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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 25 octobre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
24ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2008 (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Mme la Présidente - Nous en arrivons à la troisième partie du projet de loi, qui contient les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour 2008.

ART. 8 ET ANNEXE B

Mme la Présidente – Afin que notre débat demeure dynamique et que les derniers articles du projet ne soient pas examinés plus rapidement que les premiers, je vous demande de faire preuve de concision.

M. Jean-Luc Préel – Pour ma part, je m’y efforce depuis hier (Sourires). L’article 8 est consacré au cadrage quadriennal – de 2008 à 2012 – des recettes et des dépenses, voulu par M. le rapporteur Bur. A l’époque où nous avons voté la réforme qui l’instituait, nous étions très optimistes, comme le sont aujourd’hui les hypothèses du Gouvernement en matière de croissance – 2,5 à 3 % par an –, d’augmentation de la masse salariale – entre 4,4 et 5 % –, d’inflation – 1,6 % – et d’ONDAM – ainsi prévoyez-vous une variante de 1,5 %. Tout cela est peu crédible, malheureusement pour le pays et pour l’emploi. D’ailleurs, malgré cet optimisme, le texte envisage pour 2012 un déficit cumulé de 42 milliards d’euros pour le régime général et de 15,8 milliards pour le Fonds de financement des prestations sociales agricoles – le FFIPSA.

Monsieur le ministre du budget, comment expliquer cette différence par rapport aux prévisions de l’année dernière, qui permettaient d’envisager un excédent du régime général en 2010 ? Si vos prévisions se confirment, comment financer ces déficits sans pénaliser nos enfants, ce qui serait inadmissible – car, vous l’avez dit vous-même, c’est à chaque génération d’assumer ses propres dépenses ! À quelles sommes astronomiques aboutirons-nous en 2012 si le déficit se creuse chaque année ? Que pensera la Cour des comptes, qui jugeait déjà anormal un déficit de 18 milliards d’euros en 2006, de celui de 45 milliards d’euros en 2008, dont 36 pour le régime général ?

M. Pascal Terrasse – Sur cet article essentiel, Monsieur le ministre, nous souhaitons ajouter plusieurs questions à celles auxquelles vous avez partiellement répondu. Alors que votre prédécesseur s’est engagé il y a un peu plus d’un an auprès de la Commission européenne à limiter l’augmentation des dépenses des établissements de sécurité sociale à 1 % par an, cet article la porte à 1,5 %, moyennant qui plus est des hypothèses extrêmement optimistes en matière de croissance – plus optimistes encore que celles du projet de loi de finances – comme en matière d’évolution de la masse salariale. D’après les prévisions de l’annexe B, à moins d’un changement de politique majeur, les comptes de ces établissements ne pourront que se dégrader d’année en année, jusqu’à atteindre un déficit chronique – bien loin de l’équilibre que le Président de la République, au cours de sa campagne, a promis pour 2012.

J’aurais aimé poser la même question à Mme la ministre de la santé, dont je regrette l’absence.

M. Gérard Bapt – C’est l’Arlésienne !

Mme la Présidente – Je tiens à vous informer que M. le ministre du travail a annulé plusieurs de ses rendez-vous de la matinée, notamment avec les partenaires sociaux, afin de nous rejoindre.

M. Lionel Tardy – C’est cela, le dialogue social !

Mme Marisol Touraine – J’espère qu’il ne tardera pas, et je déplore en tout cas moi aussi l’absence de Mme la ministre de la santé.

Hautes ou basses, vos hypothèses de dépenses – notamment pour les branches santé et vieillesse – anticipent un ample déficit – autrement dit, l’échec des politiques que vous proposez ! C’est de réformes de structure que nous avons besoin, et non de scenarii irréalistes et – depuis des années – insincères. D’autres l’ont souligné à propos de l’assurance maladie ; quant à la branche vieillesse, comment pouvez-vous prétendre parvenir rapidement à l’équilibre ? Vous vous refusez à alimenter suffisamment le fonds de réserve des retraites !

D’autre part, comment pourrez-vous, sans aggraver le déséquilibre, maintenir le dispositif « carrières longues » – seule mesure équitable de votre réforme –, qui fait l’objet de davantage de demandes que vous ne l’aviez prévu ? Nous vous l’avons demandé à plusieurs reprises hier ; nous aimerions pouvoir interroger également le ministre du travail.

En outre, alors que vous prétendez réformer les régimes spéciaux de retraite au nom de l’équité, voici que vous achetez la paix sociale en proposant une retraite anticipée aux avocats qui exercent dans les tribunaux d’instance que la réforme de la carte judiciaire va supprimer !

Mme Jacqueline Fraysse – Nous avons déposé un amendement de suppression de cet article, car il est inacceptable, qu’il s’agisse des recettes ou des dépenses. Les mesures qui concernent les premières sont à la fois insuffisantes et inégalitaires. Insuffisantes, parce que – nous l’avons souligné lors de la discussion générale – vous refusez d’aller chercher l’argent là où vous pourriez le trouver si vous suiviez nos propositions, préférant recourir à une taxation aléatoire, notamment par l’intermédiaire de la taxe sur les tabacs. Inégalitaires, parce que vous aggravez l’injustice sociale en refusant de mettre à contribution les revenus des placements financiers – en d’autres termes, vous taxez ceux qui gagnent de l’argent en travaillant plutôt que ceux qui en gagnent en dormant, allant jusqu’à taxer la maladie des personnes aux revenus les plus modestes en appliquant les franchises aux retraités ou aux victimes d’accidents du travail, comme s’ils étaient responsables de leur situation !

Vous maintenez d’ailleurs les exonérations de cotisations sociales du patronat, ce qui représente 32 milliards cette année, dont 2,5 ne seront pas compensés, soit un manque à gagner très important pour l’assurance maladie. Les taxes que vous indiquez frappent les petits revenus, les malades, mais épargnent les plus aisés !

Faute de prendre des mesures suffisantes s’agissant des recettes, vous imposez, au chapitre des dépenses, des restrictions aux patients qui « consomment trop », aux médecins qui « prescrivent trop » et aux hôpitaux, pourtant déjà confrontés à des déficits insurmontables. Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre cet article.

M. Jérôme Cahuzac – En tant que ministre, votre tâche est difficile, Monsieur Woerth. Il vous faut assumer le passé, supporter le présent et garantir l’avenir…

Les réformes Douste-Blazy et Bertrand – pour lesquelles les ministres s’étaient réparti les rôles, l’un se consacrant à Paris-Match, l’autre au Parlement –, loin d’être structurelles, ne consistaient qu’en des mesures de recettes : augmentation de la C3S, déremboursement, élargissement de l’assiette de la CSG, augmentation de la CSG pour les non-retraités. Elles ont eu un résultat comptable l’année suivante, mais ont été sans effet au-delà. De fait, nous nous trouvons dans la situation que nous connaissons cette année, avec des prévisions d’un effroyable pessimisme.

Je vous ai posé une question cette nuit, je la répète, espérant que vous y répondrez cette fois. En 2007, l’assurance-maladie a dérapé de 4 milliards, dont 3 seraient attribués aux soins de ville. Dans l’exposé des motifs, vous expliquez ce dérapage par le contexte épidémiologique et l’augmentation des prescriptions pharmaceutiques. Puisque vous êtes le seul à assumer le passé au banc du Gouvernement, dites-nous donc quelles ont été ces épidémies, quel a été leur coût et quels sont les postes pharmaceutiques concernés. Surtout, quelles mesures entendez-vous prendre pour éviter en 2008 un nouveau dérapage financier de grande ampleur, qui réduirait à néant vos efforts de maîtrise des comptes publics ?

Même si vous vous voulez rassurant, il semble que rien de ce que vous entreprendrez n’empêchera les comptes de continuer de se dégrader. Que comptez-vous faire, en dehors des mesures de recettes que vous excluez, puisque vous avez déclaré qu’il n’y aurait pas de hausse de la CSG, de la TVA ou de la CRDS ? Déjà, la crise de 2004 « mettait en péril », selon vos prédécesseurs, la protection sociale. Que dire alors de la crise que nous connaissons aujourd’hui ?

Les tableaux joints à l’article 8 sont d’un terrible pessimisme. Que les scénarii envisagés soient favorables ou défavorables, il est certain qu’au terme de cette mandature, les déficits se seront creusés de plusieurs dizaines de milliards. Et encore ces prévisions sont-elles fondées sur une évolution de l’ONDAM extrêmement optimiste. Cette situation vous préoccupe-t-elle ? Vous n’en donnez pas toujours l’impression. Si c’est le cas, que comptez-vous faire ? Sachez que cette majorité aura, entre 2002 et 2012, contribué à aggraver le déficit cumulé de la sécurité sociale de 100 milliards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Marcel Rogemont – Le dispositif permettant aux personnes ayant eu des carrières longues de partir à la retraite après 40 annuités a institué à l’issue d’une négociation longue et difficile, au terme de laquelle les organisations syndicales ont signé un accord avec le gouvernement Raffarin. Vous devriez le rappeler, au lieu de vous acharner sur les bénéficiaires de la mesure.

Vous le devriez d’autant plus que, selon la radio, voici que les avocats pourraient bénéficier de la retraite à 55 ans pour compenser leur mutation, suite à la suppression du tribunal auquel ils sont rattachés. C’est scandaleux ! Les employés des entreprises qui se voient imposer des mutations ne bénéficient pas de cet avantage. Quel mépris à leur égard ! Bénéficieront-ils des mêmes avantages ? Que je sache, la profession d’avocat a des contraintes, mais pour autant, elle ne figure pas parmi les métiers les plus éprouvants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Claude Viollet – Le cumulard Copé en sait quelque chose !

M. Jean-Marie Le Guen – Les comptes de 2007 démontrent que les réformes entreprises par MM. Douste-Blazy et Bertrand ont été insuffisantes. L’essentiel des améliorations, d’ailleurs minimes, est dû aux prélèvements supplémentaires, mais les 4 milliards de dérapage sont difficilement explicables. Vous les attribuez aux épidémies. De quelle nature étaient celles-ci ?

Nous changeons de focale avec cet article qui établit les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses entre 2008 et 2012. Le Gouvernement, serein, assume l’idée que les déficits vont continuer de se creuser. Ce temps, pourtant, pourrait être mis à profit pour procéder à des réformes de structures propres à rendre notre système de santé plus solidaire et plus efficient. Le problème, c’est que vous avez déjà fait appel à la confiance des Français pour les réformes de 2003-2004 et qu’aujourd’hui, ils n’en voient pas les effets. Notre système de protection sociale n’a pas été renforcé ; au contraire, il se défait, jour après jour. Votre politique n’a donc pas de crédibilité sociale. Il semble qu’elle n’ait pas davantage de crédibilité financière. Vous nous dites que vous allez régler les problèmes de trésorerie de l’ACOSS, soit. Mais comme il n’y a aucune perspective de retour à bonne fortune entre 2008 et 2012, nous sommes bien obligés de conclure qu’il n’y a pas d’issue à la crise ! Année après année, vous alourdissez le fardeau de l’ACOSS. Comment l’assumerez-vous puisque vous jurez vos grands dieux qu’il n’y aura pas de prélèvements supplémentaires ? On débouche fatalement sur un accroissement de la dette sociale ! Bref, c’est l’impasse, et cela montre bien que ce PLFSS n’est pas construit. C’est un projet d’immobilisme et d’attente. La crise ne pourra se dénouer que dans des conditions défavorables aux assurés et aux cotisants.

Mes collègues vous ont d’autre part interpellés sur l’incohérence sociale de votre politique. Au moment où vous négociez la réforme des régimes spéciaux de retraite en choisissant comme boucs émissaires les fonctionnaires des services publics des transports…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Prouvez-le !

M. Jean-Marie Le Guen – Tous les Français vous ont entendu. Assumez-le donc !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Prouvez-le !

M. Jean-Marie Le Guen – Ne vous énervez pas, Monsieur le ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – Restons sereins, je vous prie. Veuillez conclure, Monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen – Vous avez monté les Français contre les travailleurs des services publics des transports ; vous leur avez dit que ces nantis devaient cotiser comme les autres. Et nous apprenons aujourd’hui que le Gouvernement a décidé d’accorder un départ à la retraite à 55 ans aux avocats des barreaux des tribunaux que vous fermez ! Nous étions pourtant prêts à vous soutenir dans la lutte contre le licenciement des seniors, et nous sommes favorables à l’harmonisation des régimes de retraite. Mais cette dernière décision va-t-elle vraiment dans le sens de l’équité, ou ne s’agit-il pas d’un nouveau cadeau clientéliste ? Car en la matière, vous êtes un orfèvre, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe de la GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Ne pourrions-nous commencer cette journée dans la sérénité ? Je regrette que le débat s’engage sur ce ton. Certains emploient des mots qui dépassent sans doute leur pensée. Il n’y a pas de crise : il y a simplement une situation difficile, et nous sommes là pour l’affronter. J’en reviens à l’article 8. Il s’agit d’une prévision non à quatre ans – comme c’était le cas jusqu’à présent – mais à cinq ans. Les hypothèses retenues ne sont pas des objectifs politiques. Elles permettent de construire des scénarios tendanciels qui nous montrent qu’il faut aller plus loin dans la restructuration du financement de la protection sociale. C’est surtout vrai pour la branche maladie. En revanche, les branches famille et accidents du travail et maladies professionnelles voient leur situation s’améliorer sur la période, l’excédent de la première finissant par dépasser les 5 milliards. S’agissant de la branche vieillesse, le rendez-vous de 2008 s’impose absolument. Je n’entends pas préempter ce débat ; le Parlement sera d’ailleurs destinataire d’un rapport à la fin de l’année, comme le Gouvernement s’y était engagé.

Ces débats seront l’occasion de répondre à toutes les questions que vous posez. Il s’inscrivent dans une réflexion plus large sur l’état de nos finances publiques : l’objectif du Gouvernement est de parvenir à l’équilibre en 2012.

J’assume parfaitement le passé, Monsieur Cahuzac. Sans la réforme de 2004, le déficit de l’assurance maladie serait sans doute de 20 milliards d’euros, au lieu de 6,6 milliards. Nous ne nous contentons pas de ce résultat, mais il faut reconnaître que la réforme a permis une amélioration. Il faut aller plus loin, car les dépenses d’assurance maladie progressent aujourd’hui plus vite que le PIB.

Les mesures structurelles prennent toute leur place dans ce PLFSS. L’objectif est clair : c’est l’assainissement financier de l’ensemble de notre système de protection sociale. La franchise est une mesure structurelle…

M. Régis Juanico – Ça, oui !

M. Marcel Rogemont – La franchise, c’est pour la maladie d’Alzheimer ! Vous l’avez oublié ! Seriez-vous frappé par la maladie ?

M. Éric Woerth, ministre du budget – …car elle permet de faire face à des dépenses nouvelles.

La T2A à 100 % est prise en compte, de même que la régulation de l’installation des professionnels de santé et l’évolution des modes de rémunération des médecins. Tout cela nous permet d’avoir un ONDAM réaliste.

Vous m’avez interrogé hier sur la dette…

M. Christian Paul – Vous n’avez pas su nous répondre !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Je vous donne les taux d’emprunt, que je n’avais pas hier soir. Le coût de l’emprunt s’établit aujourd’hui à 4,17 % à la CADES et à 4,05 % à l’ACOSS. Ne me dites donc pas que la dette coûte plus cher lorsqu’elle est « logée » à l’ACOSS que lorsqu’elle l’est à la CADES : c’est faux !

M. Gérard Bapt – Mais elle ne s’amortit pas à l’ACOSS !

Mme Martine Billard – Il est tout de même normal que nous nous étonnions de la nouvelle qui est tombée ce matin ! Depuis des semaines, le ministre du travail tient un discours sur les préretraites qu’il faudrait traquer – et il y a des mesures en ce sens dans ce PLFSS. Soit dit en passant, ce sont souvent les entreprises qui décident ces préretraites, et il n’y a rien de choquant à ce que des salariés usés par le travail les acceptent : cela vaut mieux que le chômage ! Les préretraites servent donc de régulateur social, tout comme les départs à la retraite précoces ont évité à la SNCF de mettre ses salariés au chômage ou en préretraite ! Comment accepter, après un tel discours, la mesure que vous annoncez au bénéfice de catégories qui sont loin d’être celles dont l’espérance de vie est la plus faible ?

Quant à l’assurance maladie, on a l’impression que vous vous bornez à croiser les doigts pour que le pire n’arrive pas ! Je me rappelle des envolées lyriques de M. Douste-Blazy et de M. Bertrand sur les grandes réformes – médecin traitant, DMP – qui devaient permettre aux comptes de la sécurité sociale de retrouver l’équilibre. On en est loin. Ce qui est grave, c’est l’absence de pilotage politique sur la santé. On ne peut se contenter d’une loi de santé publique tous les trente ans et d’un débat purement financier au moment du PLFSS ! Je crains que vous attendiez tout simplement que les élections soient passées pour faire avaler la pilule aux Français ! En effet, la proposition du rapport annexé ne tient pas la route. Les dépenses de médicaments continuent à s’envoler. Or vous avez déjà reculé sur la taxation des laboratoires pharmaceutiques ; vous reculez maintenant devant le mouvement des internes, alors qu’il faut trouver une solution à l’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire. (Mouvements d’impatience sur les bancs du groupe UMP). Le rapport de l’INSEE montre que les plus pauvres ont une plus mauvaise santé et se soignent moins ; et vous continuez à mener une politique purement financière, qui aggrave les inégalités, tant sociales que territoriales.

Dans votre article 8, il n’y a aucune vision, il n’y a rien ! Vous vous contentez de croiser les doigts, en espérant que la croissance viendra à votre secours. Mais la croissance, on peut l’obtenir avec des productions polluantes, qui augmentent aussi les maladies ! Produire de l’amiante, c’était participer à la croissance…

Mme la Présidente – La parole est à M. Bapt (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel – Rappel au Règlement !

Mme la Présidente – M. Bapt était inscrit sur l’article (Même mouvement), je vous donnerai la parole ensuite.

M. Gérard Bapt – Je serai rapide.

Dans le PLFSS pour 2007, le Gouvernement avait prévu un retour à l’équilibre dès 2012. Il est clair que ces prévisions sont totalement dépassées.

Quant à l’objectif de progression des dépenses d’assurance maladie, dans le document fourni lors du débat d’orientation budgétaire vous l’aviez fixé à 2 % en volume ; et voici que vous nous parlez de 1,2 à 1,5 %...

Enfin – mais il faudrait que Mme la ministre de la santé soit ici –, on nous parle de maîtrise médicalisée mais une étude récente montre que les médicaments génériques sont payés parfois trois ou quatre plus cher en France que dans d’autres pays européens ! Que comptez-vous faire pour freiner cette dérive ?

Mme la Présidente - Avant de donner la parole à M. Vitel pour son rappel au Règlement, je voudrais rappeler que les ministres prennent la parole quand il le souhaitent, mais que cela ne clôt pas pour autant la discussion sur l’article ; M. Bapt était inscrit sur l’article 8.

M. Philippe Vitel – Le Parlement est un espace de démocratie. Nous avons eu sur ce PLFSS une discussion générale de qualité, des motions de procédure ont été présentées, discutées et soumises au vote ; maintenant, nous en sommes à la discussion des articles. Or nous assistons à une obstruction patente. Madame la Présidente, nous sommes ici pour avancer !

M. Jean-Marie Le Guen – Pour entériner !

M. Philippe Vitel – L’attitude sectaire et partisane de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) nuit à la qualité du débat. Nous vous demandons donc de faire respecter scrupuleusement les temps de parole. Par ailleurs, une fois que le ministre a répondu aux orateurs, la moindre des corrections serait de ne pas reprendre la parole (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul – Nous sommes à l'Assemblée nationale, pas dans une préfecture !

M. Jérôme Cahuzac – Rappel au Règlement, fondé sur l’article 58, alinéa premier.

Dans l’hypothèse où le pouvoir exécutif aurait le sentiment qu’il y a des manœuvres d’obstruction, il dispose des moyens d’y mettre fin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l’équilibre du budget – Il veut le 49-3 !

M. Jérôme Cahuzac – Mais peut-être les ministres présents ne sont-ils pas de votre avis, Monsieur Vitel. Quant à la qualité de la discussion générale qui a eu lieu sur ce projet, je la reconnais comme vous. Elle n’empêche pas l’opposition d’indiquer, dans chaque article, ce qui pose problème. A cet égard, Monsieur le ministre des comptes, je vous remercie de m’avoir répondu sur l’ACOSS, mais c’est bien la preuve que nous avons eu raison de renouveler une question à laquelle vous ne nous aviez pas répondu.

M. Éric Woerth, ministre du budget Si !

M. Jérôme Cahuzac – En fin de séance, je vous en donne acte ; mais il avait fallu auparavant vous interroger un certain nombre de fois…

J’avais une autre question, Monsieur le ministre.

Mme la Présidente – Il faut conclure.

M. Philippe Vitel – Encore un dévoiement de procédure !

M. Jérôme Cahuzac – J’en termine. Je vous avais demandé, Monsieur le ministre, quelles étaient les épidémies qui avaient justifié une dépense supplémentaire de 3 milliards, et vous ne m’avez pas répondu. Si vous persistez à ne pas le faire, nous serons contraints de penser que s’il y a obstruction, elle est de votre fait.

Mme Jacqueline Fraysse – Mon amendement 206 vise à supprimer cet article pour les raisons que j’ai déjà exposées, qui tiennent à l’insincérité des comptes.

M. Yves Bur, rapporteur – Les prévisions comptables nous conduisent à prendre des mesures structurelles dès cette année dans les articles qui suivent – et qu’il nous faut donc aborder le plus rapidement possible. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre du budget Avis défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen – Si ce PLFSS contient des mesures structurelles, comment est-il possible que cet article ne tienne pas compte de leur effet économique ?

L'amendement 206, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur, rapporteur – L’amendement 10 est de précision.

M. Éric Woerth, ministre du budget Avis favorable.

M. Gérard Bapt – Que fait-on pour éviter que la dette du FFIPSA ne devienne abyssale ?

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 et l’annexe B ainsi modifiée, mis aux voix, sont adoptés.

AVANT L'ART. 9

M. Daniel Garrigue – L’amendement 286, que j’ai cosigné avec MM. Diefenbacher et Quentin, vise à mettre un terme à une anomalie ancienne, consistant, pour les fonctionnaires élus au Parlement, à pouvoir continuer à cotiser à leur régime de retraite d’origine. Il tend à modifier en ce sens les lois portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, ainsi que l’ordonnance organique du 13 décembre 1958, dont l’interprétation sur ce point suscitait déjà controverse : certaines administrations, comme celle dont je suis issu, donnaient aux fonctionnaires devenus parlementaires la liberté de renoncer à cette possibilité de cotisation, ce que j’ai fait, alors que d’autres imposaient de continuer à cotiser.

M. Yves Bur, rapporteur – Il ne s’agit pas avec cet amendement de réformer le régime spécial de retraite des députés et des sénateurs, mais d’engager cette réforme, le devoir d’exemplarité imposant aux politiques de s’appliquer à eux-mêmes ce qu’ils veulent appliquer aux Français.

Mme Jacqueline Fraysse – Il y a du travail !

M. Yves Bur, rapporteur – Les trois statuts de la fonction publique imposent aux fonctionnaires élus de se placer en position de détachement pour exercer leur mandat. Contrairement aux élus venant du secteur privé, ils ne peuvent plus exercer leur métier, à l'exception des professeurs d'université, dont le statut particulier prévoit une dérogation, au nom de leur indépendance constitutionnellement protégée (Murmures sur les bancs du groupe SRC).

Cependant, les trois statuts de la fonction publique prévoient que le fonctionnaire détaché dans une position élective peut verser au Trésor…

M. Jean-Claude Viollet – Peut ou doit ?

M. Yves Bur, rapporteur - …une contribution pour la constitution de ses droits à pension. Ainsi, les fonctionnaires élus députés ou sénateurs peuvent, s'ils le souhaitent, continuer à constituer des droits à pension dans leur régime de fonctionnaire à partir de leurs propres revenus. À l'Assemblée nationale, ces contributions sont versées directement par les députés ; les services de l'Assemblée ne connaissent pas les décisions prises par les députés, ni les sommes versées et il n'y a pas de prélèvement direct sur les indemnités parlementaires.

Le présent amendement vise à mettre fin à cette double constitution de droits à pension, au titre du régime des fonctionnaires et au titre de la caisse de retraite des députés ou sénateurs.

M. Jean Auclair – Très bien ! Abolissons les privilèges !

M. Yves Bur, rapporteur Cette situation se distingue de celle des élus venant du privé, lesquels peuvent continuer à cotiser dans leur régime de retraite d’origine s’ils continuent d'exercer leur profession, la constitution de ces droits découlant de retenues opérées sur leurs revenus professionnels. Votre rapporteur signale toutefois que certaines sections professionnelles de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales permettent à leurs membres de verser des cotisations volontaires au régime complémentaire, ou même à la fois au régime de base et au régime complémentaire, par la procédure de l'adhésion volontaire…

Mme Martine Billard – Eh oui !

M. Yves Bur, rapporteur …alors même qu'ils n'ont pas de revenus professionnels. C'est le cas notamment des médecins ou des infirmiers. Je crois savoir que, dans ce cas, nos questeurs envisagent …

M. Richard Mallié – C’est le Bureau de l'Assemblée nationale qui est compétent.

M. Yves Bur, rapporteur …de demander aux nouveaux élus de souscrire un engagement sur l'honneur de ne pas user de cette facilité leur permettant de continuer à constituer des droits à pension sans exercer d'activité professionnelle rémunérée.

Selon un calcul rapide, l'amendement concernerait environ 170 députés, dont 24 professeurs des universités, eux-mêmes placés dans une situation particulière puisqu'ils ne pourraient plus cotiser pour leur retraite alors même qu'ils sont juridiquement autorisés à continuer d’exercer leurs fonctions universitaires.

M. Jean-Claude Viollet – Heureusement que Juppé a pris les devants !

M. Yves Bur, rapporteur La commission a accepté l'amendement à l'unanimité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente – Sur le vote de l’amendement 286, je suis saisie par le groupe UMP d’une demande de scrutin public. Conformément à nos us et coutumes, je laisserai un orateur de chaque groupe politique s’exprimer sur cet amendement.

M. Xavier Bertrand, ministre du travailVous venez, Madame la présidente, de parler de vos traditions et il est d’usage, s’agissant d’un amendement qui concerne les parlementaires, que le représentant du Gouvernement se lève, dise « sagesse » et se rassoie. Autant vous le dire tout de suite : telle ne sera pas mon attitude.

M. Christian Paul – Chacun sait que la sagesse n’est pas votre fort ! (Murmures)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Dans le contexte actuel, alors que le pays s’attaque enfin à l’indispensable réforme des régimes spéciaux, cet amendement est important et nécessaire. En 2003, MM. Accoyer et Dubernard ont permis, avec ma modeste contribution, une avancée importante en alignant la durée de cotisation des parlementaires sur la règle de droit commun…

M. Pascal Terrasse – Les députés socialistes ne s’y sont pas opposés.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail  – C’est un pas supplémentaire qui vous est aujourd’hui proposé…

M. Benoist Apparu – Disons, un premier pas !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail  – …et je veux rendre hommage aux rédacteurs de cet amendement car il introduit de la transparence dans un domaine bruissant de rumeurs diverses, souvent malveillantes. Au plan technique, des ajustements seront sans doute nécessaires, notamment pour ce qui concerne la situation des sénateurs. Je présume qu’un travail commun a été réalisé avec le Sénat…

M. Christian Paul – En est-on bien sûr ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – S’agissant de la disposition qui intéresse l’article 575 du CGI, le Gouvernement lève le gage pour la rendre applicable. Il soutient sans réserve un amendement qui satisfait une exigence de modernité, de transparence et d’équité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Mariton – Oui, les députés se doivent d’être exemplaires, et plus encore sans doute s’ils sont fonctionnaires (« Pourquoi donc ? » sur bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Étant moi-même issu de la fonction publique, je trouve intéressante à certains égards la logique que vient de défendre Yves Bur, mais j’accepte de jouer le mauvais rôle en parlant contre l’amendement.

D’abord, il y a une erreur dans l’exposé sommaire puisqu’il y est fait mention d’un droit à cotiser alors que le fonctionnaire en position de détachement pour exercer un mandat électif est obligé de cotiser.

M. Jean-Claude Viollet – Absolument.

M. Hervé Mariton – Il ne s’agit donc pas de supprimer un privilège, ce à quoi je ne pourrais qu’être favorable – viscéralement. Il s’agit de faire évoluer un système qui ne peut être assimilé à un avantage exorbitant puisqu’il relève d’une obligation statutaire liée à la position de détachement. Et le détachement est lui-même directement lié au principe républicain du recrutement par concours, auquel je suis pour ma part très attaché.

M. Jean Mallot – Très bien.

M. Hervé Mariton – En outre, j’ai apprécié la finesse avec laquelle M. Bur a évoqué la situation particulière de certaines professions…

Plusieurs députés du groupe SRC – Copé cotise à trois régimes !

M. Hervé Mariton – Et je ne voudrais pas qu’en tranchant rapidement le sort des fonctionnaires, on éteigne tout débat sur la situation d’autres collègues. Par contre, si l’on posait le principe qu’il ne faut cotiser qu’à un seul régime et n’exercer qu’une seule activité, je serais tout disposé à m’y rallier.

Mme Martine Billard – Très bien.

M. Hervé Mariton – Pour l’heure, il ne faut pas se contenter de légiférer sur un symbole. Il me semble qu’en 2004, lors de la réforme des retraite, une certaines profession assez bien représentée dans cet hémicycle…

M. Patrick Roy – Les avocats !

M. Hervé Mariton – …a obtenu certains avantages quant à l’âge de départ.

Aujourd’hui, nous voulons une vraie réforme des régimes spéciaux, que le vote d’une disposition somme toute assez symbolique n’épuisera pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR)

M. Daniel Garrigue – J’ai écouté avec attention les arguments de M. Mariton et je me permets de lui faire observer, pour l’avoir expérimenté moi-même lorsque j’ai été élu, que l’ordonnance de 1958 ne crée pas une véritable obligation de continuer à cotiser dans son régime d’origine. Un fonctionnaire accédant à un mandat électif peut renoncer à cotiser dans son administration.

Cet amendement a valeur symbolique, dit-on. Mais actuellement, certains peuvent continuer à cotiser pendant leur mandat et finissent par percevoir des pensions calculées sur 50 ou 60 annuités alors qu’ils n’ont été en activité que 40 ou 45 ans dans le meilleur des cas. Ouvrir une brèche, comme le permet cet amendement, n’interdit en rien de poursuivre le travail à propos d’autres situations, notamment le détachement, et d’autres secteurs d’activité lors du rendez-vous sur les retraites de 2008. Le faire mettra le Parlement en meilleure position pour aborder ces questions : il aura donné l’exemple d’un minimum de rigueur.

M. Roland Muzeau – Il en faudrait un maximum !

Mme Martine Billard – Une fois n’est pas coutume, je me suis retrouvée en grande partie d’accord avec l’intervention de M. Mariton. Et pour éviter tout faux débat, je précise que je suis une salariée du secteur privé, avec certainement l’un des statuts d’origine les moins élevés parmi les parlementaires.

Oui, ce débat mériterait la transparence absolue ; nous la devons à ceux qui nous ont élus. Aussi, passer par un amendement au PLFSS n’est pas la meilleure méthode. Il aurait été plus logique de nous présenter un projet de loi permettant de prendre en compte l’ensemble des situations.

Qu’il y ait incompatibilité entre le statut de la fonction publique et la fonction parlementaire, c’est normal. Pour les salariés du privé, continuer à travailler est peu vraisemblable. Déjà, être élu local est mal vu par les chefs d’entreprise, comme le prouvent certaines procédures de licenciement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais bien sûr ! Il faut vivre dans l’entreprise, pas dans des cabinets d’affaires parisiens ! (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP) Restent les membres des professions libérales, qui peuvent continuer à cotiser même s’ils ne travaillent pas, ou travailler quelques heures, et donc avoir deux retraites. Je suis pour qu’on s’occupe de cette situation particulière. Sinon, une fois de plus, on ne s’en prend qu’aux fonctionnaires, en laissant retomber une chape de silence sur les autres catégories, notamment les professions libérales dont la situation est assez confortable. Il faut donc se pencher sur le statut de l’élu, local ou national, pour permettre à tous les Français, quel que soit leur statut professionnel, d’être candidats sans redouter que leur élection ne leur coûte, mais aussi sans pouvoir en attendre de privilège.

Or vous n’avez pas eu le courage de déposer un projet de loi, car il y a des divergences à ce sujet dans l’UMP. Vous avez donc procédé par amendement. Dans ces conditions, le groupe de la gauche démocrate et républicaine ne participera pas au vote (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il pourrait s’y associer cependant si, à la faveur d’une suspension de séance par exemple, un sous-amendement permettait de prendre en compte les régimes des professions libérales (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse – Le propos du ministre fut partiel, sinon partial. Avec le président Accoyer et bien d’autres, nous avions cosigné en 2003 un amendement demandant une augmentation de durée de cotisation des parlementaires, car nous pensions, dans tous les groupes, nécessaire de mettre les députés sur le même plan que tous ceux dont on était en train d’allonger la durée de cotisation – et le groupe socialiste ne voit aucun tabou dans l’allongement de la durée de cotisation pour tous les régimes spéciaux.

Seulement, dans ce PLFSS, vous présentez à la sauvette un amendement qui, finalement, va stigmatiser les fonctionnaires que le peuple a élus à l’Assemblée. Ce n’est pas sérieux. J’avais déjà dit en 2003 qu’il fallait poser plus largement la question du statut. On n’a rien fait, et on nous propose maintenant cet amendement d’opportunité. Nous le voterons s’il le faut, mais je demande au Président de l’Assemblée, ou peut-être au collège des questeurs, de s’engager à ouvrir une réflexion sur le statut des parlementaires, sénateurs compris, sur la sortie de mandat, peut-être même sur la formation. Alors que la commission Balladur va proposer une réforme des institutions, que nous pouvons constater à travers un certain nombre de réactions que des Français se font une idée fausse de leurs élus, la transparence est nécessaire pour que notre travail et notre statut soit compris de tous.

Mme la Présidente – Je transmettrai votre demande expresse au président de l’Assemblée.

Je donne maintenant la parole à un représentant par groupe.

Mme Jacqueline Fraysse – Le Gouvernement montre ici son vrai visage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Si vous aviez cette ambition formidable d’introduire plus d’équité dans notre société, cela se saurait, mais le PLFSS ne nous en a pas convaincus. Dans ce cas, vous nous trouveriez à vos côtés, comme nous le serions si vous tentiez de limiter les privilèges exorbitants de certains – et il y a du travail à faire !

Mais de quoi s’agit-il ? D’un coup de publicité, d’une manipulation de l’opinion ! La main sur le cœur, vous annoncez que les députés vont supprimer leurs privilèges. Si c’était la vérité, nous serions à vos côtés. Mais en réalité, vous remettez en cause les règles de la fonction publique. On peut en discuter, certes. Mais si vous voulez le faire, il faut tout remettre à plat, y compris le régime appliqué à des députés qui exercent dans le privé. Ce n’est pas ce que vous proposez. Et pourtant ! Que M. Dassault, PDG et sénateur, vote des crédits pour que l’État achète des avions à son entreprise, est-ce normal ?

Mme Valérie Rosso-Debord – Quel est le rapport ?

Mme Jacqueline Fraysse – Il y a donc bien à faire dans ce domaine. Vous ne prenez pas ce chemin. Nous ne participerons pas à cette mascarade. Vous méprisez le peuple de ce pays (Protestations sur les bancs du groupe UMP). D’ailleurs la méthode que vous utilisez le montre. L’amendement est arrivé hier soir à 21 heures 15 en commission, et nous en débattons dès ce matin alors qu’il touche au statut de la fonction publique. Il est déshonorant de prendre de telles initiatives et de faire travailler le Parlement dans de telles conditions sur des sujets aussi graves (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Christian Paul – C’est sans état d’âme et des deux mains que le groupe SRC votera cet amendement élaboré par le collège des questeurs, dont Mme Lebranchu. Il était grand temps de modifier les règles de l’Assemblée en matière de retraites.

M. Jean Auclair – Hypocrisie !

M. Christian Paul – Pour autant, nous réprouvons la méthode de concertation chaotique et tardive que vous adoptez pour la réforme des régimes spéciaux : vous allez même jusqu’à en créer de nouveaux, puisque l’on apprend ce matin qu’il en sera instauré un pour les avocats qu’affecterait la modification de la carte judiciaire prévue par Mme Dati. Et puisque nous évoquons la double retraite et, partant, la double cotisation de certains collègues fonctionnaires, n’oublions pas – je m’adresse tout particulièrement au groupe UMP – certaines situations de cumuls qui permettent à un seul et même député-maire de présider un groupe et d’appartenir à un influent cabinet d’avocats.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Je remarque que les esprits s’emballent sur cette question des avocats. De quoi s’agit-il au juste ? D’un simple communiqué sur France Info. D’où vient-il ? (« On se le demande ! » sur les bancs du groupe SRC) Je vous prie de ne pas entretenir la confusion entre les propositions de quelques avocats et les réformes du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Naturellement, cela vous est plus confortable que d’évoquer la retraite de M. Allègre du parti socialiste !

M. Christian Paul – C’est petit !

M. Jean-Marie Le Guen – Parlons d’abord de l’amiante !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Le Gouvernement s’en tient en la matière à une ligne simple : l’allongement de la durée de cotisation, conséquence naturelle de celui de la vie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marcel Rogemont – Pouvez-vous nier que Mme Dati ait donné son accord à la proposition de ces avocats ?

M. Richard Mallié – Le sujet est assez important pour que nous ne cédions pas à la polémique. Le président de l'Assemblée nationale nous a demandé de réfléchir à la réforme du fonds de solidarité vieillesse des députés, créé en 1904 et auquel nous cotisons tous, qui nous permet de liquider nos droits dès 55 ans et de cumuler les cotisations sans activité professionnelle.

L’amendement qui vous est ici proposé touche au statut de la fonction publique : cela relève du domaine législatif. Le reste est d’ordre réglementaire. Le Bureau de l’Assemblée, où tous les groupes sont représentés, se penche sur ces questions, qu’il s’agisse de professions libérales, de salariés ou autres, Madame Billard. Il se prononcera le 31 octobre, je m’y engage, et nous lèverons vos inquiétudes. En attendant, votons sereinement la loi !

À la majorité de 97 voix contre 2 sur 102 votants et 99 suffrages exprimés, l’amendement 286 est adopté.

M. Yves Bur, rapporteur – Je précise que, si l’ordonnance de 1958 a valeur organique, ce n’est pas le cas de son alinéa 4, que nous venons de supprimer.

J’en viens à l’amendement 601, qui vise à maintenir à son niveau le droit de consommation sur le tabac.

L'amendement 601, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - À l’unanimité.

M. Yves Bur, rapporteur – L’amendement 11 vise à relever les minima de perception de sorte que les industriels du tabac ne puissent baisser leur prix en deçà de celui de la cigarette la plus vendue. Il y va de la santé publique, mais aussi des recettes de la sécurité sociale. Par ailleurs, je me réjouis que le Parlement européen propose l’interdiction de la vente du tabac aux jeunes de moins de dix-huit ans et l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics de l’Union, notamment les restaurants.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - À l’unanimité, de nouveau.

Mme Martine Billard – Je crains que l’amendement 239 ne recueille pas la même unanimité… (Sourires) En effet, il est inspiré par votre politique qui, depuis bientôt six ans, néglige la part de recettes provenant des revenus financiers pour alourdir celles qui reposent sur les revenus du travail. Aider les industries de main-d’œuvre pour éviter les délocalisations est certes chose nécessaire, mais cela ne signifie pas qu’il faille exonérer l’ensemble des entreprises d’une participation à la solidarité nationale ! Elles ont d’ailleurs elles-mêmes intérêt à ce que leurs travailleurs soient en assez bonne santé pour atteindre l’âge de la retraite. L’amendement 239 tend donc à proposer une contribution sur la valeur ajoutée, d’un niveau variable selon que l’industrie est de main-d’œuvre ou non.

Mme Marie-Hélène Amiable – Notre amendement 214 va dans le même sens : il propose de modifier la logique du financement de la sécurité sociale en réformant les cotisations sociales patronales – à propos desquelles vous n’envisagez que des exonérations – pour moduler la contribution des entreprises en fonction de leur utilité en matière d’emploi. Ainsi les entreprises à fort taux de main d’œuvre et les PME – qui créent les emplois les plus nombreux et les plus stables – seraient-elles encouragées par une fiscalité avantageuse, la contribution des entreprises hautement capitalistiques étant accrue au nom de la solidarité nationale, ce qui éviterait les effets pervers du placement boursier de leurs revenus financiers sur l’emploi. Cela permettrait également de lutter efficacement contre le chômage.

M. Yves Bur, rapporteur – Avis défavorable à ces deux amendements, car les intéressantes propositions qu’ils contiennent anticipent le grand débat sur le financement de la sécurité sociale que le Président de la République a prévu d’organiser début 2008, et auquel travaille le Conseil économique et social à la demande du Premier ministre. Au-delà de la maîtrise des dépenses d’assurance maladie, c’est de recettes pérennes que notre régime de protection sociale a besoin.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Attendons en effet les conclusions des travaux en cours, qui font suite aux nombreuses études dont ces questions ont fait l’objet depuis plus de dix ans.

M. Jean-Marie Le Guen – Afin de ne pas bouleverser l’ordre du jour, je serai bref. Que le ministre du travail revienne ou non, nous ne nous satisferons pas d’échappatoires à propos de la retraite anticipée des avocats relevant d’un tribunal d’instance supprimé. Jusqu’à preuve du contraire, le Gouvernement n’est pas opposé aux revendications du Conseil national des barreaux, pourtant contraires à la philosophie qui anime l’action gouvernementale, aux obligations d’une profession auquel son prestige social impose de donner l’exemple et au principe d’équité : notre Assemblée ne saurait être tenue à l’écart d’un accord privé sur les retraites de certaines professions indépendantes après avoir par exemple aligné sur le régime des salariés, au nom de la solidarité nationale, ceux des indépendants et des agriculteurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Pascal Terrasse – Mme la Garde des sceaux, empêtrée dans sa réforme de la carte judiciaire…

M. Philippe Vitel – Cela n’a rien à voir avec le PLFSS !

M. Pascal Terrasse – …doit trouver les moyens de satisfaire les avocats, contraint ainsi l’objectif d’employabilité des seniors que poursuit le Gouvernement – d’où ce cafouillage (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Il est par ailleurs inacceptable de renvoyer à l’année prochaine l’examen des propositions visant à améliorer l’allocation des ressources de la sécurité sociale. C’est aujourd’hui que nous sommes confrontés à un déficit massif – environ 50 milliards d’euros. Attendre, c’est instaurer un impôt sur les naissances, au détriment des générations qui viennent au monde aujourd’hui et entreront dans la vie active vers 2022. Malgré l’excellent rapport de la Cour des comptes qui propose d’autres sources de financement, malgré les travaux du Conseil économique et social que vous avez évoqués – mais aussi ceux du Conseil d’analyse économique –, malgré la création d’un secrétariat d’État chargé de la prospective et confié à Éric Besson, malgré les travaux de nombreux députés, le débat serait habilement reporté après les élections municipales – mais avant la présidence française de l’Union européenne ?

M. Yves Bur, rapporteur – Les allégations du journaliste de France Info qui s’est entretenu avec le président du Conseil national des barreaux demeurent hypothétiques. En l’état actuel des choses, les avocats peuvent bénéficier d’une retraite anticipée à 56 ans, avec une décote s’ils n’ont pas cotisé pendant 160 trimestres (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). On ne saurait présupposer que Mme la garde des sceaux, qui assiste actuellement à un sommet européen aux Canaries, souscrit à ces déclarations !

M. Jean-Marie Le Guen – Mais le Gouvernement, lui, est là !

M. Roland Muzeau – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, du Règlement. Pourquoi ne pas aborder, s’agissant des amendements 239 et 214, les propositions de financement formulées par la Cour des comptes, dont le Gouvernement prétend à tort qu’elles sont inenvisageables sous peine de faire fuir les entreprises concernées ? Les exonérations de cotisations sociales patronales, de plus-values d’acquisition de stock-options représentent respectivement 24,5 et plus de 3 milliards d’euros, les fameuses « niches sociales » équivalant au total à 4 milliards d’euros !

Mme Marisol Touraine – Rappel au Règlement. Le ministre du travail était présent –espérant sans doute en tirer un bénéfice politique et médiatique – lors de l’examen d’un amendement sur les régimes de retraite des parlementaires dont il a lui-même affirmé qu’il relevait de la sagesse du Parlement. Mais alors que nous abordons la question du régime des retraites de l’ensemble des Français, qui relève directement de sa compétence, et que nous nous interrogeons sur l’accord qui permettrait à certains avocats de bénéficier de régimes spéciaux, il est absent !

M. Christian Paul – C’est un intermittent du spectacle !

Mme Marisol Touraine – Il est sans doute plus difficile d’expliquer à l’opinion publique pourquoi, au moment où l’on met en cause les régimes spéciaux, on en crée un de toutes pièces afin de compenser l’incapacité du Gouvernement à résoudre sereinement la question de la carte judiciaire. C’est inacceptable, et la nature de nos débats doit changer.

M. Éric Woerth, ministre du budget Xavier Bertrand vous a répondu très précisément. Il vous a demandé de ne pas porter trop de crédit à des propos de presse, qui ne doivent pas l’emporter sur nos débats de fond. Votre attitude manque de sérieux : reprenez donc vos esprits !

M. Christian Paul – Ces propos proviennent d’une radio de service public !

M. Éric Woerth, ministre du budget Vous faites de l’obstruction ! Vous vous inspirez de la presse parce que vous n’avez rien d’autre à dire.

M. Marcel Rogemont – Non, il ne s’agit pas d’une information banale !

M. Éric Woerth, ministre du budget Vous avez tort, car la sécurité sociale mérite mieux.

Mme Marylise Lebranchu – Rappel au Règlement. M. le ministre nous accuse de manquer de sérieux, alors que nous parlons d’un dossier très important. C’est bien la majorité qui a décidé de commencer par les régimes spéciaux.

Plusieurs députés UMP - Nous l’assumons !

Mme Marylise Lebranchu – Beaucoup d’avocats trouvent anormal qu’une négociation nationale ait lieu sur leur statut afin de calmer leurs revendications concernant la fermeture des tribunaux. De la même manière, vous avez favorisé une des catégories à l’intérieur du régime spécial de la SNCF pour arrêter le mouvement social. Vous utilisez les régimes spéciaux pour mieux diviser, quand nous, nous demandons un débat sur l’ensemble des régimes de retraite.

Les amendements 239 et 214, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard – Lorsque nous faisons des propositions, on nous rétorque que ce n’est pas le moment. Et si nous n’en faisons pas, nous sommes accusés de pratiquer une opposition non constructive. Je remarque que ce Gouvernement, qui a jugé urgent de faire des cadeaux fiscaux cet été, n’a pas jugé nécessaire de présenter un projet de loi sur les financements ou d’avoir un débat sur la santé – comme le prévoyait la loi sur la santé publique.

L’amendement 173 porte sur les exonérations de cotisations sociales. L’article premier de la loi TEPA en a encore augmenté le nombre. Au début, ces exonérations avaient pour but de favoriser des secteurs en difficulté ou des entreprises innovantes, en contrepartie de la réduction du temps de travail. Aujourd’hui, ces exonérations sont massives : la Cour des comptes a établi que leur montant, pour 2005, s’élevait à 22,5 milliards, dont l’essentiel dû à la loi Fillon – qui n’a rien à voir avec les 35 heures. En outre, la part non compensée est en augmentation.

La grande avancée de l’après-guerre, portée par le programme du CNR, est que l’ensemble des travailleurs participent au financement de la sécurité sociale, afin que l’ensemble des concitoyens aient accès à l’assurance maladie, aux allocations familiales et à la retraite, quels que soient leurs revenus. Tous les régimes participent à cet effort, le régime général venant compenser la contribution des régimes en difficulté. C’est ça, la solidarité nationale ! C’est pourquoi les députés Verts se sont toujours battus contre ces exonérations non motivées, sans compensation et sans contrepartie. Elles permettent à des entreprises qui n’en ont pas besoin d’augmenter la part distribuée aux actionnaires, lesquels, de surcroît, ne réinvestissent pas dans des activités utiles à la nation.

M. Yves Bur, rapporteur Avis défavorable. La suppression des exonérations « Fillon » n’est pas à l’ordre du jour (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Éric Woerth, ministre du budget Cet amendement aurait pour conséquence de renchérir le coût du travail et d’aggraver le chômage (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Deux tiers des compensations des exonérations sont dus aux 35 heures.

M. Patrick Roy – Ce Gouvernement ne répond jamais aux questions pourtant simples qui lui sont posées. Si la presse a indûment parlé des négociations sur le statut des avocats, pourquoi n’apportez-vous pas un démenti clair et précis ? Cela vous permettrait de mettre un terme à cette polémique.

Mme Martine Billard – Monsieur le ministre, vous dites que la suppression des exonérations renchérirait le coût du travail. Mais pensez-vous que la suppression de celles auxquelles a droit l’entreprise Mac Donald’s, et qui n’ont aucune utilité sociale, entraînerait la fermeture de ses enseignes ? Notez que si c’était le cas, c’est la santé de nos concitoyens qui en tirerait avantage. Votre réponse n’est pas à la hauteur des enjeux !

Mme Michèle Delaunay – Très bien !

L'amendement 173, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente – Je vais suspendre la séance quelques instants, à la demande du Gouvernement (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Marie Le Guen – Il y a de l’obstruction dans l’air…

La séance, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 11 heures 55.

M. Lionel Tardy – L’amendement 369 vise à réparer un « bug » de la loi TEPA, qui a substitué à la référence au taux horaire de rémunération une référence à la rémunération mensuelle globale pour le calcul des allégements de charges dits Fillon. En effet, cette modification n’est pas anodine : lorsque l’on prend comme référence le taux horaire de rémunération, on inclut les temps de pause, d’habillage et de déshabillage, d’astreinte, ainsi que les périodes non travaillées. En ne tenant compte que du temps de travail effectif, on incite les entreprises à supprimer ou diminuer les temps de pause – ce qui n’est bon ni pour les salariés, ni pour les entreprises, dont cela revient à diminuer les allégements lorsque ces temps non travaillés sont garantis par des conventions.

L’amendement de Dominique Tian qui va suivre précise que le dispositif d’allégement s’adresse aux entreprises rattachées à des conventions ou accords collectifs conclus avant le 11 octobre 2007. Je voudrais être sûr que cette date limite ne désavantage aucune entreprise (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Dominique Tian – Je remercie Lionel Tardy d’avoir défendu mon amendement 549 rectifié, et je pourrais défendre le sien avec le même enthousiasme ! Il a bien posé le problème : c’est la sécurité juridique qui est ici en cause. Malgré les arguments que nous avions avancés, la loi TEPA a changé le mode de calcul des allégements Fillon. Il serait grave que cela incite les entreprises à supprimer les temps de pause. Je pense que personne ne le souhaite !

M. Yves Bur, rapporteur – La commission a repoussé ces deux amendements.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Le Gouvernement préfère l’amendement 549 rectifié à l’amendement 369. Réparer ce « dommage collatéral » de la loi TEPA est une bonne mesure pour l’emploi, et je lève le gage.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Je suis très favorable à cet amendement. Cette disposition de la loi TEPA entraînait une augmentation de près d’un point de la masse salariale dans certaines entreprises industrielles. Cela ne pouvait qu’inquiéter les chefs d’entreprise au moment où on leur demande d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés !

M. Lionel Tardy – Je retire mon amendement au profit de celui de M. Tian (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L’amendement 369 est retiré.

M. Régis Juanico – Cet amendement n’est pas le seul amendement de correction de la loi TEPA que nous aurons à examiner ces jours-ci, et il est regrettable que, quelques semaines seulement après l’examen de cette loi, nous soyons déjà obligés de revenir sur certaines de ses dispositions ! C’est en tout cas révélateur de la façon dont elle a été préparée et discutée ! Nous ne prendrons donc pas part au vote.

Mme Martine Billard – Je suis moi aussi très étonnée, le Gouvernement ayant, avec force argumentation, refusé cet amendement en juillet !

M. Dominique Tian – Cela veut dire que nous servons à quelque chose ! Ce sont les vertus du débat !

Mme Martine Billard – Le revirement du Gouvernement au bout de trois mois est quand même étonnant ! En plus, je croyais qu’on devait désormais laisser les partenaires sociaux travailler entre eux avant de légiférer : je constate que lorsque cela vous arrange, vous continuez à légiférer sans attendre de connaître leur point de vue !

M. Éric Woerth, ministre du budget Je ne comprends pas la position de Mme Billard car cet amendement est favorable aux salariés et tient compte des conventions collectives. Il devrait faire consensus.

M. Jean-Marie Le Guen – Nous allons devoir débattre d’autres amendements, présentés notamment par le président de notre commission, qui vont bien au-delà dans le détricotage. On est en train de retourner le gant des accords collectifs qui ont été conclus dans les entreprises ou dans les branches ; c’est exactement l’inverse de ce qui avait été promis par cette majorité, qui a même fait voter une loi sur la négociation sociale. L’objectif est évidemment de revenir, point après point, sur ce qui a été obtenu dans les négociations. Nous avons donc toutes les raisons de nous alarmer…

M. le Président de la commission – Je crois qu’il y a une incompréhension. Les allégements de charges sociales sur les bas salaires représentent 21 milliards. La reprise, dans le cadre du TEPA, de 800 millions sur ces allégements a entraîné pour les entreprises une surcharge de masse salariale d’un point. Pour des entreprises soumises à la compétition internationale, comme les équipementiers automobiles, c’est énorme, et fatalement, cela se répercutera sur les salariés.

Cet amendement est donc extrêmement important, tant pour la compétitivité industrielle que pour le pouvoir d’achat des salariés. Cela n’a rien d’un détricotage.

Mme la Présidente - Compte tenu de l’importance de cet amendement, je donne la parole à M. Billard, puis à M. Le Guen.

Mme Martine Billard – Il y a la forme, et il y a le fond.

Sur la forme, je suis surprise que le Gouvernement défende des positions inverses en juillet et en octobre.

M. Philippe Vitel – Si c’est pour répéter ce que vous avez déjà dit, ne reprenez pas la parole ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Mme Martine Billard – Sur le fond, je ne conteste pas les difficultés des équipementiers automobiles, mais la question est de savoir comment on les résout. Cette façon de faire n’est pas la bonne.

M. Jean-Marie Le Guen – Vous avez parlé de 800 millions, Monsieur le Président de la commission. Qui paye ?

L'amendement 549 rectifié , mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – Il faudrait avoir un jour un débat général sur la politique des exonérations, plutôt que des discussions parcellaires à la faveur d’amendements.

L’amendement 238 a pour but de créer une contribution sociale sur les revenus financiers car il n’est pas normal de ne prélever que sur les revenus du travail.

L'amendement 238, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 172 vise à abroger l’article premier de la loi TEPA, qui est une usine à gaz et dont les effets positifs ne sont guère évidents. Aucun économiste n’a d’ailleurs prouvé que les exonérations de cotisations avaient favorisé l’emploi.

M. Philippe Vitel – Pas davantage pour les 35 heures !

L'amendement 172, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse – L’amendement 213 vise à inclure dans l’assiette des cotisations les actions gratuites qui peuvent être attribuées aux salariés, lesquelles constituent en réalité une forme de rémunération du travail.

Mme Martine Billard – Par l’amendement 237, nous rouvrons le débat, lancé par la Cour des comptes sur la base d’un bilan chiffré, de la taxation des stock-options en tant que revenus d’activité. Alors que même les préretraites seront désormais considérées comme des revenus d’activité, plus rien ne justifie de faire échapper les stock-options levées à toute taxation. Nous ne contestons pas par principe le fait que, dans certains cas, l’employeur juge bon de distribuer, en plus des salaires, des bons de souscription d’actions ou des actions gratuites. Mais il faut savoir que la Cour des comptes estime à au moins 3 milliards la perte de recettes liée à l’exonération de ces avantages. Et il faut aussi avoir en tête les sommes en jeu pour chaque bénéficiaire, telles que les retrace la Cour des comptes. En 2005, 85 688 salariés ont bénéficié de stock-options : si les dix mille premiers bénéficiaires se partagent l’essentiel du pactole, chacun des cinquante premiers a reçu un avantage moyen correspondant à la modique somme de 9 millions…

M. Jean-Marie Le Guen – Allons, arrondissons à un petit 10 millions d’euros ! (Sourires)

Mme Martine Billard – Dès lors, serait-il vraiment anormal de prélever quelques cotisations sociales sur les revenus tirés de ces rémunérations annexes, sans même moduler le taux ? Dans la période 1998-2005, en base 100, si les salaires ont augmenté de 5,3 %, les revenus du capital mobiliers ont progressé de 30,7 %, sans que cela ait, malheureusement, un impact notable sur nos capacités d’investissement, de recherche ou de création d’emploi. Va-t-on enfin agir pour corriger la tendance ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travailAyant quelque expérience du débat sur le PLFSS, je n’ai pas assisté au conseil des ministres de ce matin pour être avec vous lors de l’examen de l’article 10. Las, je vais devoir m’absenter alors que cet article n’a pas été appelé, et je tenais à m’en excuser auprès de la représentation nationale. Bien entendu, M. Woerth et Mme Létard répondront à toutes vos questions et je m’efforcerai de vous rejoindre quelle que soit l’heure de fin de vos travaux, aujourd’hui ou demain (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Roland Muzeau – Depuis bientôt six ans, les réformes se suivent et se ressemblent : le trou de la sécurité sociale continue de se creuser et la protection sociale régresse, en particulier pour les plus modestes et avant même que ne soient instituées les funestes franchises, y compris pour les accidentés du travail et les personnes atteintes de maladies professionnelles. Les mesures destinées à maîtriser les dépenses pèsent toujours sur les mêmes et vous refusez avec constance toutes nos propositions tendant à réformer le système en profondeur en modifiant l’assiette des cotisations sociales. Chacun sait pourtant que la part des salaires dans la richesse nationale ne cesse de diminuer, au profit des marchés financiers. Cette année cependant, à force d’insister, la Cour des comptes semble vous avoir convaincu de la nécessité de taxer enfin les revenus tirés des stock-options, sur la base très modeste de 2,5 %. Ce taux étant manifestement insuffisant, notre amendement 215 propose de le relever à 10 %, et encore sommes-nous beaucoup moins rude que le président Gallois, grand capitaine d’industrie s’il en est, qui préconise, lui, de supprimer les stock-options purement et simplement.

Tout à fait réaliste, notre proposition se fonde sur l’augmentation du pouvoir d’achat des grands patrons, estimée, en 2006, à quelque 25 % alors que celui des ménages n’a progressé que de 2,3 %. Le revenu annuel moyen des principaux dirigeants ne représente pas moins de 316 années de SMIC et l’ancien PDG de Renault, M. Schweitzer arrive en tête du peloton avec 11,9 millions de revenu annuel…

M. Dominique Tian – Il est socialiste !

M. Roland Muzeau – Viennent ensuite les présidents de la Société générale, de Dassault industries, MM. Forgeard et Lagardère et le PDG de Nexity, avec un revenu qui semblerait presque modeste au regard des autres puisqu’il s’établit à 1,7 million.

Mme Marisol Touraine – Que voulez-vous, ça va, ça vient ! (Sourires)

M. Roland Muzeau – Les grands dirigeants à la retraite ne sont pas en reste, puisque le cimentier Lafarge a perçu environ 8 millions. Quant aux grands actionnaires, le salaire perçu ne représente qu’une goutte d’eau par rapport aux dividendes : pour compléter son modeste salaire de 3,9 millions, M. Bernard Arnault a ainsi touché 326 millions de dividendes. Enfin, parmi les 60 patrons actionnaires les mieux lotis, chacun s’est vu servir, en moyenne, 30 millions de dividendes.

Je donne tous ces chiffres pour bien montrer que contrairement à ce que certains osent affirmer, il est tout à fait possible de récupérer au moins 3 milliards de recettes en taxant raisonnablement les revenus tirés des rémunérations annexes.

Mme Michèle Delaunay – Très bien !

Mme Marisol Touraine – Nous nous associons aux amendements précédents. Tout à l’heure, le président Méhaignerie a soutenu un amendement tendant à réparer une « injustice » introduite par la loi TEPA au sujet des exonérations de cotisations sociales. Suite à son adoption, l’État va se priver de ressources sur lesquelles l’on pouvait raisonnablement imaginer – bien que l’on ne soit plus très sûr à cette heure de sa prévoyance – qu’il avait bâti son budget. Dès lors, où est la cohérence d’ensemble de votre démarche ? Vous contractez les ressources des budgets sociaux et vous refusez avec acharnement toutes nos propositions tendant à les alimenter de manière pérenne et structurelle.

Permettez-moi aussi de saluer le talent bien particulier de M. Xavier Bertrand. Au cours des rares moments qu’il daigne nous consacrer, il n’a pas son pareil pour marquer sa présence en s’emparant du micro pour marteler sa volonté de dialogue et d’ouverture. Las, il s’éclipse dès lors que sont abordées les questions de fond et que nous posons des questions embarrassantes, laissant à d’autres le soin d’y répondre…

Le niveau des retraites n’étant absolument pas garanti, notre amendement 386 vise à procurer au fonds de réserve des retraites une ressource annuelle pérenne d’au moins 1 milliard en instaurant une taxe additionnelle de 9,9 % aux prélèvements sociaux sur les plus-values des stock-options.

Notre amendement 385 est de repli. Il n’intègre dans l’assiette que les cotisations sous taux plafonné, ce qui conduirait à retenir un taux de 8,3 % et non de 9,90 %.

L’essentiel est de garantir des ressources pérennes à nos régimes de retraite. Le Gouvernement est très habile pour réformer sans tenir compte des caractéristiques et de la pénibilité des métiers. Pour que la réforme soit juste et durable, il faut au moins ne pas cumuler allongement de la durée de cotisation et baisse du niveau des pensions, et c’est pourquoi il est indispensable d’alimenter le fonds de réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR).

M. Yves Bur, rapporteur – Avis défavorable à tous ces amendements, puisque la commission a adopté l’amendement 12 rectifié qui introduit une taxation,…

M. Christian Paul – Très symbolique !

M. Marcel Rogemont – C’est de la médecine douce.

M. Yves Bur, rapporteur - …tant de la part patronale que salariale.

M. Éric Woerth, ministre du budget Avis défavorable. Nous allons discuter de l’amendement de la commission.

M. Jean-Marie Le Guen – Nos propositions, tout à fait raisonnables, sont stratégiques pour l’avenir des retraites. Mais la commission des finances reçoit aujourd’hui les parties prenantes de l’affaire EADS, ce qui nous rappelle que les stock-options posent un problème de détournement et, plus généralement, d’équité. Au départ, les stock-options étaient des éléments permettant aux créateurs d’entreprise d’en garder la maîtrise par rapport aux investisseurs financiers. C’est pourquoi nous n’avons pas proposé de les taxer exactement comme des revenus du travail.

Mais, depuis, il y a eu une dérive de ce système conçu pour de jeunes entrepreneurs innovants, des patrons du CAC 40 s’attribuant dans des conditions opaques des rémunérations exorbitantes. On pourrait d’ailleurs sous-amender les amendements présentés par Mme Touraine pour taxer davantage cette catégorie, car il y va aussi de la morale publique. Que le ministre, qui fait souvent appel à l’équité, nous explique donc sa philosophie des stock-options, et justifie pourquoi elles ne seraient pas soumises à une taxation réelle – et non à la taxation homéopathique que va proposer M. Bur. On nous propose d’acheter des indulgences papales, mais souvenez-vous de ce à quoi elles ont conduit : à la Réforme ! Et même au sac de Rome par les troupes de l’Empereur… (Rires sur divers bancs) Nous n’en sommes pas là, mais trop d’indulgence nuit à l’équité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Luc Préel – Nous avons vu que la situation financière de la protection sociale est inquiétante. Il est nécessaire de maîtriser les dépenses, mais aussi de trouver de nouvelles recettes. La Cour des comptes a estimé que la taxation des stock-options pouvait rapporter jusqu’à 3 milliards. C’est une piste intéressante, car M. Séguin est un homme sérieux.

Avec M. de Courson (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), nous avions déposé deux amendements. Le premier visait à moraliser la pratique des stock-options et de leur levée. En effet, certains en profitent alors qu’ils n’ont pas eu un comportement irréprochable (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Surtout, il ne paraît pas normal que des dirigeants puissent vendre leurs actions alors qu’ils ont des informations privilégiées sur la situation de l’entreprise. Notre amendement précisait qu’il ne leur était pas possible de le faire tant qu’ils exerçaient des responsabilités dans l’entreprise. Je conçois que la commission des finances l’ait jugé irrecevable, mais, dans la mesure où il est sans rapport avec le financement de la sécurité sociale, j’aimerais que le Gouvernement s’engage dans le sens d’une moralisation.

Notre deuxième amendement instituait une cotisation salariale de 4 %. S’agissant d’une recette supplémentaire, il ne tombait pas sous le coup de l’article 40. Je ne comprends donc pas pourquoi il n’est pas examiné en séance publique. À défaut, je me suis rallié à l’amendement de M. Bur, qui contribue à une augmentation des recettes. Elle reste cependant très modeste et il faudra la réévaluer à l’avenir.

L'amendement 213, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que les amendements 237, 215, 386 et 385.

M. Yves Bur, rapporteur – Dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, la Cour des comptes met en avant divers dispositifs qui concourent à réduire l’assiette des prélèvements sociaux. Il n’est pas normal que celle-ci progresse nettement plus lentement que les nombreuses formes de rémunération qui n’y sont pas assujetties. Parmi celles-ci, les stock-options sont la plus choquante. Alors qu’on demande légitimement un effort aux assurés sociaux, il ne serait pas pertinent de laisser perdurer de telles anomalies, même s’il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas de porter atteinte à l’attractivité de notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Nous y voilà !

M. Yves Bur, rapporteur – L’amendement 12 rectifié propose donc une taxation équilibrée…

M. Patrick Roy – Homéopathique !

M. Yves Bur, rapporteur …qui soit socialement juste et économiquement soutenable. La réflexion sur les régimes des stock-options doit impérativement être complétée par un réaménagement du régime des attributions gratuites d’actions, sans quoi, comme l’observe la Cour des comptes, celui-ci pourrait, à terme, se substituer partiellement à celui-là, de façon à échapper à la taxation.

Cet article institue donc une contribution patronale de 10 % au profit de la caisse nationale d’assurance maladie, ainsi qu’une contribution salariale de 2,5 %, au moment de la levée d’option, sur la plus-value d’acquisition.

M. Marcel Rogemont – Quelle audace !

M. Régis Juanico – C’est le Grand Soir !

Mme Marie-Hélène Amiable – Combien cela rapportera-t-il ?

M. Yves Bur, rapporteur – Sans doute entre 215 et 250 millions pour la part patronale (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC). La contribution salariale, quant à elle, devrait rapporter environ 150 millions.

Je souhaite apporter une nouvelle modification à l’amendement…

M. Christian Paul – Pour réduire le prélèvement ?

M. Yves Bur, rapporteur – …de sorte que cette seconde part revienne à l’assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen – Et l’assurance vieillesse ?

M. Yves Bur, rapporteur – Il me paraît moins juste de lui affecter cette recette sans ouvrir de droits proportionnels.

En somme, il s’agit d’une mesure de justice sociale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), cohérente avec le pacte de confiance auquel nous nous sommes engagés devant le peuple !

Mme Martine Billard – Y croyez-vous vraiment ?

Mme la Présidente – L’amendement fait l’objet de nombreux sous-amendements, que nous examinons maintenant.

M. Benoist Apparu – Cette contribution a deux objets : élargir l’assiette du financement de la sécurité sociale et moraliser les stock-options. Le taux proposé est juste : il permettra d’éviter toute évasion financière tout en rapportant une recette conséquente de 400 millions.

M. Roland Muzeau – Une goutte d’eau !

M. Benoist Apparu – Cependant, la moralisation des stock-options ne doit pas pénaliser les petites entreprises innovantes, qui en ont besoin. Les sous-amendements 610, 611 et 612 tendent donc à les exonérer de la contribution en question (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Christian Paul – Effrayés par leur audace, ils finissent par reculer !

M. Patrick Roy – Courage, Fillon !

M. Lionel Tardy – Le système des stock-options connaît des dérives dans certaines entreprises où elles deviennent une rémunération sans rapport avec le mérite. Pourtant, contrairement aux entreprises cotées, les PME ne peuvent céder leurs titres que de gré à gré. Elles ne perçoivent donc une plus-value que lors d’un rachat par un plus grand groupe ou d’une introduction en Bourse. Il faut certainement mettre fin aux dérives dans les grands groupes, mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : vous risquez de supprimer les stock-options dans les PME, alors qu’elles permettent d’y attirer les talents. C’est l’objection à laquelle répondent mes sous-amendements 624, 625, 626 et 627.

M. Jean-Marie Le Guen – Vous justifiez la taxation !

M. Dominique Tian – Chacun sait en effet que le système des stock-options permet d’attirer les meilleurs cadres, français ou étrangers, dans nos PME. À ce titre, il fonctionne bien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Marcel Rogemont – Demandez à Louis Gallois !

M. Jean-Marie Le Guen – C’est un système que l’on critique même aux États-Unis !

M. Dominique Tian – Il n’y a d’ailleurs pas de vide juridique en la matière, depuis que le Parlement a légiféré suite à l’affaire Elf, en 2000.

M. Marcel Rogemont – Il faut croire qu’il n’a pas été assez sévère…

M. Dominique Tian – C’est justement ce que propose M. Bur. Parce que le monde est ouvert, nos entreprises doivent rester attractives.

M. Patrick Roy – Le monde n’est pas ouvert pour tout le monde !

M. Dominique Tian – L’amendement ne prévoit en effet aucune possibilité de remboursement au cas où la stock-option, qui n’est qu’une espérance de gain, ne porte pas ses fruits. En outre, un taux trop élevé incitera les entreprises à rechercher d’autres mécanismes de rémunération. Faudra-t-il les taxer à leur tour ? La distribution d’actions gratuites posera également problème. Quant à la partie salariale, elle ne doit pas faire oublier qu’à la CSG et la CRDS s’ajoute un prélèvement libératoire de 30 %, soit une socialisation comparable à ce que font les Britanniques, les Belges et les Américains. Augmenter encore la contribution serait nuire à l’attractivité de nos entreprises. En somme, les dangers de cette mesure me paraissent plus importants que la maigre recette qu’elle rapportera. C’est pour l’améliorer en ce sens que je défends les sous-amendements 649 et 650.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances – La commission des finances a rejeté ces sous-amendements, car l’excellent amendement présenté par M. Bur fait la part des choses entre une taxation à l’entrée, qui ouvre un avantage salarial, et une taxation à la sortie qui implique les salariés dans les performances de l’entreprise. Il permettra à la sécurité sociale d’engranger une recette précoce, d’apparenter les attributions de stock-options à un revenu du travail et, en fixant un taux raisonnable, de concourir à l’amélioration de nos comptes sociaux tout en respectant le nécessaire équilibre entre employeurs et salariés.

M. Yves Bur, rapporteur – La commission a repoussé les sous-amendements de MM. Apparu et Tardy et, à titre personnel, je suis également défavorable à ceux de M. Tian. D’autre part, je rappelle à M. Le Guen que c’est la loi de régulation de 2001…

M. Jean-Marie Le Guen – Que nous assumons !

M. Yves Bur, rapporteur – …qui réduit la durée de détention susceptible de donner lieu à une exonération et allonge de deux ans la période de taxation réduite. Quant aux petites entreprises et aux start-up, n’est-il pas paradoxal de vouloir supprimer des niches tout en en créant d’autres ?

M. Christian Paul – À qui le dites vous !

M. Yves Bur, rapporteur – Le Conseil constitutionnel risquerait fort de censurer une inégalité de traitement qui n’obéirait pas à une raison d’intérêt général, et la distinction entre entreprises cotées et non cotées n’est de toute façon pas pertinente : certains grands groupes de distribution, en effet, ne sont pas cotés. Notre législation sociale prend déjà en compte le fait que les start-up ont d’importants besoins de financement en matière de recherche et développement, et qu’elles sont rarement rentables dans les premières années.

Rappelons que la définition des jeunes entreprises innovantes est assez large puisqu’elle inclut celles qui emploient 250 salariés au plus. En outre, les rémunérations des salariés directement liés à l’activité de recherche et de développement de l’entreprise – chercheurs, techniciens, gestionnaires de projets, juristes chargés de la protection industrielle et des accords technologiques, personnels chargés des tests pré-concurrentiels – sont, quel que soit leur montant, entièrement exonérées de cotisations sociales patronales jusqu’à la septième année qui suit la création de l’entreprise. J’ajoute que ces entreprises ont également la possibilité de recourir aux bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise – BSPCE –, exonérés de cotisations sociales, créés en 1998 et abondamment utilisés aujourd’hui ; si elles préfèrent se tourner vers les stock-options ou les attributions gratuites d’actions, comme les grandes entreprises, elles seront soumises aux mêmes conditions sociales et fiscales.

Vous craignez, monsieur Tian, que ces modestes contributions… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Roy – Quel aveu !

M. Yves Bur, rapporteur - …ne rendent ces entreprises, et donc notre pays, moins attractifs aux yeux des cadres dirigeants. Je vous rassure : ce n’est pas le cas dans la plupart des pays de l’OCDE – notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Italie – qui appliquent un mécanisme comparable. Nous dégagerons ainsi environ 400 millions d’euros – ce qui n’est pas négligeable –, sans mettre notre attractivité en péril.

M. Éric Woerth, ministre du budget Objet de débats politiques parfois virulents, les stock-options – comme les distributions gratuites d’actions – constituent un instrument essentiel de développement et d’intéressement aux résultats de l’entreprise.

M. Régis Juanico – Pour 30 000 personnes !

M. Éric Woerth, ministre du budget Nous souhaitons que le plus grand nombre en bénéficie, conformément aux engagements du Président de la République ; le projet de loi sur la modernisation de l’économie que vous soumettra Mme la ministre de l’économie y contribuera.

M. Jean-Marie Le Guen – Il y aura de plus en plus de pauvres !

Un député du groupe SRC – Délit d’initiés généralisé !

M. Jean-Marie Le Guen – Si vous n’allez pas à Lagardère, Lagardère ira à vous !

M. Éric Woerth, ministre du budget Vous confondez de bons dispositifs avec des abus qui doivent être combattus – la justice y veille. Le Président de la République a du reste également insisté sur la nécessité de moraliser la vie économique.

Je laisse par ailleurs à la Cour des comptes la responsabilité de ses propositions, mais taxer les revenus des stock-options à 38%, soit à un montant équivalent à l’ensemble des cotisations salariales et patronales, revient à détruire un dispositif auquel vous reprochez pourtant de ne pas bénéficier à suffisamment de personnes (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Christian Paul – Ce sont les gauchistes de la Cour des comptes qui le proposent !

M. Éric Woerth, ministre du budget S’agissant de l’amendement 12 rectifié, il faut distinguer la taxation des cotisations patronales de celle des cotisations salariales. En France, l’imposition des cotisations salariales des bénéficiaires de stock-options est déjà comparable, voire supérieure, à celle qu’appliquent la plupart des pays développés.

M. Jean-Marie Le Guen – Le Luxembourg, Monaco…

M. Éric Woerth, ministre du budget Elle s’élève à environ 50 %, puisqu’à la CSG et à la CRDS – à laquelle vous êtes si attachés – s’ajoute l’impôt sur le revenu, qui atteint 30 à 40 % selon les cas. L’augmenter encore nuirait à la compétitivité de notre pays et ferait fuir les entreprises qui attribuent des stock-options.

MM. Lionel Tardy et Dominique Tian – Exactement !

Mme Valérie Rosso-Debord – Tout à fait !

M. Éric Woerth, ministre du budget Je m’en remets donc, sur la partie salariale de l’amendement, à la sagesse de l’Assemblée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

La contribution patronale est en revanche tout à fait légitime, car le taux de 10 % que l’amendement propose d’instituer, sans être négligeable…

M. Régis Juanico – 150 millions ! C’est ridicule !

M. Éric Woerth, ministre du budget …ne suffira pas à décourager les attributions d’options et d’actions gratuites. Il concerne les entreprises soumises aux normes comptables IFRS – International Financial Reporting Standards ; un taux équivalent à 25 % de la valeur nominale de l’action s’appliquera aux autres entreprises.

M. Jean-Marie Le Guen – Notre groupe a fait connaître sa position. Il revient maintenant à la majorité de clarifier la sienne.

M. Lionel Tardy – En dehors des stock-options, deux outils permettent aux entreprises innovantes de partager les fruits de leur croissance : l’exonération de cotisations qui s’applique aux jeunes entreprises innovantes – JEI – et concerne uniquement les salariés que l’employeur est dans l’obligation d’assurer contre une perte d’emploi en vertu de l’article 351-4 du Code du travail, ainsi que les mandataires sociaux qui participent à titre principal à l’activité de recherche et de développement ; les BSPCE, réservés aux salariés qui participent à l’augmentation de capital de PME créées depuis moins de 15 ans et détenues à plus de 25 % par des personnes physiques. Ces bons sont incessibles ; les gains résultant de la cession des titres qu’ils ont permis d’acquérir bénéficient quant à eux d'un régime fiscal et social favorable : exonération si le montant annuel des cessions n'excède pas 15 000 euros, taxation à 27 % ou à 41 % si le salarié a moins de 3 ans d’ancienneté au moment de la cession. Or, pour se développer et créer des emplois, la majorité des start-up doivent ouvrir leur capital – bien au-delà de 25 % – à des fonds de capital risque, perdant ainsi le droit de recourir aux BSPCE. Le recours aux stock-options est donc bien indispensable aux PME innovantes ; c’est pourquoi je maintiens mes sous-amendements.

M. Éric Woerth, ministre du budget Ne créons pas de nouvelles niches fiscales ; les avantages fiscaux déjà ouverts aux JIE ou aux start-up sont suffisants. Favorable à l’amendement 12 rectifié, mais réservé sur les cotisations salariales, je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée s’agissant du sous-amendement 249, qui vise à les exclure de l’amendement 12 rectifié. Je suis défavorable aux autres sous-amendements.

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est incohérent !

M. le président de la commission  Je l’ai dit au début de la discussion : la commission est résolue à faire preuve de responsabilité – il est caricatural de prétendre que les stock-options ne sont pas imposées –…

M. Jean-Marie Le Guen – N’oublions pas que l’achat d’une Ferrari est soumis à la TVA !

M. le Président de la commission - …mais aussi de solidarité ; et, de ce point de vue, l’amendement 12 rectifié me semble équilibré et juste.

M. Jean-Marie Le Guen – Si le Gouvernement est défavorable à une partie de cet amendement, pourquoi ne le sous-amende-t-il pas ? Cette inconséquence est ahurissante ! Si le ministre n’a rien à dire sur la CRDS, la TVA sociale ou la CSG (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qu’il donne au moins sa position sur les stock-options !

Mme Martine Billard – Pour une fois, l’UMP est muette ! Les propos du président de la commission sont ambigus : le débat ne porte pas sur la fiscalité des stock options mais sur l’assiette des contributions sociales. En tant que salaires différés – puisqu’elles sont censées attirer les hauts cadres – les stock-options doivent être taxées, et il est donc logique que l’on discute du taux de prélèvement. Le rapporteur propose un taux de 2,5 %, bien inférieur à celui appliqué à d’autres compléments de revenus : je rappelle qu’il est question de rétablir la CSG à 7,5 % pour les futurs préretraités, dont les revenus sont souvent très faibles ! Les cinquante premiers bénéficiaires de stock-options toucheront, eux, 9 635 000 euros chacun. Après avoir cotisé pour 241 000 euros, ils disposeront encore d’une somme correcte !

Vous ne proposez pas de taux plus élevé, au motif que cela pousserait les dirigeants à partir à l’étranger. Pensez-vous vraiment que nous risquons de voir 100 000 personnes –le nombre de bénéficiaires de stock-options en 2005, selon la Cour des comptes – quitter le territoire national ? Vous usez également de l’argument selon lequel les stock-options concerneront davantage de salariés. Mais vous savez bien que l’immense majorité d’entre eux n’en recevront jamais !

M. Dominique Tian – Ce sont les délocalisations qui posent problème. Or, vous allez taxer ceux qui décident d’implantation un siège social en France. Nous sommes dans une situation de concurrence fiscale et sociale avec la Grande-Bretagne, la Belgique ou les États- Unis : cette mesure, tout comme l’ISF, est absurde.

M. Yves Bur, rapporteur Les autres pays ne sont pas plus absurdes !

M. Dominique Tian – Monsieur le ministre, merci de nous avoir donné raison sur la partie salariale, puisque vous avez indiqué que les prélèvements portaient non pas sur 41 % comme je l’avais indiqué, mais sur 50 %.

M. Roland Muzeau – Il y a une manifestation de PDG devant l’Assemblée ! (Sourires)

M. Dominique Tian – En suivant l’avis du Gouvernement, nous pourrions supprimer la partie salariale, ce qui recueillerait l’assentiment de la majorité d’entre nous. Si le taux de la contribution patronale devait passer de 5 à 10 %, je retirerais bien évidemment mes amendements.

M. Patrick Roy – La recette que vous tirerez de la taxation des stock-options sera quatre fois moins élevée que celle qu’apporteront les franchises médicales. Vous vous apprêtez donc à faire payer les malades quatre fois plus que les bénéficiaires de stock-options ! Si celles-ci sont utiles aux start-up, elles sont incompréhensibles et immorales lorsqu’elles avantagent les dirigeants de grands groupes. J’ai une proposition « de droite » à vous faire : il s’agirait en effet de déplacer la virgule vers la droite de l’hémicycle et donc, de taxer les stock-options à 25 % ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC et les bancs du groupe GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget – L’opposition est très gênée (Exclamations sur les bancs du SRC) ! Elle s’aperçoit que le Gouvernement est favorable à une taxation des stock-options et à l’amendement d’Yves Bur, qui propose d’instaurer une cotisation patronale de 10 %. Notre position est claire, et c’est en cela qu’elle vous dérange !

M. Christian Paul – Rappel au règlement, sur le fondement de l’article 58-1. Il serait souhaitable de lever cette séance, afin de laisser à la majorité – divisée – le temps de décider d’une réponse commune. À évoquer les stock-options, certains sont pris d’une grande frilosité. Mais c’est se donner à peu de frais le grand frisson ! Non, Monsieur Tian, ce n’est pas en taxant ainsi les stock-options que vous ferez le grand soir !

M. Jean-Marie Le Guen – Ni même les lendemains de la sécurité sociale !

M. Benoist Apparu – Mais nous ne voulons pas du grand soir !

M. Christian Paul – Le rapport de la Cour des comptes a montré que la perte nette pour la protection sociale du fait de l’exonération des stock-options s’élevait à 3 milliards. Les taxer à 10 %, ce n’est jamais que le tribut payé à l’opinion à un moment où vos amis sont mis en cause pour des délits d’initiés ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Le groupe socialiste propose un véritable prélèvement sur les stock-options, qui représenterait un milliard. Vous avez ce milliard à portée de mains, Monsieur le ministre : saisissez-le pour abonder le fonds de réserve des retraites ou la branche maladie ! Mais comme vous n’en avez pas le courage, notre groupe ne votera pas pour ce simulacre d’amendement et ne prendra pas part à cette mascarade !

Les sous-amendements 610 et 624, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les sous-amendements 611 et 625, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les sous-amendements 649 et 650 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les sous-amendements 612 et 626, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 627, mis aux voix, n’est pas adopté.

L'amendement 12, deuxième modification, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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