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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 30 octobre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
32ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – seconde partie

L’ordre du jour appelle la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux collectivités territoriales.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances pour les relations avec les collectivités territoriales et les avances aux collectivités territoriales – Le budget de cette mission, qui s’inscrit dans le cadre du partenariat qui lie depuis plusieurs années l’État et les collectivités territoriales, traduit la politique volontariste du Gouvernement en faveur de la décentralisation et de la péréquation.

En effet, il confirme tout d’abord la détermination de l’État à accompagner les projets d’investissement des collectivités territoriales et à garantir la progression de la compensation des transferts de compétence. La mission devrait représenter 2,26 milliards d’euros en autorisations d’engagement – soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2007 – et 2,2 milliards en crédits de paiement – soit une hausse de 4 %. La dotation générale d’équipement devrait s’élever à 709 millions d’euros en autorisations d’engagement et 654 millions en crédits de paiement ; la dotation de développement devrait bénéficier de 131 millions d'euros et la dotation générale de décentralisation de 1,4 milliard d'euros. En outre, la transformation de la dotation départementale d'équipement des collèges et de la dotation régionale d'équipement scolaire en prélèvements sur recettes, ainsi que la modification de leurs modalités de répartition, permettront une gestion plus souple et plus performante.

Aux crédits budgétaires s’ajoutent les prélèvements sur recettes, qui devraient atteindre 51,2 milliards d'euros en 2008, ce qui représente une hausse de 1,23 % par rapport au PLF pour 2007, hors changement de périmètre. Au titre des prélèvements sur recettes, le fonds de compensation de la TVA s'élèvera à 5,2 milliards d'euros, augmentant de 10,2 %.

En second lieu, ce budget témoigne d’une politique active en faveur de la péréquation – le meilleur outil de réduction des inégalités de richesse entre collectivités.

M. Michel Piron – Tout à fait.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Ainsi, entre 2002 et 2007, les dotations de péréquation ont progressé de 111 %, atteignant 5,9 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de plus de 3 milliards d'euros. Quant aux dotations de solidarité urbaine et rurale, elles ont augmenté respectivement de 68,5 % et 62,5 %.

En outre, la poursuite de cette augmentation est garantie par une hausse de 2,08 % de la dotation globale de fonctionnement, qui s'établira donc en 2008 à plus de 40 milliards d'euros, malgré une progression modérée de l'enveloppe normée. Même s’il revient au comité des finances locales d’établir le montant des dotations de solidarité urbaine et rurale, l’augmentation de la première doit représenter, aux termes de la loi de programmation pour la cohésion sociale, au moins 24 % de la croissance de la dotation globale de fonctionnement des communes, ce qui la portera à 1,093 milliard d'euros au moins, soit une progression de 9,4 % par rapport à 2007. Je souhaite, Madame la ministre, qu’en 2008, comme ces dernières années, un effort comparable soit consenti en faveur de la dotation de solidarité rurale.

Quant à la solidarité nationale, j’insiste sur le fonds d'aide aux collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles localisées que crée l’article 48 du PLF. Doté de 20 millions d'euros, ce fonds viendra compléter – et non remplacer – le dispositif existant en cas de catastrophe d'ampleur nationale, financé sur les crédits de la mission relations avec les collectivités territoriales. Une procédure plus souple permettra de venir plus rapidement en aide aux collectivités qui en auront besoin.

En outre, le texte poursuit le processus d'approfondissement de la décentralisation entamé par la loi du 13 août 2004. Ainsi, le transfert de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance – TSCA – ouvrira aux départements un droit à compensation de 1,8 milliard d'euros ; quant au transfert aux régions de la taxe intérieure sur les produits pétroliers – TIPP –, il leur assure un droit à compensation de 2,3 milliards d'euros, auquel s’ajoute la possibilité d’augmenter, à l’intérieur de certaines limites, les tarifs de la TIPP – possibilité mise à profit par vingt régions en 2007, souvent jusqu’au maximum autorisé.

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est vrai.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Seules deux régions n’y ont pas eu recours. La marge de manœuvre ainsi ouverte aux régions est estimée à 500 millions d'euros environ.

Les travaux de la commission consultative d'évaluation des charges témoignent d'un large accord sur le montant des différents transferts de compétence menés à bien depuis 2005. À la demande de la parité « élus », l'État a même accordé à plusieurs reprises des compensations supérieures à celles que prévoyait la loi, notamment en prenant pour base de référence l'année la plus favorable et non la moyenne des trois années précédant le transfert ; cet effort supplémentaire représente157 millions d'euros.

En outre, 500 millions d'euros seront versés aux départements afin de compléter la compensation du transfert du RMI dans le cadre du fonds de mobilisation départemental pour l'insertion. Au total, l'État a compensé 100 % de la dépense réelle consentie par les départements en 2004…

M. Bernard Derosier – Faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – …93 % en 2005 et près de 90 % en 2006. Je rappelle que la compensation au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie – APA – est de 30 % : voilà comment on décentralisait il y a quelques années…

Je me félicite, Monsieur Derosier, de la baisse de près de 6 % en un an du nombre de bénéficiaires du RMI – premier effet de la politique d'insertion des départements.

M. François Goulard – Très bonne remarque.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Si l’augmentation des dépenses sociales dépasse parfois les prévisions, elle est, dans d’autres cas, propre à apaiser les craintes des conseils généraux : ainsi des dépenses liées à la prestation de compensation du handicap, dont l’évolution a été très modérée, conduisant les départements à verser 100 millions d'euros environ en 2006 et 2007, contre 500 millions dépensés chaque année par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA. Cet effet de trésorerie permettra aux départements de faire face à l’augmentation prévisible de cette prestation. La compensation de l’APA est moins satisfaisante, puisque – je l’ai dit –, la contribution de l'État, malgré la mise en place de la CNSA, représente un tiers des dépenses des départements.

M. Jean-Pierre Balligand – 32 % exactement.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Cette question relève d'un débat plus général sur le financement de la dépendance et la création éventuelle d'une cinquième branche de la Sécurité sociale.

D’autre part, la bonne santé financière des régions et des départements est réjouissante : si les charges de fonctionnement des premières ont connu une hausse de 1,44 milliard d'euros entre 2005 et 2006, leurs produits de fonctionnement ont augmenté de 1,69 milliard d'euros et leur autofinancement de 3,2 %, après une croissance de 16,6 % entre 2004 et 2005. Quant à l’autofinancement des départements, qui ont bénéficié du dynamisme des droits de mutation – dont la progression de 52,6 % de 2003 à 2006 leur a apporté 2,6 milliards d'euros de recettes supplémentaires –, il a augmenté de 14,3 % en 2006. Si ces recettes ne concernent pas les compétences transférées depuis 2004, elles permettent néanmoins aux collectivités de prendre en charge une partie des dépenses sociales à un moment où celles-ci, notamment le RMI, sont particulièrement élevées. Les départements ont ainsi perçu, en 2005, 837,8 millions et, en 2006, 911,64 millions supplémentaires, ce qui leur a permis d’absorber le surplus de dépenses de RMI.

Néanmoins, les recettes des droits de mutation varient grandement d’un département à l’autre. La Lozère, par exemple, a touché 4,1 millions en 2006, contre 743,5 millions pour Paris. Je suis favorable à la création d’un dispositif de péréquation des droits de mutation, afin de réduire les inégalités de richesse entre départements.

M. François Goulard – Très bien !

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Le budget de la mission ainsi que la poursuite des transferts de fiscalité traduisent la volonté de l’État de donner aux collectivités territoriales des moyens importants dans le contexte de l’approfondissement de la décentralisation. C’est pourquoi la commission des finances a adopté les crédits de la mission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République – Le nouveau pacte financier entre l'État et les collectivités territoriales se substitue au contrat de croissance et de solidarité en vigueur depuis 1999. Dorénavant, le contrat de stabilité indexe le calcul des dotations sur l'inflation uniquement. Toutefois, en 2008, la DGF reste indexée sur l'inflation majorée de 50 % de la croissance. Il faut noter également une nouvelle avancée pour la dotation de solidarité urbaine, laquelle est passée de 635 millions en 2004 à 1,119 milliard en 2008 ; toutefois, comment comprendre que la DSU soit refusée à une commune dont le potentiel fiscal et le potentiel financier sont inférieurs à la moyenne de strate et alors même qu'elle déploie des efforts en direction des populations de sa zone urbaine sensible ? Ne pourrait-on garantir à ces communes une DGF évoluant au moins avec l’inflation, a fortiori quand cette dotation est inférieure à la moyenne de strate ?

Le rapport Valletoux montre que la nécessaire réforme de la fiscalité locale est possible et préconise notamment la spécialisation des impôts locaux. Or, il serait d’ores et déjà possible d'introduire deux ajustements, l’intégration des abattements dans le calcul des valeurs locatives et la substitution de la surface habitable à la surface corrigée, qui consolideraient le pouvoir d'achat, notamment pour les revenus modestes. C’est dire si les exécutifs locaux seront contraints de rationaliser davantage leur offre de services publics.

L'association des élus locaux aux grandes décisions les concernant devrait empêcher que ceux-ci soient placés devant le fait accompli, comme ce fut le cas avec le programme de stabilité remis à la Commission européenne pour la période 2007-2009. Son objectif de croissance des dépenses locales, très ambitieux – 0,5 % par an –, a été fixé sans qu'aucune instance représentative des élus locaux n'ait été associée, ni même informée.

Il faudra que la conférence nationale des exécutifs, créée le 4 octobre, ne soit pas seulement une instance d'information, mais rende des avis sur les finances et la fonction publique territoriales. En ce sens, il convient de saisir les élus locaux, comme le prévoit la loi du 19 février 2007, sur tout projet d'ordonnance concernant la fonction publique territoriale, via le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Rendre aux élus locaux une responsabilité dans le recrutement rendrait possibles des économies, qui pourraient aller à la formation du personnel. Ces avancées s'inscrivent dans le grand projet présidentiel entendant « poser les fondations d'une nouvelle fonction publique ».

La participation des élus locaux sera aussi importante pour l’application de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau, de celle du 2 février 2007 relative à l’action extérieure des collectivités territoriales, de la réforme de la protection de l'enfance, de celle de la protection juridique des majeurs, ou de la loi sur la prévention de la délinquance, qui fait du maire le pivot de l’action publique en la matière.

Si une pause dans la décentralisation est nécessaire, il ne faut pas que cela soit au détriment de la réalisation de son Acte II, ni des nécessaires ajustements du périmètre de compétences ou des conditions de compensation financière aux collectivités.

Ce budget offrant de nouveaux espaces d'intervention aux collectivités territoriales, je ne puis que donner un avis favorable aux crédits de la mission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Gosselin – La mission « Relations avec les collectivités territoriales » correspond à une partie seulement de l’effort financier de l’État en direction des collectivités territoriales. Ses crédits pour 2008 représentent 2,262 milliards en autorisations d’engagement et 2,198 en crédits de paiement, soit une augmentation de 3,2 et 4,01 % respectivement, à périmètre constant, alors que les prélèvements sur recettes de l’État n’augmentent que de 1,23 %. La mission a trois objectifs : compenser les charges transférées, accompagner l’investissement des collectivités et renforcer la péréquation.

Le Gouvernement a souhaité modérer les dépenses des collectivités locales et stabiliser leur endettement ; désormais, la hausse des dotations n’est plus indexée que sur l’inflation, exception faite de la DGF en 2008, à titre « dérogatoire », pour laquelle continue de s’appliquer une indexation sur l’inflation majorée de 50 % de la croissance.

La DGF, premier apport financier de l’État aux collectivités, devrait croître de 2,08 % en 2008, atteignant un peu plus de 40 milliards. Cette augmentation permettra de poursuivre la politique de renforcement de la péréquation initiée en 2004-2005 avec la réforme de la DGF. Les deux dotations liées à cette dernière, la DSU et la DSR, augmentent, quant à elles, d’environ 10 %.

Le droit à compensations de charges nouvelles découlant de la loi de décentralisation du 13 août 2004 est tout à fait correctement assuré en 2008. Ainsi, la taxe sur les conventions d’assurance est portée à 1,85 milliards ; la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour les régions, à 2,32 milliards.

Les crédits de paiements pour les quatre programmes de la mission augmentent de 94 millions, soit plus 3 %. En ce qui concerne les concours financiers aux communes et à leurs groupements, les autorisations d’engagement augmentent de 2,51 % et les crédits de paiement de 5,79 %. Pour les concours aux départements, les autorisations d’engagement augmentent de 2,6 %, les crédits de paiement de 2,8 %. Pour les concours aux régions, l’augmentation est de 2,1 et 2,5 % respectivement. En ce qui concerne les concours spécifiques, à périmètre constant – notons que le périmètre est modifié –, l’augmentation est également significative : plus 6,1 % en autorisations d’engagement et plus 5,9 % en crédits de paiement.

Globalement donc, on peut se réjouir que l’État tienne ses engagements envers les collectivités territoriales. Je ferai néanmoins quelques observations.

En vertu de l’article 12 instituant un contrat de stabilité, l’enveloppe normée sera indexée sur l’inflation, sauf pour la DGF qui bénéficie d’un sursis : il s’agit, nous a dit Mme la ministre, de permettre aux collectivités locales de s’adapter. Comme beaucoup d’élus, je m’interroge sur cette stabilité, alors que les dépenses des collectivités augmentent plus vite que l’inflation – pour les communes, deux points de plus en moyenne.

Il serait donc nécessaire d’envisager une réforme de la fiscalité locale, dont on parle depuis longtemps ; la révision des bases locatives, initiée il y a plus de quinze ans, n’a pas été menée à son terme. Je me réjouis que le Premier ministre, lors de l’installation du Conseil national des exécutifs, ait annoncé cette réforme, à laquelle il sera bien sûr indispensable d’associer les différentes associations d’élus.

Par ailleurs, il faudra clarifier les compétences des collectivités, qui sont de plus en plus sollicitées mais ne peuvent pas tout faire, et travailler à la lisibilité de l’ensemble : certains EPCI ont sans doute une taille insuffisante ; de même, certaines communes restent isolées alors qu’elles sont assises sur un petit magot et bénéficient des services de la ville centre…

Enfin, il faudrait sans doute faire une pause dans la décentralisation.

M. Michel Piron – Mais non, au contraire !

M. Philippe Gosselin – Un temps de « digestion » de la loi de 2004 est nécessaire pour asseoir une relation de confiance durable entre l’État et les collectivités. Le premier doit certes se recentrer sur ses missions essentielles, mais il ne doit pas se défausser sur les secondes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Derosier – Le 16 juillet dernier, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, j'exprimais les préoccupations légitimes des élus locaux, en soulignant combien il était nécessaire que les collectivités territoriales travaillent dans un climat de confiance avec l'État. Or ce que vous nous proposez confirme le mauvais traitement que vous leur infligez.

C'est la fin du contrat de croissance et de solidarité, mis en place en 1999, qui permettait aux collectivités locales de bénéficier d'une progression de leurs dotations en lien avec la croissance économique. Nous ne pouvons que déplorer le caractère non concerté de cette annonce, au moment même où le Gouvernement prétend établir avec les collectivités une relation contractuelle responsable dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs.

L’enveloppe globale est désormais indexée sur la seule inflation – ce qui fait dire à notre collègue sénateur Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, qu’on s’oriente à moyen terme vers une indexation de la DGF également sur la seule inflation : le démentirez-vous, Madame la ministre ? Pour cette année, cette contrainte globale se traduit notamment par une baisse de plus de 20 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui sert de variable d'ajustement.

Parallèlement, l'absence de réelle réforme de la fiscalité locale vient rogner, petit à petit, l'autonomie financière des collectivités locales, déjà pourtant bien insuffisante. Seule la taxe professionnelle semble préoccuper le Gouvernement, qui ne fait que proposer un plafonnement supporté par les collectivités. Quant aux impositions des ménages, malgré les réformes proposées par le Conseil économique et social et les demandes consensuelles de l'ensemble des associations d'élus locaux, elles conservent leur caractère obsolète et injuste.

Un véritable débat sur cette question aurait permis d'ouvrir des perspectives nouvelles. Le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre les collectivités locales au régime sec ? Nombreuses sont celles qui verront leurs moyens diminuer en 2008 alors qu’elles supportent des charges croissantes ; et si elles augmentent leur fiscalité, elles se font montrer du doigt !

L'exemple du RMI est particulièrement éloquent : la différence entre ce qui a été versé aux allocataires et ce qui a été compensé s'est élevée à 300 millions en 2005, 600 millions en 2006, et est évalué à 900 millions pour 2007, soit un total de près de 1,8 milliard en trois ans ! Plus encore, compte tenu du décalage d'un an entre le constat du déficit annuel et le versement de la compensation, les départements auront, à la fin de l'année 2007, avancé un montant cumulé de près de 2,35 milliards ; et rien n'est prévu pour l’instant pour compenser le déficit qui sera inévitablement constaté sur les exercices 2008 et suivants. Le Premier ministre a raison de parler de faillite de l'État si celui-ci ne paie pas ses dettes !

Vous m'avez répondu en commission des lois, Madame la ministre, que pour l’avenir « l'on peut raisonnablement espérer une inversion de la charge » ; mais c’est aujourd’hui que le problème doit être résolu ! Si non seulement l'État n'assume pas la responsabilité financière des transferts de charges mais contrôle et limite les ressources des collectivités territoriales, celles-ci vont se retrouver dans une situation inextricable.

Il y a quelques jours à Marseille, les présidents des conseils généraux ont dressé un constat unanime sur les difficultés des départements et formulé 19 propositions. Vous leur avez répondu que « le département est peut-être plus que toute autre collectivité au cœur de la décentralisation, car c'est la collectivité des solidarités ».

Mais que devons-nous comprendre par ce mot, quand le Gouvernement choisit de donner plus à ceux qui ont plus et moins à ceux qui ont moins, et quand le Gouvernement et le Président assimilent la solidarité à de l’assistance ?

Vous comprendrez qu’avec mes collègues du groupe socialiste, nous soyons plus que réservés sur vos propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jacques Desallangre – La lecture des documents budgétaires m’inspire des craintes pour les finances des collectivités locales.

Le Gouvernement prétend que jusqu’à présent l'État a surcompensé le coût des transferts de compétence. Comme il a besoin de financer le cadeau fiscal de 15 milliards fait aux Français les plus riches, il veut imposer aux collectivités un nouveau contrat ; mais par définition, un contrat doit être librement discuté !

Vous avez décidé d’indexer les enveloppes de l'État sur la seule croissance des prix, et non sur les dépenses résultant des transferts de compétence. Votre projet est donc contraire au principe constitutionnel, inscrit à l’article 72-2, de compensation intégrale de transferts de compétence. Au motif que le contrat de croissance et de solidarité que nous avions mis en place se serait caractérisé par des évaluations avantageuses pour les collectivités, vous proposez le désengagement progressif de l’État. Vous envisagez même de recourir à des manipulations – la transformation de dégrèvements en exonérations.

Vous remplacez ainsi le contrat de croissance et de solidarité que la gauche avait négocié avec les collectivités territoriales en 1999 par un contrat d'austérité. Bien plus, vous prétendez évaluer l'efficacité des concours aux collectivités locales alors que ce sont des dus ; c’est une mise sous tutelle, c’est la remise en cause du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Au-delà de ces critiques générales, je souhaite évoquer les difficultés de mise en œuvre de la DGE.

Quelle que soit la qualité des dossiers qu’elles déposent au vu des priorités définies par la commission spéciale départementale, les communes ne savent jamais si leurs projets vont être retenus et à quel taux ils seront financés : les décisions sont laissées à la libre appréciation préfectorale, et les voies du préfet sont parfois impénétrables… Dans ma commune, le montant obtenu a été divisé par sept entre 2004 et 2005, puis multiplié par trois en 2006.

Je propose de calquer le fonctionnement de la DGE sur celui de la DSU : on déclinerait localement les critères nationaux – population, potentiel fiscal, longueur de voirie – et on demanderait aux communes un rapport sur les équipements réalisés avant la fin du deuxième trimestre de l’exercice suivant. On y gagnerait en simplicité et en efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Philippe Vigier – Tout d’abord, Madame la ministre, nous saluons votre effort de modernisation et de simplification des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Permettez-moi d’en donner un exemple : depuis 1986, l’État verse des dotations de compensation aux départements et aux régions au titre du transfert des collèges et des lycées. Les critères de répartition ne sont cependant plus pertinents. Nous nous réjouissons donc que ce PLF propose de lui substituer un prélèvement sur recettes. Cela permet de moderniser la gestion des dotations tout en préservant les intérêts des collectivités territoriales et d’évaluer à l’avance le montant dont elles bénéficieront. Ce transfert de la mission « relations avec les collectivités territoriales » vers les prélèvements sur recettes est sans impact sur la norme de l’État, puisqu’à compter de 2008 les prélèvements sur recettes sont inclus dans cette norme.

Nous tenons à ce que l’effort de maîtrise des dépenses soit poursuivi, aussi bien pour l’État que pour les collectivités territoriales. Sur ce point, des améliorations sont encore possibles. Je crois aux vertus de la décentralisation, mais il faut clarifier les compétences et assurer une véritable transparence des collectivités vis-à-vis de l’État et de l’État vis-à-vis des collectivités.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien !

M. Philippe Vigier – En 2008, l’évolution du droit à compensation pour les départements résultera uniquement de la poursuite du processus de transfert des personnels des ministères de l’éducation nationale et de l’équipement. Les nouvelles compétences des régions seront financées par une part de TIPP, qui n’est plus un impôt dynamique, celles des départements par la taxe sur les conventions d’assurance – TSCA. Pour ces derniers, la compensation n’est cependant assurée qu’à 90 % environ. Un premier coup a été porté au Pacte de stabilité en 2001, avec la mise en place de l’APA, qui n’était pas financée. La prestation de compensation du handicap – PCH – et les maisons départementales représentent de nouvelles dépenses importantes pour les départements.

J’en viens aux régions. La compensation du transfert des compétences de formation professionnelle et de développement économique s’est quasiment opérée à l’euro près. Mais un différentiel entre la part transférée et les besoins subsiste pour les formations paramédicales. À l’heure où l’on parle de désertification médicale, cette compétence est particulièrement importante. Il y a désormais une double responsabilité : celle de l’État pour les médecins, les pharmaciens et les autres diplômés des facultés de médecine, et celle des régions pour les personnels paramédicaux.

Le coût d’un certain nombre de compétences transférées – le RMI par exemple – tend à augmenter. Mon collègue citait tout à l’heure le rapport de Michel Mercier ; une démarche exemplaire a été accomplie dans son département sur les ayant droits du RMI. Il revient donc aux présidents de conseils généraux d’être vigilants en la matière.

Les transferts de compétences conduisent pour le moment à une dégradation de la situation financière des collectivités locales. Nous nous sommes notamment inquiétés d’un certain nombre de compensations. Un amendement qui a été accepté par le Gouvernement a permis d’assurer cette compensation sur le foncier non bâti – qui représente jusqu’à 50 % des recettes de certaines communes rurales. Nous avons essayé de soutenir de la même façon les huit départements les plus ruraux avec un sous-amendement. M. Woerth nous a promis que ce point serait vu au Sénat.

Permettez-moi de vous faire quelques propositions. Il faut garantir la compensation intégrale des charges transférées. Chacun sait que pour les routes, par exemple, les calculs qui ont été faits ne permettent pas aux conseils généraux de remplir leur mission dans de bonnes conditions. Il faut également garantir les ressources des collectivités territoriales. J’attire notamment votre attention sur le risque que représenterait un retournement du marché immobilier : la progression des recettes de droits de mutation est fragile. Pour le foncier non bâti, nous devons absolument – je l’ai déjà dit – parvenir à cette compensation, aussi pour les départements.

En 1998 et 1999, 70 % des recettes des régions provenaient de l’impôt ; aujourd’hui, c’est 25 %. Cela pose le problème de l’autonomie des collectivités territoriales et de la capacité des élus à lever l’impôt et à rendre des comptes. Les bases locatives n’ont pas été modifiées depuis 1970. Une révision des bases est donc indispensable. La substitution de dotations à des impôts locaux est une forme de « renationalisation » de la fiscalité locale et de déresponsabilisation. Dans certaines régions, les impôts ont augmenté de 35 % : leurs comptes administratifs étaient peut-être vertueux, mais il y a là une forme d’irresponsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP). J’attire également votre attention sur la hausse des remboursements et des dégrèvements d’impôts locaux, dont l’enveloppe augmente de plus de 2 milliards d’euros. Il convient donc de les intégrer dans la norme.

La clarification des compétences est une exigence. Les collectivités locales doivent consentir le même effort de maîtrise des dépenses publiques que l’État. Mais il faut aussi apporter davantage de lisibilité. À cet égard, la fongibilité des enveloppes de la DGE et de la DDR en 2006 a posé un vrai problème.

Même si des efforts restent à accomplir, nous voterons les crédits de cette mission (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Michel Piron – Cette loi de finances se place dans la perspective d’un effort rigoureux mais juste de l’État, qui doit être partagé. Les concours aux collectivités progressent de 1,6 % : le choix qui a été fait est bien de ne pas aller au-delà de l’inflation et de s’imposer le minimum que requiert la situation de nos finances publiques. L’effort est cependant juste : les dotation de solidarité – DSU et DSR – représentent plus de 9 % du total, et l’effort de péréquation est réel depuis plusieurs années.

Cette loi de finances s’inscrit dans le contexte d’une décélération de l’investissement local, lié au cycle électoral.

M. Jean-Pierre Balligand – Oui.

M. Michel Piron – En 2007, la progression a été de 1,3 % pour les communes, de 3,9 % pour les communautés, de 5,9 % pour les départements et de 6,2 % pour les régions. La décélération observée n’empêche pas les investissements de se maintenir à un haut niveau. Avec 22,7 milliards d’euros l’an dernier, les communes restent le premier investisseur local.

J’en viens aux bases d’imposition. Certaines connaissent une vraie dynamique. C’est le cas de la taxe d’habitation, en lien avec les 425 000 mises en chantier enregistrées l’année dernière, et de la taxe professionnelle, puisque l’investissement des entreprises a progressé de plus de 4 % en 2006. Il y aura en revanche un ralentissement sur les droits de mutation, et la situation est plus incertaine pour la TIPP.

En tout état de cause, les besoins de financement des collectivités territoriales résulteront surtout des nouvelles compétences qui leur ont été transférées. On constate en 2007 une baisse non négligeable de l’épargne brute, avec une hausse de 13,8 % des charges d’intérêt. La dette publique locale représente aujourd’hui 6,3 % du PIB. Le rapporteur général y sera certainement sensible.

M. Gilles Carrez – Il l’est !

M. Michel Piron – Bien que la situation des collectivités territoriales soit saine, il est évident que l’effort de l’État devra de plus en plus être partagé. Comment les collectivités locales pourraient-elles s’exonérer de cet effort quand les charges d’intérêt augmentent d’1,6 milliard d’euros dans ce projet de loi de finances ? L’État devra pour sa part s’imposer un effort sur le plan réglementaire. Tous les élus locaux le savent, la surabondance de réglementation est source de dépenses supplémentaires. Je salue la naissance – sur le modèle de ce qui se pratique en Espagne – de la conférence des exécutifs locaux.

Oui donc aux mesures techniques – élargissement du périmètre normé des dépenses, contrat de stabilité financière, avec plus de précisions sur le prélèvement sur recettes. Mais le problème est plus large. Faute d’avoir choisi entre une décentralisation inachevée et un centralisme perpétué, nous demeurons dans une situation qui deviendra vite intenable.

M. le Président – Monsieur Piron, il faut conclure.

M. Michel Piron – Nous sommes les seuls à entretenir quatre niveaux sous l’État, qui lèvent l’impôt et ont une tendance à la compétence générale. Il est donc absolument indispensable que la réforme de l’État s’accompagne d’une révision générale de cette architecture, sans quoi nous n’aborderons pas le fond des problèmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. le Président – J’insiste pour que chacun d’entre vous respecte son temps de parole : nous sommes contraints par le temps ce matin.

M. Jean-Pierre Balligand – L’examen de ces crédits permet de constater à quel point l'État néglige ses relations avec les collectivités territoriales.

M. Gilles Carrez – Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Balligand – Il n’y a guère à s’en étonner lorsqu’on se souvient que le projet du candidat Sarkozy ne mentionnait nulle part le simple terme de « collectivité » : Adrien Zeller, pourtant membre de l’UMP et qui copréside avec moi l’institut de la décentralisation, n’explique pas plus que moi ce mystère. Dans son discours de clôture au Grenelle de l'environnement, le Président n’a guère évoqué les collectivités qu'à propos des péages urbains, qu’il voit comme le moyen de financer les grands équipements qui permettront de désengorger les centres villes – comme si cela pouvait suffire à décrire le rôle majeur des régions, départements et communes en matière d'environnement ! Enfin, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n’a parlé des collectivités que pour dire qu’elles devraient contribuer au désendettement. Voilà ce qu’elles sont pour le Gouvernement : une dépense, qui peut être réduite pour financer le déficit de l'État.

Pour qu'il y ait relation, il faut d’abord une reconnaissance. C’est ce que les gouvernements successifs refusent aux collectivités depuis cinq ans. Ce sont pourtant des personnes publiques de plein exercice, qui réalisent, entre autres, 70 % des investissements publics civils, contribuant à entretenir 850 000 emplois, en particulier dans le secteur du BTP. Vous devriez le rappeler au Président, Madame la ministre, lui qui disait vouloir « investir dans les équipements et les services publics ». S'il l'avait su, peut-être aurait-il rompu avec la politique de transferts de charges et de plafonnements fiscaux non compensés qui a prévalu sous la législature précédente. Ainsi, le taux de compensation par l'État du coût de l'allocation personnalisée d’autonomie est tombé à 32 % : les départements doivent débourser 3 milliards pour elle. Quant au RMI, l'écart entre la compensation et le coût réel ne cesse de croître, même en tenant compte des 500 millions annuels du Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion. Les écarts cumulés devraient atteindre 1,6 milliard entre 2004 et 2007 ! Et encore les effets de ces transferts de compétence ne sont-ils pas tous connus. Ainsi, les exigences de la loi sur le handicap, qui n’a pas encore produit ses pleins effets financiers, menacent à court terme la situation financière de la moitié des départements. Nombre d’entre eux sont à la merci d'un retournement du marché de l'immobilier qui réduirait les recettes des droits de mutation – à moins qu’elles ne disparaissent purement et simplement, puisque la commission pour la libération de la croissance souhaite supprimer les droits de mutation à titre onéreux liés à l'achat ou la vente d'un bien immobilier.

L’État intervient d’ailleurs à son gré sur l’ensemble de la fiscalité locale, sans aucune concertation. Cela a été le cas pour la réforme de la taxe professionnelle, qui a contraint les collectivités à augmenter la fiscalité sur les ménages. C’est de nouveau le cas avec la suppression du contrat de solidarité et de croissance. Pourtant, les collectivités n’ont pas à supporter le coût de l'incurie de l’État, d’abord parce que cela contrevient au principe de leur autonomie financière et ensuite parce qu'elles n'ont heureusement pas attendu l'État pour mener des politiques financières vertueuses : ainsi, depuis 25 ans, c’est à lui que le déséquilibre entre dépenses et recettes publiques est quasi-entièrement imputable.

M. le Président – Monsieur Balligand…

M. Jean-Pierre Balligand – L’indice de prix des dépenses communales a augmenté de 3,9 % entre les premiers trimestres 2006 et 2007, contre 1,6 % pour l'indice des prix à la consommation hors tabac. Ce que le Gouvernement présente comme une évolution neutre en volume est donc en fait une évolution négative de 2,3 % si l'on prend en compte l'inflation à laquelle les communes sont réellement confrontées. De plus en plus de collectivités seront donc contraintes à renoncer à des dépenses d'intérêt général.

Pour finir, l’institut de la décentralisation est extrêmement très inquiet au sujet de la DGF car, comme on l’a vu pour le versement représentatif de la taxe sur les salaires, de gros risques existent lorsque les tendances se croisent. Nous connaissons les problèmes qui se posent entre la DGF communale et celle de l’intercommunalité. L’État doit faire connaître ses lignes directrices à temps, sous peine de graves difficultés. Nous devons savoir ce qu’il en est, en particulier sur le FCTVA (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. André Chassaigne – Depuis 1999, les collectivités vivaient sous le fragile abri du contrat de solidarité et de croissance qui régissait leurs relations avec l’État. Je commencerai donc par vous demander une minute de silence pour saluer son décès brutal, vendredi dernier dans ce même hémicycle… merci. Cette suppression a été imposée sans aucune concertation : curieuse conception de la contractualisation ! L’annonce du Premier ministre début juillet sur le fait que les dotations de l'État aux collectivités ne devaient pas croître globalement plus que l'inflation en 2008 a, malgré les réactions unanimes des associations d'élus, malheureusement été tenue, puisque le PIB n’est plus pris en compte dans l'évolution du total des dotations. Seule la DGF continuera, de façon dérogatoire, à être indexée sur la croissance – au moins, en tout cas, pour l’année électorale 2008 !

Depuis plusieurs années, l’objectif est donc de faire supporter pour partie aux collectivités les choix désastreux de l'État, et en particulier les cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Ainsi la dotation de compensation de la taxe professionnelle a-t-elle été amputée de près de moitié, alors qu’elle bénéficie aux collectivités et bassins fragilisés par les fermetures d'entreprises. Sans compter qu’elle alimente le fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles… Avant les inondations, les vases communicants ! Principale variable d’ajustement, la DCTP est-elle amenée à disparaître, malgré les engagements pris auprès des collectivités ? Cela irait dans le même sens que les dépenses transférées sans être intégralement compensées. C’est ainsi que le piège se referme : d'une part, on fait payer par les contribuables locaux la transformation des collectivités en services déconcentrés, chargés du versement de diverses prestations, et d'autre part on réduit leurs recettes provenant de l’État en enterrant le contrat de solidarité et de croissance.

Les collectivités territoriales seront alors contraintes de freiner leurs efforts, pourtant essentiels pour leurs habitants. Déjà, l'an dernier, la croissance des dépenses et produits de fonctionnement a été moindre que l'année précédente. Celle des dépenses d'investissement n’a été que de 7,1 %, contre 8,3 % en 2005. L’autofinancement, qui augmente pourtant, ne suffit plus à financer l'investissement, d'où un recours de plus en plus massif à l'emprunt. Mais les collectivités hypothèquent ainsi leurs investissements à venir, alors qu’ils représentent 70 % des investissements civils et contribuent à maintenir 850 000 emplois dans le secteur privé et associatif. C’est d'autant plus important que les emplois aidés par l'État se réduisent comme peau de chagrin.

L'évolution des enveloppes suivant la seule inflation implique de fait une croissance zéro des dotations. En effet, il y a un écart grandissant entre le « panier du maire », c’est-à-dire l'indice de prix des dépenses spécifiquement communales, et l'inflation. La capacité de dépense des collectivités s’érode. Si elles veulent réaliser les investissements nécessaires au bien-être de leurs habitants, elles devront recourir à la fiscalité. Mais les impôts locaux n’ont pas vocation à se substituer aux dotations de l'État ! Sans compter que toutes les associations d'élus, sans exception, exigent la réforme de cette fiscalité totalement inadaptée. Mais le Gouvernement, plutôt que de la moderniser, risque d'aggraver son caractère injuste. Ainsi, une réflexion est menée sous l'influence du Medef pour ramener le plafond de la taxe professionnelle à 3 % de la valeur ajoutée. Connaissant le manque à gagner déjà induit par le plafonnement à 3,5 %, on mesure le risque pour les collectivités ! Ce que veut le Gouvernement, c'est la délégation au privé de pans entiers du service public local et le remplacement des politiques volontaristes par les partenariats public-privé. Comme si les entreprises qui bénéficient des infrastructures fournies par les collectivités ne devaient pas y contribuer !

M. le Président – Monsieur Chassaigne…

M. André Chassaigne – Je termine.

Une autre mesure est lourde de menaces pour l'équilibre budgétaire des collectivités rurales : la baisse de la compensation de l'exonération de 25 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties agricoles. Certes, le Gouvernement a dû reculer devant les maires ruraux, en écartant la part des communes de l’application de cette mesure, mais qu'en est-il de la part des départements ?

Ce sont les services aux habitants qui vont pâtir de ce budget. Vous comprendrez que les députés communistes et républicains ne le voteront pas.

M. Thierry Carcenac – Vous envisagez une réforme de la fiscalité : elle est nécessaire. Néanmoins, il est d’autant plus inapproprié d’imposer aux collectivités de participer au redressement des finances de l’État que les départements ne sont jamais déficitaires. Pire : ce serait injuste ! Dans le Tarn, par exemple, quatre foyers fiscaux sur dix paient l’impôt sur le revenu, soit deux fois moins que ceux qui s’acquittent de la taxe d’habitation ! En matière de transferts de compétence, en effet, tous les départements ne se ressemblent pas. Ainsi, l’écart de compensation atteint cinq points de fiscalité dans le Tarn, soit près de sept millions – c’est une somme, compte tenu de l’étroitesse de nos marges de manœuvre.

Une réforme sera donc la bienvenue si elle est transparente et juste, et pourvu qu’elle prenne en compte les recommandations des associations d’élus et du Conseil économique et social. Vous parlez de responsabilisation : je vous rappelle que lorsque les élus locaux adoptent des mesures de pression fiscale, ils assument leurs choix devant les électeurs.

Le présent projet vise à donner d’une main, via la DGF, tout en reprenant de l’autre via la réduction de l’enveloppe normée : mauvaise nouvelle, surtout pour la trentaine de départements qui peinent à assumer les transferts de compétences. Dans ces conditions, nous ne pouvons que vous encourager à mener une réforme fiscale plus juste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Henri Nayrou – Certes, la mission que nous examinons ce matin ne concerne que deux des soixante-dix milliards attribués aux collectivités, mais comment ne pas lier leur avenir aux moyens qui leur sont dus au titre de la solidarité nationale ? Or, ce budget inaugure une stratégie d’austérité destinée à réduire de moitié l’évolution de la dépense publique. Au pacte de croissance et de stabilité, cette expression d’optimisme, se substitue désormais le pacte de stabilité, bien moins engageant. Scandaleux, même, sachant que les milliards de cadeaux fiscaux échappent à toute stabilité !

Les dotations sous enveloppe ne progressent désormais qu’à hauteur de l’inflation, soit 1,6 %, ignorant la croissance, à laquelle participent pourtant les collectivités, qui concentrent plus de 72 % de l’investissement public. Même en maintenant l’indexation de la DGF sur l’inflation majorée de la moitié du taux de croissance, les collectivités perdront tout de même 440 millions en 2008 ! Nul besoin d’avoir réussi les deux baccalauréats pour comprendre que vous raclez les fonds de tiroirs afin d’y récupérer ce que vous avez dilapidé en cadeaux cet été !

L’Ariège, comme toutes les zones rurales et montagneuses, en souffre. Sa dotation stagne à 46 millions, alors que la réforme de la péréquation de 2006 était déjà si défavorable aux départements les plus pauvres, leur DGF progressant moins vite que la masse à répartir. La ruralité souffrira plus encore dès l’année prochaine, lorsque le pacte de stabilité intégrera de nouvelles allocations compensatrices telles que la taxe sur le foncier non bâti, soit 300 000 euros pour mon département ! M. Carrez a bien trouvé une solution, mais elle accroîtra davantage la diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle : encore une fois, les départements sont les fourmis de la fable ! Ainsi, le conseil général de l’Ariège devra figer 71 millions, soit 47 % de sont budget de fonctionnement, 1,5 % de son produit fiscal et 3 % de la fiscalité des ménages. Et le Gouvernement de blâmer les vilains départements pour leur fiscalité en hausse, tandis que l’État, probe et candide, baisse les impôts (Sourires) !

En pleine apocalypse, ne dédaignons pas quelques petites satisfactions. D’abord, le versement – certes insuffisant – aux départements de trente mille euros par radar fixe implanté sur les routes nationales : de nombreux départements avaient en effet engagé un contentieux avec l’État, jugeant injuste de ne recevoir aucune part de cette ressource alors qu’ils ne disposaient que de sommes infimes pour entretenir le réseau transféré. Je regrette au passage que la diminution du budget de la sécurité routière entraîne d’inévitables transferts de charges pour les départements. Ensuite, l’Assemblée a, en première partie, adopté un amendement qui permettra d’appliquer le taux de TVA réduit aux remboursements et rémunérations versés par les communes aux prestataires de déneigement. L’ANEM a longtemps mené ce combat : victoire !

Par ailleurs, l’ANEM souhaiterait voir aboutir après l’article 48 une autre de ses revendications, qui donnera certainement le hoquet à vos collègues de Bercy, Madame la ministre : la création d’une dotation spécifique pour les territoires à haute valeur environnementale, où une meilleurs compensation permettrait de prendre en charge des dépenses de protection et d’aménagement plus nombreuses. Impossible de balayer cette proposition au lendemain du Grenelle de l’environnement !

Il faut hélas conclure en rappelant que le Gouvernement a multiplié les annonces dont la charge échoira aux collectivités, qu’il s’agisse d’éducation, de culture, de santé ou d’environnement. Qui paie les pipeaux commande la musique, dit le proverbe anglais : traduisez-le à M. Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Alain Rousset – Le Gouvernement a adopté plusieurs mesures attendues, mais le blocage des ressources et la limitation des dépenses nous inquiètent. Les collectivités locales sont à l’origine de près des trois quarts de l’investissement public : c’est dire combien elles participent à la croissance. En outre, leurs finances sont saines : elles n’aggravent pas le déficit national.

Les compétences transférées aux collectivités sont assorties, par nature, de dépenses évolutives, qu’ils s’agisse du RMI pour les départements ou du renouvellement des matériels ferroviaires pour les régions. Songez à la formation des infirmières : en Aquitaine, notre région, Madame la ministre, les bourses qui leur étaient accordées étaient échelonnées sur six degrés. Système intenable ! Quant aux contractuels de l’éducation nationale, celle-ci les licenciait chaque été, alors que les collectivités les ont désormais à charge. Les primes varient de un à trois entre lycées agricoles et lycées professionnels. L’État s’est peu à peu désengagé de la modernisation des entreprises, en faveur de laquelle les dépenses de collectivités augmentent de 20 % par an.

À quoi s’ajoutent les charges indues pesant sur les collectivités. On nous demande aujourd’hui – et ce n’est pas le cas en Espagne ou en Italie ! – de participer au financement de la ligne à grande vitesse ou des universités hors compétences. Enfin, il y a le Grenelle de l’environnement, qui – heureusement, d’un certain point de vue – va nous imposer de nouvelles contraintes : sur quelles ressources va-t-on financer tout cela et qui en aura la charge ?

La fiscalité locale est devenue obsolète et incohérente. Prenons le cas des régions, dont la faiblesse de la fiscalité pèse sur l’absence de croissance. Avec un reversement de 5 %, elles reçoivent la plus faible part de taxe professionnelle. Chaque fois qu’elles investissent dans un projet industriel, les retombées fiscales tombent dans l’escarcelle des départements et des communes. À chaque renouvellement d’un TER, c’est autant de taxe professionnelle qui est versée à un autre acteur que le financeur. Il est urgent de réintroduire de la cohérence entre le type de compétence exercé et la fiscalité qui s’y rattache.

Vous me permettrez de plaider pour les régions car elles ont aujourd’hui la part de ressources propres la plus faible de toutes les collectivités, soit 40 %, et, en même temps, la fiscalité la plus bloquée voire la plus régressive. Et il est vrai que la faiblesse de la représentation des régions au Parlement, Assemblée nationale et Sénat confondus, ne nous a pas aidés dans la mise au point des équilibres du dernier texte de décentralisation. Il faut y remédier, en considérant que tous les pays d’Europe qui se développent s’appuient sur des régions fortes, aux compétences élargies.

La commission Lambert est censée clarifier les compétences des collectivités et je l’appuierai s’il le faut car la question dépasse les sensibilités politiques. La France a des boulets aux pieds parce qu’elle est trop centralisée.

Ce qui coûte cher dans la décision publique, c’est l’existence de doublons entre l’État et les collectivités locales. Il faut les supprimer rapidement. Si les gouvernements successifs ont transféré de nombreuses compétences, l’État a systématiquement conservé des services qui font double emploi et cela coûte cher. Moralité, les circuits de décision sont trop longs et trop coûteux.

L’État doit donc prendre ses responsabilités. Les collectivités ont des finances saines, et elles n’augmentent jamais leur fiscalité de gaîté de cœur. Entre 1985 et 2004, l’État, malgré les transferts de compétences, a augmenté sa fonction publique de 240 000 fonctionnaires. Les effectifs de la territoriale ont également progressé, mais cela s’explique par l’exercice d’un très grand nombre de nouvelles compétences. Qui, en cette affaire, porte par conséquent la responsabilité la plus lourde ?

Tant que la France n’aura pas rompu avec son système jacobin et paralysant, il ne faudra pas s’étonner qu’elle accuse un retard de croissance par rapport aux autres pays (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Bernard Cazeneuve – Je m’interroge sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à passer du contrat de solidarité et de croissance au pacte de stabilité. J’y vois en effet le signe d’un paradoxe : tous les ministres qui se sont succédé à cette tribune depuis le début de la discussion du projet de loi de finances pour 2008 ont dit leur foi en la croissance, avec d’autant plus de force qu’il s’agissait pour eux de légitimer le financement, par le Gouvernement, du paquet fiscal de 15 milliards dont chacun sait qu’il ne bénéficiera pas aux plus pauvres…

M. Jean-Pierre Balligand – Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve – Las, cette même croissance à laquelle vous dites croire si fort n’est pas au cœur de votre disposition d’allocation de ressources aux collectivités. Vous préférez indexer les dotations sur l’évolution de l’inflation, plutôt que sur la croissance. Sauf à considérer, Madame la ministre, que le Gouvernement souhaite plus d’inflation que de croissance, je vois mal comment un tel dispositif pourrait être favorable aux collectivités ! Il est d’autant plus injuste de procéder de la sorte que les collectivités jouent un rôle moteur dans l’accompagnement de la croissance.

L’investissement des collectivités territoriales est passé de 66 % en 1982 à 72 % en 2006, alors que leur endettement a été ramené de 28 % du PIB en 1982 à 11% aujourd’hui. Cela démontre que l’on peut, Madame la ministre, se désendetter tout en investissant davantage, que les collectivités ont été bien gérées et qu’elles ont participé à la croissance globale de l’économie. Il est donc injuste de déconnecter la progression de leurs dotations de la croissance pour l’indexer sur l’inflation.

Inclus dans l’article 12 de la LF pour 2008, le dispositif que vous nous soumettez rend la fiscalité de moins en moins locale, de moins en moins lisible et de plus en plus injuste.

De moins en moins locale, parce que les dispositions retenues par les gouvernements depuis 2002 réduisent très sensiblement la portée du principe d’autonomie de gestion des collectivités territoriales et leur marge fiscale. Ainsi, le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée de la taxe professionnelle neutralise 50 % des bases de TP. En 2002, votre prédécesseur a décidé de diminuer de 40 % les bases de recettes de TP pour les professions libérales, mais il s’était engagé à compenser le manque à gagner. Que constatons-nous aujourd’hui ? Que la dotation de compensation de la TP a diminué de 22 %, ce qui montre que non seulement l’État réduit les marges de manœuvre fiscale des collectivités mais aussi qu’il n’honore pas ses engagements.

De moins en moins lisible, parce que le contribuable qui paie en priorité la note des transferts de l’État aux collectivités est le particulier, alors que le Gouvernement prétend le soulager d’une part de la pression fiscale qui pèse sur lui pour encourager la croissance. Vous transférez vers les collectivités la charge fiscale qui pèse sur les personnes physiques tout en déclarant vouloir la limiter au plan national : il y a là une contradiction majeure.

De plus en plus injuste, enfin, en raison du rôle des collectivités en tant qu’investisseurs et de l’excellence de leur gestion par rapport à celle de l’État. Le projet qui nous est soumis vise à transférer toujours plus de l’État aux collectivités, alors que celles-ci jouent un rôle majeur dans l’aménagement public et dans l’exercice de la solidarité, la charge d’une dette qu’il ne parvient pas à maîtriser.

Vous comprendrez donc que nous ne puissions qu’exprimer les plus vives réserves sur le présent projet (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

La discussion générale est close.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Nous avons besoin d’un État qui assume ses responsabilités et dont l’autorité soit garantie. Face aux défis du temps, nous avons aussi besoin de collectivités territoriales capables de mettre en œuvre l’action publique au plus près des Français. La combinaison des deux, c’est un gage d’efficacité et d’enrichissement pour tous. Et c’est à ce titre que nous avons besoin de relations à la fois claires et confiantes entre l’État et les collectivités.

Entreprise depuis plus d’un quart de siècle, la décentralisation a donné lieu à la formation de régions puissantes. Elle a conforté le département dans son rôle d’échelon de la solidarité. Elle a conduit les communes les plus importantes à exercer une gestion publique aussi professionnelle que celle des entreprises. Comme je l’ai dit à toutes les associations d’élus locaux, je souhaite que les rapports entre l’État et les collectivités locales s’inscrivent dans une relation de confiance et dans la pérennité. Car je sais, pour avoir exercé des responsabilités locales, que nous avons besoin de visibilité pour développer nos politiques.

M. Jean-Pierre Balligand – Aujourd’hui, nous n’en avons aucune !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Pour établir ce lien de confiance, je souhaite que nous puissions discuter en toute bonne foi, en renonçant aux polémiques purement idéologiques. Nous devons aux Français d’établir un climat de coopération et de pragmatisme. Si nous y parvenons, je suis convaincue que nous saurons nouer un partenariat, conforme à l’exigence globale de maîtrise de la dépense publique, porteur d’une véritable solidarité et à même de donner plus de lisibilité aux politiques publiques.

La dépense publique doit être maîtrisée. Soyons clairs : en 25 ans, la dette financière de l’État a triplé, passant d’un cinquième à l’équivalent des deux tiers de la production nationale. Qui ne voit qu’au-delà même des engagements pris avec nos partenaires européens, il est impossible de continuer dans cette voie ? Le projet de budget pour 2008 reflète par conséquent la volonté du Gouvernement de mettre un terme à cette évolution.

Monsieur Laffineur, vous avez eu raison de souligner que la situation financière des collectivités était globalement saine puisque leur déficit se limite à 0,1 % du PIB…

M. Jean-Pierre Balligand – Nous n’y avons pas grand mérite puisque la loi nous y oblige !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – Il est vrai que l’on n’a pas le droit de faire autrement, ce qui pousse à se montrer raisonnable ! (Rires)

Toutefois, les collectivités ne peuvent s’exonérer de l’effort, ne serait-ce que parce qu’elles sont directement concernées par notre nouvelle stratégie. D’abord, elles sont elles-mêmes des acteurs de la dépense, à hauteur d’environ 20 % des dépenses publiques totales. Ensuite, elles représentent un poste de dépenses pour l’État : l’effort en leur faveur atteindra 72 milliards en 2008, soit le quart du budget de l’État. Cela a conduit le Premier ministre à décider que les dotations aux collectivités suivraient la norme de progression fixée pour l’ensemble des dépenses de l’État, laquelle se limite à l’inflation.

Parce que je suis aussi une élue locale, je sais qu’il est très difficile, pour certaines dépenses, de passer brusquement d’un taux de progression auquel on s’était volontiers habitués à une marge beaucoup plus réduite.

Voilà pourquoi j’ai souhaité préserver l’évolution de la dotation globale de fonctionnement, qui reste indexée en 2008 sur l’inflation majorée de 50 % de la croissance du PIB, ce qui permet une progression de 2,08 %.

M. Bernard Derosier – Pour combien de temps ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Pour 2008, je le répète, c’est-à-dire pour une période transitoire : on ne saurait demander au responsable d’une collectivité d’ajuster en trois mois les dépenses prévues pour l’année suivante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La DGF augmente ainsi de 817,2 millions d’euros, dont 463,6 pour les communes et leurs groupements, un peu plus de 245 pour les départements et 108,5 pour les régions. Monsieur Chassaigne, vous avez donc tort de parler d’une « croissance zéro » des dotations.

Comme celle de la DGF, l’indexation de la dotation générale de décentralisation est maintenue ; quant aux dotations d’équipement – DGE et DDR –, elles augmenteront de 2,6 %, ce qui représente un effort non négligeable.

La progression de 3,9 % de l’effort financier total en faveur des collectivités locales, bien supérieure à l’inflation, atteste de la solidarité de l’État envers les collectivités locales que la limitation de leurs ressources – notamment dans le cas des petites communes rurales – ou l’augmentation de leurs charges – dans les grandes collectivités urbaines ou périurbaines, par exemple en Seine-Saint-Denis – met en difficulté.

Monsieur Laffineur, je suis d’accord avec vous : il faut encore améliorer les règles de la péréquation, dont les dotations ont fortement augmenté entre 2002 et 2007. L’évolution de la DGF en 2008 permettra à la dotation de solidarité urbaine de franchir le seuil d’un milliard d’euros, renforçant ainsi un soutien dont M. Piron a rappelé l’importance pour les maires, souvent en première ligne dans les quartiers difficiles où ils s’efforcent de développer le lien social.

Selon M. Aeschlimann, la DSU devrait profiter davantage aux communes qui comprennent une ZUS ; à l’apport non négligeable de la réforme de 2005 s’ajoutera l’année prochaine la réforme globale des finances locales qui abordera cette question en tenant compte des résultats du recensement.

Les communes rurales bénéficieront en outre de la hausse de 9,43 % de la dotation de solidarité rurale. D’une manière générale, il est indispensable que le soutien financier apporté par l’État aux petites communes garantisse à leurs habitants un service public de qualité ; nous y travaillons, et nous ne manquerons pas d’associer les parlementaires et les associations à notre réflexion dès que les premières analyses seront disponibles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur Nayrou, les règles qui s’appliquent aujourd’hui à la DGF permettent également de prendre en considération la situation particulière des communes de montagne ; quant au soutien aux collectivités incluant des espaces protégés, le Grenelle de l’environnement a ouvert des pistes, notamment en matière de fiscalité écologique.

Certes, à l’intérieur de l’enveloppe globale, l’augmentation de la DGF provoque une diminution de la DCTP et de trois compensations fiscales, notamment la dotation départementale de la taxe sur le foncier non bâti agricole, au grand regret de MM. Vigier, Chassaigne et Nayrou. Mais cela s’explique par la nécessité de répartir l’effort entre un plus grand nombre de collectivités : l’exclusion de la part départementale ne pourrait qu’accentuer la baisse de la DCTP.

D’autre part, j’ai souhaité créer un fonds de solidarité réservé aux collectivités territoriales et à leurs groupements en cas de sinistre localisé, car les catastrophes naturelles inédites de l’été dernier, notamment les forts orages et les inondations dont les conséquences ont été tragiques, ont révélé les difficultés de l’État à indemniser les communes conformément aux règles en vigueur. Même si l’État continuera, monsieur Aeschlimann, d’assumer les responsabilités qui lui incombent au titre de la solidarité nationale, ce nouveau fonds contribuera notamment à réparer les dommages causés aux biens non assurables des collectivités. Sa dotation, qui s’élèvera à 20 millions d’euros dès 2008, pourra être réévaluée en fonction d’éventuels dérèglements climatiques futurs.

En outre, conformément à la demande de plusieurs conseils généraux, le produit des amendes résultant des radars bénéficiera aux départements, alors même que l’État, chargé d’en financer l’installation, en consacre déjà les ressources à l’amélioration des voiries routières. Cela ne représente rien aux yeux de monsieur Derosier…

M. Bernard Derosier – C’est une aumône !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Une aumône qui n’apporte rien aux départements ?

M. Bernard Derosier – Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Quel que soit leur niveau, ces ressources permettront à l’État et à tous ceux qui souhaiteront en bénéficier (Sourires), outre les dépenses liées à l’implantation de nouveaux radars, de promouvoir un réseau routier plus sûr. La longueur de la voirie pourra servir de critère de répartition.

Les attentes de nos concitoyens comme les besoins des responsables nationaux et locaux nous imposent en outre de clarifier les règles qui régissent les relations entre État et collectivités. Cette visibilité repose d’abord sur la stabilité du partage des compétences ; de ce point de vue, tous – M. Gosselin l’a rappelé – appellent de leurs vœux une pause permettant de dresser un bilan d’étape du transfert de compétences entrepris depuis plusieurs années. Voilà pourquoi le texte ne prévoit pas de nouvelles mesures de transfert, sans cesser, monsieur Desallangre, de garantir la compensation intégrale de celles déjà opérées, conformément aux obligations constitutionnelles qui s’imposent à l’État : les crédits transférés correspondent exactement au niveau des dépenses au moment du transfert. Ainsi, monsieur Derosier, le transfert du RMI est-il allé de pair avec celui des dépenses afférentes. Ayez l’honnêteté intellectuelle de reconnaître, comme l’ont fait MM. Carcenac et Rousset, que l’augmentation des dépenses n’est due qu’à l’apparition de besoins nouveaux, dont nous tenons compte en ajoutant 500 millions, en 2008 comme en 2007, aux transferts qu’exige la Constitution. Notre réflexion sur la réforme de la fiscalité locale prendra néanmoins en considération les inquiétudes des départements.

De même, le texte tire les conséquences budgétaires de l’application de la loi de décentralisation du 13 août 2004, notamment en veillant à la poursuite du transfert de personnels TOS de l’éducation nationale, entamé en 2007, et au partage des services des directions départementales de l’équipement.

Monsieur Gosselin, les ajustements qui doivent ainsi permettre de clarifier la répartition des compétences feront naturellement l’objet d’une concertation, à laquelle la mission confiée au sénateur Lambert apportera notamment sa contribution. Les propositions fort intéressantes de M. Piron en vue de rationaliser la gouvernance locale devront elles aussi y s’être intégrées.

Quant au recours à l’expérimentation, il nous permettra de mettre à l’épreuve nos savoir-faire, ainsi que les conséquences des mesures adoptées.

M. François Goulard – Très juste !

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – C’est vrai.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Le revenu de solidarité active en fournit un excellent exemple.

Nous allons mener une expérimentation dans un certain nombre de départements, avant d’en dresser le bilan, au bout de quelques mois. Nous pourrons alors améliorer le dispositif s’il y a lieu.

Comme toutes les expérimentations, le revenu de solidarité active crée des dérogations, qui peuvent inspirer un certain sentiment d’injustice. Mais ces dérogations sont provisoires, et le Gouvernement souhaite, à terme, étendre le dispositif aux travailleurs à faibles revenus. Si nous ne testons pas, nous risquons d’être dépassés par les événements et de ne pas pouvoir corriger les effets indésirables.

Le partenariat de confiance passe aussi par l’association des collectivités territoriales aux décisions les concernant. Dans ma vie d’élue locale, j’ai trop souvent connu des situations aberrantes, où des projets de construction locaux sont à revoir complètement du fait de nouvelles normes. La conférence nationale des exécutifs, Monsieur Aeschlimann, sera bien une instance de discussion et de concertation. La commission consultative sur l’évaluation des normes, qui sera établie au sein du comité des finances locales, en 2008, jouera également un rôle de premier plan.

Enfin, il est temps de lancer la réforme de la fiscalité locale, qui permettra aux collectivités d’assumer pleinement leurs responsabilités et d’acquérir une réelle autonomie. Comme le Premier ministre l’a rappelé en lançant la conférence nationale des exécutifs, il s’agit d’une exigence incontournable. Cette réforme ne pourra se faire qu’en y associant étroitement les organisations d’élus et le Parlement.

La revalorisation des valeurs locatives, et des bases d’imposition en général, en sera un des axes prioritaires.

M. Philippe Vigier – Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur – La revue générale des prélèvements obligatoires, actuellement en cours, permettra de dégager des pistes concrètes, qui seront examinées par la conférence nationale des exécutifs. Monsieur Laffineur, votre proposition d’un partage, à des fins de péréquation, des droits de mutation à titre onéreux, a retenu toute mon attention. Je ne sais pas quel accueil lui feront les collectivités ; cela fera partie de la discussion.

La maîtrise de nos finances publiques implique l’engagement de tous. Nous avons tout à gagner à travailler ensemble, et c’est ce que je vous propose, avec la conviction que les fruits de notre travail bénéficieront à l’État et aux collectivités locales, aux Français et à la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

Mme Marie-Louise Fort – La principale mesure du projet de loi de finances pour 2008 est le remplacement du contrat de croissance et de solidarité par le contrat de stabilité. L’enveloppe normée des dotations de l’État sera désormais indexée sur la seule inflation, et non plus sur l’inflation majorée du tiers de la croissance. L’État entend ainsi associer l’ensemble des collectivités à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

Les études montrent que les dépenses des collectivités territoriales progressent plus vite que l’inflation. Ainsi, l’indice « panier du maire » a augmenté de 3,9 % en 2006, pour une inflation de 1,7 %. Alors que les régions et départements se voient confier des missions toujours plus nombreuses, et que l’intercommunalité continue de progresser, dans des domaines structurants, donc coûteux, comment le Gouvernement compte-t-il s’y prendre pour que son désengagement financier ne se traduise pas par un coup de frein au dynamisme de nos territoires et par une hausse de la fiscalité locale ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur L’État traite ses dépenses en direction des collectivités locales comme toutes ses autres dépenses, en leur appliquant la norme de l’inflation. Examinant les postes où la réduction des dépenses aurait le moins de conséquences négatives immédiates, j’ai privilégié la DGF, notamment pour garantir la progression des salaires. Ceci impliquait des efforts par ailleurs. Pour l’avenir, nous ne pourrons régler les problèmes qu’en réformant la fiscalité locale.

M. Bernard Gérard – Lorsqu’elles réalisent des dépenses d’investissement, les collectivités locales sont éligibles au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, pour récupérer cette dernière. J’appelle votre attention, Madame la Ministre, sur les retards constatés dans le traitement des dossiers dans le département du Nord. À Marcq-en-Baroeul, je n’ai toujours pas reçu le solde de ma dotation ni pour 2004, ni pour 2005, ce qui représente une perte équivalente à 3,5 points de fiscalité.

Alors que les versements du FCTVA pour le Nord sont les plus importants, seuls 2,5 emplois à temps plein sont affectés au traitement de ces dossiers. Ces retards créent des difficultés pour l’élaboration de nos budgets, au moment même où il nous est demandé de ne pas augmenter la pression fiscale. Serait-il envisageable de renforcer les équipes, fût-ce à titre provisoire, pour accélérer le traitement des dossiers et nous rendre des marges de manœuvre ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Les remboursements du FCTVA ne sont pas automatiques ; les services doivent d’abord vérifier que les conditions d’éligibilité sont remplies, ce qui mobilise 120 emplois à temps plein sur tout le territoire. Avec 172 millions d’euros en 2006, c’est en effet dans le département du Nord que les versements sont les plus importants. Je connais les problèmes que créent, pour les budgets locaux, des délais de traitement trop longs. Des instructions ont été transmises aux préfets pour accélérer les procédures, au besoin en détachant du personnel.

M. André Chassaigne – La taxe professionnelle est actuellement inadaptée et injuste. Aussi le MEDEF propose-t-il de la supprimer, quand bien même elle est essentielle au financement des collectivités locales et représente la contrepartie des infrastructures que créent celles-ci au profit notamment des entreprises.

Depuis des années, les députés communistes proposent de refondre cette taxe, en étendant sa base d’imposition aux actifs financiers, qui occupent une place de plus en plus importante dans le capital des entreprises. En taxant les revenus spéculatifs pour les faire contribuer au financement des collectivités, qui assurent 70 % de l’investissement public, notre réforme bénéficierait aux entreprises créatrices d’emplois, en particulier les PME.

Les 12 à 15 milliards attendus du produit de cette taxe pourraient abonder un fonds de péréquation pour les communes les plus pauvres. La péréquation, telle qu’elle existe, n’est pas satisfaisante. Selon la Cour des comptes, l’absence d’objectifs quantifiés et d’indicateurs fait que le principe constitutionnel de péréquation demeure une coquille vide. Et les moyens qui y ont été consacrés de 2001 à 2006 ont très peu progressé.

Madame la ministre, que pensez-vous de cette nouvelle base d’imposition pour la taxe professionnelle, et de l’idée d’abonder un fonds de péréquation avec le produit de celle-ci ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Il y a longtemps qu’on songe à réformer la taxe professionnelle, aujourd’hui assise essentiellement sur les immobilisations des entreprises. Mais l’asseoir davantage sur les actifs financiers supposerait d’abord de pouvoir les localiser ; or il est difficile de rattacher ceux d’une multinationale à tel ou tel établissement. De plus, il faut savoir ce qu’on entend par « actifs financiers » : des placements de trésorerie ponctuels en font-ils partie ? Enfin, ces actifs étant très volatils, leur inclusion dans l’assiette ne contribuerait pas à donner aux collectivités locales une bonne visibilité des ressources qu’elles peuvent attendre. Cela étant, nous examinerons dans le cadre de la réflexion sur la fiscalité locale toutes les solutions possibles – mais celle-ci ne me paraît pas très bonne.

Relations avec les collectivités territoriales

ART. 33 ET ÉTAT B

Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », mis aux voix, sont adoptés.

ART. 48

M. Henri Nayrou – L’amendement 45 de suppression de l’article est défendu.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Permettez-moi d’abord, Madame la ministre, de revenir sur les droits de mutation. On pourrait imaginer que les départements où leur augmentation est supérieure à la moyenne nationale contribuent à un fonds de concours permettant d’assurer une péréquation avec ceux qui perçoivent le moins : il n’est pas normal, en effet, que certains touchent 4 millions quand d’autres en sont à 745 millions.

Avis défavorable à l’amendement car cet article apporte un plus : on crée un nouveau fonds pour indemniser les collectivités touchées par une catastrophe naturelle très localisée – orage ou coup de vent, par exemple – ; il ne se substitue pas à celui qui existe déjà mais va permettre d’indemniser beaucoup plus rapidement les communes. J’invite donc mes collègues à retirer leur amendement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Ce nouveau fonds ne remet en effet nullement en cause la solidarité qui existe déjà ; il vise à venir en aide à des petites communes comme celles qui, au début de l’été, ont subi de violents orages de grêle qui ont détruit une partie de leur voirie.

M. Jean-Frédéric Poisson – Nous voterons contre cet amendement. Ce fonds devra trouver sa place dans le cadre d’une répartition des compétences pérenne entre l’État et les collectivités territoriales. Par ailleurs, je voudrais revenir sur la sécheresse de 2003.

Dans ma circonscription, un millier de foyers ont été touchés, soit 5 % de la population. Alors que certaines familles sont ruinées, nous attendons toujours que le tribunal administratif de Versailles, saisi depuis trois ans, prenne sa décision, et nous ne parvenons pas à obtenir de la CADA les documents que nous avons demandés. Par ailleurs, en février dernier, un amendement à la loi DALO, adopté à l’unanimité à l’initiative de Mme Boutin, disposait que le Gouvernement établirait un rapport sur les modalités d’utilisation de l’enveloppe de 180 millions destinée à venir en aide aux sinistrés ; où en est ce rapport ?

Mme Marietta Karamanli – Dans un contexte de multiplication des risques, cet article n’est pas cohérent avec l’affirmation du principe de la solidarité nationale, lequel voudrait que l’État ne réduise pas ses dotations aux collectivités de 400 millions et de 21,78 % le FCTP. Si l’on prend l’exemple du Mans et de sa communauté urbaine, la baisse de la DCTP et de trois autres taxes leur fera perdre respectivement 700 millions et 453 millions sous l’effet du changement d’indexation. D’où notre souhait de supprimer cet article. On ne construit pas une maison en entassant des pierres disparates…

M. André Chassaigne – Je voterai moi aussi l’amendement. Bien entendu, on ne peut qu’être d’accord sur le principe de la création d’un fonds pour indemniser, si j’ai bien compris, les biens non assurables des collectivités territoriales. Le problème, c’est son financement : on va prélever sur le fonds de compensation de la taxe professionnelle, donc sur les dotations aux collectivités locales ; autrement dit, ce qu’on donnera aux unes, on le fera payer par les autres. C’est un prélèvement supplémentaire de 20 millions sur le FCTP, qui est déjà amputé de 215,6 millions ; c’est dire s’il est légitime de s’interroger sur la pérennité de ce fonds…

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 48, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 48

M. Gilles Carrez – Mon amendement 28 tend à réparer un oubli de la loi du 13 août 2004 en incluant dans l’objet des compensations financières les compétences transférées à des groupements de collectivités.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial  La commission ne l’a pas examiné, mais à titre personnel j’y suis favorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur C’est en effet une précision utile.

L'amendement 28, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Nayrou – La commission a repoussé l’amendement 57 par lequel les communes de montagne sollicitaient de bonne foi un avantage. Je fais observer au rapporteur spécial que la spécificité de ces communes de montagne a été reconnue en 2005 par la majoration de la dotation attribuée en fonction de la superficie. Et voilà qu’elles s’en voient privées par le meccano des calculs à géométrie variable ! À quoi bon batailler pour de justes causes si l’État reprend d’une main ce qu’il a donné de l’autre ?

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial  Les communes de montagne sont toujours très bien défendues dans notre Assemblée, mais la commission n’en a pas moins repoussé cet amendement. Il revient en effet à ne pas prendre en compte la dotation forfaitaire dans la richesse des communes, ce qui est difficilement concevable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Ce qui est effectivement perçu par la commune fait partie de sa richesse. Je ne peux donc être favorable à cet amendement, sauf à revoir l’ensemble de la fiscalité locale.

M. André Chassaigne – Finalement, les dotations accordées par l’État sont diminuées en fonction des avantages accordés d’autre part. En 2006 ou en 2007, de nombreuses communes de montagne ont ainsi découvert qu’elles ne pourraient plus bénéficier de la dotation élu local parce qu’on passait de la prise en compte du potentiel fiscal à celle du potentiel financier. L’inconvénient a été neutralisé en partie, mais le problème de fond demeure : on accorde des avantages qu’on intègre ensuite dans les calculs pour en supprimer d’autres ! De petites communes de montagne se retrouvent ainsi pénalisées.

M. Gilles Carrez – Je vous rassure, il ne s’agit pas de supprimer la majoration de la dotation attribuée en fonction de la superficie, dont bénéficient les communes de montagne. La DGF comporte deux parts. Pour assurer de façon pérenne une majoration de la première – la dotation forfaitaire – aux communes rurales, on a pris en compte dans le calcul du potentiel financier la superficie des communes, que l’on a majorée pour les communes de montagne. Mais la seconde – les dotations de péréquation – n’est pas prise en compte. Adopter cet amendement reviendrait à mettre en place un système injuste.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Je confirme ce que vient de dire le rapporteur général. N’oublions pas que la spécificité des communes de montagne est déjà prise en compte.

M. Henri Nayrou – À quoi bon si l’avantage est annulé ?

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Henri Nayrou – L’amendement 55 est défendu.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial  Cet amendement pose une vraie question. Il y a en effet un problème en ce qui concerne les SDIS. Mais une réforme est prévue dans les mois qui viennent : c’est dans ce cadre que le problème doit être traité. Avis défavorable, donc.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Je suis consciente des difficultés qui existent. J’ai d’ailleurs demandé à une mission d’inspection générale de me remettre un rapport à la mi-décembre. J’ai également engagé, le 15 octobre, une concertation avec les associations d’élus concernées. Dans l’attente de leurs conclusions, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

L'amendement 55 est retiré.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 31 vise à répondre aux conséquences financières que pourra avoir en 2008 la modification de la structure d‘un groupe démographique. Pour être éligible à la dotation nationale de péréquation – DNP – une commune doit entre autres atteindre 90 % de l’effort fiscal de sa strate démographique. La sortie d’une commune de cette strate démographique à l’occasion d’un recensement peut donc en priver une autre – même très pauvre – du bénéfice de la DNP. C’est pourquoi nous proposons de porter de 90 % à 85 % le taux d’effort. Permettez-moi de citer l’exemple d’une commune que je connais bien, dont le taux d’effort fiscal était de 93 %. La sortie de Courbevoie – ville à faible effort fiscal – de sa strate démographique a fait passer Drancy de 93 % à 87 %. Injuste, le système actuel donne en plus une prime à la mauvaise gestion : pour pouvoir bénéficier des subsides de l’État, une commune pauvre devrait pousser l’impôt à son maximum.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – La commission n’a pas examiné cet amendement, auquel je suis personnellement très défavorable même si je comprends le problème de notre collègue. S’il faut modifier les seuils à chaque recensement général ou complémentaire, on finira par ne plus avoir de DNP ! Or nous avons voulu que cette dotation soit suffisamment importante pour revêtir une vraie signification pour les communes les plus en difficulté. Cet amendement ouvre le bénéfice de la DNP à 1 772 communes supplémentaires, ce qui appauvrit les autres. Il y a certes un problème, mais la solution que vous proposez n’est pas la bonne.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur L’enjeu peut être important pour certaines communes. Mais il est très difficile de prendre des décisions en fonction d’une seule commune alors que les résultats du recensement sont encore partiels. N’oublions pas, d’autre part, que nous raisonnons à périmètre constant : la mesure proposée rendra 1 772 communes de plus éligibles à la DNP, mais les 20 000 qui le sont déjà verront leur dotations diminuer de 2 à 4 %. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. Gilles Carrez – Je soutiens cet amendement. Nous avons déjà été conduits à corriger les critères d’éligibilité à la DNP. Pour pouvoir bénéficier de cette dotation, il faut à la fois être pauvre – c’est-à-dire avoir un potentiel financier faible – et avoir des taux d’imposition très élevés. On se retrouve ainsi chaque année avec des cas aberrants. La ville de Drancy appartient à une strate démographique qui compte un certain nombre de communes très riches, lesquelles ont un faible effort fiscal. Lorsque la plus riche d’entre elles quitte la strate pour des raisons démographiques, l’effort fiscal moyen augmente. La commune de Drancy, qui est objectivement pauvre, se retrouve avec un effort fiscal en dessous de la moyenne et perd du même coup l’éligibilité à la DNP.

On arrive à une situation aberrante, puisqu’il faudrait que la commune de Drancy, qui compte de nombreux ménages peu aisés, augmente fortement ses impôts, et notamment son taux de taxe d’habitation, pour que son effort fiscal repasse au dessus de la moyenne.

Il y a longtemps que nous devrions avoir banni l’effort fiscal des calculs de répartition des dotations. C’est un critère pousse-au-crime : on est d’autant plus aidé qu’on augmente les impôts ! Les communes qui s’y refusent sont donc pénalisées. Il est vrai que l’abaissement du potentiel fiscal moyen à 85 % au lieu de 90 fait entrer 1 800 communes dans le dispositif, avec le risque de saupoudrage qui va avec. Mais, et compte tenu que cette dotation n’a jamais été très satisfaisante – elle a d’ailleurs fait l’objet de retouches incessantes – la plus simple équité me pousse à être favorable à cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et certains bancs du groupe UMP).

M. François Sauvadet – Excellent !

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Le rapporteur général est toujours excellent, et il est plus que rare que je ne sois pas de son avis. Mais, si la ville de Drancy connaît un vrai problème, cet amendement n’y apporte pas une bonne solution. Tout le monde se plaint de l’insuffisance des fonds de péréquation : si l’on augmente de façon considérable le nombre des collectivités qui en bénéficient, il est évident qu’on va encore les affaiblir ! Je comprends bien la solidarité qui s’exprime entre les élus d’Île-de-France, et je suis en outre tout à fait de l’avis du rapporteur général sur le principe : étant l’élu d’une ville qui essaie de baisser ses taux d’imposition, je suis toujours affolé que les régions – surtout depuis quelques années ! – ne veuillent consentir des aides que si on les augmente. C’est aberrant. Mais c’est cette règle qu’il faut changer ! Augmenter le nombre des communes éligibles au fonds de péréquation n’améliorera rien en la matière, mais réduira à néant tous les efforts qui ont été faits depuis dix ans pour aider les collectivités qui en ont le plus besoin. Chaque commune va avoir une bonne raison pour demander à bénéficier du fonds, et il n’y aura plus de péréquation.

M. Jean-Christophe Lagarde – Aucun d’entre nous ne peut concevoir que la péréquation se fasse sur le dos des communes les plus pauvres, celles précisément qu’elle est censée aider ! Certes, le système actuel est absurde. La ministre a d’ailleurs lancé un travail de réflexion, mais qui ne devrait aboutir qu’en 2009 ou 2010. En attendant, faut-il augmenter les impôts ? Encore faudrait-il que ce soit possible ! Or, à Drancy, l’effort fiscal atteint déjà 27,7 % pour la taxe professionnelle, bien qu’elle ne produise même pas 10 % des recettes de la commune, qui compte peu d’entreprises mais beaucoup de logements – surtout sociaux – et atteint 24,6 % pour la taxe foncière. Même si on allait au maximum autorisé par la loi, on se heurterait à la butée de la taxe professionnelle. La commune ne peut donc rien faire, et elles sont nombreuses dans ce cas. La dotation de péréquation doit les aider. Enfin, l’augmentation du nombre des communes bénéficiant de la péréquation n’est pas un argument aussi effrayant que vous le laissez croire : elle ferait certes baisser leur dotation de 2 à 4 %, ainsi que l’a dit la ministre, mais ces communes sont pour la plupart des villages. Il s’agit donc de sommes de l’ordre de 150 à 1 000 euros ! Voilà la raison pour laquelle, en attendant l’issue de la réflexion entreprise, il faut œuvrer pour éviter d’ajouter de l’injustice à l’injustice.

M. le Président – Dans le texte final du code des collectivités territoriales, le taux « 90 % » apparaîtra donc deux fois.

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est exact.

L'amendement 31, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Nayrou – L’amendement 56 relevant de la même philosophie que le 57, je vais pouvoir par avance répondre aux objections du rapporteur. D’abord, le projet de loi de finances pour 2007 abondait la DGF de 3 millions pour 140 communes cœur de parc. Preuve de l’intérêt de cette mesure, ces crédits ont été consommés à hauteur de 95 %. Ensuite, le Grenelle de l'environnement a changé beaucoup de choses, en conférant aux communes de montagne d’abondantes responsabilités par exemple en matière de biodiversité, de développement durable ou de réserve d’eau pour l’aval. Il est normal qu’elles soient rétribuées pour assumer ces nouveaux engagements financiers. Le financement pourrait provenir soit de recettes fiscales nouvelles, fondées sur une assiette écologique, soit de prélèvements sur la TIPP ou d’autres taxations des énergies fossiles. Vous direz qu’il est difficile de trouver de l’argent dans un budget contraint : je répondrai qu’il l’est à cause des libéralités de cet été. Surtout, lorsqu’on considère les sommes dépensées au titre du suivi de l’ours, on peut considérer qu’un peu d’argent pourrait aussi servir à aider les collectivités locales à remplir ces missions de haute importance. Le général de Gaulle disait : « là où il y a une volonté, il y a un chemin. »

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Avis défavorable. Des mesures existent déjà pour les parcs naturels, comme la majoration de la dotation superficiaire au sein de la DGF ou une dotation cœur de parc de 3 millions. On ne peut prendre sur la dotation de solidarité rurale pour donner plus à ces collectivités, dont les spécificités sont prises en compte par ces mesures, sans affaiblir toutes les petites communes rurales du pays.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur L’intention de M. Nayrou est tout à fait louable, mais les critères qu’il énumère sont extrêmement difficiles à recenser. Or la répartition de la DGF doit reposer sur des critères fiables et connus. À mon sens, la DGF n’est pas le bon instrument pour répondre à sa préoccupation. À la suite du Grenelle de l'environnement, d’autres mesures, fiscales par exemple, permettront d’atteindre son objectif. Enfin, je dois rappeler que les « libéralités » de l’été dernier portent pour la moitié sur l’exonération de charges sur les heures supplémentaires et pour une autre part très importante sur une aide à acquérir sa maison, ce qui concerne dans le premier cas les salariés et dans le second les Français les plus modestes. Ces mesures sont donc bien destinées à l’ensemble des Français, de la même façon que le Grenelle de l'environnement vise à laisser à nos enfants et petits-enfants le patrimoine naturel le meilleur possible. Avis donc défavorable.

M. André Chassaigne – Cet amendement anticipe les décisions qui ne manqueront pas d’être prises lors de la prochaine loi de finances afin de préciser l’échéancier de la loi de programme évoquée par M. Borloo. Il a été envisagé au cours du Grenelle de l’environnement d’appliquer un critère de biodiversité et carbone à la DGF, qui intégrerait ainsi une part du financement de la trame verte nationale. D’autre part, de nouvelles formes de financement du développement durable sont à trouver, qu’il s’agisse du PIB vert ou de l’empreinte écologique. Cet amendement est peut-être précoce, mais il pose un problème inéluctable.

M. Henri Nayrou – Le budget pour 2007 ne concernait que 140 communes situées en cœur de parc. Depuis, le Grenelle de l’environnement a ouvert des pistes fécondes. L’amendement 56 permet de dépasser le cas de ces seules communes et de répondre à ce qui se profile à l’horizon sur l’ensemble du territoire.

S’agissant du périmètre, la dotation pourrait être proportionnelle à la surface communale située dans des espaces protégés, des réserves naturelles ou des segments littoraux, et ne serait versée qu’une seule fois en cas de chevauchement de ces différentes aires.

Enfin, le jour même où M. Borloo présentait les conclusions du Grenelle de l’environnement à l’Élysée, les élus de la montagne se réunissaient dans une vallée des Vosges alsaciennes pour évoquer les changements climatiques qui affecteront les montagnes. De même que nous nous mobilisons pour la survie de nos territoires dès qu’on les menace, nous savons aussi anticiper les phénomènes à venir. Cet amendement reprend d’ailleurs la première des 21 propositions que contient le rapport de l’ANEM, dont on espère qu’il ne sera pas enterré : donnons-lui vie !

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez – L’amendement 27 vise à simplifier le dispositif de péréquation de la DGF. Un critère de densité démographique départage les départements en deux catégories, rurale et urbaine. La Haute-Savoie, par exemple, est urbaine tandis que la Savoie est rurale. Lorsqu’un département change de catégorie, comme ce fut le cas des Pyrénées-orientales devenues urbaines l’an dernier, il émarge dans sa catégorie d’origine. Il serait plus juste qu’il emporte avec lui sa dotation, afin qu’elle abonde la nouvelle catégorie sans nuire à l’ancienne.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – La commission n’a pas examiné cet amendement qui me semble pourtant logique : j’y suis favorable à titre personnel.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Même avis : il corrige un oubli de la loi de 2005.

L'amendement 27, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud – L’amendement 29 permet aux régions qui perdent leur éligibilité à la péréquation d’obtenir une attribution égale à la moitié de celle de l’exercice précédent, car elles ne sont pas en mesure d’anticiper une telle perte. Déjà applicable aux départements et aux communes, ce mécanisme permet de lisser une transition parfois brutale et n’entraîne aucune surcharge budgétaire pour l’État, puisqu’elle est financée par la seule masse mise en répartition.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – La commission n’a pas non plus examiné cet amendement, mais j’y suis personnellement favorable : il n’y a aucune raison que les régions ne puissent bénéficier d’un dispositif qui s’applique déjà aux autres collectivités.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Même avis.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté.

M. Gilles Carrez – Jusqu’en 1995, l’Île-de-France était la seule région à percevoir la DGF. Sa suppression s’est étalée sur dix ans, au point d’être entièrement intégrée à la dotation générale. C’est chose faite : il n’y a donc plus lieu de garder trace de ce transfert dans notre droit. C’est l’objet de l’amendement 30 rectifié.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial  La commission n’a pas examiné cet amendement auquel je suis favorable à titre personnel.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Même avis.

L'amendement 30 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Nayrou – L’amendement 54 est défendu.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Avis défavorable, car les communautés urbaines disposent déjà de ressources plus abondantes que les autres collectivités. Votre amendement affaiblirait celles-ci.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Même avis : la dotation des communautés urbaines est déjà nettement supérieure à celle des départements et des communes.

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Corinne Erhel – L’amendement 53 tend à réviser les modalités de calcul du prélèvement France Télécom. Indexé sur la DGF et opéré sur les recettes des collectivités, il augmente chaque année alors même que le produit de la taxe professionnelle dont France Télécom est redevable diminue. On réduirait ainsi l’écart entre les deux afin de neutraliser l’effet de la loi de 2003 au profit des collectivités. Des amendements identiques avaient déjà été déposés en loi de finances pour 2003 et 2004, et le Gouvernement s’était engagé à remédier au problème. Il est temps d’honorer cette parole !

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Le problème existe en effet, mais la commission a rejeté votre amendement au motif que l’article 133 de la loi de finances rectificative de 2006 prévoit un dispositif de compensation dégressive, sur cinq ans, de la perte due à la diminution du produit de la taxe professionnelle provenant de France Télécom. C’est une solution comparable à celle qui est adoptée lorsqu’une grande entreprise quitte le territoire d’une collectivité. Certes, elle ne satisfait pas tout le monde, et je regrette que les collectivités perdent une part de leurs ressources, mais vous voyez que votre souci est partiellement satisfait.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur À l’issue des débats de l’année dernière, nous étions parvenus à une solution de compromis – acceptée par le comité des finances locales – et un décret d’application est en cours d’examen au Conseil d’État. Il me semble donc inutile de rouvrir cette discussion.

L'amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Annick Girardin – L’adoption de mon amendement 47 constitue un impératif au regard de deux exigences fondamentales, une exigence d’équité entre les territoires et le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités. Il vise en effet à adapter le dispositif de contrat de stabilité aux réalités de terrain de Saint-Pierre-et-Miquelon. Alors qu’il prévoit d’indexer les dotations sur l’inflation, soit une progression de 1,6 % pour 2008, dans notre territoire, l’inflation a atteint 5,7 % en 2006 et 6,6 % en 2005. Il y a là une caractéristique structurelle de l’économie de l’archipel, liée à son enclavement et aux fluctuations des taux de change ou des cours du pétrole. La tendance se confirme pour 2007 et elle ne changera pas dans un avenir proche. Dans ces conditions, refuser d’adapter le dispositif reviendrait à établir comme un principe une diminution annuelle des dotations des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon de l’ordre de 4 à 5 %, au moment même où sont mis en œuvre des contrats d’objectifs pour essayer d’endiguer leur dette et leurs déficits chroniques.

Cela serait inadmissible, et je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait tenir pour respecté le principe de libre administration, les collectivités concernées étant placées dans une situation durable de perte de leurs capacités de financement. Je rappelle en outre que l’inflation constatée à Saint-Pierre-et-Miquelon n’entre pas dans le calcul du taux d’inflation moyen national. Comment, dès lors, nous appliquer un taux minoré sans commune mesure avec celui que nous subissons sur place ?

Des moyens existent pour établir avec précision le niveau de l’inflation dans notre archipel, car l’institut d’émission des DOM accomplit à ce titre un travail remarquable. Rien n’empêche donc le Gouvernement d’ajuster à la marge le contrat de stabilité. Consultés, vos services, Madame la ministre, ont fait part de leur crainte que d’autres collectivités ultramarines ne reprennent à leur compte cette demande d’indexation différenciée. Les enjeux propres à Saint-Pierre-et-Miquelon – notamment l’état désastreux des finances locales – justifient que notre cas soit traité à part, sans préjuger d’éventuelles adaptations au profit d’autres collectivités.

Je vous demande d’adopter cet amendement, sans lequel le dispositif du contrat de stabilité équivaudrait à créer les conditions d’une véritable faillite des collectivités locales de Saint-Pierre-et-Miquelon et à mettre en marche un compte à rebours de la disparition des habitants de nos îles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Nous sommes tous conscients des spécificités de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il y a chez vous des contraintes que l’on ne retrouve nulle part ailleurs et c’est la raison pour laquelle la DGF est déjà supérieure à la dotation moyenne des autres collectivités, y compris à celle des autres collectivités d’outre-mer. La commission a donc repoussé cet amendement, mais nous sommes favorables – même si nous sommes conscients de la difficulté de la tâche compte tenu de la faible population de l’archipel – à l’élaboration d’un rapport tendant à fixer le taux d’inflation du territoire. Il pourrait être envisagé par la suite de donner des dotations supplémentaires, mais l’adoption de cet amendement nous a semblé prématurée.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Je suis extrêmement attachée à Saint-Pierre-et-Miquelon, ne serait-ce que parce qu’un grand nombre de Basques y sont installés, et je me suis toujours efforcée de soutenir le développement de l’archipel. Comme vient de le dire votre rapporteur, la spécificité du contexte a déjà conduit à retenir des modalités de calcul particulièrement avantageuses, selon un ratio démographique tout à fait exceptionnel.

Il me semble difficile d’aller au-delà dans le cadre de la DGF, même si je suis d’accord sur la nécessité de lancer rapidement des actions spécifiques pour soutenir vos collectivités. Mais il ne faut pas utiliser la DGF, qui est déjà à son maximum. Il faut des instruments particuliers, et cela me conduit à suivre de manière très attentive la réalisation du contrat de projet en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est sur cette base que nous pourrons soutenir le développement économique de l’archipel et je suis tout à fait disposée, Madame la députée, à ce que nous en parlions ensemble.

Je vous invite à retirer votre amendement, sous mon engagement à étudier des modalités particulières permettant de prendre en compte l’ensemble des difficultés.

Mme Annick Girardin – Je vais présenter l’amendement 48 avant d’envisager le sort que je réserverai au précédent. J’insiste sur la nécessité de prendre en compte les contraintes particulières de notre archipel – dont la situation au regard des finances locales a encore empiré du fait des évolutions récentes ; de sorte que l’on ne se retrouve pas au même stade dans cinq ans !

Les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon sont contraintes d’assumer des charges structurelles incompressibles que leur base fiscale limitée de 2 200 foyers ne permet pas d’assumer correctement. Malgré les réformes successives des modalités de calcul, les DGF de nos collectivités n’ont jamais été réévaluées pour les prendre en compte. Même les efforts consentis en faveur de la DGF des communes ultramarines dans la loi de finances pour 2005 n’ont pas eu l’effet escompté. Cela explique pour une large part la situation financière catastrophique de nos collectivités, avec un déficit annuel cumulé de près de 9 millions en 2007, assorti d’une dette de 29 millions pour une collectivité de 6 125 habitants, soit près de quatre fois le revenu annuel !

La mission conjointe des ministères de l’intérieur et de l’économie et de l’Agence française de développement – AFD –, dont les conclusions devraient être bientôt rendues, constitue un élément encourageant, complémentaire de la démarche que j’effectue aujourd’hui. Elle pourra concourir à une évaluation précise du montant des charges structurelles devant être compensées par la DGF de chaque collectivité.

L’amendement 48 vise à poser le principe que doivent être prises en considération dans la DGF pour Saint-Pierre-et-Miquelon les charges structurelles et les contraintes spécifique qui pèsent sur la situation financière de chacune de ses collectivités, sur la base d’un rapport du Gouvernement destiné à en établir le montant précis.

Il s’agit d’une démarche propre à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui ne préjuge en rien des démarches que pourraient entreprendre d’autres collectivités ultramarines.

Ayant entendu votre souci sincère de l’avenir de l’archipel, je suis prête, Madame la ministre, à retirer mon amendement 47, mais il me sera beaucoup plus difficile de retirer celui-ci.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial  Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà précisées.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Je vais me montrer plus souple que votre rapporteur ! Pour preuve de mon intérêt, je suis prête a accepter l’amendement 48 si Mme Girardin retire le précédent.

Mme Annick Girardin – D’accord !

L'amendement 47 est retiré.

L'amendement 48, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Nayrou – L’amendement 60 est défendu.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial  La commission comprend les difficultés propres aux Antilles, à la Martinique et à la Guadeloupe en matière d’immigration clandestine. Cependant, on ne voit pas comment celle-ci pourrait être prise en compte car elle est par définition impossible à évaluer. J’invite par conséquent au retrait de cet amendement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieurMême analyse que votre rapporteur : impossible à apprécier, la population immigrée clandestine ne peut être prise en compte dans le calcul de la DGF.

L'amendement 60 est retiré.

Avances aux collectivités territoriales

ART. 35 ET ÉTAT D

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Le transfert du produit de la TIPP aux collectivités couvre le RMI – déjà largement évoqué sur ces bancs – et les transferts progressifs de personnels vers les départements, notamment de personnels TOS et d’agents du ministère de l’équipement.

Par l’amendement 65, le Gouvernement réévalue de 60 millions le produit de la TIPP revenant aux collectivités territoriales, à la suite des nouvelles prévisions, plus favorables, sur le produit de cette taxe, de manière à prendre en compte au fur et à mesure les déclarations de volontariat des personnels.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial – Je suis personnellement très favorable à cet amendement, qui prend simplement acte du transfert de compétence.

L'amendement 65, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission Avances aux collectivités territoriales, mis aux voix, sont adoptés.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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