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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 31 octobre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
35ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – SECONDE PARTIE (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’immigration, à l’asile et à l’intégration.

Mme Béatrice Pavy, Rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie et du plan  L’engagement a été pris, durant la campagne présidentielle, de réunir dans un même ministère l’immigration et l’identité nationale, car il est aussi inconscient de croire que l’immigration est sans incidence sur le devenir de notre nation que de penser qu’elle n’a pas contribué à forger notre identité. Le cœur du projet du Président de la République en matière d’immigration est de reconnaître l’intérêt pour notre pays et les pays d’origine d’autoriser un certain nombre d’immigrés à s’installer en France, tout en exigeant de ceux-ci qu’ils respectent nos valeurs, et en maîtrisant les flux migratoires.

La France doit rester un pays ouvert à l’immigration et honorer sa tradition d’accueil des personnes persécutées. Comme le montre son histoire, elle ne peut que s’enrichir de l’apport de populations étrangères. Mais cette immigration doit être compatible avec nos capacités d’accueil et nos équilibres sociaux.

Monsieur le ministre, vous disposez à présent d’un outil majeur, avec la création d’un ministère dédié à la question des flux migratoires. La mission « Immigration, asile et intégration » en est la suite logique et regroupe l'ensemble des crédits concourant à ces politiques, jusqu'alors dispersés entre quatre ministères.

La dotation de la mission pour 2008 est de 618 millions en autorisations d'engagement et de 609 millions en crédits de paiement. Le programme « Immigration et asile », doté de 422 millions en autorisations d'engagement et de 414 millions en crédits de paiement, regroupe les crédits relatifs aux centres de rétention administrative, aux reconduites à la frontière, à l'administration des visas, à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, et au traitement de leur demande par l'OFPRA. Les 18 millions de dépenses de personnel correspondent à 370 emplois à temps plein.

Le programme « Intégration et accès à la nationalité », doté de 195 millions en autorisations d'engagement et crédits de paiement, finance l'accueil des étrangers par la voie du contrat d'accueil et d'intégration mis en oeuvre par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, ou par le biais d'associations financées par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. II inclut également les dépenses de personnel de la direction de la population et des migrations, transférée du ministère du travail.

L'administration centrale du ministère, pas tout à fait finalisée, reposera sur le transfert de 489 emplois à temps plein, auxquels s'ajoutent 120 emplois créés pour le cabinet du ministre et les services transversaux du ministère.

Vous souhaitez regrouper l'ensemble de vos services, à l'exception de la sous-direction des naturalisations de la direction de la population et des migrations, et d'une partie du service des étrangers en France, qui resteront à Nantes et à Rezé. Cette localisation unique est effectivement indispensable pour développer une culture commune. Si une localisation dans le centre de Paris présenterait l'avantage de la proximité avec le ministère, elle renchérirait considérablement le coût de l'opération. Je souhaiterais que ce sujet fasse l'objet d'un suivi conjoint avec le député M. Deniaud, rapporteur spécial sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État

En ce qui concerne les priorités du ministère, quatre axes d’actions me semblent essentiels.

En premier lieu, s’agissant de la promotion de l’immigration concertée, une lettre de mission du Président de la République vous invite à viser, pour l'immigration économique, un objectif de 50 % du flux total des entrées, contre 7 % aujourd'hui, ainsi qu'à fixer des plafonds d'immigration selon les motifs d'installation et les régions d’origine, ce qui nécessitera une révision constitutionnelle. Je suggère que cette priorité soit rendue plus visible, grâce à un indicateur de performance.

En deuxième lieu, la lutte contre l'immigration illégale fait l'objet de l'action « Police des étrangers » du programme « Immigration et asile », regroupant les crédits relatifs à la rétention, à l'éloignement ainsi qu'à l'accompagnement social des personnes en rétention, soit 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et 79 millions d'euros en crédits de paiement.

Sur ce point, je ferai trois recommandations. Il conviendrait, tout d’abord, que les dépenses de construction ou de rénovation des centres de rétention administrative soient transférées de la mission « Sécurité » vers la mission « Immigration » au terme du plan triennal d'augmentation des places. Il faut mettre fin, ensuite, à l'éclatement de la gestion de ces centres entre les directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale ; une entité unique de gestion en rationaliserait le pilotage.

Je souhaite, enfin, un indicateur relatif au taux d'exécution des mesures d'éloignement prononcées. Actuellement, seul un jugement sur cinq est exécuté. Un indicateur précis contribuerait à faire progresser la réflexion sur les réformes nécessaires. Je suis favorable, sur ce point, à des pressions accrues sur les pays non coopératifs pour la délivrance des laissez-passer consulaires, ainsi qu'à une unification du contentieux au profit d'un seul ordre juridictionnel, ce qui exigera une révision constitutionnelle, que vous envisagez. À plus court terme, je recommande que l'État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés.

En troisième lieu, la garantie de l'exercice du droit d'asile concerne, quant à elle, les crédits relatifs à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, ainsi qu’au traitement des demandes d'asile par l'OFPRA qui passe sous votre tutelle, et par la commission de recours des réfugiés – CRR – 72 % des crédits du programme « Immigration et asile », soit 304,5 millions, y sont consacrés. Or le récent ralentissement de la diminution du nombre de demandes d’asile, sans rendre irréaliste l’hypothèse d’une baisse de 10 % en 2008, sur laquelle s’est fondée le Gouvernement, invite à la vigilance : la réduction des délais de traitement des recours par la CRR, notamment grâce à la numérisation des dossiers et à la dématérialisation des procédures, et celle des délais de sortie des centres d'accueil des demandeurs d'asile –CADA – des demandeurs déboutés et des réfugiés, doivent se poursuivre. D’autre part, l’autonomie budgétaire dont la CRR – future Cour nationale de l’asile – bénéficiera dès le prochain exercice budgétaire est bienvenue, car son budget et son personnel ne sauraient rester rattachés à l'OFPRA, qu'elle contrôle.

En quatrième lieu, le renforcement de l'intégration repose sur la mise en oeuvre par l'ANAEM du contrat d'accueil et d'intégration – CAI – généralisé et rendu obligatoire par la loi du 24 juillet 2006 et sur l'action de I'Agence nationale de la cohésion sociale et l'égalité des chances – l’ACSE –, chargée notamment de la formation linguistique des étrangers déjà présents sur le territoire. L’articulation entre ces deux agences, toutes deux responsables de la formation – celle des étrangers présents depuis moins d’un an pour l’ANAEM et celle des étrangers dont le séjour est plus ancien pour l’ACSE –, devrait être rationalisée à l’occasion de la revue générale des politiques publiques, pour une meilleure lisibilité du parcours des étrangers, mais aussi afin de réaliser des économies d'échelle importantes.

À cela s’ajoutent deux mesures figurant dans la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'asile et à l'intégration : la création du CAI familial et l'évaluation dans les pays d'origine de la maîtrise du français et des valeurs de la République par les candidats au regroupement familial et les conjoints étrangers de Français, dont le coût global, qui s’élèverait à 3,6 millions environ, serait financé par le passage de 30 à 45 euros de la taxe prélevée au profit de l'ANAEM lors des validations des attestations d'accueil, estimées à 250 000 par an. Tel est l'objet de l'article rattaché 45, sur lequel j’émettrai un avis favorable.

Enfin, Monsieur le ministre, je vous adresse tous mes voeux de réussite non seulement à la tête du ministère que vous avez l’importante responsabilité de bâtir, mais aussi dans la négociation du traité multilatéral qui définira les droits et les devoirs des États membres de l'Union européenne en matière de gestion des flux migratoires (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – En regroupant des crédits qui relevaient jusqu’à présent des missions « Action extérieure de l'État » – pour la subvention à l'OFPRA – et « Solidarité et intégration » – pour la prise en charge des demandeurs et l'aide aux réfugiés –, cette nouvelle mission devrait apporter au domaine de l’asile, dont se préoccupe tout particulièrement la commission des affaires étrangères, une plus grande cohérence et une meilleure adéquation des moyens aux besoins.

La réduction à 43 millions en 2008, de la subvention à l'OFPRA dans la loi de finances initiale s’explique par l’hypothèse d'une poursuite de la tendance à la baisse du nombre de demandes d’asile, entamée en 2005 et évaluée à 10 % en 2008. Les effectifs de l’Office sont néanmoins stabilisés.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser le calendrier de la séparation budgétaire bienvenue entre l'OFPRA et la Commission de recours des réfugiés, qui dotera la future Cour nationale du droit d'asile de l'autonomie financière qui convient à une juridiction ? Qu’en est-il de la professionnalisation de ses magistrats, dont le statut problématique a empêché l’application de la réforme dès 2008 ?

L’hypothèse d’une poursuite de la baisse du nombre de demandeurs se traduit aussi par la réduction de l'enveloppe destinée à l'allocation temporaire d'attente – ATA -, qui passe de 38 à 28 millions d'euros. Malgré la compensation de cette baisse par l’augmentation du nombre de personnes hébergées dans les CADA – qui représente 3 000 places entre fin 2005 et fin 2007 –, lesquelles ne bénéficient pas de l’allocation, comment ramener à 10 mois la durée moyenne de la procédure de demande d'asile, encore supérieure à 13 mois en 2007 ?

En revanche, les dépenses de fonctionnement des CADA bénéficient d’une augmentation – qui les portera à près de 193 millions d’euros -, comme les moyens d'aide aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié, non seulement afin d'assurer le fonctionnement des centres provisoires d'hébergement, mais aussi de favoriser l'intégration des réfugiés, notamment par l’accès à l'emploi et à un logement de droit commun. À cet égard, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions sur le dispositif de solvabilisation de la demande de logement que vous envisagez de créer en 2008 ?

Après la réforme de 2003, complétée par la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, qui en consolide les excellents résultats, cette mission budgétaire, si perfectible soit-elle, donne à votre ministère les moyens de sa politique. La commission des affaires étrangères a donc adopté ses crédits et vous invite à faire de même.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des lois – Préoccupation majeure de nos concitoyens depuis plus de 25 ans, la question de l’immigration a désormais acquis une dimension européenne et internationale.

Après l’adoption définitive, la semaine dernière, du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, nous en arrivons à l’examen des moyens dont la politique qu’il rend possible bénéficiera en 2008. La création d'une mission spécifique traduit sur le plan budgétaire l’instauration du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement que le Président de la République s’était engagé à créer lors de sa campagne.

Ces moyens – 618,3 millions d'euros en autorisations d’engagement et 609,6 millions en crédits de paiement – sont à la mesure des enjeux. Ainsi, le CAI familial et les formations et évaluations linguistiques des candidats à l'immigration dans leur pays d'origine représentent près de 17,5 millions d'euros au total ; les centres de rétention administrative devraient bénéficier de 2 390 places fin 2008, conformément aux engagements pris en 2005 ; quant aux CADA, dont 25 % des places sont indûment occupées par des réfugiés ou des déboutés, ils devraient désormais accueillir prioritairement les demandeurs d'asile.

Refusant la solution de facilité consistant à exiger toujours plus de crédits, vous avez élaboré, monsieur le ministre, un projet résolument ambitieux qui mise sur des gains de productivité dans les domaines où ils sont envisageables et accorde les moyens nécessaires aux secteurs qui en ont le plus besoin. Vous refusez ainsi tout compromis en matière de lutte contre l'immigration clandestine et d'application des mesures d'éloignement prononcées par une autorité judiciaire ou administrative – dont le taux d'exécution a connu une nette augmentation depuis 2003, atteignant 29,5 % en 2006.

Les effectifs de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés, future Cour nationale du droit d'asile, sont également préservés. Quant à la réduction de 5 % de la subvention accordée à l’OFPRA, même si l'hypothèse d'une poursuite de la baisse des demandes d'asile sur laquelle elle repose ne se vérifiait pas, elle ne devrait pas rejaillir sur les délais de traitement des dossiers.

Néanmoins, comme l’a souligné Mme la rapporteure, la répartition des compétences de l’ANAEM et de l'ACSE devra être repensée dans le cadre de la revue générale des politiques publiques. À court terme, il semble indispensable de mettre en place une politique de marchés de prestations linguistiques et un cahier des charges communs aux deux agences.

En second lieu, comme l’a relevé la commission, il serait logique que les crédits afférents au système d'information « Réseau mondial des visas relèvent de la mission « Immigration, asile, intégration » et non du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l'État ». L’élaboration du prochain PLF devra y veiller.

Quoi qu’il en soit, les dispositions du PLF pour 2008 concrétisent une vision politique de la régulation des flux migratoires et de l'harmonieuse coexistence entre nos concitoyens et les populations étrangères vivant sur le sol français ; en outre, conformes à l'esprit de la LOLF, elles montrent que le pouvoir exécutif a véritablement pris acte de la modernisation budgétaire entreprise par le Parlement. Voilà pourquoi la commission des lois a émis un vote favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Le Fur remplace M. Le Guen au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Marie LE GUEN
vice-président

M. Éric Ciotti – Le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement que les Français ont voulu a été créé de toutes pièces en très peu de temps. Il est dorénavant solidement installé dans notre paysage institutionnel, et l’on peut déjà mesurer son utilité. Il était temps que la France, comme de nombreuses autres démocraties, se dote d’une structure de coordination de l’ensemble de sa politique d’immigration. La mission budgétaire nouvelle que nous examinons lui donne sa consistance, car sans moyens tout serait vain.

Or, Monsieur le ministre, vous avez obtenu les moyens nécessaires pour conduire une politique d'immigration nouvelle et courageuse. Votre budget, conformément aux objectifs fixés par le Président de la République, est construit sur trois piliers. Le premier est la lutte contre l'immigration clandestine, que nous considérons comme un préalable. L'immigration clandestine contrevient en effet à la dignité et au respect de la personne humaine : les situations de dénuement et de précarité que connaissent certains étrangers, exploités par des esclavagistes des temps modernes, sont tout bonnement inacceptables. Elle nuit également à la cohésion sociale en diffusant dans le pays un sentiment de rejet global de l'étranger, source insupportable de xénophobie et de racisme. La politique de lutte contre cette immigration illégale a donc été dotée de 85 millions, ce qui en fait le troisième poste de dépenses de la mission, qui permettront de financer les 26 000 reconduites à la frontière prévues pour 2008. Le temps des régularisations massives des gouvernements socialistes est révolu.

Mme George Pau-Langevin – Ça fait un moment !

M. Manuel Valls – Le Gouvernement du socialiste de Villepin ?

M. Éric Ciotti – Je forme le vœu que nous puissions enfin dépasser les clivages et aboutir à un consensus pour endiguer l'immigration clandestine.

Le deuxième pilier de ce budget est l'intégration des étrangers, clef de voûte de toute politique d'immigration réussie. Vous en avez fait une priorité, en l'érigeant en deuxième poste de dépenses avec une dotation de 180 millions. Les actions de l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, et de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances vont être considérablement renforcées. Elles pourront ainsi atteindre les objectifs de la loi sur la maîtrise de l’immigration, dont les contrats d'accueil et d'intégration « famille » et les tests de connaissance de la langue française et des valeurs de la République. L’idée de rééquilibrer les flux migratoires au profit de l’immigration économique nous semble aussi très pertinente, car le travail constitue le meilleur vecteur d’intégration. Vous êtes d’ailleurs en train d’élaborer une liste de métiers qui pourrait donner lieu à des objectifs d’immigration précis.

Plusieurs députés du groupe SRC – Prudence !

M. Éric Ciotti – Le troisième pilier de ce budget est le co-développement, qui est certes rattaché à la mission « Aide publique au développement » mais dont le pilotage et la mise en œuvre relèvent du ministère de l'immigration. Une politique maîtrisée de l’immigration passe forcément par le développement des pays d’émigration. Aucune barrière ne peut empêcher le déplacement des populations. C’est à la source qu’il faut traiter le problème. Nous nous réjouissons donc de l’annonce par le Président de la République de la réunion, lors de la présidence française de l'Union européenne, d'une conférence euro-africaine sur la gestion concertée des flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée, ainsi que des démarches que vous avez entreprises, Monsieur le ministre, en Afrique. La signature d'un accord de gestion concertée des flux migratoires et d'une convention de partenariat entre l’ANAEM et l'association Entreprendre et réussir en Afrique, pour l’aide au retour volontaire des immigrés africains, sont des avancées fondamentales. Il est de notre responsabilité d’éviter que des milliers de jeunes ne quittent leur pays d'origine pour un pseudo Eldorado. Ils doivent pouvoir s’épanouir dans leur propre pays, par l’éducation et le travail. C'est pourquoi l'augmentation considérable des enveloppes destinées à ces actions est appréciable.

Enfin, cette mission budgétaire va nous permettre de réaffirmer nos traditions d'accueil des opprimés et des persécutés. La garantie du droit d'asile et l'amélioration de l'accueil des réfugiés sont en effet au cœur des préoccupations du Gouvernement et 50 % des crédits de la mission, soit plus de 300 millions, y seront consacrés. Plutôt que de critiquer systématiquement, de chercher à jeter l'opprobre, l’opposition devrait se réjouir des 192 millions destinés aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile, ce qui représente 20 700 places – 15 000 de plus que lorsqu’elle a quitté le pouvoir ! Parallèlement, la diminution des demandes d'asile et la réduction des délais d'instruction ont permis de diminuer sensiblement la subvention versée à l’OFPRA sans pour autant porter atteinte à ses missions : voilà un exemple de gestion moderne et efficace des deniers publics.

Au total, ce budget dénote une gestion de l’immigration fondamentalement nouvelle, marquée par le volontarisme, l'équilibre et l'humanisme et qui poursuit comme buts une politique d’immigration maîtrisée, l’amélioration de l'accueil des demandeurs d'asiles et des réfugiés et le renforcement de notre politique de co-développement tout en faisant de la lutte contre l'immigration clandestine et illégale un objectif majeur. C'est incontestablement un très bon budget, que le groupe UMP votera avec la plus grande détermination (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme George Pau-Langevin – Vous ne vous étonnerez pas que le groupe socialiste ne soit pas aussi enthousiaste. Ce budget nous semble en effet tout à fait singulier, dans le sens où les annonces faites lors de la création de ce fameux ministère au nom toujours aussi contesté ne se retrouvent pas aujourd’hui dans les chiffres. Certes, les comparaisons sont difficiles puisque la mission est nouvelle, mais les crédits comparables sont loin de connaître une augmentation sensible. Vous aurez donc le plus grand mal à donner réalité à vos déclarations martiales.

Il est bien certain que vous devez disposer d’une administration mais, ainsi que l’a noté le rapporteur, il serait assez déplacé compte tenu de la gravité du sujet que des questions immobilières consomment des crédits importants. Pour le reste, on peut se demander comment vous allez financer des places décentes et en nombre suffisant en centre de rétention, ou, dans des conditions respectant la dignité individuelle, les reconduites à la frontière, l’hébergement des femmes ou les soins élémentaires. Toute cette politique est fondée sur le postulat qu’il faut d’abord limiter les flux à l’entrée pour pouvoir mieux intégrer les familles. Mais de plus en plus d’experts le remettent en cause : lorsque vous empêchez la libre circulation des étrangers, on sait qu’ils réussissent quand même à faire venir leur famille et que vous avez le plus grand mal ensuite à endiguer l’immigration familiale.

Par ailleurs, il faut considérer les conditions dans lesquelles se réalisent les reconduites ou l’arrêt des migrants à la frontière. On a le cœur serré en lisant le rapport de la Cimade, qui se montre pourtant toujours mesurée et est en outre mandatée par le Gouvernement, sur les centres de rétention. Elle dénonce les effets dévastateurs de l’industrialisation de la rétention. Elle montre comment la logique comptable qui prévaut confine à l’absurde et provoque chaque jour des drames humains. Elle souligne que la généralisation du placement en rétention des familles est inacceptable. Aujourd’hui, la volonté d’expulsion prend le pas sur les exigences élémentaires de la protection des mineurs. J’ai moi aussi visité la zone de rétention de Vincennes et la zone d’attente de Roissy. Sans mettre en cause le professionnalisme du personnel, on est frappé de voir tant d’enfants dans ce qui constitue, quoi qu’on dise, un univers carcéral. Il y a quelque chose de déplacé dans la présence de jeux d’enfants dans ces espaces grillagés. Il faut voir les couleurs vives des lieux où l’on s’apprête à enfermer des adolescents qui sont ici parce que leur famille ne peut plus assumer leur éducation ! Voilà où sont les priorités.

Je suis tout autant frappée de stupeur lorsque je vois que les crédits destinés à l’asile diminuent.

M. Thierry Mariani – Il y a moins de demandes !

Mme George Pau-Langevin – Dans ce cas, à quoi bon instaurer des procédures exorbitantes du droit commun ? Vous réclamez aux réfugiés les mêmes documents d’identité qu’aux autres étrangers. Où est la cohérence ?

Je m’étonne également de la légèreté avec laquelle vous avez institué un nouveau recours, comme vous y obligeait d’ailleurs la Cour européenne des droits de l’homme. Où sont les crédits correspondants ? Par souci de simplicité, vous avez confié l’ensemble du contentieux à la seule juridiction administrative. Le juge administratif n’étant pas compétent en matière de placement en rétention, vous comptez changer la Constitution. La loi fondamentale n’en est plus une si vous la modifiez sans cesse pour l’adapter à votre convenance !

D’où vient également le chiffre de 1 000 tests ADN ? J’aimerais comprendre votre calcul. Et comment financerez-vous le tribunal de grande instance de Nantes qui aura la charge de se prononcer en la matière ? Entre vos effets d’annonce et la réalité, il y a un fossé !

Chacun sait, en outre, que ce n’est pas en instaurant des procédures d’exception que vous réglerez les difficultés : l’arrivée massive de migrants à nos frontières s’explique par la situation désastreuse de la paysannerie dans le monde, par les effets de la globalisation, mais aussi par l’écart croissant entre les pays riches et le reste du monde, y compris en Europe. Les immigrés les plus en difficulté viennent en effet d’Europe de l’Est. Au lieu de criminaliser les migrants, il faudrait lutter contre la globalisation et faire de l’Europe une alliée des pays émergents. Ne nous claquemurons pas dans un bunker, sourds et aveugles à la misère du monde !

Pour atteindre vos objectifs de reconduite à la frontière, vous vous en prenez aux Roumains et aux Bulgares. Sous couvert des aides accordées par l’ANAEM, vous obligez brutalement des Européens à repartir ! Il eût été bien préférable de lancer un plan européen de lutte contre les discriminations, dont ces populations, privées d’emploi, ont toujours été victimes.

De tels expédients ne peuvent recueillir notre soutien, Monsieur le ministre. Nous allons vous écouter avec grande attention, mais ce budget n’est pas crédible en l’état. Ce qu’il y a de moins crédible est d’ailleurs votre politique d’aide au développement : il est dérisoire de consacrer seulement 29 millions à une politique que, tous, nous jugeons essentielle. Le groupe SRC ne pourra donc voter ce budget en l’état (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Noël Mamère – Quelques heures avant que nous commencions l’examen de ce budget, le ministre de l’intérieur a envoyé des forces de police déloger les immigrés sans travail qui s’étaient installés rue de la Banque, en face de la Bourse, et qui sont condamnés à vivre dans des conditions indignes. Cette situation en dit long sur votre politique d’immigration (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Ce budget vient en discussion dans une période de grande tension – débats sur l'identité nationale, fin programmée de l'immigration familiale, amendement funeste sur les tests ADN, débats sur l'hébergement d'urgence, rafles de sans-papiers, mort d'une ouvrière sans-papiers d’origine chinoise, métiers concernés par des quotas... Quel climat pestilentiel ! Vous faites payer chèrement les voix de l'extrême droite qui vous ont permis de gagner les élections au printemps dernier, tout en refusant obstinément d’accorder le droit de vote aux étrangers.

M. Thierry Mariani – Préférez-vous que le Pen fasse 20 % ?

M. Noël Mamère – Ce budget n'a rien d'anodin. Son périmètre correspondant aux crédits d'accueil et d'intégration, aux crédits de fonctionnement des centres de rétention et de reconduite à la frontière, aux crédits relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers, ainsi qu'à ceux finançant l'instruction du droit d'asile, l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile, et enfin aux moyens de fonctionnement des services de naturalisations et des visas à Nantes, il est difficile d’établir des comparaisons avec les années précédentes.

Il s’agit en vérité d’un ministère purement politique, construit de bric et de broc. En effet, les services préfectoraux des étrangers et des visas ne figurent pas dans le périmètre de la mission, pas plus que la coopération et l'essentiel des politiques de co-développement. J’ajoute que le contentieux des étrangers ne pourra qu’exploser sous l’effet des lois successives contre l’immigration que vous avez fait adopter par votre majorité. Il en résultera une surchauffe, qui portera les gardes à vue relatives aux infractions à la législation des étrangers à plus de 80 % du total.

J’en viens aux crédits de la mission, qui s’élèvent à 610 millions d’euros – 195 millions pour le programme « Intégration et accès à la nationalité » et 414 pour le programme « Immigration et asile ». Jusqu’à présent affectés à d’autres ministères, ces crédits ont donc été redéployés : le programme « Immigration et asile » regroupe, d’une part, les emplois de plusieurs ministères qui étaient chargés des différents aspects de la gestion des étrangers et, d'autre part, les crédits de fonctionnement correspondant à tous les aspects de l'asile et ceux prévus pour la future administration centrale du nouveau ministère.

Les interventions auprès des « vieux migrants » et des stagiaires étrangers se limitent à 8 millions d’euros, ce qui est bien peu quand connaît la détresse des chibanis. Souvenons-nous également que l'instruction d'une seule demande d'expulsion peut coûter jusqu'à 1800 euros ! Dans le même temps, la subvention de l'OFPRA n’est que de 43 millions d'euros, soit 2,5 millions de moins qu’en 2007. Il est vrai que l'OFPRA rejette plus de 92 % des demandes présentées, toutes origines confondues…

En rognant encore plus le droit d'asile, la dernière loi votée aura pour effet d’annuler les pouvoirs reconnus à la commission de recours, et le phénomène va s'aggraver avec le passage de l'OFPRA sous votre contrôle. Depuis 1952, c'est la première fois qu'un ministère chargé de l'immigration et non des affaires étrangères aura cet organisme sous sa tutelle. Cette OPA du ministère de l'intérieur accélérera la transformation de cet organisme en annexe des préfectures et des services de police !

Or, le décret de mai 2007, relatif aux attributions du ministre de l'identité nationale ne charge pas ce dernier du droit d'asile. Celui-ci et le statut des réfugiés restent pourtant une obligation de l'État, et la convention de Genève ne saurait être remise unilatéralement en cause par la France. Votre ministère ne peut donc être la seule autorité de tutelle de l'OFPRA.

C’est un budget de chasse à l'étranger (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que vous nous présentez. Il tend en effet à organiser l'arbitraire et à renforcer les procédures inquisitoriales. Tous les droits fondamentaux des immigrés sont désormais menacés. Loin de favoriser l'intégration et la diversité, ce budget est celui d’un État qui fiche, pourchasse et stigmatise l'étranger, en alimentant la suspicion à l'égard de tous les immigrés pauvres.

Cette criminalisation qui rabaisse les êtres humains, et suscite la peur, donne une image inquiétante de notre pays, sans rien régler au fond. Dans un an, dans cinq ans, ou dans dix ans, le nombre d’étrangers en situation irrégulière aura crû de façon considérable. Votre politique ne fera que grever le budget de la France tout en créant un stock permanent de sans-papiers vivant au quotidien dans la peur.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR ne pourra voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Francis Hillmeyer – Voici le premier budget d’une mission nouvelle, qui rassemble des actions auparavant éclatées entre plusieurs missions et ministères différents. Le Gouvernement démontre sa volonté de rationaliser l'action publique dans le domaine de l'immigration et de mener une politique coordonnée et réfléchie, à mille lieues de la politique de régularisation massive de 1997, qui a suscité un quadruplement des demandes d'asile.

La diversité et l'ampleur de la politique d'immigration imposent une analyse régulière et attentive de notre action publique. La cohésion nationale dépend en effet, pour une large part, de la réussite de la politique d'immigration, notamment des actions d'accueil et d'intégration. Le Nouveau centre a donc accueilli favorablement la création d'un grand ministère de l'immigration.

Une immigration non maîtrisée, sans anticipation ni capacité d'absorption, ne peut que susciter l’exclusion, la pauvreté et la précarité. La France doit rester une terre d’accueil. Mais pour bien accueillir les immigrés, il faut une envie de vivre ensemble. Le contrat d'intégration, qui repose notamment sur la maîtrise de la langue française et des mœurs et valeurs de notre pays, nous semble donc fort utile.

Cette mission consacre l’instauration d'un ministère unique en lui donnant clairement les moyens nécessaires. Le parcours d'un étranger sera désormais suivi par une seule administration, de son entrée sur notre territoire jusqu'à une éventuelle mesure d’éloignement ou de naturalisation.

Première orientation de ce budget, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » reflètent un changement de périmètre de l'action gouvernementale. Telles qu'elles ont été définies dans le décret portant création de votre ministère, vos attributions sont larges, Monsieur le ministre, et ce budget traduit bien les priorités définies par la lettre de mission du Président de la République. Des efforts imposants ont ainsi été accomplis afin d’améliorer les dispositifs en faveur de l’hébergement des demandeurs d'asile et de l'insertion des étrangers, mais aussi de garantir le fonctionnement des centres de rétention administrative et de réduire le coût et le délai d'examen de la demande d'asile. Il est toutefois légitime de s'interroger sur la portée des moyens et de regretter l’absence de certains indicateurs.

Il aurait été logique d'inclure le programme « Codéveloppement » dans la mission « Immigration, asile et intégration », compte tenu de l'importance accordée au codéveloppement dans le cadre d'une politique d'immigration choisie et concertée.

Le programme « Intégration et accès à la nationalité » voit son budget diminuer de presque 2 %. Il comprend cinq actions. L’« Accueil des étrangers primo arrivants » n’est pas des moindres, puisqu'elle vise à faciliter l'accès à l'emploi, à accompagner les familles dans la compréhension des mécanismes français de responsabilité à l'égard des enfants, à élever le niveau de maîtrise du français et à coordonner l’action des acteurs locaux, par le biais de plans départementaux. Cette action met en œuvre les dispositions de la loi sur l’immigration de 2006, auxquelles s’ajouteront celles de la loi de 2007. Pourtant, elle fait l'objet d'une diminution de 4,3 %. On peut donc se demander comment, à périmètre presque constant, seront financées les nouvelles mesures et si la dernière loi ne restera pas un vœu pieu.

D'un autre côté, vous allouez 3 millions à l’action « Aide au retour et à la réinsertion », alors que rien n'était prévu pour 2007. Le Gouvernement n'aurait-il pas tout à gagner à combattre en amont, aux côtés de nos partenaires européens, une immigration clandestine devenue trop importante ?

Porter les flux migratoires d’origine économique de 7 % à 50 % à l'horizon 2012 changera le regard sur les personnes accueillies, leur donnera des perspectives d'avenir et leur permettra de vivre dignement. Pourtant, cette orientation n’apparaît pas clairement dans ce projet de budget. Certes, la LOLF invite davantage les administrations à la réalisation d'objectifs de gestion et à l'amélioration de leur performance qu'à la fixation d'objectifs qualitatifs… mais votre ministère devrait présenter à notre assemblée les moyens à mettre en oeuvre afin d’atteindre cet objectif louable. Comme l'a souligné le rapporteur, le projet annuel de performance ne comporte qu'un indicateur – relatif à la durée moyenne d'instruction des recours hiérarchiques dirigés vers des décisions de refus d'autorisation de travail. Nous souhaiterions donc obtenir plus de précisions ainsi qu’une définition claire de l’« immigration économique », afin que des indicateurs puissent l’évaluer correctement.

Ce budget, parce qu'il fixe des objectifs de performance à l'administration en charge de la délivrance des titres de séjours, tente de traiter de la question de la précarité dans laquelle les procédures administratives interminables plongent les personnes en attente de régularisation. Trop d'étrangers souffrent d'un manque de considération de la part des pouvoirs publics ; leur détresse fait le lit des marchands de sommeil, des réseaux mafieux et des employeurs malhonnêtes. Cette situation doit cesser et les délais d’attente doivent impérativement être écourtés.

La structure administrative doit être réformée. Les préfets et les maires, par exemple, rencontrent de nombreuses difficultés en matière d'information et de suivi des dossiers. Des débats sur ce sujet, auquel le groupe Nouveau centre est attaché, n'ont rien changé. Nous souhaitons que des progrès soient réalisés en la matière.

Ce premier projet de budget met en exergue la volonté d'agir de votre ministère et de traiter l’ensemble des sujets relatifs à l'immigration. Espérant que vous éclairerez la représentation nationale afin qu’elle cerne mieux vos orientations, le Nouveau centre votera les crédits de la mission.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement  Je veux tout d’abord remercier les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux et la pertinence de leurs propositions. Je note que l’initiative qu’ils ont prise d’établir un questionnaire commun a permis que nous le traitions dans sa totalité à la date d’aujourd’hui. Cette mission est le résultat de la volonté conjointe du Président de la République et du Premier ministre et, comme l’a souligné Éric Diard, elle constitue l’une des innovations les plus importantes du PLF 2008.

Nous sommes en train d’accomplir un changement essentiel, souhaité par nos concitoyens, de notre politique d’immigration et d’intégration. Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, a mis fin aux actions au coup par coup et à un exercice cloisonné et chaotique de ces politiques. Le nombre de visas délivrés s’est stabilisé autour de 1,9 million par an, tandis que le nombre de reconduites à la frontière depuis la métropole passait de 10 000 en 2002 à 24 000 en 2006 et que le nombre d’interpellations, en progression, atteignait 90 000 l’année dernière. La tendance pour la délivrance des titres de séjour s’est inversée : nous sommes passés de 201 500 titres accordés en 2003 à 195 000 en 2005.

Le ministère, qui disposera au 1er janvier d’une administration centrale, doit aujourd’hui se doter d’un budget propre afin de mener à bien les trois missions qui lui ont été assignées. Le premier objectif est de mener une politique d’immigration « concertée » – comme le souhaite un grand dirigeant africain, M. Wade – en rééquilibrant immigration économique et regroupement familial. Nous renforcerons également les moyens techniques de lutte contre l’immigration irrégulière grâce à la biométrie et à la création du titre de séjour électronique. Enfin, nous amplifierons la lutte contre les filières d’immigration illégale et de travail clandestin.

L’immigration choisie est indissociable d’un engagement de la nation en faveur d’une intégration réussie des immigrés légaux et d’une nouvelle forme d’aide publique au développement, le codéveloppement. J’ai eu la satisfaction d’obtenir la création, au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement », d’un programme consacré au « Codéveloppement », qui nous permettra, Madame Pau-Langevin, d’être plus crédibles dans nos échanges avec les pays d’origine. Les crédits de paiement ont ainsi été portés de 14,5 millions en 2007 à 29 millions pour 2008, tandis que les autorisations d’engagement progressent de 18,5 millions à 60 millions. Forte de ces nouveaux moyens, notre politique portera sur la promotion des accords de gestion concertée des flux migratoires et sur la contribution au développement des projets individuels ou collectifs portés par les migrants et les diasporas dans leur pays d’origine.

Les crédits des programmes « Intégration et accès à la nationalité française » et « Immigration et asile » s’élèvent à 618,3 millions en autorisations d’engagement et à 609,6 millions en crédits de paiement. Le plafond d’emploi du ministère est fixé à 609 ETP travaillés. Les crédits transférés et les emplois proviennent du ministère du travail – 430 millions d’euros et 239 emplois -, du ministère de l’intérieur – 77 millions d’euros et 110 emplois –, du ministère des affaires étrangères – 64 millions d’euros et 140 emplois -, et du ministère de la défense – 2,5 millions d’euros.

Le premier poste de dépenses, qui concerne l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile, représente 50 % des crédits de paiement. 26 % vont au second poste, qui a trait à l’accueil, à la présence et à l’intégration des étrangers légaux : ces 180,5 millions prendront la forme de subventions à l’ANAEM et à l’ACSE. Le troisième poste concerne la lutte contre l’immigration illégale : il reçoit 14 % des crédits de paiement et près de 85 millions, qui permettront d’assurer la gestion des 2 400 places en CRA attendues pour la fin 2008, en application du plan triennal lancé par le comité interministériel de contrôle de l’immigration en 2005.

Les rapporteurs ont proposé de prolonger ce plan. Nous n’avons pas l’intention de lancer un nouveau plan triennal. Mais il faut se doter des capacités nécessaires pour prendre en charge les étrangers en attente d’expulsion ; en Île-de-France, 1 152 étrangers en attente d’éloignement – soit 20 % des éloignements effectués dans cette région – n’ont pu être admis en CRA faute de place, ce qui n’est pas acceptable.

Les rapporteurs sont également tous d’avis de regrouper en 2009 l’ensemble des crédits informatiques, y compris ceux du Réseau mondial visas. J’indique que 42 % des personnels de l’administration centrale de ce ministère sont en province, notamment à Nantes, ce qui est le taux le plus important pour l’État.

La nouvelle organisation administrative, resserrée, efficace et moderne, sera mise en place au 1er janvier 2008. Un service de la stratégie sera directement rattaché au secrétaire général du ministère, Patrick Stefanini. Il sera en charge du contrôle de gestion, des statistiques et études et de la stratégie d’ensemble des systèmes d’information. Malgré certains débats avec des organismes extérieurs, je souhaite que le ministère élabore des statistiques fiables.

Madame Pavy, j’ai bien noté votre demande d’inscrire les crédits d’investissement des CRA au programme 303. Ce sera sans doute indispensable pour conduire la programmation au-delà de 2008. Je partage votre prudence sur la diminution des demandes d’asile et je vous remercie de votre soutien en ce qui concerne la réforme de la Commission de recours des réfugiés.

M. Philippe Cochet s’est interrogé sur le calendrier de cette réforme et sur la professionnalisation des magistrats. Nous n’avons pu mener à bien cette réforme dans le présent budget, mais elle sera une priorité pour le budget 2009. Il s’est également interrogé sur les moyens permettant de réduire de 13 mois à 10 mois les délais d’instruction d’une demande d’asile. Nous comptons sur la réforme et sur la diminution des demandes, qui a déjà été de 14 % sur les 9 premiers mois de 2007, ainsi que sur la réduction du stock. La subvention de l’OFPRA pour 2008 lui en donnera les moyens.

Monsieur Diard, je suis comme vous favorable à l’articulation entre les actions des deux agences, l’ANAEM et l’ACSE, afin que les immigrés ne se perdent pas dans les méandres de l’administration. Nous y travaillons dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, afin que les agences organisent de façon plus complémentaire les parcours personnalisés, notamment pour l’apprentissage du français. Je demanderai aux deux directeurs généraux de mutualiser la passation de marchés publics, l‘organisation de prestations et l’édition de produits de communication.

M. Ciotti a évoqué un aspect très intéressant, qui est la dimension internationale de l’action de mon ministère. La présidence française de l’Union, à partir du 1er juillet 2008, s’emploiera à promouvoir un pacte européen de l’immigration. J’ai pu constater hier, lors d’une réunion des ministres de l’intérieur, des affaires sociales et des questions de l’immigration à Madère qu’il était souhaité et attendu. Cela suppose d’aborder les questions des régularisations, de l’harmonisation des droits d’asile, des retours, et, peut-être, de l’aide au développement. Le Président de la République avait souligné devant les ambassadeurs que ces questions d’immigration seraient l’une des trois priorités de la présidence française. La France organisera également la conférence euro-africaine sur les migrations et le développement.

Mme Pau-Langevin a apporté son soutien aux suggestions des rapporteurs. Je m’apprête à en tenir le plus grand compte. Restent des points de désaccord. D’abord, malgré le contexte budgétaire difficile, contrairement à ce que vous supposez, les crédits de mon ministère progressent par rapport à la somme des crédits des budgets de l’intérieur, des affaires sociales et des affaires étrangères qu’ils regroupent. Cette hausse est d’environ 20 % pour les actions d’intégration des réfugiés, de 6 % pour la gestion des CRA et de 2 % pour l’hébergement dans les CADA, mais les demandes d’asile ont diminué de 56 % en trois ans et l’on prévoit une diminution de 10 % l’an prochain. S’agissant de la rétention des étrangers en situation irrégulière, je ne peux pas vous laisser dire que leurs droits ne sont pas respectés. La durée moyenne de séjour dans un centre de rétention ne dépasse pas dix jours, alors que dans la Grande-Bretagne travailliste, où je viens de visiter un centre du même genre près de Londres, elle est illimitée. De plus, il faut souvent soumettre le dossier au juge administratif puis au juge des libertés, ce qui complique les choses. Sur le test ADN, je rappelle encore qu’il sera expérimenté pendant 18 mois avec un certain nombre de pays dont l’état-civil est défaillant, ce qui est l’objectif initial du dispositif. Nous prévoyons pour 2008 un millier de tests d’un coût moyen de 150 euros, ces 150 000 euros étant imputés sur les crédits de la mission budgétaire dont je suis responsable ; ce sera possible grâce à l’augmentation des recettes de l’ANAEM prévue à l’article 45. La Chancellerie a également prévu que les moyens humains éventuellement nécessaires au tribunal de grande instance de Nantes seront affectés par redéploiement.

Monsieur Mamère, nous n’allons pas recommencer le débat que nous avons eu à propos de la loi sur l’immigration. Vous êtes intervenu de façon plus mesurée cette fois – bien que je ne sache pas exactement où, pour vous, commence la mesure. Mais vous faites un contresens sur notre politique de l’asile. Le changement de tutelle de l’OFPRA ne relève en rien d’une « OPA » du ministère de l’intérieur. Il s’accompagne d’un effort budgétaire important. Pour la première fois l’instance de contrôle de l’OFPRA, la future Cour nationale du droit d’asile, disposera de l’autonomie budgétaire, et grâce à nous. Cette réforme sera applicable en 2009 et franchement, j’attendais des encouragements plus que des critiques.

Monsieur Hillmeyer, je vous remercie du soutien que vous avez apporté à la création de ce ministère. Il s’agissait d’un engagement clair du Président de la République. Je vous rassure également sur le financement des actions nouvelles visant à l’intégration : il se fera grâce à une augmentation des ressources propres de l’ANAEM, qui pourrait atteindre 7,5 millions.

Ce ministère est une nouveauté. Nous sommes très heureux d’avoir réussi, en quelques mois, à présenter un budget qui exprime notre réelle détermination à imaginer une politique nouvelle de gestion des flux migratoires et nous fournit de véritables possibilités d’action. Et je remercie par avance ceux qui envisagent de l’approuver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

QUESTIONS

M. Thierry Mariani – Monsieur le ministre, je vous prie de m’excuser de n’avoir pu assister à l’ensemble de votre discours : on m’a demandé de recevoir ce matin une délégation kurde.

Vous l'avez souligné, vous êtes aussi le ministre du co-développement, et je me félicite de la création d’un programme dédié, qui, avec la mission que nous examinons, contribue à renouveler la maquette du budget général. Nous l’examinerons la semaine prochaine. Doté de 60 millions en autorisations d’engagement et de 29 millions en crédits de paiement, il prévoit en particulier la signature d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de co-développement, lesquels doivent servir nos intérêts autant que ceux des pays d'origine, par l'appui ainsi donné aux projets portés notamment par les diasporas.

Pourriez-vous nous préciser la liste des accords de gestion concertée qui ont été signés en 2007 et de ceux que vous entendez faire aboutir en 2008, et nous indiquer leur contenu ? Avez-vous l'intention de créer au sein de votre administration centrale un service en charge de ce sujet essentiel pour la crédibilité de notre politique d'aide au développement, tant en Afrique que dans certains pays émergents comme le Brésil ou les Philippines ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration Vous soulignez à juste titre un aspect essentiel de la politique qu’il m’a été demandé de conduire. Le premier accord a été signé avec le Sénégal, quand M. Sarkozy était ministre de l’intérieur ; j’en ai signé un deuxième en juillet avec le Gabon, et un autre il y a quelques heures avec la République du Congo ; j’en signerai un quatrième dans quelques jours avec le Bénin. Je pense que, l’année prochaine, nous pourrions en signer avec cinq ou six autres pays, notamment la Tunisie, où je m’apprête à me rendre, le Cameroun et le Burkina-Faso, ainsi que les Philippines – car nous ne nous limitons pas à l’Afrique.

Le schéma de l’accord que nous venons de signer avec le Congo illustre bien les principes qui nous guident. Une première partie organise les flux migratoires, une deuxième le retour des personnes qui ne peuvent pas séjourner chez nous – retour que le pays d’origine accepte donc de prévoir, par la signature de clauses de réadmission ; un troisième volet contient des dispositions sur l’immigration économique, avec des objectifs quantitatifs, notamment pour la délivrance de la carte « compétences et talents », ainsi que sur l’accueil des étudiants, qui ont vocation à faire partie des équipes dirigeantes de leur pays. Enfin, un volet est consacré au co-développement. J’ai ainsi visité sur place une entreprise créée par un Congolais qui avait étudié à l’École Centrale de Paris, entreprise qui procure 35 emplois.

J’espère que nous pourrons signer des accords de ce type avec la plupart des pays africains. Ainsi assurerons-nous l’efficacité et la transparence de notre politique de maîtrise des flux migratoires.

M. Bernard Cazeneuve – Je voudrais revenir sur la pression migratoire provoquée dans les ports transmanche par la présence de réfugiés inexpulsables, notamment en provenance d’Irak. Car la fermeture du centre de Sangatte n’a pas fait disparaître ces réfugiés, qui sont aujourd’hui dispersés sur le littoral ! À Cherbourg, l’État a du mal à maîtriser la situation ; 99 tentatives de passage ont été constatées la nuit dernière, et il semble qu’au cours des derniers jours le nombre de réfugiés ait beaucoup augmenté – certains disent doublé.

Cette situation pose d’abord des problèmes de sécurité. Le traité du Touquet prévoyait des dispositifs de contrôle franco-britanniques, mais cela ne s’est pas fait partout. Entendez-vous en faire fonctionner un à Cherbourg ? Par ailleurs, les moyens de police supplémentaires que vous aviez accepté de nous donner il y a quelques semaines pour dissuader les passeurs étant repartis, envisagez-vous, dans ce contexte extrêmement tendu, de nous en fournir à nouveau ? Enfin, comptez-vous, comme il serait normal, faire assurer par le budget de l’État les travaux de sécurisation – la concession et les collectivités locales ayant dépensé 1,2 million pour sécuriser le port ?

Du point de vue humanitaire, la situation est tragique. Les réfugiés subissent le froid, la faim, et les associations sont débordées. À l’occasion de la présidence française de l’UE, comptez-vous, en liaison avec le HCR et nos partenaires, prendre des initiatives pour que ces réfugiés soient traités autrement sur le territoire de l’Union ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration Vous mesurez chaque jour les difficultés rencontrées dans votre ville, nous en avons déjà parlé ensemble. L’État a mobilisé des moyens importants, sous la direction du préfet de la Manche, pour que Cherbourg ne devienne pas aux yeux des clandestins la porte vers l’Angleterre. La demi-compagnie de CRS qui vous avait été affectée sera à nouveau mobilisée, afin d’entretenir une forte pression sur les passeurs ; soyez rassuré sur ce point.

La situation ne peut être comparée à celle de 2002 (Protestations sur les bancs du groupe SRC) : à l’époque, 3 000 clandestins vivaient à Sangatte ; aujourd’hui, les flux ne sont plus que de l’ordre de 150 personnes. À Cherbourg, il y en a une centaine. Il va de soi que nous devons travailler main dans la main avec les Britanniques, qui sont également très préoccupés. Il nous faut envisager une mutualisation des dépenses de sécurisation.

M. Marc Goua – Ma question concerne les centres de rétention administrative.

Les conditions de rétention sont déplorables dans la plupart d’entre eux.

M. Thierry Mariani – C’était pire avant !

M. Marc Goua – Je note une augmentation des crédits, mais servira-t-elle bien à améliorer le confort de ces centres, et non pas à accroître la durée moyenne de séjour, qui semble par ailleurs sous-estimée à un peu moins de dix jours. Les indicateurs budgétaires sont pour le moins vagues sur ce point, et les témoignages d’ONG comme la Cimade ne sont pas de nature à nous rassurer.

L’objectif d’une réduction du coût moyen dans les prochaines années risque de signifier, non pas l’amélioration des conditions de détention, mais la volonté de réaliser des économies d’échelle, dans un contexte d’expulsions massives ; et l’extension des locaux ne saurait être le prétexte d’un développement « industriel » de la rétention.

Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des histoires scandaleuses. Je citerai le cas d’une famille kazakhe, avec deux enfants, de quatre ans et sept mois, qui a passé deux semaines dans un centre où ces enfants manquaient de nourriture ; ou encore celui d’un couple moldave, avec un enfant de trois semaines, dont les conditions de rétention ont été qualifiées par la cour d’appel de Rennes de « traitement inhumain ».

Ces cas ne sont pas isolés. La situation est devenue critique dans des centres surpeuplés et désormais autorisés à recevoir des enfants, bien que ce soit contraire à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ainsi qu’à la loi française, qui dispose que l’étranger mineur ne peut faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière.

Ce budget ne comporte aucune disposition concernant des mesures alternatives, comme le maintien à résidence. En outre, le nombre de demandeurs d’asile baisse, cela tient à ce que ceux-ci sont expulsés avant de pouvoir présenter leurs dossiers, notamment faute d’interprètes. Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer les conditions de la rétention administrative ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration Puisque vous insistez sur la nécessité de la transparence, je vous informe que la Cimade reçoit 3,88 millions de subventions d’État…

M. Thierry Mariani – Nous sommes masochistes !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration …, notamment pour assurer une présence dans les centres de rétention administrative. La durée de rétention est restée de dix jours en moyenne, ce qui est raisonnable. Faut-il séparer les enfants de leurs parents ? Nous avons décidé, au contraire, de ne pas séparer les familles. Enfin, le contrôleur des lieux de privation de liberté aura accès à ces centres ; c’est une garantie supplémentaire.

M. Frédéric Cuvillier – Je suis surpris de vous entendre donner de votre politique une image idyllique, tellement éloignée de la réalité, qui en atteste l’échec.

De nombreuses collectivités locales sont confrontées à l’arrivée massive de populations roms, qui arrivent sans moyens, avec des enfants en bas âge, non scolarisés et s’installent souvent dans des lieux dépourvus de commodités, notamment sanitaires, Leur situation juridique est incertaine : seuls les ressortissants d’un pays de l’espace Schengen ont le droit de circuler librement, les ressortissants roumains bénéficiant de conditions de circulation similaires pour une durée de trois mois. Cependant, les critères pour bénéficier de la libre circulation, relatifs au niveau des moyens de subsistance ou à l’objet du déplacement, manquent le plus souvent. En outre, la présence des Roms crée des tensions avec les populations locales, du fait d’une mendicité parfois agressive.

Il arrive que la responsabilité des élus confrontés à ces situations se trouve mise en cause. Les élus doivent assurer à ces populations des conditions d’existence dignes, sans les figer sur leurs territoires, au risque de créer des camps.

Or, le problème dépasse la compétence des collectivités locales, et je regrette que l’initiative de certains députés européens en vue d’organiser une conférence sur les Roms ne reçoive qu’un écho très limité, notamment de la France. Comme Mme Pau-Langevin, je pense que le Gouvernement doit prendre des initiatives de codéveloppement.

L’hiver approche, et la situation ne peut perdurer. En tant que maire de Boulogne-sur-mer, j’ai peu apprécié, Monsieur le ministre, la façon dont vous avez mis en cause mon témoignage sur Sangatte. Je vois tous les jours les conséquences de votre politique d’abandon ! Contrairement à ce que vous voudriez laisser entendre, la situation s’aggrave. Mais le Gouvernement préfère détourner le regard, comme un malade qui casse son thermomètre pour ne plus voir qu’il a la fièvre. Et vous laissez les collectivités faire face seules ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration  Tous les gestionnaires locaux savent qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible, et que la présence de Roms est parfois un motif d’inquiétude pour la population. Nous essayons, avec l’aide de nombreuses associations, de convaincre ces personnes de retourner dans leur pays, grâce à l’aide au retour humanitaire, gérée par l’ANAEM. Si le dispositif n’est pas pleinement satisfaisant, le nombre de bénéficiaires de cette aide a tout de même triplé depuis 2006, passant de 300 à plus de 900.

Mme George Pau-Langevin – Ils peuvent revenir !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration Il y a en effet un risque qu’ils reviennent, et c’est pourquoi j’ai dit que le dispositif n’était pas pleinement satisfaisant. Le recours à la biométrie devrait pallier les lacunes du dispositif, en facilitant l’identification et le suivi des individus.

En ce qui concerne Sangatte, je n’ai pas voulu vous mettre en cause, Monsieur Cuvillier. Je comprends que vous avez pris le parti de critiquer…

M. Frédéric Cuvillier – Non ! Je suis témoin de ce qui se passe.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration  Vous savez, alors, que les flux de personnes à Sangatte sont passés de 3 000 à 150. C’est un progrès.

M. Frédéric Cuvillier – Prenez l’autoroute A16 et vous verrez qu’ils sont plus de 150 !

M. Noël Mamère – Le présent budget ne regroupe pas tous les crédits relatifs à l’immigration, puisque manquent l’administration des visas et les services des étrangers des préfectures. Cela ne facilité guère les redéploiements de moyens nécessaires pour faire face aux nécessités d’une politique de l’immigration.

L’hébergement d’urgence en offre l’illustration. La suppression de l’article 21 de la loi sur la maîtrise de l’immigration a clarifié la question de l’accès des personnes en situation irrégulière aux centres d’hébergement d’urgence. Cependant, dans le projet de loi de finances pour 2008, les crédits pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile diminuent de 5 millions.

Ce budget est, depuis des années, sous-doté, comme le dénoncent notamment des rapports de l’IGAS et de la Cour des comptes. Comment les DDASS pourront-elles faire face à l’urgence en 2008, avec 3 510 places financées ? Rien qu’à Paris, plusieurs milliers de personnes sont hébergées en places d’urgence. Si les crédits augmentent de 6 millions pour 2008, on reste loin avec ces 150 millions du budget exécuté en 2005, qui était de 217 millions.

Faute de crédits suffisants, de nombreuses personnes se retrouvent à la rue, et la pression sera maximale sur les municipalités, comme on peut le voir en ce moment rue de la Banque, à Paris, s’agissant pourtant de personnes pour la plupart en situation régulière.

Pour que la suppression de l’article 21 ait un sens, il faut s’attaquer à la sous-dotation chronique des crédits d’hébergement d’urgence et créer des indicateurs concernant l’accueil et l’intégration des immigrés. Seul le ministère des affaires sociales fournit des informations budgétaires claires, permettant à la Cour des comptes d’évaluer à 741 millions d’euros en 2004 l’aide médicale d’État et le financement de l’allocation d’insertion des demandeurs d’asile, et à 108 millions la dépense supplémentaire consentie la même année pour absorber le flux des demandeurs. Même le Parlement, précise la Cour, ne dispose pas de données crédibles.

Toute politique d’immigration suppose un budget cohérent. Monsieur le ministre, avez-vous compris la leçon ? Nous indiquerez-vous le montant exact des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration  L’hébergement d’urgence de droit commun ne relève pas de la compétence de mon ministère, uniquement chargé de l’accueil transitoire de demandeurs qui, ayant obtenu le statut de réfugié, sont confrontés à de graves problèmes d’insertion lorsqu’ils quittent un CADA. Or le budget des centres provisoires où nous les hébergeons est reconduit en 2008, moyennant un ajustement de 1,51 %.

J’ajoute que les mesures budgétaires pour 2008 ne constituent qu’une première étape : c’est en 2009 que nous envisagerons éventuellement le rattachement à mon ministère des consulats et des bureaux des étrangers des préfectures.

Quant à l’hébergement d’urgence des réfugiés – que l’augmentation de la capacité des CADA, multipliée par quatre, doit permettre de réduire –, il n’a nécessité en 2007, pour la première fois, aucun décret d’avance, ce qui montre que les crédits prévus étaient suffisants. Ainsi a-t-on limité l’hébergement dans des hôtels – dont le coût représentait 45 millions d’euros pour la seule ville de Paris – et évité les drames susceptibles d’en résulter.

M. Noël Mamère – Mon collègue Jean-Paul Lecoq m’a chargé de vous interroger sur la modestie du budget consacré au co-développement, qui ne prévoit aucune mesure permettant de lutter véritablement, au niveau international, contre l’appauvrissement généralisé des pays en voie de développement, cause principale de l’immigration. Le rattachement au co-développement des transferts financiers des migrants à destination de leur famille restée dans le pays d’origine, qui s’élèvent à 2,5 milliards d’euros, n’est qu’un leurre au service de votre politique de l’immigration.

Monsieur le ministre, par quels moyens protégerez-vous, en concertation avec le ministère des affaires étrangères, le développement durable des pays en voie de développement, qui exige la suppression des programmes macroéconomiques que leur imposent les institutions financières internationales et l’annulation d’une dette extérieure qu’ils ont déjà remboursée plus de dix fois ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration  Ces affirmations – qui anticipent sur l’examen du budget de l’aide au co-développement – sont inacceptables. La semaine dernière, nous avons négocié avec le Congo un accord qui concerne non seulement les flux migratoires, l’accueil des étrangers, notamment au titre de l’immigration professionnelle, et la réadmission, mais qui porte aussi sur le co-développement, auquel seront consacrés 1,2 million d’euros entre 2008 et 2010. Car la prise en compte du co-développement, indispensable – j’en suis profondément convaincu – à l’appréhension et à la maîtrise des flux migratoires, doit désormais faire l’objet d’une concertation entre la France et les pays d’origine : l’époque où la première décidait seule de sa politique migratoire et où les seconds étaient parfois trop heureux de voir partir leurs ressortissants est bel et bien révolue.

M. Manuel Valls – Monsieur le ministre, j’évoquais ce matin sur RMC-BFM le cas d’un Nigérian marié à une Française et qui, alors qu’il faisait l’objet d’une procédure d’expulsion décidée par le préfet du Val-d’Oise et confirmée, semble-t-il, par le tribunal administratif, aurait été convoqué à la préfecture de l’Essonne sous prétexte de lui délivrer un titre de séjour ; il s’agissait d’un piège, qui aurait permis de le placer en centre de rétention, puis de l’expulser une fois épuisées les voies de recours.

Un arrêt de la Cour de cassation proscrivait pourtant l’usage de la ruse dans les expulsions des étrangers en situation irrégulière, auxquelles il appliquait les exigences de transparence et de respect de la loi et de l’éthique. Monsieur le ministre, avez-vous donné aux préfectures des instructions claires en ce sens ?

D’autre part, qu’en est-il des objectifs chiffrés au nom desquels les administrations préfectorales, déjà confrontées à des flux migratoires importants et à des problèmes humains délicats, sont soumises à des pressions dont la presse vient de se faire l’écho ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration – À la suite de l’arrêt de la Cour de cassation que vous évoquez et qui prohibe l’interpellation des étrangers en situation irrégulière dans les locaux où la préfecture reçoit les demandes de titre de séjour, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait adressé aux préfets des instructions écrites parfaitement claires.

Quant à l’émotion suscitée dans votre département par la mesure d’éloignement prise le 13 octobre dernier à l’encontre d’un ressortissant nigérian à qui la préfecture du Val-d’Oise avait fait obligation en mars dernier de quitter le territoire, j’ai demandé à M. Moisselin, préfet de l’Essonne, des informations précises sur les conditions de son interpellation et sur la mesure d’éloignement du territoire qui le frappe. Ces informations devraient me parvenir cet après-midi ; je vous les communiquerai aussitôt.

S’agissant des objectifs d’expulsions, la loi doit être respectée : un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine. Seules des raisons humanitaires – comme l’a rappelé le Président de la République devant l’association Cœur de femme au cours de sa campagne – justifient, en vertu d’un amendement adopté à l’unanimité par l'Assemblée nationale, une exception à ce principe, que d’ailleurs les étrangers en situation régulière comprennent eux-mêmes fort bien et souhaitent voir appliqué.

M. Marc Goua – Monsieur le ministre, que faire des « ni-ni » - ni régularisables, ni expulsables – après l’abandon par la majorité du principe de régularisation au bout de dix ans de présence sur le territoire, qui faisait partie de la politique de gestion du regroupement familial et de l’immigration du travail promue par la loi Chevènement ? Si la régularisation massive des sans-papiers, qui viendrait alimenter les filières d’immigration clandestine, est inenvisageable, la régularisation au cas par cas – arbitraire et régie par des critères obscurs, voire par les seuls quotas fixés par le Gouvernement –, comme l’absence de régularisation qui lui a succédé depuis quelques mois, est injuste.

Outre les critères humanitaires que vous avez rappelés, la régularisation doit tenir compte de la durée de la présence sur le territoire, des attaches personnelles en France, de la scolarisation des enfants, de l’existence ou de la promesse d’un contrat de travail ; en outre, la régularisation automatique au bout de dix ans de séjour illégal, supprimée en 2006 par la loi Sarkozy, doit être rétablie. La régularisation au cas par cas ne doit être qu’une solution résiduelle.

La loi de 2006 a abrogé la régularisation de plein droit au bout de dix ans, mais a créé un dispositif d'admission exceptionnelle au séjour pour des motifs humanitaires qui est utilisé de façon beaucoup trop arbitraire : il n’est qu’à voir le cas de cette mère turque, soignée au CHU d'Angers pour une maladie grave, qui a été expulsée avec sa fille alors qu'un recours suspensif avait été déposé par le conseil de la famille. Après avoir refusé de reconnaître son erreur, la préfecture du Maine-et-Loire leur a enfin permis de revenir. Mais à ce jeune Malgache, atteint d'une maladie handicapante, venu en France se faire poser une prothèse de la hanche, on a refusé le renouvellement de son titre de séjour, qui se termine le 10 novembre. Comment entendez-vous, Monsieur le ministre, instaurer des critères plus justes et les appliquer de façon homogène sur l'ensemble du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration  Cette question a le mérite de souligner l’avantage qu’il y a à disposer d’une majorité et d’une opposition. Je suis en total désaccord avec votre proposition de revenir à une régularisation au bout de dix ans de présence cachée, honteuse, sans papiers.

Mme George Pau-Langevin – Dix ans, c’est un délai de prescription !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration  Il n’y a pas un seul autre pays qui ait retenu ce système de prime à la clandestinité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Obtenir son titre de séjour au bout de dix ans pendant lesquels on a passé son temps à se planquer et à éviter tous les contrôles possibles, c’est bien une prime ! Ce que vous proposez, qui est donc unique au monde, est la régularisation indiscriminée. Mais les régularisations italienne et espagnole qui sont souvent citées en exemple n’ont pas été des régularisations générales ! Elles se sont faites sur la base de critères précis, globalement relatifs au travail.

Mme George Pau-Langevin – Comme en 1997 !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration En 1997, le gouvernement Jospin a pris la décision de régulariser 80 000 personnes. Bilan : les demandes d’asile ont quadruplé ! Ce que vous proposez de bonne foi aboutit, en provoquant un gigantesque appel d’air, à l’inverse de ce que vous souhaitez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le dispositif d’admission exceptionnelle au séjour au cas par cas créé par la loi de 2006 permet au contraire des solutions justes et fondées, au lieu d’être bêtement mécaniques. Merci, Monsieur Goua, d’avoir mis en évidence ces différences fondamentales qui existent entre nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

ART. 33 ET ÉTAT B

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 45

L'article 45, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à quinze heures.

La séance est levée à 11 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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