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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 23 octobre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
19ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉFÉRENDUM SUR LE TRAITÉ SIMPLIFIÉ

Mme Marie-George Buffet – Plus de 400 000 manifestants contre la flexicurité à Lisbonne, autant dans les rues italiennes contre la rigueur, trois quarts des cheminots français refusant toute atteinte à leurs acquis et, aujourd’hui, un rassemblement devant l’Assemblée pour le droit à la santé : les hommes et les femmes d’Europe se dressent partout contre cette régression que vous nommez réforme. Des retraites aux cadeaux fiscaux, toute votre politique s’inspire du carcan libéral de Maastricht.

Nos concitoyens refusent cette Europe-là ! Le Président de la République s’était engagé à les entendre, mais il leur impose aujourd’hui une copie du projet de traité qu’ils ont rejeté en 2005 ! Loin d’être simplifié, ce nouveau traité ouvre le règne de la « concurrence libre et non faussée », du démantèlement des services publics, de la pression sur les salaires et de la précarisation du travail, en somme, le règne de la Banque centrale et de ses affidés. Où est la démocratie ? Les peuples d’Europe – et plus de 60 % des Français – veulent être consultés.

Le référendum de 2005 a illustré l’importance que les Français attachent au débat sur l’Europe. C’est une Europe sociale et solidaire, écologique et démocratique qu’ils souhaitent ! Comme cela vous effraie, vous préférez passer en catimini. Oserez-vous proposer un référendum afin que ce nécessaire débat ait lieu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR)

M. François Fillon, Premier ministre  L’accord de Lisbonne est une bonne nouvelle pour l’Europe, qui sort enfin de plusieurs années de paralysie institutionnelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Après le rejet de 2005, seules l’intuition et la capacité de persuasion du Président de la République ont permis de faire aboutir ce projet qu’il a défendu en Europe comme en France (Même mouvement). Ce traité garantit un cadre institutionnel durable : stabilité de la présidence de l’Union, meilleure représentativité de la Commission et subsidiarité renforcée dans les parlements nationaux. Il réconcilie les Français autour de l’ambition européenne (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jacques Desallangre – Posez-leur la question !

M. le Premier ministre – Que les tenants du « non » de 2005, hostiles au fédéralisme et partisans d’une Europe plus politique, se rassurent : le présent traité exclut toute référence à une constitution et renforce le rôle des parlements nationaux. Quant à ceux qui votèrent « oui », parce qu’ils voulaient une Europe plus efficace, ils ne pourront que se réjouir des outils d’action que le texte lui donne.

Cela ne nous dispense pas de poursuivre la réflexion de fond sur le projet politique européen à long terme, sur notre stratégie économique et notre modèle social ou encore sur nos frontières. Le Président de la République et la diplomatie française militent pour qu’une commission des sages s’y attelle.

M. Daniel Paul – Proposez plutôt un référendum !

M. le Premier ministre – Le Président de la République a, tout au long de sa campagne, pris le risque de défendre la ratification de ce traité par le Parlement. Ne feignez donc pas la surprise !

M. André Gerin – Quel mépris du peuple !

M. le Premier ministre – Les Français se sont prononcés par quatre fois, aux deux tours de la présidentielle et aux deux tours des législatives. C’est la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

BILAN DE LA COUPE DU MONDE DE RUGBY

M. Philippe Folliot – La Coupe du monde s’est mal terminée pour l’équipe de France, Monsieur le secrétaire d’État aux sports (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC). Elle avait été précédée par une Coupe des parlementaires…

M. Philippe Martin – Nous avons battu l’Argentine, nous !

M. Philippe Folliot – Alors que s’achève la Coupe du monde, cet événement sportif planétaire, chacun a pu constater avec quelle ferveur le public français a soutenu son équipe, notamment lors du quart de finale historique de Cardiff. Certes, la victoire finale n’était pas au rendez-vous. L’encadrement de l’équipe mérite néanmoins notre hommage (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La critique est trop facile !

Le premier bilan, d’ailleurs, est très positif : plus de deux millions de spectateurs, des records d’audience télévisée partout en France – bien au-delà du terroir d’origine du rugby, le Sud-ouest. Les bénéfices recueillis permettront à l’IRB de développer la pratique du rugby et ses valeurs partout dans le monde.

M. le Président – Posez votre question, je vous prie.

M. Philippe Folliot – À ce titre, félicitons M. Lapasset et l’ensemble du comité d’organisation pour la qualité de leur travail (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Pas un seul incident n’a émaillé cette belle compétition ! Quelles en sont, Monsieur le secrétaire d’État, les retombées économiques et financières ? Ce succès permet-il d’envisager une candidature de Paris pour les Jeux olympiques de 2016 voire 2020 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau Centre)

M. Bernard Laporte, secrétaire d’État chargé des sports – La coupe du monde de rugby vient de se terminer, avec une quatrième place pour l’équipe de France. Cette coupe restera un succès populaire et économique (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

Plus de trois milliards de personnes ont assisté aux retransmissions télévisées. Les villes hôtes – dont dix étaient françaises, et que je tiens à féliciter pour la qualité de leur hospitalité – ont accueilli dans leurs stades plus de 2,4 millions de personnes.

Les bénéfices ont atteint le double des 5,5 millions d’euros escomptés par le comité d’organisation. Ils serviront notamment à intégrer les licenciés de rugby, qui sont 40 % de plus à s’être inscrits au mois de septembre. Plus de 350 000 visiteurs sont venus en France à l’occasion de cette compétition, ce qui, selon mon collègue Chatel, a amené 150 millions de recettes touristiques supplémentaires.

Je veux féliciter aussi les 6 000 volontaires. Grâce à leur détermination et à leur dévouement, cette coupe du monde a été la plus grande jamais organisée. La France a démontré qu’après la coupe du monde de football en 1998 et les championnats du monde d’athlétisme de 2003, elle a la capacité d’organiser de tels événements sportifs. Dès décembre 2007, elle accueillera la coupe du monde de handball féminin, puis celle de ski alpin en 2009. Suivront les championnats du monde d’escrime en 2010 et ceux de judo en 2011 (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Maxime Gremetz – C’est la France qui perd !

TRAITÉ SIMPLIFIÉ POUR L’EUROPE

M. Jean Leonetti – Si ma question porte sur le même sujet que celle de Mme Buffet, nos analyses sont différentes. Les 18 et 19 octobre, vingt-sept chefs d'État et de gouvernement ont finalisé à Lisbonne le Traité simplifié, faisant ainsi sortir l’Europe d’une situation de blocage. C’est une bonne nouvelle pour l’Europe, c’est une bonne nouvelle aussi pour la France, à l'origine de cette initiative.

Le Président de la République avait pris cet engagement, se faisant fort de réconcilier ceux qui, au référendum, avaient voté « oui » et ceux qui, bien que pro-européens, avaient voté « non ». Grâce à ce texte, plus simple et plus lisible, les institutions européennes vont pourvoir fonctionner de nouveau.

Monsieur le Premier ministre, quelles dispositions entend prendre le Gouvernement pour que la France soit l’un des premiers pays à ratifier ce traité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, Premier ministre  L’accord de Lisbonne est une victoire pour l’Europe. C’est une victoire pour la France, qui redevient la principale force d’initiative de l’Union, au moment même où elle s’apprête à en assurer la présidence – pour la dernière fois, sans doute, dans le cadre d’une présidence tournante.

Ce traité donne des instruments pour décider et agir ensemble. Pour remédier à l’instabilité actuelle, un président du Conseil européen, élu à la majorité qualifiée, exercera ses fonctions pendant deux ans et demi. Pour donner de la cohérence à la diplomatie européenne, la nomination d’un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de défense est prévue. Pour faire avancer nos politiques communes, l’extension du vote à la majorité qualifiée devient la règle, sauf disposition contraire. Pour démocratiser les pratiques, le président de la Commission sera nommé par le Conseil européen à la majorité qualifiée, en tenant compte des résultats des élections européennes. Pour coordonner nos politiques économiques, l’Eurogroupe – qui, jusqu’alors, n’avait une existence qu’informelle – sera institutionnalisé. Enfin, pour garantir la subsidiarité, le rôle des parlements nationaux sera renforcé.

La France entend être le premier État membre à ratifier ce traité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Par référendum ? Et le Peuple ?

M. le Premier ministre – Dès le 14 décembre, dès le lendemain de la signature des Vingt–sept, le texte sera proposé au Conseil constitutionnel, avant d’être soumis aux deux chambres du Parlement.

Le Président de la République recevra toutes les forces politiques pour en discuter. L’Europe doit se donner les moyens d’agir et de se protéger, faire respecter ses intérêts économiques, défendre une certaine vision de l’homme et de la justice, être indépendante : telle est notre ambition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT

M. Bruno Le Roux – Le principal engagement du Président de la République, pendant la campagne présidentielle, était de revaloriser le pouvoir d’achat. Or, aujourd'hui, 85 % des Français estiment qu’il se dégrade. Ces dernières semaines ont montré qu’il existait un fossé entre ce juste sentiment et vos déclarations, qui nient la réalité. Cela inquiète les salariés mais aussi les retraités, dont les plus modestes se trouvent en cette fin d’année dans une situation très difficile.

Monsieur le Premier ministre, avez-vous bien conscience que les fruits, les légumes et le pain ont augmenté de 10 %, la viande de 18 %, le litre de gasoil de 43 % ? Savez–vous que le litre d’essence coûte plus de 10 francs ? Réalisez-vous que tous les postes de dépense des familles augmentent, dont celui du logement ?

Pourtant, vous refusez les hausses de salaires, quand elles seraient possibles et utiles. Alors que vous vous étiez engagé pendant la campagne à augmenter les petites retraites de 25 %, vous refusez toute augmentation. Vous refusez aussi la revalorisation de la prime pour l'emploi. Pire, vous mettez en place des taxes injustes, telles les franchises médicales, qui amputeront encore le pouvoir d'achat des plus modestes et des retraités. Il faut bien rembourser les 15 milliards de cadeaux que vous avez faits aux plus riches !

Pour toute réponse, vous entonnez le chant des sirènes libérales ou l'ode à la concurrence. Ainsi, Mme la ministre de l’économie propose de faciliter l’accès aux crédits à la consommation : quel mépris pour ceux qui souffrent ! Demain, vous augmenterez la TVA de 5 points. Tout cela renforce les inégalités.

Monsieur le Premier ministre, vous incarnez le gouvernement de l'impuissance et de l’injustice : quand prendrez–vous des mesures concrètes pour garantir le pouvoir d'achat des salariés et des retraités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – Votre question est justifiée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Le Président de la République, au cours de la campagne et par la suite, avait mis l’accent sur l’emploi et le pouvoir d’achat, et nous organisons aujourd’hui même une réunion sur ce sujet – d’où l’absence de Mme la ministre de l’économie.

Afin de revaloriser un pouvoir d’achat en effet amoindri, le Gouvernement a tout d’abord fait voter, cet été, la loi TEPA (Protestations sur les bancs du groupe SRC) qui permettra, par l’exonération de charges et d’impôts des heures supplémentaires, de libérer le travail (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) ; il s’est d’autre part attaché à favoriser l’intensification de la concurrence, qui entraînera une diminution des prix dans les secteurs de la distribution, de la banque et de la communication électronique.

Mais, si le Gouvernement doit aujourd’hui défendre ainsi le pouvoir d’achat, c’est parce que, dès les années 2000, la loi instituant les 35 heures l’a fait stagner (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) : nous ne faisons que rendre aux Français le pouvoir d’achat que vous leur avez confisqué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT

M. Alain Gest – Au cours de la campagne électorale, le Président de la République s’est engagé avec force dans la lutte pour l’environnement et le développement durable, promettant de créer un grand ministère dont vous partagez aujourd’hui la charge, Monsieur le ministre d’État, avec les secrétaires d’État chargés respectivement de l’écologie et des transports. Le Président de la République a également tenu sa promesse d’organiser une vaste concertation réunissant tous les acteurs concernés par ces sujets : le Grenelle de l’environnement, qui tient ces jours-ci sa table ronde conclusive. C’est un vrai succès, sur lequel tous s’accordent, que d’avoir ainsi réussi à faire dialoguer, par-delà leurs divergences, chefs d’entreprise, syndicalistes, associations, organisations non gouvernementales et élus.

Le Parlement a lui aussi participé à cette concertation, organisant en son sein des discussions sur le Grenelle, tandis que plusieurs parlementaires ont fourni des contributions personnelles. Quant aux Français, en prenant part aux débats organisés en région, ils se sont montrés conscients des efforts à consentir afin d’agir contre le réchauffement climatique. Nous n’avons pas le droit de les décevoir !

Avant que, jeudi prochain, le Président de la République ne précise les orientations qui doivent résulter de la table ronde, quelle contribution apporterez-vous à ces ultimes échanges ? Surtout, comment envisagez-vous les suites à leur donner, notamment dans cet hémicycle, sous la forme d’une loi d’orientation ou d’une loi cadre – et dans quel délai ? (« Allô ! » sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – Conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre, les groupes de travail se sont réunis il y a un peu plus de trois mois ; ils ont remis leurs conclusions depuis une quinzaine de jours et la dernière consultation régionale a réuni hier 17 000 personnes à Auch – le nombre de consultations sur Internet s’élevant au total à 350 000 et celui des contributions directes à 15 000.

Au terme de cette première partie du Grenelle, je suis frappé, d’une part, par l’effort de mobilisation générale qui révèle la maturité dont font preuve nos concitoyens sur ces sujets ; d’autre part, par la défaite en rase campagne de tous les préjugés ! Enfin, je relève que tous s’accordent non seulement sur le diagnostic – la situation exige que nous agissions d’urgence -, mais aussi sur nos capacités à en prendre acte et sur l’occasion qui s’offre à nous d’améliorer la qualité de vie des citoyens et de favoriser des progrès économiques, technologiques et sociaux.

Des mesures concrètes résultent aujourd’hui du Grenelle : dès la semaine prochaine, et sans attendre la loi-cadre, des groupes de pilotage des programmes opérationnels seront mis en place – tous devant être institués avant le 15 décembre – et assistés de comités d’évaluation et de suivi. En effet, si nous avons bien identifié les principaux chantiers emblématiques – transports urbains, transports publics nationaux et internationaux, voies navigables, voies maritimes, moyens technologiques –, la méthode reste à déterminer. Le Parlement sera naturellement associé au travail de ces comités, notamment par l’intermédiaire d’un Grenelle annuel. Ayant organisé une longue concertation en amont, nous sommes désormais en mesure d’agir rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE

M. Jean-Frédéric Poisson – Il y a quelques semaines, lors de notre débat sur les régimes spéciaux de retraite (« Ah » sur les bancs du groupe SRC), nous avons été nombreux à admettre que la pérennité du financement de ces régimes exige un alignement des durées de cotisation (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC), malgré l’inquiétude - voire la colère – bien compréhensible des agents concernés qui avaient pris des engagements à long terme en se fondant sur des modalités de financement amenées à changer.

Monsieur le ministre du travail, quel est l’esprit des négociations que vous avez entamées avec les partenaires sociaux ? (« Allô ! » sur les bancs du groupe SRC.) Quel en est le contenu ? Enfin, quel en est l’échéancier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Dans ce dossier, je n’oublie jamais le mandat clair que nous ont confié les Français : réussir la réforme les régimes spéciaux de retraite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cet engagement n’est pas nouveau : le Président de la République l’avait placé au cœur de sa campagne, exprimant très clairement sa volonté de mettre tous les Français sur un pied d’égalité ; en effet, il n’y a aucune raison que 25 millions de Français cotisent pendant 40 ans alors que 500 000 continuent de ne cotiser que 37 ans et demi ! Il y va de la justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mais le statu quo serait également dangereux pour les agents relevant des régimes spéciaux eux-mêmes, qui, comme tous les salariés, doivent travailler plus longtemps pour assurer à terme leurs retraites. Tel est l’esprit du document d’orientation que j’ai remis voici une dizaine de jours aux partenaires sociaux et qui porte notamment sur l’harmonisation par le passage de 37,5 à 40 annuités. J’attends maintenant les propositions des organisations syndicales. J’en ai déjà reçu certaines, j’ai rencontré hier les directions des entreprises, et je rencontrerai à partir de demain les organisations syndicales représentatives dans ces entreprises. J’étudierai toutes les propositions qui me seront faites, car il faut jouer jusqu’au bout le jeu de la concertation. Mais dans la France de 2007, et sur un tel sujet, nous avons plus à gagner à la négociation qu’au conflit. Les agents manifestant des inquiétudes, le Président de la République est allé à leur rencontre. J’ai moi-même rencontré des cheminots à Reims vendredi, puis les agents d’une centrale EDF des Yvelines ce week-end. Ils ont compris que le passage de 37,5 à 40 années de cotisation était inévitable, mais ils ont des questions à poser sur le montant de leurs pensions. Ils veulent savoir s’ils pourront compter sur un complément de retraite, un compte épargne temps, le rachat de leurs années d’études ou la prise en compte de la spécificité de leur métier. Quoi qu’il en soit, nous avons une responsabilité collective – Gouvernement, Parlement et organisations syndicales – envers ces agents, mais aussi envers les Français : réussir cette réforme des régimes spéciaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC).

FRANCHISES MÉDICALES

Mme Catherine Lemorton – Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports (« Elle n’est pas là ! » sur plusieurs bancs), vous participez à un gouvernement qui prône la rupture avec ses prédécesseurs mais néanmoins amis politiques. M. Douste-Blazy a institué les franchises médicales dès 2004. Il assurait à l'époque qu’elles permettraient d’atteindre l'équilibre en 2007. M. Bertrand, ministre de la santé dans le précédent gouvernement, les a maintenues, alors qu'il avait parfaitement connaissance de la situation dramatique des comptes de l'assurance maladie et de l'inefficacité des mesures de son prédécesseur, qui se soldent par un déficit de 7 milliards d'euros.

Or, vous recourez aujourd'hui à une taxe sur les malades qui pénalisera les plus modestes, après avoir fait 15 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus riches. Je ne doute pas que ceux qui ont reçu un chèque du Trésor public au titre du bouclier fiscal pourront supporter sans dommage ces franchises. Chacun est capable de payer 4 euros par mois pour sa santé, avez-vous osé déclarer ! Vous savez comme moi que sur une simple prescription, la franchise immédiate pourrait atteindre, dès la première pathologie, les 20 euros ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Et comme ces franchises ne rapporteront que 850 millions d'euros, vous voulez nous faire croire qu'elles serviront à combattre la maladie d'Alzheimer. Pouvez-vous nous assurer au moins que leur montant n'augmentera pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – La question de l’avenir et du financement de notre protection sociale a été au cœur de la campagne électorale. Nous devons y apporter des réponses appropriées. Vous n’avez d’ailleurs pas fait grand-chose dans ce domaine (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe SRC).

Plusieurs députés du groupe SRC – Vous avez eu cinq ans !

M. le Ministre – La franchise est un élément de financement de la protection sociale ; elle permettra de faire face à l’augmentation des dépenses liées au cancer, aux soins palliatifs, à la maladie d’Alzheimer, augmentation qui atteint 700 à 800 millions d’euros par an (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Le coût des médicaments nouveaux ayant vocation à soigner le cancer représentera 150 millions supplémentaires cette année. La franchise est juste : toutes les catégories sociales sont concernées (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) mais ni les femmes enceintes, ni les enfants, ni les bénéficiaires de la CMU complémentaire – 15 millions de nos compatriotes en seront donc exemptés.

M. Maxime Gremetz – Et les handicapés ?

M. le Ministre – De plus, elle est plafonnée à 50 euros par an (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Il n’est donc pas sérieux de dire qu’elle limitera l’accès aux soins ; il n’est pas responsable de lancer des anathèmes ou de faire peur aux Français en les désinformant. Nous prenons nos responsabilités : acceptez de prendre les vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Lemorton – Vous ne m’avez pas répondu !

VIDÉOSURVEILLANCE

M. Philippe Goujon – Le Président de la République vous a demandé, Madame la ministre de l'intérieur, de lancer un grand plan national de vidéosurveillance afin d'équiper notre pays de dispositifs dont l'efficacité n'est plus à démontrer et de faire ainsi franchir à nos forces de sécurité un saut qualitatif, tout en permettant le redéploiement d’effectifs sur le terrain. Comme la police judiciaire est passée de la religion de l'aveu à celle de la preuve, la police de voie publique doit bénéficier des progrès techniques les plus récents.

De nombreuses métropoles sont équipées depuis longtemps. À Londres, la vidéosurveillance – qui s'appuie sur un réseau de 60 000 caméras reliées à Scotland Yard – a permis d'identifier des terroristes et de comprendre leurs modes opératoires, mais aussi d'appréhender par exemple deux adolescents auteurs d'un rapt particulièrement odieux. Toutes les villes qui se sont dotées d’un tel dispositif ont vu leur délinquance baisser, parfois de 30 %, sans que les libertés individuelles soient menacées puisque les garanties prévues par les lois de 1995 et de 2006 sont bien plus protectrices qu'en Grande-Bretagne.

Un problème majeur subsiste : notre pays est dramatiquement sous-équipé. Un rapport de l'Inspection générale vient de vous être remis : où en est le plan national de vidéosurveillance ? Par ailleurs, la capitale ne compte que 330 caméras de voie publique, la Mairie de Paris affichant visiblement d'autres priorités au moment même où la menace terroriste est particulièrement élevée (Murmures sur les bancs du groupe SRC). Êtes-vous en mesure d'accélérer la mise en œuvre du plan de « vidéotranquillité » de 1 000 caméras que je réclame depuis plusieurs années et que les Parisiens attendent ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Je suis comme vous persuadée que la vidéosurveillance est un moyen important de protection contre le terrorisme – Londres l’a montré – de lutte contre l’insécurité, et accessoirement de fluidification de la circulation. Notre pays demeure cependant sous-équipé. Nous disposons d’à peine 20 000 caméras – et si 230 villes sont équipées de systèmes de vidéosurveillance, seules 53 d’entre elles ont une connexion avec les centres de commandement de la police.

J’ai donc décidé de lancer un plan destiné à tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance d’ici à la fin 2009 et d’accélérer les connexions avec les services de commandement de la police.

M. Philippe Vuilque – Qu’a fait Sarkozy ?

Mme la ministre – D’ores et déjà, 4 millions sont destinés d’ici à la fin de l’année à réaliser les connexions qui seront demandées par les maires.

À Paris, j’ai demandé au préfet de police de mettre en route dès 2008 un plan visant à tripler le nombre de caméras et, en partenariat avec tous ceux qui ont des caméras sur la voie publique, à assurer la liaison avec les centres de commandement. J’ai également prévu que dès 2008, 120 caméras seraient embarquées sur des véhicules pour réaliser des contrôles mobiles. Enfin, j’ai demandé qu’à la gare du Nord un plan soit établi conjointement par la RATP, la SNCF et la préfecture de police (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

Oui, nous nous intéressons à la sécurité des Français (Même mouvement) et nous ne nous contentons pas de le dire : nous, nous agissons, et rapidement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AMIANTE

M. Philippe Vitel – L'Institut de veille sanitaire vient de révéler que cinq personnes qui avaient fréquenté le campus de Jussieu pendant plusieurs dizaines d'années sont décédées en 2002 et 2003 des suites d’un cancer de la plèvre.

Dès 1996, des travaux lourds et coûteux de désamiantage du site ont été entrepris. Malgré les nuisances, les personnels de Paris VI et Paris VII continuent sans relâche à assurer les cours et à encadrer les étudiants. L'annonce faite ce matin a donc soulevé une légitime inquiétude parmi les étudiants, chercheurs, enseignants et autres personnels.

Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, pouvez-vous nous informer sur l'avancée et le calendrier des travaux ? Et surtout, êtes-vous en mesure de rassurer les étudiants et les personnels ? (Applaudissements sur divers bancs)

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – L’Institut de veille sanitaire vient en effet d’établir que cinq chercheurs – quatre hommes et une femme – étaient décédées à la suite d’une exposition passive de dix à trente-cinq années à l’amiante sur le site de Jussieu. Je tiens tout d’abord à faire part à leurs familles de ma sympathie et de mon émotion.

Je veux aussi dire solennellement qu’aujourd’hui, aucune des personnes travaillant sur le campus n’est plus exposée à l’amiante. Depuis 1996 en effet, des mesures de sécurité ont été prises (M. Gremetz s’exclame vivement, suscitant des protestations sur les bancs du groupe UMP), et les deux tiers du campus sont d’ores et déjà désamiantés.

M. Maxime Gremetz – Vous mentez !

Mme la ministre – Si le chantier dure si longtemps, c’est parce que l’on a choisi de désamianter en site occupé, c’est-à-dire tandis que 50 000 personnes continuaient à y travailler (M. Gremetz continue de protester).

M. le Président – Monsieur Gremetz, c’est un sujet grave, je vous demande d’écouter Mme la ministre.

M. Maxime Gremetz – C’est grave, je le sais. Moi-même, je suis amianté !

Mme la ministre – Il a été très difficile de déménager des laboratoires et de les installer dans 120 000 m² de locaux provisoires, de même que de créer un campus universitaire sur la ZAC de Tolbiac. Mais je puis vous assurer que les crédits nécessaires au chantier de Jussieu ont toujours été débloqués : l’État a payé rubis sur l’ongle. Le blocage qui durait depuis quelques mois quand j’ai pris mes fonctions, conséquence de divers dysfonctionnements, m’a conduite à réorganiser l’établissement public en charge du désamiantage. Depuis l’été, les travaux sont relancés et la reconstruction de la tour Ouest a commencé. La rénovation intégrale du campus devrait être achevée pour la fin 2011.

Nous allons dégager 216 millions et douze emplois supplémentaires pour mener à bien ces travaux et, au-delà du campus de Jussieu, nous allons poursuivre à marche forcée le désamiantage de tous les locaux universitaires et de recherche qui le nécessitent. C’est notre responsabilité, et nous l’assumons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRÉLÈVEMENTS FISCAUX ET SOCIAUX

M. Pierre-Alain Muet – Alors que notre assemblée s’apprête à se prononcer sur le budget de l’État, puis à débattre des comptes sociaux, je voudrais d’abord rappeler à M. Woerth que la gauche, entre 1997 et 2002, non seulement avait ramené ces derniers à l’équilibre, mais était parvenue à un excédent (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) !

Monsieur le Premier ministre, vous n'ignorez pas la situation de nos finances publiques puisque, évoquant la situation héritée du gouvernement précédent, vous avez vous-même parlé de faillite. Le débat que nous avons eu sur le budget nous conduit à douter fortement des prévisions que vous affichez pour l'an prochain. Ce qui devait être un choc de confiance est devenu un choc de défiance : vous prévoyez un demi-point de croissance de moins que vous ne l’envisagiez il y a seulement quelques mois, et un point de moins que la croissance européenne. En outre, beaucoup d'instituts anticipent soit une aggravation du déficit public qui, selon certains, pourrait franchir la barre des 3 %, soit des mesures de rigueur.

Je vous renouvelle donc la question que nous n'avons eu de cesse de poser à Mme Lagarde et M. Woerth pendant le débat budgétaire, et à laquelle ils n'ont pas répondu.

Pouvez-vous nous dire si vous excluez toute augmentation de TVA, CSG et CRDS en 2008 ? Votre réponse éclairera nos concitoyens, qui sont inquiets quant à l’avenir qui leur est réservé. Après les cadeaux fiscaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC), de nombreux Français craignent que ce soient les plus modestes qui paient la note dans quelques mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Je répondrai volontiers à cette question, à laquelle Mme Lagarde et moi-même avons du reste déjà répondu au cours du débat sur le projet de loi de finances… (Exclamations sur bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Roy – Vous n’y avez jamais répondu !

M. le Ministre – …et à laquelle nous répondrons encore au moment de discuter le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je rappellerai tout de même que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons trouvé un budget mal préparé, insincère (Même mouvement), où manquaient dix milliards ; nous avons trouvé trois primes de Noël impayées et une croissance volontairement surévaluée. Le dernier budget de la gauche était faux, archi-faux ! (« Arrêtez ! » sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

A contrario, nous avons fait un effort sans précédent dans le budget 2008, qui est un budget sincère, sérieux, s’appuyant sur des hypothèses crédibles (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Qui peut dire que nous n’atteindrons pas 2,25 % de croissance en 2008 ? Vous, peut-être, car vous ne croyez pas en la France ; vous n’y avez jamais cru ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) C’est votre pessimisme qui nous freine. Nous souhaitons, en prenant des mesures sérieuses de relance et d’investissement, que la croissance soit au rendez-vous, et elle le sera !

Le budget 2008 est un jalon vers la maîtrise de nos finances publiques. En 2012, comme l’a dit le Président de la République, et comme l’a confirmé le Premier ministre, nous serons à l’équilibre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Quant à vous, si vos finances sociales étaient en effet à l’équilibre, c’est que vous avez bénéficié d’une conjoncture exceptionnelle, que vous avez malheureusement gâchée, faute d’avoir mené la moindre réforme structurelle de l’assurance maladie. Vous avez été en réalité des cigales (Même mouvement ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

FONDS SOUVERAINS

M. Jacques Myard – À la fin de semaine dernière, s’est tenue à Washington une réunion du G7, à laquelle participait Mme Lagarde, première femme à participer à cette instance. Selon la presse, le G7 a discuté du problème des monnaies faibles ainsi que de la question des fonds souverains ou des fonds vautours.

Le yuan chinois pose certes, par sa faiblesse, un problème à l’économie internationale, mais nous ne pouvons pas ignorer non plus la cherté de l’euro, du fait d’une politique monétaire inappropriée de la Banque centrale européenne.

Quant aux fonds souverains et aux fonds vautours, ils montrent bien la naïveté du « tout libéral » au plan mondial (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe UMP). Il faut que les États se dotent de moyens pour contrôler les acquisitions de ces fonds (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Monsieur le secrétaire d’État, quel bilan tirez-vous de cette réunion du G7 ? Quelles initiatives comptez-vous prendre en vue d’un réajustement des monnaies qui ne pénalise pas l’économie française ? Enfin, quelle politique mènerez-vous, en France et au niveau européen, pour contrôler certains mouvements financiers parfaitement inadmissibles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – Ces questions sont légitimes, et le Gouvernement est très attentif à résoudre les problèmes qu’elles posent (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Mme Lagarde présidant en ce moment la Conférence pour l’emploi et le pouvoir d’achat, c’est moi qui vous répondrai.

Ce week-end, Mme Lagarde, accompagnée du gouverneur de la Banque de France, se trouvait en effet à Washington pour la réunion du G7. À l’initiative de la France, un appel à l’appréciation accélérée du yuan chinois a été ajouté au communiqué commun, tant il est paradoxal que cette monnaie soit sous-évaluée alors que la Chine enregistre des excédents commerciaux exceptionnels. En outre, toujours à l’initiative de la France, les autorités américaines ont reconnu qu’un taux de change plus fort pour le dollar était souhaitable.

Les fonds souverains, ces fonds créés à partir des sommes accumulées par les excédents commerciaux de certains États, même s’ils peuvent s’avérer bénéfiques pour l’économie mondiale, posent un problème en matière de transparence et de diversification de l’investissement. C’est pourquoi, encore à l’initiative de la France, le FMI et l’OCDE sont en train de réfléchir au meilleur moyen d’assurer la transparence de ces fonds (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

PRÉLÈVEMENTS FISCAUX ET SOCIAUX

M. Christophe Sirugue – Reprenant la question de mon collègue M. Muet, je souhaiterais que M. Woerth nous dise si, oui ou non, le Gouvernement s’engage à n’augmenter ni la TVA, ni la CSG, ni la CRDS. Si vous ne répondez pas, Monsieur le ministre, c’est que vous avez l’intention de faire ces augmentations après les municipales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Comme je l’ai dit au moment du débat budgétaire, notre budget est un budget solide et sérieux… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Vous ne voulez pas me laisser répondre ? (« Vous vous répétez ! » sur les bancs du groupe SRC)

Nous souhaitons diminuer les prélèvements obligatoires. Il n’y a pas un budget avant les municipales et un budget après les municipales, comme certains l’ont dit ; il y a un seul budget, fondé sur l’investissement : celui que nous présentons ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 20.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 (première partie)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Ce budget est fondé sur la confiance, sur la sincérité et sur le mouvement.

M. Philippe Vuilque – Personne n’y croit !

M. le Ministre – Il est fondé sur la confiance, car nous tenons les engagements pris par le Président de la République pendant la campagne. Nous avons ainsi la légitimité pour poursuivre les réformes indispensables. Il est sincère car nos hypothèses de croissance sont raisonnables, nos prévisions de recettes prudentes et les dépenses ont été évaluées au plus juste. Dans un souci de totale transparence, nous avons encore amélioré les documents budgétaires, en fournissant par exemple des rapports détaillés sur la dépense et sur les effectifs.

Enfin, ce budget s’inscrit dans une dynamique de croissance, avec les mesures qui valorisent le travail et le pouvoir d’achat et, pour l’avenir, la priorité donnée à la recherche et à l’innovation, ainsi que dans une dynamique de réformes, pour maîtriser durablement la dépense et poursuivre le redressement des finances publiques.

En mon nom et en celui de Mme Lagarde, je vous remercie pour le climat d’écoute et de respect mutuel dans lequel nous avons travaillé. Cela nous a permis de trouver une solution consensuelle quant au prélèvement libératoire sur les dividendes. De même, la modification du nouveau contrat de stabilité entre l’État et les collectivités territoriales a permis de mieux prendre en compte la situation des communes rurales les plus fragiles tout en préservant l’équilibre des finances publiques.

Je souhaite que nous poursuivions le dialogue, dans le même esprit, sur deux points importants. Il s’agit d’abord du plafonnement des niches fiscales ; la commission des finances souhaite y travailler, et je m’engage à répondre à toutes les demandes d’information sur le sujet. Il s’agit ensuite de la possibilité offerte aux dirigeants de PME d’investir une part de l’ISF dont ils sont redevables dans leur entreprise. Cette mesure est favorable à la croissance et, à nos yeux, il est parfaitement normal de pouvoir investir dans sa propre entreprise – et non pas seulement dans celle du voisin. Il convient cependant d’éviter les abus, et je m’engage à vérifier, d’ici la discussion au Sénat, que les garde-fous prévus sont suffisants.

S’agissant de la compensation des transferts au titre de la décentralisation, je m’engage à informer votre commission des finances préalablement au réajustement que nous opérerons lors de la discussion au Sénat.

Un certain nombre de sujets n’ont pu être abordés. Ils le seront, comme je m’y suis engagé, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Je remercie la majorité pour son engagement et pour son soutien, ainsi que l’opposition, avec qui nous avons pu débattre courtoisement de questions de fond. Je remercie particulièrement le président de la commission des finances et le rapporteur général, ainsi que les services de l’Assemblée et du ministère, qui ont accompli un travail de qualité.

Animés par le souci de l’intérêt général et le sens des responsabilités, nous avons pu modifier ce projet de budget sans porter atteinte à son équilibre. Je vous invite à le voter car il est au service de l’avenir, au service de tous les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Ce projet de budget s’inscrit dans une stratégie de relance de la croissance et de la compétitivité, et dans le prolongement des excellentes mesures du projet TEPA, notamment du dispositif d’exonération des heures supplémentaires pour travailler plus, gagner plus, mais aussi produire plus. Il traduit également la volonté de redresser les comptes publics, grâce à la mise en œuvre des règles de bonne conduite budgétaire qui ont fait leurs preuves ces dernières années et permis une diminution sans précédent du déficit de l’État. Il s’agit de ne pas augmenter les dépenses au-delà du taux d’inflation, de faire des prévisions de recettes prudentes et, dès lors qu’un surplus est disponible, de l’affecter à la baisse du déficit.

L’effort sur les dépenses est particulièrement exigeant, puisque, pour 2008, la norme limitant leur progression à l’inflation concerne également les prélèvements sur recettes au bénéfice des collectivités locales et de l’Union européenne. La marge de manœuvre de 5 milliards dont nous disposons étant absorbée en quasi totalité par l’augmentation mécanique des pensions et des intérêts de la dette, la maîtrise des dépenses dans les autres secteurs est d’autant plus stricte que nous parvenons à financer les deux priorités que sont la justice, d’une part, la recherche et l’enseignement supérieur, d’autre part. Le déficit prévu marque une pause par rapport à celui qui était prévu pour 2007, mais je vous fais confiance, Monsieur le ministre, pour le réduire, une nouvelle fois, en exécution.

Je conclurai en remerciant Mme Lagarde et M. Woerth, ainsi que le président de la commission des finances, pour la qualité du travail effectué ensemble tout au long de l’été. Je remercie également les députés, qui ont participé nombreux à nos travaux, tant en commission que dans l’hémicycle, la presse, qui en a rendu compte, ainsi que les présidents de séance et l’ensemble des personnels de l’Assemblée. La commission des finances vous invite maintenant à voter la première partie du projet de loi de finances pour 2008 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean-Claude Sandrier – De grands économistes comme Patrick Artus le disent : le capitalisme actuel ne prépare pas l’avenir. Il est sans projet car l’argent, qui coule à flots, ne nourrit que des investisseurs voraces. Vos longues discussions budgétaires n’ont pas d’autre objet, d’ailleurs, que de grappiller une exonération de cotisations sociales par-ci ou un allégement de l’ISF par-là. Qu’importe leur impact social nul ! Tant pis si les paradis fiscaux continuent de prospérer ! Fidèles à vous-mêmes depuis cinq ans, vous avez, au fil des cadeaux fiscaux divers et variés, fait fléchir la croissance de près d’un demi–point et augmenter la dette de plus de huit points. La précarité du travail s’accroît, les inégalités se creusent. M. Hirsch nous annonçait même récemment, dans l’indifférence générale, que le nombre de pauvres venait de franchir un record. Voilà votre bilan !

Votre seule réussite ? L’explosion des dividendes des entreprises du CAC 40, quand les salaires, eux, sont proches de la stagnation. S’il y a bien une « rupture », c’est celle que vous entretenez entre la France du fric et des privilèges et celle qui n’a que son travail pour vivre !

Pire encore : ce budget n’est qu’un avant-goût de ce qui attend les Français : hausse de la TVA et de la CSG, franchises médicales – dont le montant correspond à celui des cadeaux distribués grâce à votre bouclier fiscal – et baisse des subventions aux collectivités locales, mais aussi poursuite de la vente du patrimoine national et attaque en règle contre les retraites et l’assurance maladie. Arsenal impressionnant, dont le seul but est de nourrir des capitaux parasites ! La sphère de la finance, en effet, pèse trois fois plus que le PIB mondial et, à 75 %, n’est jamais investie dans la production. La France n’y échappe pas : vous préférez le gaspillage au développement économique et social durable.

Pourtant, une autre politique est possible ! Rassemblons notre courage pour résister aux prédateurs qui s’engraissent sur le dos de ceux qui travaillent ! Privilégions notre seule vraie richesse, l’humaine, en développant l’éducation, la recherche, le pouvoir d’achat, l’emploi et la santé, et sanctionnons la spéculation, les paradis fiscaux et le dumping social ! Pour que ces flots d’argent soient mis au service du progrès social, il faut taxer les actifs financiers à 0,5 %, imposer les revenus boursiers au même taux que les salaires, créer un fonds national ouvrant un crédit sélectif aux PME, doubler l’ISF, augmenter la progressivité de l’impôt sur le revenu, et réduire la TVA. En somme, il faut rémunérer le travail plus que les dividendes : voilà la clef de la croissance et du progrès !

Tel n’est pas votre choix. Dès lors, le groupe des députés de la gauche démocrate et républicaine votera contre votre projet de budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC)

M. Charles de Courson – Le groupe Nouveau Centre se félicite de l’esprit d’ouverture manifesté par M. Woerth (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Nous jugeons le projet de budget à l’aune de trois critères : respect des engagements électoraux, respect de la justice et de l’égalité devant l’impôt, impact sur la croissance et l’emploi.

Réjouissons-nous d’abord de quelques avancées : le Gouvernement a fait un effort de maîtrise des dépenses en clarifiant les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, en augmentant la productivité publique par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois, et en encourageant les collectivités locales à participer à cet effort. Il a défini, à juste titre, trois priorités courageuses : la justice, l’enseignement supérieur et la recherche. Nous avons là un budget d’avenir, qui comporte plusieurs mesures propres à encourager l’innovation, de l’allégement de la fiscalité des brevets à l’augmentation du crédit d’impôt-recherche, tout en soutenant le pouvoir d’achat et en valorisant le travail – notamment grâce à la meilleure rémunération des heures supplémentaires. À ce titre, il est faux de prétendre que la loi TEPA profite aux plus riches : au contraire, ce sont, à 75 %, les ménages modestes qui en bénéficieront.

Pour autant, le groupe Nouveau Centre regrette que ses propositions visant à réduire le déficit n’aient pas été mieux entendues. Le Gouvernement s’est dit prêt à examiner le plafonnement des niches fiscales, mais il a repoussé notre amendement sur la réduction des exonérations de charges accordées aux grandes entreprises. En outre, l’évolution de la situation internationale, notamment américaine, doit vous inciter à conserver précieusement la réserve de sept milliards, car le déficit annoncé sera sans doute dépassé.

Nous nous réjouissons de l’adoption de notre amendement permettant d’investir dans sa propre entreprise, quoiqu’il faille encore supprimer la clause des 25 %, qui laisse trop de PME de côté. Le Gouvernement s’est également dit prêt au dialogue en matière de moralisation des stock-options et de fiscalité locale, mais beaucoup reste encore à faire.

En somme, nous regrettons qu’il ne s’engage pas dans la révolution culturelle que nous souhaitons, et qui consisterait à privilégier les mesures d’économie au détriment de celles qui augmentent la dépense publique. Quoi qu’il en soit, seule l’accélération des réformes permettra de tenir les engagements pris devant le peuple, et le groupe Nouveau Centre est prêt à y participer. Sous réserve du respect des engagements pris par le Gouvernement, nous voterons donc en faveur de ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier – Le groupe UMP votera lui aussi pour ce texte (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La majorité assume ses choix et ses convictions : l’avenir de l’homme est dans l’effort, non dans la facilité (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Maxime Gremetz – Et la femme ?

M. Jérôme Chartier – Ainsi, le Gouvernement, soutenu par la majorité, choisit d’investir dans les heures supplémentaires – songez que les Français en ont travaillé 900 millions l’an dernier ! – pour encourager ceux qui souhaitent travailler plus.

M. Jacques Desallangre – Et les millions de chômeurs ?

M. Jérôme Chartier – Il choisit aussi d’investir dans le crédit d’impôt-recherche, à hauteur d’un milliard cette année, de 1,4 milliard l’année prochaine et de 2,4 milliards en 2009. Le passage de son plafond de 10 à 30 % est une véritable mesure de structuration de la croissance ! Or, qu’est-ce que la croissance, sinon un investissement dans la production nationale ? Et comment celle-ci peut-elle demeurer compétitive, sinon en encourageant la recherche et l’innovation ?

Je souhaite remercier M. le ministre du budget, Éric Woerth, qui, dans une attitude très constructive, a écouté la majorité et répondu à ses attentes (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC). Je pense notamment à la mesure encourageant les entrepreneurs soumis à l’ISF à investir dans leur propre entreprise, ce qui, au moment où l’accès au crédit est plus difficile, est excellent pour notre économie.

Enfin, je souhaite dire à l’opposition que si elle acceptait de saisir la main qui lui a été tendue (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC), le débat démocratique en sortirait grandi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Cahuzac – Beaucoup le craignaient, aujourd’hui nous en sommes certains : les 15 milliards de cadeaux fiscaux, voulus par le Gouvernement et votés par la majorité alors qu’ils n’étaient ni financés ni gagés, ne le seront pas davantage par ce budget. C’est donc un budget inconséquent ; ne serait-ce que pour cette raison, le groupe socialiste ne le votera pas.

Mais il y a plus grave : ce budget est celui des promesses oubliées. Le candidat Nicolas Sarkozy avait promis que ceux qui le souhaitaient pourraient travailler plus ; or le volume d’heures supplémentaires prévu est le même que celui de l’année dernière. Il s’était engagé à ce que les Français puissent gagner plus ; or les documents budgétaires, fournis par Bercy, prévoient que la progression du pouvoir d’achat sera moindre que celle envisagée en 2006, dans le dernier budget du gouvernement Villepin. « Travailler plus pour gagner plus » ne sera pas possible en 2008.

Il avait également été promis que les personnes ayant acheté leur résidence principale pourraient déduire les intérêts d’emprunt de leurs revenus imposables pendant cinq ans. Mais seuls ceux qui ont contracté un emprunt après le 6 mai seront concernés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C’était une promesse juridiquement intenable – rendons hommage à Éric Woerth d’avoir été l’un des premiers à le souligner…

Le candidat avait évoqué à Agen les « patrons voyous », s’engageant à mettre fin aux avantages invraisemblables que certains s’octroient sous la forme de stock options, retraites dorées et parachutes du même ton. Malheureusement, Mme Lagarde et M. Woerth n’ont pas dû assister à cette réunion, car ils se sont refusés à toute mesure permettant de mettre un terme à ces pratiques indignes.

Il avait été dit que les efforts pour redresser le pays seraient partagés. La semaine dernière, la majorité a refusé de taxer les compagnies pétrolières ; cette semaine, elle votera l’instauration des franchises médicales.

Enfin, la dette publique devait baisser. Il n’en sera rien, car ce budget est fondé sur un taux de croissance irréaliste. Au nom de quoi notre pays serait-il le seul épargné par une crise financière, quand nos principaux partenaires, telle l’Allemagne, révisent à la baisse leurs prévisions de croissance ? Nicolas Sarkozy dit vouloir 3 % de croissance, mais la parole présidentielle ne suffira pas à nous prémunir contre la crise, et elle cèdera, comme la ligne Maginot, dès les premières attaques (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pis encore, ce budget est celui des reniements programmés. Certes, les crédits pour l’enseignement supérieur, la recherche et la justice sont privilégiés, mais ils seront les premières victimes des régulations budgétaires. S’agissant des prélèvements obligatoires, la fiscalité écologique ne se substituera pas aux taxes existantes, mais s’y ajoutera. Quant à la CRDS, la CSG et la TVA, la question n’est pas de savoir si elles augmenteront, mais quand ! Certainement après les élections municipales – mais avant la présidence de l’Union, car le chef de l’État ne pourra se prévaloir d’une quelconque autorité si les finances du pays vont à vau-l’eau !

Budget inconséquent, budget des promesses oubliées et des reniements programmés : le groupe socialiste votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

À la majorité de 339 voix contre 221 sur 561 votants et 560 suffrages exprimés, la première partie du projet de loi de finances pour 2008 est adoptée.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 5.

MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION (CMP)

L’ordre du jour appelle les explications de vote puis le vote par scrutin public sur le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement Au cours des quatre semaines écoulées depuis sa présentation en première lecture, ce projet a été commenté, débattu, mais aussi largement enrichi, grâce à des échanges fructueux qui honorent le Parlement. Notre démocratie en sort renforcée.

Au terme de 45 heures de débats, nous en arrivons au point d’orgue de l’examen du projet, après l’adoption par la CMP, la semaine dernière, d’un texte équilibré qui fait l’objet de l’accord et du soutien sans réserves du Gouvernement. J’en remercie tout particulièrement les présidents des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, MM. Warsmann et Hyest, leurs deux rapporteurs, MM. Mariani et Buffet, mais également Mme Pau-Langevin et M. Blisko, porte–parole du groupe socialiste, ainsi que MM. Braouezec et Mamère, et l’opposition dans son ensemble. Si des désaccords nous ont opposés, ils n’ont jamais fait obstacle à un dialogue républicain et constructif.

Moins qu’un aboutissement, le vote solennel de chacune des deux chambres constitue une étape dans l’amélioration de la maîtrise de l’immigration, au nom de la double ambition qui anime le Président de la République et le Gouvernement : faire preuve d’une plus grande fermeté envers les immigrés qui ne respectent pas les lois de la République, protéger mieux ceux qui se conforment à nos règles et à nos valeurs. Ainsi favoriserons-nous l’intégration des immigrés en situation régulière tout en préservant la cohésion de notre communauté nationale.

Ce texte opère une rupture avec la politique que la France menait depuis plus de trente ans en matière d’immigration, et tient les engagements du Président de la République en faveur d’une immigration à la fois juste, cohérente et équilibrée. Il a également été l’occasion pour le Gouvernement de faire vivre le débat parlementaire, de se montrer attentif et respectueux des propositions qui en sont issues, et d’élaborer, avec le Parlement, les garanties nécessaires à l’équilibre recherché.

Ainsi les 18 articles du projet initial ont-ils été tous adoptés, améliorés parfois, mais jamais dénaturés. Il s’agit tout d’abord de mieux encadrer le regroupement familial : désormais, les étrangers qui le sollicitent, y compris lorsqu’ils sont conjoints de Français, devront se soumettre dans leur pays de résidence, sans attendre d’être arrivés en France, à une évaluation de leur connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Car la langue – c’est là notre conviction – est le meilleur instrument d’intégration et d’accès au logement, à l’emploi, au service public et à une vie normale. Les Français attendent cette disposition, qu’ils sont 74 % à approuver, selon un sondage d’opinion publié la semaine dernière, et qui permettra à la fois de combattre le communautarisme et de récompenser les efforts des étrangers désireux de s’intégrer.

En outre, afin de pouvoir faire venir sa famille, un étranger devra prouver qu’il dispose de revenus adaptés à la taille de celle-ci. Votre rapporteur l’a rappelé ce matin ; il s’agit là d’une question de bon sens.

Enfin, le parcours d’intégration est renforcé par l’instauration d’un contrat d’accueil et d’intégration, aux termes duquel les parents des enfants bénéficiaires du regroupement familial recevront une formation relative aux droits et aux devoirs des parents en France et s’engageront notamment à respecter l’obligation d’instruction, donnant ainsi davantage de chances de réussite à leurs enfants.

D’autre part, nous confortons les procédures d’examen des demandes d’asile, honorant ainsi notre tradition d’accueil des réfugiés politiques, que traduit le préambule de la Constitution de 1946, rappelé ce matin, et au nom de laquelle 124 000 personnes bénéficient aujourd’hui du statut de réfugié. L’asile et l’immigration sont – et doivent demeurer – deux questions distinctes ; j’espère rassurer ainsi M. Blisko, ne serait-ce que sur ce point. Garanti par la convention de Genève de 1951, l’asile, qui possède une finalité spécifique – assurer aux demandeurs une protection qu’ils ne peuvent plus attendre de leur propre État –, ne saurait donc servir de variable d’ajustement de la politique d’immigration.

Ainsi, le texte tient compte de la nouvelle organisation gouvernementale qui place sous ma tutelle l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – l’OFPRA –, dont les décisions portant sur des cas individuels demeurent toutefois souveraines, sous le contrôle de la Commission de recours des réfugiés. Le débat parlementaire a également permis – je m’en réjouis – de renforcer l’indépendance de cette dernière juridiction, qui deviendra la Cour nationale du droit d’asile, et d’améliorer l’intégration des réfugiés politiques.

Au-delà de ces 18 articles, l’excellent travail du Parlement a aussi enrichi le texte, en en complétant les dispositions initiales tout en en respectant la cohérence.

Mme Laurence Dumont – C’est un scandale !

M. le ministre – Permettez-moi, Madame, de vous rappeler – car vous n’étiez pas là ! – qu’une cinquantaine d’articles ont été ajoutés et 460 amendements discutés, parmi lesquels 150 ont été adoptés, émanant de tous les groupes : 41 du groupe UMP, 5 du groupe Nouveau Centre, 15 du groupe socialiste, 4 des Verts et 2 des communistes. En outre, 34 amendements ont été adoptés à l’unanimité.

Je voudrais revenir sur quatre amendements importants. Le premier crée le livret épargne codéveloppement, produit financier ouvert à tous les immigrés séjournant régulièrement en France, et qui donne droit à une prime versée par l’État. Le deuxième généralise le bilan de compétences pour tous les étrangers s’installant en France, ce qui répond à notre désir de rééquilibrer les flux migratoires en augmentant la part de l’immigration de travail. Vous avez marqué, en troisième lieu, votre refus des régularisations massives, en confirmant que les régularisations doivent conserver un caractère exceptionnel, et en donnant aux préfets la possibilité de tenir compte, au cas par cas, de la capacité d’intégration par le travail, ce qui permettra d’admettre au séjour, à titre exceptionnel, les étrangers en situation irrégulière dont la compétence professionnelle est particulièrement recherchée, comme l’a souhaité Pierre Méhaignerie. Enfin, vous avez créé, comme je vous le proposais, une carte de résident permanent, pour faciliter la vie des étrangers parfaitement intégrés qui séjournent depuis longtemps en France.

Je salue enfin quelques députés qui ont apporté une contribution très utile au texte : Éric Ciotti, qui a proposé la création d'un fichier biométrique pour les bénéficiaires de l'aide au retour volontaire ; Nicolas Perruchot, qui a favorisé l'immigration de travail, notamment en supprimant l'interdiction faite aux entreprises de travail temporaire de recruter des intérimaires étrangers ; Étienne Pinte, Chantal Brunel et Alain Joyandet, qui ont déposé des amendements pour protéger les étrangers victimes de violences conjugales ; Frédéric Lefebvre, qui a présenté deux amendements, adoptés à l'unanimité, l'un créant le livret épargne codéveloppement, l'autre permettant, de manière exceptionnelle, l'admission au séjour par le travail ; Sébastien Huyghe et Michèle Tabarot, membres de la CNIL, qui ont plaidé avec succès pour la mise en place – encadrée – de statistiques de la diversité.

J'en viens à l'amendement – proposé par le rapporteur de l'Assemblée nationale, Thierry Mariani – qui a suscité le plus de débats. Je veux parler de la possibilité, dans le cadre du regroupement familial, d'apporter une preuve de filiation au moyen d'un test ADN.

Mme Laurence Dumont – C’est une honte !

M. le Ministre – Chacun, dans l'hémicycle ou dans les médias, a pu s'exprimer autant qu'il le souhaitait. Bien sûr, il y a eu des caricatures, des excès, des faux procès. Bien sûr, la tactique politique s'est parfois confondue avec les désaccords de principe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Bien sûr, les postures ont parfois révélé des impostures (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce sont là les règles du jeu démocratique. Mais l’important est ailleurs : entourée des garanties nécessaires au respect de la vie privée, la procédure des tests ADN donnera aux étrangers de bonne foi un droit nouveau (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) qui leur permettra d'apporter un élément de preuve de leur filiation à l’appui d'une demande de regroupement familial. Il s'agit de cela, et il ne s'agit que de cela.

Faut-il rappeler une fois encore les garanties entourant cette procédure ? Le dispositif sera facultatif et fondé sur le seul volontariat. Il ne sera pas général et permanent, mais expérimental et d’abord mis en œuvre dans des pays dont l'état civil est déficient. Le Parlement en débattra à nouveau dans dix-huit mois, après l'entrée en vigueur du décret d'application, au vu du rapport d'évaluation qui lui sera remis par une commission de sages dont j’ai précisé la composition en première lecture. La procédure sera gratuite. Elle ne conduira d’autre part à aucun « fichage génétique ». J'ajoute que seul un élément de preuve de la filiation avec la mère pourra être recherché, ce qui permettra notamment d’éviter la révélation publique d'un viol. Nous avons aussi voulu que le test soit explicitement autorisé par le juge civil. La procédure est donc similaire à celle de l'actuel article 16–11 du code civil, issu de la loi de bioéthique de 1994, qui dispose que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, saisi d'une action tendant à l'établissement ou à la contestation d'un lien de filiation. La seule différence est que c'est ici un élément de preuve de la filiation – et non l’établissement de la filiation – qui sera recherché.

Rappelons que 12 pays européens pratiquent déjà ce dispositif ou sont en passe de le mettre en œuvre : le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l'Autriche, la Finlande, la Lituanie, la Norvège et la Suède ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Le Royaume-Uni, pays de l’Habeas corpus, où je me suis rendu il y a quinze jours, a pratiqué l’année dernière, selon le ministre travailliste en charge de cette question, 12 000 tests sans que cela pose problème ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux réfugiés lui-même observait en mai dernier que les tests ADN étaient de plus en plus utilisés comme moyen de prouver les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial.

M. Jean-Paul Lecoq – Cela ne veut pas dire qu’il est d’accord !

M. le Ministre – Offrir la possibilité de recourir à ces tests pour prouver la filiation répond donc à une évolution logique et inéluctable. C'est aussi la position de la Commission européenne, qui a indiqué le 4 octobre qu’ils étaient compatibles avec le droit européen.

En décidant aujourd'hui de la politique d'immigration, nous dessinons la France de demain et d'après-demain. Au nom du Gouvernement et conformément aux engagements de Nicolas Sarkozy, je souhaite contribuer à définir une politique d'immigration qui permette à la fois l'enrichissement et la préservation de notre communauté nationale.

Parce qu'il est ferme et parce qu'il protège, ce texte va dans le bon sens, celui d'une France vigilante, fière d'elle-même, désireuse de préserver son équilibre, mais accueillante à ceux qui veulent la rejoindre pour s'y intégrer ; le sens d'une France diverse mais unie, riche de son harmonie (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Noël Mamère – Nous sommes appelés à un vote solennel, mais aussi empreint de gravité. Lorsque les historiens se pencheront sur ce qui s’est passé aujourd’hui, ils constateront que nous avons écrit une bien triste page de notre histoire, et que nous avons manqué à la vocation de notre pays (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Avant d’être Président de la République, M. Sarkozy a été ministre de l’intérieur ; il appartenait à une majorité qui siège toujours sur ces bancs. À quatre reprises déjà, vous avez transformé les immigrés en boucs émissaires ; et vous êtes en train de rembourser la dette que vous aviez vis-à-vis de l’extrême droite, qui a permis au Président de la République d’entrer à l’Élysée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP) À toutes ces lois ignobles, vous ajoutez aujourd’hui une disposition scélérate ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP)

Quelles que soient les explications que vous nous donnez, quels que soient les compromis honteux qui ont été passés au Sénat, ces tests ADN introduisent la peste biologique dans la loi ! Il sont contraires à l’avis du Comité d’éthique, aux lois bioéthique, aux droits fondamentaux et à la Constitution ! Par cette nouvelle loi, vous instituez la xénophobie d’État ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC) Vous stigmatisez une partie de la population, que vous excluez du contrat social ! (Mêmes mouvements) Mais cette disposition est en fait un leurre, dissimulant un texte qui vise tout entier à casser la loi autorisant le regroupement familial votée sous le président Giscard d’Estaing.

Vous avez porté un coup d’arrêt au regroupement familial, et vous grignotez maintenant le droit d’asile : en mettant l’OFPRA sous la coupe du ministère de l’immigration et de l’identité nationale, vous dites bien que vous entendez faire de l’étranger l’indésirable, et de l’immigré le profiteur qui n’aurait pas le droit de vivre en famille selon les principes de la Constitution et de la Convention européenne des droits de l’Homme (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC). Ceux qui vous intéressent, ce sont les immigrés célibataires et qualifiés qui peuvent servir de bonne main-d’œuvre, selon les besoins du patronat. Vous n’aimez pas les couleurs de cette nouvelle immigration, qui vient des pays que nous avons colonisés. Je n’oublie pas que cette loi vient après les propos tenus par le Président de la République à Dakar, qui ont couvert notre pays de honte et provoqué chez les Africains une juste indignation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Je n’oublie pas que, sous la précédente législature, certains de vos collègues ont osé introduire un amendement affirmant que la colonisation avait été un bienfait ! Le texte que vous nous proposez aujourd’hui est directement inspiré par cet état d’esprit !

M. Christian Vanneste – Vous détestez votre pays, Monsieur Mamère !

M. Noël Mamère – Vous nous dites que vous avez voulu cette loi au nom des valeurs de la République, et c’est au nom de ces valeurs que vous demandez à ceux qui souhaitent le regroupement familial de posséder la langue française. Si on avait demandé aux parents ou aux grands-parents du Président de la République, de M. Balladur, de Mme Amara ou de Mme Dati de parler le français, auraient-ils pu vivre ici ? Leurs enfants et leurs petits-enfants seraient-ils aujourd’hui membres du Gouvernement ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Noël Mamère – Le Président de la République a demandé que soit lue dans les écoles, le 22 octobre, la lettre de Guy Môquet, ce résistant communiste qui a résisté aux côtés de la MOI, de Manouchian, qui ont été considérés comme des immigrés et assassinés en 1944. Leur avait-on demandé de parler le français ? Ils sont morts pour la France, parce qu’ils croyaient en elle ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. François Sauvadet – Les débats vifs et passionnés dont ce texte a été l’occasion n’ont pas été, paradoxalement, suscités par le projet lui-même, mais par un amendement, sur lequel les interrogations sont légitimes, renvoyant à des questions éthiques, et ont d’ailleurs traversé tous ces bancs.

Au groupe Nouveau Centre, nous pensons, comme d’autres, que non seulement ce débat sur les tests ADN a occulté le reste, mais aussi que les conditions dans lesquelles il s’est déroulé ne sont pas celles que l’on peut attendre d’une démocratie moderne et apaisée. Je regrette que la gauche n’ait pas davantage pris en considération l’encadrement de cette disposition, et notamment la garantie qu’apporte par l’appel au juge, ainsi que les précédents en vigueur chez nos partenaires européens, qui ont permis de résoudre les difficultés rencontrées par certaines personnes. C’est une erreur que de balayer d’un revers de main ce qui s’est fait ailleurs, alors que nous devons travailler à une harmonisation européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Il est inadmissible d’avoir fait des rapprochements avec le nazisme, ce n’est pas servir un débat qui était utile pour l’avenir du pays (Même mouvement).

M. Jean Glavany – Ce n’est pas ce que vous avez dit dans les couloirs ! Quelle duplicité !

M. François Sauvadet – Mon groupe aurait souhaité qu’on renvoie cette question au débat que nous allons avoir prochainement sur la bioéthique, sur laquelle Jean Leonetti, notamment, a beaucoup travaillé.

Le texte que vous nous avez proposé, Monsieur le ministre, est utile. Il l’est pour ceux qui vont bénéficier du regroupement familial, pour lesquels il prévoit un contrat d’accueil et d’intégration – et j’insiste sur ce dernier mot. Il l’est pour les familles, dont on veut s’assurer qu’elles auront des conditions de vie dignes. L’objectif est avant tout d’éviter la désespérance à tous ceux qui croient trouver ici un eldorado.

Les dispositions concernant les droits des migrants sont également une avancée. Monsieur le ministre, vous avez montré votre volonté de laisser à chacun la possibilité d’exprimer sa position, vous avez tourné le dos à une immigration d’exclusion pour aller vers une immigration d’intégration. Concernant des dispositions touchant à l’éthique, chacun aura à se prononcer en conscience (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ; pour ma part, compte tenu de l’encadrement qui a été apporté, et pour permettre de débloquer des situations dramatiques, je voterai ce texte (Même mouvement). Un certain nombre de mes collègues du Nouveau Centre feront un choix différent, en vertu de leur liberté de conscience (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Éric Ciotti – Nous arrivons au terme d’un débat essentiel, sur un texte pertinent et efficace. C’est avec beaucoup de gravité et de détermination que le groupe UMP s’apprête à l’approuver, d’abord parce qu’il correspond aux engagements de campagne.

M. Jean-Paul Lecoq – Pas les tests ADN !

M. Éric Ciotti – Nos collègues de l’opposition ont manqué une nouvelle fois l’occasion de se projeter dans l’avenir (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), s’agissant d’un problème dont la gravité doit conduire à dépasser les clivages (Même mouvement). Qui peut nier que l’immigration constitue pour la France, mais aussi pour l’Europe, un problème majeur ? Qui peut nier que la pauvreté dans les pays du Sud et de l’Asie va entraîner des flux migratoires, qu’il faudra naturellement mieux maîtriser ? (Même mouvement) Il faudra le faire dans le cadre de notre tradition d’accueil, de générosité, et dans celui des valeurs de la République qui nous rassemblent. Le sujet mériterait un consensus, comme dans tous les grands pays de l’Union européenne, mais nous avons décidément la gauche la plus archaïque d’Europe (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Vous vous arc-boutez sur des positions d’arrière-garde, vous instrumentalisez les étrangers (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Maxime Gremetz – C’est dégueulasse !

M. Éric Ciotti – Les propos de M. Mamère ont été insultants (Même mouvement) ; nous n’acceptons pas le mensonge et l’outrance. Nous n’avons pas de leçons de valeurs républicaines à recevoir de vous, Monsieur Mamère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Dois-je vous rappeler que si l’extrême droite a prospéré dans notre pays, c’est grâce à vous, et que si elle a régressé, c’est grâce au discours républicain du Président de la République ? (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous auriez pu, comme Mme Pau-Langevin l’a laissé entrevoir ce matin, rechercher le dialogue (Mme Pau-Langevin fait un signe de dénégation). Les problèmes de l’immigration ne doivent plus être l’objet de débats politiciens médiocres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous vous remercions, Monsieur le ministre, de votre écoute du Parlement, suffisamment rare pour être soulignée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), sur ce texte. Celui-ci est juste et équilibré, parce qu’il repose sur trois piliers : l’intégration – faute de laquelle le racisme se développe –, le co-développement et la lutte contre l’immigration clandestine. C’est pourquoi le groupe UMP, unanime, le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Glavany – Pour l’unanimité, on verra !

M. Serge Blisko – Quatrième texte sur l’immigration en quatre ans, ce projet est un remerciement à la frange d’extrême droite de votre électorat (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous avez décidé cette fois de vous attaquer à l'immigration légale, en particulier familiale, alors que le droit de vivre en famille est inscrit dans la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme. Le regroupement familial ne concerne que 23 000 personnes par an, et dans 68 % des cas, une seule personne : pourquoi tant de craintes ?

Vous avez décidé de faire une sélection économique des migrants : il faudra maintenant avoir des ressources supérieures au SMIC pour pouvoir faire venir sa famille en France, alors même que nombre de familles françaises vivent avec moins que le SMIC sans que cela vous alarme outre mesure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Vous avez également décidé de vous attaquer aux enfants, de leur faire passer le test du sang (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Pour vous, tel enfant sera biologiquement acceptable, tel autre n'aura pas les bons gènes. On comprend le malaise qui a gagné jusqu’à votre majorité, la filiation n'ayant jamais été en France fondée sur le sang. Toute recherche génétique, utile en matière scientifique ou médicale, ou encore pour la résolution d'affaires judiciaires, sera désormais, à cause de votre texte, entachée d'une connotation douteuse et xénophobe (Protestations sur les bancs du groupe UMP). La science ne peut être un instrument au service d'un clan extrémiste de I'UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) !

Vous avez décidé de vous attaquer aux conjoints de Français, en nourrissant une peur de l'autre qui ne correspond pas aux valeurs de la France républicaine.

Vous entretenez la confusion entre asile et immigration. En transférant la tutelle de l'OFPRA au ministère de l'immigration, vous le privez de sa source première d'information et d'analyse, le ministère des Affaires étrangères. Or l'asile, qui relève du droit international, ne doit pas être au service d’une politique de restriction des flux migratoires.

Vous permettez le recueil de statistiques basées sur les origines ethniques. Introduire ces dispositions sans concertation dans ce texte est pour le moins malvenu et ambigu.

Vous avez décidé de privilégier la communication médiatique au débat de fond ; le recours aux tests ADN en est un exemple. En multipliant les obstacles à l'immigration régulière, vous incitez les migrants à venir en France clandestinement, vous favorisez les réseaux de passeurs et vous alimentez le marché noir de travailleurs clandestins. Ce projet est donc dangereux.

Parce que vous portez un mauvais coup au droit de vivre en famille, mais aussi à la science et à notre conception ouverte de la filiation, à nos principes républicains et à l’image de la France, notre groupe votera contre ce projet indigne, et saisira le Conseil constitutionnel pour que les articles contraires à la Constitution soient censurés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

À la majorité de 282 voix contre 259 sur 550 votants et 517 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 18 heures.

PRESTATION DE SERMENT D’UN JUGE DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

L'ordre du jour appelle la prestation de serment devant l’Assemblée nationale d’un juge suppléant de la Cour de justice de la République.

M. le Président – Aux termes de l’article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leur fonction, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ». Je vais donc inviter M. Jean-Paul Garraud à bien vouloir se lever et, levant la main droite, à prononcer les mots : « Je le jure ».

M. Jean-Paul Garraud – (Debout et levant la main droite) Je le jure.

M. le Président – Acte est donné par l'Assemblée nationale du serment qui vient d’être prêté devant elle.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITE SOCIALE POUR 2008

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Fondée sur la solidarité, la sécurité sociale n’est viable que si elle repose aussi sur le sens de la responsabilité. Ces valeurs se perdent quand on empêche certains de cotiser, comme les seniors qu’on éloigne du marché du travail, ou quand certains profitent de droits sans s’acquitter de leurs devoirs. C’est en rendant toute leur force à ces valeurs de solidarité et de responsabilité que nous redresserons durablement les comptes sociaux.

S’agissant de la protection sociale, il n’est pas de réforme absolue, il ne peut y avoir qu’un processus continu. C’est en restant dans le mouvement que nous garantirons la pérennité de ce pilier de la République. On ne change pas la direction d’un navire de plus de 350 milliards – près du cinquième de la richesse nationale – par quelques coups de barre. Il y faut plus de constance. C’est vers le rétablissement des comptes et vers une modernisation plus complète du système de santé que nous dirige le projet que je vous présente avec Roselyne Bachelot, Xavier Bertrand et Valérie Létard.

La sécurité sociale est l’affaire de tous ; redresser ses comptes exige un effort de tous. Ce projet assure un équilibre entre maîtrise des dépenses et apport de recettes nouvelles – 2 milliards dans chaque cas – et entre les efforts demandés à tous et celui que consent l’État.

Nous ramènerons le déficit du régime général à moins de 9 milliards en 2008. C'est encore beaucoup trop, mais nettement moins que les 14 milliards que nous aurions atteints si nous n’avions pas agi dès juillet. En 2008, la branche famille et la branche accident du travail retrouveront l'équilibre et le déficit du régime général d'assurance maladie sera ramené à 4,3 milliards, soit son niveau le plus faible depuis 2002.

Être responsable, c'est respecter ses engagements. J'ai donc tenu, dès mon arrivée, à rétablir la clarté et la sincérité dans les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Le 5 octobre, l'État a remboursé sa dette de 5,1 milliards à l'égard du régime général. Les charges financières de l’ACOSS en seront allégées de 55 millions cette année et de 220 millions en 2008. Encore faut-il qu'on ne laisse pas se reconstituer demain la dette qu'on vient d'effacer. Nous avons donc remis à niveau les crédits destinés aux dispositifs gérés par la Sécurité sociale mais financés par l'État, comme l’aide médicale d'État, l’allocation parent isolé ou certaines exonérations. Et je vais imposer aux gestionnaires des différents programmes que les dotations destinées à ces dispositifs soient effectivement versées, et non consacrées à d'autres fins en fonction des aléas de l'exécution budgétaire.

Notre responsabilité, nous l’assumons aussi en compensant intégralement l’effet des mesures relatives aux heures supplémentaires. Nous ne disposions pas d’autre base que du montant actuel des heures supplémentaires, ce qui a conduit à évaluer le coût à quelque 5 milliards en année pleine. Il va de soi que ce coût sera ensuite réajusté en fonction de l'évolution au cours de l'année 2008. De plus, sans attendre, nous complétons le panier de recettes fiscales affectées à la compensation des allégements généraux sur les bas salaires, par transfert notamment de l'intégralité des droits sur les tabacs et de la taxe sur les salaires, ainsi que la TVA brute sur les alcools. Au total, les recettes fiscales transférées au régime général devraient passer de 21 à près de 27 milliards, soit une augmentation de près de 30 %.

Enfin, pour clarifier totalement la situation, j’engagerai rapidement une concertation sur un schéma de redressement durable du Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Dès cette année, l'État reprendra à sa charge, en loi de finances rectificative, sa dette ancienne de 619 millions vis-à-vis du BAPSA et en 2008 nous préparerons un schéma de financement pérenne de la protection sociale des exploitants agricoles.

De même qu’il travaille à renforcer durablement la maîtrise des dépenses publiques grâce à des réformes de structure et à un réexamen des politiques publiques, l’État engage, avec ce projet, des réformes de fond pour accroître l'efficacité de notre système de santé et mieux maîtriser nos dépenses d'assurance maladie.

2,8 %, tel est le taux de progression que nous avons fixé pour celles-ci. Cet objectif ambitieux est néanmoins réaliste car, en y ajoutant l’effet de la franchise, cela correspond à une progression de 3,4 % de l'ONDAM global, ce qui suffit pour répondre aux besoins tout en faisant un effort notable en faveur des personnes âgées et handicapées. Réaliste, cet objectif l’est aussi parce que nous renforçons les efforts de maîtrise médicalisée et que nous apportons des améliorations structurelles à l'organisation des soins : financement intégral des hôpitaux par la tarification à l'activité, mesures en faveur d’une meilleure répartition des médecins sur le territoire, expérimentation de nouveaux modes de rémunération.

Ce taux réaliste doit être impérativement respecté. Pour ce faire, nous demandons des efforts équitablement partagés entre l'État, les patients, les professionnels de santé, les entreprises – qui ne bénéficieront plus d'exonérations de cotisations employeur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles car celles-ci sont faites pour inciter à la prévention –, et enfin l'industrie des produits de santé, via une augmentation de sa contribution sur le chiffre d'affaires. Au total, avec le prélèvement à la source sur les dividendes instauré par le projet de loi de finances, les recettes supplémentaires s'élèveront à 2 milliards pour la sécurité sociale, dont près de 1,6 milliard pour le régime général.

Responsabilité ai-je dit, mais aussi solidarité entre les générations : c’est sur elle que se fonde notre système de répartition, dont il faut donc rétablir l'équilibre et la cohérence. Le nombre des pensionnés ne peut s’accroître si, dans le même temps, celui des cotisants ne cesse de se réduire. Il serait paradoxal que la sécurité sociale s'affaisse en raison même de ses succès, en particulier de celui que constitue l’augmentation de la longévité.

La clef du redressement des comptes sociaux réside dans la prolongation de l'activité des seniors. Nous vous proposons donc de dissuader les entreprises de faire partir les seniors en préretraite ou en retraite et nous en attendons 350 millions de recettes supplémentaires.

La solidarité exige aussi que la contribution porte sur tous les revenus perçus. Nous sommes donc favorables à l'instauration, au bénéfice de l’assurance maladie, d'une cotisation employeur sur les stock–options et sur les actions attribuées gratuitement. Nous en discuterons dans le cadre de ce projet.

Enfin, on ne peut pas demander davantage de solidarité si on ne s'attaque pas plus efficacement à ceux qui en abusent. Avec ce PLFSS, nous entamons la définition d'un plan ambitieux de lutte contre toutes les fraudes fiscales et sociales, selon trois grands axes. Il s’agit d’abord d’améliorer nos moyens de contrôle en développant les échanges d'informations entre services fiscaux et organismes de sécurité sociale, dans le respect des prescriptions de la CNIL. Il s’agit ensuite de renforcer les pouvoirs de contrôle des organismes sociaux. Leurs agents seront habilités à recueillir des informations auprès des banques, des fournisseurs d'énergie ou de téléphonie pour être à même de mieux contrôler la sincérité des déclarations et de mieux lutter contre la fraude aux cotisations et aux prestations. Il s’agit enfin d’aggraver les sanctions. En cas de travail dissimulé, les URSSAF pourront procéder à un redressement forfaitaire correspondant à six mois de salaire au minimum. Ce plan n'est qu'un début. Je vous présenterai d'autres mesures et vous rendrai compte des progrès accomplis.

Le redressement définitif de nos comptes sociaux exigera de poursuivre sans relâche les réformes. Les projections pluriannuelles des comptes de la sécurité sociale, données en annexe à ce projet, en montrent la nécessité. C'est donc ce que nous allons faire en engageant de grandes concertations sur trois thèmes : le financement de la protection sociale, celui de la santé et les retraites.

Ces efforts ne seront possibles et efficaces que s'ils sont compris. C'est pourquoi nous devons sans cesse rappeler à nos concitoyens que la sécurité sociale suppose un engagement mutuel et exige un esprit de responsabilité sans faille et une adaptation permanente, afin de faire vivre la solidarité qui nous unit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Ce projet, dont je vous présente la partie relative à l’assurance maladie, est fondateur. Il vise à garantir à l’avenir, pour nous-mêmes et pour nos enfants, la possibilité de bénéficier de soins de qualité. Cet impératif s’impose à tous. Il faut agir aujourd’hui pour pouvoir satisfaire demain les besoins de santé d’une population dont l’espérance de vie s’accroît.

Parce que notre système de santé est à la croisée des chemins, il faut plus que jamais faire œuvre utile. Ambitieuse et responsable : telle devra être la réforme que les Français attendent de nous. Qu’il s’agisse d’Alzheimer, de soins palliatifs ou de présence médicale sur le territoire, ils comptent sur nous tous pour agir et préserver notre système de soins, ce patrimoine commun. Républicains dans l’âme, ils sont fiers de leurs institutions pourvu qu’elles ne fassent pas de la solidarité une simple clause de style. Luttons donc sans faiblir pour faire vivre cette solidarité !

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est la première étape d’un chantier au long cours. Il consolide les quatre grandes arches sur lesquelles repose notre système de santé. Les recettes, d’abord : leur diversification s’impose. L’espérance de vie augmente, et avec elle le coût des soins. Nul ne saurait considérer l’endettement comme un choix honnête : il y va de la solidarité entre les générations. Ne condamnons pas nos descendants à payer le prix de nos propres inconséquences. La santé n’est-elle pas le plus précieux de tous nos biens ? Soyons responsables, finançons nos propres dépenses. Tolérer des dépassements toujours plus importants serait mettre en péril l’édifice tout entier. Or, la santé n’est-elle pas notre bien commun le plus précieux ? Reste à savoir qui doit payer et à quelle hauteur.

M. Roland Muzeau – Bonne question, en effet !

Mme la Ministre – S’agissant des franchises médicales, je n’ignore pas que certains de nos concitoyens auront du mal à s’acquitter de quatre euros par mois. Cependant, il est important de contribuer ainsi au financement du plan Alzheimer, des soins palliatifs et des nouveaux besoins liés au vieillissement de la population. Les enfants et les femmes enceintes seront naturellement exonérés de cette contribution plafonnée à cinquante euros annuels, qui rapportera 850 millions. Pour autant, son importance est modeste en regard des 6,4 milliards de déficit de l’assurance maladie. Nous devons donc réfléchir à d’autres sources de financement, telles que le rééquilibrage entre la contribution salariale et celle des autres revenus, notamment financiers. À ce titre, le Parlement a d’ores et déjà ouvert un débat utile sur la taxation des stock-options. D’autres pistes s’esquissent : un droit de tirage sur la fiscalité écologique, par exemple.

Deuxième arche du système : les dépenses. Une restructuration est ici nécessaire. Il faut renforcer la maîtrise médicalisée. En contrepartie des revalorisations à venir, les professionnels doivent améliorer l’efficacité de la prescription et le parcours de soins doit gagner en cohérence. Pour y parvenir, nous proposerons une période d’observation avant toute revalorisation, afin de vérifier que les engagements sont tenus, de part et d’autre. C’est une question de responsabilité partagée : si les résultats ne sont pas au rendez-vous, les revalorisations pourront être retardées. Chacun doit s’impliquer pour une meilleure répartition de nos dépenses – sans que, naturellement, le dialogue conventionnel auquel nous sommes très attachés soit remis en cause.

La ministre de la qualité des soins que je veux être n’a, in fine, qu’un seul objectif : la qualité du système. Mieux gérer permettra de mieux soigner. La qualité de l’offre de soins est indissociable de celle de leur gestion. C’est précisément pour permettre aux établissements de mieux se réorganiser que nous proposons de porter la tarification à l’activité à 100 % en 2008 – montée en charge qui s’accompagnera, cela va de soi, d’un dispositif de stabilisation.

M. Roland Muzeau – Vous tuez l’hôpital !

Mme la Ministre – Nous satisferons ainsi aux exigences de qualité, de sécurité et d’efficience qui engageront notre système de soins dans un cercle vertueux.

M. Roland Muzeau – Et aux exigences des cliniques privées !

Mme la Ministre – De même, j’ai demandé à la Haute autorité de santé d’étudier les parcours de soins les mieux adaptés à chaque pathologie et de relancer la réflexion sur les pathologies chroniques.

Chacun doit payer selon ses moyens, mais faudra-t-il aussi aller au point où chacun recevra aussi selon ses moyens, et non plus selon ses seuls besoins ? C’est tout l’enjeu du bouclier sanitaire plafonné en fonction des revenus. Ouvrons ce débat sans tabou aucun : seule l’utilité de la réforme doit nous inspirer.

Troisième arche de l’édifice : l’efficience du système, qui exige audace et inventivité de notre part. Les progrès en la matière sont immédiatement perçus par les usagers. Leurs attentes sont légitimes : une meilleure répartition de l’offre de soins sur le territoire, une meilleure permanence des soins, des urgences moins saturées, des plateaux techniques plus performants et plus sûrs, des médecins et des pharmacies de proximité, une meilleure coordination entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social.

L’efficience n’appartient pas encore au vocabulaire de tous, mais chacun sait juger de son niveau.

S’il est toujours possible, pour s’autoriser à ne rien faire, de réduire le déficit des comptes à une abstraction, la dégradation qualitative du système est plus immédiatement intolérable, et éthiquement insoutenable. Nous ne devons pas nous contenter d’y assister, inertes ; nous devons entendre les plaintes de nos concitoyens et trouver – maintenant – les bons remèdes. L’amélioration de l’efficience n’est pas une lubie technocratique, elle s’impose à nous.

Nous n’y parviendrons pas si nous ne donnons pas au système les moyens de se réformer : le volet « santé » du PLFSS se veut donc pragmatique. J’ai souhaité, avec Éric Woerth, que l’ONDAM soit équilibré entre la médecine de ville – une progression de 3,2 % si l’on inclut l’effet des franchises – et l’hôpital – 3,2 % également. L’ONDAM n’est pas sous-estimé : il permettra d’accompagner la réforme de l’hôpital et tient compte de la progression tendancielle des soins de ville. Pour autant, il n’est pas démesuré et s’il suppose d’importantes économies, l’effort demandé sera équitablement réparti.

Il faut donner davantage de latitude au système pour qu’il puisse se réorganiser et se moderniser. L’amélioration de l’efficience ne se décrète pas, elle suppose la participation active des professionnels de santé. Mieux soigner, c’est éviter les parcours redondants et les incohérences coûteuses, dans l’intérêt des patients comme dans celui des soignants. Ainsi, la mutualisation nécessaire pour garantir sur l’ensemble du territoire la permanence des soins hospitaliers est bénéfique pour tous : je pense notamment aux gardes.

Comment piloter cette réorganisation ? Les agences régionales de santé seront des structures transversales, dotées de suffisamment d’autorité pour faire appliquer les nouveaux outils, tant dans le secteur hospitalier que dans le secteur ambulatoire. Les premiers éléments de l’arbitrage sur le périmètre des futures ARS seront connus dès la fin de cette année, de manière à préparer leur installation pour 2009.

Aucune réforme, si pressante soit-elle, ne saurait se faire sans le concours de personnels motivés. C’est la raison pour laquelle il convient de rendre plus attractifs les métiers, de soutenir les vocations et d’encourager les efforts de ceux qui contribuent à un service hospitalier de qualité. Il faudra aussi inciter les jeunes médecins libéraux à exercer là où il existe un besoin, dans les départements ruraux comme dans les départements limitrophes de Paris, qui connaissent eux aussi une sous-densité médicale.

Aurai-je demain un médecin près de chez moi pour me soigner ? C’est la question lancinante qui nous est posée chaque jour. Devons-nous nous résigner à l’avancée inexorable d’un désert médical en France ? Si rien n’est fait, la situation sera rapidement irréversible dans de nombreuses régions. Déjà, dans le Nord-Est de la France, il faut attendre un an pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste ; il y a dix fois plus de cardiologues en Loire-Atlantique qu’en Mayenne ; 116 spécialistes exercent dans le IVe arrondissement de Paris et seulement 6 à la Courneuve ; 4 millions de personnes auraient des difficultés à accéder à un généraliste.

Nous proposons donc des mesures appelant à de nouvelles négociations conventionnelles : nouveaux modes de rémunération, exercice assoupli, nouvelles organisations. Aucune mesure coercitive ne sera prise et la liberté d’installation sera garantie ! Nous ne pouvons pas rester sourds aux aspirations légitimes des médecins, en particulier des jeunes, qui espèrent une amélioration substantielle de leurs conditions de travail et de vie. Le Gouvernement n’est pas fermé à la discussion, et accepte même d’amender ce texte. Mais il est déterminé à avancer, parce qu’il y va de notre avenir commun.

La prévention constitue la quatrième arche de notre édifice de santé. Il est temps d’élaborer une politique de prévention innovante et ambitieuse.

M. Roland Muzeau – Qu’avez-vous fait pendant cinq ans ?

Mme la Ministre – Ainsi le Parlement devra veiller à ce que les « programmes patients », conçus pour permettre l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques, puissent voir le jour dans un cadre éthique rénové et solide.

Nous devons considérer les individus comme des arbitres autonomes de leur propre santé, mieux informés, et parfois désireux de prendre en charge leur inconfort passager sans consulter un médecin. Ainsi, dans le contexte d’un maillage serré des officines de pharmacie sur le territoire, je serais favorable à la mise à disposition de « médicaments d'automédication » devant le comptoir, en valorisant le conseil pharmaceutique associé.

M. Marcel Rogemont – Nous avons combattu cela pendant des années !

Mme la Ministre – La politique de prévention est un combat pour la vie mais aussi pour la liberté, qui implique de défier le préjugé et les forces de l'habitude. En tant que ministre en charge de la santé et militant pour l'émancipation des femmes, je le poursuivrai en conduisant notamment pour les femmes, notamment celles qui sont en situation de précarité, une politique qui permette à chacune de s'émanciper des contraintes qui peuvent porter préjudice à sa santé ou obérer ses chances de guérison.

Dans cet esprit, le PLFSS pour 2008 accordera aux centres de planification familiale la possibilité de pratiquer des IVG par voie médicamenteuse, afin de réduire le recours anormalement élevé en France aux IVG chirurgicales.

M. Marcel Rogemont – Enfin, une bonne décision !

Mme la Ministre – Les médecins, dont les contrats individuels pourront dorénavant inclure des activités préventives, ont un rôle déterminant à jouer en matière de prévention. Je veillerai également à ce que les médecins du travail et les médecins scolaires deviennent les « hussards blancs » de cette politique de prévention ambitieuse.

De ces décisions que nous allons prendre, certains effets se feront sentir prochainement, d’autres à plus long terme. Travaillons sous le regard de nos enfants, en évitant les vaines querelles. Avançons sans préjugés et laissons-nous surprendre par des points d'accord inédits ! Que ceux qui sont bardés de certitudes nous révèlent leurs vérités et qu’ils nous disent que le temps de la concertation est du temps perdu ! Ayons le courage de réinventer ensemble le pacte de 1945 ! Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à saisir l'occasion de ce débat pour consolider dans ses fondements, et pour longtemps, l'édifice de soins qui nous a été légué en partage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

Mme Génisson remplace M. Accoyer au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Catherine GÉNISSON
vice-présidente

M. le Président – La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Roland Muzeau – L’ancien ministre de la santé !

M. Jean-Marie Le Guen – Pas en 2006 et 2007 !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Vous auriez peut-être aimé que je le reste plus longtemps ? (Sourires) Je ne regrette pas d’avoir quitté ce poste pour assumer les fonctions de porte-parole d’un candidat à la Présidence de la République !

Ce PLFSS traduit les axes de réforme voulus par Nicolas Sarkozy : retraites, famille, accidents du travail et maladies professionnelles, politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Le rendez-vous de 2008 aura pour objet de conforter notre système de retraite par répartition. Mais en attendant, la dégradation de la branche vieillesse est un sujet de préoccupation. Il ne faut pas se réfugier derrière les explications démographiques, comme le papy-boom, mais agir dès maintenant et de façon équilibrée : c’est une question de responsabilité et une ardente obligation à l’égard de nos enfants.

Le PLFSS doit marquer une rupture en modifiant les comportements. Il contient plusieurs mesures en faveur de l’emploi des seniors. Le taux d’emploi des personnes âgées de plus de 55 ans est en France de 37,6 % contre 45,3 % dans l’Europe des Quinze, loin de l’objectif de 50 % fixé à l’horizon de 2010 dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, et très loin des 70 % de la Suède. Il s’agit là d’une véritable exception française – dont nous nous passerions volontiers ! – qui découle d’un raisonnement erroné sur les bienfaits du partage du travail, raisonnement selon lequel l’éviction d’un salarié de 55 ans améliorerait les perspectives offertes à un jeune. Ainsi détenons-nous un triste double record, le taux de chômage des jeunes en France étant l’un des plus élevés d’Europe.

Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement entend supprimer les verrous fiscaux, sociaux et réglementaires qui pénalisent celles et ceux qui souhaiteraient continuer à travailler et incitent entreprises – privées et publiques – et administrations à les négliger dans leur gestion des ressources humaines – si tant est que l’expression soit appropriée en la matière. Dépassant les discours et les bonnes intentions, nous devons agir. Il n’est plus acceptable que l’assujettissement des allocations de préretraite aux cotisations et à la CSG se fasse à un taux plus favorable que celui qui s’applique aux salaires, encourageant ainsi de fait les préretraites. C’est pourquoi nous proposons de porter de 24,15 à 50 % le taux de la contribution créée par la loi de 2003 sur les avantages de préretraite d’entreprise et d’assujettir les allocations de préretraite à la CSG au même taux – 7,5 % – que les revenus d’activité. Ces nouvelles dispositions s’appliqueront uniquement aux départs en préretraite intervenant après le 11 octobre 2007, date de présentation du PLFSS en conseil des ministres.

Quant aux départs à la retraite d’office, nous adopterons des mesures dissuasives sans attendre le 31 décembre 2009, date d’extinction des accords de branche qui les maintiennent à titre dérogatoire : les indemnités versées dans ce cadre, aujourd'hui largement exonérées, seront soumises à une contribution de 25 % en 2008 et de 50 % en 2009, contribution dont le produit ira à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. En outre, conformément aux recommandations du Conseil d’orientation des retraites – COR – comme de la commission, nous reviendrons sur le dispositif d’incitation à des départs en retraite plus précoces, valable jusqu’en 2014 dans certains secteurs et adopté par voie d’amendement lors de l’examen du PLFSS pour 2007.

J’ai envisagé, en concertation avec Mme la ministre de l’économie, d’autres mesures visant à aller plus loin que le « plan senior » de 2006, non seulement en pénalisant les entreprises qui n’acceptent pas de jouer le jeu, mais en favorisant celles qui s’y prêtent.

La revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier 2008, sur laquelle M. le rapporteur pour l’assurance vieillesse m’a interrogé lors de l’examen du texte en commission, s’élèvera à 1,1 %. Une commission de revalorisation des pensions qui se réunira fin novembre ou début décembre s’assurera du maintien du pouvoir d’achat des retraités malgré l’inflation, objectif de la loi du 21 août 2003 ; s’il était menacé, le Gouvernement prendrait ses responsabilités et ferait en sorte de le préserver. En outre, à cette même date – toujours afin de nous conformer aux engagements contenus dans la loi de 2003, qui garantissait une retraite équivalente à 85 % du SMIC aux salariés ayant perçu le SMIC tout au long de leur carrière –, nous revaloriserons de 3 % le minimum contributif.

Quant à la famille, voici les trois axes principaux du PLFSS : octroi aux familles les plus modestes de solutions de garde plus variées – il n’est pas normal que le coût restant à la charge d’une famille qui fait appel à une assistante maternelle agréée soit supérieur à celui d’une place en crèche…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  C’est exact !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail…adaptation des prestations aux besoins, pour une meilleure efficacité – ainsi, une majoration unique des allocations familiales à 14 ans, âge auquel le coût d’un enfant est le plus élevé, remplacera les deux majorations à 11 et 16 ans en reprenant le montant de la seconde, qui s’élève à 59,57 euros par mois, et l’allocation de rentrée scolaire sera modulée en fonction de l’âge ; enfin, simplification des démarches des demandeurs de prestations familiales, qui n’auront plus à produire que leur déclaration d’impôts.

Le Gouvernement entend plus généralement renforcer la politique familiale en se dotant d’un point de vue transversal et prospectif sur la famille grâce à la création d’une nouvelle structure permanente présidée par le Premier ministre et réunissant associations familiales, partenaires sociaux, représentants des pouvoirs publics et personnalités qualifiées, sur le modèle du COR, du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ou du Conseil d’orientation pour l’emploi.

Le PLFSS améliore en outre la situation des ayants droit des personnes décédées en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle après le 1er septembre 2001 en clarifiant les modalités d’application de la hausse de dix points de leur rente, décidée par l'Assemblée nationale après l’explosion de l’usine AZF de Toulouse. De plus, il prévoit des dotations au fonds « amiante » du même ordre que l’an dernier. Aux yeux de certains, ce dispositif ne serait pas assez équitable…

M. Patrick Roy – Aux yeux de beaucoup !

M. Xavier Bertrand, ministre du travailUn groupe de travail réunissant partenaires sociaux et associations de malades, mais aussi parlementaires, sera donc chargé début novembre d’en examiner les modalités, prolongeant ainsi les travaux de l'Assemblée nationale – notamment de MM. Le Garrec et Lemière – comme du Sénat.

M. Patrick Roy – Des milliers de personnes sont exclues du bénéfice de ce fonds !

M. Roland Muzeau – Pourquoi avoir refusé de les recevoir ?

M. André Wojciechowski – La concertation est une bonne chose !

M. Xavier Bertrand, ministre du travailNous devons également, comme l’a souligné M. le ministre du budget, lutter contre la fraude, en clarifiant la réglementation, en alignant les conditions des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle sur celles des arrêts pour maladie, en décloisonnant l’action des différents services de contrôle – sociaux et fiscaux – pour faciliter le repérage des comportements frauduleux, en renforçant enfin les sanctions contre le recours au travail illégal par l’établissement d’un mécanisme de redressement forfaitaire sanctionnant une durée de travail illégal présumée de six mois par une amende de près de 3 500 euros.

Enfin, les semaines et les mois à venir se caractériseront par des réformes importantes et très attendues de notre protection sociale : à la création de la nouvelle instance que j’ai évoquée s’ajouteront la réforme des régimes spéciaux de retraite et la prise en charge de la dépendance. Relever le défi de la solidarité, tel est l’objectif de ce PLFSS, conformément au mandat que nous ont confié les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC )

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – M. le ministre l’a rappelé : la politique en faveur des personnes âgées et handicapées que ce PLFSS – premier du quinquennat – doit favoriser fait partie de la feuille de route que le Président de la République nous a remise. Elle implique tout d’abord un plan quinquennal en faveur des établissements et services destinés aux enfants et aux adultes handicapés. Aux mesures quantitatives – 2 200 places supplémentaires ouvertes aux enfants, dont nous souhaitons développer la scolarisation en milieu ordinaire, et plus de 4 900 aux adultes, pour lesquels nous voulons résorber les listes d’attente, développer les solutions de répit accordées aux familles et faciliter le choix entre maintien à domicile et hébergement en établissement – s’ajoutera l’adaptation qualitative des places nouvellement ouvertes aux spécificités du poly-handicap – 300 places sur 2 200 –, de l’autisme – 150 places – et des troubles graves du comportement – 300 places. Les modalités de prise en charge de l’autisme seront plus particulièrement étudiées dans le cadre de la mission prospective que M. le ministre du travail et moi-même avons confiée à Patrick Gohet.

Le défi que constitue le vieillissement des personnes handicapées nous pousse en outre à renforcer la médicalisation des foyers de vie, qui concernera 500 places en 2008, le plan « métiers du médico-social » lancé avant la fin de l’année visant à accélérer la formation d’un personnel adapté.

Notre feuille de route en matière de handicap implique d’autre part que soient effectivement satisfaites les ambitions qui sous-tendaient la loi du 11 février 2005 ; c’est pourquoi le PLFSS étend la prestation de compensation aux enfants : un droit d’option entre compléments de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé – AEEH – et prestations de compensation du handicap permettra ainsi d’alléger les coûts pesant sur les parents d’enfants lourdement handicapés.

S’agissant des personnes âgées, le Président de la République entend faire de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer une grande cause nationale. Avec 650 millions d’euros de mesures nouvelles, ce PLFSS donne les moyens d’aider les personnes âgées dépendantes qui le souhaitent à rester à leur domicile. Il poursuit l’effort de création de places en services de soins infirmiers à domicile : alors que 4 000 places par an ont été créées entre 2004 et 2006, 6 000 le seront cette année et autant en 2008. Favoriser le maintien à domicile implique aussi de développer l’accueil de jour et l’hébergement temporaire, notamment pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. En 2008 seront donc financées 2 125 places d’accueil de jour et 1 125 d’hébergement temporaire. En outre, les frais de transport vers les accueils de jour seront pris en charge.

Nous fournirons également un effort important pour les maisons de retraite, en finançant la création de 7 500 places d’EHPAD – contre 5 000 cette année – et en poursuivant leur médicalisation et leur adaptation à l’accueil des personnes atteintes de troubles du comportement.

Enfin, la nouvelle tarification permettra de prendre en compte la charge de travail liée à la dépendance, mais aussi aux soins médicaux et techniques, avec pour conséquence un renforcement de la présence en personnel auprès des personnes. Ces moyens nouveaux permettront de poursuivre l’amélioration des ratios d’encadrement soignant – avec la création d’environ 10 000 emplois supplémentaires – et la diversification des compétences. Pour adapter les EHPAD à la prise en charge de la grande dépendance, nous allons inciter les 1 500 derniers établissements n’ayant pas signé de convention tripartite à se mobiliser. L’objectif est que toutes ces conventions soient signées avant la fin de 2008. Les DDASS devront faire de cet objectif une priorité. Des amendements proposant de repousser pour la quatrième fois la signature de ces conventions ont été déposés. Ce n’est plus possible…

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Si. Avec des moyens !

Mme la Secrétaire d'État – …car, en attendant, les réserves de la CNSA s’accumulent au lieu d’être utilisées au service des personnes âgées. Nous y reviendrons, mais je voulais souligner d’emblée l’importance que j’attache à ce problème. Le PLFSS 2008 sera l’occasion d’un plan d’activation des réserves de la CNSA, qui prendra la forme d’un soutien financier à l’investissement dans les EHPAD. L’aide à l’investissement est en effet primordiale pour maîtriser le reste à charge des usagers, qui atteint en moyenne environ 1 500 euros par mois pour une retraite moyenne tournant autour de 1 100 euros. Il faut d’autre part adapter le bâti aux normes de sécurité et d’incendie et le rénover. L’investissement est enfin un enjeu important en termes d’emplois. Selon la CNSA, un euro d’aide génère 4 euros d’investissement. Un plan d’au moins 250 millions d’euros permettra donc un milliard d’euros de travaux, soit 15 000 emplois pendant trois ans. En étendant les mesures d’aide à l’investissement de la CNSA aux places nouvelles, ce PLFSS assure le maintien d’un rythme suffisant de création de places agréées à l’aide sociale, le secteur privé bénéficiant d’autres sources de financement.

L’ensemble de ces mesures doit être replacé dans la perspective des travaux engagés sur le cinquième risque. C’est dans ce cadre que devra être envisagée l’amélioration de la réponse aux besoins des personnes en perte d’autonomie et sa solvabilisation (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l’équilibre général – Nous avons engagé sous la précédente législature nombre de réformes importantes qui constituent de vrais progrès sociaux.

M. Patrick Roy – De vrais reculs sociaux !

M. Yves Bur, rapporteur – La possibilité d'un départ à la retraite anticipé pour les salariés ayant eu des carrières longues, la création de la prestation d'accueil du jeune enfant et les dispositions qui permettent de mieux concilier accueil d'un enfant et activité professionnelle, la première étape de la réforme des retraites, la création de la CNSA ou le plan Cancer… Mais les choix engagés pour maîtriser l'évolution des finances sociales n'ont pas été à la hauteur des exigences. Je le dis tout net : nous ne pouvons nous satisfaire des déficits des comptes sociaux prévus pour 2007. Toutes les branches seront en déficit, et l’écart entre les prévisions et le réalisé atteindra 3,9 milliards d’euros pour l'ensemble des régimes obligatoires. Heureusement, les élections présidentielles et législatives n'ont lieu que tous les cinq ans !

Le défi est de taille. Nous ne pouvons continuer à considérer ces déficits comme une fatalité : nous devons nous y attaquer avec plus de rigueur et de constance.

Mon inquiétude se nourrit d'abord de notre addiction à la dépense publique excessive, qui est à la base de notre complaisance, ou de notre indifférence aux déficits récurrents. Presque tous nos voisins européens ont accepté le principe de finances publiques et sociales en équilibre ; toutes les analyses nous alertent sur l'impact financier qu’a le vieillissement sur le financement des retraites et sur le coût de la santé ; et nous feignons toujours de croire que nous pourrons nous épargner tout effort !

Nous ne maîtrisons pas davantage la dette sociale, alors que le nœud coulant des taux se resserre et rend la dette de plus en plus coûteuse – 1 milliard d'euros en 2008 ! Quant au déficit du Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles – FFIPSSA –, il pourrait dépasser les 18 milliards d'euros en 2012 ! Enfin, l’évolution des pathologies chroniques laisse présager que près de 12 millions de personnes seront en ALD en 2015, soit 42 % de plus qu'en 2006 ! Elles consommeront alors 70 % des dépenses de l'assurance maladie ! Ce défi colossal doit être une priorité absolue pour les acteurs du système de soins, car notre système de solidarité risque d'imploser sous le poids de cette prise en charge.

Ce qui m’incline néanmoins à un optimisme raisonnable, c’est l'engagement de notre Président de la République (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), qui a été élu pour remettre de l'ordre dans la maison France, pour moderniser un pays qui étouffe sous le poids des conservatismes et des corporatismes désireux de faire de ce PLFSS une tribune pour leurs intérêts et leurs égoïsmes.

Ce qui m'incline à l'optimisme, c'est aussi la volonté qui anime chacun des ministres en charge du pôle social de relever les défis du vieillissement et des besoins de santé. Enfin, on donne un contour sans ambiguïtés à la politique de maintien dans l'emploi des seniors. Il était temps de mettre fin à cette exception française, à cette culture du traitement du chômage par la préretraite qui n'a jamais prouvé son efficacité. L’an prochain, nous dialoguerons avec les Français pour donner un contour durable à notre système de retraite, maintenant qu’il est plus équitable. Et vous nous proposez dès cette année, Madame la ministre de la santé, de relever le défi d'une meilleure efficience de notre système de soins.

Il nous faut inventer une nouvelle approche des questions de santé, conjuguant une régulation de l'offre de soins englobant ville et hôpital avec une régulation plus active du parcours de soins. Cette approche innovante sera incarnée par la nouvelle organisation régionale que nous préparons ensemble. Les outils fournis par la réforme du 13 août 2004 sont un atout pour aborder cette nouvelle phase. L’UNCAM, qui améliore la connaissance et la gestion du risque, devra trouver sa place dans le futur schéma de la régionalisation de la santé. La Haute Autorité de Santé pourra éclairer les acteurs de la santé sur l'efficience des pratiques et des choix thérapeutiques. La tarification à l'activité – T2A – doit être déployée plus activement pour rendre l’hôpital plus efficace.

Le Président de la République nous invite également à un grand débat sur le financement de la santé au premier semestre de 2008. Ce problème appelle des réponses en urgence, tant la dégradation des comptes devient insupportable. Cette approche plus volontariste et moins flamboyante de nos difficultés nous change de l’annonce d’un dossier médical personnel – DMP – opérationnel en quelques mois…

M. Jean-Marie Le Guen – À qui parlez-vous ? Où est M. Bertrand ?

M. Yves Bur, rapporteur – Prenez le temps nécessaire, Madame la ministre, pour offrir aux assurés et aux malades un véritable outil au service de leur santé et d'une meilleure qualité de soins.

Il est temps de se donner les moyens d'un équilibre durable de nos finances sociales. Il faut appréhender le financement de notre protection sociale dans son ensemble, y compris le chômage ; bâtir une stratégie sur des hypothèses réalistes et raisonnables, en évitant de croire – ou de faire croire – à des recettes miracles, comme la TVA sociale, qui ne sont que des transferts d'assiettes censés servir trop d'objectifs pour être crédibles (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et qui n'exonéreront pas la Sécurité Sociale d’efforts d'adaptation.

Nous y arriverons en donnant de la lisibilité aux finances sociales, afin que chaque citoyen sache pourquoi et comment il est appelé à contribuer à la solidarité. À cet égard, il est indispensable de faire contribuer l'essentiel des revenus, y compris ceux qui constituent des « niches sociales ». J'invite l'Assemblée et le Gouvernement à soutenir ma démarche pour faire contribuer les stock-options et les attributions gratuites d'actions.

M. Roland Muzeau – Et pas de manière symbolique !

M. Yves Bur, rapporteur – Le pacte de confiance souhaité par le Président de la République se nourrit aussi de justice et d'équité sociale, et cette contribution est significative sans nuire à l'attractivité de nos entreprises.

Cette lisibilité sera exigeante pour les finances publiques, qui doivent assumer les charges financières qui relèvent de l'État. Je salue votre effort de clarification, Monsieur le Ministre des comptes publics, qui porte sur près de 30 milliards d'euros pour 2008.

Il faut revisiter la structure de financement de chacune des branches, en tenant compte des notions de travail ou de résidence et de la nature assurantielle ou solidaire de la prestation sociale. Il faut définir des stratégies d'ajustement des dépenses aux capacités contributives de chacun, en particulier dans le domaine de la prise en charge des soins. Les professionnels de santé doivent prendre conscience que tout ce qui est inutile affaiblit l'esprit même de la solidarité. Les assurés engagent aussi leur responsabilité pour ne pas abuser de cette solidarité. Le droit à la santé – ou à des soins de qualité – n'exonère personne des efforts de prévention.

Ce PLFSS, loin de constituer une transition, ouvre donc une série de chantiers majeurs pour lesquels le temps presse. Il bouscule les intérêts catégoriels au profit de l'intérêt général et de la solidarité. Notre commission fera des propositions pour consolider cette refondation de notre protection sociale.

Avant de conclure, je voudrais évoquer un sujet sur lequel je me suis beaucoup engagé, l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics – y compris notre buvette parlementaire ! –, applicable au 1er janvier 2008 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC). Je profite de la présence de celui qui a compris ce combat pour la santé publique et a assumé le risque de prendre le décret ; de celle de la ministre de la santé, qui va devoir le faire appliquer dans les restaurants, bars et discothèques, et dont je connais l'engagement ancien ; de celle également du ministre des comptes, qui est aussi celui de la fiscalité du tabac et qui est chargé de verser chaque année près de 150 millions aux buralistes pour les aider à s'adapter au nouvel environnement – aide mal répartie par les intéressés, au détriment des buralistes frontaliers. S’agissant de protéger nos concitoyens d'un danger avéré, en l'occurrence le tabagisme passif, la seule attitude intelligente, c’est de faire respecter l'interdiction ! (Applaudissements sur divers bancs)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travailQualifié de texte de transition par certains observateurs, ce PLFSS particulièrement dense est en réalité un projet fondateur, la dégradation des comptes de la sécurité sociale imposant des actions vigoureuses.

La réforme de l'assurance maladie engagée en 2004 par M. Douste-Blazy et poursuivie par M. Xavier Bertrand a marqué une première étape décisive dans leur redressement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Sans elle en effet, la poursuite de l'évolution tendancielle aurait conduit en 2006 à un surcroît de dépenses de plus de 6 milliards… Et si le déficit prévisionnel de la sécurité sociale atteint encore près de 12 milliards pour 2007, soit un niveau proche de celui de 2004, c’est en raison de la dégradation de la situation de la branche vieillesse ; par ailleurs, le changement dans les comportements, qui est le pari de la loi du 13 août 2004, requiert par définition un peu de temps – mais c’est bien en changeant tous un peu que l'on peut tout changer.

Fondée sur la maîtrise médicalisée et non sur un rationnement des soins, ce PLFSS consolide la réforme de 2004 avec de nouveaux instruments et la complète par un volet structurel concernant l'organisation du système de soins.

La maîtrise médicalisée des dépenses, qui s'appuie sur un partenariat rénové avec les professionnels de santé, va pouvoir se poursuivre en 2008, avec un ONDAM en hausse de 2,8 %. Celui-ci permet d'opérer un rééquilibrage au profit de la médecine de ville, en hausse de 3,2 % si l’on en inclut l'effet des franchises. Par ailleurs, afin d’améliorer le pilotage des dépenses, il est prévu de renforcer l'efficacité de la procédure d'alerte : les mesures de revalorisation tarifaire ne pourront entrer en vigueur qu'au terme d'une période d'observation de six mois, et en cas de déclenchement de la procédure d'alerte leur application sera reportée au 1er janvier de l'année suivante. Sans remettre en cause ces dispositions, la commission a adopté deux amendements, d'une part pour mieux associer les partenaires conventionnels, d'autre part pour assurer que le report ne soit possible que si le risque sérieux de dépassement de l'ONDAM ayant motivé le déclenchement de la procédure d'alerte est pour tout ou partie imputable aux soins de ville.

Ce projet contient par ailleurs un important volet de lutte contre les abus et les dépenses inutiles, en particulier dans le domaine des transports sanitaires ou du contrôle des arrêts de travail. En effet, comme l'a souligné récemment le Président de la République, on ne peut pas demander aux Français d'être solidaires s'ils ne sont pas assurés que chacun respecte les règles. À ceux qui douteraient de l’importance des économies possibles, je rappellerai qu’on a détecté en 2006 six fois plus de fraudes et d'abus qu'en 2005 ; leur montant total – 120 millions – correspond au coût de fonctionnement annuel de quatre hôpitaux publics moyens !

En second lieu, ce PLFSS accélère la modernisation de notre système de soins.

Pour cela, il comporte tout d'abord une mesure très forte, le passage à 100 % de la tarification à l'activité. La commission a adopté un amendement selon lequel l'objectif de convergence intersectorielle devra être atteint à 50 % en 2009.

Les professionnels de santé auront par ailleurs la possibilité de conclure des contrats comportant des objectifs individualisés d'amélioration des pratiques ; ils pourront également participer à des expérimentations sur les modes de rémunération et d'exercice, conduites par les missions régionales de santé. Là encore, la commission a souhaité que les partenaires conventionnels, mais aussi l'ensemble des syndicats représentant les professionnels et le Conseil national de l'ordre des médecins soient consultés.

Concernant enfin le dossier médical personnel, il est prévu notamment de créer un portail d’accès unique sécurisé. À l’initiative de M. Préel et moi-même, la commission a encore adopté deux amendements pour favoriser le déploiement du dossier pharmaceutique, déjà opérationnel dans certaines zones, ce en vue de lutter contre les risques iatrogènes.

Enfin, ce projet vise à améliorer la prise en charge des assurés et à couvrir de nouveaux besoins de santé publique, liés par exemple au vieillissement de la population.

Il est prévu tout d'abord de renforcer l'information des assurés sur les dépassements d'honoraires pratiqués sur les actes les plus coûteux. De manière plus générale, il me semble fondamental de relancer les négociations conventionnelles sur la création d'un secteur optionnel. Peut-être, Madame la ministre, pourrez-vous nous en dire davantage à ce sujet.

Pour permettre de prendre en charge les nouveaux besoins, liés par exemple à la maladie d'AIzheimer, il est prévu une franchise sur les médicaments, les transports et les actes paramédicaux.

M. Patrick Roy – C’est un impôt sur les malades !

M. Jean-Pierre Door, rapporteurL’égalité d'accès aux soins n'est en rien entravée par cette mesure puisque les plus fragiles en seront exonérés. Par ailleurs le plafonnement prévu protégera les plus malades. Le système des franchises est en vigueur dans plusieurs pays européens, dont certains sont dirigés par des socialistes (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La commission a adopté un amendement prévoyant qu'un rapport au Parlement précise, chaque année, les conditions d'utilisation de la franchise, afin de garantir toute la transparence nécessaire.

Enfin, parce qu’il existe d'importantes inégalités territoriales, le projet comporte des dispositions visant à promouvoir une répartition plus équilibrée des professionnels de santé sur le territoire. Si des inquiétudes se sont exprimées à ce propos, je souhaite rappeler mon attachement, mais aussi celui du Gouvernement, au principe de la liberté d'installation. La philosophie de ces dispositions consiste à inviter à une très large concertation sur ces questions, dans le cadre des états généraux de la démographie, au cours du premier semestre 2008. La commission a adopté un amendement disposant que les représentants des internes et des étudiants en médecine seront étroitement associés aux négociations conventionnelles.

Pour l’ensemble de ces raisons, et sous réserve de l’adoption de ses amendements, au nombre d’une centaine, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vous propose d'adopter ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Roland Muzeau – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58. Le rapporteur n’a rien dit des accidents du travail et des maladies professionnelles. Quel rapporteur en parlera ? Il est tout de même scandaleux que ni le PLFSS, ni les rapports, ne disent mot sur ces questions !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Cela viendra dans le débat !

M. Roland Muzeau – La Fédération nationale des accidentés de la vie a rendu public aujourd’hui un communiqué, rapportant que la réunion auquel elle devait participer aujourd’hui avec la ministre de la santé, et qui avait été décidée suite à la manifestation du 13 octobre, a été annulée. Nous sommes face à une logique implacable ! Le Gouvernement ignore les AT-MP !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l’assurance vieillesse – Monsieur Muzeau, un chapitre entier du PLFSS est consacré aux A-MP.

M. Roland Muzeau – Il n’y a rien dans les rapports !

M. Denis Jacquat, rapporteur – La discussion à propos de la branche vieillesse a été marquée en commission par l’insistance sur le thème de la revalorisation des pensions de retraite. L’objectif des dépenses des régimes obligatoires d’assurance vieillesse a été construit sur la base d’une revalorisation de 1,1 % pour 2008, faisant suite à une revalorisation de 1,8 % en 2007. Cette revalorisation de 1,8 % avait donné aux retraités 0,5 point de pouvoir d’achat supplémentaire (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Le fait que le Gouvernement le reprenne l’année suivante n’est pas du tout compris. Ce n’était pourtant que l’application de la loi : l’indexation des pensions sur l’inflation est la meilleure garantie qui puisse être apportée aux retraités. La France expérimente depuis vingt ans diverses procédures de revalorisation ; celle de 2003 était la moins mauvaise, et j’invite donc le Gouvernement à ne pas le modifier sous le coup de protestations ponctuelles.

La véritable question, c’est de savoir comment revaloriser les petites pensions. La loi dispose qu’une conférence tripartite, réunissant le Gouvernement et l’administration, les organisations syndicales et les organisations d’employeurs, doit se réunir au moins une fois tous les trois ans pour examiner la nécessité de revalorisations. Le Gouvernement nous a fait savoir que cette conférence serait réunie fin novembre ou début décembre. Il faut que le Parlement laisse le temps à ce dialogue. Cependant, la loi du 23 août 2003 dispose qu’une revalorisation décidée par cette conférence devrait attendre, pour être appliquée, son inscription dans le PLFSS suivant. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement permettant d’inscrire cette modification dans la loi sans attendre aussi longtemps.

J’attends de cette conférence une proposition consensuelle sur la revalorisation des petites pensions. Le Président de la République s’était engagé fortement…

M. Patrick Roy – Insistez sur « fortement » !

M. Denis Jacquat, rapporteur – …en faveur de celle-ci. Le niveau très faible des pensions, en particulier pour les veuves de guerre, crée des situations dramatiques : certaines personnes n’osent plus consulter leur médecin, de crainte de recevoir une prescription qui leur occasionnerait une charge, ne serait-ce que de deux ou trois euros.

M. Patrick Roy – Et les franchises ne vont rien améliorer !

M. Denis Jacquat, rapporteur – Cette revalorisation est un devoir d’assistance, si ce n’est même un devoir d’humanité.

Puisque le Gouvernement attend des propositions du Parlement, en voici deux. Il conviendrait, tout d’abord, de modifier le calcul de la réversion, soit en relevant le taux de 54 %, qui ne devait être que la première étape de la revalorisation décidée par Mme Veil – sans que l’étape suivante ait jamais eu lieu –, soit en créant un filet de sécurité, par le biais d’un taux variable garantissant un montant minimal de réversion.

Il faudrait également modifier le calcul de l’assiette des revenus pris en compte pour calculer le plafond de ressources, en en excluant les revenus fictifs qui ne correspondent à aucune rentrée d’argent, comme les biens immobiliers. On finit par ne plus calculer les revenus des veuves, mais leur patrimoine ! Il faudrait adopter le même principe qu’en matière d’impôt sur le revenu.

L’abattement de 30 % sur les revenus professionnels devrait être appliqué à tous les veufs. L’âge auquel ils en bénéficient n’a pas été abaissé concomitamment à l’abaissement de l’âge ouvrant droit à réversion.

Quant à la situation faite aux veuves de guerre, nous sommes dans l’indécence ! Je connais ces personnes qui, par culture militaire, se taisent, et je vous adresse pour elles un appel au secours. Alors que leurs maris se sont battus pour notre pays, leurs veuves se retrouvent sans ressources.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 confirme la tendance à la dégradation des comptes de l’assurance vieillesse constatée en 2007. Contrairement aux prévisions, les demandes de liquidation anticipée de pensions au titre des carrières longues ne faiblissent pas. On peut se déclarer satisfait en disant que le Gouvernement avait vu juste en faisant adopter cette mesure en 2003. Mais elle est un signe de l’inquiétude des Français quant à l’avenir du système des retraites ainsi que du mal-être de nombre d’entre eux dans le monde du travail.

Outre la prise en compte des problèmes de pénibilité au travail, un remède peut être apporté à la faveur du rendez-vous de 2008. Le Gouvernement a décidé d'agir pour améliorer le taux d'activité des seniors. Les préretraites et mises à la retraite d'office sont ainsi réformées radicalement, ce qui est une bonne chose et s'inscrit dans la continuité de la loi Fillon de 2003.

Mais il est indispensable de clarifier l'avenir des retraites. Ce doit être l'objet central du rendez-vous de 2008, qui ne doit pas être présenté comme un rendez-vous d'ajustement financier destiné à rétablir l'équilibre des comptes.

Voici trois autres propositions à cet égard. Il n'est pas exact de dire que le gouvernement Jospin n'a rien fait pour réformer les retraites.

Mme Arlette Franco – C’est pourtant vrai !

M. Denis Jacquat, rapporteur – Il a mis en place le Fonds de réserve pour les retraites. Il n'a fait que cela ! Je l’avais soutenu à la condition que ce fonds soit doté de ressources pérennes ; on en est loin !

Ce fonds est toutefois, aux côtés des lois Balladur et Fillon sur les retraites, le seul instrument prospectif de très long terme existant dans notre pays. C’est un instrument créateur de richesses.

Mme Michèle Delaunay – Absolument !

M. Denis Jacquat, rapporteur – Les placements du FRR en 2006 ayant rapporté 6,5 points de plus que les obligations assimilables du Trésor, il est plus utile d’employer des recettes à abonder ce fonds qu’à désendetter l’État.

Le rendez-vous de 2008 doit être l'occasion de le conforter. Il faut que la loi définisse les missions que l'on attend de lui à compter de 2020, quand il commencera à débloquer ses réserves, et notamment confirmer sa mission de lissage des cotisations des assurés du régime général et des régimes alignés. Il ne faut surtout pas élargir l'emploi de ces réserves aux fonctionnaires, aux professions libérales et aux exploitants agricoles. Les pensions des fonctionnaires sont subventionnées pour 85 % par le budget de l'État ; c'est un choix de gestion qui remonte à 1853 et auquel les fonctionnaires tiennent. Il faut en accepter les avantages et les contraintes ; il ne faudrait donc pas que le Trésor finance des pensions civiles et militaires en puisant dans des réserves constituées pour les travailleurs salariés. Quant aux professions libérales et aux exploitants agricoles, ils ont fait le choix d'un système indépendant de retraite fondé sur une gestion propre.

En deuxième lieu, il faut revoir l’assiette du revenu de référence pour éviter qu’il ne soit raboté artificiellement selon des modalités comptables, comme le fait cette circulaire de 1973 – dont je conteste la légalité – du directeur de la CNAV qui exclut l’année de départ à la retraite du calcul des 25 meilleures années.

D’autre part, il faut anticiper l’arrivée à la retraite de ceux qui ont enchaîné stages, formations et petits boulots et qui, même s’ils ont trouvé la stabilité professionnelle à 40 ans, n’auront guère plus que le minimum vieillesse. Les règles de l’assurance vieillesse ont été conçues pour des salariés dont la carrière serait rectiligne. Il faut réfléchir à leur application à une nouvelle génération qui n’a connu que la crise économique.

On a réglé le problème des polypensionnés en 2003, mais non celui des salariés qui alternent travail en France et à l’étranger. La Commission européenne a décidé d’instruire pour discrimination et obstacle à la libre circulation une plainte de travailleurs frontaliers. Je souhaite que vous donniez des instructions pour qu’on étudie l’extension du régime des polypensionnés à ces travailleurs, dans le cadre de la préparation du rendez-vous de 2008.

Enfin, les Français auront davantage confiance dans leur système de retraite si l’on met en œuvre le droit à l’information sur la retraite voté en 2003. J’en ai fait mon thème d’étude cette année. L’information sur le droit à retraite en France est excellente et le GIP Info-retraite fonctionne parfaitement. Au cours d’une visite en Allemagne, j’ai constaté que l’assuré y dispose chaque année, dès l’âge de 27 ans, d’une estimation de ses droits à pension. Il serait bon de donner la même information en France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Féron, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour la famille – La branche famille est le parent pauvre de ce projet et les questions familiales ne figurent certainement pas parmi vos priorités.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Tout de suite des contre-vérités !

M. Hervé Féron, rapporteur – Dans votre très large champ de compétence, la famille est un problème social parmi d’autres.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Je ne vous permets pas !

M. Hervé Féron, rapporteur – Les aides publiques consacrées aux familles atteignent, selon la Cour des comptes, 69 milliards. Cependant il ne semble pas exister de stratégie claire de politique familiale. Il est urgent d’avoir une vision pluriannuelle tenant compte des facteurs démographiques à long terme, d’autant qu’il s’agit d’infléchir des modèles culturels bien ancrés pour, par exemple, inciter les pères à réduire leur activité professionnelle lors d’une naissance.

La création d’un conseil d’orientation de la politique familiale semble donc s’imposer, pour définir une politique au sens large, sans se limiter aux compétences de la branche famille. Il faudrait y associer les partenaires sociaux, des parlementaires, mais aussi les associations familiales et les grands mouvements qui connaissent bien le corps social. La conférence de la famille disparaît ainsi au profit d’une instance permanente. Il serait néanmoins souhaitable qu’une fois par an les acteurs de la politique familiale se réunissent autour du Premier ministre pour faire le point sur les projets du Gouvernement.

Dès sa création, cette instance permanente devrait remettre à plat les aides aux familles qui se sont accumulées, parfois selon des logiques contradictoires. Y a-t-il une réelle compensation du coût de l’enfant, les mécanismes existants sont-ils cohérents ?

Dans le système français, la compensation du coût de l’enfant va croissant avec la taille de la famille et l’accent est mis sur le troisième enfant. Est-ce raisonnable, alors que les familles avec un ou deux enfants sont désormais les plus fréquentes ? Ne faut-il pas réfléchir à la meilleure manière d’inciter les couples à créer une famille ? À Maisons-Alfort, le 2 février dernier, Nicolas Sarkozy disait souhaiter qu’une allocation familiale soit versée dès le premier enfant, qui représente une charge très lourde pour les jeunes couples en début de carrière professionnelle. D’autre part, avec l’allongement de la durée des études, de jeunes adultes restent plus longtemps chez leurs parents que par le passé. Ne faudrait-il pas réfléchir aux moyens de leur autonomie, dans le cadre de la politique familiale ?

Le conseil d’orientation devrait aussi s’interroger sur les moyens alloués à cette politique. Selon le rapport de septembre 2007 de la Cour des comptes, la branche famille pourrait revenir à l’équilibre en 2008 et dégager des excédents importants d’ici 2010. Les arbitrages financiers ne doivent pas porter seulement sur l’évolution des différentes prestations, mais aussi sur l’affectation des marges financières dégagées par la branche. Est-il légitime qu’elle assume des dépenses nouvelles relevant de la politique familiale dans un sens plus large ?

Ensuite, Monsieur le ministre, quels sont vos projets pour améliorer l’offre de garde des enfants ? On a évoqué l’idée de créer un droit opposable ou un service public de la petite enfance. Mais on s’est gardé de dire quelles doivent être les responsabilités respectives de l’État, de la branche famille et des collectivités locales dans l’organisation et le financement des modes de garde.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail J’attends vos propositions.

M. Hervé Féron, rapporteur N’est-il pas paradoxal d’annoncer que le droit opposable à la garde d’enfant devra être opérationnel d’ici à la fin de la législature alors que nombre de communes ont du mal à financer les crèches et les centres de loisirs en raison du désengagement de la CNAF, qui a réformé en 2006 l’utilisation de ses crédits d’action sociale ? Le nouveau contrat enfance jeunesse qui fusionne le contrat enfance et le contrat temps libre ne bénéficie plus que d’un taux de participation de 55 %, en forte baisse. La CNAF a décidé de recentrer sa politique d’action sociale sur les territoires sous-équipés et a demandé aux CAF de classer les communes selon ce critère. Mais les CAF ont-elles tenu compte de certaines réalités locales ?

Les collectivités locales, déjà pénalisées par d’autres transferts de charges de l’État, pâtissent tellement de ce désengagement de la branche famille que la CNAF a mis sur pied un fonds national d’accompagnement des contrats enfance et jeunesse doté de 20 millions pour accompagner la mise en place de son nouveau contrat. Pouvez-vous nous présenter un bilan de l’utilisation de ce fonds, dont l’existence même montre qu’il est nécessaire de revoir les critères trop rigoureux du contrat enfance jeunesse ?

J’en viens au PLFSS. Avec les articles relatifs à la famille, on nous demande un peu de signer un chèque en blanc, puisqu’il s’agit d’approuver des principes qui peuvent faire un large consensus sans savoir comment ils seront mis en œuvre.

Ainsi, l’article 59 module selon l’âge de l’enfant l’allocation de rentrée scolaire. C’est tout à fait pertinent.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Ah !

M. Hervé Féron, rapporteur – Mais je ne peux accepter l’idée que cette réforme se traduise par une réduction du montant de la prestation pour les jeunes enfants afin de compenser la majoration pour les adolescents.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – J’ai été clair en commission.

M. Hervé Féron, rapporteur  Dites-nous clairement si cette réforme doit se faire à enveloppe constante.

D’autre part, pourquoi avoir étendu la prestation de compensation du handicap aux seuls enfants percevant un complément de l’allocation d’éducation pour l’enfant handicapé ? Et les maisons départementales des personnes handicapées, qui ont déjà du mal, faute de moyens, à traiter les dossiers des adultes, seront-elles en mesure de traiter ces nouveaux dossiers dans des délais raisonnables ?

Je déplore qu’en 2008, au lieu d’offrir des moyens accrus aux familles, la branche fasse une économie de 130 millions : 80 au titre de la suppression de la première majoration pour âge des allocations familiales et 50 en raison de l’option pour la prestation de compensation du handicap, qui sera prise en charge par la CNSA. Comment seront utilisées les marges financières ainsi dégagées ? Ne pourrait-on en profiter pour revaloriser l’allocation de rentrée scolaire ? Ce serait une mesure utile pour lutter contre la pauvreté. Lors du conseil des ministres du 17 octobre, Martin Hirsch a présenté une communication sur l’engagement national contre la pauvreté. Il n’est pas tolérable que notre pays compte 2 millions d’enfants pauvres. Or, malgré l’engagement du Gouvernement à faire de ce contrat une priorité, rien n’a été fait pour les familles les plus vulnérables. Le sujet a même été déprogrammé de la conférence de la famille en 2005, puis de la conférence contre l’exclusion en 2006.

S’agissant de la réforme de la protection de l’enfance, où en sont les textes d’application ? Qu’en sera-t-il en 2008 de la contribution de la branche famille au Fonds de financement de la protection de l’enfance, dont vous indiquiez qu’elle était de 30 millions cette année ?

J’ajoute que le droit de la sécurité sociale oublie certaines évolutions sociologiques, et notamment les familles homoparentales. Je regrette que la commission ait rejeté mon amendement visant à remplacer le congé de paternité par un « congé d’accueil à l’enfant », qui aurait permis à la compagne d’une jeune mère d’en bénéficier.

Mme Laurence Dumont – C’est bien dommage, en effet !

M. Hervé Féron, rapporteur – Enfin, il n’existe aucune politique publique de soutien à la fonction parentale, malgré d’excellentes initiatives locales. Les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement fonctionnent bien mais gagneraient à être pilotés au niveau national. Il faut aussi pérenniser les financements des associations d’aide à la parentalité et informer les familles les plus vulnérables de leur existence.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles – Le débat s’annonce long : il y a plus de six cents amendements ! Comme les rapporteurs, je souhaite que la responsabilité et la solidarité soit au cœur de cette discussion sur un budget de 540 milliards. L’État-providence de la France est l’un des plus développés d’Europe : deuxième après la Suède pour le montant des dépenses, il permet notamment au cinquième de la population le plus défavorisé d’améliorer ses revenus de plus de moitié ! Soyons-en fiers.

N’occultons pas pour autant le lien étroit qui, dans le monde ouvert qui est le nôtre, unit l’emploi et les cotisations sociales, de même qu’il faut veiller à distinguer entre salaire direct et indirect – celui-ci ayant, ces dernières années, connu une plus forte hausse en pouvoir d’achat.

Je souhaiterais que ce débat soit l’occasion d’aborder deux dossiers : la barémisation des allégements de cotisations sociales, car la situation est illisible aujourd’hui – pourquoi les cotisations patronales au niveau du SMIC sont-elles de 20 % alors qu’elles dépassent 32 % en Europe ? – et l’introduction de la prime pour l’emploi sur la feuille de paie.

Les progrès réalisés depuis cinq ans, du ralentissement du rythme de croissance des dépenses à la création d’outils tels que le Haut conseil de l’assurance maladie, la Haute autorité de santé ou le parcours de soins, sont autant d’encouragements à poursuivre l’amélioration de notre système de santé. Toutefois, et malgré la réserve de sept milliards, il serait préférable de hiérarchiser les priorités plutôt que de les multiplier, de peur de devoir en abandonner certaines en fin d’année.

S’agissant des franchises, évitons toute caricature : en premier lieu, la mesure est due à des excès de transport ou de médicament. En outre, quinze millions de personnes en seront exonérées !

Ensuite, nous avons porté les recettes des stock-options à 400 millions.

M. Roland Muzeau – C’est une goutte d’eau ! Quid des trois milliards prévus par M. Séguin ?

M. le Président de la commission – Peut-être s’est-il trompé… Une telle somme viderait la France de ses sièges sociaux ! Nous avons choisi un montant propre à faire participer le maximum de ceux qui peuvent payer sans effrayer les entreprises. J’en viens à la solidarité locale, en faveur des zones rurales notamment : il faudra se résoudre, enfin, à financer les maisons médicales de santé et les maisons de garde.

Heureusement, les dossiers prometteurs ne manquent pas, des agences régionales de santé aux affections de longue durée ou au dossier médical personnel.

J’ajoute que, si j’ai fini par voter tout à l’heure le texte relatif à l’immigration, c’est grâce à un amendement qui permet de reconnaître les travailleurs étrangers qui exercent dans des secteurs en tension. La sécurité sociale trouvera dans cette mesure une recette supplémentaire.

Les raisons d’espérer sont donc plus nombreuses que celles de s’effrayer. Je vous conseille pour conclure la lecture de trois excellents rapports : ceux du Haut conseil de l’assurance maladie, de la Haute autorité de santé et du Conseil d’orientation des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC).

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances – Ce PLFSS est un projet équilibré qui prépare l’avenir. La commission des finances, qui approuve le calendrier fixé par le Gouvernement, sera présente aux grands rendez-vous de 2008 en matière de santé.

M. Jacques Desallangre – Nous voilà rassurés !

Mme la rapporteure pour avisChacun reconnaît que la situation financière des régimes de base est mauvaise, notamment pour les branches vieillesse et maladie. Le projet de loi comporte des mesures de redressement qui permettront de ramener le déficit du régime général de 14 à 8,9 milliards. Les mesures d’économie comprennent notamment les franchises médicales, la lutte contre la fraude et certaines recettes nouvelles.

La nomination d’un ministre des comptes publics est un grand progrès dans la gestion de nos finances. Autre motif de satisfaction, le règlement d’une très ancienne querelle de clocher, dite de Bercy et de Ségur, qui a longtemps opposé les « financiers » et les « sociaux ». L’apurement de la dette de l’État à l’égard du régime général est un geste essentiel.

M. Jean-Marie Le Guen – Doit-on applaudir ?

Mme la rapporteure pour avisCertes, les dettes de 2007 et 2008 demeurent, mais pas dans les mêmes proportions.

M. Jean-Marie Le Guen – Quatre milliards d’impayés !

Mme la rapporteure pour avisEn effet, l’État ajustera ses compensations en fonction des pertes de recettes de la sécurité sociale, partagera les recettes fiscales de manière plus cohérente et remettra à niveau les crédits qui financent les prestations sociales.

Ce seront autant de frais financiers en moins que l'ACOSS exposera : ainsi, l'apurement de dette lui permettra d'économiser 200 millions en 2008. De même, il permet en 2007 de ne pas dépasser le plafond d'emprunt fixé à 28 milliards pour le régime général.

Pour autant, ce sujet continuera de retenir l'attention de la commission des finances : avec un plafond d'emprunt porté à 36 milliards l'an prochain, le financement via la convention liant l'ACOSS et la Caisse des dépôts atteindra vraisemblablement ses limites dans le cadre actuel. Par ailleurs, l'émission de billets de trésorerie par l'ACOSS – utilisée depuis bientôt un an avec succès – ne présente pas les mêmes garanties de sécurité qu'un amortissement à long terme, à l'abri des fluctuations immédiates du marché.

À cet égard, l'impact de la crise financière de cet été sur la gestion de la trésorerie de la sécurité sociale s’est limité à 300 000 euros. Pour autant, je m'interroge sur le pilotage du « risque financier » ou « sixième risque » de la sécurité sociale. Quelle sera la façon la plus soutenable de porter la dette du régime général ? Au sein de la CADES, avec toutes les implications d'un transfert supplémentaire, ou en trésorerie, avec les tensions ponctuelles de gestion qui peuvent en résulter ?

Il nous faut rester mesurés. En effet, la couverture des dépenses par les recettes de la sécurité sociale avoisine toujours 96 %, comme en témoigne le programme de qualité et d'efficience relatif au financement. L'État ne peut pas en dire autant ! Ces « PQE » sont l’une des avancées permises par la loi organique du 2 août 2005, et le signe qu'un pilotage par la performance de la sécurité sociale, entamé bien avant l’entrée en vigueur de la LOLF, est possible.

Les fruits d'une réelle vision consolidée entre finances de l'État et finances sociales sont notables. Les récoltes de demain passeront par un pilotage financier plus ambitieux encore, et par des mesures connexes, comme le rapprochement – prôné par le président de notre commission – entre le PLF et le PLFSS. Nous en détaillerons le pour et le contre lorsque nous examinerons les moyens d'assurer le financement de notre système de protection sociale.

C'est dans cette logique de réflexion que j'ai souhaité me placer en tant que rapporteure pour avis au nom de la commission des finances. Celle-ci n'a pas souhaité reprendre certains amendements, démagogiques – quand ils proposent la suppression des mesures destinées à décourager les préretraites et les retraites anticipées –, incohérents – quand ils réclament le maintien de certaines exonérations de cotisations tout en en contestant ailleurs le principe –, inopérants – lorsqu'ils entendent réécrire le principe de compensation de ces exonérations – ou encore de mauvaise foi – quand ils s’effarouchent du relèvement du taux « K », alors que cette progression demeure minime par rapport aux demandes des entreprises.

D’autres amendements sont politiquement compréhensibles, lorsqu’ils contestent les franchises médicales ou visent à taxer les plus-values de cession de stock-options ou d'actions gratuites. À ce sujet et à titre personnel, je soutiens l’amendement pertinent et équilibré de notre collègue Yves Bur, adopté par la commission des affaires sociales, qui vise à créer une contribution patronale et une contribution salariale sur les stock-options et les attributions gratuites d'actions.

La commission des finances a adopté deux amendements déposés par le groupe socialiste : l'un renforce l'obligation d'information relative aux dépassements d'honoraires figurant à l'article 28 ; l'autre encourage plus vigoureusement les études post-AMM pour les médicaments.

Certaines mesures structurelles visent à remettre la sécurité sociale sur la voie du redressement des comptes : emploi des seniors, répartition géographique des professionnels de santé, nouveaux modes de rémunération des médecins, franchises ciblées. C’est là le signe d’une démarche de réforme réfléchie et ambitieuse.

Est également présent dans ce PLFSS le souci de lutter contre les fraudes, endogènes au système, parce qu’étant la conséquence de la déresponsabilisation des acteurs. Je me réjouis donc des dispositions de ce projet de loi, qui permettent un renforcement du contrôle sur les indemnités journalières, notamment au travers de la coordination entre le praticien conseil et le médecin de l'entreprise.

Enfin, cette démarche de réforme est animée par le souci de l'équité, les efforts à fournir pour parvenir à un redressement étant répartis entre les différents acteurs. En effet, si la responsabilisation des assurés est recherchée au travers des franchises médicales, c'est aussi un objectif de responsabilité qui inspire la décision de subordonner les revalorisations tarifaires des professionnels de santé à l’absence de dépassement excessif de l’ONDAM. L’effort des entreprises du médicament est également sollicité.

La commission des finances apprécie à sa juste valeur ce texte de refondation et de préparation des réformes. Elle ne peut que vous encourager, mes chers collègues, à l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 20.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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