de la filière ; et nous avons tout intérêt à conserver nos parts de marché. Nous devrons examiner les modes de financement possibles : aucun calendrier n’est fixé, toutes les options devront être examinées.

Quelques mots sur la loi relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat – que je me refuse à appeler TEPA. Monsieur Bouvard, je me réjouis de votre soutien à cette loi importante, qui remet le travail au cœur de nos projets. Monsieur Baert, même si vous vous offusquez que l’on puisse gagner et réussir sa vie en travaillant, tel est bien l’objet de la mesure sur les heures supplémentaires. Vous dites aussi que les ménages n’ont pas besoin qu’on les aide à acquérir un logement ; sans doute pensez-vous que les propriétaires sont des privilégiés. Ce n’est pas faux, d’ailleurs, puisqu’en France seulement 57 % des ménages sont propriétaires de leur logement, contre 80 % en Espagne, par exemple. Nous voulons augmenter cette proportion, comme le recommande d’ailleurs la commission Attali.

La mesure d’exonération sur les heures supplémentaires devrait nous permettre de gagner 0,2 ou 0,3 point de croissance de manière immédiate ; mais je rappelle qu’elle est entrée en vigueur il y seulement quinze jours ! Attendez donc que les salariés aient eu le temps d’accomplir des heures pour porter un jugement… L’institut Rexecode estime l’effet à long terme sur la croissance à 1 %.

Le coût de cette mesure s’élève pour l’État à 5,1 milliards, soit à peu près un tiers de ce que coûtaient, durablement, les 35 heures : 5,1 milliards pour travailler, 15 milliards pour ne pas travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. le Rapporteur général – Excellente comparaison !

Mme la Ministre – Le rapport économique et financier indique que la masse des salaires privés devrait augmenter plus vite en 2008 qu’en 2007, et les cotisations sociales moins vite en 2008 qu’en 2007 – du fait de l’exonération des heures supplémentaires. Celle-ci et le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt vont, avec l’augmentation de la prime pour l’emploi, améliorer de façon importante le pouvoir d’achat des ménages.

Ces mesures vont-elles entraîner une augmentation du taux d’épargne ? Les économistes s’accordent à dire que non, et que c’est la consommation qui va être dopée – donc la croissance.

Quant aux contrats aidés, Monsieur Balligand, Madame Girardin, il n’est pas vrai que nous allons en réduire drastiquement le nombre.

M. Jean-Louis Dumont – C’est déjà fait !

Mme la Ministre – Dans le secteur marchand, ces contrats avaient pour vertu de permettre aux demandeurs d’emploi faiblement qualifiés ou aux chômeurs de longue durée d’avoir leurs chances par rapport à d’autres candidats ; mais aujourd’hui, le secteur marchand manque de main-d’œuvre dans plusieurs branches. C’est pourquoi nous diminuons progressivement le volume des emplois aidés car les publics visés peuvent bénéficier d’embauches de droit commun.

Dans le secteur non marchand, en revanche, ces contrats sont des supports indispensables pour insérer des personnes très éloignées de l’emploi, et nous entendons soutenir l’effort : plus de 230 000 contrats aidés vont être inscrits au budget. Mais il faut que chacun y mette du sien : il est normal que les collectivités locales participent.

J’en viens aux mesures de soutien de l’offre, que certains disent inexistantes. D’autres, heureusement, ont bien noté l’importance des mesures prises, qu’il s’agisse du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, des brevets ou du crédit d’impôt recherche, véritable investissement de l’État dans la France de demain.

M. Michel Bouvard – Très bien.

Mme la Ministre – S’agissant de l’impôt minimum sur le revenu, Monsieur de Courson, nous avons remis notre rapport lundi soir, comme je m’y étais engagée. Il faudra en débattre – nous en aurons l’occasion au cours des jours à venir, de préférence lorsque nous examinerons la seconde partie de ce projet de budget, car les mesures en question devraient porter sur les recettes collectées en 2009 au titre des revenus de l’année 2008. Sachez que nous sommes ouverts sur ce sujet. Mais il faudra aborder dans le même temps l’ensemble des niches fiscales, sujet sur lequel je salue les efforts déjà entrepris par Jean-François Copé. Nous verrons ce que nous pourrons faire dans le respect des dispositions constitutionnelles…

M. Jean-François Copé – Encore faudra-t-il que les socialistes ne saisissent pas le Conseil constitutionnel !

Mme la Ministre – S’agissant de la fiscalité de l’épargne, vous avez entièrement raison, Monsieur Mariton : nous devons établir un diagnostic complet sur les effets économiques des curseurs actuels afin de nous assurer que nous disposons d’un outil juste et efficace, au service de la croissance et de l’emploi. Nous y veillerons à l’occasion de la révision générale des prélèvements obligatoires.

Pour ce qui est des dividendes, Monsieur de Courson, notre objectif n’est surtout pas de pénaliser l’investissement en actions au profit des obligations ! Comme le rapporteur général l’a indiqué, il n’est pas question de privilégier les rentes, mais d’encourager les Français à investir dans l’économie en prenant quelques risques. À l’image de l’Espagne et de l’Allemagne, nous devrons donc harmoniser les régimes de taxation.

M. Fabius ayant évoqué le bouclier fiscal, je rappelle que ce dispositif bénéficie déjà à 235 000 contribuables dans l’état actuel de notre connaissance des revenus fiscaux ; 200 000 d’entre eux ne sont pas assujettis à l’ISF et disposent d’un revenu fiscal inférieur à 1 000 euros par mois.

M. Jean-Pierre Brard – Vous y croyez vraiment ?

Mme la Ministre – Non seulement j’y crois, mais en outre je peux vous le démontrer. M. Fabius faisait de ce bouclier un « boulet » fiscal. Or, comment des allégements fiscaux pourraient-ils être des boulets ?

M. Jean-Pierre Brard – Le boulet, c’est le financement !

Mme la Ministre – Quant à la suppression de l’impôt sur les opérations de bourse, je partage en grande partie le diagnostic de M. Censi. Il nous reste à financer la mesure, c’est toute la difficulté, mais le raisonnement est effectivement sans faute : en application de la directive MIF, les opérateurs de toutes les places financières seront tenus d’obtenir le meilleur résultat possible dans l’exécution des ordres passés par leurs clients. Ne perdons pas des transactions au profit d’Amsterdam, de Londres et des autres places financières…

Vous me permettrez de faire deux observations sur l’imposition des sociétés pétrolières, Monsieur Terrasse : je ne me souviens que trop des multiples modifications, au cours des dernières années, de la fiscalité applicable aux entreprises pharmaceutiques, dont le risque est de chasser des investisseurs déjà installés en France.

M. Jean-Pierre Brard – Il faut donc les nationaliser !

Mme la Ministre – Je rappelle également que les sociétés pétrolières acquittent déjà de lourds impôts – peut-être pas assez en France, mais au moins dans les pays de production. Dans le cas particulier de Total, des engagements très précis d’investissements ont été souscrits pour la période 2005-2010. Sur les trois milliards d’euros promis,…

M. Jean-Pierre Brard – Une poignée de cacahuètes !

Mme la Ministre - …un milliard a déjà investi en France.

Certains ont évoqué un budget atypique, d’autres un budget de continuité, d’autres encore un budget « caché », voire fantôme. Il s’agit en vérité d’un budget sérieux, honnête et ambitieux…

M. Jean-Louis Dumont – Dites plutôt : « insincère » ! 

Mme la Ministre – « Il n’y a pas de politiques sans risques, mais il y a des politiques sans chances », rappelait un orateur. Avec tout le respect que nous devons à Edgar Faure, il faut vraiment être en grande difficulté pour en faire sa seule référence….

Je voudrais que nous prenions plutôt le risque du courage et que nous sachions donner sa chance à une politique courageuse et à une gestion rigoureuse en vue d’une croissance vigoureuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Pierre-Alain Muet – Comme vient de le rappeler le ministre, une loi de finances est un acte politique fort, qui trace les grandes orientations de la politique économique. Ce texte en a l’apparence, mais pas la substance. Nous avons compris que ce budget n’était pas tout à fait comme les autres : c’est une loi de finances intermédiaire, rappelait Jérôme Cahuzac ; Jean-Pierre Brard a, de son côté, ironisé sur le terme de « faillite » employé par le Premier ministre pour décrire l’héritage de la précédente majorité UMP ; notre collègue a ensuite évoqué un budget de « croisière », où tout oppose première et deuxième classe.

Nous sommes nombreux à penser, et pas seulement à gauche de l’hémicycle, qu’il y aura une transition douloureuse entre vos cadeaux fiscaux de cet été et le retour à la réalité économique et financière. Ce qui fait défaut dans cette loi de finances se paiera plus tard : nous craignons que ce budget n’en cache un autre. C’est sans doute pour éviter cette impression que la ministre évoquait, dans son intervention liminaire, un budget « compact ».

Vous étiez plus proche de la réalité, Madame la ministre, lorsque vous parliez de la rigueur à venir. Elle se profile déjà ! La réalité que vous feignez d’ignorer est en effet criante : la dégradation de nos finances publiques, qui s’accentue depuis 2002, ne se résorbera pas toute seule ; elle pourrait même s’aggraver encore cette année. C’est du moins ce qui ressort des prévisions des 18 instituts de conjoncture consultés : vous évoquez toujours les points les plus hauts et les bas, Madame la ministre, mais sans vous intéresser aux moyennes. C’est pourtant un bon indicateur...

Vous avez prétendu que votre politique nous ferait gagner un point de croissance supplémentaire, or c’est un demi-point de croissance qui manque déjà par rapport à l’année précédente, et même un point en comparaison avec nos partenaires européens. Votre prévision de croissance se situait entre 2 et 2,5 %, mais la dernière note de conjoncture de l’INSEE avance 1,8 % seulement – c’est d’ailleurs le consensus de tous les instituts pour l’année 2007. Cette prévision tient compte de votre remarque selon laquelle le troisième trimestre serait meilleur que le second, mais cela ne suffira pas.

Pour l’année prochaine, les différents instituts de conjoncture prévoient en moyenne une croissance de 2 %. En dépit de la dispersion des prévisions, aucun institut ne croit en une forte accélération de la croissance : votre fourchette de 2 à 2,5 % s’écarte donc des données retenues par les prévisionnistes.

J’en viens au déficit : il n’y a quasiment pas d’institut qui approuve votre prévision de réduction, si petite qu’elle soit. Trois instituts situent même le déficit des administrations publiques à plus de 3 % du PIB. L’OFCE prévoit une croissance de 2,6 %, comme vous l’avez rappelé, Madame la ministre, mais dans l’hypothèse où le déficit se creuserait profondément – au-delà de 3 %. Dans le rapport de M. Carrez, j’ai d’ailleurs été frappé par les simulations de déficit en longue période en fonction des différentes hypothèses de croissance. Dans le cas « pessimiste » d’une croissance limitée à 1,8 % en 2007 et à 2 % en 2008, soit la prévision moyenne des conjoncturistes, le déficit se porterait à 3,1 %. Le Gouvernement est-il donc vraiment sûr que nos finances publiques ne sont en train de déraper à nouveau, pour se rapprocher de la barre fatidique de 3 % ? Selon les prévisionnistes, le risque est grand.

Permettez-moi de revenir également sur la cohérence de votre stratégie économique. Selon la ministre, l’OFCE reconnaîtrait les effets de la relance enclenchée par la loi TEPA. Or, ces quinze milliards d’euros de dépenses, qui représentent entre 0,7 et 0,8 point de PIB, ne produiront que 0,3 point de croissance supplémentaire. Je vous mets au défi de citer une mesure budgétaire non financée de 15 milliards d’euros – c’est le scénario de l’OFCE – qui produirait moins d’un tiers de point de croissance. Le projet TEPA est la plus mauvaise utilisation des fonds publics que l’on puisse imaginer : s’il existe, l’effet de relance sera bien inférieur à celui qui aurait résulté de n’importe quelle autre politique d’un même montant.

Votre stratégie économique est calquée sur la révolution conservatrice anglo-saxonne des années 1980, selon laquelle la meilleure façon d’aider la croissance est d’orienter la redistribution en faveur des plus fortunés. Cette thèse est dénommée « économie du ruissellement » : si les plus fortunés travaillent plus et sont plus dynamiques, il finira bien par en retomber quelques gouttes sur les plus modestes… Mais cela ne s’est jamais produit : les inégalités se sont juste accrues de façon fantastique, mais cette politique n’a jamais permis de relancer la croissance ni d’augmenter les recettes fiscales. Vous pouvez le vérifier par une expérience grandeur nature : celle des cinq dernières années ! Le quinquennat de M. Chirac a en effet lui aussi commencé par un grand allégement fiscal non financé – mais de cinq milliards seulement, pas quinze – qui a aggravé le déficit dès 2002. Vous n’avez jamais été capables ensuite de revenir à un déficit acceptable. La dette s’est envolée. La France n’a jamais connu une période aussi longue de déficit, avec une dette croissant de plus de huit points de PIB !

M. Carrez, évoquant tout à l’heure les cinq années avant vous, était en désaccord non seulement avec le Premier ministre, qui parlait de faillite, mais surtout avec les chiffres. Il est une époque où le déficit du compte des administrations a été réduit : de 1997 à 2001. En 1997, l’audit des finances publiques établissait le déficit à 3,5 % du PIB. La première mesure que nous avons prise fut de le ramener à 3 % et en 2001, il était revenu à 1,7 % du PIB. Dans l’audit commandé par Francis Mer, il était compris entre 2,2 et 2,6 %. Depuis cinq ans, il n’y est jamais revenu ! La leçon est claire : c’est en ignorant les contraintes budgétaires que vous vous êtes retrouvés dans cette situation. Les chiffres sont incontestables. La situation de nos finances publiques est profondément dégradée, et je crains que le quinquennat qui s’ouvre ne voie rééditée la même stratégie.

Votre politique ne répond à aucun des problèmes de l’économie française : ni à l’insuffisance des créations d’emplois, ni à la faiblesse du pouvoir d’achat, ni à l’atonie de la croissance, ni au déficit de compétitivité, ni à l’endettement. La question n’est pas de choisir entre une politique de l’offre ou de la demande : une politique équilibrée joue sur les deux. Mais en matière de demande, votre politique est non seulement profondément injuste, mais aussi inefficace, puisque le pouvoir d’achat qui est redistribué aux plus aisés ne sera pas consommé, mais épargné. C’est la raison pour laquelle les instituts de prévisions n’en attendent pratiquement aucune croissance.

L’emploi est complètement oublié dans ce projet de loi de finances, comme il l’était dans la loi TEPA. L’incitation aux heures supplémentaires tourne le dos à la création d’emplois. Travailler plus pour gagner plus ne risque pas d’arriver à ceux qui en ont réellement besoin, c’est-à-dire les chômeurs ou les salariés à temps partiel subi. Sans compter que vos propres chiffrages ne font apparaître pratiquement aucune augmentation du volume total des heures supplémentaires.

Le caractère injuste de votre politique fiscale n’est plus à démontrer : les chiffres des restitutions dues au bouclier fiscal sont trop connus. Mais surtout, vous ne traitez pas le véritable problème de l’impôt sur le revenu en France. Nous avons en effet deux impôts sur le revenu : l’un proportionnel, la CSG, et l’autre progressif, l’impôt sur le revenu. Au cours du temps, tous les gouvernements ont augmenté la CSG pour répondre aux déséquilibres des finances sociales, alors que l’impôt progressif était continuellement réduit. C’est pourquoi notre fiscalité est une des moins redistributives. Nous avons besoin de construire un grand impôt citoyen qui regroupe les deux. Ce n’est pas sur les hauts revenus que nos taux marginaux d’imposition posent problème : ils sont plutôt inférieurs à ceux de la plupart de nos partenaires. Le problème est qu’il n’y a presque pas de différence de revenu si l’on quitte le RMI pour un emploi, à cause de la perte des revenus complémentaires. Certes, le revenu de solidarité active existe, mais vous n’y consacrez que quelques millions, contre 15 milliards au paquet fiscal !

Votre politique est inefficace aussi en matière de pouvoir d’achat. Il y avait une mesure très simple à prendre : l’augmentation de la prime pour l’emploi.

Plusieurs députés du groupe UMP – Elle est augmentée !

M. Pierre-Alain Muet – Mais non, voyons : elle ne progresse que du montant de l’inflation ! Garder la prime pour l’emploi constante alors qu’on fait des cadeaux fiscaux aux plus fortunés, sachant que les autres impositions sont en général indexées sur les prix, est proprement scandaleux (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). L’augmentation de 50 % de la prime pour l’emploi représente 2 milliards : c’est peu, par rapport à vos cadeaux fiscaux !

M. Yves Censi – Elle a été doublée depuis 2002 !

M. Pierre-Alain Muet – Nous vous proposons de continuer ! Donner 2 milliards aux plus modestes plutôt que 15 à ceux qui n’en ont pas besoin, cela a un sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Cette politique est inefficace aussi sur l’offre : votre budget est tourné vers le passé. Il ne comporte pas de mesure incitative. Il récompense ceux qui ont déjà réussi ou leurs héritiers, qui n’y sont pour rien. Mais l’héritage et la rente ne créent pas une économie dynamique. Ce budget n’incite ni à innover, ni à investir. Certes vous avez augmenté le plafond du crédit impôt recherche, mais c’est oublier que le principal problème de cette mesure est que les PME l’utilisent peu. En haussant le plafond, vous allez permettre aux grandes entreprises d’en profiter un peu plus, mais pas les PME. Quant à l’investissement, rien n’est prévu, alors même que vous avez pris une mesure favorable à la redistribution de dividendes. Notre économie souffre d’un investissement trop faible – la France a un taux d’épargne considérable, et depuis longtemps – mais ce que vous faites, c’est pour les dividendes ! Pour notre part, nous aurions abaissé le taux de l’impôt sur le revenu pour les revenus investis et augmenté celui sur les revenus distribués.

Plusieurs députés du groupe SRC – Très bien !

M. Pierre-Alain Muet – Un mot des collectivités locales : si le déficit des finances publiques atteint les 2,5 ou 3 points de PIB, c’est que l’État finance par l’emprunt non seulement les intérêts de la dette, mais même une bonne partie de ses dépenses de fonctionnement. C’est quelque chose que ne se permettent jamais les collectivités locales : elles sont à l’équilibre. Elles n’ont pas leur part dans le déficit de l’ensemble des finances publiques. Il n’y a donc aucune raison de leur appliquer la rigueur que doit s’imposer l’État (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). En mélangeant le tout, vous reportez encore une fois toutes les difficultés sur les collectivités locales.

M. Michel Vergnier – C’est imparable !

M. Pierre-Alain Muet – C’est d’autant plus choquant que ce sont les collectivités locales qui font l’essentiel de l’effort d’investissement public.

L’un de vos objectifs est la réduction du nombre des fonctionnaires. Non seulement cela n’aura pas grand effet sur le déficit, mais c’est une politique absurde puisque des secteurs que vous considérez comme prioritaires sont touchés, comme l’éducation – 11 200 emplois – ou le développement durable – 1 000 postes. Il est difficile de continuer à prétendre qu’ils sont prioritaires ! Vous vous trompez aussi sur le fond, car la différence fondamentale entre les économies développées et les économies en voie de développement se trouve dans l’importance du secteur public non marchand, plutôt que dans l’efficacité du secteur privé ou le commerce international. Tout l’effort des pays en voie de développement consiste à construire un service public, un secteur de la santé, des infrastructures. Vous n’avez aucune réflexion sur le rôle de l’intervention publique. Vous commettez ainsi une erreur dramatique en termes de développement économique.

Terminons par le développement durable : nous avons tous conscience que nous allons devoir changer de modèle économique à brève échéance. Notre modèle de croissance, depuis la révolution industrielle, accumule en effet les déchets et puise dans les ressources naturelles. Il n’est pas tenable. Or la France est très en retard dans ce domaine, surtout en ce qui concerne la fiscalité écologique. Il nous reste des efforts considérables à accomplir, comparativement à la Suède par exemple – et sur certaines pollutions encore plus que sur d’autres. Ainsi, pourquoi le kérosène est-il exempté de TIPP ? Une politique écologique européenne serait la bienvenue, car elle contribuerait à modifier les comportements, mais nous devons aussi définir la nôtre.

Vous m’expliquerez sans nul doute que tel est le rôle dévolu au Grenelle de l’environnement. Mais alors, à quoi sert ce budget, déjà vidé d’une grande part de sa substance par la loi TEPA, et qui n’évoque pas non plus la dérive prévisible de nos comptes ? Ce texte qui esquive les grands problèmes lancinants de notre économie n’est qu’un intermède, et le budget caché qui lui succédera sera bien plus amer car il parachèvera votre paquet fiscal – que tout le monde payera.

M. Jean-Charles Taugourdeau – C’est normal !

M. Pierre-Alain Muet – Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à la deuxième question de Laurent Fabius, qui vous a demandé si vous augmenterez la TVA, la CSG, les deux peut-être. Nous prenons acte de ce silence, mais nos concitoyens, qui ne sont pas dupes, s’inquiètent à juste titre de ce que vous leur préparez à brève échéance. Aussi, collègues du groupe UMP, je vous invite, si vous ne voulez pas avoir à vous déjuger dans quelques mois, à voter avec nous cette motion de renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre – Je pense, Monsieur Muet, que vous vous trompez. Je ne reviendrai pas sur l’hypothèse de croissance qui fonde le projet, puisque Mme Lagarde a abordé la question en détail. On peut, bien sûr, se lancer dans une bataille de chiffres, mais à quoi bon ? Il s’agit de prévisions, et celles que nous avons retenues sont raisonnables et responsables. Quant aux indications relatives au déficit prévisionnel émanant d’organismes divers, je n’y crois pas. Nous avons évalué dépenses et recettes en fonction des informations précises dont nous disposions et je ne vois pas comment ces organismes en sauraient plus que nous.

Vous nous accusez ensuite de « rejeter les difficultés sur les autres », les autres étant les collectivités territoriales. Mais il n’en est rien ! Où est l’austérité, quand les crédits prévus par contrat augmentent du même taux que l’inflation et que, si l’on considère l’ensemble des transferts – contractuels et hors contrats - l’augmentation globale est de 4 % ? Combien de collectivités locales accepteraient de procéder à de tels transferts vers d’autres entités ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) L’État est tout à fait correct et le Gouvernement n’a rien proposé de choquant mais il en appelle, en effet, à la révision des contrats.

S’agissant des effectifs, votre raisonnement est stupéfiant. Si je vous ai bien compris, les pays en développement recherchent, pour asseoir leur croissance, un service public fort. Comme nous sommes les champions du monde de la dépense publique, nous devrions donc être à la pointe de la croissance mondiale… Pourtant, je n’ai pas ce sentiment. La France a besoin d’un secteur privé très puissant, que nous devons aider à renforcer son autonomie. Elle a aussi besoin d’un service public de qualité, ce qui ne nous dispense pas de réfléchir aux coûts de production du service rendu. C’est même la moindre des choses, car ils pèsent sur notre compétitivité.

Nous considérons le développement durable comme une chance pour le pays, et non comme une contrainte, et nous sommes favorables à l’instauration d’une fiscalité écologique. Le Grenelle de l’environnement sera l’occasion de définir des mesures qui trouveront leur traduction dans un prochain collectif ou dans le projet de loi de finances pour 2009.

Pour ce qui est des prélèvements obligatoires, je ne cherche pas à biaiser. Je vous ai entendu évoquer l’augmentation de la TVA, de la CSG, d’autres impôts encore sans doute, et aussi un budget « B » qui serait présenté après les municipales. Pour ma part, je ne connais qu’un seul projet de budget : celui qui vous est soumis. Nous avons réduit l’impôt sur le revenu, réduit la taxe professionnelle, réduit aussi les prélèvements obligatoires et nous continuerons à travailler à la poursuite raisonnée de ces baisses, car une trop forte fiscalité nuit à la croissance. Comme le Président de la République nous y a invités, nous réfléchissons à l’articulation entre prélèvements obligatoires et financement renouvelé de la protection sociale. Je ne vois rien là qui devrait faire fantasmer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Censi – Connaissant la compétence de M. Muet en ces matières, on pouvait s’attendre, en l’entendant contester l’hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement, à une démonstration intéressante. Malheureusement, tout a dérapé lorsqu’il a évoqué la prétendue dégradation des comptes publics depuis 2002. Il me faut donc rappeler, une nouvelle fois, que le déficit était de 50 milliards lorsque nous sommes arrivés au pouvoir cette année-là et qu’il s’est établi à 36 milliards en 2006. Est-ce là ce que vous qualifiez de dégradation des comptes publics ? Rien ne sert de travestir la réalité par de si gros mensonges !

Vous avez d’autre part insisté sur l’inefficacité supposée de la loi TEPA. Sur ce point, nous avons une divergence de fond – et je vous rappelle que les Français ont choisi de « travailler plus pour gagner plus ». Pour nous, leur interdire de travailler plus ne réduit pas le chômage ; vous le contestez, mais cela ne suffit pas à asseoir votre argument. Cédant à la tentation d’interpréter le monde par le prisme de la lutte des classes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), vous êtes allé jusqu’à faire référence à la théorie du ruissellement ! On en est très loin, et je tiens à votre disposition la liste des mesures qui, contrairement à ce que vous alléguez, concernent tous les Français et non seulement ceux qui ont les hauts revenus. Dire : « Je n’aime pas les riches » n’a jamais suffi à faire un programme électoral ! (Mêmes mouvements)

M. Jean-Pierre Brard – Vous, pour sûr, vous les aimez !

M. Yves Censi – Pas une fois, au cours de la précédente législature, nous n’avons dépassé le plafond de dépenses voté par le Parlement. Au cours de la même période, éternels Cassandres, vous vous êtes sans cesse trompés – il n’y a donc aucune raison que vous ne vous trompiez pas une fois encore, et il est donc rigoureusement inutile de renvoyer ce projet en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le ministre, cessez d’évoquer Nicolas comme d’autres récitent des mantras…

M. Richard Mallié – Jaloux !

M. Jean-Pierre Brard – De votre idolâtrie ? Certainement pas ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous alignez les clichés avec une certaine fièvre mais cela ne convainc personne : revenez à la réalité ! Il y a les privilégiés, dont vous vous faites inlassablement l’avocat, et les victimes, que nous défendons… (Même mouvement)

M. Michel Voisin – Facile !

M. Jean-Pierre Brard – Voyez les propos de M. Martinon ; on peut dire que celui-là, il n’a rien contre la discrimination sociale : « J’aime aussi l’idée que Neuilly est un refuge pour les gens entreprenants qui veulent protéger leur famille »…

Plusieurs députés du groupe UMP – Hors sujet !

M. Jean-Pierre Brard – La discrimination, non seulement il l’aime, mais il s’en vante !

M. Jean-Charles Taugourdeau – De quoi nous parlez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard – La vérité, c’est que vous affabulez ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) Depuis six ans, obsédés par l’idée de faire des cadeaux à vos amis nantis, vous n’avez pas hésité à dilapider les acquis de l’État et à creuser la dette. Les chiffres l’attestent : alors que l’endettement représentait 58,2 % du PIB en 2002, il atteint cette année le taux record de 66,6 % après avoir progressé continûment au cours de la législature précédente.

Ignorant les pays de vieille culture que sont la Suède, le Danemark ou la Norvège, vous prétendez à tort que la France serait la championne européenne des dépenses publiques. C’est faux, et, du reste, pourquoi vouer la dépense publique aux gémonies ? La dépense publique, dans notre pays, c’est l’école, c’est la santé ! N’en déplaise à Mme Lagarde, nous sommes encore nombreux à ne pas être pressés de nous rallier au modèle américain. En réalité, c’est parce que votre idéologie vous pousse de manière obsessionnelle à réduire la dépense publique que le pays va mal…

Plusieurs députés du groupe UMP – Mais non !

M. Jean-Pierre Brard – Il est urgent de changer de politique et de se concentrer enfin sur les priorités. Pour vous, Monsieur le ministre, les fraudeurs, ce sont les escrocs à la CMU ou au RMI…

M. le Ministre – C’est faux. Je combats toutes les formes de fraude.

M. Jean-Pierre Brard – Lorsque M. Sarkozy était à votre place, je lui demandais déjà pourquoi il ne s’attaquait pas plutôt à la mafia russe qui sévit dans le sud-est de la France, et dont nos collègues des Alpes-Maritimes ne connaissent que trop bien les crimes…

Sans doute allez-vous plutôt nous proposer de dépénaliser aussi les délits économiques…

M. le Ministre – Allons, vous défendez l’indéfendable.

M. Jean-Pierre Brard – Qu’attendez-vous pour vous intéresser de plus près aux agissements de M. Lagardère dans le cadre d’EADS ?

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard – Lors de la séance de questions d’hier, Mme Lagarde s’est félicitée de la réussite de l’A 380 et, de fait, quel patriote ne s’en réjouirait pas ? Mais cela peut-il faire oublier les quelque 10 000 salariés mis au panier, victimes des frasques des gens que vous protégez ?

Quant à la crise financière de l’été, vous saviez pertinemment qu’elle allait advenir et il est un peu court de dire que les entreprises, elles, ont bien réagi. Tétanisée par votre idéologie, obnubilée par votre lecture américaine de la réalité (Murmures sur les bancs du groupe UMP), vous n’avez rien fait. Il suffisait pourtant de lire les notes de notre ambassade à Washington pour anticiper la crise et nous en protéger.

M. Jérôme Cahuzac – Nous avons eu, depuis hier, des échanges de qualité, dans un climat correct, et je tiens à saluer la courtoisie des membres du Gouvernement qui ont écouté jusqu’au bout les différentes interventions et fait l’effort d’y répondre. Votre attitude, Madame et Monsieur les ministres, tranche avec celle de vos prédécesseurs. Aussi ai-je été un peu déçu d’entendre M. Woerth balayer nos arguments en invoquant, pour répondre à l’interpellation si spontanée de M. Carrez (Sourires), les chiffres de 2002. Si ne sont plus désormais autorisés à s’exprimer que ceux qui n’ont jamais commis d’erreur d’appréciation, nos débats vont connaître une accélération sans précédent ! (Murmures) Et je n’aurai pas la cruauté de rappeler que nul n’a jamais critiqué aussi sévèrement ses prédécesseurs que M. Juppé en 1995, parlant d’un gouvernement dans lequel M. Sarkozy était ministre du budget...

Contrairement à ce que vous affirmez, nos finances publiques n’ont évidemment pas été restaurées au cours des cinq dernières années : aggravation de la dette, creusement du déficit, dérive des comptes sociaux, tel est votre bilan.

Il vaut la peine de rappeler, objectivement, qu’en 2001, les comptes de la sécurité sociale étaient équilibrés et que le déficit cumulé des cinq années suivantes a atteint 60 milliards. Si la maîtrise des dépenses publiques s’améliore, effectivement, cela constituera une rupture. Mais c’est précisément ce que nous ne percevons pas dans ce projet, et qui nous conduit à demander le renvoi en commission, afin d’être mieux éclairés sur ce qui s’est passé depuis cinq ans. Quand j’entends le ministre ou tel parlementaire prétendre que nos finances publiques se sont améliorées pendant cette période, je dois rappeler que le déficit public s’est accru de 8 points de PIB.

M. Michel Voisin – Ça a commencé quand ?

M. Jérôme Cahuzac – C’est une dette considérable, qu’auront à payer des générations qui ne sont même pas encore nées. Il faut que cela cesse. Or, nous venons de voter 15 milliards de dépenses non gagées. Nous voudrions donc travailler de nouveau en commission pour tirer les leçons du passé. Il en va de même pour les prélèvements obligatoires. On nous dit qu’ils ont baissé ces cinq dernières années. Non : ils ont augmenté de 1,2 point de PIB.

En second lieu, quand la croissance réelle de notre pays a été, toutes ces dernières années, largement inférieure à celle de nos voisins, comment croire qu’elle ne le serait que de 0,05 point l’an prochain ?

Par ailleurs, nous sommes nombreux ici à exercer des responsabilités locales . Je ne doute pas que ceux qui s’apprêtent à voter des dispositions cruelles pour les collectivités locales sauront les défendre avec cœur dans les associations d’élus.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jérôme Cahuzac – Enfin, Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à la question de Laurent Fabius. Vous avez répondu qu’il y aurait un collectif budgétaire. Mais la vraie question est de savoir si vous augmenterez la TVA, la CSG, la CRDS. Si vous êtes sûr de l’effet des mesures que vous faites votez, répondez non. Si vous répondez oui, nous devons revenir en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Vous avez doublé votre temps de parole…

M. Charles de Courson – Le Nouveau centre ne votera pas le renvoi en commission, d’abord pour une raison de forme : il faut bien un budget, et on se demande ce que vient faire une motion de procédure de ce genre. Et, sur le fond, nous avons quatre raisons.

D’abord, Monsieur Muet, j’ai peine à croire qu’un aussi éminent enseignant puisse dire des choses aussi fausses. Il n’y a en fait aucune corrélation entre le niveau des dépenses publiques et le taux de croissance des grandes démocraties.

M. Pierre-Alain Muet – Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Charles de Courson – Si, vous avez dit cela. Et vous ne parliez pas en scientifique, mais au nom d’une idéologie qui tend à faire croire que plus la dépense publique est élevée, plus le pays est prospère, juste et solidaire. Si c’était vrai, nous serions un modèle. Hélas…

Ensuite, revenons sur l’histoire budgétaire des cinq dernières années. Je peux en parler en toute liberté, j’ai voté contre deux budgets, pour deux autres, et je me suis abstenu une fois. La vérité, c’est que la dérive des finances publiques a commencé en 1981. Auparavant, la situation de nos finances publiques était la meilleure du monde, nous étions à l’équilibre. Mais tout le monde l’a oublié.

M. Louis Giscard d'Estaing – Non, non ! (Sourires)

M. Charles de Courson – Aujourd’hui, parler de retour à l’équilibre, c’est-à-dire à la situation de la moitié des pays de l’Union, paraît presque incroyable. Si l’on doit faire un reproche aux gouvernements de la droite et du centre, c’est de ne pas avoir mené les politiques nécessaires au redressement des finances publiques. Cela ne fait jamais que quatorze ans que je le dis…

En troisième lieu, les collectivités locales, avec 93 milliards sur une dépense publique totale de 390 milliards, représentent le premier poste du budget, devant l’Éducation nationale. Si un jour vous reveniez au pouvoir… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Gest – Quel cauchemar !

M. Charles de Courson – Au nom de quoi diriez-vous que ce secteur est totalement protégé de ce qui arrive au reste des services publics ? Ce n’est pas sérieux. On pourrait discuter pour savoir jusqu’où il faut aller, mais vous n’échapperiez pas à un effort dans ce domaine.

Enfin , arrêtez de dire des contrevérités sur les 14 milliards de la loi TEPA. 80 % de ces crédits vont à deux mesures dont vous ne pouvez pas dire qu’elles sont faites pour les riches. La déduction d’intérêts d’emprunts immobiliers, soit 4,6 milliards en année pleine, est plafonnée à un montant correspondant à un prêt de 150 000 euros, c’est-à-dire la valeur moyenne d’un logement en France. Quant à la mesure sur les heures supplémentaires, soit 6,6 milliards, je ne savais pas que les riches bourgeois dont M. Brard nous rebat les oreilles, faisaient des heures supplémentaires ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP) Je ne connais certes pas la réalité sociale aussi bien que lui, mais je ne l’ai jamais constaté dans ma circonscription… 80 % de ces sommes vont donc aux plus modestes. Il est vrai que les 20 % qui restent vont à des gens fortunés. Mon groupe voulait d’ailleurs qu’on atténue l’une de ces mesures. Passons.

Reste que, pour ces quatre raisons, le groupe du Nouveau centre ne votera pas la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président – Nous passons à l’examen, dans le texte du gouvernement, des articles de la première partie du projet de loi.

ART. 1ER

L'article 1er, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les articles 2 à 6, ainsi que les articles additionnels après l’article 7, sont réservés, à la demande du Gouvernement, jusque après l’article 8.

ART. 7

M. François de Rugy – En juillet déjà, à propos du projet TEPA, qui coûte si cher à nos finances publiques, j’avais dit que, depuis cinq ou six ans, la France vit une crise du logement. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais d’un choix politique…

M. Richard Dell’Agnola – Ce sont tous les logements qui n’ont pas été construits par Jospin !

M. François de Rugy – …Deux erreurs majeures ont coûté très cher aux ménages. Il s’agit d’abord des exonérations fiscales pour investissement dans l’immobilier sans contrepartie des lois Robien et Borloo. Louis Besson avait créé un dispositif de ce type, mais avec, en contrepartie, une location à loyer plafonné. La seconde erreur a été de subventionner plus les démolitions que les constructions de logements sociaux. Il faut certes détruire ici ou là des logements trop difficiles à rénover, mais le bon sens aurait voulu que l’on construise avant de détruire. Aujourd’hui, toute la chaîne du logement est bloquée.

M. Richard Mallié – La crise du logement existait avant que vous ne soyez né !

M. François de Rugy – Même l’accession à la propriété devient très difficile avec l’explosion des prix.

Or, dans cet article 7, il n’y a rien pour le logement d’urgence, le logement social ni le locatif privé. Il n’y a rien non plus pour ceux qui ont acheté dans les années précédentes, et qui remboursent des emprunts désormais de plus en plus longs. Vous aviez promis, contre l’avis de M. Woerth, entre la présidentielle et les législatives, que ceux qui avaient emprunté au cours des cinq années précédentes en profiteraient, mais vous saviez très bien que le Conseil constitutionnel s’y opposerait. Et qu’a dit alors le Président de la République ? « Si les Français ne sont pas contents, qu’ils s’adressent au Conseil constitutionnel ! » Vous essayez maintenant de nous faire croire qu’en augmentant de 20 % la déduction possible la première année, le problème sera réglé. Or, cela ne changera absolument rien pour les Français qui ont commencé d’emprunter avant mai dernier.

M. Michel Bouvard – Mais qui donc a saisi le Conseil constitutionnel ?

M. François de Rugy – Cette mauvaise mesure va même se retourner contre les accédants à la propriété, les promoteurs immobiliers en profitant pour se dispenser de baisser leurs prix, alors que c’est bien entendu sur ce point qu’il faudrait agir pour faciliter l’accession à la propriété.

M. Jérôme Cahuzac – Le contenu de cet article 7 se réduit comme peau de chagrin. Faut-il d’ailleurs s’en plaindre, dans la mesure où cela épargnera quelque peu les finances publiques ? Mais pendant la campagne présidentielle, le candidat Sarkozy avait promis que tous les intérêts de tous les emprunts en cours seraient concernés. Or, on le sait, cette promesse ne pourra être tenue.

M. Michel Bouvard – À cause de vous qui avez saisi le Conseil constitutionnel !

M. Jérôme Cahuzac – C’est un peu plus complexe que cela. Lors de l’examen du projet de loi relatif au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat cet été, Mme Lagarde avait, elle, promis que tous les intérêts des prêts souscrits à compter de la date de l’élection présidentielle seraient concernés. Or, cette promesse-là non plus ne peut pas être tenue.

M. Richard Mallié – À cause de qui ? Le Conseil constitutionnel ne peut s’autosaisir !

M. Jérôme Cahuzac – Déniez-vous le droit à l’opposition de saisir le Conseil constitutionnel ? Au demeurant, nous l’avions saisi sur divers points de cette loi, mais pas sur celui-là. Le juge constitutionnel a de lui-même repéré cette difficulté… à moins que les mêmes qui avaient alerté M. Woerth sur la nécessité d’être très prudent quant à la date d’application du dispositif ne l’aient alerté ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) En un seul article, voilà déjà deux promesses non tenues !

Il se dit cependant que des instructions fiscales sont données pour que les intérêts pris en compte ne soient pas ceux acquittés à compter de la date de la promulgation de la loi, comme notre droit l’exige, mais à compter du 6 mai, date de l’élection du Président de la République. Je souhaite, Madame la ministre, que toute ambiguïté soit levée à ce sujet.

M. François de Rugy – Notre amendement 49 tend à supprimer l’article. Le logement représente le premier poste de dépenses dans le budget des ménages français (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) – sans doute pas pour tous. Vous rendez-vous compte que les restitutions de 100 000 à 300 000 euros versées à quelques milliers de privilégiés au titre du bouclier fiscal représentent le prix d’un logement, logement que trop de nos concitoyens n’arrivent pas à se payer, parce que leurs salaires n’augmentent pas…

M. Richard Mallié – À cause des 35 heures !

M. François de Rugy – …et que leur pouvoir d’achat est rogné par la hausse du prix de l’énergie et de différents tarifs. Vous pourriez prendre des mesures concrètes pour améliorer leur pouvoir d’achat, mais vous vous y refusez.

Votre mesure, qui de toute façon ne concernera qu’un tout petit nombre de Français, sera seulement une aubaine pour ceux qui y seront éligibles – et qui les blâmerait d’en profiter ? Mais pour tous les autres, ceux qui n’ont tout simplement pas les moyens d’accéder à la propriété, elle ne changera rien ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Comme M. de Courson l’avait excellemment démontré en commission des finances l’été dernier, ce sont les banques qui vont en profiter. Elles ont déjà commencé : il n’est que de voir la hausse des taux d’intérêt des crédits immobiliers depuis quelques mois. Ils frôlent désormais les 5 %.

Plusieurs députés du groupe UMP – Cela n’a rien à voir !

M. François de Rugy – Vous n’aimez pas que l’on vous cite des cas concrets de la vie quotidienne de nos concitoyens !

Pourquoi n’avoir pas joué plutôt sur le PTZ ? La communauté urbaine de Nantes a créé un complément à ce prêt, qui a rencontré un grand succès, notamment auprès des personnes dont les ressources dépassent de peu les plafonds du logement social mais pour qui les logements du secteur privé n’en sont pas moins inaccessibles. Pourquoi n’avoir pas non plus pris de mesures afin de contenir la hausse des prix dans le secteur locatif privé ? L’argent qui va être gaspillé par cet article aurait été mieux utilisé.

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement. Il est à l’honneur de cette majorité d’avoir toujours cru à l’accession à la propriété. De 1997 à 2002, la majorité de l’époque s’était au contraire ingéniée à oublier l’accession sociale à la propriété, et c’est nous qui l’avons relancée en priorité. Si le PTZ a connu un tel succès, c’est grâce notamment à notre président de ce soir, qui l’a défendu, permettant ainsi à des milliers de nos concitoyens de devenir propriétaires (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP). Nous pensons, nous, que tous les Français sans exception – et c’est ce qui nous différencie de vous – ont droit à devenir propriétaires. Notre démarche est à cet égard des plus cohérentes : le PTZ n’est absolument pas remis en question mais, comme il est soumis à condition de ressources, nous adoptons en complément le principe d’un crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, qui pourra, lui, bénéficier à tous.

M. François de Rugy – Mais pas à ceux qui ont emprunté il y a plusieurs années !

M. le Rapporteur général – À tous ceux qui ont signé leur acte authentique de vente ou engagé leurs travaux depuis le 6 mai dernier.

Vous nous aviez expliqué cet été, Monsieur de Rugy, que ce crédit d’impôt aurait un effet procyclique en induisant une augmentation des prix de l’immobilier. Or, jamais mesure ne sera aussi bien venue en ce domaine, puisqu’elle va compenser au contraire, pour partie, la hausse des taux d’intérêt liée au contexte international et préserver le pouvoir d’achat des Français souhaitant devenir propriétaires.

Favorables, nous, à l’accession à la propriété de tous les ménages, y compris modestes, nous avons toutes raisons d’être fiers de cet article, et donc opposés à votre amendement de suppression. Si vous vous engagez à Nantes, comme nous le souhaitons, dans la vente des logements sociaux à leurs occupants, ceux-ci auront droit à un crédit d’impôt sur leurs intérêts d’emprunt (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Ministre – Je veux tout d’abord remercier l’Assemblée d’avoir accepté de réserver les articles 2 à 6, ainsi que les amendements après l’article 7, pour me permettre de défendre ce soir les articles 7 et 8. Je dois en effet vous quitter pour Washington où je vais – M. Brard sera satisfait (Sourires) – représenter notre pays notamment à l’assemblée annuelle du FMI, qui se tiendra cette année sous la présidence de Dominique Strauss-Kahn, à celle de la Banque mondiale, ainsi qu’à diverses réunions multilatérales où j’espère défendre les intérêts français, notamment dans le domaine monétaire.

Pour ce qui est de l’amendement 49, le Gouvernement y est bien entendu défavorable. Ce n’est pas à cause de notre majorité si la mesure ne pourra pas s’appliquer à ceux qui ont emprunté ces cinq dernières années – je n’y reviens pas. Si nous avons doublé le crédit d’impôt sur les intérêts acquittés la première année, c’est tout simplement parce que c’est cette année-là que les acheteurs supportent le plus de frais, ne serait-ce que du fait des frais d’acquisition du déménagement et de l’aménagement du nouveau logement. Un couple avec deux enfants empruntant 200 000 euros pourra ainsi bénéficier d’un crédit d’impôt de 3 400 euros.

M. Michel Bouvard – Le groupe UMP votera évidemment contre cet amendement, considérant que l’accession à la propriété est un moyen de se protéger contre les coups durs de la vie, et aussi d’avoir plus d’argent disponible au moment de la retraite. Cette mesure arrive à point nommé, étant donné la hausse des taux d’intérêt – tandis que les prix de l’immobilier tendent, eux, à se stabiliser ; elle permet aussi de soutenir la construction, activité créatrice d’emplois et non délocalisable.

Il est assez stupéfiant que ceux-là mêmes qui ont été à l’origine de la décision du Conseil constitutionnel viennent aujourd’hui vous reprocher de ne pas tenir vos promesses ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. François de Rugy – Il ne faut pas faire de promesses intenables !

M. Charles de Courson – Beaucoup de nos collègues de gauche sont hostiles à l’accession sociale à la propriété, considérant que les ménages les plus modestes ne sont pas capables d’y accéder, qu’elle va les mettre en difficulté (Interruptions sur les bancs du groupe GDR). Mais moi, je la pratique, étant président du Crédit immobilier de mon secteur depuis quinze ans.

J’y ai fait faire une analyse de notre clientèle en difficulté. Il en ressort d’abord que c’est une toute petite minorité – entre 2 et 3 %. Pour ces clients, les raisons des difficultés sont, dans l’ordre, l’incapacité à gérer un budget (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), l’éclatement des familles et, en troisième position seulement, le chômage.

Par ailleurs, Monsieur de Rugy, je n’ai pas dit en commission que les banques allaient capter l’avantage fiscal ; j’ai dit que le ministère devrait vérifier que la mesure bénéficiait dans sa totalité aux accédants. Ce n’est pas tout à fait la même chose, et j’espère bien que ce débat contribuera à ce que beaucoup de banques demeurent raisonnables. Au demeurant, les banques généralistes font du crédit immobilier non pour gagner de l’argent avec, mais pour attirer la clientèle.

Enfin, les taux se situant autour de 5 %, l’abattement de 40 % la première année permet de descendre à 3 % ; les années suivantes, le gain est d’un point, ce qui permet de neutraliser l’augmentation moyenne des taux d’intérêt sur les crédits immobiliers depuis un an.

C’est donc une bonne mesure, qu’il faut soutenir en rejetant cet amendement.

M. Jérôme Cahuzac – Madame la ministre, avant de partir à Washington, il faut que vous nous répondiez sur la date d’application de cette mesure : 6 mai, comme le rapporteur général semble le dire, ou 21 août, comme le Conseil constitutionnel semble l’avoir indiqué dans ses attendus ? Les accédants à la propriété ont besoin de le savoir.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Je voudrais prolonger la question. Puisque nous sommes en loi de finances pour 2008, cet article, tel qu’il est rédigé, ne s’applique qu’à compter de janvier 2008… Pourquoi, pour éviter toute ambiguïté, ne préciseriez-vous pas la date d’application ?

Mme la Ministre – L’article 7 me semble s’appliquer aux opérations intervenues au cours de l’année 2007, puisque l’article premier précise que « sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique à l’impôt sur le revenu dû au titre de 2007 et des années suivantes ».

Par ailleurs, Monsieur Cahuzac, je vous répète ce que j’avais indiqué le 24 août, après l’entrée en vigueur de la loi du 21 août : « Le crédit d’impôt sera applicable aux opérations pour lesquelles l’acte authentique d’acquisition a été signé à compter du 6 mai 2007 et aux constructions pour lesquelles une déclaration d’ouverture de chantier a été effectuée à compter de cette même date ».

M. Jérôme Cahuzac – Le Conseil constitutionnel appréciera.

Mme la Ministre – Les Français aussi !

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing – Cet article, excellent dans son principe, pose un problème pour les logements neufs. En effet, selon la loi TEPA, le point de départ des intérêts est la date de première mise à disposition par le prêteur, et non la date de déblocage intégral. Les fonds étant débloqués au fur et à mesure de la construction, le bénéficiaire ne peut pas profiter pleinement de l’avantage accordé la première année.

Je propose donc, par l’amendement 24, de fixer le point de départ à la date d’achèvement ou de livraison du logement.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. D’une part, le bénéfice du dispositif est subordonné au paiement effectif des intérêts ; d’autre part, même en cas de paiements fractionnés, le crédit d’impôt – qui est, je le rappelle, de 1 500 euros pour un célibataire et de 3 000 euros pour un couple – devrait pouvoir être utilisé dans sa quasi-totalité.

Mme la Ministre – Même avis.

M. Louis Giscard d'Estaing – Je suis sensible aux arguments du rapporteur général, mais j’aimerais que les services du ministère s’assurent que le problème est bien marginal, voire inexistant.

L'amendement 24 est retiré.

M. François de Rugy – Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le rôle du Conseil constitutionnel. À écouter notre collègue Michel Bouvard, que j’ai connu mieux inspiré, on pourrait croire qu’il s’agit seulement d’arguties juridiques ou d’un règlement de compte, alors que c’est un principe fondamental du droit qui est en cause : la non–rétroactivité de la loi. Croyez-vous qu’un ménage qui a pris une décision économique voilà trois ans l’a fait en escomptant un résultat électoral à venir ? Or, comme l’a souligné Jérôme Cahuzac, un ménage sur le point de faire une acquisition est aujourd’hui dans le plus grand flou.

J’en viens à l’amendement 51, dont l’objet est de compléter l’article 7 en subordonnant le crédit d’impôt à la performance énergétique du bâtiment. Nous renforcerons ainsi le pouvoir d’achat du plus grand nombre, les défauts d’isolation du logement affectant très lourdement le budget des ménages, et nous soutiendrons la création d’emplois durables, qualifiés et non délocalisables dans le secteur du bâtiment.

L’amendement 50 est relatif aux énergies renouvelables, sujet sur lequel on ne pourra plus me demander, comme ce fut le cas l’été dernier, d’attendre les conclusions du Grenelle de l’environnement. Un bilan d’étape a en effet été rendu public, de même que des préconisations en la matière. Il est inacceptable que la France continue à freiner le développement des énergies renouvelables – il est aujourd’hui impossible de construire des éoliennes et des panneaux solaires ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Charles Taugourdeau – N’y a-t-il pas une usine marémotrice près de Nantes ?

M. François de Rugy – Puisque vous évoquez cette ville, vous savez que Jean-Louis Borloo y a été convié pour les journées parlementaires des Verts – nous aussi, nous pratiquons l’ouverture ! Or, qu’a-t-il déclaré à cette occasion ? Qu’il fallait, en matière d’économies d’énergie, donner la priorité au logement. Je ne comprendrais donc pas un rejet de ces amendements. Aucun participant au Grenelle en cours ne vous reprochera d’avoir pris une décision rapide – il sera toujours temps de compléter le dispositif l’an prochain.

M. Jean-Charles Taugourdeau – C’est déjà prévu dans le Grenelle, ne mélangez pas toutes les lois !

M. le Rapporteur général – Comme elle l’avait déjà fait au mois de juillet, la commission a rejeté ces deux amendements. Il est vrai que l’on peut espérer les plus grandes avancées dans ce domaine, mais les incitations fiscales s’élevaient déjà à 900 millions d’euros en 2006, et atteindront 2,4 milliards l’an prochain.

M. François de Rugy – Vous avez dépensé 15 milliards en cadeaux fiscaux !

M. le Rapporteur général – Au fil des ans, se sont succédé des mesures sur les portes et fenêtres, les chaudières à condensation, ou encore les pompes à chaleur. Nous avons besoin de faire le point sur tous ces dispositifs avant de renforcer les efforts.

M. Yves Censi – Très juste !

M. le Rapporteur général – C’est précisément l’objet du Grenelle de l’environnement. Il serait donc logique d’attendre, la commission souhaitant disposer d’un temps suffisant pour effectuer au préalable un travail approfondi. Suivre immédiatement les propositions de M. de Rugy serait agir dans la précipitation (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Ministre – Bien que ces deux amendements ne manquent pas d’intérêt, mon avis est défavorable : il y a un processus de concertation en cours, qui devrait s’achever avant le 25 octobre. De très nombreuses propositions verront le jour, et vous serez sans doute surpris par la portée des propositions en matière de logement, mais aussi de transport. C’est dans ce cadre que vos suggestions devront être examinées, et je vous assure que vous ne serez pas déçu. N’anticipons donc pas !

L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 51.

M. Jérôme Cahuzac – Loin de rompre avec la logique de cet article, l’amendement 251 vise à renforcer son efficacité : puisque vous souhaitez sincèrement favoriser l’accession à la propriété, autant réserver les avantages fiscaux aux primo-accédants. Nous disposerons ainsi des marges de manœuvre supplémentaires.

Permettez-moi également de revenir sur la question des dates : vous indiquez que ces mesures seront applicables à compter du 6 mai, alors que le Journal officiel fait référence au 21 août. Que faut-il comprendre ? Ce n’est pas une question dénuée d’importance, car tous ceux qui ont acheté entre le 6 mai et le 21 août sont aujourd’hui dans l’incertitude. Ne fragilisez pas un dispositif auquel vous semblez beaucoup tenir !

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est déjà réglé !

M. Jérôme Cahuzac – J’ajoute que vous ne pouvez pas vous abriter derrière une instruction fiscale, car ce type de norme n’a pas la même portée que la loi. Nous ne pouvons pas accepter cet argument, non seulement inexact, mais également scandaleux pour les parlementaires que nous sommes.

M. le Rapporteur général – La commission n’a pas adopté cet amendement, car il lui a semblé trop restrictif de réserver cette mesure fiscale aux seuls primo-accédants. Vous observerez d’ailleurs que la déduction des taux d’intérêt, qui a été appliquée de 1965 à 1995, n’avait jamais été soumise à cette condition, pas plus que le prêt à taux zéro, dont seuls étaient exclus ceux qui avaient déjà acheté un bien au cours des deux années précédentes. Je comprends votre souci de donner la plus grande efficacité possible à la dépense publique, mais nous ne pouvons vous suivre sur cet amendement.

Mme la Ministre – Même position.

L'amendement 251, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements portant article additionnel après l’article 7 ont été réservés.

ART. 8

M. le Rapporteur général – Les amendements 105 et 104 sont rédactionnels.

Mme la Ministre – Avis favorable.

Les amendements 105 et 104, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 8 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 18 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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