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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 30 octobre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
33ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉFORME INSTITUTIONNELLE

M. Jean-François Copé – Monsieur le Premier ministre, vous avez ouvert des chantiers très importants depuis le début de la session…

M. Jean-Pierre Brard – Allo ? Allo ?

M. Jean-François Copé – Nous venons juste de prendre connaissance des propositions du comité « Balladur » sur la réforme des institutions. Ce comité a impressionné le groupe UMP par la qualité de ses travaux et par sa qualité d’écoute. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC). Il a suscité des échanges de réflexions très modernes sur notre démocratie.

Je me réjouis qu’un large consensus se dessine sur la réhabilitation des compétences du Parlement. Je pense en particulier à l’amélioration de la procédure législative, qui doit être rendue plus aisément compréhensible, et qui doit permettre de fluidifier, voire de raccourcir, les débats. À cela s’ajoute le renforcement des pouvoirs de contrôle sur l’action gouvernementale, à l’image de très nombreuses démocraties dans le monde.

J’aimerais savoir, Monsieur le Premier ministre, quel calendrier vous avez retenu pour que nous puissions passer de la réflexion au débat et à la décision. Quelles sont les dispositions dont vous ferez vos priorités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Allo !

M. François Fillon, Premier ministre  Nul ne peut nier que nos institutions aient besoin d’être modernisées. La Constitution de la Ve République a donné à notre pays une stabilité politique qu’elle avait rarement connue dans son histoire, mais ce fut au prix de fortes contraintes sur le pouvoir législatif. Compte de l’évolution de notre société, comme de celle des démocraties qui nous entourent, certaines de ces contraintes ne sont plus acceptables.

Le comité présidé par Édouard Balladur a formulé une série de propositions consensuelles qui vont toutes dans le même sens : renforcer les pouvoirs du Parlement.

M. Arnaud Montebourg – Attention ! Ils vont vous remplacer ! (Sourires)

M. le Premier ministre – Il est ainsi proposé de partager l’ordre du jour, de créer de nouvelles commissions, d’examiner en séance les textes tels qu’ils ont été amendés en commission, d’encadrer le pouvoir de nomination reconnu au Président de la République, et enfin de renforcer considérablement les pouvoirs du législatif sur l’exécutif.

Le Président de la République recevra dans quelques jours les forces politiques du pays pour engager le dialogue : nous devrons élaborer un texte le plus consensuel possible. En effet, on ne réforme pas les institutions en s’appuyant sur un camp contre l’autre, car les institutions serviront à plusieurs majorités. Il faut qu’elles soient acceptées par l’ensemble de nos concitoyens. Nous allons donc rechercher le consensus.

En raison de l’examen du traité simplifié, nous ne pourrons pas réunir un deuxième Congrès pour adopter la réforme institutionnelle au mois de janvier, comme nous le souhaitions initialement.

M. Jacques Desallangre et M. Maxime Gremetz – Il faut un référendum sur le traité !

M. le Premier ministre – Avec le Président de la République, nous souhaitons que l’examen de la réforme institutionnelle débute au mois de février dans cette Assemblée, avant la suspension des travaux pendant la campagne des élections municipales. Le travail reprendra ensuite, et le Congrès se prononcera. Je suis certain que chacun d’entre vous aura à cœur d’œuvrer à la modernisation de nos institutions pour le bien de notre pays, sans arrière-pensées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FRANCHISES MÉDICALES

M. Christian Paul – Il est visiblement difficile d'être un député UMP en ce moment (Protestations sur bancs du groupe UMP). Dans la nuit de vendredi à samedi, à une heure du matin, le Gouvernement a imposé à sa majorité de voter un impôt sur les malades, dont l’impact sera sans doute négligeable pour les plus fortunés, mais qui sera très douloureux pour les plus pauvres, les retraités, les personnes handicapées et les millions de familles dont les fins de mois seront, une fois encore, amputées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pour rendre plus présentable cette mesure, vous l’avez baptisée « franchise ». Il s’agit en vérité d’une taxe indigne sur les malades : c’est un déremboursement insidieux et scandaleux des médicaments et des transports des malades (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Pourquoi est-ce si choquant ? Depuis 1945, la sécurité sociale repose, non sur une contribution des malades pour rembourser les malades, mais sur la solidarité de tous envers tous. Il existe bien d'autres façons d’apurer le déficit inquiétant de l'assurance maladie et de financer le traitement du cancer et de la maladie d'Alzheimer, qui sont de véritables drames. Vous n'étiez pas condamnés à agir ainsi. Comme l’a proposé la Cour des Comptes, présidée par Philippe Séguin, il était possible d’instaurer une véritable imposition sur les stock-options. Vous auriez ainsi dégagé, dès 2008, plus d'un milliard d'euros, soit bien plus que le produit de ces pseudo-franchises. Là eût été le courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Nous sommes enfin choqués par les motifs invoqués : les franchises diminueraient, selon vous, le recours excessif aux médecins et aux médicaments. Allez expliquer cela aux malades de l'amiante, aux victimes du Sida et des maladies de longue durée qui ne sont pas exonérés de cet impôt ! Enfin, nous nous inquiétons pour l’avenir, car vous pourrez désormais porter, par simple décret, cette franchise de 50 à 100, voire 200 euros.

Nous souhaitons, nous aussi, une réforme de la sécurité sociale, mais il faut qu’elle soit juste et efficace.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

M. Christian Paul – Les Français doivent pouvoir continuer à se soigner. Nous vous demandons de retirer ces franchises, injustes et dangereuses (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Je ne me lasserai pas de vous expliquer la raison d’être des franchises médicales ! De nouveaux défis se présentent en matière de santé publique : cancers, maladie d’Alzheimer, soins palliatifs. Pour les relever – ainsi que nous le demandent nos concitoyens – nous avions le choix d’augmenter les cotisations ou, pire, de faire payer le déficit aux générations futures (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Nous avons opté pour un système de responsabilisation, qui permet de conserver un taux de prise en charge des malades par le régime obligatoire qui est le plus élevé d’Europe. Le plan de financement de la sécurité sociale est ambitieux et réaliste (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe de la GDR).

Le PLFSS fixe un taux de progression des dépenses d’assurance-maladie qui permet des prises en charge larges : 3,2 % aussi bien pour les soins de ville que pour l’hôpital. Il comporte des mesures relatives à la démographie médicale – nous allons ouvrir à ce sujet les états généraux d’organisation de la santé avec les jeunes médecins. Il rénove les modes de financement de l’hôpital. Enfin, il permet de nouvelles prises en charge, comme celle de l’IVG médicamenteuse par les centres de planning familial ou l’allongement du congé de maternité pour les agricultrices et les femmes qui relèvent du régime des travailleurs indépendants. C’est donc un projet de loi réaliste et ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

FONCTION PUBLIQUE

Mme Marie-Hélène Amiable – Le 20 novembre, sept fédérations de fonctionnaires appellent à la grève pour défendre l’emploi public, leur pouvoir d’achat et leur statut. Les députés communistes et républicains seront à leurs côtés. Votre budget pour 2008 prévoit en effet la suppression nette de 23 000 postes – dont 11 200 à l’éducation nationale – et ne prend pas en compte la revalorisation des traitements que réclament les syndicats.

Votre majorité – faut-il le rappeler ? – a déjà supprimé près de 100 000 postes depuis 2002 et a promis d’en supprimer 180 000 aux cours des cinq prochaines années. Et cela pour quel bénéfice ? Les enseignants, les postiers, les personnels hospitaliers, les fonctionnaires territoriaux et judiciaires, les agents des impôts ou des services de l’emploi portent à bout de bras un service public dont la proximité, la qualité et l’égalité d’accès sont sans cesse menacées par votre logique libérale et comptable. Quelles seront les économies réalisées ? Cadeaux fiscaux et parachutes dorés sont généreusement distribués, tandis que les fonctionnaires ont vu leur point d’indice chuter de 6 % depuis 2000.

Les syndicats ont jugé vos mesures dérisoires, et ils ont claqué la porte des négociations. Leurs revendications rejoignent celles des cheminots, des gaziers, des électriciens et des salariés du privé concernés par la prise en compte de la pénibilité, qui dénoncent la diminution de leur pouvoir d’achat et la mise en cause de leur retraite. Monsieur le ministre, comment comptez-vous répondre à leurs inquiétudes légitimes ? Quelles missions assignez-vous au service public (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et de nombreux bancs du groupe SRC).

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – L’État n’a pas à rougir de sa politique vis-à-vis de la fonction publique. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). En 2007, 2,9 milliards d’euros ont été consacrés à l’augmentation des traitements de la fonction publique. En outre, nous avons proposé aux organisations de fonctionnaires des mesures ciblées pour répondre à des situations d’iniquité : indemnité pour les fonctionnaires au sommet de leur grade ; possibilité d’acheter quatre jours de compte-épargne temps ; paiement de douze heures supplémentaires dans la fonction publique hospitalière ; accès d’une partie de la fonction publique aux heures supplémentaires.

Mais il faut aller plus loin et engager avec les fonctionnaires des discussions sur ce que peut être le service public du XXIe siècle. Il conviendra aussi de débattre de la manière de calculer le pouvoir d’achat : faut-il se baser sur le seul indice, comme vous le faites, ou considérer l’ensemble de la feuille de paye ? Examinons cela sereinement.

Enfin, nous avons lancé deux conférences, l’une sur le dialogue social, l’autre sur les conditions de travail. Tout est réuni pour que nous puissions engager, avec l’ensemble de la fonction publique, un dialogue responsable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

VIOLENCES DANS LES STADES

Mme Valérie Boyer – Le 6 octobre, de graves incidents ont émaillé le match de ligue 1 opposant Metz à Strasbourg. A l’occasion d’un match de ligue 2, des supporters de l’équipe de Bastia ont pris à partie l’un des joueurs et tenu à son encontre des propos racistes. La ligue de football a alors pris la décision courageuse de retirer un point au club bastiais. Régulièrement, les rencontres entre professionnels ou amateurs sont le théâtre de violences physiques dont les arbitres, spectateurs ou joueurs sont les victimes. La députée de Marseille que je suis ne peut y être indifférente.

Pourtant, le football peut-être un facteur d’intégration et de cohésion sociale – comme le prouve l’Olympique, dont les supporters se transcendent pour leur équipe. Nous assistons alors à un spectacle qui véhicule les véritables valeurs du sport, au premier rang desquelles la dignité, le respect et la tolérance.

Face à ces comportements violents ou racistes, l’État doit prendre ses responsabilités. Madame la ministre de l’Intérieur, pouvez-vous nous exposer quelles sont vos intentions en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Le sport est une fête, et il doit demeurer un moment de convivialité, de respect et de tolérance. De ce point de vue, la coupe du monde de rugby est un modèle – et je tiens à féliciter les organisateurs, les joueurs, les forces de sécurité et le public. (« Et l’entraîneur ? » sur les bancs du groupe SRC).

La haine, l’antisémitisme, le racisme doivent être condamnés. Ils sont inadmissibles et contraires aux valeurs du sport, notamment à ses valeurs éducatives. Soyez assurés que je mettrai tout en œuvre pour prévenir et sanctionner ces agissements inadmissibles. J’ai rappelé aux préfets que les interdictions de stade peuvent être prises en dehors de toute infraction pénale ; je leur ai demandé de faire en sorte que les interdits de stade aillent pointer dans des commissariats éloignés à l’heure de la mi-temps, pour mettre fin à certaines fraudes. J’ai également créé un fichier des interdits de stade (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour pouvoir les suivre et faire respecter ces interdictions.

Enfin, la LOPPSI comprendra deux nouvelles mesures : d’une part l’extension des interdictions administratives de stade de 3 à 6 mois pour couvrir toute la saison sportive ; d’autre part l’application des interdictions dès le premier acte de violence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

AFFAIRE DE « L’ARCHE DE ZOÉ »

Mme Martine Aurillac – Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. L’affaire de l’Arche de Zoé, chef d’œuvre d’inconscience et d’irresponsabilité, porte tort à des familles accueillantes mues par la générosité et le désir d’enfant, et elle jette le discrédit sur des ONG parfaitement honorables. Mais elle pose le problème du fonctionnement de certaines ONG et appelle à nouveau l’attention sur les massacres et crimes perpétrés au Darfour.

Les conférences internationales, comme celle qui a eu lieu en Libye samedi dernier, malgré les louables tentatives des diplomates, n’apportent pas de réelle avancée vers la solution de cette catastrophe humanitaire. Où en sont la mise en place des moyens militaires – la force hybride sous tutelle de l’ONU et de l’OUA doit compter à terme 2 600 hommes – et l’organisation des moyens humanitaires destinés à protéger les populations ?

Sans oublier la protection que nous devons à nos neuf compatriotes maladroits liés à cette ONG, quelles mesures envisagez-vous pour venir au secours d’enfants séparés de leurs familles, mal nourris, mal soignés et menacés de mort ou d’une sordide exploitation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, Premier ministre L’opération qui a été conduite par l’association « l’Arche de Zoé » est condamnable, et le gouvernement la condamne. Le ministère des Affaires étrangères avait d’ailleurs tout fait pour dissuader l’association de poursuivre ce projet (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Une information judiciaire a d’ailleurs été ouverte dès le mois d’octobre à l’encontre de cette association. Les autorités françaises sur place et, semble-t-il, les autorités tchadiennes, ont été abusées par une organisation…

M. Jean-Christophe Cambadélis – Qu’a fait l’armée ?

M. François Fillon, Premier ministre – …qui s’est dissimulée afin d’obtenir les autorisations et les transports nécessaires pour acheminer les enfants.

Cette affaire ne doit pas conduire à jeter le discrédit sur les ONG qui font un travail remarquable au Tchad et au Darfour…

M. Maxime Gremetz – C’est fait.

M. François Fillon, Premier ministre …et qui essuient à présent la suspicion, des caillassages et des violences. Nous avons le devoir de les défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) et de montrer qu’il y a une différence entre celles qui ont mal agi et celles qui agissent pour le bien des enfants.

Le Tchad est un État souverain dont nous respectons les lois. Mais nous serons extrêmement vigilants sur le respect des droits de nos ressortissants.

D’une manière plus générale, la France est soucieuse d’apporter un soutien humanitaire aux populations déplacées au Tchad et au Darfour. C’est dans cet esprit que nous avons pris l’initiative de proposer une force européenne de 3 000 à 4 000 hommes qui se déploiera au Tchad à partir de novembre pour apporter un peu plus d’aide humanitaire dans cette région dévastée. Après la visite de Mme Rama Yade au Soudan il y a quelques jours, le Gouvernement a décidé de débloquer de nouvelles contributions financières spécifiques au profit des enfants déplacés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe NC).

MODALITÉS DE PAIEMENT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

M. Philippe Vigier – Le Nouveau Centre a soutenu la réforme des heures supplémentaires, socialement juste et économiquement efficace. Mais, lors de l’examen du projet TEPA, nous avions critiqué ses modalités inutilement complexes puisqu’il existe déjà un plafond annuel des heures supplémentaires. Nous proposions alors de simplifier le dispositif en retenant le taux effectif de majoration des heures supplémentaires.

La réalité nous donne raison : avec cette réforme, il faut inscrire quatre lignes de plus sur le bulletin de paye, ce qui, le plus souvent, entraîne l’ajout d’une deuxième page.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer la lisibilité des bulletins de paye et simplifier les conditions de mise en œuvre de la réforme des heures supplémentaires pour les salariés et les chefs d’entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – La réforme des heures supplémentaires est la mesure phare de la loi TEPA.

M. Maxime Gremetz – Cela ne marche pas.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement a anticipé les questions que vous posez de manière à ce que tout soit prêt pour la fin du mois d’octobre, premier mois de l’application de la loi. Nous avons travaillé avec les éditeurs de logiciels de paye et les experts comptables qui, au quotidien, s’occupent des bulletins de paye dans les entreprises, et la paye d’octobre a pu être effectuée dans de bonnes conditions.

Parallèlement, les URSSAF relaient les informations utiles auprès des entreprises, sous forme papier – plus de 5 millions de dépliants sont distribués à destination des PME –, mais aussi par le biais d’internet – sur les sites des organismes sociaux – et par téléphone, avec la mise en place, depuis le 1er octobre, d’un numéro vert, le 08 21 08 00 01 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Plus de 700 appels sont traités chaque jour.

Les entreprises qui ne seraient pas prêtes peuvent tout de même bénéficier du dispositif, et en faire bénéficier leurs salariés dès le 1er octobre : elles régularisent la situation à la fin de cette année ou au début de l’année 2008.

Il n’y a donc pas de problème, et Mme Lagarde s’est rendue ce matin dans les Yvelines pour le constater sur place. Cette mesure soutient la croissance et le pouvoir d’achat (Même mouvement). Depuis le 1er octobre, travailler plus pour gagner plus, c’est possible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

AFFAIRE DE « L’ARCHE DE ZOÉ »

M. Jean-Louis Bianco – J’aimerais que le Premier ministre réponde personnellement à ma question, comme il l’a fait avec Mme Aurillac (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), s’agissant de l’affaire des enfants de l’Arche de Zoé. Car c’est une affaire grave : le sort de 103 enfants est en jeu, dont, selon le HCR et la Croix rouge internationale, la majorité sont tchadiens et ne sont pas orphelins, ce qui signifie qu’il s’agit bien d’une opération illégale. En outre, seize personnes sont détenues, dont neuf Français – et parmi eux trois journalistes. Certains sont des hommes et des femmes de bonne foi, à l’instar du docteur Van Winkelberg, de Castellane, qui s’est rendu là-bas sans connaître les dessous de l’opération. Enfin, cette affaire risque de mettre en péril le déploiement d’une force d’interposition au Darfour ainsi que les relations franco-tchadiennes.

Les responsables de cette association avaient été reçus par le cabinet de Mme Yade et par celui de M. Kouchner, qui les ont mis en garde. Mais une mise en garde ne suffisait pas, dès lors que l’opération prévue était illégale ; il fallait les empêcher d’agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Or, le 21 août et le 9 septembre, l’armée française a transporté plusieurs membres de l’association ainsi que deux tonnes de matériel. La demande a dû nécessairement en être faite auprès de l’ambassade. Les informations sur l’opération circulaient d’ailleurs déjà parmi le personnel diplomatique ainsi que dans la communauté expatriée. Pourquoi n’avez-vous pas empêché l’opération ?

M. le Président – Veuillez poser la question. (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Louis Bianco – l’ambassadeur français a déclaré, de façon précipitée, que nos compatriotes actuellement détenus devaient être jugés au Tchad, alors qu’il existe un accord de coopération judiciaire qui ne le prévoit pas. Comment comptez-vous, Monsieur le Premier ministre, au-delà des bonnes paroles et des intentions pieuses, apporter assistance à nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme – L’État français a été à la hauteur de la situation (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et le restera. Je suis fière de ce Gouvernement qui, dès les premières rumeurs, a préféré l’excès de prudence à l’incrédulité.

Une association a décidé d’ignorer les lois et de passer outre aux mises en garde formulées par le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Le ministère des Affaires étrangères a été jusqu’à mettre en action deux procédures rarissimes : saisine, le 9 juillet, du tribunal de grande instance de Paris, et convocation du président de l’association, dont le projet a été condamné unanimement par la communauté des ONG (Même mouvement).

À ceux qui voudraient défendre la liberté d’association et l’indépendance des ONG, j’ai envie de poser les questions suivantes… (Même mouvement)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Répondez plutôt à celle qu’on vous a posée !

Mme Rama Yade, secrétaire d’État Fallait-il emprisonner préventivement les responsables de l’association ? Non. Fallait-il envoyer nos militaires à l’aéroport pour arrêter l’opération ? Non, l’Afrique de papa, c’est terminé ; la France respecte la souveraineté du Tchad.

M. Patrick Roy – Répondez à la question !

Mme Rama Yade, secrétaire d’État Fallait-il dissoudre l’association ? Non, la France est un État démocratique.

L’Arche de Zoé annonçait une opération au Darfour. Or, je me suis rendue au Darfour pour aider financièrement les vraies ONG qui travaillent avec les enfants sur place. Or, ce n’est pas au Darfour, mais au Tchad, que son opération a eu lieu. Autre dissimulation de l’association : une fois là-bas, elle a changé de nom, pour prendre celui de Children Rescue (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Chers collègues, pourriez-vous écouter la réponse de la secrétaire d’État avec un minimum de politesse ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Rama Yade, secrétaire d’État – À partir du moment où un responsable associatif décide d’agir en dehors des règles, il faut qu’il assume la responsabilité de ses actes. Les philosophes nous ont appris que la liberté suppose la responsabilité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Christian Bataille – Et vos avions ?

Mme Rama Yade, secrétaire d’État – Mais la France sera naturellement aux côtés de ses ressortissants pour faire valoir leurs droits, en particulier ceux des journalistes qui ne faisaient là que leur métier. Le Président de la République et M. Kouchner se sont entretenus avec le président tchadien. Les médecins, infirmiers et diplomates se sont rendus auprès des ressortissants français (Même mouvement).

Je vous propose également de recevoir dès demain une délégation de parlementaires, tous partis confondus, pour faire le point. Nous saurons rester fermes sur nos principes : humains avec les enfants et les ressortissants, et dignes pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

BIRMANIE

M. Axel Poniatowski – La situation en Birmanie reste très préoccupante. Depuis la levée du couvre-feu, il y a deux semaines, la junte se comporte comme une dictature autiste, paranoïaque et violente. Elle a voulu donner quelques signes d'ouverture en recevant le leader de l’opposition, Mme San Su Ki, et en autorisant la venue de l'envoyé de l'ONU, M. Gambari, au début du mois de novembre. Mais elle cherche seulement à gagner du temps, car les soldats quadrillent Rangoon et les autres villes principales, contrôlent l'accès des pagodes et des temples. Les milices et les militaires en civil sont partout. Il y a eu des dizaines de milliers d'arrestations, et elles se poursuivent.

Les moines ont disparu, les universitaires sont bâillonnés, les coupures d'électricité sont quotidiennes, les hôtels et les cafés sont vides. La révolution safran est en voie d'asphyxie, mais il est essentiel de maintenir la flamme. La semaine dernière à l'ONU, le rapporteur spécial sur la Birmanie, M. Pineiro, a alerté la communauté internationale sur la dégradation des conditions de vie du peuple birman. Conduisant une délégation paritaire de députés français, j'ai eu l'honneur de m'adresser à l'Assemblée générale des Nations unies et de faire valoir le point de vue de la France.

La Birmanie est sans doute aujourd'hui le dernier pays, avec la Corée du Nord, où la population est tenue en otage par une junte clanique et népotique. L'honneur de la France est de refuser l’oubli et la normalisation voulue par le régime de Myanmar, de tout faire pour permettre l'avènement de la démocratie et de la liberté ; il serait également souhaitable de faire figurer cet objectif en première place de toute présidence européenne, jusqu'à sa concrétisation. Quelles dispositions envisagez-vous de prendre ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme – Les informations qui nous proviennent depuis la répression de fin septembre sont extrêmement préoccupantes. De l’avis même des autorités, plusieurs milliers de personnes on été arrêtées, et nous sommes sans nouvelles de la plupart des personnalités de l’opposition. La communauté religieuse birmane a été très durement touchée.

L’Union européenne s’est engagée fermement dans le renforcement des sanctions. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a également pris une position forte, et pour la première fois le Conseil de sécurité a adopté une déclaration énumérant une série d’exigences à l’égard de la junte birmane.

Oui, il est essentiel d’entretenir la flamme, de refuser l’oubli et la normalisation. C’est ce que nous faisons, et Bernard Kouchner est actuellement en tournée en Asie pour convaincre les voisins de la Birmanie de renforcer leurs actions. Il vient de rappeler à Bangkok qu’un retour au statu quo ante n’est pas acceptable.

Merci également à vous de contribuer à l’entretien de cette flamme. Vous l’avez fait en allant vous exprimer devant l’Assemblée générale des Nations unies. C’est aussi le but de la délégation parlementaire qui envisage de m’accompagner en Birmanie.

La priorité absolue est désormais de soutenir l’émissaire spécial des Nations unies, M. Gambari, dans son travail avec la junte birmane ; mais il n’a encore rien obtenu sur les questions essentielles comme la libération des prisonniers politiques, l’accès de la Croix-Rouge aux prisonniers et le lancement d’un authentique dialogue avec l’opposition. Le 22 novembre prochain, le sommet entre l’ASEAN et l’UE nous permettra de faire le point, de renforcer la pression sur les voisins asiatiques et de pousser la junte à libérer les prisonniers politiques (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

PLAINTES D’UTILISATEURS DE LA TÉLÉPHONIE ET D’INTERNET

M. Pierre Morel-A-L’Huissier – Des consommateurs et des petites entreprises appellent régulièrement notre attention sur les arnaques dont ils sont victimes dans le secteur de la téléphonie et de l'internet – abonnements sans consentement, facturations pour des services qui n'ont pas été souscrits ou qui ne fonctionnent pas, incitations à rappeler des numéros surtaxés. Les usagers sont souvent obligés, pour faire valoir leurs droits, de passer par des hotlines coûteuses, avec des temps d'attente particulièrement longs, et ils se sentent piégés par des procédures de réclamation trop complexes. Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – En dix ans, le nombre d’abonnés au téléphone mobile a été multiplié par dix pour atteindre 52 millions, et le nombre d’abonnés à l’internet haut débit s’élève à 15 millions. Cette grande avancée ne s’est pas faite sans difficultés, et la Direction de la concurrence et de la répression des fraudes enregistre 30 000 plaintes par an dans ce secteur.

Réunis en 2004 et 2005 par M. Devedjian puis par M. Loos, les opérateurs de téléphonie et fournisseurs d’accès à l’internet avaient pris vingt engagements précis. En les réunissant à nouveau à la rentrée, M. Novelli et moi–même nous sommes aperçus que seulement sept avaient été tenus, tandis que le nombre de litiges avait encore augmenté de 19 % au premier semestre.

Le Gouvernement a donc décidé de légiférer, notamment pour plafonner le délai de résiliation – à dix jours – et le délai de restitution des cautions, ainsi que pour assurer la gratuité des temps d’attente pour les appels vers les hotlines. Vous le voyez, le Gouvernement prend ses responsabilités et agit pour le quotidien de nos concitoyens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

CARTE JUDICIAIRE

M. Manuel Valls – Personne ne conteste la nécessité de réviser notre carte judiciaire (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Mais votre méthode, Madame la garde des sceaux – passer en force, imposer plutôt que convaincre – provoque un émoi sans précédent dans le monde judiciaire. Fait exceptionnel, l'ensemble des magistrats et des fonctionnaires de justice appelle à une grève nationale le 29 novembre. Cette indignation générale est légitime car votre projet de réforme ne répond à aucun des objectifs affichés.

Il ne permet nullement de rapprocher la justice de nos concitoyens. Bien au contraire, la suppression d’une centaine de tribunaux d'instance va frapper durement les justiciables les plus vulnérables – je pense notamment à ceux qui sont engagés dans des procédures de surendettement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Richard Mallié – Démagogie !

M. Manuel Valls – L'idéal d'une « justice de proximité », au cœur de tous les discours officiels de la Chancellerie, est donc une chimère.

Votre projet ne répond pas davantage à une démarche cohérente. Les critères qui déterminent la disparition, le regroupement ou le maintien des juridictions en place sont d'une opacité troublante. Là, un tribunal est finalement sauvé in extremis ; ici, un autre est supprimé à la stupéfaction générale. Trop souvent, vos décisions semblent inspirées par le poids des élus locaux et leur appartenance politique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

Il est grand temps d'abandonner les postures belliqueuses qui peuvent servir le prestige personnel mais qui nuisent à la qualité d'un service public essentiel. Il ne suffit pas de convoquer les uns et les autres dans la précipitation pour qu'ils entendent vos verdicts ; une concertation digne de ce nom suppose qu'ils contribuent, dans la transparence, aux décisions prises…

M. le Président – Posez votre question (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Manuel Valls – Plutôt que de vous contenter de mettre en ligne les rapports des magistrats, ne devriez-vous pas vous mettre à les lire ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La concertation a débuté dès le mois de juin avec la création d’un comité consultatif où siègent les organisations professionnelles et syndicales du monde judiciaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il ne s’est jamais réuni depuis !

Mme la Garde des Sceaux  Si : il m’a, le 30 septembre dernier, remis des propositions d’ordre général qui sont désormais en ligne. D’autre part, les chefs de cour ont consulté l’ensemble des acteurs locaux de la justice, cour d’appel par cour d’appel. Ils m’ont eux aussi remis leurs recommandations, et les préfets m’ont fait part des leurs (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). C’est à partir de ces nombreuses suggestions que nous avons élaboré un projet de nouvelle organisation judiciaire.

M. Jean-Pierre Dufau – En quarante-huit heures ?

Mme la Garde des Sceaux  Cette réforme n’est ni de droite, ni de gauche…

M. Jean Glavany – Mme Dati ne fait pas de politique, c’est bien connu !

Mme la Garde des Sceaux  La carte judiciaire, établie en 1958, ne correspond plus aux conditions actuelles. Il faut, cour d’appel par cour d’appel, rénover la justice de proximité…

M. Maxime Gremetz – Vous la supprimez à vie !

Mme la Garde des Sceaux – Il y va du respect des acteurs de terrain. Je m’inspire également des travaux de Mmes Guigou et Lebranchu et de MM. Toubon, Méhaignerie et Nallet, qui tous ont tenté cette réforme. C’est à nous de la faire aboutir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FRET FERROVIAIRE

M. Louis Cosyns – Face à l’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence, la SNCF a choisi de réorienter son offre vers le transport lourd et programmé, délaissant les petits convois et autres wagons isolés, de telle sorte que 262 gares fermeront au trafic lotissement à la fin du mois prochain. Certain besoins locaux seront donc ignorés.

Pour les satisfaire, M. Chauvineau préconise la création d’opérateurs de proximité afin de rapprocher les zones à faible trafic des zones plus denses et à augmenter les flux logistiques régionaux. Les PME ne seront donc pas dans l’obligation de recourir à la route.

Néanmoins, il faudra, semble-t-il, attendre la fin 2008 pour que ces opérateurs soient en état de marche. Le Gouvernement demandera-t-il à la SNCF de repousser les 262 fermetures de gares programmées jusqu’à cette date, afin de répondre aux attentes des entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Lors de son discours de clôture du Grenelle de l’environnement, le Président de la République a insisté sur le développement du transport fluvial, maritime et ferroviaire aux dépens de la route. Partout, en Europe, les groupes ferroviaires reconquièrent peu à peu le marché du fret. Ce n’était pas jusqu’ici le cas en France. La SNCF prend donc légitimement les mesures qui s’imposent pour y parvenir.

Le fret ferroviaire est adapté aux longues distances. La SNCF comme d’autres grands opérateurs sont moins compétitifs sur les réseaux de proximité. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite permettre à d’autres acteurs – collectivités, artisans, entreprises – de rapporter les wagons isolés au trafic de masse (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. André Chassaigne – Voilà votre solution !

M. le Secrétaire d'État – C’est grâce à trois cents sociétés de ce type que le rail allemand regagne du terrain – plus de la moitié des marchandises entrant dans le port de Hambourg en sortent par le train. C’est grâce à ces « short lines » que le rail américain domine le marché. C’est aussi ce que nous souhaitons faire en France. D’ici là, des solutions intérimaires seront trouvées pour répondre aux attentes des entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT DES FRANÇAIS ET DE LEUR PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Mme Aurélie Filippetti – Les Français s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat, ils craignent la précarité. Et pour cause : pour 90 % des Français les plus pauvres, le pouvoir d’achat n’a progressé que de 4 % en huit ans, contre 40 % pour le centième le plus riche du pays. Ils ignorent encore qui paiera la note – quinze milliards, soit l’équivalent de 2 points de TVA – des cadeaux fiscaux de l’été (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ils s’inquiètent aussi des « franchises médicales », qui ne sont rien de moins qu’une taxe sur la maladie, et constatent avec anxiété la flambée des prix. Hélas, ce sont, comme de coutume, les retraités, les travailleurs pauvres et les familles monoparentales qui vont payer le prix de votre politique !

Et dans un tel contexte, quelle grande mesure de justice sociale le Gouvernement choisit-il de prendre ? Une hausse de 140 % de l’indemnité du Président de la République (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Quel exemple pour nos concitoyens ! N’y a-t-il pas plus grande injustice à réparer ? Y aurait-il une telle compétition entre le Président de la République et son Premier ministre qu’il faille sur-le-champ aligner leurs rémunérations ? Est-ce là une urgence pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Madame la députée, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le départ de M. le Premier ministre et de Mme la ministre de l’intérieur. Un très grave accident vient de se produire à Bondy et ils se sont rendus sur place pour témoigner leur solidarité aux victimes.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de la politique du Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat des ménages (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Nous aurons tout à l’heure un débat à ce sujet et je ne doute pas que vous aurez à cœur d’y participer.

S’agissant de la rémunération du Président de la République, je rappelle que jusqu’à présent, le chef de l’État fixait lui-même le montant de son traitement (« Avec tact et mesure ! » sur les bancs du groupe SRC). Vous ne nous reprocherez donc pas de laisser dorénavant au Parlement le soin de le faire, en toute transparence, et conformément d’ailleurs à une proposition de votre collègue René Dosière, que, j’en suis sûr, vous ne manquerez pas de soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 15.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2008 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Permettez-moi de revenir, en mon nom et en celui de Mme Bachelot, de M. Bertrand et de Mme Létard, sur les principales avancées de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En votant ce texte, vous ferez d’abord le choix de la responsabilité. Fixé à 2,8 %, le taux de progression de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie reste modéré et surtout réaliste, car les réformes que nous vous proposons permettront de le respecter – tarification intégrale à l’activité, franchise destinée à financer ces grandes priorités de santé publique que sont le cancer, la maladie d’Alzheimer et les soins palliatifs, meilleure répartition géographique des professionnels de santé, expérimentation de nouveaux modes de rémunération, contractualisation – dans le cadre du volontariat – en matière d’objectifs de bonne pratique, et enfin extension des missions confiées à la Haute autorité de santé au champ médico-économique. Ces mesures structurelles vont accélérer la modernisation de notre système de santé et garantir son avenir.

L’État prend également ses responsabilités en rétablissant la clarté et la sincérité de ses comptes. Réalisant un effort sans précédent, il a remboursé, le 5 octobre dernier, sa dette de 5,1 milliards envers le régime général, et il reprendra à sa charge, en loi de finances rectificative, une dette de 619 millions envers le BAPSA. J’ajoute que nous allons rapidement organiser une concertation en vue d’établir un schéma de redressement du fonds de financement des prestations sociales agricoles.

Cet effort sans précédent devant être durable, nous avons également veillé à actualiser les crédits affectés aux dispositifs financés par l’État, mais gérés par la sécurité sociale, et nous compenserons intégralement l’impact des mesures relatives aux heures supplémentaires. Cette compensation sera solide, car il ne s’agit pas d’une simple dotation, mais d’un transfert de recettes fiscales.

Nous sommes en outre parvenus à un bon compromis sur les exonérations consenties aux organismes d’intérêt général implantés dans les zones de revitalisation rurale. Je tiens à remercier tous les parlementaires qui ont participé à l’élaboration de cette solution, adoptée à l’unanimité (Applaudissements sur les bancs de la commission).

Notre troisième responsabilité, c’est de lutter plus efficacement contre la fraude. Grâce à ce texte, nous changerons d’échelle : les contrôles seront facilités et les sanctions renforcées. Je me félicite que ces mesures aient été encore confortées par voie d’amendement. C’est un bon début, et j’aurai l’occasion de revenir prochainement devant l’Assemblée pour présenter de nouvelles dispositions.

En votant pour ce texte, vous ne ferez pas seulement le choix de la responsabilité, mais aussi celui de la solidarité. Nous renforcerons tout d’abord la solidarité qui unit tous les acteurs de la protection sociale, car les efforts demandés seront équitablement répartis (« Certainement pas ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC). Tous les acteurs concernés seront sollicités – État, patients, professionnels de santé, entreprises, industrie des produits de santé.

Nous conforterons également la solidarité entre les générations en prolongeant l’activité des seniors. Comme l’a inlassablement répété M. Bertrand, ce projet de loi dissuadera plus efficacement les entreprises de faire partir en préretraite ou en retraite les salariés âgés de plus de 55 ans.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du budget C’est une étape essentielle dans la voie du redressement des comptes de l’assurance vieillesse. Je remercie en particulier M. Bur, qui a amélioré le texte en proposant de supprimer le dispositif de départ anticipé en retraite entre 2010 et 2014.

À cela s’ajoutent des efforts en faveur des familles, notamment les plus modestes : nous adapterons en effet les prestations aux besoins des allocataires et nous simplifierons les démarches.

La troisième forme de solidarité dont nous vous proposons de faire le choix concerne les revenus. En effet, chacun doit contribuer à la protection sociale en fonction de ses revenus (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC). Nos débats ont enrichi ce projet de loi en y insérant une contribution sur les stock-options et les actions distribuées à titre gratuit.

Responsabilité et solidarité sont les piliers de notre République. C’est en nous appuyant sur ces valeurs que nous réduirons les déficits en 2008. Ce sont également ces valeurs qui ont permis de modifier ce projet de loi sans toucher à ses grands équilibres.

Pour la qualité de leurs interventions, je tiens à remercier le président de la commission des affaires culturelles, M. Méhaignerie, celui de la commission des finances, M. Migaud, ainsi que tous les rapporteurs du texte : MM. Bur, Door, Jacquat, Féron et Mme Montchamp. Merci également à tous les parlementaires qui ont participé à nos débats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ce premier PLFSS de la législature appelle d’autres réformes destinées à redresser durablement les comptes sociaux. Nous avons tous conscience que ce texte est certes une étape importante, puisqu’il réduit notablement les déficits, mais qu’il faudra poursuivre les efforts en engageant trois grandes concertations sur le financement de la protection sociale, sur celui de la santé et sur les retraites.

Si nous avons présenté sans fard la situation financière de la sécurité sociale et si nous avons entrepris sans tarder des réformes, c’est que nous avons fait le choix de la responsabilité afin de garantir la solidarité. Nous partageons tous cette ambition et, tous, nous voulons préserver le contrat social qui nous unit. Voilà ce qui justifie le vote de ce PLFSS (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Luc Préel – Ce PLFSS prévoit la somme considérable de 422 milliards d'euros pour financer les retraites du régime général, la politique familiale et les dépenses de santé remboursables.

Après la réforme des retraites en 2003 et celle de l'assurance maladie en 2004, le Gouvernement s'était engagé à rétablir l'équilibre des comptes sociaux en 2007. Las, nous en sommes loin, car le déficit atteindra 15 milliards d'euros, une fois pris en compte le FFIPSA. Rien n'est prévu pour financer ce déficit, hormis une autorisation d'emprunt colossale de 47 milliards, dont 36 milliards pour le régime général et 8,4 pour le régime agricole. Les perspectives sont particulièrement inquiétantes pour 2012, avec un déficit accru de 42 milliards.

Or, pour le Nouveau Centre, c'est à chaque génération qu’il revient de financer ses propres dépenses. Le ministre des comptes sociaux s'est toutefois engagé à revoir le financement général de la protection sociale en 2008.

S’agissant de la branche « famille », nous notons avec satisfaction que l'allocation de rentrée scolaire sera modulée en fonction de l'âge de l'enfant. Nous regrettons en revanche qu’un seul article concerne la branche vieillesse et que la revalorisation des retraites soit très faible en 2008 – il sera très difficile de faire accepter un taux d’augmentation de seulement 1,1 %, même si un nouveau rendez-vous est prévu en cours d'année.

Pour ce qui est de l'assurance maladie, cœur de ce PLFSS, je regrette que le Parlement se prononce sur les seules dépenses remboursables. Pourquoi ne pas organiser chaque année un débat sur la politique de santé, la prévention, l’éducation et l'accès aux soins ? L'article essentiel de ce texte concerne l’ONDAM, systématiquement sous-estimé, puis dépassé et réactualisé chaque année, faute d’être médicalisé. Pour cette année, l’ONDAM s’élève à 152 milliards d’euros, soit une hausse de 2,8 % – 2 % pour les soins de ville et 3,2 % pour les établissements de santé. Cet objectif sera-t-il tenu ? On peut l’espérer, mais il faut se souvenir que les dépenses de soins de ville ont augmenté de 4,5 % en 2007 et que les établissements sont déjà en déficit – il leur manque au moins un milliard.

La T2A doit passer à 100 % pour les hôpitaux, mais son application est très technocratique. Que deviendront les MIGAC ? Les tarifs baisseront-ils si l’activité augmente ? Comment accompagnerez-vous les restructurations ?

Les articles 32 et 33, relatifs à la démographie médicale ont été modifiés. Le Nouveau Centre propose, avant de prendre d’éventuelles mesures coercitives, de privilégier les incitations à l’installation de médecins dans les zones déficitaires, telles que des stages en médecine générale, un numerus clausus régional par spécialités, l’implantation de maisons de santé et l’attribution de bourses.

L’objectif que vous assignez aux franchises médicales a varié, mais elles ne responsabiliseront pas plus le patient qu’elles ne procureront d’économies. Les assurés souffrant de pathologies graves comme le cancer, le sida ou la sclérose en plaques n’en seront pas exonérés. Seuls quelques contrats d’assurance complémentaires onéreux, réservés aux Français les plus riches, prendront en charge ce nouveau coût. C’est la raison pour laquelle le Nouveau Centre préconise la franchise cautionnée, qui responsabilise le patient tout au long de l’année.

Ce PLFSS présente plusieurs éléments inquiétants, comme le non-financement des déficits. Toutefois, le ministre des comptes sociaux s’est engagé à apporter des solutions en 2008, afin que nos enfants n’aient pas à payer nos dettes. L’année prochaine, les États généraux de la santé étudieront les problèmes de formation, de démographie médicale et d’installation. La même année verra la mise en place des agences régionales de santé, que nous appelons de nos vœux depuis longtemps, et qui permettront de régionaliser la santé. C’est dans cette perspective que, malgré de nombreuses réserves, le Nouveau Centre votera ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Philippe Vitel – Le débat a été riche, vivant et passionné. Durant ces longs travaux, nous avons voulu faire preuve de pragmatisme et de modernité, ainsi que de fidélité à un système auquel les Français sont très attachés. Ils nous a aussi fallu relever le défi de l'équilibre financier d'un système toujours déficitaire. C’est dans la concertation et la confiance, et non pas dans la rigidité et la coercition que nous voulons nous placer. Ce PLFSS 2008 pose les bases d’une réforme structurelle – à laquelle s’est engagé le Président de la République – où chaque acteur est mis à contribution, les efforts pour une réduction du déficit et pour la maîtrise des dépenses devant être partagés.

Nous avons abordé sans tabous ni complexes les trois défis que la branche maladie doit relever : la permanence des soins et la démographie médicale ; la réforme hospitalière ; le parcours de soins. La dépendance, la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, la solidarité à l’égard des personnes âgées et handicapées ont bénéficié d’un effort sans précédent. L’emploi des seniors et l’extinction des mécanismes incitant à la sortie prématurée du marché du travail ont fait l’objet d’une attention particulière. S’agissant de la branche famille, les actions en faveur des familles les plus modestes ont été les axes forts de notre politique.

De nombreux amendements ont été retenus, d’autres ont contribué à enrichir le débat, soulevant des questions auxquelles il vous appartiendra, Mesdames et Messieurs les Ministres, de répondre le plus rapidement possible. Le groupe UMP votera avec enthousiasme et détermination ce PLFSS, qui prépare les grands rendez-vous de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Marie Le Guen – Jamais un PLFSS n’aura été aussi peu porteur d’avenir. Nous en sommes convaincus – et du reste, M. Woerth y a fait allusion – il ne se passera que quelques mois avant que l'Assemblée nationale soit appelée à voter de nouvelles mesures drastiques.

Ce projet de loi est injuste et insuffisant. Les promesses de la campagne électorale ont été vite oubliées, telle l’allocation au premier enfant ou l’engagement – ahurissant et démagogique – d’augmenter de 25 % le minimum vieillesse : le PLFSS prévoit seulement une hausse de 1,1 % des retraites, inférieure à l’inflation (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) !

Le texte témoigne aussi de l’incapacité de cette majorité à résoudre une double crise. La crise financière est connue et répétitive. C’est le sixième budget consécutif qui reporte, de façon immorale et insupportable, le déficit sur les générations futures. Ces 10 milliards reportés représentent deux points de cotisation solidarité ! La dette accumulée par cette majorité excède 50 milliards. Tels une entreprise au bord du dépôt de bilan, vous en êtes réduits à cacher vos dettes dans les déficits de trésorerie. Aujourd’hui, le découvert atteint 35 milliards, un niveau tel que vous serez obligés – après les élections municipales s’entend – d’augmenter la CRDS et de taxer tous les revenus pour solder vos dettes !

La crise sanitaire, quant à elle, prend de l’ampleur. L’accès aux soins est menacé par la désertification médicale, qui gagne de nouveaux terrains, par la multiplication des dépassements d’honoraires, et même, en ce qui concerne les bénéficiaires de la CMU, par le refus de certains praticiens de les admettre en consultation. À la sélection « géographique » s’ajoute donc la sélection par l’argent. En outre, l’application de la T2A aux hôpitaux, qu’ils soient de proximité ou d’excellence, les plonge dans une situation difficile.

Vous n’avez trouvé qu’une solution à ces problèmes : les franchises. Avec ces taxes, qui frappent déjà nos concitoyens, vous avez inoculé à la sécurité sociale un virus contre la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Notre système de santé, désemparé, est aujourd’hui la proie des fonds de pension, qui viennent profiter des taux de rentabilité exceptionnels des cliniques privées ou des laboratoires. Par votre incurie et votre inaction, vous laissez se détruire notre système de santé – que vous taxez de « meilleur du monde » pour le mettre à la remorque du profit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Martine Billard – L’enquête INSEE, parue en octobre et intitulée « la santé des plus pauvres », montre que les personnes aux revenus les plus faibles, qui sont les plus nombreuses à souffrir de certaines pathologies, consultent en moindre nombre les médecins généralistes, a fortiori les spécialistes.

Pourtant, le PLFSS va aggraver les inégalités dans l’accès aux soins avec la création de nouvelles franchises, que vous présentez comme devant financer la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Ces 50 euros – anecdotiques selon vous – s’ajoutent aux 50 euros de franchises créées en 2004, sans compter les trop nombreux dépassements d’honoraires. Faut-il le rappeler aux Français ? Leur montant pourra être augmenté chaque année par décret.

Vous vous targuez d’exonérer de ces franchises les bénéficiaires de la CMU, mais vous ne pouvez pas faire autrement, pour des raisons techniques. Ces franchises portent atteinte au principe de solidarité entre bien portants et malades, puisqu’elles frappent ces derniers. Les personnes victimes d’une affection de longue durée et disposant de faibles revenus seront doublement atteintes. En effet, selon la CNAM, les bénéficiaires de la CMUC sont plus nombreux à être malades ; les ALD sont 77 % plus fréquentes dans cette population. Pourtant, vous avez rejeté les amendements visant à exonérer les malades en ALD – cancer, sida, Alzheimer – et les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Il fallait responsabiliser les employeurs et les convaincre de mener des politiques de prévention ; vous diminuez les rentes d’accident du travail, vous introduisez une suspicion sur les arrêts de travail, vous taxez les malades. Il fallait améliorer les petites retraites ; vous accordez une augmentation inférieure à l’inflation, vous augmentez la CSG sur les préretraites. Il fallait responsabiliser les titulaires de revenus financiers ; la position du Gouvernement n’est même pas claire sur l’amendement de M. Bur qui ne taxe les stock-options qu’à 2,5 %.

Vous parlez souvent d’équité, pour demander à ceux qui ont peu. Elle disparaît quand il s’agit de ceux qui ont le plus.

Vous démantelez l’hôpital public en étendant la tarification à l’activité et en poussant les établissements dans une course à la rentabilité, sans égard pour les besoins. Pourtant, selon la Cour des comptes, la T2A provoque une dérive non maîtrisée des dépenses de santé.

Ce PLFSS n’est ni ambitieux ni réaliste. Il est le faire-part de décès de la réforme Douste-Blazy de 2004. L’équilibre financier n’a pas été rétabli, le dossier médical personnel n’est pas en application, le parcours de soins se réduit à un contrôle comptable. La santé est la grande absente de ce débat. Du reste, les grands rendez-vous annuels prévus par la loi de 2004 ont disparu. La réduction des risques sanitaires environnementaux qui permettrait de diminuer le nombre d’affections de longue durée n’est pas prise en compte et les conclusions du Grenelle de l’environnement sur les pesticides ne sont guère encourageantes.

Faute de donner des orientations pour la santé, vous en êtes réduits au suivi financier à la petite semaine. Après l’anesthésie électorale du printemps, le réveil promet d’être douloureux. Chacun risque alors d’être renvoyé vers une responsabilité individuelle, en rupture avec notre système de solidarité. C’est pourquoi les députés Verts, communistes et républicains et des DOM-TOM du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront contre ce budget.

À la majorité de 294 voix contre 213 sur 512 votants et 507 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 50 est reprise à 17 heures 10 sous la présidence de M. Rudy Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES
vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – SECONDE PARTIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

POUVOIRS PUBLICS – CONSEIL ET CONTRÔLE DE L’ÉTAT

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux pouvoirs publics, ainsi qu’au conseil et au contrôle de l’État.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances pour le conseil et le contrôle de l’État La mission dont je suis rapporteur spécial comporte depuis 2005 trois programmes : Conseil d'État et autres juridictions administratives ; Conseil économique et social ; Cour des comptes et autres juridictions financières. Soit trois entités distinctes et autonomes, ce qui m’avait amené à parler d' « hybride budgétaire ». Mais un hybride peut vivre longtemps !

Depuis que je suis rapporteur spécial, ma méthode consiste à analyser la gestion des institutions concernées, pour en relever les éventuelles carences. Nous avons en outre à apprendre de l’application de la LOLF sur le terrain. Il m'avait ainsi paru à propos de laisser à chacun de ces programmes le temps de faire ses preuves. Trois ans plus tard, le moment est venu de dresser un bilan. La mission a trouvé ses marques, les trois acteurs ont bien intégré les règles du jeu et concourent utilement à la mise en œuvre de la LOLF. Elle a permis d'acquérir une véritable autonomie de gestion à deux programmes, et en particulier à la Cour des comptes, qui s'est un peu plus affranchie de la tutelle de Bercy. L'effort de pédagogie dont je me voulais porteur a porté ses fruits.

Les volumes financiers sont limités : 491,30 millions en autorisations d'engagement et 497 millions en crédits de paiement. Par ailleurs, ce budget est constitué à hauteur de 80 % par des dépenses de personnel.

S’agissant du programme « Conseil économique et social », les observations que j'avais émises l'an dernier concernant l'absence d'actions et d'indicateurs de performance ont été suivies d'effet, le Conseil ayant pris conscience des avantages qu'il pouvait en retirer. Le programme a ainsi été découpé en trois actions.

La première, « Représentation des activités économiques et sociales », concerne la mission première de l'institution, qui est de représenter la société civile auprès des pouvoirs publics. La seconde, « Fonctionnement de l'institution », correspond aux moyens humains et techniques mis en œuvre. La troisième, « Communication et international », souligne son travail d'expertise auprès de pays étrangers souhaitant se doter d'un conseil économique et social.

Ensuite, de nouveaux indicateurs de performance ont été retenus, tel l'indicateur « fonctionnement », particulièrement pertinent puisqu'il évalue les dépenses de fonctionnement par membre.

Enfin, troisième progrès, une cible est désormais mentionnée pour chaque indicateur.

Doté de 36,30 millions en autorisations d'engagement et crédits de paiement, le budget du CES affiche la modeste progression de 1,05 %, et le nombre d'emplois reste stable à 162. C'est un budget contraint, les dépenses étant principalement constituées par les indemnités allouées aux conseillers et membres de section. Il intègre l'augmentation du nombre de conseillers, qui passe de 231 à 233 afin d'assurer la représentation de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy dans le groupe de l'Outre-mer.

Le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » est le principal de la mission, tant pour les crédits que pour les emplois.

Son budget – 267,5 millions en autorisations d'engagement et 266 millions en crédits de paiement – progresse de 4,1 %, hors dotations pour loyers budgétaires et caisse des pensions. 2958 emplois lui sont affectés, soit 60 créations, liées à l'imparfaite exécution de la loi de programmation pour la justice – qui se termine en 2007.

Les dépenses de personnel sont les plus importantes, mais en dépit de revalorisations, le régime indemnitaire des magistrats administratifs risque de « décrocher » par rapport aux autres corps de la haute fonction publique, notamment celui des magistrats des juridictions financières. C’est un point d'autant plus délicat que l’on veut encourager le détachement de fonctionnaires afin de combler les départs à la retraite massifs.

Le fait marquant sera l'ouverture en septembre prochain du tribunal administratif de Toulon, qui absorbera 30 emplois et dont le coût total est estimé à près d’un million.

Créations d'emploi et ouverture d'un nouveau tribunal sont plus que nécessaires face à la progression continue du contentieux administratif – 10 % de hausse en 2007. Le contentieux des étrangers continue d'augmenter, bien plus encore avec la nouvelle procédure d’ « obligation de quitter le territoire français », et un autre monte en puissance, celui qui concerne les retraits de points sur le permis de conduire du fait des radars automatiques, qui a augmenté de 146 % entre 2005 et 2007. L’on attend en outre à partir de décembre 2008 l’explosion d'un contentieux relatif au droit opposable au logement. Le Rapporteur spécial que je suis a été alerté par les syndicats de magistrats administratifs sur la charge de travail supplémentaire qui résulte de ces évolutions.

Des objectifs réalistes ont été fixés et les cibles ont été reconduites, la réduction des délais des jugements ne pouvant se faire au détriment de la qualité. Mais permettez-moi de regretter que cette augmentation du contentieux soit le corollaire de nouvelles lois qui, en matière de politique d'immigration, appellent à faire du chiffre...

Enfin, le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », qui se doit d'être exemplaire, poursuit ses progrès.

La Cour des comptes a su relever plusieurs défis, en particulier la certification des comptes de l'État à partir de cette année. Ce type de mission risque de se développer : la loi sur l'autonomie des universités prévoit la certification de leurs comptes. M. Séguin m'a fait part de sa préoccupation à ce sujet, d'autant que la question de la certification des comptes des collectivités territoriales ne tardera pas à être de nouveau posée.

Le développement de réelles compétences en matière de gestion de ressources humaines n’est pas un défi moindre, les départs à la retraite devant concerner d'ici à 2010 la moitié des magistrats, à un moment où le nombre de recrutements à l'issue de l'ENA tend à diminuer.

De 187,4 millions en autorisations d'engagement et 194,7 millions en crédits de paiement, le budget du programme progresse de 5,9 % hors dotations pour loyers budgétaires. 1 840 emplois sont inscrits, soit 11 de moins – principalement en catégorie C, du fait de l'externalisation des tâches de sécurité. Les dépenses de personnel reflètent l’indépendance vis-à-vis de Bercy et l'achèvement de l'autonomie de gestion. 1,7 million sont consacrés à des mesures catégorielles. À noter, la diminution des mises à disposition, avec la création en septembre 2008 d'un corps commun d'attachés des juridictions financières de catégorie A.

Il faut aussi remarquer la forte progression des dépenses d'investissement, qui passent de 3 à 10 millions en crédits de paiement, en raison des travaux de rénovation de la tour des archives, chantier qui permettra à terme de valoriser le patrimoine de la Cour.

Suivant mon avis eu égard aux progrès des trois programmes, la commission des finances a adopté les crédits de la mission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances pour les pouvoirs publics – Les dotations que recouvre cette mission sont celles de la Présidence de la République, de l'Assemblée Nationale, du Sénat, de La Chaîne Parlementaire, des indemnités des représentants français au Parlement européen pour la seconde année, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de la République, ainsi que de la Haute Cour de justice, qui figure pour mémoire mais n'est traditionnellement pas abondée. J'ai fait le choix cette année de consacrer un chapitre distinct à chacune d'entre elles. Le total de leurs crédits s'élève à 939,15 millions, soit une progression de 2,23 %.

La mission « Pouvoirs publics » a pour spécificité de ne pouvoir donner lieu à des évaluations de performances. Il convient en effet, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision du 25 juillet 2001, d'« assurer la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs ». La jurisprudence du Conseil constitutionnel a par ailleurs souligné qu'il ne saurait être fait obstacle à « la règle selon laquelle les pouvoirs publics constitutionnels déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement ».

Mon objectif a consisté à apporter à l'Assemblée nationale l'information la plus complète possible, et ainsi à faire vivre le principe posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en vertu duquel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Ayant souhaité rencontrer les principaux acteurs de chacun des pouvoirs publics, j'ai pu m'entretenir librement avec Mme Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du Président de la République, avec M. Richard Mallié, premier questeur de l'Assemblée nationale, avec M. Jean Faure, alors questeur délégué du Sénat, avec M. Richard Michel, président-directeur général de LCP-AN, avec M. Jean-Pierre Elkabbach, président-directeur général de Public Sénat, avec M. Jean-Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel, et avec M. Henri Le Gall, Président de la Cour de justice de la République. Pour la quasi-totalité d'entre eux, cet entretien constituait une première, et pour tous, un gage de bonne volonté. Je les remercie vivement de l’éclairage qu’ils m’ont apporté.

La dotation de la Présidence de la République est sans doute celle qui suscite le plus d'intérêt, même si elle ne représente actuellement qu'un peu moins de 3,5 % de l'ensemble des crédits de la mission. Elle devait s'élever en 2008 à 32,29 millions, soit une stabilisation en volume, dans l'attente de décisions relatives au contrôle des crédits de l'Élysée. En l'état, beaucoup de dépenses n'y sont pas retracées, notamment celles concernant le personnel travaillant à l'Élysée, essentiellement constitué de fonctionnaires mis à disposition et payés par les administrations centrales de l'État. La prise en compte de la réalité du périmètre conduirait au minimum à tripler la dotation, qui pourrait atteindre 100 millions. Le Président de la République avait indiqué avoir sollicité en ce sens le comité de réflexion sur la modernisation des institutions.

Jamais sans doute rapporteur n'aura vu une partie de ses recommandations suivies d'effet aussi rapidement : mon rapport, disponible en ligne depuis vendredi minuit, était en distribution depuis hier, et le Gouvernement a déposé deux amendements dans la nuit ! (Sourires)

Le premier vise, dans un souci de transparence, à réintégrer dans le budget de l'Élysée l'ensemble des dépenses qui n'y sont pas retracées, et propose par conséquent une modification substantielle de la dotation. Je ne peux que me féliciter du respect des engagements pris ; la rémunération du Président de la République, qui devait également être clarifiée, fait l'objet du second amendement. Il restera à préciser les questions relatives à l'information qui doit être fournie au Parlement, ainsi qu’au statut des anciens Présidents de la République.

En tout état de cause, je me réjouis que cette nécessaire clarification ait pu finalement avoir lieu devant l'Assemblée nationale car elle doit, en vertu du rôle qui lui est conféré par la Constitution en matière de loi de finances, avoir la priorité.

Enfin, s’agissant des crédits de l’Élysée, le Parlement doit jouer tout son rôle de contrôle. La Cour des comptes doit, comme le propose la commission Balladur, en être chargée pour ce qui concerne la certification des comptes, mais la transparence de l’information relève plutôt de l’exercice de la démocratie représentative.

M. René Dosière – Tout à fait !

M. Jean Launay, rapporteur spécial – Quant aux autres dotations, celle de l'Assemblée nationale marque un retour à la rigueur au point de diminuer en volume. Avec près de 534 millions, elle concentre tout de même 57 % des crédits de la mission, mais la maîtrise des charges de fonctionnement et la diminution des investissements sont ses traits majeurs.

La dotation du Sénat progresse de 4,2 % compte tenu du renouvellement partiel et de l’accroissement du nombre de sénateurs, ainsi que d’un effort d’investissement, pour dépasser 327 millions.

L’augmentation de la dotation de La Chaîne parlementaire est due aux contraintes de la TNT. Son coût n’est du reste pas excessif comparé à celui d’autres chaînes. Les questions budgétaires, en l’occurrence, ne peuvent pas être distinguées du fonctionnement même de ces deux chaînes – celle de l'Assemblée nationale et celle du Sénat – réunies sur un même canal, et de leur rôle au service de la démocratie. La fusion serait sans doute contraire au principe du bicamérisme, mais il faudra peut-être réfléchir à la création d’un canal distinct pour chacune des deux chaînes, afin de mieux valoriser l’action du Parlement.

Les indemnités des députés européens, stables, sont rattachées à la mission pour la seconde année. Elles pourraient évoluer dès 2009, lorsqu’elles seront, sauf dérogation, fixées par le Parlement européen lui-même.

La dotation du Conseil constitutionnel progresse de 7 %, car les services de garde statique, jusqu’alors assurés par la gendarmerie, sont désormais facturés par le ministère de la défense. Les crédits demandés, qui atteignent cette année 7,75 millions, dépendent de l’activité cyclique de l’institution, qui veille par ailleurs à modérer ses dépenses.

La Cour de Justice de la République, enfin, dispose de la dotation la plus modeste de la mission : moins de 875 000 euros, soit à peine 0,1 % de l’ensemble. Exemplaire, la Cour pratique une gestion rigoureuse qui la conduit à restituer les excédents non utilisés en fin d’année.

En somme, aucune raison ne s’oppose à l’adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » modifiée par les deux amendements du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. René Dosière – Depuis près de six ans, je fais d’étonnantes découvertes sur la Présidence de la République : opacité budgétaire totale et absence de toute règle écrite, explosion des dépenses – multipliées par neuf au cours des mandats de M. Chirac – et bric-à-brac de crédits dissimulés s’ajoutant à la dotation, sans oublier la rémunération du Président, fixée par lui-même et entretenant de ce fait la confusion entre dépenses publiques et dépenses personnelles. Depuis six ans, donc, je réclame un budget transparent, un contrôle des comptes de la Présidence, une rémunération fixée par la loi et un statut juridique du conjoint. J’ai encore en mémoire les sarcasmes de certains membres de la majorité, au premier rang desquels M. Copé, qui me traitait de démagogue ou d’inconscient, arguant que le budget de l’Élysée, auquel je ne comprenais rien, était parfaitement transparent.

Et voici pourtant que le Gouvernement nous propose un budget de vérité, le contrôle des comptes et la fixation de la rémunération par la loi. S’il y a un député pour se réjouir, c’est bien moi ! Nul doute que M. Copé votera avec enthousiasme ces mêmes dispositions qu’il combattait hier !

Reste que les intentions doivent se traduire par des actes. Ainsi, le rapport d’activité qui complètera l’information du Parlement sera-t-il aussi fourni que celui, de cent cinquante pages, que remettent les questeurs de l'Assemblée nationale, ou s’en tiendra-t-il aux trois pages actuelles ? Et sera-t-il diffusé en ligne, par souci de transparence ?

La Constitution nous impose de respecter l’autonomie financière de la Présidence. L’Assemblée ne peut donc en diminuer les crédits, pourtant issus de l’impôt. Pour autant, autorité ne signifie pas impunité ! Nous devons exercer notre droit de contrôle a posteriori comme nous contrôlons l’impôt.

Au cours de toutes ces années, j’ai toujours souhaité, malgré les sarcasmes, la transparence du budget de la Présidence. L’opacité suscite la suspicion, et la transparence l’adhésion des citoyens. À ce titre, je me réjouis des propositions de la commission Balladur : la Présidence, première des institutions, doit être irréprochable. Croyez bien que je veillerai à l’application des bonnes intentions que vous manifestez aujourd’hui ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jérôme Chartier – Je vous ai applaudi, Monsieur Dosière, pour saluer votre persévérance et votre justesse, d’ailleurs couronnées l’an dernier par la publication d’un best-seller. Notre tâche est de trouver le juste équilibre entre la séparation constitutionnelle des pouvoirs et le nécessaire contrôle de la dépense publique. S’agissant des comptes de la Présidence, qui ne constituent qu’une partie du programme, la Cour des comptes et le Parlement peuvent accomplir de concert leur mission de contrôle sans affecter l’autonomie financière de l’institution. Le travail de M. Launay explore d’ailleurs des pistes intéressantes en la matière. Les contours de cette mission restent à définir : s’agissant d’autonomie financière, rien n’est écrit, en effet. C’est à la jurisprudence qu’il reviendra de préciser les conditions de notre contrôle.

Contrôle et transparence sont les maîtres mots de ces deux missions. La mission d’assistance au Parlement dans son activité de contrôle représente un peu plus du quart de l’activité de la Cour des comptes et cette tâche, qui lui est assignée par la Constitution, est effectuée en bonne intelligence. En revanche, la mission de certification des comptes de l’État que lui confie la LOLF me laisse perplexe. Cette année, ce coûteux exercice – 1,7 million de crédits supplémentaires – a conduit la Cour à assortir sa certification de treize réserves substantielles. Or on ne peut pas imaginer un seul instant que la Cour des comptes refuse de certifier les comptes de l’État. Dès lors, la démarche de certification est-elle bien utile, d’autant que l’on n’y consolide pas les comptes des collectivités locales ? Je souhaite donc que l’on poursuive la réflexion sur l’utilité de cette certification des comptes.

Enfin, je me réjouis de l’intégration de la rémunération des députés au Parlement européen dans la mission « Pouvoirs publics » : en tant que rapporteur de la mission relative à l’action extérieure de l’État, j’avais en effet demandé que cette ligne figure dans cette mission, où elle trouve naturellement sa place.

Bien entendu, le groupe UMP votera les crédits de ces deux missions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont – Créée en décembre 1999 sur la proposition de M. Fabius, la Chaîne parlementaire a droit cette année, grâce à notre rapporteur spécial Jean Launay, à un chapitre particulier qui nous permet de tirer un bilan de son action. On peut ainsi s’intéresser à son financement et au rôle qu’elle joue dans la promotion de la démocratie et de la citoyenneté, alors que le temps est venu de valoriser son action.

Il y a quelques années, siégeant à l’époque dans l’opposition, l’un de nos collègues n’avait pas de mots assez durs pour stigmatiser cette chaîne et il défendait régulièrement un amendement demandant qu’on lui retire tous ses crédits. J’ai le sentiment que le vent a tourné et que plus personne ne met en cause l’existence de LCP, chacun s’attachant plutôt à envisager le moyen de la développer.

Pourquoi certaines zones du territoire national restent-elles non couvertes par la TNT ? Celle-ci a eu un effet très positif sur le niveau d’audience des deux chaînes, celle du Sénat et celle de l'Assemblée nationale. En 2008, l’ensemble coûtera un peu plus de 28 millions, ce qui traduit une augmentation sensible, opportunément mise au service de l’amélioration des technologies de diffusion, en vue d’améliorer la couverture territoriale. Naturellement, nous ne pouvons qu’y souscrire.

Il n’empêche que les lignes éditoriales respectives des deux chaînes diffèrent sensiblement. Ici même, le choix du direct, du partenariat avec de grands hebdomadaires et des débats valorise l’action parlementaire. Nul n’a oublié le retentissement de la diffusion en direct des auditions de la commission Outreau. Et heureusement qu’il reste aujourd’hui une mémoire magnétique pour rappeler les engagements pris à l’époque. La Chaîne parlementaire aidera chacun à se souvenir que certaines dérives ne doivent jamais se reproduire. Il est bon que le Parlement fasse son œuvre, pas sous le coup de l’émotion médiatique, mais en toute sérénité, après avoir pris le temps de la réflexion et du débat. La loi ne fait pas tout, mais elle est nécessaire.

Entre 2003 et 2007, le budget de LCP a doublé, mais, TNT aidant, l’audience hebdomadaire cumulée a décuplé, puisque l’on est passé de 550 000 fidèles à plus de dix millions de téléspectateurs pour certains grands événements. Cette augmentation de l’audience est aussi liée à la capacité des chaînes de faire œuvre de pédagogie…

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Dumont – Donnons-leur donc les moyens de continuer à se développer. Si LCP a un coût, la démocratie représentative n’a pas de prix, et elle mérite bien les quelques millions que nous voterons en faveur de ces supports de modernisation de nos institutions. La commission Balladur vient de rendre ses propositions : chacun va participer au débat, mais restons prudents sur les suites qui seront données à ce travail. Si nous voulons donner plus de force à la représentation nationale, il faut lui en donner les moyens. C’est à ce prix que le peuple comprendra que rien n’est plus beau que la démocratie représentative.

M. René Dosière – Belle formule ! (Rires)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF il y a trois ans, les missions relatives aux pouvoirs publics et au conseil et contrôle de l’État sont présentées conjointement. Je tiens tout d’abord à remercier vos rapporteurs spéciaux, ainsi que MM. Migaud et Carrez, pour l’excellent travail accompli en commission. J’aurai l’occasion de répondre aux interventions de MM. Dosière et Chartier ; par contre, M. Dumont comprendra que le Gouvernement s’abstienne d’intervenir sur les chaînes parlementaires.

La mission « Pouvoirs publics » regroupe les organes constitutionnels de la République. La nature particulière des activités qui y sont retracées les dispense des contraintes de performance auxquelles sont soumises les missions de droit commun.

Je passe rapidement sur le programme « Cour de Justice de la République » qui n'appelle pas de commentaire particulier. Bien entendu, je n'évoquerai pas non plus les budgets de l'Assemblée nationale et du Sénat, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.

Le programme « Conseil constitutionnel » présente une augmentation de 7 %, pleinement justifiée par les charges supplémentaires liées à l’accueil de deux nouveaux membres, à l'application d'une nouvelle contribution employeur prévue par la loi et au transfert comptable de la charge budgétaire des frais de garde de gendarmerie.

J'en viens à présent au programme « Présidence de la République ». Les choses sont claires. Le Président de la République, Monsieur Dosière, est déterminé à ce que l'année 2008 marque un tournant radical dans la manière d'appréhender le budget de la Présidence. Chargé de réfléchir à cette question, le comité de modernisation et de rééquilibrage des institutions de la Ve République a rendu des propositions visant à conférer enfin au budget de la Présidence de la République toute la transparence et la cohérence requises, dans le respect des prérogatives particulières de cette mission.

Les deux amendements que j’aurai l’honneur de défendre tout à l’heure entendent faire appliquer ces propositions immédiatement. La transparence commande que soient réintégrées dans le budget officiel de l'Élysée l'ensemble des dépenses qui contribuent à son fonctionnement. Cela comprend les frais de déplacement, actuellement pris en charge par l'intérieur, l'Outre-mer, les affaires étrangères ou la défense, ainsi que la rémunération de l'ensemble des collaborateurs du Président qui, lorsqu'ils sont issus de la fonction publique de l'État, ne doivent plus être rémunérés par leur administration d'origine.

Pour trancher avec l’archaïsme et la relative opacité du système actuel, la rémunération du Président de la République sera désormais fixée par la loi. Il y a là un élément de transparence et de valorisation du Parlement. La rémunération perçue sera égale à celle du Premier ministre – donc assez proche de celle des homologues étrangers du Président français. En outre, elle sera exclusive de la perception de tout autre traitement, prime, pension ou indemnité.

Ces changements s’accompagneront de contrôles, aujourd’hui inexistants. M. Chartier avait raison d’insister sur ce point. Autorité impartiale et insoupçonnable, la Cour des comptes vérifiera chaque année la nature des dépenses et certifiera l’exactitude et la sincérité du rapport d’activité de la Présidence. Ses observations et ses recommandations seront naturellement rendues publiques. Le Parlement, pour sa part, pourra émettre des commentaires sur les documents explicatifs qui lui seront communiqués.

J’ajoute que le rapport d’activité de la Présidence ne se limitera pas à trois pages : il aura la même consistance que les autres rapports de même nature, et tous les éléments transmis au Parlement seront publiés sur Internet.

M. René Dosière – Très bien !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – La Présidence s’engage enfin à publier chaque année, à compter de 2008, un rapport retraçant l’utilisation des fonds alloués à son fonctionnement.

Cette nouvelle présentation implique que la Présidence demande au Parlement une augmentation de sa dotation, augmentation qui sera compensée par une minoration équivalente des crédits accordés aux ministères jusque-là contributeurs. Toute importante qu’elle paraisse, cette majoration de crédits reste comptable : elle sera sans effet sur le montant réel des dépenses de la Présidence.

J’en viens à la mission « Conseil et contrôle de l’État », qui comprend trois programmes : « Conseil économique et social », « Cour des comptes et autres juridictions financières » et « Conseil d’État et autres juridictions administratives. »

Le Conseil économique et social a désormais adapté, de façon remarquable, la présentation de son budget aux exigences de la LOLF. Sa dotation globale augmentera de 1,5 % en raison de la nomination de deux nouveaux conseillers au titre de l'outre-mer et, s’agissant des dépenses de personnel, de l'augmentation de la valeur du point d'indice. Quant aux autres dotations, les montants en sont inchangés depuis 2001.

Les crédits alloués au programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » tiennent compte de l’augmentation de l'activité du Conseil comme des juridictions. Ils permettront de créer un nouveau tribunal administratif à Toulon et d’augmenter les personnels affectés aux juridictions administratives : la croissance du contentieux ne peut en effet être traitée à effectifs constants.

Notons que le Conseil d'État a engagé en 2006 une politique volontariste de maîtrise des frais de justice à sa charge, constitués pour l'essentiel des frais d'affranchissement. La dotation correspondante, qui était précédemment ajustée à la hausse tous les ans, a ainsi été reconduite à l'identique dans ce PLF. Le Conseil expérimente également l'envoi par Internet des pièces de procédure, ce qui devrait réduire les coûts d'affranchissement tout en améliorant le service rendu aux justiciables.

Ce projet de loi de finances traduit également notre volonté de continuer à réduire les délais de jugement devant les juridictions administratives, qui ont depuis longtemps le souci d’améliorer leur performance, en augmentant la productivité – si j’ose dire – des magistrats et des agents de greffe tout en maintenant la qualité des décisions juridictionnelles. Alors que le nombre de requêtes portées devant le juge administratif a crû de 48 % entre 2002 et 2006, le délai moyen de jugement a diminué fortement, et vient de passer enfin sous la barre des 18 mois.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » conforte l'autonomie de ces juridictions dans la gestion de leurs ressources humaines. Le processus de consolidation de la situation juridique des personnels, lancé en 2006, sera achevé en 2008. Ce budget rationalise les moyens. Si la mission de certification des comptes a nécessité la création d'emplois depuis 2006, les recrutements d'experts ne seront achevés qu'en 2008 ; d’autre part, l'externalisation de certaines fonctions de support et la modernisation des moyens disponibles permettent de supprimer onze emplois en 2008.

À cela s’ajoute le lancement des travaux de rénovation de la tour des archives, principal projet immobilier mené par la Cour depuis son installation rue Cambon en 1912 et qui exigera un investissement de huit millions et demi d’euros en 2008. Le financement de cette opération explique l'essentiel de la progression des crédits des juridictions financières.

Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter sur les missions « Pouvoirs publics » et « Conseil et contrôle de l'État » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIRS PUBLICS

ART. 33 ET ÉTAT B

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Comme je l’ai indiqué, la consolidation du budget de la Présidence de la République implique de regrouper les moyens jusque là mis à sa disposition. Tel est l’objet de l’amendement 70, deuxième rectification, qui majore de 68,5 millions la dotation allouée à la Présidence. Je rappelle que cette majoration sera intégralement compensée par voie d’amendement, ministère par ministère, à la fin de nos débats budgétaires.

Permettez-moi de revenir sur le montant de ces crédits, puisqu’une petite polémique semble naître…

M. René Dosière – Une « petite » polémique ? Nous parlons de dix millions d’euros…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Sans donner tous les chiffres, il s’agit de 12 millions d’euros pour les affaires étrangères et européennes, de 14 millions pour l’intérieur, l’outre-mer et les collectivités locales, de 26,3 millions pour la défense, de 5 millions pour la culture et la communication, de 7 millions pour l’économie, les finances et l’emploi, ou encore de 500 000 euros pour l’agriculture et la pêche et pour le Conseil d’État. Je tiens tous les détails à votre disposition… L’ensemble de ces crédits représente 68,5 millions, soit exactement le montant prévu dans l’amendement.

M. Jean Launay, rapporteur spécial – Il serait utile que nous disposions de la répartition exacte de ces crédits entre les dépenses de personnel et les autres dépenses. Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, 159 personnes sont payées ou remboursées par le budget de l’Élysée. L’effectif de ceux qui y travaillent étant de 983 personnes, il reste donc 824 personnes qui figurent dans les autres missions.

J’ajoute que d’autres dépenses ne sont pas non plus retracées à l’heure actuelle : je pense notamment aux voyages, ou encore à l’entretien du Fort de Brégançon. Il faudra que la représentation nationale dispose d’une image exacte de l’ensemble de ces charges.

Cela étant, la commission a adopté l’amendement 70, deuxième rectification.

M. René Dosière – Ai-je besoin de vous dire à quel point j’approuve, dans son principe, la consolidation de ces crédits ? (Sourires) Je n’ai jamais souhaité réduire le budget de la Présidence – la Constitution ne nous en donne d’ailleurs pas le droit... Si la Présidence entend majorer ses crédits, j’aimerais toutefois qu’elle le fasse dans la transparence.

En regroupant toutes les données que m’ont fournies le ministère, j’obtiens en effet un total de 90 millions d’euros. Quand bien même les chiffres devraient être actualisés, il manque près de dix millions ! J’aimerais donc des précisions supplémentaires, s’agissant en particulier du ministère de la culture, qui apporte des crédits importants, notamment en fonctionnement.

D’autre part, s’agissant des effectifs mis à la disposition de l’Élysée, si j’additionne les chiffres que m’ont donnés les ministères, on arrive à seulement 700 personnes. Comment expliquer la différence ? On a fini par me répondre qu’il s’agissait d’agents mis à disposition par des « institutions assimilées »…

Ma culture juridique et institutionnelle est sans doute bien insuffisante, car je ne vois pas à quoi peut bien correspondre une telle notion. J’ai donc posé la question au Premier ministre, qui avait annoncé à la radio qu’il me répondrait dans les meilleurs délais sur l’utilisation de l’argent public à l’Élysée. Or, j’attends encore… Pouvez-vous m’expliquer, Monsieur le ministre, quelles sont ces « institutions assimilées », et combien de fonctionnaires elles mettent à la disposition de la Présidence ?

En fonction de votre réponse, je serai en mesure de savoir quel ministère a soustrait à ma connaissance cette centaine de fonctionnaires.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Afin de préparer ce débat dans la plus grande transparence, nous avons effectué un travail de recensement complet. Je suis donc en mesure de vous dire que 1 045 personnes travaillent à l’Élysée, parmi lesquelles 860 sont mises à disposition par les ministères – les autres sont des contractuels.

La répartition des 68,5 millions est la suivante : les charges de personnel s’élèvent à 50,9 millions ; les frais de voyage et de déplacement à 15,3 millions ; les charges de service à 2,3 millions. Nous retrouverons tout cela, ministère par ministère, dans l’amendement de compensation qui sera présenté à la fin de la loi de finances.

M. René Dosière – Le rapporteur parle de 983 personnes. Votre recensement en dénombre 62 de plus. Cela aggrave l’écart que j’ai constaté !

M. Jérôme Chartier – Nous sommes face à un héritage de l’histoire : la Présidence de la République s’est toujours vue doter par les ministères des personnels dont elle avait besoin pour assurer sa mission. Aujourd’hui – évolution majeure –, la Présidence acquiert son autonomie financière, et ce, dans une parfaite transparence. De fait, une démocratie irréprochable, dans la vision du Président de la République, doit commencer par le haut.

La mise en place de la comptabilité analytique permettra d’apporter les précisions manquantes, le tableau des emplois donnant un état des effectifs incontestable. M. Dosière trouvera donc la réponse à ses questions dans le rapport de l’an prochain, et sans doute même dès les discussions que nous aurons à la fin de la deuxième partie de la loi de finances, lorsque, ministère par ministère, nous évoquerons la réduction des crédits correspondant exactement à la présente majoration, que le groupe UMP votera bien sûr.

L'amendement 70, deuxième rectification, mis aux voix, est adopté.

M. René Dosière – Je découvre encore des choses ! À la fin du dernier quinquennat, 957 personnes travaillaient à l’Élysée. Nous sommes passés à 983 dans le rapport, puis à 1 045, selon le ministre. J’attends avec impatience de connaître l’origine de ces quelque 200 fonctionnaires afin de savoir quels sont les ministères coupables de dissimulation ! En outre, Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de me dire ce qu’est une « institution assimilée ».

L’amendement 20 rectifié a pour objet de rétablir la sincérité de la demande de crédits émanant de la Présidence de la République. En effet, il est dit que ce budget augmente de 1,6 %. Or je constate que les dépenses de personnel augmentent de façon notable : la rémunération des contractuels fait un bond de 26,8 % – illustration du slogan « travailler plus, pour gagner plus » – ; les primes ou « indemnités pour sujétions particulières » sont en hausse de 24,1 %. A-t-on, parallèlement, diminué les autres dépenses ? Le crédit pour les dépenses courantes – télécommunications, frais postaux – a été consommé à 99,2 % les années précédentes, ce qui laisse peu de marge pour cette année. À moins de couper durablement le chauffage et l’électricité au Palais, la diminution des crédits ne me semble donc pas compréhensible !

Ce d’autant moins que de nouvelles charges courantes sont apparues : la Présidence est désormais locataire de locaux situés au 22, rue de l’Élysée, pour un coût annuel de 400 000 euros ; le pavillon de la Lanterne, qui est passé dans le périmètre de la Présidence, occasionnera des charges d’entretien supplémentaires.

Certaines ressources ont de surcroît disparu. Depuis deux ans, la Présidence de la République remettait dans la dotation demandée à l'Assemblée nationale les excédents des années antérieures. La reprise de l’excédent de 2006 ne figure pas dans ce budget : où sont donc passés ces 412 787 euros ?

Si l’on s’en tient à ces calculs, ce budget, s’il était sincère, devrait afficher une augmentation de 9 %. C’est pourquoi l’amendement 20 rectifié vise à l’accroître, afin que l’Élysée puisse fonctionner sans coupure de gaz ou d’électricité...

M. Jean Launay, rapporteur spécial – Cet amendement est rendu caduc par celui du Gouvernement. Dans les réponses fournies par l’Élysée, il était d’autre part précisé que les charges de service diminueraient en 2008, grâce à l’adoption d’outils de gestion, à la mise en concurrence systématique et à une revue des différents postes de dépenses menée à la manière de la révision générale des politiques publiques. Dans le cadre de la mission « Pouvoirs publics », il nous appartiendra de croiser les éléments prévisionnels et les résultats de cette démarche d’économie.

Enfin, la contrepartie envisagée par M. Dosière à l’augmentation du budget de la Présidence consiste à réduire la dotation de La Chaîne parlementaire. Amputer les crédits de cette chaîne de 1,5 million – alors que l’augmentation de la dotation n’est liée qu’à la TNT – serait très pénalisant pour elle !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État – Je remercie M. Dosière de prévenir les coupures d’électricité à l’Élysée, je m’en voudrais d’y procéder moi-même… Qu’il sache donc que la Présidence a engagé une politique d’économies : des outils ont été mis en place ces derniers mois afin que l’augmentation du budget ne soit que de 1,6 %.

Sincèrement, celle-ci reflète la réalité. Sans même évoquer la diminution de crédits de La Chaîne parlementaire, l’Élysée souhaite en rester à ce budget maîtrisé, qui comporte des augmentations de dépenses mais aussi beaucoup d’économies de gestion. Je ne peux donc qu’être défavorable à l’amendement.

M. Jérôme Chartier – Le groupe UMP se retrouve tout à fait dans les propos du rapporteur spécial !

L’installation de sous-compteurs à l’Élysée va permettre une réduction considérable de la facture d’eau. De plus, on y poursuit l’installation de diffuseurs automatiques pour l’arrosage. Nous retrouverons ces économies dans un prochain rapport ! En fait, je me demande si M. Dosière ne pourrait pas retirer son amendement, au vu de celui du Gouvernement.

M. René Dosière – J’ai bien noté ce souci d’économie. Le rapport d’exécution nous permettra de voir ce qu’il en aura été réellement. Il est vrai que l’amendement du Gouvernement « globalise » – peut-être d’ailleurs s’agit-il justement de noyer les inconvénients que je signalais dans une masse. De ce fait, pour être agréable à M. Chartier et surtout parce que mon amendement n’a plus de réalité, compte tenu de celui du Gouvernement, je le retire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L’amendement 20 rectifié est retiré.

APRÈS L'ART. 45

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État L’effort de transparence sur le budget consolidé de l’Élysée doit aussi porter sur la rémunération du chef de l’État. Jusqu’ici, elle n’était fixée que par lui-même et ne venait pas devant le Parlement, à la différence de celles du Premier ministre et des membres du gouvernement. Dans un effort de transparence, de vérité et de raison, il vous est proposé par l’amendement 69 rectifié de faire fixer cette rémunération par la représentation nationale et de modifier l’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2002 afin de la porter au même niveau que celle du Premier ministre.

M. Jean Launay, rapporteur spécial – La commission a approuvé, contre l’avis de son rapporteur. Même si la question mérite d’être posée et ne peut l’être que dans le cadre de cette mission, j’ai en effet émis une réserve sur l’opportunité d’une telle mesure : le rapprochement entre cette augmentation de la dotation personnelle du Président et la stagnation du pouvoir d’achat des Français est particulièrement choquant.

M. René Dosière – Cet amendement conduit-il à retirer la ligne « rémunération du Président de la République » du budget de la Présidence ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Monsieur le rapporteur, nous n’allons pas ouvrir un débat sur la politique du Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat ! Mais M. Dosière avait lui-même déposé un amendement sur la rémunération du chef de l’État…

M. René Dosière – Comme tous les ans.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État …Qui la portait approximativement au même niveau que celui du Gouvernement.

A priori, Monsieur Dosière, la ligne « dotation du Président de la République » restera identifiée dans l’ensemble des états du budget de la Présidence.

M. Jérôme Chartier – Irréprochable, la République doit d’abord l’être au sommet ! Rappelons que, dans le collectif budgétaire de 2002, on avait voté une disposition relative à la rémunération des ministres et membres de cabinet ministériels, suite à la suppression, quelques mois plus tôt, des fonds spéciaux qui permettaient de leur apporter un complément de rémunération. À cette époque, le président Chirac n’a pas souhaité que l’on modifie sa rémunération, car il touchait 20 144 euros par mois, soit les 7 084 euros de son traitement de Président et 13 060 euros de pensions d’ancien député, ancien maire de Paris, ancien président du conseil général de Corrèze et ancien membre de la Cour des comptes.

Cet amendement clarifie totalement la situation, puisque la rémunération du Président sera alignée sur celle du Premier ministre et ne pourra en aucun cas être cumulée avec une autre forme de rémunération, y compris des pensions de retraite. S’il est adopté, le Président percevra 19 331 euros nets par mois, soit un peu moins que ce que percevait Jacques Chirac. On rémunère le premier personnage de l’État comme il se doit, dans la transparence totale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Effectivement, cette rémunération est exclusive de toute autre. Par ailleurs, à titre de comparaison, le chef de l’État français percevra moins que la chancelière d’Allemagne ou le Premier ministre britannique.

M. René Dosière – De façon annexe, je note que les moyens matériels mis à la disposition des anciens présidents de la République n’ont aucune base juridique. Il serait bon de leur en conférer une (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 69 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « Pouvoirs publics », mis aux voix, sont adoptés.

CONSEIL ET CONTRÔLE DE L’ÉTAT

Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Nous avons terminé l’examen des crédits relatif aux pouvoirs publics et au conseil et contrôle de l’État.

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’administration générale et territoriale de l’État.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances Je remercie d’abord le Gouvernement et en particulier Mme la ministre de l’Intérieur pour avoir facilité le travail des rapporteurs. Nos questions ont obtenu des réponses rapides et circonstanciées.

Bien que modeste, avec ses 2,657 millions, ce budget touche à des préoccupations majeures, comme la continuité de l’État, le fonctionnement de la démocratie, les relations entre les cultes et l’État, des questions relatives à l’identité des personnes et des biens ou encore la réforme de l’État.

C’est aussi un terrain d’application privilégié pour la LOLF. Déjà, avant même qu’elle ne soit adoptée, les préfets avaient expérimenté la fongibilité des crédits. Pour 2008, le nouveau programme Chorus permettra, dans les deux régions des Pays de Loire et de Haute-Normandie, d’améliorer la gestion des comptes pour le comptable et pour l’ordonnateur.

Ce budget reflète également la nouvelle organisation gouvernementale et la modification des périmètres ministériels. Si le ministère de l’intérieur perd la sous-direction des étrangers, il gagne en effet l’ensemble de l’administration des DOM-TOM, pour lesquels il n’y aura désormais plus qu’un directeur de programme, ce qui rapproche la gestion de ces territoires de celle de la métropole.

Ce budget respecte aussi les directives gouvernementales concernant la réduction des effectifs : 591 emplois, hors variation de périmètre, ne sont pas reconduits, soit une baisse de 2 %, qui fait suite aux réductions de 1 % de 2006 et de 2007. C’est une politique exigeante, en particulier pour les préfectures.

Par ailleurs, les différents corps d’attachés sont fusionnés, et le régime indemnitaire du ministère, jusqu’alors relativement défavorable, connaît un rattrapage, y compris au sommet de la hiérarchie. À ce propos, je suggère de permettre, comme dans la police et la gendarmerie, le rachat des heures de RTT, ce qui serait une manière de réaliser des économies et autoriserait des arbitrages plus favorables au travail.

Cependant, si les crédits de paiement du programme « Administration territoriale » augmentent de 5,7 % et les autorisations d’engagement de 10,3 %, les effectifs des préfectures et sous-préfectures restent très inégalement répartis : alors que, pour 10 000 habitants, le département du Nord compte 3,4 agents de préfecture, la Lozère en a 16,36 et la Corse du Sud 15,78. La France du Nord et de l’Ouest est défavorisée, sans que des différences d’une telle amplitude – le rapport est parfois de un à quatre – se justifient.

Pour nos concitoyens, la grande affaire est ici celle des titres, qui exigent une production de masse – chaque année, sont délivrés 13 millions de cartes grises, 5 millions de cartes d’identité, 3,5 millions de passeports, 2,5 millions de permis de conduire –, mais qui comporte aussi des enjeux de sécurité – d’autant qu’il existe un important phénomène de fraude –, et une dimension symbolique forte – par exemple, avec la disparition annoncée du numéro de département sur les plaques d’immatriculation. Alors que l’administration a longtemps ronronné sur ces sujets, nous sommes à présent à la veille d’une révolution : la création du passeport biométrique au 1er juin 2009, celle de l’Agence nationale des titres, dotée de 102 millions d’euros, la réforme de l’immatriculation des véhicules au 1er janvier 2009, représentent autant d’échéances importantes, qui appelaient des arbitrages financiers.

J’espère que nous connaîtrons avec ces opérations le même succès qu’avec le système Télépoints, qui permet à nos concitoyens de connaître en ligne le nombre de points restant sur leur permis de conduire. C’est un succès de l’e-administration et un progrès pour les usagers, dont il convient de féliciter le ministère.

Je me suis permis, dans mon rapport, de dresser un palmarès des préfectures en fonction des délais d’attribution des titres. Un peu d’émulation ne peut faire de mal ! En tout cas, il faut que l’opinion soit informée des différences existant d’un département à l’autre, qui ne sont pas toujours justifiées. Et j’espère que l’administration centrale saura stimuler ses services extérieurs.

Ce rapport touche aussi à l’organisation de la démocratie. Le budget du programme « Vie politique, culturelle et associative » subit par rapport à 2007 une réduction d’un tiers, qui s’explique par le moindre nombre d’échéances électorales. La démocratie coûte 9,7 euros par électeur, ce qui inclut la tenue des élections et le soutien aux partis politiques. Je me réjouis que le décret d’avance du 26 octobre mette un terme aux pratiques de paiement tardif des imprimeurs et des personnes chargées de mettre sous pli la propagande.

Les machines à voter ont été expérimentées dans 82 communes, avec des succès divers. La ministre de l’intérieur a demandé un bilan, qui sera rendu en décembre. En tout état de cause, l’expérience devrait nous incliner à la prudence.

La propagande électorale a coûté en 2007 150 millions d’euros, également répartis entre les frais d’imprimerie et de mise sous pli et les frais d’envoi, la Poste ayant profité de son monopole de fait pour l’occasion. C’est une somme énorme. Ne pourrait-on pas permettre à ceux qui ne souhaitent pas recevoir de propagande électorale à leur domicile, de le signaler sur un site Internet ouvert à cet effet, et qui présenterait la propagande en ligne ? Cette mesure contribuerait au développement durable et à la promotion de l’e-administration. Je déposerai une proposition de loi en ce sens.

Ce budget nous permet en outre de mesurer notre volonté de réforme de l’État, réforme dans laquelle le ministère de l’intérieur doit jouer un rôle pionnier. Je me réjouis, certes, que la revue générale des politiques publiques se déroule concomitamment à nos activités. Pour ma part, j’ai fait état de certaines interrogations dans mon rapport : à quoi rime le classement des hôtels de préfecture ? À quoi rime la procédure d’autorisation par les préfets des ventes au déballage lorsque celles-ci dépassent plus de 300 mètres carré ? Il s’agit là d’archaïsmes.

Il convient également de réfléchir, dans ce cadre, à l’organisation de l’État au niveau local. Des expériences sont actuellement menées. Dans le Lot, l’ensemble des services extérieurs de l’État est ainsi fédéré autour de la préfecture. De même, le rapprochement des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture est une bonne chose, quoique pas dans tous les départements. Enfin, le ministère a décidé de transférer les budgets opérationnels de programme du niveau départemental au niveau régional. Sur tous ces éléments en cours d’arbitrage, je souhaite que le Parlement ait son mot à dire.

Il ne faut pas réorganiser l’État au fil de l’eau : aujourd’hui les tribunaux d’instance et de grande instance, demain les trésoreries… Une vision globale et équilibrée est nécessaire, et quelles structures, mieux que les préfectures, rendent possible une telle vision ?

En conclusion, nous sommes ici devant un bon budget, et la commission l’a adopté. Je terminerai en rendant hommage aux hommes et aux femmes de ce ministère. Pensant à ce département de l’intérieur, on songe souvent en premier à la police, mais il ne faut pas oublier les agents de l’administration générale, comme les cadres de préfecture. Au contact direct de l’usager, ils remplissent souvent des missions délicates, voire difficiles. J’invite nos collègues à se rendre par exemple dans un bureau des étrangers : c’est un poste qui exige à la fois des qualités humaines et de la rigueur, et les agents du ministère de l’intérieur ont ce savoir-faire qui leur permet de s’acquitter brillamment de leurs fonctions.

Je voudrais aussi insister sur la polyvalence de ces personnels, qui sont obligés de passer sans cesse d’un sujet à un autre. Enfin, je voudrais souligner leur loyauté : n’oublions pas qu’en cas de crise – environnementale, d’ordre public ou sanitaire –, ils sont le plus souvent en première ligne. Nous devons donc leur donner les moyens de travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Lambert, rapporteur spécial de la commission des lois – Les crédits que nous examinons sont ceux d’une mission de l'État particulièrement importante pour nos concitoyens, et nous devons en effet rendre hommage aux agents de l'administration centrale, des préfectures et des services déconcentrés de l'État, confrontés à des réalités de terrain de plus en plus complexes.

Les crédits de cette mission, qui globalement se maintiennent, sont répartis entre quatre programmes aux évolutions différentes : le programme « Administration territoriale », le programme d'expérimentation du futur outil de gestion « Chorus », le programme « Vie politique, culturelle et associative », qui rassemble les crédits destinés à mettre en œuvre les grandes lois sur la liberté d'association, la séparation des églises et de l'État et le financement de la vie politique ; enfin le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », qui réunit les fonctions d'état-major et de gestion des moyens du ministère de l'intérieur et du secrétariat d'État à l'Outre-mer.

La mesure de la performance constituant désormais la pierre angulaire de toute politique budgétaire, un objectif de la mission peut être, par exemple, d'améliorer les conditions de délivrance des titres – carte nationale d'identité, passeport, carte grise, carte de séjour ; mais les exigences du pilotage national ne correspondent pas toujours aux conditions de l'activité au niveau local.

Par ailleurs, je renouvelle le constat fait par le rapporteur pour avis l'an passé : le cadre de la mission n'est pas stabilisé. Cette année encore, il a été modifié sur plusieurs points, sans pour autant nous permettre d'avoir une vision globale satisfaisante. Et si la LOLF affirme des principes fondateurs, la production de données statistiques ne peut suffire à changer le cours des choses… Je vous renvoie sur ces questions à mon rapport écrit.

Même si les comparaisons sont compliquées par l'évolution du périmètre de la mission, il est manifeste que plusieurs centaines d'emplois sont supprimés, en particulier par le non-remplacement de 413 départs à la retraite. Cette évolution risque d’émousser la motivation des agents, à qui dans le même temps on demande de plus en plus d’efforts. Ces tensions pourraient augmenter encore avec l’accroissement du nombre des départs à la retraite – 767 en 2007, 858 en 2008, et près de 1 100 en 2011. Pourtant, les préfectures sont au cœur de tous les changements, qu’il s’agisse de la réforme budgétaire et comptable, des politiques publiques transversales ou de la réforme de l'administration territoriale ; cela suppose des moyens en personnel, et non pas seulement des évaluations de performances.

Pour terminer sur un point plus positif, je veux évoquer des grands projets utilisant les nouvelles technologies, d'une part le nouveau système d'immatriculation des véhicules, d'autre part l'introduction de la biométrie dans le passeport puis dans la carte nationale d'identité ; un prochain projet de loi est cependant rendu nécessaire pour protéger l'identité de chaque citoyen dans le cadre de ces systèmes.

Enfin, interrogée par mes soins en commission des lois sur les conditions d'un futur redécoupage électoral pour les élections législatives et cantonales, Mme la Ministre nous a indiqué que les élus seraient associés à sa réalisation, qui devrait intervenir à la mi-2008 ; nous attendons de savoir dans quelles conditions.

Malgré l'avis réservé de son rapporteur, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Philippe Vigier – On peut se féliciter que les objectifs fixés à cette mission de nature toute régalienne soient d’améliorer encore les conditions de délivrance des titres – domaine dans lequel nous avions un grand retard –, d’organiser la vie de la démocratie – puisque des élections municipales et cantonales vont avoir lieu en 2008 – et d’optimiser la gestion du ministère, s’agissant tant du patrimoine immobilier que des coûts de fonctionnement. En cette matière, on peut s’inspirer de ce qui a été fait dans le secteur privé : eu égard aux dépenses d'affranchissement et de téléphonie, il serait nécessaire de développer la télétransmission ! Dans mon département d’Eure-et-Loir, j’ai proposé qu’il y ait avec une communauté de communes télétransmission de l’ensemble des délibérations ; or jamais les services de la préfecture n’ont été capables de m’assurer un système sécurisé. Pourtant, cela permettrait aussi de rendre les décisions exécutoires plus rapidement.

En matière de ressources humaines, la modernisation de l’État entraîne le non-remplacement de départs à la retraite. Quant à la modernisation des implantations immobilières, elle est nécessaire pour accueillir le public dans de bonnes conditions.

Cependant la baisse des effectifs de l'administration préfectorale, engagée dans une logique interministérielle de maîtrise de la dépense publique, ne saurait s'accomplir sans que soit menée une réflexion sur les missions de l'État. La question de l'abandon de certaines tâches doit être posée sans tabou ni a priori. Mais si la réforme engagée en 2004 vise à développer une conception stratégique et managériale de l'action territoriale de l'État, encore faut-il associer les usagers et répondre aux questions qu’ils se posent : comment la continuité territoriale s’exerce-t-elle ? Qui fait quoi ? Quel est l’échelon de compétence ?

S’agissant du développement des services dématérialisés, il serait important que des expériences pilotes soient menées. Il faudrait aussi travailler à l’allégement des procédures, pour ne plus imposer de parcours du combattant.

Enfin, il faut continuer à s’interroger sur le niveau de proximité administrative. Comment les sous-préfectures fonctionneront-elles demain ? Peut-il y avoir un modèle unique ? Faut-il rapatrier les sous-préfets au chef-lieu du département ? Comment mieux associer le niveau départemental à la constitution des pôles régionaux ? Pour les DDE, par exemple, la responsabilité qui était assurée par les directions régionales l’est maintenant par des directions interrégionales… Une chatte n’y retrouverait pas ses petits !

Il y a donc une exigence de clarification et de simplification. Le citoyen a besoin de comprendre qui est responsable de quoi. Cette clarification, nécessaire à l’efficacité, exige une pause dans les transferts de compétences.

Le second défi, c’est la modernisation de l’administration territoriale, qu’il s’agisse de la télétransmission ou de la fiscalité locale.

Enfin, s’il est légitime de rendre hommage à tous ceux qui travaillent dans les préfectures et les sous-préfectures, qui sont un lien indispensable entre l’État et les collectivités locales, force est de constater le déficit d’attractivité des carrières : dans mon département, plus de 400 postes de fonctionnaires d’État ne sont pas pourvus.

En développant l’expérimentation et l’évaluation, il nous faut travailler à identifier les fonctions régaliennes de l’État sur le terrain, afin de laisser aux collectivités régionales, départementales et communales le soin d’assurer le reste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Piron – L’État consacre à l’administration générale et territoriale 2,78 milliards en autorisations d’engagement et 2,66 milliards en crédits de paiement, soit une augmentation de 3 % par rapport à l’an dernier. Au sein de ce programme, la mission « Administration territoriale » recueille 62 % des crédits, en augmentation de 5,7 % à structure constante, les trois autres se partageant le reste. Plusieurs objectifs sont à poursuivre : il faut d’abord tirer le meilleur parti du nouveau périmètre ministériel d’abord, tout en prenant en compte les spécificités de l’outre-mer où les problèmes de logement sont considérables et exigent une grande attention. S’agissant des titres sécurisés, des efforts importants sont déjà consentis. Ensuite, il faut faire du corps préfectoral le moteur de la réforme de l’administration territoriale, car ces hommes et ces femmes sont à la fois proches du lieu où s’élaborent les politiques et du terrain où elles sont mises en pratique. La LOLF, rappelons-le, n’est qu’un outil : c’est de son bon usage qu’il dépend, soit de laisser des marges à la responsabilité locale, soit de susciter une recentralisation verticale dont certains se plaignent déjà.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial – Tout à fait !

M. Michel Piron – La technique, en effet, est au service de la politique, et non le contraire.

Enfin, il nous faut améliorer la gestion des ressources humaines et, pour cela, renforcer la formation des fonctionnaires dans ce domaine. Je salue à ce titre, les fusions déjà opérées entre de nombreux corps, et qu’il faudra poursuivre.

La réforme de l’État, si elle se poursuit à ce rythme, ne manquera pas de soulever la question de l’architecture des pouvoirs régionaux. Les exemples de nos voisins pourraient nous inspirer : la dévolution au Royaume-Uni, la décentralisation espagnole ou la réforme de l’État italien. On aurait tort de se contenter de changer les tapisseries : les fondations sont elles aussi à rénover ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Launay – Ce projet de loi de finances, comme le précédent, s’inscrit dans le mouvement de déconcentration lancé par le gouvernement de M. Raffarin afin d’accompagner la décentralisation. Les services régionaux de l’État sont désormais rassemblés autour de huit pôles. Le comité de l’administration régionale, où siègent les préfets et les chefs de pôle, est le « conseil d’administration » de l’État en région – une terminologie qui laisse pour le moins perplexe.

Le programme « Administration territoriale » recouvre l’ensemble des missions des préfectures et des sous-préfectures. Les crédits doivent donc être appréciés à l’aune de la déconcentration engagée depuis trois ans. Néanmoins, un changement de périmètre important se produit cette année avec l’intégration du ministère de l’outre-mer au sein du ministère de l’intérieur et la création du ministère de l’immigration, de l’identité nationale et du codéveloppement. S’y ajoute le programme « Chorus », encore au stade expérimental, mais dont la généralisation est prévue pour 2009.

Notons que parmi les grandes orientations de cette mission, l’amélioration de la gestion des ressources humaines entraînera le non-remplacement de 413 départs à la retraite et la suppression de 582 emplois.

S’agissant des préfectures, on étend leurs missions tout en réduisant leurs moyens. La gestion en flux tendus ne peut pourtant tenir lieu de politique dans des services publics aussi essentiels ! En outre, il faut préciser les nouvelles missions confiées aux préfets, qui méritent mieux que d’être convoqués à Paris pour y être tancés comme des collégiens indisciplinés (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). La frénésie juridique qui s’empare de notre appareil administratif au gré de l’actualité empêche de leur donner les directives claires et durables dont ils ont besoin.

Dans ces conditions, le groupe SRC ne saurait voter ces crédits.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Permettez-moi d’abord de vous transmettre les excuses de Mme Alliot-Marie qui accompagne le chef de l’État en Corse pour y rencontrer les autorités territoriales à la veille du Conseil des ministres qui s’y tiendra. Je remercie MM. les rapporteurs, pour leur travail de grande qualité, ainsi que les différents intervenants, car nous avons beau ne pas toujours être d’accord, je reste sensible à leurs préoccupations.

S’agissant de la transmission des actes dématérialisés des collectivités aux autorités préfectorales, Monsieur Vigier, 88 préfectures sont déjà reliées – dont celle de votre département – et ce n’est qu’une question de semaines avant qu’elles le soient toutes.

Vous avez raison, Monsieur Piron, de soulever la question de l’architecture des pouvoirs locaux : la superposition de ces structures pose un véritable problème de gestion.

Les objectifs visés dans ce projet de budget seront respectés, et ce dans le cadre du nouveau périmètre ministériel défini au printemps dernier. Ainsi, le ministère de l’immigration, de l’identité nationale et du codéveloppement disposera d’une administration spécifique constituée de 110 agents venus du ministère de l’intérieur et qui conserveront leur statut. Les relations entre les deux ministères sont d’ailleurs renforcées par une convention de gestion qui permettra au ministère de l’intérieur d’apporter son savoir-faire à celui de l’immigration, contre remboursement.

D'autre part, le rattachement de l'Outre-mer à l'intérieur fait de ce département ministériel le responsable gouvernemental en charge de tous les territoires français, qu'ils soient métropolitains ou non. Ce rattachement va donner lieu à une réorganisation des services. Mme Alliot-Marie et M. Estrosi ont demandé au secrétaire général du ministère de leur transmettre des propositions avant la fin de l'année, en vue d'optimiser le nouvel organigramme administratif et de renforcer l'efficacité des politiques confiées aux services de la rue Oudinot.

Dans ce périmètre précisé, deux objectifs relevant de la mission nécessitent d'être particulièrement mis en exergue : la délivrance des titres sécurisés et l’exercice de la vie démocratique.

Dans quelques semaines, la ministre de l'intérieur va installer le conseil d'administration de l'Agence nationale des titres sécurisés à Charleville-Mézières. Cet établissement public porte une responsabilité majeure, sans erreur, ni retard possible, puisqu’il sera chargé de la délivrance des passeports biométriques, laquelle fait l'objet d'un engagement international dont l’échéance est fixée à l'été 2009. Ces premiers titres sécurisés sont exemplaires de notre double engagement politique, en termes de garanties juridiques et d'efficacité publique.

C'est dire la nécessité pour l'ANTS d'adopter une organisation fonctionnelle et managériale à la fois innovante et responsable, d'autant que d'autres titres sécurisés s'ajouteront aux passeports, que leur délivrance relève ou non des services de l'administration territoriale. Je pense en particulier au système d'immatriculation à vie des véhicules, dont l'entrée en application est prévue pour le 1er janvier 2009.

J’en viens à l’exercice de la vie démocratique. Comme 2007, 2008 sera marquée par des rendez-vous électoraux importants, dont l'organisation pratique relève de la mission que nous sommes en train d’examiner. Vous comprendrez que je n’évoque pas le travail de redécoupage des circonscriptions (Sourires), qui s'impose au Gouvernement pour tenir compte des évolutions démographiques intervenues depuis le dernier redécoupage. Lors de son audition par votre commission, Michèle Alliot-Marie a indiqué que ce travail débutera au printemps prochain et que le Parlement y sera étroitement associé.

Pour l'heure, je me concentre sur deux aspects, le premier concernant l'évolution des dépenses liées aux élections. Dans son rapport, Marc Le Fur rappelle l'intérêt d'une modernisation – au demeurant écologique ! – de la propagande électorale : moins de papier, plus d'électronique. Cette réflexion est nécessaire. Toutefois, dans la réglementation actuelle, le problème est d'abord financier. Comme l'a constaté votre commission des finances en examinant le projet de décret d'avances que vient de lui transmettre le Gouvernement, les besoins de financement en 2007 dépassent d'environ 65 millions l'enveloppe budgétaire. D'où certains retards, relevés par M. Le Fur dans son rapport. L’incidence des différents aléas – augmentation du nombre de votants, du vote par procuration, coût de l'acheminement de la propagande… – a été décrite par le Gouvernement dans le rapport de motivation du projet de décret d'avance.

La prévision retenue dans le PLF pour 2007 ne couvrait peut-être pas tous les paramètres, mais une réalité s'impose : les prestations fournies par certains opérateurs obligés dans le processus de distribution des documents sont bien plus coûteuses que prévu. Ce constat a conduit Mme Alliot-Marie à saisir Mme Lagarde, pour lui demander d’interroger le Conseil de la concurrence sur les suites éventuelles qu'il convient d'envisager.

J’en viens aux machines à voter. Lors des élections du printemps, on a vu que leur utilisation donnait lieu à des interrogations. Michèle Alliot-Marie a donc constitué un groupe de travail, afin d’examiner la nature exacte des difficultés rencontrées et d'imaginer des remèdes. La responsabilité de ce groupe de travail incombe au secrétaire général du ministère, en étroite liaison avec les associations d’élus.

Comme la totalité des missions « lolfiennes », la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est actuellement soumise à la RGPP. À ce titre, elle subit une analyse multiple, puisque pas moins de trois équipes – Intérieur, État local et GRH – suivent son évolution.

Cet intérêt témoigne d’une réalité sur laquelle Mme la ministre s’est attardée lors de son intervention devant votre commission des lois : face aux collectivités territoriales, à des régions renforcées par un quart de siècle de décentralisation, à des départements confortés et à des grosses communes dorénavant gérées avec le professionnalisme des entreprises, l'État doit savoir parler d'une voix forte et unique. Cette voix est celle du préfet, représentant de chaque membre du gouvernement dans les collectivités territoriales.

Sans attendre les décisions que prendra dans quelques semaines le Chef de l'État en présidant le comité de modernisation, le PLF 2008 s'inscrit dans cette perspective de concentration, de modernisation et d'efficacité, telle que l'appelle de ses vœux M. Le Fur.

C’est ainsi que le regroupement des crédits de fonctionnement de l'ensemble des services déconcentrés sera expérimenté dans plusieurs départements et que la régionalisation des budgets opérationnels des préfectures sera généralisée à toute la métropole, à l'exception de l'Île-de-France.

Lorsqu'on aborde une étape aussi ambitieuse de réformes, il faut pouvoir compter sur l'adhésion de tous, des responsables que sont les directeurs d'administration centrale et les préfets à tous leurs collaborateurs, quel que soit leur degré de responsabilité. Voilà pourquoi Michèle Alliot-Marie a tenu à respecter les engagements pris pas ses prédécesseurs : requalification des emplois, fusion des corps techniques, revalorisation du régime indemnitaire. Voilà aussi pourquoi, tout en respectant la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, elle a été particulièrement pugnace dans le respect de la règle concernant le taux de retour, en mesures indemnitaires et catégorielles, sur les économies de masse salariale.

Vous l'avez compris, nombre de rendez-vous importants sont fixés à la mission « Administration générale et territoriale » en 2008. Les crédits soumis à votre vote correspondent aux besoins. Le professionnalisme et le sens des responsabilités des personnels constituent un atout qu'il convient une nouvelle fois de saluer. Tout est en place pour permettre à l'État d'exercer l’intégralité de ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Administration générale et territoriale de l’État

ART. 33 ET ÉTAT B

Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », mis aux voix, sont adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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