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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du vendredi 26 octobre 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 45
29ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt-et-une heures quarante-cinq.

RÉUNION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le Président – À la demande du Gouvernement, je suspends la séance pour réunir la Conférence des Présidents.

J’invite les membres de la Conférence des Présidents à me rejoindre au salon Delacroix.

La séance, suspendue, est reprise à 21 heures 50

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2008 (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

ART. 34

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’assurance maladie et les accidents du travail – L’amendement 76 tend à sanctionner la fraude en matière de transport sanitaire.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Avis favorable, sous réserve d’un sous-amendement 679. L’amende prévue en cas de fraude correspondant à la sanction pénale d’un délit, son montant doit être fixé par la loi. Le Gouvernement propose de fixer ce montant à 8 000 euros.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Avis personnel favorable.

Le sous-amendement 679, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 76 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Je laisse à M. Préel le soin de présenter l’amendement 77, qui a été adopté par la commission.

M. Jean-Luc Préel – Cet amendement vise à étendre le champ de la télémédecine.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Avis défavorable. L’autorisation des prescriptions médicales par téléphone pose de vraies questions. La Haute autorité de santé ayant constitué un groupe de travail, qui réunit des représentants des médecins et des pharmaciens, je demande à M. Préel de retirer son amendement. Ne préemptons pas les résultats de ce groupe de travail.

M. Jean-Luc Préel – Je regrette que vous soyez toujours défavorable à mes amendements, y compris ceux qui ont été adoptés par la commission. Cela étant, je retire cet amendement, puisqu’un travail est en cours sur ce dossier.

L'amendement 77 est retiré.

L'article 34, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 34

M. Jean-Luc Préel – Je défends l’amendement 343, cosigné par M. Leteurtre.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Je ne voudrais pas que M. Préel se sente persécuté, mais je suis également défavorable à cet amendement.

L'amendement 343, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel – L’amendement 330 est défendu.

L'amendement 330, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel – L’amendement 329 vise à étendre aux centres de santé implantés dans les zones de santé déficitaires les dispositions jusque là applicables aux seuls professionnels de santé libéraux.

L'amendement 329, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 35

M. Jean-Luc Préel – Je m’étonne que nos collègues favorables aux centres de santé n’aient pas compris l’intérêt de l’amendement 329…

L’article 35 porte sur un sujet d’importance, les franchises médicales. Première perplexité : quel en est le but ? Le Gouvernement leur a assigné un objectif très variable au cours des dernières semaines : de la responsabilisation des patients, nous sommes passés à la réduction des dépenses du régime général, puis au financement de dépenses nouvelles.

Comme ce fut le cas à l’étranger, il est probable que l’instauration de ces franchises n’aura pas pour effet de responsabiliser les patients : nombreux sont ceux qui seront exonérés, et le frein ne jouera qu’en deçà du seuil de 50 euros. On peut même craindre un effet de rattrapage une fois que ce plafond aura été dépassé. Ce n’est pas avec des sanctions financières que nous parviendrons à responsabiliser les patients : mieux vaudrait promouvoir l’éducation à la santé et la prévention, ou encore instaurer une consultation médicale approfondie par an, qui serait notamment l’occasion de signer un contrat de bonnes pratiques.

Le Gouvernement espère que les franchises médicales permettront de réaliser quelque 850 millions d’euros d’économies, destinés à financer le plan cancer, les soins palliatifs et le plan Alzheimer. Une telle somme n’a certes rien de négligeable, mais on peut douter qu’elle suffise compte tenu des besoins de financement actuels.

Si quinze millions de personnes en sont exonérées, tel n’est pas le cas de patients atteints de maladies graves telles que le sida, le cancer ou la sclérose en plaques.

M. Roland Muzeau – Scandaleux !

M. Jean-Luc Préel – Ils devront donc s’acquitter de cinquante euros par an, sachant que ce montant est appelé à augmenter dans les prochaines années (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC).

Les 850 millions que vous en attendez seront-ils économisés, ou financeront-ils les plans cancer, Alzheimer et soins de ville ? C’est l’un ou l’autre. Par ailleurs, vous proposez un ONDAM de ville égal à celui des hôpitaux : sympathique présentation qui, hélas, ne dit mot de l’apport des franchises. L’ONDAM de ville est donc à 2 %, et les franchises ne permettront pas de l’augmenter puisque ces plans – pour autant qu’elles leur soient consacrées – concernent surtout l’hôpital.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Préel. Les orateurs inscrits sont nombreux.

M. Jean-Luc Préel – Je ne dépasse jamais mon temps de parole, Monsieur le Président. Néanmoins, si vous insistez, je reste à votre disposition pour un rappel au Règlement.

M. Benoist Apparu – Il n’empêche : un temps de parole doit être respecté.

M. Jean-Luc Préel – Et je reste à la vôtre, cher collègue, pour m’exprimer sur l’ensemble des articles si vous persistez à m’enquiquiner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Je reprends : les franchises n’amélioreront pas la rémunération des personnels de ville. Pire : si elles sont remboursables par les complémentaires, ce sera un transfert du régime de base vers celles-ci, d’où une augmentation des cotisations. Or, en l’absence d’avantage fiscal, nombreuses sont les complémentaires qui ne les rembourseront pas ! Votre franchise échoira donc à la charge des patients. Au contraire, le Nouveau centre propose une franchise cautionnée, qui porte déjà ses fruits là où elle est expérimentée.

Mme Valérie Fourneyron – La médecine à deux vitesses arrive à grande vitesse ! Cette taxe sur les malades creusera les inégalités d’accès aux soins sans résoudre aucun des problèmes qui se posent à notre système de santé.

Le déficit des comptes sociaux, cumulé depuis 2002, dépasse quatre-vingts milliards malgré vos réformes. L’été dernier encore, vous offriez quinze milliards de cadeaux aux plus riches. Et qu’attendez-vous des franchises : 850 millions ! Emplâtre sur une jambe de bois !

Le malade, dites-vous, serait responsable de sa maladie. Pour lui en faire prendre conscience, il faudrait le taxer. Discours inacceptable ! Les patients atteints d’un cancer, d’une maladie génétique ou de celle d’Alzheimer sont-ils des consommateurs de soins irresponsables ? Vivre avec une maladie n’est pas un choix.

Notre système de santé repose sur la solidarité nationale : chacun paie selon ses moyens et se soigne selon ses besoins. Vous taxez les malades, esclaves de leurs dépenses et, dans le même temps, fermez les yeux sur les deux milliards de dépassements d’honoraires des spécialistes ! Les premiers à souffrir de vos franchises seront les plus démunis, de ceux qui sont juste au dessus du seuil de la CMU à ceux qui touchent de petites retraites, aux patients en longue maladie ou aux titulaires de l’AAH.

Inefficaces en termes économiques, les franchises sont stupides en termes sanitaires. En repoussant la prise en charge de la maladie, vous aggraverez son coût alors même que 13 % des Français et un quart des jeunes de moins de vingt-cinq ans se privent déjà de soins par manque d’argent ! Brader la solidarité au profit du marché : n’est-ce pas là votre souhait le plus cher ? Faites-nous mentir, Madame la ministre, en supprimant les franchises de votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Roy – Non à cette franchise, qui n’est qu’un nouvel impôt sur les malades ! L’impôt doit être juste, mais vous distribuez des cadeaux aux plus riches !

M. Guy Geoffroy – Caricature !

M. Patrick Roy – Loin de là : un cadeau de cent mille euros en moyenne pour 111 familles du Nord-Pas-de-Calais, voilà la réalité ! Et pendant ce temps, vous faites payer les malades. Drôle de conception de la justice ! Déjà victimes de leur destin, vous taxerez ces gens d’autant plus qu’ils seront plus pauvres. Cinquante euros par an : une somme anodine pour les plus fortunés, mais insupportable pour les plus démunis, qui n’auront d’autre choix que de renoncer aux soins, tout simplement !

Songez à ceux qui ont été délibérément empoisonnés à l’amiante.

Mme Valérie Rosso-Debord – C’est honteux !

M. Patrick Roy – Voici un demi-siècle que l’on connaît le caractère mortel de l’amiante !

Mme Valérie Rosso-Debord – Vous êtes inintéressant.

Mme Marisol Touraine – Si vous l’êtes tant, pourquoi n’intervenez-vous jamais ?

M. Patrick Roy – Inintéressants, ces gens envoyés à la mort ? Intéressant… Bref, vous augmentez encore la pression sur ces victimes qui souffrent déjà tant. Où est la solidarité ? La taxation des stock options rapportera quatre fois moins que les franchises, qui s’ajoutent à la liste déjà longue des taxes qui accablent les malades. Avec cette franchise antisociale, les malades vont perdre leur sang-froid, pourrait dire Bernie Bonvoisin, ce grand philosophe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Marisol Touraine – Préférons, sur un sujet aussi important, la sérénité aux injures. Le Président de la République a choisi de faire des franchises un outil essentiel du retour à l’équilibre des comptes sociaux. Hélas, c’est un formidable retour en arrière, et paradoxal, qui plus est : d’un côté certaines de vos mesures tendent à rétablir le rôle du médecin référent – que vous vous êtes employés à supprimer depuis cinq ans – et de l’autre vous instaurez cette mesure nuisible à la maîtrise médicalisée et à la responsabilisation des uns et des autres. En contraignant ainsi le patient, vous insinuez qu’il porte une part de responsabilité dans sa maladie. Vous pénalisez ceux qui n’ont pas d’autre choix que de se soigner – car personne ne décide de tomber malade, cela va de soi.

Le terme même de franchise, qui fait directement référence à l’assurance automobile, induit l’idée qu’on doit pouvoir identifier une faute – il n’est dès lors plus question de responsabilité, mais de comportement fautif. En poussant le raisonnement à son terme, on conclut que c’est le fait de n’avoir pas respecté un certain nombre de règles de prévention qui amène au déclenchement de la maladie. Est-ce à dire que le système ne prendra bientôt plus en charge les personnes atteintes d’un cancer au poumon parce qu’elles ont fumé ? Ce serait un basculement vers une conception totalement nouvelle de la protection sociale, dans laquelle on ne perçoit plus en fonction de ses besoins médicaux mais de ses comportements passés.

Dans les propos du Président de la République, qui avait mis en avant le principe de la franchise dès 2001, on voit que celle-ci a un lien très direct avec le niveau du déficit : s’il augmente, la franchise augmente aussi. Ce n’est donc que pour essayer de la rendre acceptable que vous dites qu’elle est destinée à responsabiliser les patients.

M. le Président – Il faut conclure, Madame.

Mme Marisol Touraine – En réalité, elle est destinée à remplir un puits sans fond, ce qui nous permet d’ores et déjà de prédire que la franchise augmentera.

M. Hervé Féron – Je crains que les membres de la majorité ne soient atteints collectivement de surdité. Je leur conseille d’aller consulter très vite, avant l’application de la franchise – ou, appelons un chat un chat, de la taxe sur la maladie.

M. Patrick Roy – Eh oui, c’est une taxe !

M. Hervé Féron – N’avez-vous pas entendu les associations qui protestent dans tout le pays, ni les dizaines de milliers de manifestants dans la rue ? N’avez-vous pas remarqué que les représentants des cinq organisations syndicales représentatives se sont fendus d’un courrier commun pour dénoncer ce principe « injuste » et « économiquement inefficace » ? Et la forme aussi provoque l’indignation : bien sûr, tout le monde voudrait lutter contre la maladie d’Alzheimer ou le cancer ! Mais les recettes dégagées seront loin d’être suffisantes, d’autant qu’on n’est pas sûr qu’elles seront affectées à ces objectifs. Surtout, vous utilisez des situations dramatiques comme prétexte pour culpabiliser les plus fragiles – malades et aussi pauvres, si possible. Vous êtes malade ? Vous payerez ! Vous voulez faire croire que le déficit de l’assurance maladie est dû à la gratuité, à la facilité de l’accès aux soins. Le calcul est d’autant plus mauvais que les économies passeront par une politique de prévention, alors que la vôtre est dissuasive. Plus de 20 % des assurés ne consomment ni soins, ni médicaments, mais 70 % de la dépense globale proviennent de 10 % de patients, gravement malades. Attendez-vous qu’ils cessent de se soigner pour faire face à leurs responsabilités ?

Le père Noël est passé en juillet pour les plus riches, avec un cadeau de 15 milliards. Pour les pauvres, malheureusement, ce n’est pas Noël toute l’année. Vous êtes des anti-Robin des bois : vous prenez aux pauvres pour donner aux riches. Vous balayez la fraternité républicaine. Vous abandonnez la solidarité nationale. Vous remettez en cause les acquis sociaux d’après guerre, fondés sur le principe de la solidarité. Mais on ne construit pas une société sur l’individualisme. Nous ne voterons pas les franchises médicales, dont le but est de démanteler l’assurance maladie solidaire garante de l’égalité d’accès aux soins au profit d’une assurance privée à visées lucratives. L’histoire se souviendra que ceux-là même qui ont institué la ségrégation par le test ADN auront organisé l’inégalité par la franchise médicale, abandonnant les valeurs fondatrices de notre République (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Catherine Génisson – Voici la seconde atteinte grave au principe de solidarité, après la liberté tarifaire offerte aux spécialistes lorsque les patients ont le malheur de ne pas suivre le parcours de soins. Cette mesure, justifiée par le prétexte de responsabiliser le malade, est absolument inique. D’abord, et même si vous avez fixé un plafond pour 2008, il est évident que les franchises seront amenées à augmenter considérablement, comme la consultation du médecin traitant ou la franchise de 18 euros à l’hôpital. C’est aussi une hérésie en matière de santé publique, car il est bien évident que les personnes les moins malades vont hésiter à aller se faire soigner, et attendront au maximum. Enfin, vous n’avez toujours pas décidé de votre argumentation : cette mesure va-t-elle procurer des recettes pour financer de nouvelles politiques de santé, ou permettre de faire des économies ?

Ce qui m’a particulièrement choquée a été l’habillage que vous en avez fait. Lorsque le candidat Sarkozy avait annoncé cette mesure en expliquant qu’elle devait réduire le déficit de la sécurité sociale, l’idée nous était inacceptable, mais au moins avait-il le courage de l’assumer. Mais face au tollé général, y compris au sein de la majorité et du Gouvernement – avec notamment le Haut commissaire Martin Hirsch – il a fallu changer son fusil d’épaule : les franchises se sont mises à devoir financer des politiques dont personne ne peut contester le caractère indispensable. Faire appel ainsi à la générosité de nos concitoyens pour faire passer les franchises est inacceptable. Et, au moment où l’on veut réformer les institutions, affecter un impôt au moment de son prélèvement est une mesure d’ancien régime – une gabelle sanitaire ! Cette mesure est donc absolument inique.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Nous sommes dans l’hypocrisie la plus totale. Au départ, la franchise était une mesure d’économie. Mais faire des économies sur des personnes malades n’a pas été bien vu. Alors, d’un seul coup, on a sorti le cancer, les soins palliatifs, la maladie d'Alzheimer – des sujets qui concernent tout un chacun – pour faire pleurer dans les chaumières. Mais les 198 000 personnes qui souffrent d’une maladie dégénérative aujourd’hui en France ont une moyenne d’âge de 82 ans. On les imagine parfaitement se rendre chez leur médecin pour lui enjoindre de leur prescrire tel médicament, et de leur payer le taxi ! Des personnes de 82 ans, atteintes d’Alzheimer mais, bien sûr, parfaitement responsables…

En Île-de-France, sur un panel de 1 500 malades, j’ai constaté que 74 % bénéficient de l’aide sociale dite légale, mais que 3 % seulement sont en dessous des plafonds de la CMU. Avec une retraite moyenne de 1 100 euros, toutes déductions faites, il reste à ces malades 75 euros pour vivre. Vous savez que les personnes en établissement ne sont pas exonérées des franchises, parce qu’elles sont juste au-dessus du seuil de la CMU, vous savez qu’elles ont 75 euros pour vivre et vous prévoyez des franchises de 18 euros, de 50 euros ! C’est ce qu’elles devront payer pour aller subir des actes qu’elles n’ont pas demandés – car je ne crois pas un instant qu’une personne de 82 ans atteinte d’une maladie dégénérative soit responsable de ce qu’elle prend comme médicaments. Ce cas particulier prouve l’absurdité de votre système. Ce sont les plus pauvres qui vont payer le déficit de l’assurance maladie. C’est trop injuste. On ne finance pas un déficit en faisant payer les malades. Cette disposition met à mal notre conception de l’assurance maladie et les principes fondateurs de notre sécurité sociale. Nous ne pouvons pas l’accepter (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Martine Billard – Ce débat semble amuser certains de nos collègues de la majorité…

M. Jean-Charles Taugourdeau – Pas de procès d’intention !

Mme Martine Billard – Vos électeurs, eux, apprécient moins, peut-être parce que cette nouvelle franchise, qui vient après celle d’un euro créée sous la législature précédente, ne marque aucune rupture avec les pratiques précédentes. Si rupture il y a, c’est avec la solidarité, entre les générations ou entre malades et bien portants. Une fois de plus, votre tactique est de dresser les Français les uns contre les autres…

M. Benoist Apparu – Caricature !

Mme Martine Billard – Mme la ministre a dit : « Mais qui ne peut pas payer 4 euros par mois, soit moins de 50 euros par an ? »

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Je n’ai pas dit cela.

Mme Martine Billard – Mais si, hélas, et en oubliant qu’avec la franchise précédente, l’addition s’élèverait à 100 euros annuels. Or, oui, Madame la ministre, beaucoup de Français ne peuvent pas payer 100 euros de plus par an. Je pense notamment aux victimes de guerre puisque je rappelle que pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le précédent gouvernement UMP a osé rompre avec une tradition bien établie en n’exonérant pas les victimes de guerre de la franchise d’un euro ! À cette époque, en 2004, vous n’hésitiez pas à invoquer la nécessaire responsabilisation des malades. À l’expérience, vous semblez avoir compris qu’il est un peu difficile de dire aux Alzheimer, aux malades de l’amiante ou aux accidentés du travail qu’il faut être un peu raisonnable et s’efforcer, par esprit de responsabilité, de se soigner un peu moins car cela coûte trop cher à la collectivité ! Vous maniez donc désormais l’argument plus classique de la solidarité, mais il faut bien comprendre que pour vous, la solidarité ne doit jouer qu’entre pauvres. Et puisqu’il est inenvisageable de taxer les stock options au-delà de 2,5 %, n’hésitons pas à relever la CSG !

Nul ne conteste que la consommation de médicaments soit trop élevée. Mais on ne maîtrisera pas son évolution avec les franchises. La conséquence la plus classique de ce type de mesure, c’est que les personnes aux budgets les plus serrés renoncent à se soigner à temps et développent finalement des pathologies beaucoup plus graves qui ne peuvent plus être traitées en ville mais uniquement à l’hôpital.

Quant aux allocataires de la CMU, n’ayons pas la naïveté de croire que vous les épargnez par générosité : en fait, c’est une impossibilité technique qui vous empêche de les assujettir, les frais de gestion induits étant plus élevés que le produit de la mesure !

Comment pouvez-vous avoir le cœur de prétendre rendre responsables de leur consommation médicale les personnes atteintes d’une ALD ou d’une maladie orpheline ? En faisant payer les malades, vous annulez le slogan qui vous est si cher : travailler plus grâce aux heures supplémentaires ne fera pas gagner plus, puisque tous les gains serviront à couvrir les dépenses de maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Jean-Claude Viollet – La solidarité commande que chacun soit assuré d’accéder à tous les soins qu’exige son état et c’est en vertu de cette conception exigeante de la protection sociale que nous sommes résolument hostiles aux franchises médicales, d’autant que leur efficacité économique est loin d’être prouvée. Sachant que 5 % des assurés, atteints des pathologies les plus lourdes, génèrent 52 % des dépenses, c’est la logique même de la franchise individuelle qui est inopérante. Et elle a même – d’autres l’ont dit – un effet contreproductif, lorsqu’elle conduit les plus modestes à différer les soins dont ils auraient besoin de manière urgente, au risque d’aggraver son mal. Les franchises attentent donc au principe de la solidarité, entre générations, entre malades et bien portants, entre personnes valides et handicapées. Leur effet inévitable, c’est que ceux qui n’ont pas les moyens de souscrire une assurance privée finissent par renoncer à se soigner.

Dans un colloque récent de la MSA où nombre de parlementaires étaient présents, le Gouvernement a déclaré que les plus modestes ne seraient pas laissés au bord du chemin puisque les collectivités territoriales les prendraient en charge. Autant annoncer tout de suite que la sécurité sociale a vécu ! Du fait du bouclier fiscal destiné à rembourser aux plus riches une part de leur contribution à la solidarité nationale, les collectivités vont être confrontées à une perte de recettes non compensée à laquelle elle ne pourront faire face qu’en augmentant les impôts, y compris les moins progressifs. Moralité, les ménages les plus modestes subiront une pression fiscale accrue qui risque de les dissuader de se faire soigner comme ils en auraient besoin et de les priver durablement de la possibilité de souscrire une assurance santé personnelle. Comme l’a démontré M. Féron, il s’agit bien de prendre aux pauvres pour donner aux riches, et tant pis si les principes consacrés par le Conseil national de la Résistance sont bafoués !

L’adoption des franchises médicales va vous faire franchir une nouvelle étape dans votre programme de régression sociale : toutes les forces de progrès les combattront avec force (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Roland Muzeau – L’article 35 contient l'une des mesures phares du texte. Absurde et scandaleuse, elle suscite un rejet massif, et, du reste, comment ne pas partager la lassitude de nos concitoyens : forfait hospitalier, franchise d’un euro sur les consultations, ticket modérateur pour les actes techniques, déremboursements des médicaments… La liste est longue des mécanismes financiers visant à mettre les malades à contribution et ceux-ci s’inscrivent dans une logique en totale rupture avec l'héritage de la Libération. Au fil du temps, le financement des soins glisse du cotisant et du contribuable vers le malade, de la prise en charge collective à la prise en charge individuelle, du patient au consommateur de soins, d’un régime solidaire à un régime assurantiel. L’assurance privée guette !

Vous ajoutez une nouvelle couche à ce mille-feuille indigeste. La seule vraie nouveauté, c'est que vous dites désormais ouvertement ce qui était encore resté implicite : que le malade doit financer ses soins ! Et vous parez ce mécanisme de vertus mensongères. Aucun effet positif n'est en effet à attendre de l’extension des franchises médicales. Vous prétendez responsabiliser les malades, comme si la majorité des patients étaient responsables de leur maladie, comme si l'on se rendait chez le médecin comme un consommateur se rend au centre commercial ! Pensez aux accidentés du travail, aux victimes de l’amiante et aux personnes atteintes de maladies professionnelles !

Les franchises sont moralement inacceptables et économiquement inefficaces. Moralement – et socialement – inacceptables car elles conduisent l’assuré à payer deux fois : une au travers des cotisations et impôts, une seconde lorsqu'on est malade. En outre, elles vont peser beaucoup plus lourdement sur les ménages modestes, puisqu’à l’instar de la TVA, il s’agit d’une forme d'imposition qui ne tient aucun compte du principe de progressivité. Votre calcul est simple : les plus pauvres financeront le système sans aller chez le médecin, et les classes moyennes par une nouvelle ponction.

Les conséquences seront désastreuses. Les franchises vont aggraver les difficultés d'accès aux soins, pourtant inacceptables dans un système qui se veut solidaire. Elles vont dissuader les assurés modestes de se soigner à temps et les encourager à se présenter directement aux services hospitaliers ou à pratiquer l'automédication.

Cette dérive est donc dangereuse encore en termes de santé publique. Enfin, en désorganisant l’offre de soins, les franchises vont encore aggraver le déficit historique de la sécurité sociale. En effet, un système de santé digne de ce nom doit reposer sur le recours le plus fréquent possible à la médecine de ville et s'adosser à une politique de prévention efficace, fondée sur un bon maillage territorial des établissements.

Bien entendu, nous nous opposerons avec véhémence à la mise en place de cette mesure indigne.

M. Jean-Marie Le Guen – La question qui se pose à ce stade, Madame la ministre, c’est : pourquoi maintenir avec une telle obstination un système qui passe mal et dont on ne peut rien attendre de bon ? Et ne nous dites plus comme vous le faisiez à l’origine que cela va permettre de renforcer la lutte contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer ! Quelle impudence de manier des arguments aussi émotionnels pour un aussi piètre résultat. Dénué de tout caractère structurant, votre dispositif ne vise en fait qu’à procéder à un déremboursement de plus. Ce n’est pas de nature à changer la consommation des Français, qui dérive d’abord de leur état de santé, ensuite du médecin qui prescrit, mais très rarement, pour ne pas dire plus, de leur volonté personnelle…

S’agit-il de justifier un déremboursement de plus ? Il y en a déjà eu de très importants : le « 1 euro », c’était 450 millions, c’est-à-dire au moins la moitié, et sans doute, en termes d’efficacité finale, beaucoup plus que ces franchises médicales.

Alors pourquoi ? En fait, c’est un test, un premier pas (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC). Pour la première fois, vous nous dites que les malades vont payer pour les malades. C’est une rupture idéologique, au niveau des principes. Est-ce que cela va permettre à la sécurité sociale de sortir de l’ornière ? Personne ne le croit. Mais, comme pour une disposition introduite récemment dans un autre projet de loi, on est dans le symbole : ce qui est important, plus que les sommes en cause, c’est le virus qu’on introduit dans la pensée sur la sécurité sociale. S’il y a une telle mobilisation, c’est parce que le risque de dérive est profond (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Catherine Lemorton – « Qui ne peut pas payer quatre euros par mois pour sa santé ? », avez-vous dit, Madame la ministre. Eh bien je voudrais illustrer notre propos par un exemple précis, qui permet de comprendre pourquoi le lissage de la franchise sur douze mois est une hérésie.

Après la campagne sur « Les antibiotiques, c’est pas automatique », les médecins ont commencé, pour des bronchites simples, à prescrire des locations d’aérosol. Or pour la location d’un aérosol entre 7 et 10 jours, plus l’achat des produits à mélanger dedans matin et soir, il faut compter déjà 14 à 20 euros. Si on ajoute à l’ordonnance deux boîtes d’antipyrétique et un fluidifiant – déremboursé l’année dernière –, cela fait 6 euros de plus. Et il faut encore ajouter 1 euro pour la consultation, conformément à la loi d’août 2004. Au total, cela fait 21 à 27 euros – pour un assuré qui abuse : il a une bronchite par an !

Pour quelqu’un qui gagne 900 euros par mois, c’est, sur ce mois-là, 3 % de son budget. Que lui répondez-vous, Madame la ministre ?

Mme Marie-Hélène Amiable – En proposant la création de franchises médicales, le Gouvernement nous parle d’équilibre en 2012. Or en 2004, MM. Douste-Blazy et Bertrand nous avaient promis, avec la franchise de 1euro et l’instauration du médecin traitant, l’équilibre pour 2007… Nous refusons de céder à votre chantage, consistant à instrumentaliser le déficit de la sécurité sociale, alors que vous venez d’accorder cet été 14 milliards aux plus riches dans le cadre du paquet fiscal. Vous voulez maintenant faire rimer « santé » non plus avec « gratuité » ou « solidarité » mais avec « marché » et « débouchés », et vous infligez la double peine : parce qu’on est malade, on paie plus.

Il y a déjà eu la franchise de 1 euro, celle de 18 euros pour les actes lourds, le ticket modérateur, le forfait hospitalier à 15 euros ; cette année, on estime ces dépenses de santé non remboursées à 240 euros par personne et par an en moyenne, mais elles vont jusqu’à 1 000 euros pour 900 000 Français. En outre, accepter aujourd’hui les franchises médicales, c’est accepter qu’elles augmentent chaque année. Ainsi en Suisse, la « prime d’assurance maladie obligatoire », introduite en 1995, augmente au rythme moyen de 5 % par an !

Il est aberrant de prétendre, Madame la ministre, que la franchise médicale sert à responsabiliser les patients : les malades ne sont pas responsables de leur état de santé ! Déjà 15 % des Français déclarent renoncer à des soins pour des raisons financières ; mais cette attitude entraîne l’aggravation de certaines pathologies, qui deviennent plus coûteuses à traiter.

Ce système de franchise rompt avec les principes de solidarité et d’égalité de notre sécurité sociale, selon lesquels chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ces besoins. Ce droit fondamental, tiré du programme du Conseil national de la Résistance, est pourtant énoncé dans le Préambule de la Constitution, selon lequel la nation « garantit à tous la protection de la santé ». Ce que vous proposez est bien une « rupture » : c’est la plus grave offensive antisociale de ces cinquante dernières années.

On ne peut pas traiter les malades comme des voitures ! La franchise est inspirée des contrats d’assurance privés, c’est un pas vers la privatisation de l’assurance maladie, c’est pourquoi nous la refusons.

Mme Delphine Batho – « Les annonces successives des différentes réformes par le Gouvernement peuvent donner une impression de patchwork (…) : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la sécurité sociale, paritarisme. À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité. (…) Il s’agit de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ». Celui qui parle ainsi, ce n’est pas l’un de nos collègues socialistes, c’est M. Denis Kessler, spécialiste des compagnies d’assurances qui approuve votre politique.

Mais peut-on le lundi rendre hommage à la Résistance et aux combats des Résistants dans les lycées de France, et le vendredi soir, à l'Assemblée nationale, démanteler le programme que le Conseil national de la Résistance avait adopté dans la clandestinité en 1944, et qui a nourri les ordonnances d’octobre 1945 créant la sécurité sociale ?

M. Guy Geoffroy – La Résistance ne vous appartient pas ! Ces effets de manches sont insupportables !

Mme Delphine Batho – La Résistance, ce n’était pas simplement un combat contre l’occupant nazi et contre la collaboration. C’était aussi un combat social, un combat pour un ordre public social, comme il est écrit dans le Préambule de la Constitution de 1946. Nous saisirons donc le Conseil constitutionnel.

S’agissant du montant des franchises, Madame la ministre, pouvez-vous prendre l’engagement que dans les mois à venir – par exemple après les élections municipales –, il ne sera pas augmenté ?

Je trouve moralement choquant…

M. Guy Geoffroy – Pas de leçon de morale ! Le forfait hospitalier, c’est vous !

Mme Delphine Batho – Oui, Monsieur Geoffroy, je me demande ce qu’est une société dans laquelle on explique qu’un diabétique doit payer les soins d’un cancéreux ou d’un malade d’Alzheimer (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Comment l’argent sera-t-il mobilisé ? Par rapport à l’an dernier, l’ONDAM propose d’augmenter les dépenses de 2 % pour les soins de ville, et les franchises permettent une moins-value de 1,2 %. Il y a donc des ressources socialisées qui augmentent de 3,2 %, et des dépenses qui augmentent de 2 %. Par rapport à un objectif de 3,2 %, cela fait donc, à la fois, des économies et des ressources mobilisées sur de nouvelles dépenses qui n’étaient pas jusqu’alors prises en charge. Je vous renvoie à la description que j’ai faite l’an dernier de ces crédits, parfaitement fléchés.

Un point au moins fait consensus.

M. Roland Muzeau – Vous en avez trouvé un ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Personne ne conteste la nécessité d’accroître la prise en charge sur les priorités définies par le Président de la République : Alzheimer, cancer, soins palliatifs. Nous voulons donner un coup d’accélérateur sur ces trois sujets, étant entendu que les 850 millions dégagés ne représentent pas l’alpha et l’oméga.

M. Roland Muzeau – La dette de l’État, c’est 1,4 milliard !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Comment pouvions-nous dégager 850 millions ? En augmentant les prélèvements obligatoires ? Nous sommes un des pays où le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé.

M. Roland Muzeau – Mais non !

Mme Martine Billard – Et où le taux d’impôt progressif est l’un des plus faibles.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé En creusant les déficits ? On a souvent recouru à cette facilité par le passé, alors même que cela revient à faire payer les générations futures, nos enfants (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Marie Le Guen – Arrêtez ! Vous avez 14 milliards de déficits.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Les déficits sont inacceptables ; les laisser filer encore plus (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Nous avons donc opté pour une franchise.

Plusieurs possibilités s’offraient alors à nous. Nous pouvions créer une franchise globale, mais elle aurait dissuadé une première consultation, qui est souvent une consultation de prévention, permettant de détecter certaines pathologies. Nous avons donc choisi de peser sur les dépenses les plus dérivantes : la consommation de médicaments – 90 % des consultations, en France, se concluent par une prescription médicamenteuse, contre 43 % aux Pays-Bas – et les transports sanitaires – la santé de la population exige-t-elle vraiment qu’ils augmentent de 8 % par an depuis plusieurs années ?

Mme Martine Billard – Ce n’est pas le malade qui décide s’il a besoin d’être transporté !

M. Roland Muzeau – Ni si le baril de pétrole est à 92 dollars !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Mais qu’il y ait des comportements dérivants ne nous empêche pas de nous demander s’il ne faut pas augmenter les ressources de notre système de santé. Notre pays consacre 11 % de son PIB à ces dépenses ; c’est un des taux les plus élevés parmi les pays industrialisés. Au Japon, où les indicateurs de santé sont équivalents, sinon meilleurs, il est de 8 %.

Je ne suis pourtant pas opposée, au contraire, à une augmentation raisonnable de ce taux, compte tenu des enjeux.

M. Jean-Marie Le Guen – L’ONDAM ne reflète pas cela !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Mais auparavant, il faut se poser la question de l’efficience des dépenses. Toutes les réformes structurelles qui figurent dans ce projet de loi sont une réponse à cette question.

Fille de deux Résistants, je suis très attachée au pacte de 1945. Mais il doit être revisité, car nous ne vivons plus dans le même monde : notre espérance de vie est de trente ans supérieure, pour ne prendre qu’un seul exemple.

C’est le débat que nous vous avons proposé avec le bouclier sanitaire, une idée qui vient de la gauche…

M. Jean-Marie Le Guen – Non !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé ...et du programme du Conseil national de la Résistance. Elle mérite d’être étudiée. Je vous invite tous à une réflexion approfondie, car nous ne pouvons pas rester en l’état ; les enjeux sont trop graves, les besoins trop importants. Nous avons besoin de dépasser nos passions et nos clivages (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Roland Muzeau – Vous n’avez pas répondu !

M. le Président – Nous en venons à la discussion des amendements.

Mme Jacqueline Fraysse – L’amendement 209 tend à supprimer cet article, dont l’objet est de faire payer les malades. C’est un article emblématique des choix de société du Gouvernement. Alors que vous refusez de taxer les placements financiers et que vous reconduisez les exonérations patronales, vous dites qu’il y aurait des pistes à explorer. En effet, commencez par celles-là : elles rapporteraient 3 milliards, selon la Cour des comptes.

Puis, non contents d’avoir imposé la CSG aux personnes partant en préretraite, vous enfoncez le clou, avec ces franchises. Le principe fondateur de notre sécurité sociale, c’est pourtant la solidarité : chacun cotise selon ses moyens, les pauvres cotisent peu, les plus aisés davantage…

M. Jean-Marie Le Guen – Et là-haut, rien du tout ! (Rires)

Mme Jacqueline Fraysse – …chacun reçoit selon ses besoins ; et les bien-portants payent pour les malades. La franchise remet en cause ces principes qui honoraient notre pays. Elle ne tient pas compte des revenus, pesant de la même manière sur le smicard et le PDG. En outre, avec cette franchise, les malades payent pour les malades ; la payeront indistinctement invalides et victimes de guerres, patients atteints d’affections de longue durée, accidentés du travail et personnes victimes de maladies professionnelles – alors même que la loi prévoyait la gratuité des soins pour ces derniers, la franchise fait peser les conséquences des accidents du travail sur les salariés et non sur les entreprises, qui sont pourtant responsables devant la loi –, bénéficiaires du minimum vieillesse, titulaires d’une allocation adulte handicapé, bénéficiaires de l’aide médicale d’État. Et les personnes qui, entrant dans le champ des priorités définies par le Président de la République – Alzheimer, cancer, soins palliatifs –, devraient bénéficier de la franchise, la payeront comme les autres.

Chacun pour soi : c’est votre projet de société. Ceux qui ont les moyens continueront de consommer et de dépenser, les autres resteront au bord de la route. C’est une formidable régression par rapport au Préambule de la Constitution.

M. le Président – Veuillez conclure.

Mme Jacqueline Fraysse – J’y viens, Monsieur le président. Je ne peux comprendre que vous abandonniez ainsi des principes fondamentaux pour recueillir 850 millions au lieu de vous ranger à l’avis de la Cour des comptes qui vous a indiqué comment récolter trois milliards.

M. le Président – Madame Fraysse, vous avez épuisé votre temps de parole.

Mme Jacqueline Fraysse – Je conclus donc, pour souligner que, contrairement à ce qu’avait prétendu l’UMP dans son programme électoral, vos franchises vont s’ajouter aux autres déremboursements, qui ne cessent de croître, au lieu de s’y substituer. Nous n’avons décidément pas la même vision de la solidarité, que vous sacrifiez à la loi du marché, proche de la loi de la jungle. Nous refusons cette logique, et c’est ce qui explique notre amendement de suppression de l’article, sur lequel nous demandons un scrutin public (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Jean-Luc Préel – Si nous proposons, par l’amendement 332, la suppression de l’article, c’est que nous préférons à ce dispositif celui de la franchise cautionnée qui, appliqué par une mutuelle, a permis de diminuer la cotisation de ses adhérents.

M. Christian Paul – L’amendement 451 est également de suppression. Ce qui est en cause, Madame la ministre, va bien au-delà des chiffres – ce sont des principes qui s’affrontent. Je suis surpris que la majorité, qui dispose de tous les leviers, fasse le choix de cette mauvaise action alors qu’elle n’y était pas obligée. D’autres possibilités s’offraient à vous, la première étant, en juillet, d’aller un peu moins loin dans vos cadeaux fiscaux. Hier encore, vous auriez pu taxer davantage les stock options, au lieu d’accepter d’avance une perte de recettes plus de trois fois supérieure à ce que rapporteront les franchises. Éventuellement, vous auriez même pu augmenter la CSG. Alors, pourquoi ce choix entre tous, pourquoi une mesure aussi injuste pour les malades, pour les plus pauvres – ceux dont une enquête de l’INSEE parue cette semaine montre qu’ils sont mal soignés ? Pourquoi une taxe indigne sur les malades en ALD ? Je rappelle que l’allocation pour adulte handicapé, fixée à 621 euros, est supérieure au seuil de déclenchement de la CMU (M. Jacquat s’exclame) si bien que ceux qui la touchent payeront eux aussi ces franchises infâmes (M. Jacquat s’indigne). C’est bien un voile de honte qui s’abat aujourd’hui sur notre assemblée. Je constate d’ailleurs qu’aucun des membres du groupe UMP, qui étaient bien peu nombreux ce matin, ne s’est inscrit pour prendre la parole sur cet article, et nous n’avons pas davantage entendu les rapporteurs…

Pourquoi ce choix ? C’est qu’il fallait des trophées symboliques pour habituer les Français à la souffrance sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en ouvrant méthodiquement des brèches dans la solidarité nationale. Pour que ce voile de honte se dissipe, votez, collègues, la suppression de l’article.

M. le Président – Je suis saisi d’une demande de scrutin public sur les amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – La commission a repoussé ces trois amendements. Ce faisant, elle est dans la droite ligne des conclusions de Mme la ministre…

M. Jean-Marie Le Guen – Dans la ligne de la droite, surtout … (Sourires)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – ...qui a bien expliqué que le produit des franchises servira à financer le plan cancer ainsi que la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et les soins palliatifs (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Mais bien sûr ! Et ces malades eux-mêmes les payeront !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Je vous rappelle que les titulaires de la CMU, les enfants et les femmes enceintes seront exonérés et que, par ailleurs, la prise en charge est très correcte puisqu’elle est de 92 % pour les malades en ALD et de 77 % pour les autres. Les franchises porteront, je le rappelle, sur les transports. Non pas sur les transports en urgence, qui en seront exemptés, mais sur les autres transports remboursés, qui sont en pleine croissance et qui ne sont pas toujours entièrement nécessaires ; bien des fois, les malades pourraient utiliser leur véhicule personnel. Pourquoi diaboliser cette mesure ? La toute première des franchises n’a-t-elle pas été le forfait hospitalier ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Jacqueline Fraysse – Mais cela n’a rien à voir !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Chantal Brunel – Les mutuelles pourront-elles rembourser les franchises ou va-t-on le leur interdire ? Je suis personnellement pour l’interdiction, sinon ceux qui en ont des moyens ne les payeront pas, contrairement aux autres.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Les mutuelles auront bien entendu le droit de rembourser les franchises, car il serait anticonstitutionnel de les en empêcher. Mais, nous souhaitons dans ce cas qu’elles ne disposent pas des aides fiscales et sociales prévues dans les contrats responsables, ce qui les incitera à ne pas rembourser.

Mme Jacqueline Fraysse – J’espère que Mme Brunel est rassurée !

Mme Delphine Batho – Il existe donc un double discours : un pour les Français, et un pour notre hémicycle, dans lequel vous mettez l’accent, Madame la ministre, sur le montant du déficit et sur la part respective des dépenses de santé dans le PIB en France et en Allemagne… Certes, notre société française a changé depuis la Libération, mais je ne sache pas que le comité Balladur ait proposé la suppression du préambule de 1946 ! Or, vous remettez en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale en faisant payer les malades pour les malades…

M. le Président – Il ne s’agit pas d’une explication de vote, Madame Batho.

Mme Delphine Batho – Ne m’avez-vous pas donné la parole, Monsieur le président ?

M. le Président – Pour répondre à la commission, mais sans en abuser.

Mme Delphine Batho – Nous faudra-t-il alors exposer notre point de vue par des rappels au Règlement ?

Mme Martine Billard – L’expression « dépenses déviantes » que vous avez utilisée, Madame la ministre, me semble des plus bizarres. La franchise s’appliquera donc aux boîtes de médicaments, « dépense déviante » – mais l’on sait que ce n’est pas cela qui réduira la surconsommation médicamenteuse en France – et aux transports, autre « dépense déviante ». En 2004, vous avez instauré une franchise d’un euro sur les consultations, pour empêcher cette « dépense déviante » qu’est, pour un malade, la visite chez son médecin, et institué la franchise chirurgicale. À ce rythme, il faudra sous peu cesser de se soigner ! Quant à la référence au PIB, vous savez pertinemment que ce n’est pas un argument, puisque les dépenses de santé participent de la croissance. J’appelle enfin votre attention sur une revue professionnelle, qui s’étonne qu’une « modeste proposition de responsabilisation des assurés » soit victime d’un débat « idéologique ». Ce périodique est celui de l’UIMM, ceux-là mêmes qui ont fait disparaître 600 millions, et qu’il serait grand temps de responsabiliser !

À la majorité de 43 voix contre 28 sur 71 votants et 71 suffrages exprimés, les amendements 209, 332 et 451, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – C’est une honte !

M. Jean-Luc Préel – La ministre a certes accepté que les assurances complémentaires puissent rembourser la franchise, mais leur coût augmentera nécessairement puisque les avantages fiscaux disparaîtraient dans cette hypothèse. Seuls seront donc couverts ceux qui pourront souscrire des contrats plus onéreux, ce qui pose un problème d’équité.

L’amendement 328 tend à exonérer les médicaments dont le coût serait inférieur à quatre fois le montant de la franchise.

Mme Chantal Brunel – Par l’amendement 381, nous demandons également l’instauration d’un seuil en deçà duquel la franchise ne s’appliquerait pas. Je pense notamment aux médicaments homéopathiques.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – La commission a rejeté ces amendements. Pourquoi exonérer les médicaments de faible prix ? Tous les médicaments doivent être concernés.

M. Georges Colombier – Si la commission avait examiné l’amendement 1, relatif à l’exonération des médicaments homéopathiques, j’imagine qu’elle aurait également rendu un avis défavorable… Cela étant, j’aimerais que la ministre nous apporte quelques précisions sur le sort réservé aux médicaments homéopathiques et aux petits laboratoires qui les fabriquent.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – L’article 35 prévoit que la franchise reste à la charge de l’assuré et se cumule avec le ticket modérateur. Il n’y a aucune raison d’exonérer certains médicaments, qu’ils soient homéopathiques ou d’un coût modique. En effet, il pourrait en résulter une rupture dans les conditions de concurrence entre les laboratoires. Avis défavorable à tous ces amendements.

J’ajoute que nous avons transformé la taxe sur les grossistes en une réduction des marges, mesure qui bénéficiera notamment aux laboratoires homéopathiques.

M. Roland Muzeau – Encore un cadeau aux labos !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Et je ne saurais trop conseiller à ces laboratoires de réfléchir au mode de conditionnement de leurs médicaments, car une présentation sous forme de doses plus importantes réduirait l’impact de la franchise.

M. Jean-Marie Le Guen – Je m’étonne que certains de nos collègues se soucient avant tout de l’achat de médicaments peu coûteux au lieu de se pencher sur le sort des plus malades de nos concitoyens. Je remarque d’ailleurs qu’avec plusieurs doses de médicaments homéopathiques, on arrive assez vite au plafond de cinquante euros.

Enfin, puisqu’il est question d’efficience des soins, la ministre demandera-t-elle à la Haute autorité de santé de réaliser une expertise sur l’homéopathie ? Il ne serait pas mauvais d’être éclairé sur ses bienfaits.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Je décèle chez M. Le Guen une homéopathophobie latente.

M. Jean-Marie Le Guen – Pas spécialement…

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Il me semble que l’homéopathie n’a rien à craindre d’une évaluation scientifique. Le programme de la Haute autorité pour 2008 ne comprend pas l’évolution de l’homéopathie, mais l’AFSSAPS mène actuellement des études sur ce sujet. Je vous donnerai plus tard d’autres précisions si vous le souhaitez…

L'amendement 328, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 381 et 1, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Préel – L’amendement 327 est défendu.

L'amendement 327, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Door, rapporteurNombreux sont ceux qui se sont interrogés en commission sur l’affectation des économies réalisées grâce à la franchise. C’est pourquoi nous demandons, par l’amendement 78, que le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur ce point.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Avis favorable.

L'amendement 78, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel – L’amendement 326 tend à exonérer de la franchise les pensionnés militaires, souvent très âgés et dépourvus d’assurance complémentaire.

L'amendement 326, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 193, de repli, a pour objet d’exonérer les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Pourquoi « responsabiliser » la victime d’un accident qui aurait été causé par l’insuffisance des mesures de sécurité sur un chantier ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Avis défavorable. L’effort est collectif. Il doit donc être supporté par tous (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Même avis.

L'amendement 193, mis aux voix, n'est pas adopté.

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Nous souhaitions nous exprimer !

M. le Président – Il fallait en faire la demande avant que le vote commence !

Mme Martine Billard – Je demande un scrutin public sur l’amendement 194. On ne peut pas continuer à débattre dans de telles conditions. Ces amendements concernent des millions de Français, ne pressez pas à ce point le rythme !

L’amendement 194 vise à ne pas appliquer la franchise aux patients souffrant d’affections de longue durée. Vous avez peut-être tous lu le courrier que l’association AIDES a adressé aux parlementaires afin de leur détailler les conséquences de la franchise sur les malades du sida. Souvent licenciés, incapables d’obtenir un poste même à mi-temps, bénéficiaires de pensions ou d’allocations de faible montant qui, de surcroît, ne leur ouvrent pas droit à la CMU ou aux complémentaires, ces patients ont des dépenses de santé qui dépassent vite le plafond du forfait. Leur reste à charge peut atteindre 451 euros, et donc 501 avec la nouvelle franchise. Je rappelle que l’allocation adulte handicapé n’est que de 621 euros ! Si je demande un scrutin public sur cet amendement, c’est pour que chacun prenne ses responsabilités. Vous ne pouvez exiger de ces personnes qu’elles paient une franchise de quatre euros par jour, vu leur situation !

M. Jean-Charles Taugourdeau – Par mois !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Avis défavorable.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Même avis.

M. Patrick Roy – Ben voyons ! Les malades n’ont qu’à payer !

À la majorité de 47 voix contre 22 sur 71 votants et 69 suffrages exprimés, l’amendement 194 n’est pas adopté.

Mme Marisol Touraine – Rappel au Règlement. Je comprends que, sur un sujet aussi sensible, vous souhaitiez accélérer le débat, Monsieur le Président. C’est précisément cette même raison qui nous incite à vouloir le poursuivre dans de bonnes conditions. Au nom de mon groupe, je demande donc une suspension de séance d’un quart d’heure.

La séance, suspendue à 23 heures 50, est reprise à 0 heure, le samedi 27 octobre.

M. le Président – Sur le vote de l’amendement 195, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

Mme Martine Billard – L’amendement 195 vise à exonérer de franchise les victimes de guerre. Lors de la création du forfait d’un euro en 2004, nous avions eu tout un débat sur ces victimes de guerre et invalides du code des pensions militaires, qui ont sacrifié leur santé pour que nous puissions vivre dans un pays libre. Depuis la Libération, jamais aucun gouvernement n’avait remis en cause la solidarité nationale à l’endroit de ceux qui se sont battus pour la paix et la liberté. Ce sont des victimes de guerre, des résistants. Ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour nous. Et maintenant qu’ils sont âgés et très malades, tant pis pour eux ? Mais nous ne pouvons pas oublier ce que nous leur devons ! Nous ne pouvons pas leur dire que, pour des raisons de « responsabilisation collective », ils doivent payer. Et d’ailleurs, que rapportera donc la franchise pour cette catégorie de personnes, pouvez-vous nous dire le chiffre ?

S’il n’y a qu’une exonération, que ce soit celle-là. On ne peut pas se permettre de considérer que ces personnes doivent être « responsabilisées », ce n’est rien moins qu’amoral. Vous êtes fille de résistant. Vous savez dans votre chair. Il faut faire ce geste. J’espère pouvoir rentrer dire à ces gens que, cette fois, le Gouvernement les a entendus ; qu’il rétablit le pacte républicain ; que c’est la solidarité nationale qui prend en charge les soins liés aux séquelles de la guerre.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – La commission a rejeté cet amendement.

Plusieurs députés du groupe SRC – Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  – Il est bien entendu que pour les séquelles de leurs blessures ou pathologies de guerre, ces malades sont exonérés de franchise, de même que du forfait d’un euro.

Mme Martine Billard – Mais non !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Comme tous les autres Français, ils ne sont concernés par les franchises que pour les autres affections.

Mme Martine Billard – Justement non ! Demandez à M. Accoyer !

À la majorité de 49 voix contre 22 sur 71 votants et 71 suffrages exprimés, l’amendement 195 n’est pas accepté.

M. Jean-Marie Le Guen – Nous sommes face à un problème sérieux d’organisation de nos travaux. Souvenez-vous de la discussion de la première partie du projet de loi de finances que nous venons de terminer, et souvenez-vous de celle de 2004, qui avait duré un mois : c’est à vous de décider dans lequel des deux climats vous voulez continuer, aujourd’hui et pour les quatre années à venir. Vous en prendrez la responsabilité.

Nous nous sommes montrés aujourd’hui extrêmement coopératifs.

M. Jean-François Copé – C’est vrai ! Je l’ai reconnu publiquement.

M. Jean-Marie Le Guen – Nous refusons simplement que l’on essaye de faire taire le Parlement dans une caricature de démocratie. Pour le reste, nous souhaitons que les débats se passent le plus normalement du monde. Nous n’entendons pas gêner le Gouvernement dans l’ordre du jour global de la session et sommes tout à fait disposés à nous engager à finir lundi soir, pour procéder au vote solennel mardi. Nous proposons donc de terminer ce soir l’article 35, et éventuellement les articles relatifs à la famille puisque la ministre est présente, et de reprendre à l’heure de votre choix lundi, ce qui nous laissera un temps raisonnable pour nous exprimer sur tous les articles qui restent. Mais après ce que nous avons vécu ce matin, si vous essayez de forcer la main au Parlement, cela se passera de façon extrêmement différente.

M. Jean-François Copé – Cette proposition modifie considérablement l’organisation prévue de nos débats. Je sais qu’elle n’est motivée par aucune sorte d’arrière-pensée, car ce n’est pas le tempérament de M. Le Guen – vous aurez bien compris que ce n’est pas à vous que je parle, Monsieur Paul !

M. Christian Paul – J’aime tant vos labels de bonne conduite !

M. Jean-François Copé – Vous progressez, depuis ce matin. Nous devrions passer plus de temps ensemble.

Je demande donc une brève suspension de séance, afin de réunir mon groupe pour en discuter dans la sérénité.

La séance, suspendue à 0 heure 10, la séance est reprise à 0 heure 20.

M. Jean-François Copé – Un mot si vous le permettez, Monsieur le Président, pour prolonger les propos que j’ai tenus avant la suspension. J’ai consulté mon groupe et nous souhaitons prendre, concernant la dernière étape de l’examen du PLFSS, une décision qui fasse consensus entre tous les groupes politiques de notre Assemblée. Si la Conférence des présidents et le Gouvernement en sont d’accord, je propose, après en avoir discuté avec M. Le Guen et avec M. Muzeau, que nous achevions ce soir la discussion de l’article 35, ainsi que l’examen des articles relatifs à la famille et à la retraite. Les autres articles seraient débattus à partir de lundi à 18 heures, la discussion ne devant pas se prolonger au-delà d’une heure du matin afin de ne pas affecter le bon déroulement de la séance budgétaire de mardi matin. Les représentants des autres groupes peuvent-ils confirmer que cet accord leur convient ?

Mme Marisol Touraine – Merci, Monsieur Copé, de ne pas avoir envisagé qu’une femme pouvait être porte-parole de son groupe (Murmures), mais il se trouve que j’assume ce soir cette responsabilité pour le groupe SRC (Sourires). Votre proposition est d’autant plus facile à accepter que c’est nous qui l’avions formulée plus tôt dans la soirée. Nous nous engageons à faire en sorte, pour ce qui relève de notre responsabilité, que les débats de lundi soient terminés dans des délais permettant de respecter l’ordre du jour normal, dans les conditions fixées par le Gouvernement.

Mme Martine Billard – Décidément, M. Copé doit passer un bien mauvais moment puisque c’est aussi une femme qui porte la parole du groupe GDR… (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Ne vous excusez surtout pas ! (Même mouvement)

Mme Martine Billard – Il faut que notre collègue se fasse à l’idée que l’on ne négocie pas seulement entre messieurs ! Quoi qu’il en soit, la proposition qui est faite semble correcte et nous l’acceptons.

M. Jean-François Copé – Je présente mes excuses à Mmes Touraine et Billard. Il reste que j’ai bien parlé de tout cela avec MM. Muzeau et Le Guen… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Il y a un lien très étroit entre la position que nous prenons ce soir et l’extrême courtoisie – que j’ai saluée ce matin – du président de séance Jean-Marie Le Guen.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  À 21 heures 45, nous avons tenu à ma demande une Conférence des Présidents pour ouvrir la possibilité de tenir des séances lundi à partir de 18 heures. Par précaution, des séances éventuelles avaient été prévues demain, mais le président Ayrault et d’autres participants ont fait valoir que se tenaient au même moment des réunions de partis politiques et qu’il était d’usage de ne pas convoquer l’Assemblée en pareil cas. Si les groupes en sont d’accord, je propose de s’en tenir à l’accord qui vient d’être présenté – achever l’examen de l’article 35 et débattre, avec Mme Létard, des dispositions relatives à la famille et aux retraites -, sous réserve que les travaux de lundi ne se prolongent pas au-delà d’une heure du matin et que le vote solennel puisse intervenir mardi après-midi (Assentiment).

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’assurance vieillesse Et le Nouveau centre, il ne compte pour rien ?

M. Jean-Luc Préel – Je suis d’accord avec l’arrangement proposé.

M. le Président – Nous reprenons le cours de nos travaux avec l’amendement 192 de Mme Billard.

Mme Martine Billard – Il est défendu.

L'amendement 192, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 196 est défendu.

L'amendement 196, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marisol Touraine – L’amendement 542 est le seul de nos amendements qui propose une exonération : il vise en effet à dispenser des franchises les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, la législation spécifique les concernant prévoyant la gratuité des soins. Nous considérons que cette branche mérite un traitement particulier, dans la mesure où elle est destinée à des victimes qui n’ont pas de leçon de responsabilité à recevoir. Il est utile d’opérer une distinction entre les différentes branches de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteurJ’entends les arguments de Mme Touraine mais la commission n’a pas accepté cet amendement.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Défavorable.

M. Patrick Roy – Madame la ministre, je suis très choqué par votre position. Faut-il considérer les victimes de l’amiante, qui ont été délibérément empoisonnées par leurs employeurs (Murmures sur les bancs du groupe UMP), comme responsables de la dégradation de leur état de santé ? Ce serait une injustice gravissime.

L'amendement 542, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Sur l’amendement 220, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Roland Muzeau – Je défends les amendements 220 et 221, qui sont de repli. Ils tendent à exclure du dispositif les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, pour lesquels la gratuité des soins, dont ils bénéficient depuis un siècle, est l’expression de leur droit à réparation. Il est inconcevable que ces personnes, qui sont déjà médiocrement indemnisées pour leur préjudice économique, soient obligées de prendre à leur charge les conséquences du dommage qu’elles ont subi du fait d’autrui. Je rappelle que la branche accidents du travail – maladies professionnelles est une branche autonome, exclusivement financée par les cotisations employeurs.

Pour ne prendre que l’exemple de l’amiante, les deux missions parlementaires, l’une du Sénat, l’autre de l'Assemblée nationale, avaient fait figurer le droit à réparation dans leurs préconisations, adoptées à l’unanimité.

M. Patrick Roy – Les rapports sont enterrés !

M. Roland Muzeau – Je sais que jusque dans les rangs de l’UMP, nous sommes nombreux à être outrés qu’on fasse payer les franchises aux victimes d’accidents du travail et maladies professionnelles. Madame la ministre, vous cherchez 850 millions : sachez que si l’on s’en tient aux six premiers dirigeants d’entreprise ayant touché des dividendes en 2007, on arrive déjà à plus d’un milliard ; voyez donc ce qu’aurait rapporté la taxation sur les dividendes que nous vous proposions au début de ce débat !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Avis défavorable.

À la majorité de 44 voix contre 24 sur 70 votants et 68 suffrages exprimés, l’amendement 220 n’est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen – L’amendement 543 est défendu.

Les amendements 221 et 543, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Préel – Mon amendement 325 vise à permettre aux complémentaires de rembourser les franchises sans pour autant perdre le bénéfice des exonérations sociales et fiscales accordées aux contrats santé ; faute de quoi, les complémentaires qui couvriraient les franchises devraient fortement augmenter leurs cotisations, ce qui réserverait leurs contrats aux personnes ayant des revenus importants.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Avis défavorable. Le projet n’interdit pas la prise en charge des franchises par les complémentaires : l’interdiction ne vise que les contrats responsables.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Je me suis déjà exprimée par ce sujet en répondant à Mme Brunel. Avis défavorable.

M. Jean-Luc Préel – Monsieur le rapporteur, le fait de ne pas intégrer les franchises dans les contrats responsables entraîne un surcoût qui ne pourra être payé que par des personnes à revenus élevés.

L'amendement 325, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – Il est absurde de donner d’une main pour reprendre de l’autre : mon amendement 197 vise à ne pas faire supporter les franchises médicales aux personnes à très petits revenus auxquelles s’adresse le dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – Avis défavorable. Il est souhaitable de renforcer ce dispositif d’aide, mais l’exonération de franchise est réservée aux bénéficiaires de la CMU.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  La CMU complémentaire s’adresse aux personnes dont les revenus sont les plus faibles, l’aide au paiement d’une complémentaire santé – ACS – vise un public aux ressources modestes, mais moins démuni ; il n’est donc pas illégitime que celui-ci assume les efforts demandés à tous, l’ACS étant, contrairement à la CMU complémentaire, établie dans une logique de droit commun.

L'amendement 197, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public sur l’article 35.

À la majorité de 44 voix contre 27 sur 71 votants et 71 suffrages exprimés, l’article 35 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 35

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l’équilibre général – Mon amendement 413 tend à encourager la délivrance des grands conditionnements de médicaments, qui devraient générer quelque 170 millions d’économies. Il en va de l’intérêt général, et le patient fera une petite économie sur la franchise appliquée par boîte.

L'amendement 413, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – Je présenterai en même temps les amendements 493 et 492, mais auparavant, je tiens à déplorer l’abus que l’on fait de l’article 40 du Règlement et qui est cause que les amendements ayant une implication financière sont refusés, tout comme ceux d’ordre social. Or, pour la branche des accidents du travail et maladies professionnelles, le taux de cotisation des employeurs à la branche devant être ajusté chaque année de manière à atteindre l’équilibre, l’impact des mesures proposées devrait avoir pour conséquence un réajustement de ces cotisations et être neutre pour les finances publiques.

Mais les conséquences de la LOLF sont implacables, restreignant notre droit d’amendement et notre droit de déposer des propositions de loi, et empêchant d’apporter des solutions transversales aux problèmes qui en appelleraient par excellence de telles. Comment traiter des AT-MP, en effet, sans examiner les obstacles structurels à leur prévention, à leur déclaration et à leur évaluation ? C’est une dramatique inconséquence pour tous les salariés toujours plus nombreux à être exposés à des substances dangereuses et qui rencontrent toujours plus de difficultés à obtenir réparation.

Sur la vingtaine d’amendements que j’ai souhaité déposer sur le sujet, quinze ont disparu sous le coup de l’article 40. Il ne sera donc pas possible de discuter convenablement de la nécessaire réforme de la médecine du travail, dont les carences ont notamment été mises en évidence avec le drame de l’amiante. Pour m’être rendu à Condé-sur-Noireau à la rencontre des victimes de l’amiante et de leurs familles, je mesure l’importance que revêt la mise en examen pour « non-assistance à personne en péril » du médecin du travail en charge des établissements Ferodo-Valéo.

N’oublions pas cependant de nous interroger sur les causes de défaillance de l’institution elle-même : pénurie de médecins du travail, dépendance vis-à-vis de l’employeur,… Ne nous dispensons pas non plus d’œuvrer à la construction d’un service public de santé au travail. Réfléchissons aux outils de nature à faciliter les connexions avec la médecine de ville et à ceux facilitant la reconnaissance de ces pathologies, dont nombre restent invisibles, l’accent étant mis sur les comportements personnels dits à risque. Alors que l’Institut de veille sanitaire recense chaque année de 11 000 à 23 000 nouveaux cas de cancers d’origine professionnelle, seuls 2 059 salariés sont reconnus victimes de maladies professionnelles.

Ces pathologies sont massivement sous-déclarées, les procédures pour les faire reconnaître s’apparentant à un véritable parcours du combattant. La victime est souvent bien en peine de reproduire le fil de sa carrière ; le médecin ne dispose pas des informations sur les risques auxquels son patient a pu être exposé, et n’a même pas le formulaire lui permettant de signaler des maladies professionnelles.

Avec ces deux amendements, nous souhaitons faciliter la reconnaissance de ces pathologies et le suivi médical post-professionnel. Il s’agit de créer, au sein du dossier médical personnel, un volet dédié à la santé du travail, sur lequel le médecin du travail serait tenu de reporter les informations relatives aux aspects professionnels de la santé des salariés. Ces informations seraient consultables par le médecin généraliste, mais non par l’employeur, pour éviter toutes formes de pression ; à l’inverse, le médecin du travail n’aurait pas accès aux informations des autres volets.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – M. Muzeau a raison d’insister sur la nécessité d’améliorer les conditions d’exercice de la médecine du travail, mais…

M. Patrick Roy – Toujours des « mais » !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – …le dispositif qu’il propose ne nous paraît pas le meilleur. En revanche, en tant que président de la mission d’information sur le dossier médical personnel, je demanderai que soit examinée la possibilité d’ajouter un volet concernant la santé au travail.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Le DMP n’est pas consultable par le médecin du travail, dans un souci de protection des données personnelles. Je ne souhaite pas que nous revenions ici et maintenant sur les principes éthiques qui ont présidé à la loi de 2004. Avis défavorable.

Mme Catherine Génisson – Je partage l’avis de Madame la ministre. En 2004, nous avons souhaité rendre le DMP imperméable, non consultable par les médecins du travail et les médecins d’assurance. Ce point est fondamental pour la protection des citoyens et des travailleurs.

M. Roland Muzeau – Nous souhaitons l’imperméabilité. Mais l’absence de suivi professionnel dans le dossier médical rend impossible la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

L'amendement 493, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 492, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 357 est retiré.

Mme Valérie Boyer – L’amendement 358 vise à rappeler que l’instauration du parcours de soins répond avant tout à une préoccupation de santé publique, qui vaut tout aussi bien pour les bénéficiaires de la CMU ou pour les personnes démunies. Afin d’assurer le respect du parcours coordonné, il propose de subordonner le bénéfice de la CMU à la désignation d’un médecin traitant.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Je suis favorable à l’amendement sous réserve qu’il soit modifié par notre sous-amendement 683. En effet, l’amendement comporte deux parties, dont la seconde nous paraît devoir être supprimée.

Les titulaires de la CMU complémentaire ont dans leur ensemble moins déclaré de médecin traitant ; il est indispensable de renforcer pour ces personnes l’incitation à respecter le parcours de soins. Cependant, supprimer le remboursement des médicaments en cas de refus de générique reviendrait à pénaliser plus durement les bénéficiaires de la CMU complémentaire que les autres assurés, qui ne subissent que la suppression du tiers payant.

Je vous propose donc de supprimer, au I. de l’amendement, les deuxième et troisième alinéas du A., ainsi que le B.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur – La commission a donné un avis favorable à l’amendement : il est normal que le respect du parcours de soins s’impose à tous les assurés. Comprenant, en revanche, les raisons du sous-amendement, j’y suis, à titre personnel, favorable.

M. Yves Bur, rapporteur – J’avais déposé un amendement identique à la première partie de l’amendement de Mme Boyer. Il est normal en effet que les bénéficiaires de la CMU s’inscrivent dans un parcours coordonné. En ce qui concerne la seconde partie, la question ne se poserait pas si la disposition que nous avons votée l’an dernier, qui subordonne le bénéfice du tiers payant à l’acceptation de génériques, était diffusée partout. Cette disposition ayant donné de très bons résultats en Île-de-France, le Parlement en avait décidé la généralisation. Or elle a été introduite en Alsace lundi dernier seulement ! On comprend que nos concitoyens puissent avoir le sentiment que les titulaires de la CMU ont toute liberté de refuser les médicaments génériques au bénéfice des médicaments princeps ! Comment justifier qu’une disposition aussi simple ne soit pas généralisée plus rapidement ? La CNAMTS doit être plus réactive.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé J’ai appelé l’attention du directeur général de la CNAMTS sur ce point et je l’ai invité à remédier à ces disparités d’application préjudiciables.

Mme Valérie Boyer – J’accepte le sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement 683, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 358, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel – Comme je ne souhaite pas l’institution de deux franchises, je retire l’amendement 324, qui tendait à la création d’une franchise cautionnée…

M. le Président – À la demande du Gouvernement, les articles 36 à 52 et les amendements portant articles additionnels après l’article 52 sont réservés, ainsi que les amendements portant articles additionnels avant l’article 54.

AVANT L'ART. 53

Mme Marisol Touraine – L’augmentation prévue des retraites sera de 1,1 %, taux inférieur à celui de l’inflation, alors même que l’augmentation du pouvoir d’achat a été présentée comme une priorité du Gouvernement, qui s’est par ailleurs engagé à revaloriser les retraites. Nous aimerions que l’augmentation des pensions soit nettement supérieure à ce qui est prévu. Par ailleurs, vu le montant moyen des retraites, nous jugeons indigne l’argument selon lequel l’inflation ayant finalement été, l’année dernière, inférieure aux prévisions, le coup de pouce de 0,5 % donné aux retraites aurait été excessif et devrait en quelque sorte être rattrapé. Ce troc est indécent.

Sur le plan général, une correction du taux de revalorisation peut intervenir sur proposition de la conférence tripartite créée par la loi du 21 août 2003, mais comme celle-ci ne se réunira que fin novembre au plus tôt, ses conclusions ne pourront légalement être prises en compte que dans le cadre du PLFSS pour 2009. Par l’amendement 518, 2rectification, nous proposons que rapport soit fait au Parlement des conclusions de la conférence, en prévoyant que toute proposition de revalorisation sera immédiatement effective. Tous les retraités en seraient satisfaits.

M. Denis Jacquat, rapporteur – Je pense, comme Mme Touraine, que ce qui a été donné a été donné. Pour le reste, les dispositions légales doivent être respectées.

Il est dommage, en effet, que la conférence tripartite se réunisse après que le PLFSS aura été examiné, ce qui reporte d’un an la décision éventuelle de revalorisation. C’est trop tard. Aussi M. Xavier Bertrand est-il fermement décidé à faire le point après que la conférence tripartite aura rendu ses conclusions, sans attendre. Comme je l’ai dit, je défendrai dans tous les cas le principe selon lequel il n’y a pas lieu de « rattraper » le coup de pouce de 0,5 % accordé l’an dernier.

Conformément aux engagements du Président de la République, la question des petites retraites sera abordée l’an prochain, et traitée globalement. Aussi, qu’il s’agisse des petites pensions, des pensions de réversion ou des plafonds de retraite, l’idéal serait que le ministre vienne exposer à la commission les conclusions de la conférence tripartite.

L’amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, je ne suis pas contre.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – La conférence tripartite, dont la loi du 21 août 2003 prévoit qu’elle doit se réunir tous les trois ans, se réunira pour la première fois cette année, mais trop tard pour que le PLFSS 2008 puisse tenir compte de ses conclusions, et Xavier Bertrand n’attendra pas le PLFSS 2009. Le Gouvernement proposera donc les mesures qui s’imposent pour que le Parlement puisse examiner une proposition de correction du taux de revalorisation. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à l’amendement. Pour autant, le ministre sera entendu par la commission si celle-ci l’estime souhaitable, ce qui évitera de devoir présenter deux rapports.

M. Denis Jacquat, rapporteur – À titre personnel, je suis favorable à cette proposition du Gouvernement. Je pense que, par cet amendement, Mme Touraine souhaitait envoyer un message, et qu’elle a été entendue.

M. Patrick Roy – Je constate que Mme la ministre n’a pas entièrement répondu à M. Jacquat – auquel je suis reconnaissant d’avoir dit que le coup de pouce de 0,5 % est un acquis sur lequel il n’y a pas à revenir. Mais le rapporteur a aussi évoqué le problème plus grave des petites retraites, dont le montant est indécent. Les promesses du candidat Sarkozy ont été tenues dès juillet pour certains – les plus aisés. Aux autres, il avait annoncé une revalorisation de 25 % – et non de 0,5 % –… Qu’en est-il ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Le rendez-vous sur les retraites prévu en 2008 sera l’occasion de traiter de toutes les propositions du Président de la République relatives aux petites pensions, question que l’on ne peut traiter dans le cadre du PLFSS.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Permettez-moi de préciser ma position : je suis entièrement d’accord avec la ministre, car c’est à la conférence tripartite qu’il reviendra de se prononcer sur la réévaluation mécanique des pensions et sur un éventuel coup de pouce. Il me semble toutefois que Mme Touraine a fort utilement attiré l’attention sur les « petites » retraites. J’aurais agi de même si j’avais été à sa place…

L'amendement 518, 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 53

Mme Marisol Touraine – Je précise qu’un amendement tendant à accorder immédiatement une plus forte revalorisation des retraites est malheureusement tombé sous le coup de l’article 40. L’amendement qui vient d’être rejeté n’était qu’un signal qui n’aurait guère contraint le Gouvernement. Il est donc dommage qu’il n’ait pas été approuvé…

L'article 53, mis aux voix, est adopté.

ART. 59

Mme Martine Pinville – La branche « famille » reviendrait à l’équilibre en 2007 grâce à des économies réalisées au détriment des familles, qui seront pénalisées par la suppression des majorations versées à l’âge de 11 et 16 ans, remplacées par une majoration à l’âge de 14 ans, ce qui représente une économie de 80 millions d’euros. À cela s’ajoutent les effets de la modulation de l’allocation de rentrée scolaire et la faible revalorisation des prestations familiales.

Les caisses réduiront enfin leur contribution aux contrats « enfance jeunesse » signés avec les collectivités locales, alors qu’elles s’étaient engagées à apporter un financement pérenne. Toutes les mesures prévues pénaliseront donc les familles les plus modestes.

M. Hervé Féron, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour la famille La modulation de l’allocation de rentrée scolaire correspond à une demande des associations familiales : comme l’a démontré la CNAF, la rentrée coûte en effet deux fois plus cher au collège que dans l’enseignement primaire, et trois fois plus cher dans les lycées. Toutefois, je ne pense pas que les associations aient souhaité que la modulation s’effectue au détriment des plus jeunes… Si j’en crois le tableau figurant à la page 23 de l’annexe 9, la réforme aura lieu à coût constant, ce qui implique une réduction des montants versés aux enfants les plus jeunes, alors qu’une aide de 272,57 euros n’était sans doute pas excessive... Ce qui était à l’origine une bonne idée a donc été perverti.

On ne peut, par ailleurs, que regretter le désengagement de la CNAF, qui a modifié en 2006 sa politique d’action sociale en proposant aux CAF de différencier les aides versées selon les territoires concernés. La transformation des contrats « enfance » et « temps libre » en contrats « enfance jeunesse » pénalisera les actions menées car les taux d’intervention sont en baisse. Il serait souhaitable que la CNAF envisage de corriger ces dérives inquiétantes. Espérons que le Conseil d’orientation des politiques familiales permettra d’apporter quelques réponses sur tous ces sujets.

Mme Catherine Génisson – Les coûts augmentent en fonction de l’âge, c’est vrai, mais il faut aussi tenir compte de la nature de l’établissement fréquenté : le coût est bien différent selon qu’il s’agit de lycées généraux, de lycées techniques ou professionnels ou encore de centres d’apprentissage. Dans le Nord-Pas-de-Calais, l’accompagnement des élèves a été utilement différencié selon ces critères.

Mme Marie-Hélène Amiable – Sans m’opposer au principe de la modulation, demandée depuis de nombreuses années par les associations de parents d’élèves, il apparaît que cette mesure n’est pas gagée. Comme l’indiquait M. Féron, cela implique une redistribution des aides entre les classes d’âge. Y aura-t-il donc une diminution des allocations versées à certaines familles ? Ce serait inacceptable au moment où le pouvoir d’achat de nombreux Français est déjà en baisse.

Le critère d’âge figurant à l’article 59 me semble en outre peu pertinent. La dépense dépend en effet du niveau scolaire des enfants, que l’amendement 227 vous demande de retenir. Afin que les familles puissent bénéficier du versement de l’allocation avant la rentrée, on pourrait alors se contenter d’une déclaration sur l’honneur des parents, en attendant l’établissement des certificats scolaires. Je rappelle que ces dispositions s’appliquent déjà aux jeunes âgés de 16 à 18 ans.

M. Hervé Féron, rapporteur – Bien que cet amendement soit intéressant sur le fond, la commission a émis un avis défavorable. Le niveau d’étude est effectivement un meilleur critère que l’âge, mais il ne faudrait pas empêcher le versement de l’allocation avant la rentrée. J’ajoute que l’examen des certificats de scolarité alourdirait considérablement la tâche des CAF.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Le coût de la rentrée varie certes selon le cycle d’étude, mais il serait bien compliqué de gérer cinq millions de pièces justificatives supplémentaires. Le versement anticipé de la prestation serait en outre impossible, alors que les familles ont besoin d’obtenir une aide avant la rentrée. Face à l’alourdissement des démarches et de la gestion du dispositif, le Gouvernement a donc retenu l’âge de l’enfant, approximation acceptable du niveau d’étude.

Afin de laisser une place à la négociation menée avec les associations familiales, il a également semblé préférable de ne pas modifier en amont les crédits prévus. N’anticipons pas sur la concertation. Nous avancerons étape par étape, dans le dialogue.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

L'amendement 227, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 59, mis aux voix, est adopté.

ART. 60

M. Hervé Féron, rapporteur – Avec cet article, nous étendons aux enfants handicapés de moins de vingt ans le droit de bénéficier de la prime de compensation du handicap au lieu du complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, même lorsqu’ils n’ont pas droit à celui-ci. Les critères administratifs actuels sont restrictifs au point, s’agissant de la PCH, de créer une inégalité de traitement entre enfants et adultes tout à fait contraire à l’esprit de la loi sur l’égalité des chances. Par ailleurs, les amendements 613, 614 et 615 sont rédactionnels.

Les amendements 613, 614 et 615, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 60 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 61

M. Hervé Féron, rapporteur – Les amendements 616 et 617 rectifié sont rédactionnels.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Avis favorable au 616, sagesse sur le 617 rectifié.

Les amendements 616 et 617 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 61 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 61

Mme Valérie Rosso-Debord – Le droit à l’allocation journalière de présence parentale est soumis à l’avis du service de contrôle médical. En cas de litige, les parents doivent saisir le tribunal des affaires de la sécurité sociale, procédure complexe qui ne leur permet pas de faire valoir leurs droits avant longtemps. L’objet de l’amendement 404, que j’ai cosigné avec Mme Tabarot, est de mieux prendre en compte la situation de ces familles en réduisant ces délais.

L'amendement 404, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 62

L'article 62, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 29 octobre, à 18 heures.

La séance est levée à 1 heure 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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