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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 23 octobre 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 45
20ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures quarante cinq.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2008 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen – Il est clair, depuis le début de cette discussion et surtout après une première semaine de débats sur le budget de l’État, que nous vivons une époque pour le moins particulière, mais l’ambiance qui règne ici ne me semble pas adaptée à la gravité des questions que nous avons à traiter.

M. Christian Paul – C’est le Titanic avant l’iceberg ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – La politique du Gouvernement est-elle faite de continuité ou de rupture ? La présence de Xavier Bertrand cet après-midi eût pu faire pencher pour la continuité, mais personne dans cet hémicycle ne semble avoir envie d’assumer le bilan des cinq dernières années en matière de sécurité sociale. Il est vrai que nous ne pouvons aujourd’hui que constater l’échec de la réforme de 2004, à commencer par les chiffres de nos déficits de 2006 et de 2007 ou par le raté dramatique du dossier médical personnel, sur lequel il a fallu constituer une mission parlementaire pour enquêter, mais surtout parce que plusieurs des articles de ce projet démontrent que la majorité ne croit plus à la politique qu’elle avait engagée. Nous aurions pu apprécier l’abandon de certaines positions idéologiques. Ainsi, le texte reconnaît expressément la faillite de la convention médicale, celle-là même qui devait régler les questions de la permanence des soins, de la prévention et du bon usage des soins, en les sortant du débat conventionnel. La convention ne remplit pas ces objectifs essentiels, et il faut désormais avoir recours à des modes d’incitation par la rémunération des praticiens qui n’en font pas partie. Le texte envisage aussi, même si c’est de façon timide, que le paiement à l’acte pourrait ne plus être un dogme intangible. Le constat de faillite a donc à la fois des aspects financiers et politiques, et j’espère que Xavier Bertrand pourra nous expliquer comment il peut constater aujourd’hui un dérapage de 4 milliards qui n’était pas annoncé il y a encore quelques semaines. Comment, en effet, proposer une politique alternative sans s’expliquer d’abord ?

Si la continuité n’est donc pas à l’ordre du jour, doit-on parler, comme M. Woerth, de rupture ? On nous avait annoncé le redécoupage du ministère des affaires sociales, l’institution d’un ministère des comptes, à Bercy, qui imposerait une nouvelle rigueur… Mais comment une majorité qui présente pour la sixième fois un déficit supérieur à 10 milliards pourrait-elle parler de rigueur comptable, surtout avec un budget aussi trafiqué que celui-là ?

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Il est vrai que vous êtes expert !

M. Jean-Marie Le Guen – Quel donneur de leçons remarquable ! Il est dommage que vous vous montriez moins à votre avantage lorsqu’il s’agit de répondre à des questions précises… Quant à la rigueur comptable dont vous vantiez les charmes, on a du mal à en trouver trace.

Ni rupture, ni continuité : ce projet de loi de finances est celui de l’immobilisme avant la crise.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l’équilibre général  Ça vous va bien de dire ça !

M. Jean-Marie Le Guen – Vous avez inventé la loi de finances à durée limitée. Votre goût général pour la précarité doit déteindre sur le budget… Car dans trois mois, nous savons tous que vous serez confrontés à une crise financière sans précédent, sans compter, peut-être pour la première fois, une crise sanitaire.

Au-delà des effets injustes de votre politique à l’égard des familles et des retraités, c’est notre État-providence qui est en crise, parce que vous n’avez pas su ni voulu le réformer à temps. Nous savons que notre système de protection sociale doit être profondément réformé, qu’il s’agisse des retraites ou du système de santé. Nous savons que le vieillissement de la population vient bouleverser le fonctionnement de notre État-providence, du point de vue des retraites, de la maladie ou plus généralement du travail, et que le monde s’est engagé dans la révolution génomique alors que nous n’avons même pas encore tiré les conclusions de la transition sanitaire que nous connaissons. Nous savons que notre système de santé doit intégrer les nouvelles technologies de la communication qui sont encore balbutiantes dans notre pays.

Ces réformes, il eût fallu avoir le courage de les mener pour de bon, en faisant appel à l’effort des Français. Ils savent que nous aurons à dépenser beaucoup plus pour notre santé dans les années qui viennent, qu’il s’agisse des prélèvements obligatoires ou des dépenses personnelles. Mais ils voudraient avoir la certitude que cet effort leur sera demandé en temps et en heure et qu’il sera utilisé efficacement.

En 2004, en défendant la question préalable contre votre réforme de l’assurance maladie, nous avions dit qu’on ne pouvait se contenter de réformes touchant au comportement des assurés, qu’il fallait s’attaquer à l’organisation du système de soins. Aujourd’hui, la crise financière est telle, avec tous les déficits cumulés, que nous pouvons douter de l’avenir de notre système de protection sociale. Pourtant, il est possible de réformer notre État-providence et nos systèmes de retraite et de santé dans le sens de la précarité. Les cinq ans que vous avez perdus se sont soldés par une hémorragie financière qui pèse lourdement sur l’avenir. Vous avez transféré 50 milliards en 2004 à la CADES, il y aura 14 milliards supplémentaires à assumer en 2007, et 10 milliards en 2008.

Mais, si vous parlez beaucoup de réformes, le texte ne comporte rien de sérieux en ce sens. Nous payons ce manque d’action par un modèle de soins obsolète, qui a été maintenu trop longtemps en l’état pour des raisons idéologiques et clientélistes.

La crise financière est avérée : les déficits s’ajoutent les uns aux autres sans aucun espoir, ni du point de vue des recettes, ni de celui des dépenses. Ce budget n’a pas été construit de façon sincère. En ce qui concerne les recettes, vous faites encore une fois – peut-être la dernière – appel à des expédients : vous touchez par anticipation des recettes qui n’existeront plus dans les années suivantes.

Vous prélevez ainsi 2 milliards pour réduire artificiellement le niveau du déficit. De surcroît, vos hypothèses budgétaires sont fondées sur des prévisions de croissance largement contestées – et même les économistes qui vous suivent s’agissant des recettes vous contredisent pour ce qui est du déficit annoncé. Et pour cause : votre plan de limitation des dépenses est aussi peu crédible que vos plans précédents, fragiles châteaux de cartes tôt effondrés. De maîtrise des dépenses de santé, point, tant s’en faut ! Vos projections, en budgets glissants, jusqu’en 2012, sont consternantes d’irréalisme mais, bien que vous les ayez construites, comme dans un songe, avec un ONDAM en progression annuelle de 1 % seulement, le déficit est toujours là. La Cour des comptes a fermement appelé l’attention sur la dégradation de la situation, précisant que 40 milliards seront nécessaires pour financer les déficits sociaux en 2009. A ces mises en garde sur l’énormité des sommes à trouver, que répond le Gouvernement ? Rien !

J’en viens à votre gestion de la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – l’ACOSS. Demander au Parlement 35 milliards d’autorisation de découvert, ce n’est plus lui demander une facilité de caisse ; c’est, purement et simplement, une dette dissimulée et, si nous étions en comptabilité privée, de biens vilains mots qualifieraient un tel trou de trésorerie : faux bilan, faillite frauduleuse… (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C’est la réalité, chers collègues ! La Caisse des dépôts aura bien du mal à assumer le déficit que vous imposez à la sécurité sociale, déficit qui est déjà de 700 millions cette année, et qui s’élèvera à 1,2 milliard en 2008. Or, les fameuses franchises censées tout résoudre ne rapporteront que 700 à 800 millions. Autant dire que l’augmentation de la CRDS est déjà inscrite en filigrane dans ce PLFSS, mais vous le dissimulez aux Français, qui subiront cette vilenie après les municipales… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur, rapporteurVous êtes décidément obnubilés par les municipales ! Vous feraient-elles peur ?

M. Jean-Marie Le Guen – Vous, en tout cas, n’avez pas peur de faire payer les Français ! Osez me contredire ! Dites haut et clair que la CRDS n’augmentera pas en 2008, pour assainir le passif dû à votre mauvaise gestion ! Il faudra, certes, payer plus pour notre santé, mais il faut avoir le courage de le dire, et faire comprendre à nos concitoyens que cette dépense est judicieuse si l’argent ainsi investi permet d’améliorer notre capital humain. Nous ne devons pas redouter de dépenser plus si nous rendons de ce fait la société française plus solidaire et plus compétitive.

M. Yves Bur, rapporteurVos propos sont contradictoires !

M. Jean-Marie Le Guen – Mais, ayant, par votre incurie, placé la sécurité sociale dans une situation calamiteuse, vous ne vous faites pédagogues que pour proclamer les bienfaits des déremboursements et des franchises médicales, autant d’étapes supplémentaires sur la voie de la privatisation de la sécurité sociale (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Et ne prétendez pas que ces franchises sont conçues pour financer des dépenses nouvelles quand, dans vos propres tableaux comptables, elles viennent en réduction du déficit ! Et puis, Madame la ministre, vous avez expliqué que le montant des franchises serait limité à quatre euros par mois. Mais où cela apparaît-il dans le texte ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Nulle part !

M. Jean-Marie Le Guen – Non seulement les franchises s’ajoutent au ticket modérateur, aux dépassements d’honoraires et aux déremboursements, mais il n’est pas prévu qu’elles soient plafonnées. Le Président de la République ayant indiqué que les franchises étaient destinées à équilibrer les comptes de la sécurité sociale, on comprend qu’elles sont vouées à augmenter en tant que de besoin, et l’on comprend tout l’intérêt de la saignée financière à laquelle vous soumettez les comptes sociaux : parvenir à ce que les Français renoncent à la solidarité nationale. Au terme de la manœuvre, les malades paieront pour les malades, au mépris du principe qui fonde notre sécurité sociale et selon lequel les bien-portants payent pour ceux qui ne le sont pas. Voilà la réalité de votre projet ! Dans ce contexte, la notion, nouvelle, de bouclier sanitaire s’explique fort bien. Elle consiste en effet à considérer que la solidarité vaut pour les plus pauvres et pour les grands malades ; pour les autres, les assurances privées ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur, rapporteur Caricature !

M. Jean-Marie Le Guen – Ce faisant, vous remettez en cause le pouvoir d’achat des classes moyennes et la solidarité nationale en leur faveur, instaurant de fait une sécurité sociale à deux vitesses, qui privilégiera ceux qui pourront assumer le coût d’une assurance complémentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Nous l’avons bien compris, le budget qui nous est présenté ne fait donc que marquer le commencement d’un processus mûrement réfléchi, le « bouclier sanitaire » n’étant évoqué que pour rassurer ceux qu’émeut particulièrement le sort des plus démunis. Pour notre part, nous ne considérons pas que les classes moyennes doivent être privées de sécurité sociale (Applaudissements sur les mêmes bancs).

Cette situation financière considérablement dégradée s’assortit en outre d’une crise sanitaire sans précédent. J’évoquerai en premier lieu la désertification médicale, qui ne résulte pas seulement de la pénurie des personnels de santé – dont nous sommes, pour partie, responsables, je l’admets (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Vous avez en effet notoirement aggravé la situation par la convention de 2005, rejetée par une large majorité de médecins généralistes – et vous vous étonnez maintenant que les jeunes médecins ne vous suivent pas ! Le système de santé est totalement désorganisé car, par clientélisme, vous restez attachés à un modèle de médecine libérale dépassé, celui du médecin de famille installé dans un village. On n’en est plus là du tout ; ce qui importe désormais, c’est une prise en charge globale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’assurance maladie et les accidents du travail – Ce n’est pas tout à fait exact.

M. Jean-Marie Le Guen – Mais si ! La crise est d’autant plus grave que les généralistes les plus âgés, épuisés, ne songent qu’à déposer leur plaque, vous le savez comme moi (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). À cela s’ajoute la question brûlante des dépassements d’honoraires, qui entravent l’accès aux soins pour nombre de nos compatriotes.

Que dire encore de la crise de l’hôpital public, qui doit faire face en même temps à l’austérité budgétaire, à une T2A imposée brutalement et à la convergence imposée entre secteur public et secteur privé – mouvement de convergence qu’il vous a cependant fallu suspendre pour un an ? Le résultat de votre politique, c’est l’irruption des fonds de pension dans le système sanitaire français. Ainsi, Blackstone, appâté par la très forte rentabilité prévisible, a racheté cet été pas moins de quatre-vingt cliniques privées, ce qui lui permettra de s’engraisser sur le dos de la sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous vous écriez, mais c’est pourtant la réalité ! Les appétits de Blackstone et de la Générale de santé, dont le cours de Bourse ne cesse de monter, vous paraissent-ils normaux, et rassurants pour notre système de santé ? Voilà la réalité de votre politique ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez décidé de prendre les jeunes internes comme boucs émissaires. Pour répondre à l’urgence sanitaire, Mme la ministre et ses services ont choisi la contrainte ! Après quelques semaines de ce mouvement social, nous avons tous compris que ce n’était pas la bonne solution. Nous avons besoin de ces jeunes médecins pour assurer l’avenir de notre système de santé ! Nous devons comprendre leur demande. Ils ne vous demandent ni plus d’argent, ni je ne sais quel monopole : ils vous demandent simplement de pouvoir exercer et garantir à leurs patients la qualité des soins, conformément à ce qu’ils ont appris. Ils savent que le modèle dans lequel nous vivons aujourd’hui ne permet pas de garantir cette qualité des soins aux Français. Ce n’est pas à la sécurité sociale de répondre à ce problème, mais bien à l’État, qui doit s’en saisir en urgence. Pourquoi pas un Grenelle de la santé ? Il faut un véritable bouleversement de l’organisation de notre système de soins, et c’est au pouvoir politique d’en prendre la responsabilité.

Si, par malheur, vous ne votez pas cette exception d’irrecevabilité, nous saisirons le Conseil constitutionnel. Nous lui dirons que les comptes de la Sécurité sociale sont présentés de façon déloyale et qu’ils sont retraités pour y cacher des déficits structurels. Nous lui dirons que l’accès aux soins est mis en cause par l’instauration de franchises. Nous mettrons en cause la responsabilité de l’État dans le droit à la santé. Le Gouvernement doit prendre cette question à bras le corps : c’est ce que vous demandent les internes, qui ne veulent pas être un élément parmi d’autres de négociations conventionnelles.

Je termine d’une phrase (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). La question de la santé est en passe de devenir la plus importante du quinquennat (« Nous sommes d’accord ! » sur quelques bancs du groupe UMP) Pendant cinq ans, vous n’avez rien fait ; et aujourd’hui, vous abordez cette question de la plus mauvaise manière qui soit (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Yves Bur, rapporteur – Nous connaissons le style flamboyant (« Pas tellement ! » sur les bancs du groupe UMP) de Jean-Marie Le Guen. Il ne nous a guère convaincus. Nous sommes d’accord sur un seul point : les dépenses de santé vont augmenter.

M. Christian Paul – C’est un scoop !

Mme Jacqueline Fraysse – C’est normal !

M. Yves Bur, rapporteur – C’est sans doute une fatalité, ou plutôt une chance à bien des égards, mais vous ne proposez aucune mesure tendant à garantir leur efficacité. Je me réjouis que vous reconnaissiez à cette tribune qu’il faudra exiger des Français des efforts – cotiser davantage, payer davantage – pour faire face à cette évolution des dépenses. Je salue ce courage ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC) Je note cependant que comme d’habitude, je n’ai pas vu l’ombre d’une proposition dans cette exception d’irrecevabilité. En ce qui concerne la santé, les propositions de votre candidate à l’élection présidentielle étaient d’ailleurs bien minces. Vous avez pris la défense des internes la main sur le cœur. Je vous renvoie aux propositions de Mme Royal : remise en cause de la liberté d’installation, création de maisons médicales… Vous nous expliquerez comment vous avez changé d’avis en si peu de temps !

Mme Bérengère Poletti – Par démagogie !

M. Yves Bur, rapporteur – Il n’y a donc pas lieu de voter cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Vous avez juste oublié, en effet, de nous dire ce que vous feriez à notre place, Monsieur Le Guen. La situation est évidemment difficile, et même si nous réduisons les déficits, leur niveau reste inacceptable. Mais nous avons bien l’intention de ne pas en rester là ! Nous allons d’ailleurs engager, à l’invitation du Président de la République, une réflexion sur la protection sociale et son financement. Il n’est pas possible d’y échapper, tant le système est à bout de souffle.

Ce PLFSS va dans le bon sens : il réduit les déficits et maîtrise la dépense ; les efforts sont partagés entre tous les acteurs de la Sécurité sociale ; enfin, il comporte de nombreuses réformes de structure. Vous parlez d’insincérité : je vous réponds « crédibilité » ! L’ONDAM est crédible. Certes, il est difficile à atteindre ; mais avec les franchises, il n’est pas hors de portée. S’il ne l’était pas, vous pourriez nous faire ce reproche d’insincérité.

On nous dit sans arrêt que nos prévisions de croissance ne sont pas réalistes. Je ne m’appuie pas systématiquement sur les économistes, mais je voudrais tout de même vous dire que la Lettre de l’OFCE – organisme proche de vous, si je ne m’abuse – table aujourd’hui sur un taux de croissance de 2,8 % pour la France.

M. Jean-Marie Le Guen – Parlez donc des déficits ! Il prévoit qu’ils dépasseront 3 % !

M. le Ministre du budget – Le ministère des comptes publics a été créé il y a quelques mois. Laissez-lui le temps de faire ses preuves !

La trésorerie de l’ACOSS est évidemment un sujet qui nous préoccupe. Mais la question qu’il faut poser aujourd’hui, c’est celle des structures de financement de la Sécurité sociale. C’est dans ce sens-là que nous allons. Vous avez d’ailleurs passé sous silence le fait que nous avons remis de l’ordre dans les relations financières entre l’État et la Sécurité sociale. Si vous voulez être lucide, faites une description exacte de la situation ! N’oubliez pas non plus que lorsque vous étiez au pouvoir, vous n’avez pas réformé la Sécurité sociale. Vous avez surfé sur la vague de la croissance, sans rien changer. Nous essayons, nous, de modifier les choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Vous vous êtes livré à un exercice obligé dont on connaît les limites. Je dirais pour ma part que vous avez parlé « en 3 D » : dépit, démagogie, double langage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le dépit, sans doute, de ne pas être le ministre de la santé de Mme Royal. La démagogie, puisque vous feignez de défendre un certain nombre de professionnels de santé que vous avez toujours attaqués. Le double langage enfin. Nous avons un problème de démographie médicale. Que faire ? Vous faites mine d’approuver le mouvement des internes, alors que si vous étiez au pouvoir, vous préconiseriez des mesures bien plus dures que celles que nous mettons en œuvre. Nous voulons des mesures qui respectent la liberté d’installation, et qui ouvrent le dialogue avec les jeunes internes – ce que vous n’avez jamais fait puisque le dialogue conventionnel s’est toujours déroulé entre syndicats de médecins et l’assurance maladie. Nous voulons que les jeunes médecins en soient partie prenante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous appelez à de nouveaux financements. Pourquoi pas, mais n’oublions pas que notre pays consacre déjà à sa santé 11 % de son PIB, soit le taux le plus élevé de l’OCDE ! Il y a des pays qui ont les mêmes performances avec des dépenses moins importantes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Avant de les augmenter, réfléchissons à l’efficience de notre système de santé ! Les ténors du parti socialiste avaient préconisé la TVA sociale, avant de la critiquer aujourd’hui : vous dites tout et le contraire de tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous parlez ainsi du bouclier sanitaire. J’ai eu raison de lancer le débat sur cette idée qui vient de la gauche, mais je n’entends dans vos rangs qu’un silence assourdissant ! Le parti socialiste ne dit rien, parce qu’il tient un double langage.

Il sait peut-être que c’est une solution, mais il n’a pas le courage d’assumer ses choix !

De même, vous préconisez des systèmes dont les médecins libéraux ne veulent pas et ne voudront jamais ; vous avez condamné les médecins de famille, condamné l’hospitalisation privée (Protestations sur les bancs du groupe SRC). Concernant l’hôpital public, c’est vous qui avez préconisé la tarification à l’activité ; vous savez bien que c’est un moyen de gestion moderne.

Mme Catherine Génisson – Nous n’avons jamais dit le contraire !

Mme la Ministre de la santé – Ah ! Merci, Madame Génisson…

Alors que nous proposons des mesures de lissage pendant cinq ans pour accompagner ce passage à la TAA, vous parlez, Monsieur Le Guen, de mesure brutale. Oui, vous pratiquez la démagogie et le double langage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel – Nous savions pouvoir compter sur vous, Monsieur Le Guen, pour mettre de l’ambiance… Mais je suis toujours peiné de voir quelqu’un de votre qualité se laisser aller dans l’excès, le fantasme et la caricature. Manipulateur de chiffres, toujours de mauvaise foi, vous êtes fidèle à votre rôle d’oiseau de mauvais augure.

Continuité, rupture ? Nous avons l’une et l’autre. Les internes ? Nous, nous les écoutons et voulons construire avec eux la médecine de demain.

Bien sûr, à défaut des proposer des solutions, vous brandissez la menace d’une saisine du Conseil constitutionnel. Le groupe UMP ne vous suivra pas, et votera contre l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt – Madame la ministre, c’est plutôt à propos de votre majorité, comptable pour la sixième année de l’évolution de notre système de santé, que l’on pourrait parler de « 3 D » : déficit, dette et découvert.

À propos du déficit, je rappelle à M. Bertrand que, lorsqu’il était aux côtés de M. Douste-Blazy, il nous annonçait le retour à l’équilibre pour 2007… La maîtrise médicalisée et la mise en place du dossier médical personnel devaient, nous disait-il, permettre d’économiser des milliards.

L’accumulation des déficits a pour conséquence la dette, et la rapporteure pour avis de la commission des finances a elle-même évoqué tout à l’heure la CADES et la CRDS.

Aujourd’hui, vous vous contentez de découverts. Vous augmentez le plafond des emprunts de l’ACOSS, vous augmentez celui du FFIPSA. Quant à la franchise, qui consiste à faire payer les malades, elle va rapporter au mieux 800 millions ; or cette année, 650 millions sont gaspillés en frais financiers, et l’an prochain ce sera 1,4 milliard si l’on tient compte du FFIPSA et des autres fonds. Pourquoi ? Parce que vous ne voulez pas agir avant les élections municipales ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Le Guen a eu raison de parler de crise : crise démographique, désertification médicale des campagnes, crise de l’hôpital public, crise de l’accès aux soins, crise de l’organisation générale de la médecine.

À propos de l’article sur l’installation, je voudrais vous rappeler, Monsieur Bertrand, qu’après le vote de la réforme de 2004, vous aviez fait un tour de France pour l’expliquer. Vous contestiez la façon dont nous-mêmes voulions essayer de mieux réguler la répartition des médecins sur le territoire ; mais aujourd’hui, c’est vous qui mettez les internes dans la rue ! Quant à la liberté d’installation, je vous mets au défi de citer un seul syndicat de médecins libéraux qui soit prêt à en discuter…

Dans ces conditions, nous voterons l’exception d’irrecevabilité – en vous donnant néanmoins acte qu’après l’avoir critiquée et supprimée en 2004, vous réhabilitez la notion de médecin référent – qui permettait d’économiser 20 millions d’euros par an sur les prescriptions (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Luc Préel – En dépit des propos aussi véhéments qu’excessifs de M. Le Guen, le Nouveau Centre souhaite que le débat s’engage sur ce PLFSS. Il est cependant regrettable qu’il ne porte que sur les dépenses remboursables par le régime général : il serait nécessaire que le Parlement débatte chaque année de la santé dans notre pays, et donc de la prévention, de l’éducation à la santé, des régimes de base et complémentaires, des dépassements d’honoraires…

Nous espérons que le Gouvernement apportera des réponses à nos interrogations et acceptera des amendements, car divers problèmes se posent. Comment va-t-on financer le déficit 2007, qui n’était pas prévu ? Allons-nous débattre de nouveaux modes de financement de la protection sociale ? Comment va-t-on résoudre les problèmes de démographie dans les professions de santé ? Quant aux franchises, viennent-elles en diminution des dépenses ou vont-elles financer les plans « cancer » et « Alzheimer » ? Qu’en sera-t-il du financement des soins de ville ? Pour ma part, je défendrai le principe d’une franchise cautionnée, responsabilisant les patients tout au long de l’année. Je continuerai aussi à soutenir l’idée d’une régionalisation de la santé.

Bien entendu, le groupe du Nouveau centre ne votera pas l’exception d’irrecevabilité.

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – MM. Le Guen et Bapt ayant parlé de moi, je voudrais leur répondre.

Je n’ai pas vocation à intervenir sur l’assurance maladie, mais j’ai cru comprendre, Monsieur Le Guen, que vous souhaitiez ma présence pendant la discussion des premiers articles.

M. Jean-Marie Le Guen – Pour nous expliquer les comptes 2007, par exemple…

M. le ministre du travail – Nous n’allons certes pas parler de vos propositions, car cela irait très vite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – Monsieur le Président, je souhaite répondre !

M. le Ministre du travail – Votre Assemblée a créé une mission sur le dossier médical personnel. J’ai été ministre de la santé de 2005 à 2007 : si les parlementaires veulent m’entendre, je me tiens à leur entière disposition, et je suis même très désireux d’être entendu, car je suis attaché à la plus grande transparence.

Monsieur Le Guen, vous auriez pu rappeler l’apport de la réforme de 2004. Heureusement qu’il s’est trouvé une majorité pour voter la réforme de l’assurance maladie, réforme que l’on disait impossible à l’époque, au lendemain des élections régionales !

M. Jean-Marie Le Guen – On le dit toujours !

M. le Ministre du travail – Le déficit de l’assurance maladie était de 12 milliards ; s’il a pu descendre à 6 milliards, c’est qu’il s’est passé quelque chose.

M. Jean-Marie Le Guen – Les Français ont payé !

M. le Ministre du travail – Les Français ont joué le jeu du médecin traitant ; c’est une réussite, et ce n’est pas grâce à vous ! De même, certains disaient que les génériques ne marcheraient jamais.

M. Jean-Marie Le Guen – Qui a dit cela ?

M. le Ministre du travail – Et les Français ont joué le jeu des génériques. Vous étiez farouchement opposés à une politique de contrôle des arrêts de travail, prétendant que nous ne trouverions rien et que nous stigmatiserions les personnes. Eh bien, notre politique nous a permis de découvrir que 15 % des arrêts de travail de longue durée étaient injustifiés. Mais nous voulons aller encore plus loin, car je pense que nous ne nous sommes attaqués qu’à la face émergée de l’iceberg. Nous renforcerons encore la lutte contre les fraudes, parce que la solidarité ne doit pas être détournée au profit de quelques-uns ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Et j’aurais aimé que vous marchiez à nos côtés, car la solidarité n’est pas au profit des nantis, mais des plus démunis ; c’est toujours au détriment de ces derniers que les fraudeurs sévissent.

Le déficit a été divisé par deux ; à l’époque, nous pensions effectivement pouvoir revenir à l’équilibre en 2007. Je me souviens, pour autant, que vous nous disiez ici, à cette tribune, que les années 2005 et 2006 seraient les plus difficiles, et que nous n’arriverions à rien ces années-là.

Si la confiance entre l’assuré et le médecin est rompue, cela se paie. C’est la raison pour laquelle nous organisons la maîtrise médicalisée, qui a porté ses fruits, même si elle a, un moment, patiné.

Enfin, si vous pouvez critiquer aujourd’hui la réforme des retraites, c’est bien parce qu’il y a eu une réforme ! Quand vous avez été aux affaires – il est vrai que cela remonte à bien longtemps, tant il semble que les Français ne sont plus prêts à vous faire confiance –, rien ne vous empêchait, d’autant que vous aviez une forte croissance, de mener des réformes d’envergure ; rien, si ce n’est votre manque de courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC)

À la candidate que vous souteniez pour les élections, Monsieur Le Guen – et bien que votre préférence portât sur quelqu’un d’autre –, vous aviez dit qu’il fallait être contre la liberté d’installation, avant de vous raviser, craignant des mécontentements, et de lui demander de faire machine arrière. Pourquoi n’avez-vous pas le courage de vos convictions ?

Monsieur Bapt, je me suis rendu à Toulouse et je me souviens des réunions auxquelles j’ai participé. Si j’avais un porte-parole à choisir, je ne crois pas que mon choix s’arrêterait sur vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Mais votre dépit profond, Monsieur Le Guen, est dû au fait que votre candidate n’ait pas été choisie par les Français, et que vous n’ayez pu devenir – toujours pas ! – ministre de la santé. Pour les Français, vos propos sont donc irrecevables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. le Président – Monsieur Le Guen, je vous donne la parole, mais soyez bref.

M. Jean-Marie Le Guen – Monsieur Bertrand, c’est vous qui avez été ministre de la santé et qui ne l’êtes plus ; sans doute n’avez-vous pas démontré qu’il eût fallu vous maintenir à cette responsabilité…

Pour la sixième année consécutive, nous votons un déficit supérieur à 10 milliards, et ce, alors qu’il y a quelques mois, encore ministre, vous nous expliquiez que la réforme était dans les clous. Entre ce moment-là et aujourd’hui, il y a quatre milliards de plus sur l’assurance maladie ! J’espère que vous serez là quand nous reviendrons sur la réforme de 2006 et quand nous discuterons des résultats de 2007, afin que vous nous expliquiez la raison de ces 4 milliards supplémentaires. J’espère aussi que vous nous expliquerez pourquoi, au mois de mai, vous ne vous attendiez pas à être convoqué devant une mission parlementaire au sujet du dossier médical personnel, que vous promettiez aux Français pour le début du mois de juillet !

Tout en vous enfermant, comme sur la liberté d’installation, dans un débat idéologique, vous êtes amené à remettre en cause des principes comme le paiement à l’acte ou la permanence des soins, parce que vous avez échoué dans la réforme de 2004, tant au plan financier que sur celui de l’organisation des soins. Vous pouvez bien flatter les Français en leur disant qu’ils ont un médecin traitant, mais que dire à ceux qui n’ont même plus accès aux soins ? Cela leur fait une belle jambe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocratique et républicaine une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Jacqueline Fraysse – Qu’il s’agisse des besoins de santé de nos concitoyens, de la formation et de la répartition territoriale des médecins, de la situation des hôpitaux publics, des pratiques inadmissibles des industries du médicament, ou encore de la création des franchises, rien dans ce texte ne vient corriger les dysfonctionnements dont souffrent professionnels et usagers. Au contraire, il aggrave les inégalités d’accès aux soins.

Le déficit de l’assurance maladie s’élève à 11,7 milliards en 2007. En 2004, le ministre Douste-Blazy nous promettait pourtant l’équilibre pour 2007, ce qui lui avait valu le sobriquet de « Douste-Blabla » (Rires sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; Protestations sur les bancs du groupe UMP). Comme le propre de l’horizon est de s’éloigner au fur et à mesure qu’on croit s’en approcher, voilà qu’on nous promet l’équilibre en 2012. Vous voudriez tant que vous fassions semblant d’y croire ; mais vous n’y croyez pas vous-mêmes ! Ce n’est d’ailleurs même pas votre problème, puisque ce déficit vous permet de justifier votre politique de démolition de notre système de solidarité et de privatisation de la sécurité sociale.

En 2007, l’assurance maladie couvrira plus de 96 % de ses dépenses et ne sera déficitaire qu’à partir du 17 décembre, tandis que l’État est dans une situation beaucoup plus délicate, puisque moins de 85 % de ses dépenses sont couvertes et qu’il sera déficitaire dès le mois de novembre. Mais cela ne semble pas vous angoisser autant que la situation de la protection sociale, puisque vous ne craignez pas de distribuer des cadeaux fiscaux, ni de prodiguer des leçons de bonne conduite à l’immense majorité qui ne bénéficiera pas de vos largesses.

Personne ne peut croire que les mesures de ce PLFSS peuvent répondre aux défis qui nous sont posés. Certes, l’État rembourse enfin une partie de sa dette aux organismes de protection sociale, et il faut s’en réjouir, mais vous avez oublié de rembourser les frais financiers occasionnés par cette dette, ce qui casse un peu notre enthousiasme.

Aucune mesure d’envergure n’est proposée pour des financements nouveaux, malgré l’augmentation des richesses produites dans notre pays. Avec vos franchises, vous aggravez la charge financière pour les citoyens, tout en maintenant votre inacceptable discours sur la « responsabilisation » des patients et des soignants. Mis à part le Président de la République et ses ministres – et encore ! –, nous sommes tous des irresponsables !

Et pourtant, vous savez que cette charge s’ajoutera aux nombreux forfaits, déremboursements et autres dépassements d’honoraires actuels. Vous savez aussi que les 850 millions espérés ne sont qu’une goutte d’eau en regard des conséquences de cette mesure et des 2,5 milliards d’exonérations de cotisations patronales non compensées. Au fond, comme de coutume, vous vous acharnez à démanteler notre système de santé qui permet à chacun de payer selon ses moyens pour recevoir selon ses besoins.

Cyniques, vous l’êtes à l’égard des patients autant que des soignants. Les malades les plus atteints s’acquitteront des franchises à plein tarif dès qu’ils dépasseront le plafond de la CMU, soit 606 euros. Le seuil de pauvreté étant à 817 euros, ce sont une nouvelle fois les patients les plus pauvres qui paieront. Voilà l’équité à la mode libérale : souffrir plus pour payer plus ! De quoi faire bondir un Président de la République qui s’évertue à rétablir l’équité, justement – notamment en matière de retraites… Cyniques, vous l’êtes aussi à l’égard des personnes âgées que vous prétendez aider, alors qu’elles seront les premières victimes de cette taxe sur la maladie. Vous videz les poches des plus fragiles en prétendant bien faire ! Vos tromperies finiront bien par cesser un jour, car le peuple est lucide !

Les progrès de la médecine et l’allongement de la vie entraînent naturellement la hausse des dépenses. Vous prétendez ne pas pouvoir y faire face : c’est faux ! L’argent est mal réparti, voilà tout. Un peu de volonté suffirait pour mener une véritable lutte contre les délocalisations et faire d’un million de chômeurs des travailleurs qui cotisent, ou pour revaloriser les salaires puisqu’un point supplémentaire de masse salariale rapporterait deux milliards à la sécurité sociale. Mais non, vous préférez multiplier les exonérations de cotisations, pourtant inefficaces ! Cette année, plus de 32 milliards ont ainsi été soustraits au financement de la protection sociale. Et que dire de l’exonération des cotisations sur les stock-options et les actions gratuites ? Le manque à gagner atteint 3 milliards, nous dit la Cour des comptes. C’est dire à quel point vous privilégiez les plus riches au détriment des plus fragiles ! Le Président de la République souhaite revaloriser le travail, dit-il. Pourquoi refuse-t-il donc d’imposer les revenus financiers au même taux que les salaires ? Voilà qui rapporterait pourtant 18 milliards à la sécurité sociale !

Outre ces quelques mesures de justice sociale, nous proposons de moderniser l’assiette de cotisation en la modulant au gré des politiques de l’emploi et des salaires dans les entreprises. De même, les PME qui créent des emplois devraient pouvoir souscrire un crédit à taux zéro.

Toutes ces pistes permettraient d’avancer mais, hélas, tel n’est pas votre but. Vous rognez sur les moyens de la protection sociale au bénéfice des assurances privées. Ainsi, le montant des franchises ne tardera pas à augmenter, voilà qui est certain.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur Est-ce votre boule de cristal qui vous le fait croire ?

Mme Jacqueline Fraysse – Dans ce système à but lucratif, les hôpitaux sont accusés de coûter trop cher – contrairement aux cliniques privées. Il vous faut donc les démanteler. La technique est connue : c’est l’asphyxie financière. En 2006, l’ONDAM est fixé un point au-dessous de ce que préconise la Fédération hospitalière de France, et encore 168 millions ont-ils été transférés aux cliniques privées. Cette année-là, le déficit a atteint un demi–milliard, et a même doublé en 2007 ! Pourtant, de grands bureaux d’étude grassement payés nous expliquent doctement que c’est le personnel qui est coûteux.

M. Daniel Paul – Cinq cents emplois supprimés au Havre !

Mme Jacqueline Fraysse – Oui, dans une région où la mortalité dépasse déjà de douze points la moyenne nationale ! À l’hôpital Foch de Suresnes, 350 emplois ont été supprimés lors de la privatisation des activités de nettoyage et d’hôtellerie.

M. Yves Bur, rapporteur – Et pourtant, il continue de fonctionner…

Mme Jacqueline Fraysse – Et le Gouvernement de poursuivre son œuvre d’asphyxie. L’ONDAM hospitalier est ainsi fixé à 3,2 % – objectif inaccessible, comme chacun sait. Pis encore : la généralisation du passage à la tarification à l’activité s’accélère. Pourquoi une décision si brutale ?

M. Yves Bur, rapporteur – Pas du tout, c’est une mesure souhaitée par la Fédération hospitalière de France !

Mme Jacqueline Fraysse – Pourtant, s’agissant de médecine ambulatoire, vous redécouvrez les vertus de la rémunération au forfait. Est-ce de l’incohérence ?

Mme la Ministre de la santé – Écoutez les professionnels !

Mme Jacqueline Fraysse – La tarification à l’activité entraîne une perte de recettes dans la plupart des hôpitaux publics.

Mme la Ministre de la santé – Mais non : 26 millions de gains dans le Nord !

Mme Jacqueline Fraysse – Pourtant, vous poussez ces établissements à multiplier les actes les plus rentables, en dépit des besoins réels de la population. C’est au point que certaines interventions ne se pratiquent plus dans le public, imposant le recours au privé !

Plusieurs députés UMP – C’est faux !

Mme Jacqueline Fraysse – La tarification à l’activité ouvre l’ère de la sélection des patients selon la rentabilité financière de leur pathologie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Pas du tout, c’est une gestion responsable !

Mme Jacqueline Fraysse – Non : vous livrez la santé, c’est-à-dire la vie, la mort et la souffrance au marché !

M. Yves Bur, rapporteur – Avez-vous déjà vu des patients non soignés ?

Mme Jacqueline Fraysse – L’IGAS comme la Cour des comptes n’ont pas tardé à signaler que la tarification à l’activité allait à l’encontre de la maîtrise des dépenses et comportait même un risque inflationniste en éliminant la régulation budgétaire des établissements concernés par la dotation globale.

Pris entre l’obligation d’augmenter leur activité et celle de réduire leurs coûts et leur personnel, confrontés à la modification en cours d’exercice des tarifs des actes, les hôpitaux n’ont plus aucune visibilité financière. Leurs missions spécifiques, qui sont de former les jeunes médecins, d’assurer la continuité des soins, l’accueil des urgences et la prise en charge des polypathologies sont insuffisamment prises en compte. Il y a un décalage entre les préconisations technocratiques et la réalité du terrain, vécue aussi bien par les personnels que par les malades. Quel gâchis pour ce pays qui possède un tel patrimoine hospitalo-universitaire et un tel niveau de formation !

Les difficultés dues à cette logique touchent l’ensemble de l’exercice médical et de l’organisation des soins. La loi du marché et le dogme du paiement à l’acte sont dépassés et incapables de répondre aux exigences de la santé publique.

Croire que les difficultés de la médecine générale puissent être réglées par une mesure autoritaire, concoctée dans le secret des cabinets,…

Mme la Ministre de la santé – Fantasmes !

Mme Jacqueline Fraysse – …c’est aller à l’échec et mettre en danger la population. Ces difficultés commencent avec la formation : les enseignants de cette « spécialité » ne sont toujours pas reconnus, nommés et rémunérés comme tels. Un décret aurait été signé, mais pas publié. Madame la ministre, à quelle date précise entendez-vous donner aux enseignants de médecine générale un statut ? Quand envisagez-vous de permettre aux internes de bénéficier d’un enseignement spécifique et d’organiser des stages d’externat dès le second cycle ? Les étudiants attendent une réponse précise. Par ailleurs, allez-vous maintenir un numerus clausus par trop sévère ? À l’issue du concours de l’internat cette année, 866 postes de médecine générale sont restés vacants ! Il faudrait commencer par régler ces problèmes, qui sont de votre responsabilité et qui perdurent depuis trop d’années.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – C’est vous qui avez modifié les études médicales !

Mme Jacqueline Fraysse – Moins de 40 % des internes en médecine générale choisiront de s’installer. Une suggestion : plutôt que de sembler redécouvrir les limites du paiement à l’acte pour les médecins libéraux, réinstaurez l’option référent que les ministres Douste-Blazy et Bertrand ont mise à mal, afin de s’assurer les bonnes grâces des syndicats les plus réactionnaires...

S’agissant de la démographie médicale, paraphrasant un humoriste américain, je serais tentée de dire que pour chaque problème complexe, il existe une solution simple, directe et fausse. La bonne réponse consiste en un faisceau de mesures…

Mme la Ministre de la santé – Évidemment, c’est ce que l’on propose !

Mme Jacqueline Fraysse – Je vous suggère d’abandonner la méthode autoritaire. Ces jeunes ont entrepris des études longues et difficiles, ils sont motivés et savent ce qu’ils veulent. Le fait qu’ils aient dû se mettre en grève pour obtenir seulement la promesse d’être présents à la table des négociations en dit long sur votre conception de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Ministre de la santé – Vous, vous ne les avez jamais invités !

Mme Jacqueline Fraysse – Vous avez tort de vous priver de la réflexion de ces jeunes ! Ce sont des professionnels responsables, qui veulent exercer leur métier dans de bonnes conditions : pour 30 % d’entre eux, la présence d’un hôpital de proximité est un facteur déterminant dans le choix de leur installation. Ils veulent aussi travailler en réseau, au sein de maisons de santé, comme celles que va créer la Grande-Bretagne – prenons garde à ne pas régler avec l’exil de nos médecins le problème de démographie médicale… outre-manche ! Ils veulent aussi travailler à proximité d’écoles, de postes, d’équipements culturels et sportifs…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – ils veulent aussi une voiture, et une trottinette…

Mme Jacqueline Fraysse – Rien ne se règlera d’autorité, et il faudra aussi un changement d’orientation en matière d’aménagement du territoire – mais l’on sait que vous n’excellez pas dans ce domaine !

Dans ce PLFSS, ne figure aucune mesure pour améliorer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Tout au plus a-t-il été prévu, pour atténuer les effets de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles sur les finances de la branche maladie, un versement minimal d’une branche vers l’autre. Les franchises, quant à elles, porteront atteinte au principe de la gratuité des soins pour les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.

S’il est un point qui justifie cette question préalable, c’est bien le sort réservé aux laboratoires pharmaceutiques. Alors que nous sommes tous rendus coupables de gâchis et de dépenses excessives, eux s’en sortent bien. Ni leurs bénéfices colossaux, ni la forte augmentation de la part liée au coût des médicaments dans la dépense des soins de ville ne vous ont poussés à prendre des mesures. Au contraire, vous vous attachez, dans ce PLFSS, à ne pas trop les taxer.

Mme la Ministre de la santé – À les taxer tout de même !

Mme Jacqueline Fraysse – Les entreprises du médicament vous en savent gré puisqu’elles sont les seules, avec le Medef, à saluer ce texte qui fait pour le reste l’unanimité contre lui. Vous prétendez ne pas vouloir décourager les firmes de faire de la recherche, mais vous omettez de dire qu’elles consacrent deux fois plus de moyens à la publicité qu’à l’innovation. Par ailleurs, le texte ne comporte aucune proposition audacieuse pour améliorer les conditions d’élaboration des prix des médicaments ou pour réformer la procédure d’autorisation de mise sur le marché.

Le médicament n’est pas une marchandise comme les autres. Pourtant, c’est une charte de bonne conduite, non contraignante, qui régit la pratique des visiteurs médicaux. Dès la première phrase – « La visite médicale a pour objet d’assurer la promotion des médicaments auprès du corps médical et de contribuer au développement des entreprises du médicament » –, tout est dit !

M. le Président – Veuillez conclure, Madame la Députée.

Mme Jacqueline Fraysse – Je conclus, Monsieur le Président.

En 1990, les impôts et taxes affectés constituaient une part résiduelle des recettes de l'assurance maladie, plus de 90 % de celles-ci provenant des cotisations. En 2006, les cotisations sociales représentent moins de 60 % des recettes et les impôts et taxes un peu plus de 30 %. En 1983, les ménages participaient pour environ 28 % au financement du régime général et les entreprises pour 60 %. En 2006, la part des ménages est à peu près la même que celle des entreprises – 43 %.

Ce texte poursuit donc le travail entrepris depuis quelques années par les fossoyeurs de l'assurance-maladie, ceux qui défendent l’idée que la santé est un commerce comme les autres, que les franchises médicales ne coûtent pas plus cher qu'un abonnement au téléphone portable, ceux qui culpabilisent les assurés et ferment les yeux sur les dépassements d'honoraires, ceux qui appliquent à la sécurité sociale des objectifs de rentabilité.

Ce texte est un pas de plus vers la fin de l’assurance maladie solidaire.

M. Yves Bur, rapporteur – Cela fait vingt ans que vous annoncez la même catastrophe !

Mme Jacqueline Fraysse – Il laisse sur le bord de la route les personnes âgées, les malades, les personnes handicapées et les accidentés du travail. Nous ne jugeons donc pas nécessaire de l’examiner (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Jean-Marie Rolland – Les Français attendent de leurs représentants qu’ils travaillent à leur assurer les meilleurs soins au meilleur coût, sur l’ensemble du territoire. Or Mme Fraysse n’a fait que répéter encore une fois les mêmes arguments sans l’ombre d’une solution, en utilisant les mêmes mots – celui de « cynisme » n’étant pas le plus élégant. Il est pourtant beaucoup de questions auxquelles il faut répondre : comment offrir les meilleurs soins, comment faire profiter chacun des progrès scientifiques, comment réagir lorsque nous gagnons trois mois d’espérance de vie chaque année, comment éviter les disparités territoriales, comment améliorer la prévention ou mieux organiser notre parcours de soins ? Ce projet de loi de financement apporte des solutions. Il conforte la réforme de l’organisation du système de soins en ville et à l’hôpital. Il ouvre de nombreux chantiers et propose des mesures pour améliorer la répartition des médecins sur l’ensemble du territoire. Il comporte des recettes ciblées et renforce la lutte contre la fraude. Il assainit les relations financières entre l’État et la sécurité sociale.

Ce débat doit rester digne et responsable. Il doit rappeler à chacun le sens de la sécurité sociale, qui doit s’adapter aux évolutions de la société. Les arguments de Mme Fraysse ne répondent pas aux attentes des Français, et nous le prouverons lors de l’examen des 600 amendements qui ont été déposés. C’est pourquoi le groupe UMP rejette cette questions préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Philippe Nauche – Mme Fraysse a bien fait ressortir le caractère injuste de ce texte, qui va aggraver les inégalités dans l’accès aux soins avec les nouvelles franchises. Quid des cinq millions de Français qui ne bénéficient pas de la couverture complémentaire parce qu’ils dépassent légèrement le plafond de ressources de la CMU ? Si 50 euros ne représentent pas grand-chose pour ceux de nos concitoyens qui ont bénéficié des cadeaux fiscaux de cet été, c’est beaucoup pour les plus modestes. Le texte n’apporte aucune réponse au grave problème de la désertification médicale. Il ne recherche pas la responsabilisation des acteurs – rien de concret par exemple s’agissant de réguler des dépassements d’honoraires qui rendent l’accès aux soins difficile pour nombre de nos concitoyens. La revalorisation des pensions de retraite est insuffisante, malgré les beaux discours du Président de la République, tout comme celle des prestations familiales. La modulation de l’allocation de rentrée scolaire se traduira pour certains par une diminution. Les convergences tarifaires entre public et privé manquent de clarté. Rien n’est fait pour que l’assurance maladie cesse de prendre en charge des pathologies dues à des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

Ce projet injuste est aussi dangereux, car il continue à se fonder uniquement sur des règles de maîtrise comptable alors que l’échec de la réforme de 2004 est avéré – les explications embarrassées de M. Bertrand n’y changeront rien. Il ne propose rien pour combler le besoin de financement des retraites. Les réponses qu’il donne en matière de démographie médicale ne sont pas adaptées, car il s’agit d’un problème d’aménagement du territoire global qui ne concerne pas que les professionnels de santé. L’hypothèse de croissance sur laquelle ce texte est fondé ne sera probablement pas vérifiée, et les recettes ne seront donc pas à la hauteur annoncée. Surtout, lorsque notre système de santé caracolait en tête des classements internationaux pour son efficacité, ce n’était pas en raison du degré de technique médicale atteint, mais parce qu’il était accessible à tous et solidaire. Or, les franchises médicales vont changer la nature de l’assurance maladie, en faisant tout simplement payer un malus aux malades sans résoudre les problèmes de dépassements d’honoraires. Surtout, le mécanisme favorisera ensuite la privatisation de la sécurité sociale et son passage vers un système assurantiel. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC soutiendra cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Daniel Paul – La situation d’un seul des centres hospitaliers que Mme Fraysse a cités comme étant sous les feux de l’actualité, celui du Havre, suffit à appuyer ses arguments. La région havraise est une des régions les plus sous-médicalisées du pays – la Haute-Normandie et la Picardie battent sans doute des records à cet égard. C’est aussi une des régions où les pathologies sont les plus lourdes, qu’il s’agisse du taux de cancers ou des maladies respiratoires, mais aussi où la démographie médicale est la plus inquiétante. Il y a quelques années encore, la maison médicale de mon quartier comptait une douzaine de praticiens, dont six généralistes. Il en reste deux, aujourd’hui, pour quinze mille habitants. C’est au Havre qu’on trouve le plus grand hôpital général de France non universitaire, avec plus de quatre mille employés et deux mille lits. Il y manque 70 à 80 médecins et le rapport Debrosse a conclu à un déficit de 23 millions – en laissant les choses en l’état, on devrait atteindre les 70 millions à la fin de la décennie.

Comment appliquer la T2A dans ce contexte ? S’il manque tant de médecins, le nombre d’actes ne peut suffire ! Les missions d’intérêt général n’étant pas couvertes de façon suffisante, il faut prendre sur d’autres dépenses pour assurer celles qui relèvent directement de l’hôpital public. Bien sûr, il y a des cliniques privées, et même un beau projet d’hôpital privé de l’Estuaire, de plus de 400 lits. La concurrence s’installe… mais elle n’est pas soumise aux mêmes règles ! Et l’hôpital public sera, si vous lui appliquez la T2A dès l’année prochaine, encore plus en difficulté. Ne serait-il pas normal que les investissements en matériel médical moderne, nécessaires à la bataille pour la santé publique, aillent à l’hôpital public plutôt qu’aux installations privées ? Ce serait un signe donné aux médecins et à l’ensemble de la population du Havre. Ce n’est pas ce que vous faites. C’est la raison pour laquelle la communauté médicale est obligée de d’élever contre vos décisions (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Claude Leteurtre – Il me semble possible de faire preuve d’un petit peu plus d’optimisme. Puisque d’aucuns ont décliné l’alphabet, je m’arrêterai à la lettre C. Ce projet de financement est en effet d’abord un constat de la situation actuelle et de l’héritage des mesures de 2004. Mais, ainsi que Mme Fraysse l’a rappelé, le financement de la sécurité sociale est assuré jusqu’au 17 décembre, c’est-à-dire à 97 %. À côté du budget général de l’État, il semble donc dans les choses possibles de parvenir à l’équilibre, tout en gardant à l’esprit, comme le disait M. Méhaignerie, que nous affectons 11 % de notre PIB à la santé et qu’il devient difficile de faire plus.

Ce projet, qui constitue un véritable jalon, est aussi caractérisé par le courage : le courage de rembourser la dette de l’État à la CADES – au moins, on sait où l’on en est ! –, de dégager des crédits pour les personnes âgées, de poser de façon définitive le problème de la désertification rurale et de la démographie médicale. Sans doute, sur ce dernier point, la méthode est-elle contestable, mais au moins s’attaque-t-on au problème. Il faut donc continuer de débattre et de privilégier le dialogue, vecteur de l’indispensable confiance.

L’hôpital public assume ses missions, et il est favorable à la tarification à l’activité, mais l’application du dispositif est calamiteuse, car elle a été mal préparée. De même, la convergence, à long terme, entre hôpital public et hôpital privé est un bon objectif mais elle doit se faire sur des bases claires, sans rien omettre des missions hospitalières. Autrement dit, faisons confiance à l’hôpital, mais ne le brusquons pas ! (Mme Catherine Génisson applaudit) S’agissant enfin des professionnels, on peut, certes, chercher à améliorer l’organisation des soins mais encore faudra-t-il ne pas oublier la nécessaire évaluation des mesures prises. Nul n’a, bien sûr, oublié le drame du sang contaminé ni, plus récemment, celui de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, mais sait-on seulement le nombre exact de malades finalement atteints ? Le principe de précaution ayant désormais valeur constitutionnelle, il est grand temps de consacrer, comme aussi contraignant, le principe de l’évaluation, et de faire confiance aux professionnels.

La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.

Mme la Ministre de la santé – Le Gouvernement est satisfait que votre motion n’ait pas été adoptée car vous avez dit, Madame Fraysse, des choses étranges. Ainsi, vous semblez affirmer que le déficit de l’assurance maladie n’est pas tel qu’on ne puisse le creuser davantage... (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

Mme Jacqueline Fraysse – Je n’ai jamais dit cela !

Mme la Ministre de la santé – Vous avez d’autre part critiqué le système des franchises, pourtant destinées à financer des mesures nouvelles. Vous paraissez avoir oublié que vous avez contribué, lorsque vous étiez au pouvoir, à l’instauration du forfait hospitalier. Vous avez eu des mots très durs sur la tarification à l’activité, que le groupe socialiste, pour ce qui le concerne, appelait de ses vœux depuis longtemps. À ce sujet, je tiens à souligner que les spécificités de l’hôpital public seront respectées puisque le budget des missions d'intérêt général et d’aide à la contractualisation – les MIGAC – et des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation – les MERRI – seront protégés. Bien entendu, l’instauration de la T2A est une démarche progressive, prévue pour aboutir en 2012. Enfin, le médecin que vous êtes, Madame Fraysse, connaît trop bien la question pour ignorer que la T2A ne conduira pas à sélectionner des patients, comme vous l’avez affirmé à tort, puisqu’un facteur de co-morbidité est pris en compte.

Vos propos relatifs à la démographie médicale m’ont paru d’une étonnante incohérence. Le numerus clausus serait, dites-vous, trop élevé. Qu’en est-il ? 7 100 étudiants en médecine seront admis en deuxième année. C’est un minimum et, même avec ce contingent, nous ne parviendrons à rétablir une situation satisfaisante qu’en 2025. Dans l’intervalle, nous avons déjà commencé de ressentir les effets de l’insuffisance du nombre de médecins formés au cours des années 1990, ce dont vous êtes responsables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous devons nous attacher à réduire ces effets néfastes mais, contrairement à vous, nous ne voulons pas le faire par des mesures autoritaires (Exclamations sur les bancs du groupe GDR). C’est pourquoi nous avons réaffirmé le principe de la liberté d’installation et c’est pourquoi, aussi, nous voulons que les jeunes médecins prennent part aux discussions conventionnelles, auxquelles ils n’ont jamais été associés jusqu’à ce jour, avec voix délibérative. C’est une démarche que vous n’avez jamais engagée.

M. le Président – Nous en venons à la discussion générale. La parole est à M. Préel.

M. Jean-Luc Préel – Nous sommes appelés à nous prononcer sur une dépense considérable – 422 milliards –, concernant la santé, la retraite et la famille, à déterminer si elle correspond aux besoins et aux priorités, enfin à veiller à son financement et à sa répartition, en sachant que ce financement dépend pour beaucoup de l'emploi et qu’il pèse sur le coût du travail et donc sur notre économie.

Après les réformes des retraites en 2003 et de l'assurance maladie en 2004, le Gouvernement s'était engagé à obtenir l'équilibre des comptes sociaux en 2007. Les déficits 2003-2004 et les déficits prévisionnels 2005-2006, soit 50 milliards, avaient été confiés à la CADES, dont la durée avait été prolongée de trois ans par année de déficit, ce que nous avions jugé inacceptable. Rien n'était prévu pour le déficit 2007 qui, si l'on tient compte du FFIPSA, atteindra 15 milliards. Comment sera-t-il financé ? Rien ne semble prévu à cette fin, sinon une autorisation d'emprunt de 47 milliards qui entraînera des frais financiers de près de 2 milliards. Est-ce raisonnable ? Dans vos discours, Madame et Messieurs les ministres, vous expliquez qu'il n'est pas acceptable de reporter la charge de ce financement sur nos enfants. Pourquoi, alors, ne proposez-vous pas un relèvement de la CRDS ?

M. Pascal Terrasse – Après les élections !

M. Jean-Luc Préel – La question se pose avec d’autant plus d’acuité que les prévisions de recettes et de dépenses pour la période 2008-2012, bien que calculées en fonction d’hypothèses très optimistes, conduisent à envisager un déficit cumulé de 42 milliards supplémentaires pour le régime général et de 15,8 milliards pour le FFIPSA.

Il y a donc urgence. Si nous voulons préserver notre protection sociale, des mesures volontaristes s'imposent pour obtenir l'efficience, responsabiliser tous les acteurs et obtenir l'équilibre des comptes sociaux en adaptant dépenses et recettes. Il est nécessaire de trouver de nouvelles recettes ; à cet effet, le Nouveau Centre approuve la taxation des stock-options. Une réflexion est en cours à ce sujet dont il faut espérer qu’elle aboutira.

Je tiens à saluer l'effort du Gouvernement qui, dans un souci de transparence louable, prévoit que l’État paiera une partie de ses dettes en 2007, et s'engage à financer les exonérations de cotisations pour les heures supplémentaires. Mais je déplore que le Gouvernement ne résiste pas à la tentation de proposer la non-compensation de certaines exonérations de cotisations sociales. Pourtant, la loi n’impose-t-elle pas de compenser toutes les exonérations de cotisations sociales ? Or, la dette résiduelle est encore de quelque trois milliards.

L'essentiel du projet concerne l'assurance maladie. La réforme «Juppé» permet au Parlement de se prononcer sur les dépenses sociales, ce qui constitue un progrès indéniable, mais seules sont concernées les dépenses remboursables par le régime général. Il conviendrait de les restituer dans l’ensemble des dépenses de santé d'autant que, hélas, nombre de nos concitoyens rencontrent de grandes difficultés d’accès à des médecins de secteur 1, particulièrement dans certaines régions, et qu’ils doivent faire face à des dépassements d'honoraires souvent importants, et plus ou moins bien remboursés par les assurances complémentaires santé. Le Nouveau Centre est très attaché à la tenue d’un débat annuel sur la santé définissant les priorités nationales à partir des besoins régionaux et veillant à l'égal accès de tous à des soins de qualité. J'espère qu'une prochaine réforme le permettra.

L'article principal du PLFSS concerne l'ONDAM, c'est-à-dire les dépenses remboursables par le régime général. Depuis des années, l’ONDAM est systématiquement sous-estimé. Tout en étant présenté, année après année, comme réaliste, il est dépassé et réactualisé l'année suivante. Est-ce bien sérieux ? Une nouvelle fois cette année, il sera dépassé de 3 milliards, en augmentation de 4,2 % par rapport à 2006, malgré les mesures décidées après l'alerte.

Vous nous proposez cette année de le fixer à 152,1 milliards, en augmentation de 2,8 %. Sur quelles bases médicales cette proposition est-elle faite ? L'ONDAM n'est toujours pas médicalisé. Il s'agit d'un ONDAM économique. Sera-t-il tenu ? Nous l'espérons, pour limiter le déficit. Cependant, les travaux du Haut conseil de l'assurance maladie montrent que, depuis trente ans, les dépenses croissent de 2 % au moins au-delà du PIB. Il ne faut pas oublier non plus que les dépenses de santé servent à soigner, et qu'elles participent aussi à la croissance. Tout doit cependant être fait pour aboutir à l'efficience, en responsabilisant équitablement l'ensemble des acteurs, mais il est probable qu’étant donné les hypothèses retenues, l'ONDAM proposé sera dépassé, car la franchise n'est pas une recette supplémentaire, mais une moindre dépense permettant de financer les soins palliatifs, le plan « cancer », le plan « Alzheimer », qui seront pour beaucoup des dépenses hospitalières. La franchise ne permettra donc pas de financer les professionnels de santé de ville ou leurs prescriptions.

Du reste, le principe de la franchise médicale pose problème. Quel est son but ? Il n’est pas clair, et il a varié. À l'origine, il s'agissait de responsabiliser le patient ; ensuite, on a parlé de diminuer les dépenses du régime général, enfin de financer des dépenses nouvelles. Ces franchises vont-elles responsabiliser le patient ? Probablement pas, comme les exemples étrangers le montrent. Beaucoup de patients en seront exonérés et, une fois le plafond de 50 euros atteint, le frein n'existera plus. N'y aura-t-il pas un souhait de rattrapage ?

Les 850 millions d'économies espérées devraient permettre, à enveloppe constante, de financer le plan « cancer », les soins palliatifs, la maladie d'Alzheimer. Certes, la somme n'est pas négligeable mais il ne faudrait pas laisser croire qu'elle couvrira les besoins de financement. Quinze millions de personnes seront exonérées de la franchise – essentiellement les bénéficiaires de la CMU et les enfants –, mais les malades souffrant de pathologie graves ne le seraient pas. Pourquoi ?

D’autre part, à l’article 19, les franchises sont comptabilisées dans les 2 milliards d’euros d’économies que vous envisagez. Où est la vérité ? S’agit-il de financer des plans ou d’économiser pour diminuer l’ONDAM ?

Si les régimes complémentaires peuvent rembourser ces franchises, il s’agira en fait d’un transfert qui se traduira par une augmentation des cotisations d’autant plus forte que ces contrats ne bénéficieront pas des avantages fiscaux liés aux contrats responsables.

Le Nouveau Centre défend le principe de la franchise cautionnée, qui a été expérimenté avec succès et a le mérite de responsabiliser le patient.

Le problème de la démographie médicale ne trouvera pas de solution dans la remise en cause de la liberté d’installation. Certes, il existe des inégalités dans la répartition des professionnels sur le territoire, mais il ne faut pas démotiver les étudiants alors que 500 postes d’internes en médecine générale n’ont pas été pourvus cette année. L’impact des mesures incitatives n’a d’ailleurs pas été évalué.

Nous proposons pour notre part un numerus clausus régional par spécialité prenant en compte les besoins dans dix ans, un stage effectif de médecine générale – trois mois en ville, trois mois à la campagne – au cours des études, une aide à la création de maisons de santé, des bourses finançant les études en contrepartie d’un engagement à s’installer dans les zones déficitaires, le renforcement des mesures incitatives et des rémunérations différenciées selon le lieu d'installation. Mais nous souhaitons maintenir la liberté d'installation et de conventionnement.

Le texte prévoit l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération et un conventionnement individualisé. La rémunération à l'acte ne répond plus à la réalité. Il faut une rémunération mixte – tenant compte des tâches administratives et du traitement des maladies chroniques, sans oublier la prévention et l'éducation à la santé, la formation continue et l'évaluation des pratiques.

Le but doit être l'amélioration de la qualité des soins. Des accords locaux sont possibles, mais dans le cadre d'une convention nationale négociée entre les syndicats et l'UNCAM, tenant compte des recommandations de la Haute autorité de santé.

Les mesures conventionnelles ayant été négociées entre les syndicats professionnels et le tout-puissant directeur de l'UNCAM, il est curieux qu'elles ne puissent s'appliquer immédiatement ou à la date convenue dans l'accord. Le Gouvernement estimerait-il que le directeur de l'UNCAM n'est pas responsable ?

Pour les hôpitaux, vous proposez de porter la T2A à 100 %. La dotation financière doit en effet correspondre à l'activité réelle, et nous devons aboutir à terme à une rémunération identique pour une même pathologie entre le public et le privé. Mais la T2A a un effet inflationniste et un effet restructurant qui met en difficulté les établissements dont l’activité est moindre. Des mesures ont été prises pour juguler le premier : baisse des tarifs lorsque l'activité augmente, contrats d'objectifs avec des plafonds d'activité vidant la T2A de son sens premier. Jean-François Mattei avait pourtant annoncé que chaque service, chaque établissement construirait son budget à partir de son activité réelle…

D’autres questions se posent. Quelle sera la part des MIGAC dans le budget hospitalier en 2008 ? Les tarifs vont-ils baisser de 3 % ? Le coefficient de correction permettra-t-il de « rebaser » les établissements en déficit ? Comment éviterez-vous la sélection des malades, puisque les hospitalisations longues en médecine, les soins palliatifs et la réanimation sont mal pris en compte ? Les mesures décidées en cours d'année – en particulier les revalorisations salariales – seront-elles intégralement financées ? Les contraintes réglementaires comme celles concernant les achats seront-elles allégées ?

Les hôpitaux concourent à la qualité des soins et à l'accueil des malades. Ils ont besoin de la confiance du Gouvernement. J'espère que la mission confiée à M. Larcher permettra d'aboutir à des propositions concrètes sur les missions de l'hôpital, le fonctionnement en réseau, la responsabilisation des acteurs et la valorisation des activités. Nous avons la chance d'avoir un double réseau d'établissements, mais il est fragile.

J’en viens à la branche vieillesse. Vous allez prochainement réformer les régimes spéciaux de retraite. Il faut une réelle équité entre les Français. Nous préconisons donc la gestion du régime de base par les partenaires sociaux responsabilisés, l'évolution vers un système par points, la mise en extinction des régimes spéciaux et une harmonisation progressive avec le régime général.

Le rendez-vous prévu en 2008 permettra de faire le point sur nos retraites. Le déficit 2007 – 4,6 milliards pour le régime général – est en grande partie lié aux départs anticipés. Le déficit 2008 devrait être légèrement inférieur.

J’attire votre attention sur la faible revalorisation des retraites – 1,1 % – en 2008, qui va être difficile à admettre pour les retraités. Reste à régler les problèmes de la pénibilité et de l'employabilité des seniors !

En ce qui concerne la famille, nous nous félicitons de la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant.

Après les réformes de la retraite et de l’assurance maladie, l’équilibre avait été annoncé pour 2007. Nous en sommes loin et rien n’est prévu pour financer le déficit. Seize de nos amendements ont été acceptés par la commission, mais je souhaite que d’autres le soient au cours du débat. Notre but commun est de sauvegarder notre protection sociale fondée sur la solidarité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Gérard Gaudron – La sécurité sociale est au cœur de notre contrat social et de notre pacte républicain. Elle est le principal garant de la justice sociale et de la solidarité. Le devoir du Gouvernement et de la représentation nationale est donc de la sauvegarder en l'adaptant aux réalités d'aujourd'hui et à celles que nous entrevoyons pour demain.

Pour préparer l'avenir, il faut tenir un langage de vérité. Les comptes de la sécurité sociale demeurent préoccupants. C’est un déficit de 11,7 milliards d'euros pour le régime général qui est attendu cette année. Le PLFSS prévoit de le ramener à 8,9 milliards en 2008, mais il faudrait le réduire de manière significative et régulière dans l’avenir.

Le Gouvernement fait preuve de courage et de réalisme en faisant le choix de la clarification. La dette de l'État envers le régime général, d’un montant de 5,1 milliards d'euros, a été apurée début octobre. Grâce à cette opération, les charges d'intérêt du régime général diminueront d'au moins 200 millions en 2008. Le Gouvernement a ainsi tenu ses engagements et donné un ballon d’oxygène à la sécurité sociale.

Le PLFSS prévoit d’améliorer la répartition des professionnels de santé sur le territoire. Mais la formulation retenue a été perçue comme une remise en cause du principe de libre installation des médecins.

Mme la Ministre de la santé – À tort.

M. Gérard Gaudron – Vous avez réaffirmé devant la représentation nationale le principe de la liberté d'installation des médecins, et nous vous soutiendrons dans votre projet d'ouvrir un dialogue conventionnel avec les internes et de privilégier la création de maisons médicales. « Ouvrir des négociations, a déclaré le Président de la République, c'est quand même tout le contraire d'une démarche coercitive ! »

En ce qui concerne les personnes âgées, la principale innovation est la mise en œuvre du plan « Alzheimer » voulu par le Président de la République, et dont le détail sera présenté le 2 novembre. La maladie d'Alzheimer est un drame.

Les franchises permettront de consacrer 850 millions d'euros à une meilleure prise en charge des soins. Les plus fragiles bénéficieront cependant de garanties, et certains de nos concitoyens – ceux qui sont victimes d'affections de longue durée par exemple – souhaiteraient être exonérés, ce qui rassurera les associations. Nous serons quant à nous attentifs à ce que ces 850 millions d’euros aillent bien aux chantiers définis par le Président de la République – la lutte contre la maladie d’Alzheimer, et contre le cancer, ainsi que les soins palliatifs.

Le PLFSS prévoit la création de places supplémentaires dans les maisons de retraite et les services de soins infirmiers à domicile. C’est une avancée considérable dont les élus locaux ne peuvent que se féliciter. Les personnes handicapées bénéficieront de 410 millions d'euros de mesures nouvelles, notamment à travers l'extension de la prestation de compensation du handicap aux enfants.

La branche famille verra une augmentation de 50 euros par mois de la PAJE pour environ 60 000 familles aux revenus modestes. L'allocation de rentrée scolaire pourra être modulée en fonction de l'âge de l'enfant, et la majoration des allocations familiales interviendra dès 14 ans – au lieu de 16.

La question des fraudes aux prestations sociales doit trouver une réponse appropriée par le biais de la responsabilisation. La CNAF doit mettre au point pour décembre un répertoire national qui permettra d'éviter les affiliations dans plusieurs caisses.

Pensons à l'avenir et réaffirmons notre volonté de sauvegarder un système de solidarité qui garantit à tous l'accès à des soins de qualité. Ce PLFSS va dans le bon sens, même s’il nous faudra sans doute payer plus dans l’avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse – L’état catastrophique des comptes du régime général – et en particulier de l’assurance maladie – depuis cinq ans semble tout à la fois tétaniser les observateurs et libérer les responsables politiques qui aspirent depuis longtemps à une réduction du socle des régimes de base. Pour les uns, on aurait tout essayé ; pour les autres, l’heure est à la privatisation.

Concernant la situation actuelle, je renvoie nos gouvernants à leurs déclarations de ces dernières années sur l’imminent retour à l’équilibre des comptes. Avec le recul, les objectifs démesurés assignés au DMP et au système du médecin de référence pourraient faire sourire. Ces graves échecs font passer en second plan une avancée comme la création de la Haute Autorité de santé, qui peine cependant à prendre son envol.

Quand le Premier ministre parle de faillite, je crains qu’il ne soit dans le vrai… Le déficit de la branche maladie devrait rester supérieur à 4 milliards, et celui du régime général à 8,5 milliards jusqu’à 2011 inclus, même si nous avons une croissance de 2,5 % et si la masse salariale progresse de 4,4 % – hypothèses qui ne sont pas spécialement pessimistes !

Quelle analyse peut-on faire de ce PLFSS ?

L’une des questions les plus débattues est de savoir si la croissance des dépenses de santé est une bonne ou une mauvaise chose. C’est probablement un atout, à condition que l’argent soit bien utilisé : il ne faut pas avoir une vision uniforme d’un secteur particulièrement disparate, et il conviendrait de s’intéresser aux besoins de santé non satisfaits. En revanche, on ne saurait nier que le déséquilibre des comptes finit par peser sur les assurés modestes et sur les classes moyennes : les premiers renoncent aux soins, et les secondes, lassées de payer plus pour recevoir moins, se détournent des systèmes collectifs.

Tel est bien le danger des franchises, au-delà de leur impact social régressif et pour ne pas parler de la complexité du dispositif au regard de son rendement.

Si le progrès technique et le vieillissement entraînent inéluctablement une progression des dépenses de santé, il convient d’examiner le poids respectif de chacune d’entre elles. L’information et l’éducation à la santé, par exemple, en sont encore au stade embryonnaire ; quant au secteur de la santé scolaire, il est durablement sinistré.

Quelles sont les voies à explorer pour l’avenir ?

Tout d’abord, tous nos régimes sociaux auraient besoin d’une croissance économique moins souffreteuse : commençons donc par une politique de relance, assortie d’une approche rigoureuse des finances publiques. Tel n’est pas le choix qui a été fait cet été avec le paquet fiscal.

Toujours du côté des recettes, il conviendrait de rationaliser, pour ne pas dire moraliser, les mécanismes multiples d’exonération : je vous renvoie à l’excellent rapport de la Cour des comptes, dont le Gouvernement ne semble pas décidé à suivre les recommandations.

Concernant le système de santé lui-même, je n’ai pas de remède miracle à proposer. Ma conviction est de longue date que nous devons le revoir dans ses fondements, en commençant par faire jouer un rôle central aux médecins généralistes, qu’il faut rémunérer sur une autre base, et par mener une véritable politique de prévention.

S’agissant encore de la gouvernance, qui passionne davantage les élus que les Français, je crains que la mise en place des ARS n’entraîne des complications supplémentaires, faute d’une remise à plat de l’organisation générale. Voyez les conséquences, pour la politique du médicament, de l’éclatement en quatre ou cinq centres de décision…

De la croissance des dépenses de santé, on ne saurait a priori ni se réjouir, ni se désoler : tout dépend de ses causes. Une chose est certaine, c’est que si la France ne voit pas son économie redémarrer sur des bases saines, si les fondations du système de santé ne sont pas revues, notamment en remettant à niveau la prévention, nous sommes mal partis ; et les perdants seront toujours les mêmes. Nous, à gauche, nous refusons résolument toute perspective de privatisation de notre système. Oui, il faut des états généraux de la santé et de la protection sociale ; nous vous ferons des propositions, mais il ne faudrait pas que comme d’habitude, vous les repoussiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Huguette Bello – Économiquement inefficaces, socialement injustes et contraires aux principes fondateurs de la sécurité sociale, les nouvelles franchises sont dénoncées de toutes parts. Les sondages confirment que les Français y sont radicalement opposés. Le groupe GDR a déposé un amendement visant à supprimer l'article 35, qui les institue.

Ces franchises sur les médicaments et les actes paramédicaux s'ajoutent à celles de 2004 et au déremboursement de centaines de médicaments, mesures qui avaient été présentées comme devant assurer le retour à l'équilibre de l'assurance maladie en 2007. Elles résorberont d’autant moins le déficit que leur justification a changé : depuis les déclarations présidentielles du 1er août à Dax, elles sont destinées à financer la lutte contre la maladie d'Alzheimer et le cancer ainsi que le développement des soins palliatifs. Notons au passage que ce n'est plus la solidarité nationale qui finance les grandes priorités publiques : désormais, les malades paient pour les malades, la maladie devient une pénalité ! Au vu de leur inefficacité, il est légitime de se demander si l’objectif principal des franchises n'est pas d'ouvrir la voie à une privatisation du financement de la santé.

Il est à craindre que les plus modestes hésitent plus souvent encore à se soigner, au risque de développer des pathologies plus lourdes qui finalement coûteront plus cher à la sécurité sociale. Certes, des exonérations sont prévues, notamment pour les titulaires de la CMU complémentaire ; mais qu'en sera-t-il pour ceux qui n’en bénéficient pas du fait de l’effet de seuil ?

Je veux insister une fois de plus sur la situation des titulaires du minimum vieillesse ou de l'allocation aux adultes handicapés de la Réunion, qui ne sont pas éligibles à la CMU pour quelques dizaines d'euros. Il est incompréhensible que l’on mégote depuis des années s’agissant d’une mesure qui leur faciliterait tant la vie ; il suffirait, pour leur ouvrir la CMU complémentaire, de ne pas tenir compte dans leurs ressources du taux du forfait logement.

D’une façon générale, à la Réunion, où les dépenses de santé sont déjà plus chères – de 30 % pour les médicaments –, les franchises auront des conséquences particulièrement lourdes.

Ces franchises sont, en outre, contraires aux principes fondateurs de la sécurité sociale, en vertu desquels chacun doit cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins. Il importe de ne pas oublier cette règle sage, au moment où l’on annonce pour l'après-mars 2008 une grande réforme du financement de la santé.

Quand les causes du déficit de la sécurité sociale sont à l’évidence structurelles et bien connues, prétendre que la solution consisterait à responsabiliser les citoyens est à la fois faux et déplacé car c’est culpabiliser les assurés sociaux. Plus de la moitié des dépenses sont imputables à un faible pourcentage de malades, ceux qui sont en fin de vie. Par ailleurs, certaines recettes qui devraient revenir à l'assurance maladie, par exemple les taxes sur l'alcool et le tabac, lui échappent pour partie. N'oublions pas non plus que, comme le suggère M. Philippe Séguin, une taxation – non symbolique – des stock-options pourrait les accroître notablement !

Le système de santé français, personne ne le conteste, est l'un des meilleurs du monde. Dans l’Europe idéale qu’imaginerait un sociologue britannique, que retiendrait-il de la France ? Son système de santé. La responsabilité politique consiste donc à préserver ce système, fondé sur la justice et l’égalité, et cette responsabilité, c’est celle du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

Mme Bérengère Poletti – Depuis trop longtemps, nous éprouvons les pires difficultés à réduire le déficit des comptes sociaux. Cette année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit 402 milliards de dépenses pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, tandis que les recettes du budget de l’État pour 2008 s’élèvent à 230 milliards de recettes. Il n’est ni possible, ni envisageable que l’État compense davantage les déficits sociaux ; un effort collectif est indispensable.

Nos concitoyens souhaitent en outre des réponses précises à des problèmes comme le traitement du cancer et de la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs, le financement des petites retraites. J’aborderai deux sujets qui me tiennent à cœur : la maladie d’Alzheimer et la démographie médicale.

Dans certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, jusqu’à 80 % des patients sont atteints de démence, sans que les structures soient adaptées. Compte tenu du vieillissement de la population, le problème s’amplifiera : alors que 800 000 personnes sont aujourd’hui atteintes, les projections à cinq ans sont alarmantes. Les aidants sont épuisés et impuissants.

Je me réjouis donc que ce projet mette l’accent sur la prise en charge spécifique des malades : renforcement des structures d’hébergement temporaire et des accueils de jour, ainsi que de la prise en charge en établissements, avec la création de 7 500 places. Je me réjouis également de l’effort en faveur des services de soins infirmiers afin de permettre le plus longtemps possible le maintien à domicile. Enfin, la prise en charge des frais de transport vers les accueils de jour répondra à une attente des aidants.

On ne peut imaginer des dépenses nouvelles sans contrepartie ; la franchise n’est nullement une surprise, puisque le Président de la République l’avait annoncée dès avant la campagne électorale. De cette franchise devraient être exonérées près de dix millions de personnes, notamment les bénéficiaires de la CMU. Nos concitoyens souhaitent que des mesures de responsabilisation soient prises pour ces personnes également.

M. Philippe Vuilque – Exactement !

Mme Bérengère Poletti – Si cette responsabilisation ne peut être financière, il faut trouver des solutions novatrices, pour qu’elles comprennent que nous devons nous sentir collectivement responsables des dépenses d’assurance maladie.

M. Yves Bur, rapporteur – Très bien !

Mme Bérengère Poletti – Madame la ministre, je voudrais vous féliciter d’avoir eu le courage de parler du problème crucial de la répartition des professionnels de santé sur le territoire. Dans mon département, l’accès aux soins est véritablement menacé. Depuis 2002, un grand nombre de mesures ont été prises : relèvement du numerus clausus, aides fiscales, aides à l’installation en zones déficitaires… Mais quelle est l’utilité de ces mesures, si tous les nouveaux médecins continuent à s’installer dans des territoires déjà bien pourvus ? Je plaide pour que nous tenions le langage de la vérité aux étudiants qui s’engagent dans la noble voie de la médecine.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Très bien !

Mme Bérengère Poletti – Je vous remercie d’avoir permis au débat de se tenir. Il était temps de parler, il est temps d’agir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Simon Renucci – Six ans après vos premières mesures, mes chers collègues, j'aurais voulu constater que les efforts que vous aviez demandés aux Français, aux malades, aux retraités, étaient enfin récompensés. J’avais fait le rêve qu’après six projets de loi de financement de la sécurité sociale, notre système de solidarité serait sauvegardé et renforcé. Mais à l'heure où nous débattons, le constat est celui de 50 milliards de déficits cumulés. Et vous vous apprêtez à imposer de nouvelles franchises médicales, c’est-à-dire à augmenter les taxes sur les malades, alors que de plus en plus de gens ne se soignent plus, et qu’un nombre toujours plus grand de retraités bascule dans la pauvreté.

J'espérais que seraient tenus les engagements pris en 2005 concernant les enfants pauvres. J'avais, en tant que parlementaire, mais aussi comme pédiatre, beaucoup apprécié le rapport présenté à l'époque par M. Hirsch. Je regrette qu'aucune de ses propositions n’ait été retenue. Nous avons donc quelques doutes à l'égard des effets d'annonces.

Ainsi, pour la branche famille, le projet de loi compte seulement 35 millions d'euros de dépenses nouvelles et 130 millions d'euros d'économies, lesquelles résultent, d’une part, du versement à 14 ans et en une seule fois, au lieu de deux, de la majoration des allocations familiales et, d’autre part, de l'ouverture d'un droit d'option entre la prestation de compensation du handicap et les compléments d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

L’article 59 du projet de loi introduit une modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge des enfants. L'ARS est une prestation attribuée sous condition de ressources à toute famille ayant un ou des enfants à charge de 6 à 18 ans. Actuellement, le montant est le même quel que soit l'âge des enfants scolarisés. Lors de votre audition à l'Assemblée nationale, le 11 octobre, j’ai eu l’impression, Madame la ministre, que vous esquiviez la question du chiffrage. L'annexe 9 du projet nous donne la réponse : « Les mesures dont l'impact est neutre sur les soldes par branche ne figurent pas dans le tableau sur l'impact des mesures nouvelles 2008. » La modulation pour âge de l'ARS n'apparaissant nulle part dans ce tableau, j'en déduis qu’elle sera mise en œuvre à coût nul, par redéploiement entre classes d'âge. Elle se traduira donc par une diminution du montant de l'allocation pour des millions de familles. Peut-on, d'ailleurs, vraiment parler de politique familiale, quand celle-ci se résume à deux articles, avec comme seul objectif la rigueur ?

L’article 60 prévoit, quant à lui, que les bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé puissent cumuler cette allocation avec la prestation de compensation. Mais si, comme vous le demandez, l'entrée dans le dispositif de compensation du handicap reste liée à l'attribution de l'allocation, il y aura, pour les adultes, une compensation attribuée en dehors de toute référence à un taux d'incapacité, en application de la loi de février 2005, et pour l'enfant, une compensation qui sera, elle, toujours liée à un taux d'incapacité. Non seulement cette mesure n'a pas fait l'objet de concertation préalable, mais elle est discriminatoire et en contradiction avec l’esprit même de loi de 2005.

En ce qui concerne les maisons départementales du handicap, la Caisse nationale des allocations familiales évalue à 130 milliards la dépense supplémentaire à la charge de la Caisse nationale de sécurité pour l’autonomie. Quel sera l'impact financier de cette mesure pour les départements ?

Nous ne doutons pas de votre franchise. Comme, ce soir, il est beaucoup question de « D », je crois que le « D » qui compte véritablement, c’est celui de « doute » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe de la GDR).

M. Jacques Desallangre – Le déficit en 2003 était de 12 milliards, il est de 11 milliards en 2008. Ce budget est donc dans la continuité de vos budgets précédents, alors que, pour mémoire, sur la période 1998–2001, nos régimes sociaux étaient excédentaires. Depuis l’arrivée de la droite au pouvoir en 2002, les réformes se suivent et se ressemblent, le trou de la sécurité sociale reste le même, tandis que la couverture sociale de nos concitoyens ne cesse de se réduire.

Votre plan ? Rembourser moins, pour rompre ainsi l’égalité d’accès aux soins. Une part croissante de notre population est progressivement privée de cet accès : ticket modérateur, forfait hospitalier, baisse du taux de remboursement des médicaments, et demain, franchises médicales ou encore ponction de 50 euros pour les 45 millions de patients qui ne bénéficient pas de la CMU.

Vous ne voyez que les 850 millions d’économies que vous réalisez sur le dos des familles. Or, vous ne pouvez apporter les bonnes réponses, faute de poser les bonnes questions, parce que vos réflexions ne portent que sur la limitation des dépenses, sans jamais imaginer de réforme des recettes.

Je plaide, quant à moi, depuis des années pour une assiette des cotisations plus juste, portant sur la richesse et non plus les seuls salaires, ce qui permettrait d’abaisser les taux tout en augmentant les recettes. Alors que la part du travail dans la création de richesses ne cesse de diminuer, il faut mettre équitablement à contribution les revenus du capital. Ainsi, les entreprises participeraient à hauteur de leur capacité contributive réelle.

Mais vous n’agissez que sur les recettes, en vous contentant de multiplier les exonérations, sans réelle contrepartie. Comment espérez-vous combler le déficit, alors que vous dépensez le double de son montant en exonérations ? La Cour des comptes a relevé que, sur 22 milliards d’exonérations, plus de deux milliards n’étaient pas compensés, que sept milliards portaient sur certaines rémunérations, dont trois sur les stock-options. Si l’on ajoute l’argent perdu sur les indemnités de départ et un milliard d’allégement des cotisations sur le patrimoine, on arrive aux treize milliards qui font défaut à la sécurité sociale ! M. Séguin vous avait mis en garde, en vain : vous ajoutez même une dose supplémentaire d’exonérations sur les heures supplémentaires, dont l’inefficacité suscitera, espérons-le, la suppression prochaine.

Les hommes sont inégaux devant la maladie, et les franchises médicales ne feront qu’aggraver le mal. En lui faisant payer sa santé plutôt que sa maladie, vous croyez responsabiliser le patient. Les malades seraient-ils donc irresponsables au point de vouloir dépenser sans limites sur le compte de la sécurité sociale ? M. Préel parlait tout à l’heure de « rattrapage » : vous oubliez que les prescripteurs sont les médecins, et non les patients !

Par ailleurs, les fortes disparités régionales persistent. Les médecins de l’Aisne sont, pour cent mille habitants, trois fois moins nombreux que ceux de Paris, bien que leur rémunération soit supérieure d’environ treize points ! Vos mesures d’incitation à l’installation sont un échec. Il est temps de modifier et de régionaliser le numerus clausus. Il faut aussi faire plus en matière de formation et d’incitation financière. Vous parliez de virage : prenez garde au mur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR)

M. Dominique Tian – Le premier PLFSS du quinquennat est un texte majeur, une réponse à la dégradation structurelle très préoccupante de nos comptes sociaux. Les hypothèses de croissance les plus optimistes n’y font rien : le déficit devrait atteindre 7,6 milliards en 2012, et sera d’autant plus ardu à financer que la France croule déjà sous le poids des charges sociales et de la dette publique.

Le Gouvernement a parfaitement saisi la gravité de la situation. La décision courageuse d’instaurer une franchise de cinquante centimes sur les actes paramédicaux et une autre de deux euros par transport en ambulance libérera des ressources nouvelles sans trop peser sur les assurés. Certains crient à la remise en cause des fondements de la sécurité sociale : soyons raisonnables. Ces franchises n’excéderont pas quatre euros par mois, et de nombreuses catégories de personnes en sont exonérées. N’oublions pas que notre système de santé est l’un des plus équitables au monde : les régimes obligatoires remboursent 76 % des dépenses globales.

Le texte prévoit également le passage à la tarification à l’activité des hôpitaux dès 2008, des mesures de maintien en activité des seniors, ainsi que le renforcement de la lutte contre la fraude. Mieux encore : l’État solde sa dette à l’égard des organismes sociaux.

Néanmoins, plusieurs améliorations restent possibles. Ainsi, l’article 10 pénalise les mises à la retraite de manière trop uniforme. Il vaudrait mieux prévoir des sanctions dégressives selon l’âge du départ. Il convient également de régler la question de l’accumulation des droits liés au compte épargne-temps. Rétablissons l’équité en faveur du travail non qualifié, que la loi TEPA pénalise en ne prenant pas en compte les temps de pause pour les allégements. La procédure dérogatoire d’affiliation au régime général prévue à l’article 13 pour les personnes exerçant de petites activités économiques mérite d’être revue : une expérimentation sur cinq ans est bien trop longue. L’article 23 fixe le plafond de trésorerie du régime général à un niveau historique : 36 milliards. C’est une véritable autorisation donnée à l’augmentation de la dette, d’autant que les frais financiers sont considérables.

M. Gérard Bapt – Eh oui !

M. Dominique Tian – S’agissant de l’instauration de la tarification à l’activité à l’hôpital, il ne faut pas abandonner la convergence tarifaire entre public et privé. Enfin, pourquoi ne pas compléter les mesures de lutte contre la fraude en renforçant la coopération entre l’assurance maladie et les organismes complémentaires, ou encore en obligeant les bénéficiaires de la CMU à accepter des génériques ?

Mme Catherine Lemorton – Comme les autres !

M. Dominique Tian – Quoi qu’il en soit, le Gouvernement pourra compter sur notre soutien pour sauvegarder le système de santé, ce pilier de notre pacte social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt – M. Bertrand se félicitait tout à l’heure que la réforme de 2004 ait permis de diviser par deux le déficit de la branche maladie. Cette baisse est pourtant due, pour les deux tiers, à des recettes nouvelles, la plupart grâce aux patients. Quant à la maîtrise médicalisée, ce fut un échec, dont le dérapage du déficit de 2006 est l’illustration la plus récente.

Malgré ces recettes nouvelles, chacun sait que la stabilisation du déficit est impossible sans réforme structurelle. Pour la première fois, un gouvernement de droite a le mérite d’en évoquer l’éventualité. Pourtant, les besoins médicaux ne se réduisent pas à certaines périodes de la vie ou à certaines régions de France. Songez par exemple aux 150 millions par an que requiert la création des 140 unités neurovasculaires – il n’en existe que 58 aujourd’hui – qui permettront de pratiquer la thrombolyse sur les victimes d’accidents vasculaires cérébraux, parfois jeunes.

Vous invoquez les 850 millions du produit des franchises. M. Sarkozy n’avait-il pas annoncé pendant la campagne que le montant de la franchise serait fixé selon l’ampleur du déficit, et qu’elle pourrait tout bonnement disparaître une fois l’équilibre revenu ?

M. Arnaud Montebourg – On s’en souvient, en effet !

M. Gérard Bapt – Il s’agit donc bien d’un nouveau déremboursement, le dernier d’une liste déjà longue.

M. Arnaud Montebourg – À chaque problème sa taxe !

Mme la Ministre de la santé – Les socialistes nous ont montré la voie avec le forfait hospitalier !

M. Arnaud Montebourg – Vous leur faites une concurrence déloyale !

M. Gérard Bapt – Sur les franchises comme sur d’autres sujets, les Français sont très attachés aux principes de solidarité et d’universalité de la sécurité sociale tels qu’ils furent énoncés à la Libération. Or, voici que réapparaît M. Kessler, auteur d’un intéressant éditorial dans le magazine Challenges.

M. Arnaud Montebourg – Texte passionnant, en effet !

M. Gérard Bapt – Il y félicite M. Sarkozy d’avoir entamé le démantèlement de notre système de protection sociale créé par le Conseil national de la Résistance. N’est-ce pas précisément cette question que soulève le Président de la République en distinguant ce qui, en matière de protection sociale, relève de la solidarité nationale et de la responsabilité individuelle ? M. Kessler ne demandait pas autre chose dès le début des années 1990, en proposant d’introduire l’assurance privée dans le panier de soins.

Voilà pourquoi nous serons présents dans ce débat, fidèles aux principes d’universalité et de solidarité imposés par le CNR, tâche à laquelle un certain Charles de Gaulle avait pris sa part (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Arnaud Montebourg – Nous attendons votre réponse, Madame la ministre.

Mme la Ministre de la santé – À la fin de la discussion générale.

Mme Martine Billard – Les chiffres du déficit des comptes sociaux signent la faillite de votre politique de culpabilisation des assurés sociaux et de restriction des droits, telle que vous la mettez en œuvre depuis les lois de 2003 et 2004. Alors que la loi Douste-Blazy était censée ramener les comptes à l’équilibre pour 2007, les déficits n’ont cessé de se creuser. Celui du régime général, prévu à 8 milliards, s’établit à 11,7 milliards.

Toujours irresponsables, vous refusez toute nouvelle recette, laissant le déficit prévisionnel à 9 milliards – quand vous votez 15 milliards de cadeaux fiscaux. Au lieu d’engranger 3 milliards en taxant les stock-options, comme le suggère la Cour des comptes et comme je l’ai moi-même proposé au travers d’amendements, vous ne présentez qu’une mesurette, visant à les taxer à 2,5 %.

M. Yves Bur, rapporteurLisez l’amendement, c’est 2,5 % plus 2,5 % !

Mme Martine Billard – Parallèlement, vous n’hésitez pas à porter à 7,5 % la CSG sur les préretraites !

Ce sont les assurés – plus encore les malades – qui paieront avec la multiplication des « franchises médicales », particulièrement injustes. Madame la ministre, ces 50 euros « seulement », comme vous l’avez dit, s’ajoutent à une autre franchise de 50 euros, aux déremboursements – dont la liste s’allonge – et aux dépassements d’honoraires – dont vous estimerez qu’ils ne sont pas de votre ressort.

M. Arnaud Montebourg – Les dépassements représentent 2 milliards !

Mme Martine Billard – Pourtant, le rapport de l’IGAS avait très clairement montré les conséquences de ces dépassements qui sont une entrave à l’accès aux soins. En outre, les malades en ALD, les personnes handicapées ou dépendantes, les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle seront « responsabilisés » grâce à ces franchises alors qu’ils ne sont en rien responsables de leur maladie. Quant aux malades atteints par l’Alzheimer, ils ne seront pas exonérés d’une franchise censée lutter contre cette maladie : deux fois victimes !

L'état des déficits ne doit pas être le prétexte pour n'adopter que des raisonnements comptables et offrir au final, le démantèlement de la Sécurité sociale aux assureurs privés. Il nous faut changer notre système de santé, en pensant « santé pour tous » et non « accès aux soins pour quelques-uns ».

L'envolée des dépenses de santé est certes due au vieillissement de la population mais en partie seulement. Les maladies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires et les cancers, ont remplacé les maladies infectieuses au premier rang des causes de décès. Entre 1994 et 2004, la hausse du nombre d'ALD a été de 73,5 %. Les progressions les plus fortes concernent les cancers, notamment d'origine environnementale, et le diabète. Les ALD représentent 60 % des dépenses de santé.

La solution n'est pas de punir les victimes en les faisant payer toujours plus, mais de prévenir les pathologies, en ne se contentant pas seulement de dépistages et de messages d’information, mais en réduisant les risques en amont, grâce à une politique active de protection de l'environnement et de la santé au travail. Il s'agit de diminuer effectivement les teneurs en sucre, sels et graisses sur-saturées dans les produits alimentaires, de réduire l'usage nocif des pesticides, de diminuer les troubles musculo-squelettiques ou les dépressions liés au travail. Or, à constater les coupes claires effectuées par le Gouvernement dans les propositions du groupe de travail sur la santé du Grenelle de l'environnement, cette politique, seule à même de ramener les comptes sociaux à l’équilibre tout en améliorant la santé des Français, n'est toujours pas d'actualité.

Pour réduire intelligemment les dépenses de santé, il faudrait lutter contre la surconsommation de médicaments et encadrer les pratiques des laboratoires pharmaceutiques. Ceux-ci ne sont que faiblement mis à contribution dans ce PFLSS. Pourtant, ils ne sont pas à plaindre : leurs 15 % de bénéfices annuels servent à rémunérer leurs actionnaires plutôt qu'à investir dans la recherche. Il devient urgent de revoir toute la procédure de négociation du prix des médicaments ainsi que la notion de service médical rendu. Rien ne justifie le remboursement de molécules sans utilité supplémentaire ou complémentaire par rapport aux précédentes.

Nous sommes également dans l'impasse sur les questions de démocratie sanitaire. Les associations de victimes ou de malades n'ont malheureusement qu'un strapontin à la CNAMTS et sont exclues de l'UNCAM. Les députés Verts appellent de leurs vœux une négociation sur la santé qui réunisse tous les acteurs de la santé, représentants des usagers de la médecine et syndicats inclus. C’est ainsi que nous pourrons reconstruire un système à même de préserver la sécurité sociale pour tous. C’est ainsi que nous éviterons de voir la médecine privatisée, au travers du panier de soins ou de la prise en charge par les assurances privées (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – Madame la ministre, répondez, notamment sur le sujet des dépassements d’honoraires.

Mme la Ministre de la santé – Après la discussion générale !

M. Élie Aboud – Tel Sisyphe, le législateur serait-il condamné à rouler la pierre des déficits, cherchant à concilier équilibre des comptes et santé pour tous ? En cinquante ans, la part des dépenses sociales dans le PIB a triplé. Aujourd'hui, les dépenses de santé représentent près de 200 milliards, soit plus de 3 000 euros par habitant. Depuis 2003, le législateur a tenté, en vain, de rectifier l’orientation budgétaire.

Ce budget est à la fois un budget de continuité, pour la protection de l’individu, et un budget de rupture – avec l'immobilisme et le conservatisme. Mais il n’atteindra ses objectifs que si de nouvelles orientations sont imposées.

Le projet instaure une logique d’efficacité au travers de la présentation du programme de qualité et d’efficience. Il se fixe cinq objectifs : assurer la viabilité des régimes, veiller à l’équité du prélèvement social, concilier au mieux protection sociale et emploi, simplifier les procédures de financement, améliorer l’efficience du système.

Les mesures ambitieuses comprennent notamment le développement des génériques, la généralisation de la T2A, la réduction des niches sociales par une taxation des stock–options, la lutte contre les fraudeurs, une franchise juste, et une meilleure répartition des médecins sur le territoire, préparée dans un esprit de dialogue.

La modernisation de l'offre de soins, le développement complémentaire des médecines douces, la promotion de la santé des femmes, la poursuite de la convergence tarifaire intersectorielle et la recherche systématique de la meilleure solution qualitative, de même que la prévention, le dépistage et l'éducation à la santé, sont autant de pistes à explorer.

À l'heure du « Grenelle de l'environnement », il serait paradoxal que le monde de la santé soit le seul à ne pas se préoccuper de développement durable : la création d'une agence de la recherche et du développement durable en santé pourrait répondre à cette préoccupation. « Les magnifiques ambitions font faire les grandes choses » écrivait Victor Hugo : en contribuant à sauvegarder notre système de santé et en le rendant plus efficace, Madame la ministre, vous assurez le présent et l'avenir de nos concitoyens. C’est pourquoi je voterai ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Pinville – Je commencerai par établir un constat d’échec : celui des réformes de 2003 et de 2004, malgré les sacrifices demandés. Aucun des défis lancés à notre société – concilier efficacité économique, solidarité et satisfaction des besoins de santé et de prévoyance – n’a été relevé. Avec les franchises médicales et le durcissement des conditions d’accès à la retraite, vous poursuivez dans la même voie.

Ce PLFSS remet en cause le principe de solidarité fondateur de notre système de sécurité sociale et fragilise la prise en charge de l’ensemble des assurés sociaux. L’instauration des nouvelles franchises médicales repose sur la pénalisation des assurés sociaux sous forme de réduction des remboursements. Elles n’ont pas été justifiées comme étant une mesure de responsabilisation des malades ou un moyen de combler les déficits, mais présentées comme des ressources nouvelles pour financer la lutte contre le cancer, le plan Alzheimer ou le développement des soins palliatifs. En fait, il s'agit tout simplement de nouveaux déremboursements qui pénalisent une fois de plus les plus modestes et remettent ainsi en cause le principe même de solidarité dans notre système de sécurité sociale.

Enfin, les exonérations de cotisations sociales non compensées prennent une part croissante dans le déficit de la sécurité sociale. Un manque à gagner demeure entre le montant de la compensation par l’État et celui des exonérations offertes aux employeurs au titre des aides pour l’emploi – autant de cotisations qui échappent aux URSSAF. Il est temps de se demander si toutes ces exonérations sont réellement destinées à favoriser un emploi stable et correctement rémunéré : l’expérience nous pousse à en douter. Quoi qu’il en soit, elles sont préjudiciables aux comptes sociaux comme au budget de l’État. Mais vous persévérez, en décrétant parallèlement des franchises qui pénalisent les assurés sociaux les plus modestes.

Il faut aussi veiller à assurer l’égalité dans l'accès aux soins et, plus généralement, la qualité de la prise en charge des assurés quelle que soit leur condition sociale ou géographique. Mais aujourd’hui, les difficultés se multiplient : manque de généralistes, rupture de la permanence des soins le soir et le week-end, engorgement des urgences, délais inacceptables pour consulter certains spécialistes… la liste est longue. N'est-ce pas à l'État, qui définit les objectifs de la politique de santé publique, de garantir l'accès aux soins ? Le temps des vaines incantations est révolu.

Mme la Ministre de la santé – C’est vrai !

Mme Martine Pinville – Il y a urgence à trouver des solutions à cette pénurie, à définir un schéma d'organisation sanitaire par territoire pour la médecine de premier recours. Devant l'échec des politiques d'incitation, la tentation d'adopter des mesures coercitives est grande. Méfions-nous des solutions simplistes. Certes, on peut obliger un jeune médecin à s'installer dans un quartier prioritaire ou dans un canton rural, mais dans le même temps, on condamne des services dans l'hôpital de proximité ! Les pistes de travail sont pourtant nombreuses, et doivent être complémentaires, pour assurer à chaque assuré l’accès aux soins de premiers recours, à une permanence de soins la nuit et le week-end et à un service d'urgence dans un délai raisonnable. Parallèlement, il faudra moderniser les hôpitaux de proximité. Or, ce projet de loi d’attente ne propose pas les réformes nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Marie Rolland – Certains territoires, surtout ruraux, connaissent une grave crise démographique des professions de santé. Le nombre de généralistes exerçant en secteur 1 a diminué. Ils ne sont pas remplacés lorsqu’ils partent à la retraite, ce qui compromet la permanence des soins. L’examen de classement national montre que la spécialité de médecine générale est souvent choisie par défaut, sans compter que douze mille médecins généralistes n’exercent pas leur profession. Image dégradée, mode de sélection, conditions d’exercice… : les jeunes générations craignent de sacrifier leur vie personnelle. Il faut donc une réponse forte, permettant à chaque acteur de prendre ses responsabilités. Il faut faire connaître le métier aux étudiants, multiplier les stages, faire intervenir les praticiens à la faculté, partager le temps d’internat entre l’hôpital et le terrain, améliorer les conditions d’exercice en favorisant les regroupements professionnels. Il faut aussi que tout le monde joue le jeu : la faculté, en ouvrant ses portes aux médecins de ville et en rappelant l’intérêt d’une médecine humaniste, où l’examen clinique prime sur les examens techniques ; les syndicats et le Conseil de l’ordre, qui peuvent favoriser les remplacements et faire mieux connaître les possibilités d’exercer en plusieurs lieux ; l’assurance maladie qui doit améliorer le parcours de santé en valorisant la médecine de famille et en faisant appliquer intégralement l’avenant n° 20 à la convention médicale – si elle y mettait autant d’énergie qu’à mettre en place le délégué à l’assurance maladie, nous aurions déjà bien avancé ! Quant au numerus clausus, il faudra sans doute envisager de le régionaliser, dans le cadre des ARH par exemple. L’attente de nos compatriotes est très forte. Il ne faut se priver d’aucune piste, d’aucune expérience, d’aucune réussite. L’égalité d’accès aux soins est un élément important du pacte républicain et je souhaite ardemment que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale y contribue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Issindou – Le bilan de votre action autant que le contenu de votre projet nous invitent au scepticisme. Les comptes du régime général accuseront cette année un déficit abyssal, proche du triste record de 2004. Après la période d’excédents des années 1999 à 2001, le retour de la droite aux affaires a coïncidé avec une dégradation continue de la situation financière de la sécurité sociale qui, si elle est en partie imputable à une croissance que vous n'avez pas su stimuler, signe également l'échec des politiques sociales engagées depuis 2003, en particulier de la réforme des retraites menée par l’actuel chef du Gouvernement. Aucune amélioration n'est malheureusement à attendre du PLFSS pour 2008, qui ne règle en rien les problèmes structurels qui plombent les comptes sociaux.

Cette situation exige des transformations d'ampleur, mais vous ne prévoyez que des retouches homéopathiques.

Mme la Ministre de la santé – C’est excellent, l’homéopathie !

M. Michel Issindou – Le vieillissement démographique et le coût toujours croissant des pathologies lourdes exigent des mesures de fond visant à la rationalisation et à la réorientation de la dépense. Selon le Haut conseil de la santé, les affections de longue durée représentent aujourd'hui 60 % des remboursements de santé – et en représenteront 70 % en 2015 – mais, malgré l'importance de ces sommes, plus d’un million des patients doivent s'acquitter d’un reste à charge dépassant 600 euros, quel que soit leur niveau de revenu. La réforme du dispositif est donc urgente, et l’on pourrait notamment songer à une redéfinition du périmètre des ALD et à une plus grande insistance sur la prévention. Faisant primer les mesures médiatiques sur les réformes essentielles, vous n'avez pas souhaité vous attaquer à ce chantier.

Votre projet de loi ne contribuera pas non plus à réguler les dépenses de remboursement des médicaments. Vous rappelez que dans notre pays, 90 % des consultations se terminent par une prescription médicamenteuse, soit le double de la moyenne de l’Europe. Les effets pervers de cette frénésie de l'ordonnance sont connus : la consommation de médicaments incompatibles entraîne plus de 100 000 hospitalisations par an. Des mesures sérieuses visant à une plus grande responsabilisation de chacun, dans les pratiques de prescription comme de consommation, sont indispensables.

M. Yves Bur, rapporteur – C’est l’objet des franchises !

M. Michel Issindou – Votre principale réponse est l’instauration d'une taxe-franchise de cinquante centimes par boîte de médicament. L’évolution des comportements nous semble réclamer des actions plus sérieuses.

Plus préoccupante encore est la situation largement déficitaire du régime vieillesse. Les hypothèses de croissance fantaisistes retenues en 2003 annonçaient déjà les déficits d’aujourd’hui. Plutôt que de remettre l’ensemble du système à plat, en concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement s'emploie à mystifier l'opinion en laissant croire que la suppression des régimes spéciaux réglera tout, alors qu’ils ne représentent que 6 % des pensions versées. Faute de vous attaquer aux problèmes de fond, il est d'ores et déjà évident que vous échouerez dans la maîtrise des déficits – d’autant que vos objectifs en matière de dépenses sont irréalistes. Ainsi, les organisations professionnelles ont souligné que l'augmentation de l'ONDAM hospitalier ne saurait être inférieure à 3,5 %. En la fixant à 3,2 %, vous intensifiez la contrainte budgétaire qui pèse sur les établissements et les encouragez à camoufler leur déficit, au mépris des règles comptables les plus élémentaires, comme l’a fait remarquer la Cour des comptes. Si la généralisation de ces pratiques vous aide à sauvegarder les apparences, elle reporte d’autant le retour à l'équilibre.

Et que dire du financement de ce texte : qu'il poursuit dans la ligne d’injustice qui caractérise le Gouvernement ? Après les quatorze milliards que vous avez consentis aux plus nantis cet été,…

M. Christian Paul – Quinze !

M. Michel Issindou – …vous instaurez un système de franchises qui fera financer en partie les dépenses de santé par les plus modestes et surtout par les plus malades. C'est le début d'un détricotage de la couverture sociale. Et quand bien même l'effort de responsabilisation justifierait d'associer les assurés au financement des dépenses, il est des solutions moins inégalitaires pour y parvenir.

Confrontés à des réactions indignées, critiqués par la Cour des comptes, vous acceptez aujourd’hui le principe d'un impôt sur les revenus annexes des salariés – à contrecoeur, cela va sans dire, car vous êtes attachés aux privilèges des détenteurs de stock-options.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur.

M. Michel Issindou – Mais les 400 millions que vous en tirez sont sans commune mesure avec les 3 milliards évoqués dans certains rapports.

Des moyens existent pourtant pour contenir les dépenses et optimiser les recettes. L’incapacité du Gouvernement, cinq années durant, à ramener les comptes à l'équilibre apparaît donc suspecte. Elle est un aveu d'insuffisance, tout autant peut-être qu'un calcul politique destiné à montrer que notre généreux système de protection sociale ne serait pas tenable. Cela vous permet d’administrer à la sécurité sociale votre remède miracle, qui a pour principaux ingrédients les déremboursements et les privatisations. Les franchises d’aujourd'hui sont un premier pas inquiétant dans cette direction.

M. le Président – Conclure, ce n’est pas recommencer sa démonstration !

M. Michel Issindou – Et si, par malheur, une résistance légitime venait à contrarier vos plans, il vous resterait encore la possibilité d'alourdir la fiscalité, en commençant bien sûr par les taxes les moins progressives. Votre empressement à trouver des moyens de financement inégalitaires et votre réticence à faire financer le déficit par les plus prospères confirment durement l'adage selon lequel il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade… Autant dire que nous nous interrogeons sur les garanties crédibles que vous pourriez apporter à tous les Français légitimement inquiets de l'affaiblissement des principes de solidarité et de justice qui fondent le système de protection sociale auquel ils sont si attachés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Michèle Delaunay – Le médecin que je suis sait combien une extrême rigueur est nécessaire dans la gestion de la sécurité sociale. Le pays le sait aussi et il y est prêt, mais sous certaines conditions dont nous ne trouvons pas trace dans ce projet. Quelles sont-elles ? En premier lieu, cet effort suppose un contexte d’équité sociale et budgétaire ; or, le paquet fiscal adopté en juillet par la majorité va tout au contraire. Une autre condition consiste en l’équité entre territoires pour l’accès aux soins et pour la permanence des soins ; or, vous avez suspendu les mesures qui auraient peut-être permis de combler, bien qu’imparfaitement, l’inégalité actuelle…

Mme la Ministre de la santé – De quelles mesures parlez-vous ?

Mme Michèle Delaunay – Du conventionnement modulable, dont le Président de la République a indiqué qu’il le réévaluerait dans trois ans, et qu’il ne concernerait en aucun cas les jeunes médecins. Vous l’avez entendu comme moi, nous étions assises côte à côte…

Mme la Ministre de la santé – Vous confondez deux choses différentes.

Mme Michèle Delaunay – L’effort nécessaire doit aussi être proportionné au revenu. Tout au contraire, les franchises médicales fragiliseront les plus pauvres, et elles écarteront des soins ceux qui en ont le plus besoin.

Ceci encore : la nécessité de l’effort doit être expliqué, et expliqué avec sincérité, en donnant le coût des traitements des maladies graves, pour lesquelles la solidarité nationale ne doit pas faillir, et certainement pas en s’abritant derrière le prétexte commode du financement du plan « cancer » ou de la lutte contre la maladie d’Alzheimer alors que le produit des franchises servira à combler, et encore très partiellement, le déficit.

L’effort doit aussi être évalué à tous les niveaux, qu’il s’agisse des nouvelles conventions signées avant même que l’effet des précédentes ait été mesuré, ou des traitements, une fois délivrées les autorisations de mise sur le marché. L’évaluation des soins et des pratiques doit, elle aussi, être permanente.

L’effort, Madame la ministre, doit aussi être juste. À cet égard, vous ne pourrez, si vous voulez être crédible, vous dispenser de réglementer les dépassements d’honoraires.

D’autre part, la perspective ne peut être seulement budgétaire. S’il faut, je le pense comme vous, revoir les ALD, la révision doit se faire au bénéfice des patients, en améliorant leur parcours de soin par une gestion personnalisée.

Il va sans dire que l’effort demandé doit s’intégrer dans une politique de santé publique cohérente. Or, si vous avez parlé de prévention, votre texte n’en dit mot…

Mme la Ministre de la santé – C’est faux !

Mme Michèle Delaunay – …non plus que du dépistage. À ce sujet, je me dois de faire observer qu’en matière de santé, les coûts ne sont pas là où on le pense. Comment, à ce sujet, ne pas évoquer le considérable déficit de médecins scolaires – il en manque 1 200 – ?

Mme la Ministre de la santé – Cette question n’a pas sa place dans un PLFSS !

Mme Michèle Delaunay – Oh que si ! Les carences non soignées dans l’enfance se payent lourdement par la suite.

Enfin, pour affronter les défis sanitaires du siècle et l’allongement de la durée de vie, il nous faut proposer aux Français un nouveau modèle de société, car les sociétés les plus justes, les plus égalitaires sont celles où l’on se porte le mieux. Si nous n’optons pas pour une société plus équitable, nous n’obtiendrons pas les résultats que nous souhaitons en matière de coût de la santé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance : ce matin, mercredi 24 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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