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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 6 novembre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
38ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LIBRE CIRCULATION SUR LE LITTORAL ULTRAMARIN

M. Alfred Marie-Jeanne – Le décret permettant l’extension aux territoires d’outre-mer d’une servitude de passage côtière n’ayant toujours pas été publié, de nombreuses installations privées continuent d’entraver l’accès au rivage martiniquais et violent du même coup d’autres dispositions du code de l’urbanisme relatives au littoral. Pire : les marges de recul prévues par les POS ne sont pas toujours respectées. Il est temps de mettre fin à cet imbroglio qui fait du littoral la source de toutes les convoitises. Que comptez-vous faire afin de garantir la libre circulation sur le rivage et dans la zone des cinquante pas géométriques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer – Le littoral est au cœur d’enjeux humains et écologiques qui ont été débattus lors du Grenelle de l’environnement. La loi garantit à tout citoyen le droit de circuler librement le long des rivages français, en métropole comme outre-mer. Nul ne saurait entraver cette liberté fondamentale. Pourtant, il y a en Martinique, comme en Guadeloupe, des propriétés privées qui empiètent illégalement sur la bande littorale des cinquante pas géométriques, soit quatre-vingts mètres environ. Plusieurs procédures judiciaires sont en cours : attendons leurs résultats !

Pour autant, il est urgent de régler certains problèmes qui nuisent à l’aménagement de la côte martiniquaise. Un décret d’application est en passe d’être expérimenté dans les communes du Vauclin et de Sainte-Luce, avant d’être généralisé à tout l’outre-mer dès l’an prochain. Nous partageons la même conviction : le littoral doit être accessible à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

INTÉRÊT GÉNÉRAL ET ÉGOÏSMES CATÉGORIELS

M. Christian Blanc – Est-il vrai, Monsieur le Premier ministre, que notre pays compte aujourd’hui cinq millions de fonctionnaires, soit deux fois plus qu’à l’époque du Général de Gaulle ? Est-il vrai que notre croissance moyenne ne dépasse pas 1,9 % depuis vingt ans, alors que les prévisions sur lesquelles nos budgets sont bâtis atteignent 2,5 % ? Est-il vrai que la dette a financé l’essentiel des politiques sociales de l’État ?

Le peuple français semble le penser, qui a élu M. Sarkozy. Or, à l’aube d’une nouvelle confrontation sociale, le peuple seul vous permettra de vaincre les égoïsmes catégoriels, dont ceux de la SNCF et de l’éducation nationale – auxquels aucune réforme n’a résisté depuis vingt ans (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR, applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

C’est Jules Moch qui a, en 1947, suscité l’émiettement syndical pour mettre à mal la toute-puissance de la CGT. De nouveaux syndicats catégoriels virent alors le jour dans certains secteurs tels que les transports, où leur action pouvait facilement paralyser le pays.

M. Pierre Gosnat – CRS !

M. Christian Blanc – Le puissant syndicat patronal de la métallurgie, de son côté, encourageait l’émergence de groupements trotskystes (Rires sur les bancs du groupe GDR) dont la capacité de nuisance aboutit encore aujourd’hui à l’échec de réformes de droite comme de gauche. Chacun jugera de la pertinence de cette stratégie d’apprentis sorciers. Face aux égoïsmes des uns et des autres, n’y a-t-il pas urgence à garantir enfin une représentativité syndicale démocratique, fondée sur le vote de l’ensemble des salariés ? Êtes-vous déterminé à affronter la crise sociale qui s’annonce ? Quel chemin emprunterez-vous pour ramener notre pays vers la croissance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et UMP).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Est-il vrai que notre pays doit faire davantage de place au dialogue social ? Que la démocratie sociale doit y être renforcée ? Que les réformes tant attendues doivent être menées à bien ? Oui, oui, oui. Le Président de la République, le Gouvernement et la majorité s’y sont engagés. Nul ne saurait nous reprocher de mener la politique pour laquelle nous avons été élus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) ! Les Français savent que les choses ne peuvent rester en l’état.

Vous avez montré vous-même, Monsieur Blanc, qu’on pouvait être homme de réforme et homme de dialogue à la fois. Quant à nous, lors des mouvements qui s’annoncent, nous devrons à la fois entendre les inquiétudes qui s’exprimeront, mais aussi entendre la voix des Français qui ont demandé ces réformes en mai et en juin – qui veulent du dialogue et de la solidarité, certes, mais qui veulent aussi que ces réformes aillent à leur terme.

Ces réformes sont toutes engagées. Le texte sur l’emploi et le pouvoir d’achat est aujourd’hui en œuvre et plus de cinq millions de Français vont pouvoir bénéficier d’heures supplémentaires mieux payées et non soumises à l’impôt. La modernisation du marché du travail est en route, les partenaires sociaux y travaillent. Mme Lagarde et M. Chatel se sont attelés à la modernisation de l’économie, tandis que M. Woerth s’occupe de la modernisation de l’État. Le Gouvernement et sa majorité sont totalement engagés. Ne doutez pas de notre détermination, car elle puise sa légitimité dans la volonté des Français. Nous serons à la hauteur des responsabilités qui nous ont été confiées, à la hauteur de nos engagements et de la confiance des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. le Président – Je demande aux orateurs de respecter leur temps de parole, afin que chacun ait le temps de poser sa question.

BILAN DES SIX MOIS ÉCOULÉS

M. Jean-François Copé – Voilà six mois que les Français ont élu Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, six mois qui portent la marque du courage, de la volonté politique et surtout de la détermination à remplir ses engagements. De grands chantiers ont été ouverts, de grandes réformes engagées. Qu’elles suscitent parfois une opposition virulente ne change rien au fait qu’elles correspondent très exactement aux engagements pris lors de la campagne électorale…

M. Patrick Roy – Pouvoir d’achat !

M. Jean-François Copé – …et donc à ce que les Français attendent de nous.

Quels sont donc les grands chantiers que vous entendez ouvrir ou poursuivre, Monsieur le Premier ministre ? La majorité sera à vos côtés pour cela (« Allo ! » sur les bancs du groupe SRC et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. François Fillon, Premier ministre  Il y a six mois, les Français ont fait un choix politique – ils ont choisi un Président, une majorité et un projet politique que nous mettons en œuvre méthodiquement. Nous avons engagé la libération des heures supplémentaires, pour valoriser le travail et contenir les effets néfastes de la réduction du temps de travail. Nous avons facilité l’accès à la propriété avec la déduction des intérêts d’emprunt. Nous avons instauré un service minimum dans les transports publics qui sera effectif au 1er janvier. Nous avons donné aux universités les moyens de leur autonomie, après 25 ans d’hésitations. Nous avons triplé le crédit impôt recherche et augmenté d’1,8 milliard le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur. Nous avons commencé la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, indispensable à la sécurisation des parcours professionnels.

Nous avons engagé la réforme de l’État, avec la fusion de la direction générale des impôts et de la comptabilité publique, celle d’OSEO et de l’agence de l’innovation industrielle, ou encore avec la réforme de la carte judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Nous avons durci les sanctions contre les multirécidivistes. Nous avons renforcé les moyens de contrôle d’une immigration choisie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et les outils d’une intégration réussie.

Nous avons sorti l’Europe de l’impasse institutionnelle avec le traité simplifié que nous nous apprêtons à ratifier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons engagé, avec le Grenelle de l’environnement, un processus qui va rendre la France exemplaire en matière écologique tout en remplissant nos objectifs de développement et de croissance.

Nous avons lancé l’expérimentation du revenu de solidarité active dans une vingtaine de départements, avant une généralisation, le cas échéant, en 2009. Nous avons engagé la réforme des régimes spéciaux de retraite pour continuer à consolider la retraite par répartition, menacée par notre situation démographique (M. Gremetz s’exclame). Tels ont été ces six mois d’action du Gouvernement et de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Les six prochains mois ne seront pas moins chargés. Nous allons engager la réforme de nos institutions pour rééquilibrer les pouvoirs du Parlement. Nous allons présenter une loi de modernisation économique, qui s’inspirera largement des travaux de la commission Attali, et réformer le marché du travail, en reprenant je l’espère les conclusions de la négociation sociale qui est en cours. Nous allons proposer encore un plan « Respect et égalité des chances » pour les quartiers défavorisés, une loi pénitentiaire, une autre sur les délinquants dangereux, une loi d’orientation sur la sécurité intérieure et une loi de programmation militaire.

La majorité a un mandat pour réformer la France. Elle n’a pas à rougir de son action depuis six mois, mais elle ne peut pas non plus s’en satisfaire. Il y a encore beaucoup à faire pour rattraper les retards accumulés et pour nous inscrire dans le rythme des pays développés les plus performants en matière de croissance, d’emploi et de justice sociale. Le Gouvernement est en action. Il est à l’écoute des Français. Il n’ignore rien de leurs attentes ni de leurs difficultés. Il tiendra tous les engagements pris par le Président de la République et par chacun d’entre vous à l’occasion des élections législatives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

POUVOIR D’ACHAT

M. Jean-Marc Ayrault – Il y a en effet six mois que vous gouvernez, Monsieur le Premier ministre, et votre promesse de travailler plus pour gagner plus s’est brisée sur le mur de la réalité. Carburants, produits de première nécessité, loyers, dépenses de santé vident tous les jours un peu plus le porte-monnaie des Français. Vous n’êtes pas responsable, dites-vous de la flambée des prix des matières premières, mais vous êtes coupable d’imprévoyance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) À aucun moment, vous n’avez intégré cette inflation que les Français subissent au quotidien. Vous avez refusé de soutenir le SMIC. Vous avez refusé de doubler la prime pour l’emploi. Vous avez oublié la négociation paritaire sur les salaires. Vous avez gaspillé quinze milliards au profit de quelques privilégiés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Vous avez construit un système d’heures supplémentaires dont les chefs d’entreprise disent qu’il n’est pas applicable. Voilà votre politique depuis six mois ! Mais lorsque l’on entend la ministre de l’économie dire que si l’essence est chère, il faut prendre sa bicyclette…

M. Jacques Desallangre – Si le pain est trop cher, qu’ils mangent de la brioche !

M. Jean-Marc Ayrault – Nous n’acceptons pas ce fatalisme ni ce constat d’impuissance. Nous proposons donc à nouveau nos propres solutions (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), le rétablissement de la TIPP flottante, le prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières pour financer l’investissement dans les transports publics, le rétablissement de la TIPP pour les compagnies aériennes qui en ont été dispensées par votre majorité, un chèque transports obligatoire pour permettre aux Français de se déplacer, en particulier pour se rendre à leur travail ou suivre des formations.

Nous vous demandons enfin d’organiser une vraie négociation avec les partenaires sociaux sur les salaires. En tant que responsable de l’administration de l’État, Monsieur le Premier ministre, vous pouvez donner l’exemple.

M. le Président – Veuillez poser votre question !

M. Jean-Marc Ayrault – Nous nous posons la même question que beaucoup de Français : quand allez-vous prendre vos responsabilités ? Le pouvoir d’achat, c’est votre pouvoir ! Quand donc allez-vous l’exercer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR)

M. le Président – J’appelle chacun à respecter son temps de parole. Sinon, le dernier inscrit – un socialiste – ne pourra poser sa question (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. François Fillon, Premier ministre  J’ai beaucoup de respect pour le président du groupe socialiste et pour le maire de Nantes, que je connais bien. Mais répéter cent fois une contrevérité n’en fait pas une vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les mesures qui ont été votées par cette majorité au début de l’été profitent pour l’essentiel aux Français à revenus modestes, qui ont été pénalisés par celles que vous aviez prises en réduisant le temps de travail ! (Vives interruptions sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous êtes largement responsables de la situation qui est celle de notre pays en termes de pouvoir d’achat ! (Mêmes mouvements) Quand on défiscalise les heures supplémentaires, on permet aux Français qui en font d’augmenter leur pouvoir d’achat !

Monsieur le président du groupe socialiste, une politique efficace de soutien au pouvoir d’achat passe d’abord par une politique efficace en matière d’emploi. Nous avons enregistré en septembre une baisse spectaculaire de 1,4 % du taux de chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et nous sommes arrivés au niveau le plus bas depuis vingt-cinq ans. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire et nous allons les faire, mais sur ce sujet, vous n’avez de leçons à donner à personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Une politique de soutien au pouvoir d’achat passe ensuite par une politique salariale plus dynamique. Nous avons décidé de moduler les allègements de charges – y compris ceux que vous aviez décidés pour compenser les 35 heures – en fonction des efforts faits par les entreprises et les branches pour mener cette politique salariale dynamique.

Le pouvoir d’achat, ce sont enfin les prix les plus bas possibles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Et pour les obtenir, il n’y a que deux solutions : la concurrence et la transparence ! C’est la raison pour laquelle M. Chatel vous présentera dans quelques jours un projet de loi visant à faire baisser les prix, comme cela avait été le cas en 2004, lorsque Nicolas Sarkozy avait engagé cette politique.

Quelles sont les propositions du parti socialiste pour augmenter le pouvoir d’achat ? (« Zéro ! » sur les bancs du groupe UMP) S’agit-il de revenir enfin sur les 35 heures, qui ont écrasé les salaires dans notre pays (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) ou, comme Mme Royal le proposait dans son programme, de réhabiliter l’impôt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC)

CONSÉQUENCES DE LA HAUSSE DU GASOIL POUR LES PÊCHEURS

M. Jean-Marc Lefranc – Les pêcheurs connaissent des difficultés liées à la diminution des ressources et à l'augmentation de leurs charges de fonctionnement. À 94 dollars le prix du baril de pétrole atteint des sommets, et celui du gasoil pêche dépasse 55 centimes le litre. Or, le poste carburant représente 30 à 35 % – parfois davantage – de la mise à terre, c'est-à-dire du chiffre d'affaire des navires, alors que, contrairement à d'autres professions, ils ne peuvent répercuter ces surcoûts sur le prix de vente des produits débarqués. La conséquence directe en est une diminution sensible de la rentabilité des armements – nombre d'entre eux sont au bord du dépôt de bilan – et du salaire des équipages.

Je partage l'inquiétude des pêcheurs, qui ont investi des sommes importantes dans leur outil de travail et s’interrogent sur leur avenir. Ceux que je rencontre chaque jour à Ouistreham, à Courseulles, à Port-en-Bessin ou à Grandcamp, comme tous leur collègues de France et d'outre-mer, n'acceptent plus d'aller en mer pour des salaires de misère dans des conditions de pénibilité et de dangerosité connues de tous.

Le Président de la République et vous-même, Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, avez rencontré des pêcheurs au Guilvinec. C'est une preuve de considération pour leur profession. Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour compenser la hausse du carburant, sauvegarder ce secteur d'activité essentiel et permettre à ces hommes et à ces femmes de vivre dignement du fruit de leurs efforts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  Le Président de la République est en effet allé ce matin au Guilvinec, à la rencontre de tous les marins-pêcheurs français. Je peux témoigner, comme beaucoup d’élus de la majorité et de l’opposition qui étaient à nos côtés, que ce dialogue a été très direct et très sincère. C’était une marque de respect et de solidarité à l’égard d’hommes et de femmes qui représentent beaucoup pour l’économie du littoral et qui expriment une certaine détresse. Le Président de la République leur a apporté trois réponses précises qui engagent l’ensemble du Gouvernement. Il s’agit d’abord de mettre en place un mécanisme durable qui réintégrera le surcoût du gasoil dans le prix du poisson vendu à l’étal.

M. Frédéric Cuvillier – Très mauvaise solution !

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  Ce mécanisme devra être mis en place dans les trois mois qui viennent. Je vais naturellement vérifier que la proposition est compatible avec les règles de la Commission européenne. Dans l’intervalle, le Président de la République a décidé de l’exonération totale des charges patronales et salariales. Enfin, je dois mettre en place un plan de modernisation de la flottille qui visera notamment à rendre nos bateaux moins dépendants du pétrole importé : recherche sur les moteurs, utilisation des agrocarburants et des biocarburants… Ces propositions devraient permettre à tous les marins-pêcheurs de reprendre le travail. Je réunirai dès demain l’ensemble des représentants de la filière de la pêche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Roland Muzeau – Le consommateur paiera !

CONTRÔLE DES ONG

M. Jean-Louis Christ – Le Président de la République vient d'obtenir la libération de trois journalistes français et quatre hôtesses de l'air espagnoles inculpés au Tchad dans l'affaire de l'Arche de Zoé. Nous nous en réjouissons (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). Cette nébuleuse affaire atteste cependant la faiblesse du contrôle qui s’exerce aujourd'hui sur les associations loi de 1901 dans la conduite et la mise en œuvre de leurs projets de solidarité internationale à l'étranger. S'il faut se réjouir de l'engagement croissant de nos concitoyens dans ces associations qui emploient un grand nombre de bénévoles et de plus en plus de professionnels, il n'est pas inutile de rappeler qu'un certain professionnalisme doit guider leur action.

A travers leurs missions de solidarité internationale, les ONG remplissent un rôle éminent à l'étranger. Elles symbolisent les liens de solidarité qui existent entre les citoyens français et les sociétés civiles des pays en développement. Les actions des ONG engagent également l’image de la France dans les pays où elles se déroulent, comme vient de le rappeler l'opération « Arche de Zoé », qui porte préjudice à l'ensemble des ONG humanitaires, notamment celles qui travaillent dans le domaine de l’adoption.

Sans remettre en cause la liberté associative, garantie par la Constitution, serait-il possible de mieux encadrer les ONG agissant à l'étranger, qu’elles disposent, ou non, de financements publics ? Pourriez-vous également nous indiquer selon quels critères le ministère des affaires étrangères choisit les projets qu’il soutient financièrement ? Quelles mesures pourrait-on adopter en vue de décerner un éventuel label de qualité aux ONG souhaitant développer des actions de solidarité internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie – Dans cette déplorable affaire, ma collègue Rama Yade n’a jamais varié de position, et vous savez que le Président de la République s’est rendu sur place, dimanche dernier. Nous avons su apporter la bonne réponse en dénonçant clairement les dérives, en dialoguant avec le Tchad dans le respect de sa souveraineté et des procédures en cours, et enfin en obtenant des résultats concrets, dès dimanche dernier. Nous restons aujourd’hui engagés auprès de nos ressortissants, quels qu’ils soient.

Cette affaire ne portera pas atteinte à l’image des ONG, qui réalisent un travail remarquable dans le respect d’idéaux partagés par beaucoup d’entre nous, y compris sur ces bancs, et qui paient parfois un lourd tribut. Ce fut encore le cas, voilà deux jours, en Ouganda, où deux employés d’une ONG française ont été tués. Dans leur grande majorité, les ONG françaises sont professionnelles et respectées. Nous allons continuer à renforcer le soutien que nous leur apportons, car elles sont la force de frappe de la solidarité internationale.

Il faut bien sûr faire la part des choses, et vous avez, pour cela, évoqué plusieurs pistes. Face aux difficultés déjà rencontrées avec certaines associations, la démarche « qualité » a toujours été payante. On ne peut encadrer des organisations non gouvernementales, mais on peut engager le dialogue avec elles et développer un label de qualité. Avec Bernard Kouchner (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), nous poursuivrons ce dialogue, en vue de bâtir un nouveau partenariat avec elles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIR D’ACHAT

Mme Chantal Robin-Rodrigo – « Je serai le Président de l’augmentation du pouvoir d'achat », promettait, au printemps dernier, Nicolas Sarkozy. Il était alors candidat… Mais depuis qu’il est président, le pouvoir d'achat s'est dégradé, notamment pour les Français les plus modestes. Le coût de la vie augmente : alors que le logement est le premier poste de dépenses des ménages, le prix des loyers s’est accru de 3,4 %, bien plus que l'inflation. Le coût des matières premières agricoles a fait flamber le prix des produits alimentaires de base, comme le pain et les pâtes – 45 % de plus ! Mais c'est également vrai du gasoil et du fioul domestique…

Les Français ne sont pas égaux devant la cherté de la vie : qui dit pouvoir d'achat, dit salaire ou retraite. Or, les plus basses rémunérations sont à la traîne, ce Gouvernement n’ayant pas jugé bon d'augmenter le SMIC au 1er juillet dernier. Il n’y a rien dans le budget pour 2008 en matière d’emploi précaire ou de travail à temps partiel, et les petites retraites n’ont pas été augmentées. Les franchises médicales frapperont en revanche les plus modestes d’entre nous.

Face à l'envolée des prix à la pompe, la ministre des finances conseille aux Français, non sans un certain cynisme, de privilégier la marche, la bicyclette ou le covoiturage. Mais de telles solutions sont impraticables en zone rurale et à la montagne. La ministre le sait-elle ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Dans le même temps, le Gouvernement et sa majorité ont accordé, avec le dernier paquet fiscal, près de 15 milliards d'euros aux contribuables les plus aisés (Même mouvement). Par ailleurs, vous avez jugé opportun d'augmenter le pouvoir d'achat du Président de la République – 140 % de plus, ce n’est pas rien ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC ; interruptions sur les bancs du groupe UMP). Nos concitoyens rêveraient d’en avoir autant…

M. le Président – Veuillez poser votre question, Madame.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Les Français attendent une action concrète, et ce dès maintenant. Pourriez-vous, Monsieur le Premier Ministre, indiquer à la représentation nationale les mesures que vous comptez prendre pour tenir la promesse du candidat Sarkozy ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – Je rappelle que le dernier intervenant, qui appartient au groupe SRC, ne pourra pas poser sa question si les autres orateurs ne lui en laissent pas le temps.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Comme vient de le rappeler le Premier ministre, le pouvoir d’achat est la priorité du Gouvernement. Nous agissons tout d’abord en faveur des salaires : comme l’ont constaté les partenaires sociaux, réunis autour de Mme Lagarde et de M. Bertrand, voilà dix jours, le premier obstacle au pouvoir d’achat tient à l’emploi. Notre objectif prioritaire est donc de ramener le taux de chômage à 5 % avant la fin de la législature : les 800 000 Français qui retrouveront ainsi un emploi bénéficieront d’une amélioration de leur pouvoir d’achat…

En matière de salaires, nous avons voté cet été un dispositif relatif aux heures supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je tiens à votre disposition la fiche de paie d’un salarié au SMIC qui a effectué quatre heures supplémentaires depuis le début du mois d’octobre (Mêmes mouvements). En passant de 35 à 39 heures, il gagne 182,82 euros en plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Voilà une réponse concrète ! En un an, cela fait deux mois de salaire supplémentaires !

Le Gouvernement s’attache également à réduire les charges et les coûts. Un projet de loi relatif à la transparence et la concurrence vous sera ainsi présenté au mois de novembre. J’ajoute que le Président de la République a réuni, hier, les principaux acteurs de la grande distribution. Après avoir fait baisser le prix des produits de marque de 3,47 % depuis 2005, nous entendons renforcer la concurrence au bénéfice des consommateurs. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC)

M. le Président – Je vous demande de conclure, Monsieur le ministre.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Dans de nombreux secteurs, nous avons besoin d’une plus grande transparence, qu’il s’agisse de la téléphonie mobile, où les prix ont explosé, ou des banques, dont le fonctionnement reste opaque (Même mouvement). C’est le consommateur qui en profitera. Vous le voyez : le Gouvernement est totalement mobilisé en faveur du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je demande également au Gouvernement de respecter son temps de parole.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. Robert Lecou – Monsieur le ministre d’État, vous avez organisé le Grenelle de l’environnement, selon la volonté du Président de la République qui s’était engagé à agir pour une dynamique économique dans le cadre d’un développement durable. Votre démarche est une réussite : les Français sont aujourd’hui plus sensibilisés ; je souhaite que des mesures concrètes naissent de vos conclusions.

Gérer, c’est prévoir. En matière d’aménagement du territoire, c’est être attentif à notre espace et au maillage qu’offrent le réseau des villes moyennes, celui des petites villes et celui des bourgs centres. Pour assurer un développement durable, il faut privilégier la proximité – qui évite des déplacements coûteux en carburant, producteurs de gaz à effet de serre, et des concentrations urbaines inhumaines. Favoriser la proximité, c’est notamment considérer le service public comme l’un des éléments structurants de notre pays (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC).

Je crois à une politique d’aménagement du territoire dynamique et au renforcement des services de proximité. Comment entendez-vous mener les deux chantiers essentiels que sont d’une part l’écologie et le développement durable, d’autre part l’aménagement du territoire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables – Comme l’opposition entre croissance et écologie, l’opposition entre l’urbain et le reste de notre territoire est une erreur majeure. Le développement durable va rendre ses lettres de noblesse à la proximité, à ces réseaux de villes moyennes, de villages, de bourgs et d’espaces naturels qui font partie intégrante de notre patrimoine ; il se jouera dans chaque espace rural, sur l’autonomie énergétique, sur la qualité de l’eau, dans chaque école, dans chaque service public, dans chaque foyer. L’économie va délaisser les très grands transports de marchandises pour se recentrer sur la proximité. C’est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre avaient voulu que le développement durable et l’aménagement du territoire relèvent du même ministère que l’énergie, l’habitat, les paysages, la mer et les forêts. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

CHIENS DANGEREUX

M. Patrick Beaudouin – L’opinion s’est émue des agressions de chiens dangereux, qui ont causé de graves blessures et même la mort de plusieurs enfants. Elle s’est émue aussi de l’inconscience coupable ou de la naïveté cruelle de leurs propriétaires.

Plusieurs de mes collègues et moi-même avons déposé des propositions de loi tendant à renforcer la législation dans trois directions.

Il convient tout d’abord de mieux déterminer les critères de dangerosité. A l'heure actuelle, la loi détermine des catégories de chiens ; la présomption de dangerosité vaut à l’évidence pour ceux qui appartiennent à la catégorie des « chiens d'attaque et de combat » et à celle des « « chiens de défense et de garde ».

En second lieu, le maître doit être responsable de l'arme par destination qu'il possède et soumis à une formation appropriée pour maîtriser le comportement de son animal : n'importe qui ne peut pas détenir ou utiliser un chien dangereux, d'où l'idée d'un permis canin.

Enfin, la détention et l'usage de chiens présumés dangereux doivent être soumis à des règles – contrôle du pedigree, lutte contre les marchés parallèles ou clandestins, détermination du caractère, immatriculation et déclaration à la mairie, port de muselière, laisse obligatoire, périmètre éventuel d'exclusion du chien dans les lieux publics, voire privés, stérilisation de certains animaux, et éventuellement euthanasie.

M. le Président - Posez votre question.

M. Patrick Beaudouin – Mais nous ne devons pas oublier les autres chiens qui peuvent se révéler mordeurs : en mobilisant éleveurs professionnels, vétérinaires, associations de protection des animaux, élus locaux, il faut lancer une grande campagne de sensibilisation à destination des propriétaires.

Avant que le texte adopté par le Conseil des ministres ne vienne devant le Parlement, pourriez-vous, Madame le ministre de l’intérieur, nous informer sur son économie ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Oui, avoir un chien, c’est une joie pour de nombreuses familles, et c’est aussi un risque pour les tiers et parfois pour soi-même. C’est donc une responsabilité.

Vous avez déjà légiféré, la loi a donné des résultats, mais elle n’a pas empêché les accidents graves qui se sont produits ces derniers mois, et nous devons avoir une pensée pour les victimes et leurs familles. Il était donc nécessaire de légiférer à nouveau ; nous avons travaillé dans un esprit de large concertation avec les parlementaires, dont vous-même, Monsieur le député, avec la SPA et les associations de protection des animaux, avec les services vétérinaires.

Le projet de loi sera déposé demain devant le Sénat avant de venir devant votre assemblée, et je serai bien entendu très ouverte aux amendements qui pourront être déposés. Son économie générale, c’est la responsabilisation des propriétaires et détenteurs, avec une obligation de formation, une intervention des vétérinaires pour une évaluation comportementale de certains animaux, avec un renforcement des sanctions en cas de manquement. Vous le voyez, à une question complexe et importante pour la sécurité de nos concitoyens, nous voulons apporter une réponse mesurée mais ferme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POUVOIR D’ACHAT

M. Philippe Martin – Monsieur le Premier ministre, malgré toutes vos dénégations, la vie est de plus en plus dure pour les miséreux. On en vient à se demander sur quelle planète ou dans quelle France évolue le Gouvernement, tant la réalité que vivent les Français, à l’exception notable de ceux qui bénéficient de votre paquet fiscal (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), semble éloignée de vos préoccupations. Savez-vous que la cuve de fioul va coûter cette année 30, 40, voire 50 % de plus que l’an dernier à des Français dont les revenus et les retraites n’ont pas augmenté d’un seul euro (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Cette réalité mérite mieux que les réponses condescendantes de votre ministre de l’économie : on parle à Mme Lagarde de la flambée des carburants, et elle préconise le vélo ! On suppose qu’elle conseillera bientôt à ceux qui ne pourront se chauffer de se tricoter un gros pull et d’attendre sagement qu’on veuille bien leur apporter les brioches (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) !

Pour améliorer le pouvoir d’achat, il existe deux leviers : la baisse des prix ou l’augmentation des salaires. Or, vous refusez de revaloriser les derniers, en particulier le SMIC, et les premiers, ne vous en déplaise, augmentent, et continueront à augmenter.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour lutter enfin contre la vie chère ? Êtes-vous décidé à améliorer les petits salaires et les petites pensions, seul moyen durable de renforcer le pouvoir d’achat de ceux qui en ont besoin ? Pourquoi ne pas généraliser la méthode du Président de la République, augmentant son propre salaire de 170 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) En réalité, six mois après son élection, celui qui voulait être le président de l’augmentation du pouvoir d’achat n’a été que celui de l’augmentation de son propre pouvoir d’achat – et de la vie chère pour tous les autres ! (Même mouvement)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce extérieur – La vérité, dans ce que vous avez dit, c’est que les prix du pétrole augmentent régulièrement. Cela n’est pas une nouveauté, et cela n’a pas commencé avec cette majorité, puisque, depuis 2000, les prix ont été multiplié par cinq. Toutefois, la faiblesse du dollar nous prémunit d’une hausse encore plus importante. Si le prix du brut a augmenté de 5 % la semaine dernière, les prix de l’essence et du gasoil ont augmenté entre 1,6 et 1,8 %.

M. Marcel Rogemont – Et alors ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Le prix français de l’essence reste inférieur à la moyenne européenne. Mais cette augmentation étant évidemment trop importante (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), nous allons prendre plusieurs mesures.

Dans le court terme, l’important – pour reprendre les termes du Premier ministre –, c’est la concurrence et la transparence. En ce qui concerne la concurrence, il faut que le secteur de la distribution soit plus concurrentiel, et nous nous y efforcerons dans les prochaines semaines. Pour ce qui est de la transparence, le site internet « prix-carburants.gouv.fr » a vu sa fréquentation multipliée par deux, depuis une semaine (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Roy – Quel succès !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État C’est dire si ce site est utile.

Mais les mesures les plus importantes sont celles qui doivent avoir des effets à long terme. Le Grenelle de l’environnement en propose toute une série, qui représentent un véritable changement de comportement en matière de consommation énergétique.

M. le Président - Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Enfin, s’agissant de la TIPP flottante, je vous renvoie au jugement de M. Denis Baupin, qui ne fait pas partie de nos amis politiques, et selon lequel les socialistes n’ont rien compris, cette taxe ayant coûté 2 milliards d’euros entre 2000 et 2002, tout en restant illisible pour les consommateurs et dépourvue d’effet à la pompe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

VITICULTURE FRANÇAISE

Mme Jacqueline Irles – La viticulture du Languedoc-Roussillon, et en particulier des Pyrénées orientales, connaît des jours difficiles. Après deux crises, de nombreux viticulteurs sont dans une situation très fragile, qui ne tient pas seulement à des phénomènes conjoncturels, mais aussi, et surtout, à des handicaps structurels. Alors qu’est discutée en ce moment, à Bruxelles, une réforme du volet viticole de la politique agricole commune, le nouveau cadre qui en résultera sera-t-il un atout pour la viticulture française, ou bien faut-il craindre des retombées douloureuses pour nos vignobles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  Pour surmonter les difficultés de la viticulture du Languedoc-Roussillon, et du vignoble français en général, nous avons besoin d’un plan de modernisation, auquel je travaille, avec l’ensemble de la filière. Nous avons besoin également d’une organisation commune des marchés forte au niveau européen, car rien ne serait pire pour le vignoble français que le « chacun pour soi ». C’est pourquoi nous attendons de la Commission de nouvelles propositions, car celles qui sont sur la table ne nous conviennent pas. Tant que la Commission n’entendra pas la France et les autres pays qui ont la même position, nous ne donnerons pas notre accord.

Nous voulons que soient garantis les droits de plantation, pour éviter, à partir de 2013, de nouvelles surproductions. Nous voulons également préserver certaines pratiques œnologiques traditionnelles dans de nombreuses régions, comme l’enrichissement. Nous attendons donc, sur ces questions, des avancées de la Commission dans les prochaines semaines, la présidence portugaise de l’Union souhaitant qu’un accord soit conclu avant la fin de l’année. Aujourd’hui, en tout cas, le compte n’y est pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

RACHAT DU JOURNAL « LES ÉCHOS »

M. Patrick Bloche – Nous avons appris hier que la première fortune de France, M. Bernard Arnault, par ailleurs proche du Président de la République, venait de s’offrir le premier groupe français de presse économique et financière. Comble du cynisme, cette acquisition a été officialisée au moment de la Journée européenne de la liberté de la presse ! Avec le rachat des Échos par LVHM, la liste des conflits d’intérêt s’allonge : les grands groupes industriels et financiers français, dont la plupart vivent des commandes de l’État, mettent la main sur les médias du pays.

Or, LVMH est déjà propriétaire d’un quotidien économique, La Tribune, dont les journalistes nous ont, à plusieurs reprises, alerté sur le fait que, pour M. Arnault, l’indépendance éditoriale était un luxe ! Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement, mettant fin à son inaction complice, saisira-t-il enfin le Conseil de la concurrence ? Que M. Arnault soit en mesure de choisir le propriétaire de son concurrent serait un comble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – Nous sommes, comme vous, très soucieux de l’avenir de la presse écrite (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), dont le budget augmente d’ailleurs de plus de 6 % cette année. Nous sommes très soucieux également de son indépendance et du respect du pluralisme. J’ai reçu, à la fin du mois de juin, les membres des rédactions de La Tribune et des Échos ; les uns tenaient à garder l’actionnaire que les autres craignaient d’avoir. Comme je m’y suis engagée, nous serons très attentifs à ce que le droit de la concurrence s’applique et à ce que des garanties soient offertes pour l’indépendance des journalistes.

M. Bruno Le Roux – Allez-vous saisir le Conseil de la concurrence ? Répondez !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture Ces garanties ont été données au cours de la procédure : maintien des effectifs pendant deux ans, nomination d’un directeur de la rédaction pendant cinq ans, clause de cession favorable aux journalistes…

M. Christian Bataille – Le Conseil de la concurrence !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture Il s’agit de garanties de bon sens, car aucun actionnaire ne voudrait ruiner la crédibilité d’un journal acheté à grands frais. Et c’est d’ailleurs une bonne nouvelle que la presse écrite attire encore de tels investissements.

Dans cette affaire, l’État a pleinement joué son rôle…

M. Michel Sapin – Et le conseil de la concurrence ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – Nous ne vivons ni dans un État autoritaire, ni dans une économie administrée, mais bien au sein d’un État de droit démocratique et pluraliste qui respecte l’économie de marché ; de ce point de vue, nos valeurs ne sont pas en péril (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Rudy Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES
vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – SECONDE PARTIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

OUTRE-MER

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur spécial de la commission des finances – Je commencerai par une remarque de forme : s’agissant du budget de l’outre-mer, les conditions du travail parlementaire ont été déplorables, et je forme en toute courtoisie le vœu qu’elles s’améliorent à l’avenir. Vos services, Monsieur le secrétaire d’État, ne m’avaient fourni que 60 % des réponses – dont certaines difficilement exploitables quand d’autres, essentielles, manquaient encore – au moment où j’aurais dû les avoir toutes, et 85 % seulement lorsque mon rapport fut mis sous presse, soit nettement moins que n’en ont eu la plupart de mes homologues.

J’en viens au fond. Nous avons là un budget fait de paradoxes. L’État dépense des sommes considérables – près de 16 milliards – pour les territoires d’outre-mer, mais votre secrétariat d’État n’est doté que de 1,7 milliard. L’apparente diminution de ses crédits s’explique par une légitime modification de son périmètre, dont a disparu le programme « Intégration et valorisation de l’outre-mer », ainsi que le financement des contrats aidés, transféré au ministère du travail. À périmètre constant, votre budget augmente de 3,4 % mais, curieusement, vous n’estimez cette croissance qu’à 3 % : pourquoi ? Outre votre dotation, le budget de l’outre-mer comprend donc un ensemble de politiques transversales auxquelles sont consacrés près de 13 milliards, ainsi que 2,7 milliards de dépenses fiscales, soit un total de 15,6 milliards.

Un mot sur ces dépenses fiscales : qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu ou de la TVA, elles augmentent. Pourtant, cette hausse est constatée par rapport à l’exécution, et non à la prévision du budget pour 2007. Or, la différence est de taille : pas moins de 200 millions ! Je n’ai pas eu de réponse au sujet de cet écart. De même, il nous faudrait disposer du nombre de bénéficiaires de la diminution de l’impôt sur le revenu, estimée à 800 millions, pour estimer son montant par personne.

Restent donc les crédits des deux programmes qui vous sont confiés : « Emploi » et « Conditions de vie ».

Concernant l’emploi, mes critiques seront atténuées par le fait que vous venez de prendre vos fonctions. Sur les cinq objectifs définis par vos propres services pour apprécier l’efficacité des politiques de l’emploi, nous n’avons connaissance en effet des résultats que d’un seul critère. Il est donc impossible de juger de la pertinence des politiques mises en œuvre. Ce seul critère concerne le service militaire adapté, pour lequel le taux d’insertion, six mois après la sortie du dispositif a été respectivement de 65, 70 et 75 % pour les années 2004 à 2006. C’est très satisfaisant, et l’on peut se féliciter du rôle que les forces armées jouent en faveur de l’insertion professionnelle et sociale outre-mer.

Pour le reste, le premier objectif était relatif à l’évolution de l’emploi dans le secteur marchand aidé, comparativement à l’ensemble du secteur salarié. Il était de 0,61 % en 2006, mais nous ne disposons d’aucun chiffre – ni résultats pour 2006, ni estimations – même approchées – pour 2007. Il en est de même pour l’objectif 4, relatif à l’évolution de l’emploi marchand aidé par rapport à l’emploi marchand non aidé. Le deuxième objectif est très intéressant puisqu’il s’agit d’encourager l’emploi des jeunes en leur permettant de créer leur propre entreprise, meilleure façon de pérenniser leur emploi. L’objectif était que 60 % des entreprises ainsi créées soient toujours en activité au bout de trois ans, mais nous ignorons tout des chiffres obtenus pour 2006 comme pour 2007.

Le troisième objectif est relatif à l’intégration par le travail ou l’activité économique. La cible était ambitieuse : 60 % des publics concernés devaient avoir trouvé une solution durable six mois après la sortie du dispositif. J’ignore si nous nous en approchons ou non. J’espère que nous disposerons de ces données l’an prochain : après tout, nous ne pouvons que progresser !

Un dernier mot sur l’emploi : dans les territoires d’outre-mer, il semble que la dépense fiscale soit chaque année, et pour chaque emploi créé, de 896 000 euros. Sauf erreur de calcul, nous sommes donc en droit d’attendre une politique de l’emploi plus dynamique et des résultats bien différents de la situation actuelle en matière de chômage et de RMI. L’utilisation des fonds publics, en tout cas, semble pour le moins critiquable.

Le programme relatif aux conditions de vie concerne pour l’essentiel le logement. En la matière, la situation est contrastée car les habitats traditionnels sont très divers selon les collectivités considérées. Il est difficile de juger de l’efficacité des politiques menées, manifestement très satisfaisante à Mayotte, avec un taux de réalisation de 90 % mais beaucoup moins dans certains départements des Antilles – 20 % seulement en Guadeloupe. Une explication serait que la défiscalisation accordée aux investissements du secteur libre crée une concurrence préjudiciable au logement social.

J’en viens aux difficultés que nous devons résoudre. La première est relative aux dettes de l’État envers différentes institutions. Dans le secteur du logement, le Premier ministre avait clairement annoncé, il y a un an, que l’État rembourserait ses dettes envers les bailleurs sociaux outre-mer. Cela ne sera pas le cas l’an prochain : les augmentations de crédits ne serviront qu’à couvrir les dettes de l’année, non à solder le stock de la dette, ni même à le réduire. Sachant que cette dette avoisine les 500 millions, l’on comprend la difficulté des bailleurs sociaux à tenir les objectifs fixée par l’État. Quant à la dette à l’égard des organismes sociaux, un effort est fait là aussi, mais qui ne permettra pas plus d’apurer le stock déjà accumulé et qui atteindra 1,3 milliard fin 2008. La troisième dette, enfin, qui n’est pas spécifique à l’outre-mer, est celle contractée par l’État à l’occasion de la réalisation des contrats de plan. Elle s’élève à 90 millions et rien, dans ce budget, n’est de nature à la réduire ; ce sont donc les collectivités qui se substituent à l’État pour réaliser les contrats de plan. Or, seul un État irréprochable peut espérer être suivi lorsqu’il demande aux collectivités d’être vertueuses.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur le rapporteur.

M. le Rapporteur spécial – En ce qui concerne le passeport mobilité, je crains que le budget ne comporte des erreurs, si ce n’est des insincérités. Quelque 20 000 personnes en ont bénéficié en 2006, pour un montant de 20 millions. Or, les prévisions pour 2008 sont de 15 millions. Quelles seront, dès lors les 5 000 personnes qui n’en bénéficieront pas l’année prochaine, et selon quels critères se fera le choix ? Quant à la dotation globale pour le développement économique en Polynésie, qui sera de 180 millions l’année prochaine, elle n’est encadrée par aucune indication a priori ni aucun contrôle a posteriori. Un tel état de fait ne peut être accepté longtemps dans une démocratie moderne.

Enfin, il faut rappeler que même si les difficultés climatiques et sanitaires de l’outre-mer n’apparaissent pas dans votre budget, la représentation nationale y est très sensible.

En conclusion, ce budget est dilué dans un ensemble qui le dépasse de beaucoup. Ce fait, conjugué au rapport sénatorial, à l’audit du ministère et à diverses réflexions d’experts, laisse penser que votre ministère est plus une structure de coordination que de missions et de moyens.

Mme Huguette Bello – Ce n’est pas une bonne chose !

M. le Rapporteur spécial – Ce rôle de coordination est une des conditions de l’efficacité des politiques mises en œuvre, afin que l’ensemble des crédits soient utilisés dans le respect des lois de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. le Président – Je demande à chacun de respecter strictement son temps de parole, d’éviter les redites et de cadrer son intervention, sans quoi je serai obligé de l’interrompre.

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques Qu’il me soit permis, après cet exposé très fourni, de faire entendre une voix de l’outre-mer. Les collectivités françaises d'outre-mer constituent au sein de la République une mosaïque à la fois diverse et dynamique. Toutes réunies, elles couvrent un espace presque aussi vaste que celui de la métropole et donnent à la France le troisième domaine maritime mondial. Leur potentiel scientifique et économique est immense, en particulier dans le domaine de la recherche. L'outre-mer nous incite donc tout aussi bien à regarder notre histoire que notre avenir. Mais d’un simple point de vue budgétaire, l'effort public qui lui est consacré est relativement modeste : 0,1 % du budget de l'État pour le ministère, un peu moins de 1 % en intégrant la totalité des concours publics identifiés, soit respectivement 1,7 et 15,3 milliards.

Si la LOLF permet au Parlement de disposer de documents plus complets et plus détaillés qu’auparavant, il faut poursuivre l’effort pour améliorer leur clarté. J’ai donc proposé à la commission des affaires économiques deux recommandations, qu'elle a adoptées. La première vise à faire figurer dans le « bleu » budgétaire annuel de la mission, ou en annexe, tous les crédits affectés par chacun des ministères à l'outre-mer – selon une nomenclature unique, bien entendu –, ainsi que ceux des différents fonds d'intervention européens. La seconde consisterait à faire apparaître, dans le même document, l'effort consenti par collectivité, afin que chacune puisse retracer les crédits de la solidarité nationale et européenne pour son propre compte. L'esprit même de la LOLF nous y pousse puisque cette lisibilité accrue permettra de mesurer si les objectifs affichés ont été atteints – car c’est avant tout de résultats que nous parlons, et non pas seulement d’autorisations de dépenses.

Vous avez, Monsieur le secrétaire d’État, prononcé les mots justes lors de votre audition par les commissions des lois et des affaires économiques. Le décalage dont souffrent les économies ultramarines par rapport à la métropole exige en effet de poursuivre tout ce qui contribue à la cohésion, mais surtout de les aider à acquérir une forme d'autonomie, à puiser en elles les capacités de leur développement. Il ne leur sied ni de singer la métropole, ni de solliciter sa charité, mais de vivre à ses côtés, sans complexe ni retard, avec leurs singularités.

Il faut passer d'une démarche de « rattrapage » à une vraie logique de développement. C’est pourquoi nous approuvons la démarche du Gouvernement, qui consiste d'abord à lever les contraintes pesant sur la création de richesses, puis à structurer les filières porteuses. Nous mettons un grand espoir dans la création des zones franches globales d'activités et dans la mise en place de pôles de compétitivité. Les dispositifs d'allégement des coûts de production – franchises fiscales ou exonérations de charges sociales – doivent être évalués avec soin et concerner le plus grand nombre de secteurs d'activités. Nous serons très attentifs aux résultats de l'étude commandée par le Gouvernement au Centre d'études de l'emploi, qui vient de remettre un premier rapport. Il nous paraît indispensable de disposer de l'étude complète avant d'engager nos travaux sur la prochaine loi de programme.

Quoi qu’il en soit, le budget pour 2008 apparaît comme un budget conservatoire, convenablement doté, qui permet de poursuivre, dans un cadre simplifié, les actions engagées. Il encourage le maintien et la création d'emplois, renforce l’habitat social, soutient le développement des collectivités locales au moyen de dotations mieux adaptées, prend en compte la nécessité de promouvoir la continuité territoriale et consolide les mesures au service de la sécurité.

Cela étant, ce budget s’inscrit dans la perspective de la prochaine loi de programme pour l'outre-mer, annoncée pour le début de l'année prochaine et appelée à répondre aux besoins du développement des régions d'outre-mer, en assurant durablement la croissance par l’activité, en créant de vrais emplois au lieu d’emplois subventionnés et en garantissant le pouvoir d’achat. Contrairement aux idées reçues, la dépense publique par habitant est en effet inférieure outre-mer à ce qu’elle est en métropole.

Les crédits de la mission « Outre-mer » s’élèvent, pour 2008, à 1,7 milliard d’euros. Leur baisse s’explique par les changements de périmètre de cette mission désormais structurée autour de deux programmes du fait du transfert aux ministères de l’intérieur et des finances de certains dispositifs spécifiques, ainsi que de la mutualisation de certains moyens. À périmètre constant, les crédits de paiement sont en hausse d'environ 3 %, les autorisations d’engagement de 2 %.

Les orientations majeures de ce budget sont l'emploi et les conditions de vie – les deux faiblesses endémiques de l'outre-mer. S'agissant de l'emploi, il existe encore un décalage inacceptable entre nos régions et celles du continent. Alors que le chômage décroît en métropole, il continue de progresser outre-mer, atteignant 29 % à la Réunion, plus de 25 % aux Antilles, et nos érémistes sont quatre fois plus nombreux, en proportion de la population, qu'en métropole.

Il faut aujourd’hui agir dans trois directions. D'abord, il faut connaître l'exacte nature de nos handicaps compétitifs. Il se dit et s'écrit partout que le coût du travail est trop élevé par rapport à celui de nos concurrents. Pour sortir de cette incantation, et pour aller plus loin que les mesures déjà prises, il faut enquêter sur la réalité de notre handicap concurrentiel. Les réponses fiscales et sociales devraient en outre être complétées par une action internationale dans le cadre de négociations commerciales : nos concurrents réputés plus compétitifs tirent souvent leur avantage comparatif, il ne faut pas craindre de le dire, de conditions de travail proches de l'esclavage. Les ultramarins entendent vivre de leur travail, non en être dispensés par des mesures interprétées à tort comme des largesses.

Il faut ensuite identifier et soutenir les filières porteuses en termes de développement. Je pense aux énergies renouvelables, aux biotechnologies – y compris marines –, à la maîtrise des risques naturels, tous domaines dans lesquels notre Outre-mer peut servir de laboratoire. Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer s'est engagé à s'y attacher en priorité. Ce vaste chantier mériterait aussi d'être inscrit à l'ordre du jour du Conseil pour l'outre-mer qui va être mis en place.

Il faut enfin encourager la formation professionnelle, en distinguant celle qui peut être dispensée outre-mer et celle qui ne peut l’être qu'en métropole ou à l'étranger. Le service militaire adapté joue un rôle utile, mais il ne répond qu'à une petite partie des besoins. Il faut développer une démarche prospective, ce qui implique d'identifier clairement les besoins et d'organiser les filières de formation débouchant sur des métiers adaptés aux besoins de nos économies, voire sur de nouveaux métiers. Là encore, rien ne sera possible sans une coopération étroite avec les entreprises concernées et avec les collectivités locales. Il faut par ailleurs améliorer la desserte aérienne de nos territoires et diminuer son coût. Le passeport mobilité a marqué un progrès important, mais il faut encore le rationaliser.

S’agissant de l’amélioration des conditions de vie, la priorité va sans conteste au logement. L'habitat social, en terme de réalisations, continue de courir après les besoins. Nous devrions nous fixer pour objectif raisonnable qu'il parvienne un jour à les rattraper. En avril 2006, un rapport de mission a été remis à votre prédécesseur. Il y était écrit que l'État ne devait plus demeurer le premier bailleur social à travers ses sociétés immobilières, mais plutôt piloter une politique définie en fonction des besoins locaux. Il faut d’autre part mieux mobiliser les ressources foncières, ce qui implique la création d'une agence de l'habitat outre-mer et la révision des plans de prévention des risques pour tenter de dégager de nouvelles capacités foncières. Enfin, il faut relancer la construction. L'augmentation de 14% des crédits constitue un signal encourageant, mais les retards accumulés sont tels que c'est presque d'un plan d'urgence que nous aurions besoin, en tenant compte de l'assurance qui nous a été donnée que la dette de l'Etat est définitivement apurée.

Par ailleurs, la continuité territoriale reste un sujet sensible, car elle conditionne la liberté d'aller et de venir. Nous nous réjouissons des récents propos de M. le Président de la République. Vous-même, Madame la ministre, avez déclaré qu’il s'agissait d'un principe et d'une priorité que vous envisagiez de faire inscrire dans la loi. Vous pouvez compter notre soutien dans les discussions que vous avez engagées à cet effet avec les compagnies aériennes.

Nous avons été surpris de la forte diminution des crédits de l’action sanitaire et sociale, imputable au changement de statut de la Polynésie française. La suppression dès le 1er janvier prochain de la dotation de l'État à la Caisse de prévoyance locale nous semble prématurée. L'article 40 nous interdit de déposer un amendement de rétablissement des crédits, mais un effort du Gouvernement serait particulièrement apprécié.

J’évoquerai enfin les problèmes posés par la pollution des terres, due à l'utilisation de pesticides. Nos exploitants ont besoin d'être rassurés. Il y a deux ans, se saisissant de la question du chlordécone, notre commission avait formulé un certain nombre de suggestions. Le climat psychologique semble cependant s’être détérioré dans les derniers mois. Nous venons de mettre en place un comité de suivi du travail engagé pour faire le point de la situation et en tirer toutes les conséquences, notamment en ce qui concerne la dépollution des terres et l'indemnisation des victimes, et nous comptons sur une collaboration modèle entre le Gouvernement et le Parlement.

Le Grenelle de l'environnement nous offre par ailleurs la chance d'approfondir toutes les possibilités de développement durable à partir de l'exploitation de nos atouts. Cela justifie la reconnaissance d'un véritable statut de territoire d'expérimentation.

L'outre-mer attend d'être regardé pour ce qu'il est et de pouvoir bâtir avec la métropole des relations de solidarité et de progrès. Il nous semble avoir été compris, et c'est pourquoi nous regardons ce projet de budget comme un budget de transition, qui ne réduit pas l'effort consenti pour l'outre-mer, mais le réoriente dans la bonne direction, en attendant d’être repensé sur la base des recommandations de notre commission et à la lumière de la prochaine loi de programme.

A l'heure du renouvellement et de l'ouverture, le moment est venu de regarder la réalité en face et de prendre nos territoires pour ce qu'ils sont : des entités qui aspirent à la vie et à l’expression de leur personnalité. Sous le bénéficie de ces observations, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l’outre-mer pour 2008 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois – Le budget alloué à la mission « Outre-mer » pour 2008 est marqué par une stabilité générale. Près de 60% des crédits seront à nouveau consacrés à la promotion de l'emploi, qui demeure ainsi la priorité du ministère. La lutte contre le chômage a déjà porté ses fruits outre-mer : sous la précédente législature, le taux de chômage a été ramené de 25,4% à 19,6% de la population active, en moyenne, dans les départements d'outre-mer. Il représente toutefois encore plus du double de la moyenne nationale. La mise en place en 2008 de zones franches globales d'activité et de pôles d’excellence permettra certainement d'accélérer le retour vers l'emploi de nos compatriotes d'outre-mer. Telle devra être l'ambition de la future loi de programme pour l’outre-mer. Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, les collectivités ultramarines auraient aussi un intérêt économique évident à adopter une stratégie globale pour devenir le fer de lance des technologies innovantes en matière de développement durable, qu’il s’agisse de l'énergie, des transports, de l'agriculture, de la gestion des risques naturels, ou encore de celle des déchets.

Ce budget reflète également la seconde priorité du Gouvernement pour l'outre-mer : l'amélioration des conditions de logement. Les crédits consacrés au logement social progressent de 13,8 %. Comme vous l'avez fait remarquer devant notre commission le 23 octobre, Monsieur le ministre, la résorption de l'habitat précaire et insalubre prendra du temps mais demeure une nécessité, tant l'écart avec la métropole est inacceptable.

Les crédits de paiement destinés à l'aménagement du territoire augmentent de 10 % pour atteindre 110 millions d'euros, au moment même où est mise en œuvre une nouvelle génération de contrats de projets dans les DOM et de contrats de développement dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

S'agissant des questions relevant plus directement des compétences de la commission des lois, il faut souligner les excellents résultats enregistrés outre-mer en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Dans les seuls DOM, 10 605 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits vers leur pays d'origine en 2006, soit 50 % de plus qu’il y a deux ans. Le nombre d'éloignements est en hausse de 37 % en Guyane, de 57 % en Guadeloupe et de 73 % à Mayotte.

Ces résultats sont le fruit d'une véritable volonté politique, qui s’est traduite par le renforcement des moyens humains et matériels de la police aux frontières, mais aussi par l’application des mesures innovantes adoptées, pour l’outre-mer, dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. En métropole comme outre-mer les immigrés légaux seront d'autant mieux acceptés et intégrés que l'immigration clandestine sera réduite.

En 2006, la délinquance générale s’est accrue, outre-mer, de 2,7 %. Cette évolution s’explique largement par l'augmentation des infractions à la police des étrangers, proportionnellement neuf fois plus nombreuses qu’en métropole. En revanche, la délinquance commise sur la voie publique et les violences à l’encontre des personnes ont respectivement baissé de 11,7 % et de 3,6 % en 2006, ce qui confirme la tendance enregistrée l'année précédente. J’ajoute que les effectifs de la police et de la gendarmerie nationale ont été globalement accrus, et que l'indice de criminalité demeure inférieur à celui de la métropole.

On peut toutefois s’inquiéter de l’augmentation du trafic de drogue dans les départements français d'Amérique, où les infractions à la législation sur les produits stupéfiants ont progressé de 32 % en 2006. Elles demeurent toutefois un peu moins nombreuses qu'en 2003…

Même si la gestion des prisons relève du ministère de la justice, permettez-moi d’indiquer que la surpopulation carcérale s'aggrave outre-mer : au 1er juillet, le taux moyen d'occupation des établissements s'élève à 148 %, contre 128 % un an plus tôt. La situation est particulièrement dégradée dans les collectivités du Pacifique, le taux d'occupation dépassant 188% en Nouvelle-Calédonie et 237 % en Polynésie française. L’ouverture d’un nouveau centre pénitentiaire à Saint-Denis de la Réunion, annoncée pour l'an prochain, est particulièrement attendue, compte tenu de l'insalubrité de la prison de la rue Juliette-Dodu, qui dure depuis plus de trente ans...

J’en viens aux évolutions statutaires de l’outre-mer : les lois organique et ordinaire du 21 février dernier ont institué deux nouvelles collectivités d'outre-mer, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, et rénové les statuts de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon afin de tirer les conséquences de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Les conseils régionaux et généraux d'outre-mer ont également été dotés de pouvoirs normatifs renforcés, tandis que les électeurs ont obtenu la jouissance de nouveaux outils de démocratie directe. Il reste maintenant à appliquer tous ces changements législatifs. Je suis sûr que le Gouvernement veillera à communiquer rapidement à la représentation nationale un premier bilan sur l’application de ces deux lois.

Par ailleurs, il faudrait que le Gouvernement adopte rapidement les mesures requises par la départementalisation de Mayotte, largement souhaitée par sa population et ses élus. Au-delà des éléments qui nous été communiqués, je note qu’aucun conseil général ou régional d'outre-mer n'a demandé, depuis huit mois, à être habilité par la loi à adapter localement les lois et règlements, mais on peut s’attendre que la situation évolue prochainement.

Quoique vaste, la rénovation statutaire engagée n’a pas encore permis de moderniser le statut – dépassé – de Wallis-et-Futuna, ni de stabiliser les institutions de la Polynésie française. Nous devrions toutefois y revenir, dès le 22 novembre, à l’occasion d’un projet de loi organique et de loi ordinaire. En raison du jeu des alliances politiques, l’assemblée de la Polynésie française n’a pas pu se prononcer sur ce projet, mais l’histoire récente démontre, à l’évidence, la nécessité d’une stabilisation politique. Nous pourrions utilement favoriser la transparence et la responsabilité en instituant des motions de défiance constructives et en renforçant les contrôles relatifs aux activités économiques et financières. Il faudra enfin réfléchir à la conciliation entre le rétablissement de certains contrôles et prérogatives de l’État avec l’autonomie reconnue, en 2004, à la Polynésie française.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, nous avons de nouveau modifié la Constitution au mois de février dernier afin de clarifier les règles applicables aux élections provinciales et à celles du Congrès. Après les débats passionnés que nous avons eus, la difficulté semble derrière nous, et la paix civile préservée. N’oublions pas que c’est l’essentiel, et que nous devons tenir les engagements pris au sujet des discussions prévues, en 1998, par les accords de Nouméa.

C’est avec satisfaction que la commission des lois a pris note de l'évolution favorable des dotations budgétaires les plus décisives pour l'avenir de l'outre-mer. Elle a également constaté les progrès très encourageants de l’État de droit et la modernisation des institutions et du droit électoral. Pour toutes ces raisons, elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Jean-Christophe Lagarde – Pour la sixième année consécutive, j’ai l’honneur de m’exprimer, au nom de mon groupe, sur le budget de l'outre-mer. Cette constance étonne parfois, mais elle m’a permis de me forger quelques convictions bien ancrées.

La première d’entre elles, c’est qu’en dépit de l’impératif de rattrapage de l’outre-mer, sans cesse martelé par le Gouvernement, les crédits concernés sont chaque année amputés au profit d’autres ministères. A chaque fois, on invoque une bonne raison pour justifier ce mouvement apparemment inéluctable. Il s’agirait, cette année, de mieux prendre en compte les enjeux et les spécificités de l'outre-mer…

Or, je ne crois pas à ces justifications successives, qui ont pour effet détestable de laisser penser que le nécessaire « rattrapage » de l’outre-mer ne dépasse pas le stade des discours. Comment identifier, par ailleurs, les priorités de l'État quand seules deux missions nous sont soumises et qu’elles représentent une part des crédits engagés, d’après l’État, en faveur de l'outre-mer ? Pis encore, la fongibilité des crédits fait courir à l’outre-mer le risque d’être traité comme une variable d'ajustement budgétaire, que l’on peut utiliser en toute discrétion.

Cette évolution des crédits empêche enfin de réaliser une évaluation sérieuse et approfondie des politiques ultramarines. Quelle réponse apportons-nous aux difficultés d'accueil et de scolarisation dans les écoles à Mayotte? Bien malin, celui qui parviendra à s’y retrouver dans les crédits du ministère de l’éducation nationale… Comment les moyens accordés en matière de politique sanitaire sont-ils répartis dans ces régions où le retard est si important? Allez donc regarder le budget de Mme Bachelot ! Pourquoi ne remédie-t-on pas à la surpopulation carcérale dans l’outre-mer ? Seuls les arbitrages internes au budget de la Justice vous apporteront la réponse, si du moins vous parvenez à la trouver…

Nous nous perdons chaque année dans d’inutiles querelles de chiffres, au lieu de nous concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la stratégie de développement des outre-mer français et les bénéfices que la France pourrait en tirer. Vous annoncez ainsi, Monsieur le Secrétaire d’État, que les crédits placés sous votre tutelle s’élèvent à 1,73 milliard d'euros, contre 1,85 l'an dernier. Il faudrait ajouter à ce montant, expliquez-vous, 158 millions d’euros, désormais gérés par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi. On pourrait donc croire que vos crédits augmentent de 1,6 %, mais il faut se souvenir que les crédits précédemment ouverts s’élevaient à 194 millions. Il manque donc 36 millions… Ajoutons à cela que les périmètres ministériels sont en perpétuelle évolution : le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi pourrait très bien être re-découpé demain, à la faveur d'un remaniement ministériel. Qui pourra alors s’y retrouver dans ce budget ?

Je plaide pour un renforcement du ministère en charge de l’outre-mer, qui devrait enfin regrouper en son sein tous les crédits concernés. Cela permettrait non seulement de signifier clairement la priorité accordée aux régions ultramarines et de redonner lisibilité et capacité d'évaluation à nos politiques en la matière, mais aussi de conférer plus de poids à la rue Oudinot dans les arbitrages au sein du Gouvernement.

Nous devrions en outre transformer nos outre-mer en vitrines de nos savoir-faire et en têtes de pont commerciales et politiques de notre pays. Finissons-en avec cette vision paternaliste qui a trop longtemps confiné les économies ultramarines dans des productions fortement subventionnées mais à faible valeur ajoutée, donc dépendantes de la métropole et peu compétitives. La Réunion et Mayotte doivent devenir une porte d’entrée vers l’océan Indien et vers le sud et l’est de l’Afrique ; les Antilles et la Guyane nous offrent également une chance unique de développer la recherche, la formation et l’exportation dans des domaines aussi divers que les énergies renouvelables, l’agriculture biologique, les technologies de l’information.

La création de zones franches globales sera favorable à cette stratégie pourvu qu’elles soient concentrées sur des secteurs à forte valeur ajoutée. Elles ne seront toutefois d’aucune utilité dans la France du Pacifique. Nous devrons donc renforcer les politiques menées en matière d’éducation, de formation et d’infrastructures. C’est à cette aune que nous jugerons l’efficacité de ce budget et de la loi de programmation annoncée.

J’en viens à la cohésion sociale, qui doit être notablement renforcée outre-mer pour que des économies fortes et autonomes puissent se développer demain. Cela nécessite bien sûr un effort en matière de logement. Il est vrai que le logement social progresse cette année, mais nous sommes encore loin du compte, en dépit des annonces faites l’an dernier. Faute de moyens publics suffisants, le Gouvernement a indiqué que les efforts fiscaux porteront sur ce logement social. Faisons preuve de prudence à ce sujet : après avoir dénoncé les effets pervers du non plafonnement de la défiscalisation pour la construction de logement outre-mer, je redoute que nous tombions aujourd’hui dans le travers inverse, en tuant la construction classique au nom du logement social. Un meilleur système serait de plafonner la défiscalisation annuelle à 30 000 euros par foyer fiscal et de supprimant le plafond sur les logements produits à tarifs sociaux, tout en étendant la défiscalisation dans le temps.

Ainsi, nous jouerions sur les deux aspects de la construction de logements, sans risquer le déséquilibre entre l'un et l'autre, tous deux également porteurs d'emplois. Nous reviendrons sur ce sujet à l’occasion de la loi de programmation.

Enfin, je voudrais comme chaque année parler de la continuité territoriale, essentielle non seulement pour nos compatriotes ultramarins, mais aussi pour ceux qui, originaires d’outre-mer, vivent en métropole, et qui devraient avoir droit à une vie de famille normale, qu’il s’agisse de se rendre là-bas, d’y téléphoner ou d’y envoyer du courrier. Si un progrès est attendu sur le coût de la téléphonie mobile, il y a encore beaucoup à faire sur les coûts téléphoniques en général. Pour les transports aériens, aucun gouvernement jusqu'à présent n'a voulu assurer la transparence des tarifs pratiqués par Air France vers les Antilles et la Guyane. Le ferez-vous, afin que les tarifs redeviennent tout simplement honnêtes? Je ne comprends toujours pas comment un vol entre Paris et Fort-de-France peut coûter quatre fois le prix d’un vol pour Saint-Domingue – sur la même compagnie –avec une semaine à l’hôtel… Or, il paraît que le Gouvernement s’apprête, contre l'avis de tous, à accorder des lignes régionales supplémentaires à Air France pour renforcer, malgré l'absence de croissance du trafic, son monopole sur les Antilles, au détriment des compagnies locales, lesquelles sont pourtant un exemple de filière à forte valeur ajoutée ! Les crédits consacrés à la continuité territoriale ne progressent pas, et je le regrette car nous sommes encore très loin d'une équité de traitement avec nos concitoyens corses.

Madame le ministre, Monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous prêts à une vraie politique de rupture avec vos prédécesseurs sur ce thème de la continuité territoriale, laquelle doit inclure enfin nos compatriotes originaires d’outre-mer qui vivent en métropole?

M. Pierre Frogier – Je tiens à saluer les efforts faits en direction de l’outre-mer, cette année encore, malgré le contexte économique et financier.

Monsieur le ministre, vous étiez il y a quelques semaines seulement en Nouvelle-Calédonie. Ce fut un trop bref séjour, mais vous n'ignorez pas qu'il fut, ici et là-bas, largement commenté – et ce de façon politicienne (Exclamation sur les bancs du groupe SRC).

Certains ont créé et entretenu une polémique autour de vos propos. Ils ont même tenté de vous opposer au Premier ministre, et ils vous ont fait le mauvais procès de vouloir remettre en cause l'Accord de Nouméa : quelle désinformation ! (Mêmes mouvements)

Je tiens à vous dire que je soutiens entièrement vos déclarations. Je vous renouvelle ma reconnaissance pour avoir exprimé sans ambiguïté votre espoir que la Nouvelle-Calédonie reste dans la France et que, le moment venu, les Calédoniens confirment, par leur libre choix, leur volonté d'un destin français (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Il est vrai que c’est un discours très différent de celui d’un grand nombre de vos prédécesseurs, sous l’influence d’une politique initiée par les socialistes (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Eh oui : les socialistes voulaient, organisaient et programmaient le départ de la France. Vous, à l'inverse, vous souhaitez, comme la grande majorité des Calédoniens, que la France réaffirme sa présence en Nouvelle-Calédonie.

M. Sarkozy, lors de sa campagne, avait écrit dans sa lettre aux Calédoniens qu'il voulait être « le Président de la République qui défendra avec énergie et conviction la place de la Nouvelle-Calédonie dans la France ». Il appelait à « persuader nos compatriotes indépendantistes que le choix de continuer le destin de la Nouvelle-Calédonie dans la France est possible, dans le respect d'une très grande autonomie de la Nouvelle-Calédonie par rapport à la métropole ».

M. Victorin Lurel – Laissez les Calédoniens se prononcer !

M. Pierre Frogier – C'est dans cet état d'esprit que vous avez déclaré à Nouméa : « Avec Nicolas Sarkozy, l'espérance que nous nourrissons est que cette grande terre au coeur du Pacifique s'inscrive plus que jamais dans la République ». Ces déclarations, en rupture avec les discours du passé, étaient espérées par la grande majorité des Calédoniens, et je vous remercie de leur clarté. Faut-il rappeler que la Nouvelle-Calédonie a offert à M. Sarkozy son meilleur score à l’élection présidentielle, avec plus de 45% des voix au premier tour et 63 % au second ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Au cœur du projet du président de la République, il y a le retour de la France dans le monde, une démocratie irréprochable, la revalorisation du travail, une France fière de ses valeurs et de son identité, la restauration d'un Etat fort et impartial. Les Français, et singulièrement les Calédoniens, ont plébiscité ce programme ; il est normal qu'ils en attendent, et parfois avec impatience, la traduction dans les faits.

En Nouvelle-Calédonie, nous voulons le retour de l'autorité de l'Etat. Nous voulons que l'accord de Nouméa soit appliqué, à la lumière des valeurs portées par le Président de la République. Nous voulons tout à la fois le respect de cet accord et un Etat impartial, fort, efficace dans l'exercice de ses responsabilités régaliennes.

Mais je veux aussi faire des propositions. En la matière, on peut être provocateur ou original, afin d’être médiatisé, ou être clair et sincère – et c’est la voie que je choisis. Les surenchères et le chantage à la violence ne mènent à rien. Les espoirs des Calédoniens sont dans l'intelligence, le dialogue et la conciliation.

J’invite une nouvelle fois les indépendantistes à la table commune de la discussion et du respect de l'autre. Pour leur exprimer mon sentiment, que beaucoup se plaisent à caricaturer, sur l'accord de Nouméa, j’emprunterai les mots du professeur Jean-Yves Faberon. Il a écrit ceci : « Les questions de la Nouvelle-Calédonie doivent être débattues par les familles politiques de la Nouvelle-Calédonie, qui savent parfaitement s'approcher et négocier. Les Calédoniens croient tous, sincèrement, en un destin commun. Ils savent que pour faire vivre l'Accord, il faut débattre des désaccords : c'est l'esprit de l'accord de Nouméa, celui de la recherche du consensus » – et il ajoute très opportunément que cet esprit ne fut pas, cher Didier Quentin, celui de la révision constitutionnelle de 2007 portant gel du corps électoral.

Je ne veux plus vivre ce que j'ai vécu il y a un an, je ne veux plus subir l'humiliation subie au Congrès à Versailles, où tous les groupes – y compris le mien – se sont exprimés en faveur du gel du corps électoral, y compris ma propre famille politique. J'ai ressenti ce jour-là toute la brutalité de la raison d'État, au mépris des valeurs qui fondent notre République (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Il faut donc, pour faire vivre l'accord, qu'avec les indépendantistes nous débattions de nos désaccords. Mais il faut pour cela que nous soyons capables d'évaluer ce qui a été fait et de donner de nouvelles impulsions. Est-il inconvenant de dire que les principales dispositions de l'accord de Nouméa ont été négociées il y a dix ans, pour une durée de vingt ans, et que la Nouvelle-Calédonie d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a dix ans ?

Je prendrai pour exemple l'industrie du nickel, dont la Nouvelle-Calédonie détient plus de 25% des ressources mondiales. Le prix du nickel a été multiplié par cinq ; dans dix à quinze ans, nous espérons mettre sur le marché 200 000 tonnes de nickel métal : c'est un véritable bouleversement de l'économie et donc de la société calédoniennes qui s'annonce.

Mais ce n'est pas parce que des usines métallurgiques nous sont promises que nous maîtriserons l'exploitation de nos richesses : dans ce domaine aussi, il faut que la France joue tout son rôle et sache défendre ses intérêts. Je déplore qu'elle se soit dessaisie des richesses minières de la Nouvelle-Calédonie, aujourd'hui largement contrôlées par des groupes étrangers. Elle l'a fait par imprévoyance dans le Sud, où le gigantesque gisement de Goro a été confié au Canadien INCO, racheté depuis par le Brésilien CVRD. Elle l'a fait par faiblesse politique dans le Nord, où l'extraordinaire massif du Koniambo a été cédé au canadien Falconbridge, racheté depuis par le groupe suisse Xstrata. Ne faut-il pas, d'ailleurs, évoquer d'ores et déjà l'avenir de la SLN et de ses quelque 2 000 salariés, sachant que dans vingt ans, l'usine de Doniambo – que vous avez visitée, Monsieur le ministre – risque de devoir fermer ses portes faute d'avoir accès à des gisements suffisamment riches ?

Il n'est peut-être pas trop tard : vous avez, à l'occasion de votre déplacement, signé la convention permettant de créer un centre national de recherche technologique sur le nickel et son environnement. C’est une démarche exemplaire, associant l'État, les organismes de recherche, les collectivités publiques de Nouvelle-Calédonie et les industriels, visant à mieux concilier l'exploitation des ressources minières et la préservation de l'environnement. J'émets le vœu que la création de ce centre soit une première étape sur le chemin qui fera de la Nouvelle-Calédonie la référence en matière de recherche et d'expertise pour tout ce qui concerne le nickel, et notamment le fonctionnement de son marché, traditionnellement marqué par des cycles qui ont eu une influence déterminante sur l'histoire de la Nouvelle-Calédonie.

Nous avons besoin de savoir, aussi bien dans le domaine politique que dans le domaine économique, ce que veut la France en Nouvelle-Calédonie. Au sortir des élections présidentielle et législatives, nous connaissons les aspirations de la majorité des Calédoniens ; je demande au Gouvernement et à notre majorité de ne pas les décevoir. Accompagnez-nous dans la mise en œuvre démocratique et équitable de l'accord de Nouméa, qui est bien mal connu sur tous les bancs de l'hémicycle, mais que nous vivons au quotidien. Faites-nous confiance, comme je vous ferai moi-même confiance, Madame et Monsieur les ministres, en votant votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Mes chers collègues, je sais l’importance de ce débat et je comprends que chacun ait besoin de s’exprimer ; mais si chacun double son temps de parole, nous allons avoir quelque difficulté à finir à une heure raisonnable. Je demanderai en conférence des présidents que l’année prochaine, les temps de parole puissent être plus longs.

M. Michel Vaxès – Il est de tradition que, pour le budget de l’outre-mer, un certain dépassement soit toléré !

M. Victorin Lurel – Merci de votre mansuétude, Monsieur le Président. Il est bon que nous puissions prendre le temps de nous exprimer.

Monsieur le ministre, nous commençons à vous aimer beaucoup outre-mer ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Vos fréquents voyages, ainsi que vos performances de football, kitesurf, canoë-kayak, plongée sous-marine, plaident incontestablement en votre faveur. Ces opérations fort sympathiques nous divertissent, et nous apprécions l’athlète. Mais nous aimerions apprécier le ministre tout autant, et comprendre le politique…

Vous nous présentez un budget en baisse de 6,8 %, soit 127 millions de moins à périmètre constant. En commission, vous avez dit que vous fourniriez des documents rectifiés, évoquant des erreurs d’impression survenues à Bercy. Comme nous les attendons toujours, nous travaillons donc, dois-je comprendre avec de faux documents… Les chiffres rectifiés feraient état, selon vous, d’une augmentation de 2,1 %. Mais, monsieur le ministre, nous ne sommes pas encore lobotomisés ou « lo-domtom-isés », si vous me permettez ce néologisme !

Avec 1,73 milliard, ce budget, à comparer aux 29 milliards du PIB total de nos quatre régions, ne peut avoir aucun effet de levier sur l’offre et la demande, et favorise au contraire la stagnation. Votre politique ne nous offre pas le surcroît de croissance qui nous manque pour dynamiser l’activité et créer des emplois. En outre, elle est fort mal coordonnée avec la politique monétaire de la Banque centrale européenne, dont la lutte obstinée contre l’inflation a des répercussions particulièrement calamiteuses chez nous. Le Gouvernement reste les bras croisés, alors que les taux d’intérêt atteignent 5 %, sans que ces chiffres se justifient en rien par la prime de risque. Une telle situation constitue une extorsion de rente, un véritable tribut payé aux banques. En libéralisant le crédit immobilier pour les ménages et les entreprises, on libérerait en même temps un vrai gisement de croissance.

Par ailleurs, l’État n’a pas fini de rembourser les 500 millions d’arriérés dus aux opérateurs du logement en outre-mer, et les 25 millions d’augmentation de la ligne budgétaire unique pèsent peu face à l’ampleur des besoins ; à la Guadeloupe, l’Association des maîtres d’œuvre sociaux a presque déposé le bilan. Je vous supplie de renoncer à l’idée de consacrer la défiscalisation au seul logement social : nous n’avons jamais demandé cela. L’occasion vous est offerte, en revanche, de faire mieux circuler le foncier en facilitant la sortie de l’indivision, et de récupérer ainsi des centaines de millions d’euros actuellement immobilisés.

Vous présentez un budget d’incitation, et vous avez abandonné l’ancienne conception des lois de programme, qui fixaient des objectifs déterminées à un horizon prévisionnel. Or, l'outre-mer souffre d’un déficit d’équipements publics. À la Guadeloupe, alors que le traitement des ordures ménagères coûtera 300 millions sur cinq ans, l’État n’apporte rien, et l’Europe 39 millions seulement, car elle entend favoriser, par son fléchage « lisbonno-compatible », l’économie du savoir et de la connaissance, les TIC, etc.

M. le Président – Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Victorin Lurel – La mise aux normes sismiques des établissements publics coûtera 1,5 milliard sur dix ans ; les infrastructures routières, 1 milliard sur quinze ans. L’État, là non plus, ne verse rien. Avec la défiscalisation, ce sont uniquement les contribuables fortunés de la métropole qui investiront en outre-mer, par générosité. Votre loi de programme ne répondra pas aux besoins criants. C’est pourquoi le groupe socialiste ne peut voter un tel budget (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Huguette Bello – Budget d'attente de la loi de programme, budget laissant présager la disparition du secrétariat d'État à l'outre-mer, budget en trompe-l'œil pour masquer les diminutions de crédits, comment pourrait-il répondre aux aspirations de l'outre-mer ?

L'ensemble des emplois aidés sont transférés au ministère des finances pour, nous dit-on, rationaliser l'action publique. Entreprendre ce transfert au moment où les emplois aidés sont réduits d'un quart au niveau national ne risque-t-il pas, cependant, de mettre à mal l’économie solidaire en outre-mer ? Pourquoi le choix ne s'est-il pas porté plutôt sur la compensation des exonérations des cotisations patronales ? Pourquoi ne pas avoir renoué avec les dispositions en vigueur avant 2005 ? Les emplois aidés ne sont pas, à la Réunion, un appoint, mais représentent au contraire une composante décisive du marché du travail, et procurent une activité à des milliers de personnes ; ils sont le vivier d'une bonne part des emplois pérennes de demain.

M. Louis-Joseph Manscour – C’est vrai !

Mme Huguette Bello – Cette spécificité pourra-t-elle encore être reconnue ? Cela commence mal, puisque le transfert s'accompagne d'une diminution des crédits d'environ 20 millions et de l'abandon du dispositif de congé-solidarité. Doit-on penser que la loi de programme ne comportera aucune mesure en vue de soutenir ce secteur ?

En ce qui concerne le logement social, qui fait toujours partie, quant à lui, du budget de l’outre-mer, l'état des lieux a été dressé : les listes d'attente ne cessent de s'étirer, l'habitat insalubre réapparaît, la perspective d'accéder à la propriété est de plus en plus improbable. L'État y a sa part de responsabilité ; les dettes accumulées à l'égard des opérateurs sociaux sont loin d'être apurées, ce qui brouille la lisibilité des intentions du Gouvernement : l'augmentation de 25 millions servira-t-elle à engager de nouveaux programmes de construction ou seulement à éponger les dettes ? Quoi qu'il en soit, on ne peut parler d'une augmentation pour 2008, puisque les 200 millions de crédits de paiement sont égaux à la dotation globale de 2007.

Il s’agit d’un budget attentiste, alors que le logement outre-mer n'a bénéficié ni du plan Borloo de 2004, ni de la loi de 2006 portant engagement national pour le logement, et que le texte instituant le droit opposable au logement n'a prévu aucuns moyens financiers correspondant à la programmation de constructions. On nous demande ainsi d’attendre les mesures de défiscalisation de la loi de programme. Mais la défiscalisation sera au mieux une source complémentaire de financement, et il serait bien hasardeux de soumettre la politique du logement social à l'arbitrage des investisseurs privés. En outre, un logement social produit avec la défiscalisation coûte presque deux fois plus cher à l’État que le même logement produit avec la ligne budgétaire unique. Cette dernière doit donc impérativement être préservée.

Le financement du logement social outre-mer a besoin de sécurité et de lisibilité. C'est pourquoi la programmation pluriannuelle des crédits – telle que pratiquée en métropole – est un préalable indispensable. Pour que ces crédits puissent être mobilisés, il est urgent de réviser, parallèlement, les paramètres de financement. Déconnectés des coûts de construction et du foncier, ainsi que des nouvelles normes réglementaires, ils sont actuellement à un niveau pénalisant pour le logement social. La mise en chantier de nouvelles constructions exige également l’aménagement du foncier. Or, équiper les terrains en réseaux d'eau potable et d'assainissement a un coût que les communes sont généralement incapables d'assumer. Il est donc nécessaire de revoir les crédits du Fonds régional d’aménagement foncier urbain.

Ligne budgétaire unique consolidée et lisible, paramètres de financement conformes à la réalité, foncier aménagé disponible : voilà ce que nous aurions voulu trouver dans ce budget et ce que nous aimerions voir figurer en priorité dans la loi de programme (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. René-Paul Victoria – L’examen du budget de la mission « Outre-mer » nous offre l’occasion de porter un regard pertinent sur l’évolution des régions d’outre-mer. Notre devoir de parlementaires est de dire ce qui va bien et ce qui va moins bien.

Chaque année, la discussion budgétaire, lorsqu’elle en vient à l’outre-mer, révèle les mêmes problèmes : l’éloignement géographique ; l’exiguïté du marché du travail ; le voisinage de pays à faible coûts de main-d'œuvre et à faible pouvoir d'achat ; le poids de la démographie – source d’espoir pour l’avenir, mais aussi d’inquiétude pour le présent ; la progression constante de la demande de logement ; le taux élevé de chômage, trois fois supérieur à la moyenne hexagonale ; le coût des transports de biens et de personnes ; la formation des prix et le maintien du pouvoir d'achat ; le niveau du PIB, inférieur de 30 % à la moyenne nationale.

Au cours des dix dernières années, l’application des mesures budgétaires et législatives adoptées par notre Assemblée a cependant permis une amélioration de la situation économique et sociale. À la Réunion, celle-ci s’est d’abord traduite par un recul sensible du chômage, notamment grâce aux emplois aidés, à l’aide aux départs en pré-retraite et aux dispositions de soutien à l'économie, qui ont favorisé la création d'emplois, de même que la politique d'investissement des collectivités locales a permis, à travers la commande publique, de créer des emplois dans le secteur du BTP. En outre, l’essor de la création d'entreprises industrielles, agricoles et artisanales y a diversifié les moyens de production. Ainsi le dynamisme de notre agriculture a-t-il abouti – même si nos agriculteurs ont encore besoin d’être soutenus - à la labellisation du pôle d'excellence Qualitropic dans le domaine de l’agro-nutrition. La construction de logements, notamment sociaux, s’est elle aussi développée, à l’instar du réseau routier, notablement amélioré ; le nombre de jeunes diplômés a augmenté et l'insécurité comme la délinquance ont reculé. Le dynamisme économique de l’île se traduit du reste par un taux de croissance qui s’élève à 5 %. Enfin, la Réunion s’est ouverte sur l'extérieur, au-delà de la zone de l’océan Indien, en matière non seulement économique, mais aussi sportive et culturelle.

D’autre part, notre engagement en faveur des énergies renouvelables a permis à des entreprises réunionnaises d'investir aux États-Unis dans la production de chauffe-eau solaires, dont elles dominent le marché, faisant de la France le deuxième producteur mondial d'énergie solaire.

Néanmoins, nos compatriotes des Antilles, du Pacifique et de l'océan Indien ont bien des raisons de s’inquiéter, à commencer par le taux de chômage, qui demeure, je le répète, deux à trois fois supérieur à la moyenne nationale. Nous avons toujours besoin d'emplois aidés, notamment pour permettre à nos jeunes générations de bénéficier d’une première expérience qui préparera leur insertion dans le monde du travail. Comme lors de la précédente législature, je demande donc que le dispositif de congé-solidarité, qui a fait la preuve de son efficacité, soit reconduit.

Deuxièmement, en matière de logement, notamment social, la Réunion souffre à la fois d’une stagnation des crédits et d'une raréfaction du foncier utilisable en l'état. Il n’y a guère de raisons d’être optimiste, alors même que les besoins des familles demeurent importants.

Troisièmement, les capacités d'accueil et de prise en charge de la dépendance ne tiennent pas compte de l’augmentation du nombre de personnes âgées sur l’île, quelle que soit par ailleurs la jeunesse de sa population. Ces personnes subissent de plein fouet les effets de seuil de la CMU et de la CMU complémentaire, alors même qu’elles relèvent pour la plupart du minimum vieillesse et que le coût de la santé y est supérieur de 30 % à celui qui prévaut en métropole. Nous devons remédier à cette grave injustice sociale. En outre, les retraites doivent être payées au début et non au milieu du mois.

Quatrièmement, la continuité territoriale exige un effort supplémentaire immédiat, non seulement afin de diminuer le coût des marchandises, qui affecte le pouvoir d'achat de la population, mais également pour faciliter la mobilité entre l’île et la métropole, mobilité que son prix, malgré les initiatives encourageantes des deux gouvernements précédents, rend inaccessible à la plupart de nos compatriotes.

Si le budget de l’outre-mer connaît en 2008 une légère progression – près de 60 % des crédits sont consacrés à l’emploi, et ceux qui sont alloués au logement social augmentant pour leur part de 13,8 %, soit près de 25 millions d'euros –, ces sommes globales ne préjugent pas de la répartition des crédits affectés aux emplois d'insertion et délocalisés au ministère de l'économie et des finances. La simplification et l'efficacité de l'action gouvernementale ne doivent pas servir de prétexte à une dégradation de la situation.

Dans quelques mois, nous serons en mesure d’évaluer plus précisément les efforts que le Président de la République et le Gouvernement souhaitent consacrer à l'outre-mer, en particulier grâce à la nouvelle loi de programme, à l’instauration de la zone franche globale d'activité et au programme « Réunion 2030 », dont l’annonce, à l’occasion du discours de clôture du Grenelle de l'environnement, encourage les Réunionnais à poursuivre dans la seule voie possible…

M. le Président – Il faut conclure.

M. René-Paul Victoria – …celle qui consiste à bâtir ensemble un projet de développement durable, plus endogène, plus ancré dans son contexte régional, permettant ainsi à la Réunion de s'inscrire dans le cadre de la mondialisation des échanges.

Acteurs économiques et élus sont d’accord pour faire de la Réunion un lieu d'expérimentation et une terre exemplaire qui permettra à la France d'incarner aux yeux du monde le « New Deal » économique et écologique que le Président de la République a appelé de ses vœux devant l'Organisation des Nations unies. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous assure de mon soutien et de mon vote en faveur du budget 2008, qui préfigure cet engagement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Fruteau – Les modifications de périmètre, les redéploiements de crédits et l’étrange ballet de chiffres – 3 % de plus par-ci, 6,8 % de moins par-là – auxquels se livrent le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer et le ministère du budget nous compliquent considérablement la tâche. L’opacité qui en résulte suscite l’interrogation, voire les soupçons. Comme l’indique la présentation qu’en fournit le secrétariat d’État, le projet révèle – hélas ! – une nouvelle philosophie gouvernementale : il n’est plus question, ainsi que le précise une note ministérielle, de permettre à l’outre-mer de rattraper la métropole. Aux espoirs brièvement suscités par l’annonce d’une nouvelle loi de programme – qui n’en aura peut-être que le nom – succède ainsi la dure réalité budgétaire.

En effet, comment pouvez-vous prétendre entreprendre de résoudre le problème de l’emploi alors que l’action publique reste passive, se contentant de mesures destinées aux entreprises et dont nos indicateurs de performance permettent de mettre en doute l’efficacité ? Comment pouvez-vous invoquer la continuité territoriale alors que les crédits censés y concourir sont dérisoires au regard des besoins et que les sommes mises par l’État au service de cet impératif de solidarité nationale sont soixante fois moins élevées à la Réunion qu’en Corse ? Comment pouvez-vous résoudre le problème du logement social en lui consacrant 25 millions d’euros de crédits de paiement alors que les services ministériels eux-mêmes estiment à quelque 500 millions le stock des dettes de l’État en la matière ? Sur la seule île de la Réunion, la croissance démographique et les besoins de la population exigeraient la construction de près de 6 000 logements sociaux par an, pendant vingt ans, contre à peine le tiers aujourd’hui.

Monsieur le secrétaire d’Etat, un budget est l’expression d’une volonté politique ; le vôtre se contente de traduire en chiffres le discours gouvernemental actuel, qui n’évoque à propos de l’outre-mer que franchises, délocalisations et exonérations – autant d’outils qui peuvent certes être utiles, mais auxquels ne saurait se réduire l’action de l’État, sauf à s’en remettre passivement à l’initiative et au bon vouloir des investisseurs privés. Si c’est là le choix politique qui dicte l’action du Gouvernement, il n’est rien moins que volontariste. Chaque semaine, dans ma circonscription, ce n’est pas d’exonérations ou de zones franches que me parlent les Réunionnais, mais bien de leurs difficultés à trouver un emploi, à se loger, à préserver leur pouvoir d’achat, déjà très faible, malgré la hausse vertigineuse des prix !

Ainsi, ce budget se trompe de cible : il ne tient compte ni des enjeux et des défis propres à l’outre-mer, ni des attentes et des besoins de sa population. Voilà pourquoi je ne le voterai pas (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

ATTENTAT MEURTRIER EN AFGHANISTAN

M. le Président – Mes chers collègues, c’est avec une grande tristesse que je viens d’apprendre qu’un attentat-suicide perpétré en Afghanistan a entraîné la mort de plusieurs parlementaires afghans. M. le président de l'Assemblée nationale s’associera dans les prochaines heures à l’expression de notre deuil.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 -seconde partie- (suite)

OUTRE-MER (suite)

M. Michel Vaxès – S'il préfigure les cinq années à venir, ce premier budget de la législature n’est guère de nature à nous rassurer : si sa baisse apparente de 250 millions – soit plus de 11 % –, qui le porte à 1,73 milliard d'euros, s'explique certes par le transfert d'une partie de ses crédits vers d'autres ministères, elle ne fait que confirmer le retrait progressif de l’État, dont les crédits pour l'outre-mer ont diminué d’un tiers depuis 2002.

En effet, comment le transfert au ministère de l’économie et des finances des crédits dédiés aux dispositifs de soutien à l'emploi et à la formation, notamment aux aides directes à l'embauche des publics les plus éloignés de l'emploi, les rendrait-il plus efficaces sans une augmentation sensible en volume ? Outre-mer, le chômage se distingue non seulement par son ampleur, mais aussi par sa durée – le dispositif des contrats aidés avait du reste été complété pour tenir compte de cette situation singulière. Le transfert de ces crédits n’en met-il pas en cause la pérennité ?

Les dernières analyses de l’INSEE, notamment celles qui portent sur la Martinique et sur la Guadeloupe, confirment que la situation de l'emploi y est particulièrement préoccupante. Vous comprendrez, dès lors, que nous ne partagions pas votre optimisme.

De même, la progression des crédits du logement social, prétendument prioritaires, est loin de correspondre aux besoins. Vous déclariez pourtant récemment que la dette de l’État envers les bailleurs sociaux était purgée depuis le début de l’année. Dans ce cas, comment comprenez-vous leur décision de suspendre en Guadeloupe toute construction de logements sociaux, irrités qu’ils sont d’attendre le versement des crédits ?

M. Louis-Joseph Manscour – Il en va de même en Martinique !

M. Michel Vaxès – Les besoins en la matière sont évalués à 307 millions par an pour les cinq prochaines années, quand vous n’y consacrez que deux cent millions en 2008. Convenez que c’est peu : 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social !

La défiscalisation est votre remède miracle. Le rapport du Sénat, qui en relève les limites, devrait pourtant vous inciter à la prudence. Vous prétendez vouloir orienter cette défiscalisation qui, dans la prochaine loi de programmation, ne devrait plus porter que sur le logement social, au détriment du logement de luxe.

M. Jean-Christophe Lagarde – Enfin !

M. Michel Vaxès – Oui, c’est heureux, mais insuffisant. Cette mesure de recentrage, préconisée par la mission d’audit sur la modernisation de la politique du logement social, entraînera selon le Sénat une baisse sensible de l’investissement dans le secteur.

Dans ces conditions, les députés du groupe GDR voteront contre ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Abdoulatifou Aly – Le budget de l’outre-mer, excellente occasion de confronter les engagements du Gouvernement et les moyens qu’il y consacre, ne représente plus qu’une part infime des crédits accordés à ces régions. Nul besoin d’ergoter sur ses prétendues variations, dans un sens ou dans l’autre. Examinons plutôt les mesures consacrées à l’emploi. Environ 40 % des Mahorais sont sans emploi et le sous-emploi touche une frange non négligeable de la population, pour ne pas parler du travail informel, qui prolifère. Exonérer de charges sociales les peu nombreuses entreprises de l’île n’a presque pas d’effet. Ne vaudrait-il pas mieux aider les jeunes diplômés à créer leurs propres sociétés, et celles qui existent à pérenniser un emploi qui, faute de formation professionnelle continue, demeure très précaire ? En outre, tant que l’école publique ne pourra dispenser à Mayotte un enseignement de même qualité qu’en métropole ou ailleurs outre-mer, le sacrifice de générations de jeunes Mahorais privés d’égalité des chances se poursuivra. Songez qu’aucune école maternelle ou primaire ne dispose de professeur des écoles ! Il est grand temps de rattraper ce retard.

S’agissant du logement social, l’autre priorité de votre budget, l’objectif est louable mais la méthode reste à débattre : imposera-t-on à Mayotte la construction de HLM que les banlieues de métropole refusent désormais, au lieu de profiter de l’expérience de la case SIM pour concevoir un logement social plus adapté ? Quoi qu’il en soit, l’amélioration des conditions de vie est d’autant plus indispensable que plus de la moitié des électeurs inscrits dans l’île se sont durablement établis à la Réunion ou en métropole, pour y jouir pleinement de leur citoyenneté. Pour juguler cette émigration, il faut étendre à Mayotte les mesures sociales qui existent dans d’autres départements. Comment, en effet, vivre décemment sans CMU ni RMI ? Comment survivre lorsque les défaillances de la commission de révision de l’état civil nous réduisent à l’état de clandestins dans notre propre pays ?

Les émigrés, par ailleurs, laissent derrière eux des maisons vides que ne tardent pas à squatter des clandestins. Mayotte est certes en tête en matière de lutte contre l’immigration illégale, mais la reconduite aux frontières ne peut tenir lieu de solution unique : il faut surtout empêcher l’entrée des immigrés illégaux dans l’île ! Le système Frontex, utilisé en Europe, pourrait à ce titre servir de modèle.

Les Mahorais m’ont chargé de vous renouveler leur conviction, inébranlable depuis un demi-siècle, que leur avenir passe par la départementalisation et par l’accession au statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne. Quelles mesures envisagez-vous pour satisfaire leur vœu ? C’est en fonction des réponses que vous apporterez à ces observations que je me prononcerai sur votre projet de budget.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien !

M. Gaël Yanno – De tous les peuples insulaires du Pacifique méridional, les Calédoniens sont ceux qui jouissent de l’espérance de vie la plus longue, et du niveau de vie le plus élevé, qu’il s’agisse d’éducation, de santé ou d’équipements. Une seule raison à cela : nous sommes Français !

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est vrai !

M. Gaël Yanno – Les trois collectivités françaises du Pacifique, qui bénéficient de la solidarité nationale, suscitent l’envie de leurs voisins. En gérant directement certains domaines régaliens tels que la justice ou la sécurité, mais aussi l’éducation, l’État permet aux Calédoniens de profiter de services de grande qualité sans avoir à en subir la charge financière. Avantage inégalable, qu’il conviendra de ne pas oublier lorsque nous débattrons de certains transferts de compétences, notamment en matière d’éducation. Chacun sait en effet que la compensation prévue dans l’accord de Nouméa ne tardera pas à devenir insuffisante, et que l’impôt sera alors le seul recours.

Le budget de l’outre-mer et ceux des autres ministères intègrent, en sus de ces contributions directes, la contribution financière de l’État inscrite dans les contrats conclus avec les collectivités calédoniennes, et qui est essentielle en matière de logement social, de désenclavement des tribus, d’équipements culturels ou de gestion de l’eau, mais parfois insuffisante, d’où certains retards de paiement inacceptables pour les collectivités. Je serai très vigilant quant au respect des engagements de l’État dans ce domaine.

Au moment où l’État s’apprête à renouveler sa contribution pour 130 milliards de francs Pacifique, je me dois d’évoquer l’actualité sociale de l’archipel. Le rôle de l’État ne peut en effet se limiter à une simple participation financière. Il a également pour mission, et même pour devoir, d'assurer les libertés publiques et la sécurité. Je me réjouis, Monsieur le ministre, que vous l'ayez clairement réaffirmé lors de votre récente visite. Comment continuer à accepter qu'en Nouvelle-Calédonie, grève équivale souvent à état de non-droit ? Que les revendications syndicales puissent dégénérer en violences physiques, que les occupations d'entreprises soient parfois le prétexte d’une dégradation de l'outil de travail ? Comment laisser des conflits sociaux anéantir une entreprise, ou prendre en otage l'économie calédonienne toute entière ? Je ne cherche certes pas à défendre les intérêts du patronat ni à attiser les tensions, mais seulement à faire prendre conscience de l'absurdité d’une situation sociale où une grève pendant quarante jours de neuf employés, dans une entreprise qui en compte 32, aboutit à la paralysie de tout le secteur du BTP. Plus de 15 000 travailleurs, 9 000 salariés et 6 000 artisans vont connaître de bien tristes fêtes de fin d'année !

Le nouveau commissaire, qui prendra ses fonctions à Nouméa dans trois jours, hérite de cette grave situation. Il est impératif de tout faire pour rétablir des relations sociales apaisées, respectueuses des droits de chacun. Le dialogue entre partenaires sociaux en est bien sûr la première des conditions, et patronat et syndicats s'y emploient depuis plusieurs mois, mais les événements récents démontrent que cet indispensable dialogue ne peut être efficace si l’État ne met pas tous les moyens en œuvre pour garantir le respect de la légalité. C’est à cette seule condition du respect de la loi qu’il verra ses efforts financiers se concrétiser sous forme de développement économique et de progrès social. C’est dans cette attente, et avec confiance, que je voterai le budget qui nous est proposé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Annick Girardin – L'outre-mer est loin d’être de la compétence exclusive du secrétariat d'État : partie intégrante de la France, il relève à ce titre de l’ensemble des administrations. Son développement passe par un véritable travail de concertation, par un effort de coordination et de bonne entente qui transcende les clivages traditionnels. L’importance et l'urgence des problèmes, leur diversité aussi, rendent ce travail encore plus impératif qu'ailleurs. En effet, « les » outre-mers font face à des problèmes de fond qui imposent aux élus, locaux et nationaux, aux administrations et aux populations elles-mêmes de travailler ensemble, avec le secrétariat d'État comme interface privilégiée. Il doit être notre partenaire, notre allié et non l'adversaire qu’il fut pour moi dans l’application de la loi Travail, emploi et pouvoir d’achat à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'existence même de la mission « Outre-mer » constitue une première reconnaissance, même si ce ne sont certainement pas les enveloppes prévues pour 2008 qui pourront répondre aux besoins économiques, sociaux et environnementaux des outre-mers. Moi aussi, je m’inquiète du transfert des crédits emploi et formation, des dettes de l’État, du taux de chômage ou des difficultés structurelles des collectivités. Mais je me suis largement exprimée ces derniers jours, et j’ai été entendue. L’exemple du transport illustre, à Saint-Pierre-et-Miquelon, le décalage entre l’insuffisance des moyens et les ambitions affichées. L’état du transport est le principal frein au développement économique de notre archipel, sinistré qu’il est depuis la fin de la grande pêche, après notre échec devant le tribunal arbitral franco-canadien de 1992. L'impossibilité d’organiser un transport fiable à un coût acceptable explique les faibles résultats des actions de relance économique entreprises localement. Les efforts financiers de l'État ont donc trop souvent été tout simplement gaspillés, faute de vision d’ensemble. N'aurait-il pas été plus judicieux de remédier à l'enclavement des personnes et des marchandises avant de vouloir une nouvelle dynamique reposant sur le tourisme et les exportations ? Ne faudrait-il pas instituer un régime d'aides à l'importation et à l'exportation qui compense les entraves au développement que l'Europe reconnaît sous le terme baroque d'« ultrapériphéricité », mais sans effet puisque Saint-Pierre-et-Miquelon n’est pas, du fait de son statut, une région ultrapériphérique de l'Europe mais seulement de la France ?

Il est donc impératif de travailler toujours en coopération, jamais dans l'affrontement. C'est à cette condition que l'on pourra appliquer de véritables schémas de développement, tels que Saint-Pierre-et-Miquelon en a un besoin urgent. Les montants prévus au contrat de projets 2007-2013 sont en effet manifestement insuffisants, notamment pour ce qui est du projet essentiel qu’est l'aménagement d'un grand port de Saint-Pierre-et-Miquelon, port français d'Amérique du Nord, port avancé de l'Europe, élément clé du développement de notre archipel. Ce projet passe par la mise aux normes de l’existant et la création d'infrastructures liées aux multiples activités possibles – pêche, aquaculture, transbordement, ravitaillement, tourisme de croisière, activités liées aux hydrocarbures, carénage ou encore travaux de cale sèche. Ce n’est qu’à cette condition que l’archipel prendra toute sa place dans sa région.

L'accompagnement technique et scientifique des projets de développement est tout aussi indispensable que le volet financier. Là encore, l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon est frappant. Du fait de sa petite taille, l’on y manque de structures publiques, que ce soit dans l’administration – il n’y a pas de direction de l'environnement, du tourisme ou encore des affaires culturelles – ou du côté des institutions scientifiques avec une présence insuffisante d'IFREMER. Cela met en péril la préservation de notre patrimoine culturel et naturel et ajoute une difficulté de taille aux projets de développement qui se heurtent déjà à trop d’obstacles. Saint-Pierre-et-Miquelon, comme bien d'autres collectivités ultramarines, connaît enfin une « fracture numérique » qui entrave le développement du secteur prometteur des technologies de l'information et de la communication.

Ces enjeux essentiels sont malheureusement absents de la mission « Outre-mer », alors même qu’en dépend le succès des autres mesures, utiles, prises par le Gouvernement. Il faut espérer que la loi d'orientation en préparation corrigera enfin cette situation. Tous nos efforts et toute notre vigilance vont dans ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Alfred Marie-Jeanne – Les collectivités d’outre-mer étant un ensemble polymorphe, l’action à leur égard ne saurait être uniforme. D’autre part, tout budget est un acte politique, qui doit honorer les engagements souscrits, se tenir au plus près des aléas du quotidien et dessiner les contours de l’avenir. Le projet de loi de finances pour 2008 respecte-t-il ces exigences ? Au-delà des chiffres, toujours sujets à controverse, il est temps de mettre en avant une transparence absolue, ainsi que les principes et les transformations radicales nécessaires.

Concernant les engagements souscrits, l’État continue à transférer des charges sans compensation proportionnée, voire à proposer des transferts sans aucune compensation. Il rompt 249 contrats aidés de personnes travaillant dans les lycées. L'effort de maîtrise de la dépense publique passe-t-il par là ? Des milliers d'emplois qui se libèrent dans l'enseignement et la fonction publique territoriale nous échappent, tandis que de nombreux fonctionnaires sont affectés à des postes non vacants. L’État n’a pas non plus versé les sommes attendues en 2007 pour assurer les services de la continuité territoriale. Quant au logement social, un effort global de 25 millions pour tout l'outre-mer est annoncé. Il serait de bonne politique de faire savoir le montant de l'aide par pays, pour éviter les tiraillements habituels. Ainsi, la Martinique construit à peine 250 logements sociaux par an, alors qu'il en faudrait le quadruple – mais les sommes prévues sont-elles destinées à relancer la construction ou à effacer en partie les dettes envers les opérateurs de ce secteur ?

Concernant les aléas du quotidien, qu’en est-il des mesures annoncées lorsque l'ouragan Dean a frappé la Martinique de plein fouet en août dernier ? Qu’en est-il de la pollution causée par l'utilisation en abondance de pesticides nocifs tels que le chlordécone ? Ici et là, des spéculateurs sans scrupule envisagent de construire sur les terres contaminées. Si c'est cela, la décontamination dont parle le Gouvernement, ne comptez pas sur mon appui.

Il en est de même pour la défiscalisation envisagée sur le logement social : de 40 000 hectares de terres réservés dans le schéma d'aménagement régional, on est tombé à 28 000. Si l’on continue dans cette veine, la Martinique va tout droit à la mendicité. Ne comptez toujours pas sur mon appui.

C'est un projet politique et économique qu'il nous faut pour sortir de l'envasement et dessiner les contours du futur martiniquais. Le Gouvernement propose une zone franche globale d'activités : j’en prends acte, mais encore faudrait-il que le bénéfice fiscal accordé aux investisseurs soit répercuté sur le consommateur. Par ailleurs, ce système soulève d’autres questions, telles celles de la détermination et du financement des budgets concernés, de la compensation accordée aux collectivités ou des critères permettant de choisir un secteur plutôt qu’un autre. Il y a plus de dix-huit mois, le conseil régional a pris l’initiative de mettre en chantier le schéma martiniquais de développement économique, qui devrait être sur pied à la fin de l'année. Sans vouloir prétendre à l'exhaustivité, il aborde l'essentiel des contraintes et des blocages à surmonter. Ce document vous sera remis sous peu pour réflexion, concertation et négociation.

Par ailleurs, la collectivité régionale doit être membre officiel de toutes les instances de coopération de la Caraïbe si l’on veut éviter les déboires que nous connaissons trop souvent. Les accords de partenariat économique prévus par l'Union européenne et les pays de la Caraïbe risquent ainsi de déplumer la Martinique. C’est ce qui arrive quand on nous met devant le fait accompli ! Tel a aussi été le cas pour la suppression des obligations de service public concernant le transport aérien, qui a entraîné ipso facto une rareté des sièges et donc une augmentation du prix du billet.

Vous avez récemment déclaré, Monsieur le secrétaire d'État, qu’il faudrait « essayer de ne pas imposer une vision de Paris. C'est déjà détestable pour ceux qui vivent en Savoie et en Bretagne. Cela l'est encore plus pour ceux qui habitent au milieu de l'océan Indien, de l'océan Pacifique ou de la mer des Caraïbes ». Je saisis la balle au bond et vous demande à nouveau un entretien pour parler sereinement du schéma martiniquais du développement économique, de l'évolution institutionnelle et du changement de statut. Vous aurez ainsi l'occasion de faire mentir le vieil adage qui veut que pawol an bouch pa chaj (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC).

M. Michel Buillard – Ce budget est le premier d'un gouvernement dont les valeurs premières sont l'efficacité et le travail. Malgré les fortes contraintes qui pèsent sur les finances de l'Etat, les crédits de la mission outre-mer ont augmenté, prouvant ainsi l'attachement du Président de la République et du Gouvernement aux départements et collectivités d'outre-mer.

Depuis votre nomination, Monsieur le ministre, vous êtes déjà venu à trois reprises en Polynésie française. Vous vous êtes familiarisé avec notre pays et sa population. Vous avez ainsi montré votre attachement aux Polynésiens, qui vous le rendent bien comme en témoigne la ferveur de leur accueil.

Vous avez déclaré lors de la présentation de votre budget que « l'éducation constitue un levier essentiel du développement social et économique de l'outre-mer ». Notre population est jeune : plus de la moitié des Polynésiens a moins de 20 ans. En tant que député et maire, je porte donc une attention toute particulière à l'éducation de nos enfants. C’est ainsi que j’ai relayé les demandes de l’Université de Polynésie française, qui réclame davantage de moyens financiers et humains.

En partenariat avec le conseil des employeurs de Polynésie française et l'université, nous organisons depuis deux ans un forum étudiants-entreprises. De son côté, l'Université adapte ses formations pour permettre une meilleure adéquation entre l'offre et la demande.

Pour la première fois dans l'histoire de notre Université, un ministre a établi un dialogue direct avec les étudiants et les enseignants. C’est ainsi que vous avez annoncé un investissement de l'État de 15 millions d’euros en faveur du rayonnement de l'université du Pacifique, puis, conformément à votre promesse, la création d'une allocation de logement étudiant dotée d'1,3 million d'euros.

Étudiants et enseignants souhaitent maintenant la construction d'une maison des étudiants et d'une résidence internationale. N’oublions pas non plus que s’est tenu ici même un colloque consacré aux problèmes rencontrés par les étudiants en métropole.

Vous souhaitez également par ce budget contribuer au développement des économies et de l'emploi et soutenir le développement local en partenariat avec les collectivités.

La Polynésie française compte sur le soutien de l'État pour mettre en œuvre son contrat de projets au service de quatre grandes préoccupations : construire davantage de logements sociaux et résorber l'habitat insalubre ; améliorer l'offre de santé, notamment dans les archipels ; lancer les grands équipements structurants dans les domaines de l'assainissement, du traitement des déchets, de l'adduction d'eau potable ; favoriser l'insertion de nos jeunes grâce à l'éducation.

Les priorités du contrat de projets sont aujourd'hui contestées par le nouveau gouvernement indépendantiste de Polynésie française d’une manière préjudiciable aux intérêts de nos populations les plus démunies. Il y a en effet urgence à lancer des chantiers de service public de proximité. Je pense notamment à l'assainissement des eaux usées et à la distribution d’eau potable pour tous.

28 millions d'euros sont déjà inscrits à ce budget pour la première tranche annuelle du contrat de projets, ce qui constitue un effort remarquable de l'État – ce n'est pas parce que nous sommes régis par un statut d'autonomie qu’il n'a pas son mot à dire ! Dans les situations d'urgence, il se montre d’ailleurs déterminé à défendre la justice sociale et l'équité en Polynésie. Et ce n'est pas un départementaliste qui le dit, mais un fervent autonomiste, qui milite pour cette cause depuis vingt-cinq ans !

Il est des sujets plus importants que les querelles statutaires : l'accès de tous à un logement décent, à des conditions d'hygiène normales, à une école et une université de qualité, à des structures de santé modernes, à une eau potable... Seul le soutien de l'État nous permettra de surmonter les carences actuelles. Vous l'avez compris, Monsieur le ministre, en marquant votre volonté d'aider les communes.

En tant que député-maire de Papeete, j’adresse tous mes remerciements au Président de la République et au secrétaire d'État chargé de l’outre-mer, pour les 15 millions d'euros de contribution de l’État à l'assainissement des eaux usées de Papeete. Jamais gouvernement n'avait ainsi soutenu le développement durable à Papeete. Vous confirmez votre volonté de conduire outre-mer une politique de développement durable audacieuse, qui fait honneur à toute la République. C’est donc avec confiance que je voterai votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Jalton – Je ne me livrerai pas à une analyse exhaustive des lignes et programmes budgétaires, sinon pour demander une fois de plus que la desserte aérienne et maritime des îles proches de l'archipel guadeloupéen, ou « îles du sud », soit financée à la même hauteur que dans l'archipel de Wallis-et-Futuna.

En Guadeloupe, le chômage ne décline guère : nous sommes loin du taux de 5 % que le Premier ministre a fixé pour objectif d’ici à la fin du quinquennat. De plus, la précarité s’accroît. De plus en plus de jeunes doivent quitter la Guadeloupe pour trouver un emploi en métropole ou à l'étranger. Nos personnes âgées, elles aussi de plus en plus nombreuses, sont en attente d'un placement dans un centre d'accueil adapté. Faute de moyens financiers locaux, l'État doit intervenir.

D’autre part, la SAFER, l'ODEADOM, la chambre d'agriculture, la COMAPEGA, instruments majeurs d'accompagnement de l'agriculture et de la pêche locales, sont menacés dans leur fonctionnement – voire dans leur existence même – par les restructurations et le manque de crédits. Nous attendons donc la fameuse loi spécifique à l’agriculture et à la pêche outre-mer promise par les précédents gouvernements, ainsi que la commission d’enquête parlementaire sur l’utilisation des pesticides aux Antilles – à laquelle certains membres du Gouvernement se sont déclarés favorables.

En matière d’environnement, les élus guadeloupéens ont élaboré un schéma pour le traitement des déchets.

S’agissant de la fonction publique, l'objectif de suppression à terme d'un fonctionnaire sur deux ou trois est inacceptable outre-mer, notamment en Guadeloupe, où l’on a au contraire besoin de fonctionnaires supplémentaires dans les secteurs de la santé, au moment où nous devons faire face à la recrudescence de l’épidémie de dengue, de l’éducation, après la suppression des emplois aidés, de la sécurité intérieure et routière, de la lutte contre les filières mafieuses et l'immigration clandestine… Ce n'est pas uniquement avec les zones franches globales d'activités que l’Outre-mer s’en sortira. Il faut aussi consolider l'emploi public et aidé.

Pour ce qui est de l’enseignement supérieur et de la recherche, l'adaptation par ordonnance de la loi portant réforme des universités vers plus d'autonomie doit tenir compte des particularités de l'université des Antilles et de la Guyane, éclatée entre trois territoires, six collectivités territoriales et cinq villes universitaires.

Concernant la refonte de la carte judiciaire, une concertation de dernière minute à la préfecture a permis de montrer que cette réforme risquait d'éloigner les justiciables des tribunaux si ceux de Basse-Terre ou de Marie-Galante étaient supprimés.

M. Victorin Lurel – Absolument.

M. Éric Jalton – Nous ne laisserons pas passer ce marché de dupes !

En réponse au « Projet présidentiel pour le développement économique de l'outre-mer » que vous nous avez fait parvenir, les parlementaires guadeloupéens et la représentation des socioprofessionnels vous ont adressé un tronc commun de propositions.

Je tiens néanmoins à vous rappeler mon attachement au traitement particulier et bonifié des îles du sud de l'archipel guadeloupéen, dont les activités souffrent davantage que celles du continent en raison de leur double insularité, comme vous avez pu le constater sur place.

Je tiens également à ce que les logements sociaux et intermédiaires soient davantage aidés tant du point de vue financier que juridique, ce qui passe par une consolidation de la LBU et du FRAFU. Je vous renvoie à cet égard aux propositions de l'ARMOS.

Le passeport logement mérite d'être clarifié et il faut augmenter le nombre de logements réservés aux ultramarins désirant suivre en métropole des études et des formations quand celles-ci n’existent pas outre-mer, en attendant qu'une véritable continuité territoriale élargisse ce dispositif à l'ensemble des populations des DOM et de leur diaspora métropolitaine et de l'Union européenne.

Le 4 avril 2007, la Commission européenne a proposé de libéraliser intégralement le régime des importations originaires des ACP dès le 1er janvier 2008. Les ACP disposeront d'une période transitoire de vingt ans pour ouvrir leurs frontières aux exportations originaires de l'Union européenne. Si la France n'adopte pas rapidement une position ferme à Bruxelles, les accords de partenariat économique contribueront à défaire ce qui a été construit par l’UE en faveur des DOM, et les gains de compétitivité procurés par la zone franche globale risqueront d'être réduits à néant.

Afin d'inscrire toutes ces mesures dans un environnement social favorable, il me paraît essentiel d’améliorer le dialogue social par la reconnaissance de la représentativité syndicale, notamment dans les DOM, et d’augmenter le pouvoir d'achat des bas salaires, en particulier des smicards, en les exonérant des charges sociales salariales sur dix ans.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Éric Jalton – Je lance enfin un appel au secours concernant la scolarisation des élèves autistes, notamment ceux de la CLIS autiste de l'école mixte 1 de Grand Camp aux Abymes, qui manquent cruellement de moyens. Il faut les soutenir.

Guy Môquet symbolise sans doute aux yeux du Gouvernement le courage des jeunes gens qui firent le choix de la Résistance au péril de leur vie. Chez nous, les valeurs républicaines de résistance contre la tyrannie sont incarnées par le commandant Louis Delgrès et ses jeunes compagnons de combat, qui se sont battus contre le rétablissement de l’esclavage par Napoléon, lançant comme dernier cri : « Vivre libres ou mourir ! »

Conformément à la loi « Taubira », j’aimerais que ce cri de liberté et de résistance soit désormais enseigné aux élèves de notre République (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Gabrielle Louis-Carabin – 15,6 milliards d'euros, c'est le montant global mis au service, pour l'année 2008, du développement économique et social de l'outre-mer, contre 13 milliards l’an passé. Ceux qui dénoncent le retrait de la puissance publique et redoutent une diète budgétaire oublient de préciser que d’autres programmes, relevant d’autres ministères, viennent compléter le budget de l'outre-mer. N’oublions pas non plus la réorganisation des compétences ministérielles, dont découle une nouvelle architecture budgétaire.

Le redéploiement des crédits ne doit pas occulter l’existence d'une véritable politique transversale, destinée à favoriser la croissance économique et à réduire l’exclusion dans nos territoires grâce à un ensemble de mesures touchant à la sécurité publique, à l'immigration, au développement de l'économie, à la sécurité sanitaire, au social, au logement, à la protection de l'environnement, à la continuité territoriale, aux politiques pour la jeunesse, à l'éducation, à la culture, à l'agriculture et au soutien aux collectivités locales. L’effort de solidarité et de proximité à l'égard de l'outre-mer est donc partout...

Le volet « emploi », qui représente 58 % de ce budget, s’inscrit dans la logique de résultats que nos régions s'efforcent d’appliquer. Les aides spécifiques, qui s’ajoutent aux dispositifs de droit commun relevant des budgets des ministères de l'outre-mer, du travail et de l'emploi et des finances, tendent toutes vers un seul et même objectif : la relance de l'emploi dans le secteur marchand, sans lequel le développement durable serait un vain mot.

Grâce aux différents dispositifs d'exonérations en vigueur, on constate une progression notable du nombre des salariés ainsi qu’une accélération de la création d’entreprises – 5,9 % de plus en 2006. La progression de la consommation est restée soutenue, tout comme l'investissement des ménages et des entreprises. Il en est résulté une réduction de 3,8 % du nombre de demandeurs d'emploi de décembre 2006 à juin 2007

Contrairement à certaines affirmations, ce sont les mesures vigoureuses comme celles qui figurent dans la loi de programme de juillet 2003, bientôt complétées par le dispositif de zones franches, qui dynamisent notre tissu économique. Les entreprises guadeloupéennes seraient bien incapables de surmonter les handicaps structurels de l'archipel sans des leviers d’action puissants et, surtout, stables…

Les politiques d'accompagnement de l'emploi restent indispensables pour maîtriser le taux de chômage, qui reste élevé en Guadeloupe – 27,3 % –, et réduire le nombre des Rmistes. Il faut donc saluer le renforcement du service militaire adapté, dont la qualité et l'efficacité sont reconnues par tous. La formation professionnelle ne saurait toutefois se limiter au seul cadre militaire. La région, compétente en la matière, doit continuer à tout faire pour la dispenser à nos jeunes.

J’en viens au logement social, qui bénéficie de la hausse la plus sensible dans ce budget, passant de 175 millions à 200 millions d'euros. Je rappelle que la production de logements a diminué en 2006, et que 27 000 familles sont en attente d’un logement décent à la Réunion. Les opérateurs ont cessé de construire des logements sociaux, car leur équilibre budgétaire est menacé. Avec la diminution des crédits de la ligne budgétaire unique et l’absence de dotation du FRAFU, il semble que la politique du logement social s’essouffle, et les opérateurs ne sont pas persuadés que la défiscalisation soit la meilleure solution pour assurer la relance du secteur. Les besoins ne pouvant être couverts sans l’action de l’État outre-mer, une politique dynamique s'impose.

Notons également l’augmentation des crédits affectés à la continuité territoriale, dont le montant passe de 54 à 54,2 millions d'euros. Le succès du « passeport mobilité » est un bon révélateur de la volonté de formation de notre jeunesse : 15 341 étudiants et 6 767 jeunes en formation en ont profité en 2006. Il faudrait toutefois maîtriser le coût de ce dispositif et revoir ses règles d’éligibilité, si nous voulons le préserver.

N’oublions pas non plus la lutte contre l'épidémie de dengue, dont le pic, cette année, mérite une vigilance accrue de l'État, des collectivités locales et de la population, pas plus que le développement des structures d’accueil et de prévention pour des jeunes qui ne relèvent pas de la psychiatrie, ni le soutien à l’agriculture antillaise qui pâtit de l’application du principe de précaution en matière de pollution des sols.

Ce budget, comme celui des autres ministères touchant à l’outre-mer, porte la marque de votre volonté de promouvoir le développement économique. Contrairement à ce que certains prétendent, l’État est bien présent en Guadeloupe et à la Réunion. Pour toutes ces raisons, j’accompagnerai votre action en votant ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Lebreton – Année après année, les arbitrages défavorables à nos territoires se succèdent, et je voudrais exprimer mon inquiétude face aux mesures qui nous sont aujourd’hui soumises. En dépit des difficultés spécifiques reconnues par tous, les crédits affectés au secrétariat d’État se réduisent cette année de 150 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 127 millions en crédits de paiement. Les crédits effectivement utilisés risquent d’être plus faibles encore, compte tenu de l’hypothèse de croissance très optimiste retenue par le Gouvernement pour construire ce budget.

Alors que le Gouvernement a consenti 15 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus aisés cet été, on peut s’interroger sur le message adressé aux populations ultramarines. Qui paiera ? L’outre-mer, qui subira le coût des franchises médicales et redoute l’instauration de la TVA sociale, contribuera au financement du paquet fiscal sans en tirer de bénéfice.

Loin de donner une nouvelle impulsion au développement de l’outre-mer, ce projet de budget n’ouvre aucune perspective. La situation de l’emploi, de la qualification et de l’insertion justifie-t-elle une telle baisse des crédits ? Je ne crois pas ! Faut-il se contenter de réduire le coût du travail en délaissant l’aide à l’insertion, les contrats aidés et la qualification professionnelle ? Je ne le crois pas non plus.

Chacun sait en effet que la réduction du coût du travail sans contrepartie n’a aucun effet sur la situation globale de l’emploi, le montant des charges n’étant pas le facteur déterminant dans la décision d’embaucher. Ce type de mesure profite exclusivement aux actionnaires. Seule la formation de nos populations est de nature à favoriser le développement économique et social de l’outre-mer.

On ne peut que s’interroger sur les coupes budgétaires actuelles et la dilution des crédits, regroupés avec ceux d’autres ministères. Faute de traitement spécifique, quelle sera notre capacité à lutter dans une économie mondialisée ? Quelle est votre vision de l’outre-mer ?

En remplaçant l’aide aux plus faibles par un soutien aux plus puissants, vous menez une politique à court terme, qui ne fera qu’aggraver les handicaps structurels de nos territoires et la paupérisation de nos populations. Pourquoi refuser d’instaurer de véritables politiques de soutien à l’emploi dans des espaces si fortement frappés par le chômage ? Au lieu de promouvoir la création d’emplois dans le seul secteur marchand, vous feriez mieux de soutenir l’économie alternative, sociale et solidaire, qui s’appuie sur les associations et les collectivités locales. Les besoins vont croissant, et pourtant les dotations stagnent ; elles diminuent même...

S’agissant des conditions de vie, l’évolution des crédits affectés à la politique de l’habitat et au développement des infrastructures paraît dérisoire compte tenu des besoins actuels, et le rattrapage nécessaire ne pourra avoir lieu. En matière de logement social, il faudrait ainsi réabonder la LBU, accroître le soutien accordé aux collectivités, améliorer l’efficacité du FRAFU et adapter les aides à la pierre aux spécificités locales. Là encore, force est de constater la faiblesse de vos propositions.

Plus alarmantes encore sont les mesures prévues en matière de continuité territoriale et d’action sanitaire et sociale. Les crédits stagnent et le coût du transport aérien demeure prohibitif. Comment osez-vous parler de désenclavement alors que vous ne reconduisez même pas le montant prévu en 2005 pour le « passeport mobilité », qui passera de 20 à 15,8 millions pour 2008 ? Vous réduisez encore ce montant en accroissant le nombre des bénéficiaires. Avec de telles mesures, il n’y aura pas un nombre suffisant de jeunes qui partiront se former en métropole.

M. le Président – Il faudrait conclure…

M. Patrick Lebreton – Le Gouvernement reconnaît que le contexte socio-économique exacerbe certains phénomènes d’exclusion, mais les crédits affectés à l’action sanitaire et sociale sont en baisse. La situation ne s’est pourtant pas améliorée : la dégradation de l’offre de soins en milieu rural est criante, la situation des professionnels de santé s’aggrave, tandis que le sous-équipement des centres de soins s’accentue.

Je ne soutiendrai donc pas ce budget, avec d’autant plus de regrets que les premières consultations sur le projet de loi de programme avaient suscité un fort espoir (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Didier Robert – Monsieur le Ministre, je salue votre engagement en faveur de l’outre-mer, pour lequel la continuité des efforts de l'État se traduit par une progression de 1,7 % du budget consolidé. Je salue également votre détermination à écrire avec nous de nouvelles pages, par une loi programme qui attestera d’une démarche de rupture à laquelle je souscris pleinement.

365 ans se sont écoulés depuis les premiers pas de nos compatriotes bretons, vendéens, malgaches ou africains à l'île Bourbon ; 61 ans nous séparent de l'acte fondateur d'une départementalisation remplie de promesses et d'espoirs, mais encore loin d’être achevée. Notre pays pourrait être bien plus fier encore de cette diversité qui fonde l'exception française – et qui autorise toutes les audaces.

Il nous faut faire de la Réunion une terre de progrès, un département français à part entière. C’est une terre de contrastes, où des réussites exemplaires côtoient des retards et des handicaps qui mettent en péril la cohésion sociale. La départementalisation est à l'origine de progrès considérables – équipements publics de qualité, jeunesse mieux formée, entreprises dynamiques ; mais notre île est aussi un département en souffrance, avec plus de 400 000 bénéficiaires de la CMU, près de 75 000 érémistes, un taux de chômage trois fois supérieur à celui de la métropole, une aggravation de la délinquance et une perte continue de pouvoir d'achat.

Le Gouvernement fait le choix d'une stratégie au service du développement économique et de l'emploi, en écartant tout saupoudrage. La nouvelle loi programme retiendra quatre secteurs prioritaires, autour desquels s'articulera le dispositif ambitieux de la zone franche globale. C'est une avancée considérable, porteuse de beaucoup d'espoirs, mais il faut veiller à la dimension sociale des nouveaux dispositifs.

Ainsi, quelle sera la part réservée aux emplois aidés, avec le transfert au ministère de l'économie des crédits correspondants ? Il faut garder la même exigence en nombre de contrats, s'agissant d'une mesure de justice et de cohésion sociale.

Il est également indispensable de recentrer les dispositifs de défiscalisation sur le logement social et sur l'acquisition de la résidence principale.

Par ailleurs, le pouvoir d'achat reste au coeur des préoccupations des Réunionnais car nous subissons, tout à la fois, les contrecoups du passage à l'euro et un niveau de prix structurellement supérieur à celui de la métropole. Il faut donc parvenir à mieux maîtriser les mécanismes de formation des prix des produits de première nécessité, et accepter le principe d'une revalorisation concertée des plus bas salaires et des plus faibles retraites.

Enfin, mieux ancrer la Réunion dans son espace français et européen, c’est accepter que la libre circulation soit un droit premier et que la continuité territoriale en soit le corollaire ; c'est aussi accepter une remise en question des situations de monopole acquises sous prétexte d'obligations de service public, ainsi que l'ouverture aux charters du ciel réunionnais ; c'est, enfin, accepter le principe d'un accompagnement de l'État pour le développement de la plateforme aéroportuaire de Pierrefonds. Quelles sont vos intentions sur ces dossiers essentiels, Monsieur le ministre ?

Notre réussite passe par une mise en cohérence des politiques publiques, européenne, nationale et locale. C’est pourquoi je vous propose de créer, parallèlement au Conseil interministériel pour l'outre-mer sur lequel le Président de la République s'est engagé, une Conférence des présidents et des parlementaires de la Réunion, qui aurait en charge la définition, le suivi et l'évaluation des politiques publiques, et qui serait composée du préfet, des présidents de la région et du département, des présidents des chambres consulaires, des présidents des communautés d'agglomération et des parlementaires.

Monsieur le ministre, je vous confirme mon soutien, en vous demandant d’être aux côtés des Réunionnais sur ces questions difficiles, l'enjeu du développement restant avant tout une meilleure expression de notre démocratie au sein d'une République vivante et solidaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Letchimy – Depuis plus d'un demi-siècle, la technique du soutien fiscal à l'investissement tient lieu de base à tout projet de développement pour l'outre-mer. Face aux résultats constatés aujourd'hui, que rappellent votre document de politique transversale et, non sans courage, le rapport de la commission des affaires économiques, je me suis demandé si ces terres d’outre-mer ne seraient pas condamnées par un mauvais sort à un irrémédiable immobilisme économique, à la fatalité d'un chômage endémique et à d'insupportables retards. Avec effroi, j’ai songé qu’elles devront elles aussi faire face aux bouleversements climatiques qui s'annoncent.

C'est avec tout cela à l'esprit que j'ai tenté de mesurer l'impact possible de votre projet. Au-delà des chiffres, auxquels on peut tout faire dire, il convient d'identifier la politique dont ce budget est le support, de déchiffrer – j'insiste sur ce mot – la gouvernance dont il entend être l'expression.

Monsieur le Ministre, si je ne doute pas de votre bonne foi, je constate que dans un académisme déconcertant, qui contraste d'ailleurs avec certaines de vos initiatives dans l'Hexagone, vous nous proposez un projet qui manque d’audace, sans idée force et sans horizon. Ce renoncement accroîtra le désarroi de nos populations.

Je veux donc dire ici ce qui me paraît indispensable à une politique de développement durable. Il faut, oui, rompre avec le passé, mais sans pour autant tomber dans les aberrations du libéralisme ; il faut libérer les énergies locales, réveiller les volontés, ranimer les consciences et les imaginations. Bref, il nous faut retrouver de l'audace et du rêve, ne pas craindre les utopies : ce qui ne s'est jamais trouvé dans un budget de l'outre-mer, c’est un horizon visible, vers lequel on s'élance !

La rupture, ce serait d’abord celle, radicale, avec l'état d'esprit colonial, qui fait considérer les pays d’outre-mer comme un simple prolongement exotique de l'hexagone alors que ce sont des entités singulières, dotées d'une personnalité collective authentique. L'idée que ces pays pourraient être administrés de loin, avec des délégations de gestion et des décentralisations plus ou moins affirmées, est révolue, comme l’est celle d’affronter les problèmes environnementaux en attendant les décisions de Paris. « L'unité indivisible de la République» ne doit pas se payer par l'anesthésie de ses composantes ; l’unité de la République peut prendre corps dans l'arc-en-ciel de ses diversités.

Nombre d'entre nous militent pour un pouvoir local fort ; quelle que soit la solution retenue, il s'agit surtout de mettre en place une gouvernance locale, dotée de vrais pouvoirs de développement endogène et capable de structurer la transversalité des stratégies économiques. Il ne saurait y avoir de développement réel sans responsabilité collective.

Il convient d'engager de vraies réformes structurelles. A votre budget, il manque un souffle, une âme. C’est pourquoi, avec regret, je ne le voterai pas. Nous devons oser une autre vision de la France, qui s'affirme dans une union de responsabilités autonomes. Faisons-le vite, avant qu'il ne soit trop tard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Albert Likuvalu – Je remercie les rapporteurs pour leur excellent travail, et je salue l’effort du secrétaire d’État en vue de nous présenter un budget témoignant de l’attachement de la France aux collectivités d’outre-mer. Monsieur le secrétaire d’État, je ne dirai pas la même chose que mon collègue de Nouvelle-Calédonie, concernant Wallis-et-Futuna, même si vous savez que nous sommes aussi des Français.

Il y a quelques semaines, vous vous êtes rendu à Wallis-et-Futuna, qui n’avait pas vu un ministre depuis de longues années. Vous avez ainsi pu découvrir une population accueillante, des enfants souriants, des Français qui aiment la France, mais également une situation que vous avez vous-même qualifiée d’incroyable, d’indigne de la République. La collectivité de Wallis-et-Futuna souffre en effet plus que d’autres de son isolement et de l’éloignement de la métropole, mais aussi, paradoxalement, de son environnement régional.

Je voudrais vous faire part de mon inquiétude quant au transfert de crédits vers le ministère des finances et le ministère de l’intérieur, car je crains que la spécificité de l’outre-mer soit dès lors moins prise en considération, les crédits de Wallis-et-Futuna noyés dans la masse et considérés comme quantité négligeable. Wallis-et-Futuna dépend de la commande publique ; toute baisse ou retard de délégation des crédits a un impact direct sur l’économie locale et retarde la réalisation des projets structurants indispensables au développement durable du territoire.

L’aide de l’État doit porter sur plusieurs secteurs prioritaires. En matière de santé, si le rapport de l’OMS pour 2007 place la France au premier rang mondial pour son système de soins, vous avez pu constater la vétusté de l’hôpital de Wallis et de celui de Futuna. Avec trois médecins spécialistes et des dépenses annuelles de santé de 1 257 euros par habitants, contre 2 095 euros en métropole, Wallis-et-Futuna est le parent pauvre de la zone. La situation sanitaire se détériore d’année en année et génère une dépense publique de plus en plus importante. Les équipements de radiographie de nos deux hôpitaux sont en panne, et les travaux de réhabilitation en cours en font que retarder des problèmes qui surviendront tôt ou tard. Il serait plus judicieux, et moins coûteux, de reconstruire les établissements, plutôt que de procéder à des réfections à dose thérapeutique. Il conviendrait donc que le budget de l’Agence de santé pour 2008 soit porté de 21 à 31 millions.

En matière de désenclavement, il est indispensable de disposer, avant le lancement des travaux de l’aérodrome de Vele, des crédits suffisants, et d’envisager également l’acquisition d’un nouvel aéronef. Futuna requiert un plan de rattrapage à tous les niveaux, l’absence de desserte maritime inter-îles aggravant la situation. La participation annuelle de l’État à la desserte aérienne doit se montrer à la hauteur,…

M. Victorin Lurel – Très bien !

M. Albert Likuvalu – …avec l’octroi de 600 000 euros en complément de la dotation pour 2008 et d’un budget supplémentaire pour la continuité territoriale. Enfin, il faut que la circonscription bénéficie du câble sous-marin Australie-Polynésie française, et je sollicite l’accompagnement de l’État et de l’Europe pour le financement de ce projet de TIC.

En matière d’emploi et de formation professionnelle, je tiens à rendre hommage au délégué interministériel pour l’égalité des chances, M. Karam, pour l’efficacité avec laquelle il a régularisé une situation que les étudiants de l’outre-mer en métropole ressentaient comme injuste.

M. le Président – Veuillez conclure, Monsieur Likuvalu.

M. Albert Likuvalu – J’y viens. En matière de solidarité, je demande qu’on aide financièrement les conjoints de retraités, pour compenser la baisse de revenu des ménages.

Enfin, je souhaiterais recevoir des réponses sur les modalités d’application de l’accord signé en 2003 entre l’État, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, sur la création d’un observatoire des prix et des revenus, sur l’accession du secteur de l’artisanat au commerce équitable, et sur le maintien de l’indexation pour les fonctionnaires.

Monsieur le secrétaire d’État, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Hervé Mariton – Notre discussion budgétaire est l’occasion de partager un projet, dans l’écoute de ce que nos compatriotes veulent construire pour l’outre-mer et autour de notre vision du développement durable. Le concept de développement durable s’applique en effet parfaitement ici, dans ses trois dimensions : économique, environnementale, sociale.

Les rapporteurs ont rappelé les résultats positifs obtenus, ces dernières années, par la politique en faveur de la croissance en outre-mer, qui a souvent été plus forte que dans la métropole. Le chômage a diminué de 5 % en cinq ans, suite à des efforts de fiscalité dérogatoire importants. Certes, Monsieur Cahuzac, tout dispositif fiscal exige une évaluation, mais celle-ci doit être faite avec soin, en veillant à ne pas voir que des coûts, car il y a aussi des résultats. Si le chômage a davantage baissé en outre-mer et si la croissance y a été plus forte, les dispositifs adoptés au fil des dernières législations n’y sont pas pour rien.

Sur le plan économique, la transparence est nécessaire. Il conviendra donc de mesurer les effets de la création, dans les départements, des observatoires des prix et des revenus, et d’en apprécier les conséquences économiques et sociales. Par ailleurs, le Gouvernement réfléchit à la création de zones franches globales, promesse de campagne ; ce sera une étape importante, pour laquelle il faudra tirer les leçons des mesures adoptées sous la législature précédente.

En ce qui concerne l’environnement, il faut garder à l’esprit la richesse et la diversité extraordinaires de l’outre-mer, et saluer également, en cette époque de Grenelle de l’environnement, les initiatives engagées, comme le développement des énergies renouvelables à la Réunion. Les énergies renouvelables recèlent un potentiel de développement économique formidable. Des mesures ont été prises ces dernières années – pôles d’activité, pôles d’excellence… – et d’autres le seront, comme vous l’avez annoncé en commission, Monsieur le secrétaire d’État.

Chacun comprend l’importance du logement social en outre-mer. Plusieurs orateurs ont évoqué la dette de l’État. Entre 2006 et 2007, celle-ci a été réduite de moitié, et je suis surpris par les chiffres que certains ont avancés et qui ne me paraissent pas refléter la réalité. Les efforts réalisés ont permis d’améliorer la situation, même si nous avons besoin d’y voir plus clair.

Le social, c’est aussi la santé. M. Likuvalu a évoqué la vétusté des hôpitaux de Wallis-et-Futuna. La santé est un domaine où les inégalités entre la métropole et l’outre-mer sont criantes ; il s’agit d’un vrai besoin de nos compatriotes ultramarins.

Pour mener ce projet à bien, il faut rassembler les conditions d’un pilotage de la politique de l’outre-mer. M. Cahuzac a défendu l’évolution administrative qui se dessine aujourd’hui, et MM. Lagarde et Likuvalu ont plaidé pour que nous évitions de disperser les crédits sur différentes missions. Mais, qu’ils soient inscrits dans la mission outre-mer ou dans une autre, nos objectifs doivent être correctement définis et évalués, ce qui suppose une nette amélioration de nos indicateurs de performance.

Enfin, la loi de programmation que vous nous soumettrez sera l’occasion d’écrire une nouvelle page, favorable à la réussite de l’outre-mer au sein de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Louis-Joseph Manscour – L'examen des crédits budgétaires est un moment de vérité pour tout gouvernement, amené à justifier ses choix politiques et financiers. Révèle-t-il, s’agissant de l’outre-mer, une véritable volonté d’améliorer la situation des populations ?

Afin d’éviter toute redite, je ne livrerai aucune bataille de chiffres, me contentant de noter que, dans le but de réduire le déficit abyssal de l'État et de satisfaire aux critères de Maastricht – qui limitent l’endettement public à 60 % et le déficit budgétaire à 3 % –, le Gouvernement – notamment le ministère du budget, qui dispose du jugement d’opportunité – profite de l’application de LOLF pour opérer les coupes claires qu’il juge nécessaires. Ainsi de la disparition du crédit de 29 millions d’euros dont bénéficiait le congé solidarité, élément d’une politique de soutien à l’emploi des jeunes de moins de 30 ans qui avait pourtant entraîné en Martinique une baisse du taux de chômage de deux points, que vous portez à votre actif !

De même, ces dernières années, malgré la priorité que vous accordiez officiellement au logement, à l'emploi, à la santé, à la formation et à l'éducation, vous avez amputé des crédits en cours d’exercice, affichant habilement des autorisations de programme ambitieuses qui ne débouchaient sur aucun crédit de paiement – en d'autres termes, des coquilles vides…

Ainsi avez-vous mis le logement social en péril, notamment en Martinique, où les aides à l'amélioration de l'habitat des familles les plus modestes sont demeurées insuffisantes et où de nombreux opérateurs de logements sociaux ont été confrontés à des difficultés. L’augmentation de 25 millions des crédits consacrés à ce secteur couvrira à peine 25% des dettes antérieures de l’État, contrairement à ce qu’a affirmé M. Mariton et à ce que nous avait certifié M. le secrétaire d’État.

Pourtant, plus de 7 000 familles ont payé un lourd tribut à l'ouragan Dean – vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous vous êtes déplacé dès le surlendemain de la catastrophe. En outre, la Martinique connaît aujourd'hui une épidémie de dengue : plus de 8 000 cas ont été recensés, justifiant le déclenchement d'une alerte sanitaire par les services de la direction de la santé et du développement social. Autre sujet de préoccupation : la pollution au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, et ses conséquences sur la santé des populations comme sur l'économie des deux régions.

Certes, à la suite du rapport alarmant du professeur Belpomme, relayé par les grands médias nationaux, la ministre de la santé a confié une mission à M. Houssin, directeur de la santé, auquel les premières recherches scientifiques ont permis de prendre la mesure des risques encourus. Mais l’attention et la disponibilité que l’on ne peut, monsieur le secrétaire d’État, vous dénier ne suffisent pas à dissimuler votre volonté de recentraliser l'initiative économique par le biais de l'instrument fiscal que constitue la zone franche globale d'activité, quitte à marginaliser, voire à domestiquer, les collectivités locales. Ainsi imposez-vous vos conceptions libérales aux territoires d’outre-mer.

En outre, vous prétendez que cette zone franche globale d’activité permettra de diminuer le coût du travail et de redynamiser l’économie des départements d’outre-mer, mais vous passez sous silence les modalités de financement des compensations aux collectivités, notamment aux communes, privées d'une partie des recettes de fonctionnement que leur assuraient les taxes foncière et professionnelle. En ce qui concerne les organismes sociaux, vous avez affecté 30 millions d'euros au programme 138…

M. le Président – Il faut conclure.

M. Louis-Joseph Manscour – …dont le coût global, d’après une évaluation commandée par le Medef Martinique, s’élève à environ 800 millions !

En outre, le choix des trois ou quatre secteurs prioritaires qui pourraient cumuler les exonérations sera d’autant plus difficile qu’il risque de pénaliser le secteur associatif et celui de l’économie sociale, essentiels à l’économie et à l’emploi, mais écartés sans qu’aucun critère objectif clair, aucun modèle économique de référence ne le justifient.

M. le Président – Concluez, monsieur Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour – Monsieur le secrétaire d’Etat, lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, vous avez déclaré que le retard pris par les économies d’outre-mer faisait du rattrapage non seulement une nécessité, mais une exigence.

M. le Président – Monsieur Manscour, vous devez absolument conclure. Le temps nous est compté.

M. Louis-Joseph Manscour – Les populations ultramarines souffrent de handicaps structurels : le taux de chômage est trois fois supérieur à la moyenne nationale, le nombre de érémistes deux fois et demie supérieur à celui de la métropole…

M. le Président – Respectez le temps de parole que vous aviez sollicité et qui vous a été accordé.

M. Louis-Joseph Manscour – C’est injuste !

M. le Président – Non, c’est ce que je demande à tous les orateurs !

M. Jacques Remiller – Ce budget de l’outre-mer – le premier de la législature – témoigne des priorités du Président de la République et du Gouvernement en la matière : soutenir le développement de l'économie et de l'emploi, soutenir le développement local en partenariat avec les collectivités territoriales et garantir la sécurité et l'égalité des chances des citoyens. Il comporte désormais deux programmes : l'emploi et les conditions de vie.

Sans revenir sur les mesures en faveur de l'emploi, déjà longuement détaillées, je vous félicite, monsieur le secrétaire d’État, de la création prochaine du conseil pour l’outre-mer, qui, en permettant une meilleure coordination de l’action de l’État, en améliorera l’efficacité. Je me réjouis également de votre volonté de proposer de nouvelles filières de formation aux jeunes ultramarins, même si vous auriez pu faire davantage pour la continuité territoriale et l'accessibilité à la métropole, par l’aide aux transports comme par l’ouverture de places dans les universités et les écoles. En outre, je tiens à saluer votre action de lutte contre l'immigration irrégulière, dont les excellents résultats, surtout en Martinique et en Guadeloupe – la Guyane et la Mayotte demeurant fortement touchées –, montrent l’efficacité d’une volonté politique.

En revanche, étant donné les conclusions du rapport remis à l'Assemblée nationale et portant sur l'utilisation des pesticides organochlorés en Martinique et en Guadeloupe entre 1983 et 1993, vous auriez pu prévoir des aides à l'indemnisation et la dépollution des sols.

Enfin, je soutiens votre ambition de réduire la fracture numérique, car les technologies de l'information et de la communication sont essentielles à l'attrait et la compétitivité des territoires comme à la qualité de vie de nos concitoyens. La loi de programmation que vous préparez devrait être porteuse de grands progrès, notamment grâce au déploiement des câbles sous-marins, qui permettra l'ouverture à la concurrence, la baisse des tarifs et l’amélioration de la qualité du service. Je vous félicite également d’être parvenu à réformer la double tarification – tarification normale et tarification de réception – qui s’imposait en matière de téléphonie mobile aux habitants d'outre-mer se rendant en métropole c omme aux habitants de métropole se rendant outre-mer, en obtenant de Bruxelles une baisse de 40 à 50 %, valable non seulement entre la métropole et l’outre-mer, mais aussi entre cette dernière et l’ensemble de l’Union européenne. Vous éclairez ainsi l’avenir de nos concitoyens ; je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Jeanny Marc – En prenant la parole, je pense avec une grande émotion à toutes les femmes d'outre-mer qui m'ont précédée dans cet hémicycle, d’Eugénie Eboué à Gerty Archimède, et qui ont, chacune à leur façon, apporté leur pierre à la construction et au développement de l’outre-mer, en particulier de la Guadeloupe. Leur mémoire nous oblige à prendre position de manière responsable sur le budget que vous nous soumettez.

Après avoir fourni chaque année au Gouvernement, au cours de la précédente législature, l’occasion de proclamer son attachement à l’outre-mer, ce budget est de nouveau le prétexte d’un discours à consonance compassionnelle. Ainsi allez-vous, monsieur le secrétaire d’État, jusqu’à prétendre que les moyens budgétaires augmentent alors qu’ils sont en baisse, invoquant une « erreur » pour justifier la différence entre 2007 et 2008 et expliquer l’écart entre les chiffres de votre ministère et ceux de Bercy !

Certains soulignent l’augmentation, d’autres dénoncent la diminution ; je préfère pour ma part examiner votre projet du seul point de vue de son efficacité – comme nous y invite la LOLF, qui privilégie les notions d’objectifs et d’indicateurs de performance -, notamment sur le terrain.

Réduction du coût du travail, aide à l’insertion, amélioration de l’habitat, renforcement de la protection sociale : pour louables qu’elles soient, les actions que comprend votre mission ne peuvent masquer la dure réalité que vivent au quotidien les habitants de l’outre-mer, et singulièrement de la Guadeloupe. Votre échec est cinglant : vous n’avez les moyens de vos ambitions ni en matière d’emploi, ni en matière de logement.

L’emploi, d’abord : en annonçant un taux de chômage à 19%, vous laissez tout le monde pantois ! Il dépasse 27% en Guadeloupe, où les jeunes, loin de pouvoir travailler plus pour gagner plus, sont particulièrement touchés. Malgré le dynamisme de nos économies, il faut se rendre à l’évidence : le secteur marchand ne parvient pas à satisfaire la demande d’emploi.

MM. Victorin Lurel et Éric Jalton – C’est vrai !

M. le Président – Le temps passe, Madame Marc.

Mme Jeanny Marc – S’agissant des contrats aidés, je note que le transfert de leur gestion au ministère de l’économie a provoqué l’évaporation de 22 millions par rapport au montant que gérait le ministère de l’outre-mer. Nouvelle illustration du dépeçage méthodique de votre secrétariat d’État !

M. Victorin Lurel – Eh oui !

Mme Jeanny Marc – La gestion de nombreux autres dispositifs d’insertion et d’aide à l’emploi a été rattachée au FEDOM. Pendant longtemps, la rue Oudinot concentrait les moyens accordés à la lutte contre le chômage. Aujourd’hui, c’est le contraire : on confirme ainsi la disparition programmée du FEDOM. Hélas, le Gouvernement considère l’accompagnement des plus fragiles non comme un facteur de cohésion sociale, mais comme de l’assistance. Les règles de l’ultrapériphérie communautaire prévoient une approche particulière pour les DOM. Or, en matière de lutte contre le chômage, ils sont traités comme la métropole ! Nous voici donc entrés dans une ère de rigueur où les emplois aidés d’outre-mer doivent être limités.

Le logement, ensuite : la dette de l’État envers les bailleurs sociaux ultramarins dépasse cent millions !

M. le Président – Il faut conclure, Madame Marc.

Mme Jeanny Marc – Mais vous m’avez troublée, Monsieur le Président ! Accordez-moi votre indulgence !

M. le Président – Vous devez respecter votre temps de parole.

Mme Jeanny Marc – Je conclus donc en regrettant que la politique de rattrapage annoncée en commission n’apparaisse pas dans votre budget qui, par ailleurs, ne dit mot des pollutions liées aux pesticides. Ce projet est une véritable bombe à retardement : l’État doit assainir ses finances, faute de quoi les générations futures hériteront d’un déficit colossal !

Rendez l’espoir à nos jeunes, Monsieur le secrétaire d’État. Votre mission dépasse le clivage entre gauche et droite : rassemblez les énergies et imposez la transparence dans l’intérêt de tous nos compatriotes ultramarins ! À défaut, je ne pourrai pas voter votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Christiane Taubira – Je vous ai vu attristé par une indiscipline devenue règle, Monsieur le Président, et je constate que c’est à la Guyane de vous donner le coup de grâce ! (Sourires)

Ancienne est la tradition qui veut que l’on confie le portefeuille de l’outre-mer à une personnalité – parfois réticente – qui n’y mit jamais les pieds, ou y passa en météore. Le principe n’est d’ailleurs pas toujours contestable, qui permet de faire rempart contre les réseaux agissants, les amitiés pressantes, les gratifications opaques. Le ministre fraîchement nommé prend vite la mesure de la disparité des territoires ultramarins : il revient humble et ébloui de ses premiers déplacements. D’une personne à l’autre, seul le style change ; l’ardeur à faire notre bonheur, elle, demeure.

C’est dire, Monsieur le secrétaire d’État, si vous êtes exposé – comme nous ! – à un air de déjà vu : ce débat budgétaire est répétitif au point d’en devenir une véritable besogne de ressassement. Certains fidèles disent de votre budget qu’il est le meilleur, trahissant ainsi vos prédécesseurs. D’autres en font le pire de tous : c’est aussi exact qu’injuste car, année après année, les besoins ne sont jamais satisfaits. Quoi qu’il en soit, votre ministère ne gère qu’un dixième des crédits consacrés à l’intervention de l’État outre-mer. Quant à nous, parlementaires ultramarins, nous sommes donc pompeusement invités chaque année pour ne débattre que d’un dixième de notre sort !

Plusieurs députés du groupe UMP – Toute la France est concernée !

Mme Christiane Taubira – À nous de démêler les subtilités d’autres missions pour y dénicher ce qui nous regarde ! Sans compter le tropisme de votre budget, s’agissant de l’emploi aidé et du logement social.

Certes, la réforme de l’ordonnance de 1959 a beaucoup éclairci l’ancien fouillis en vigueur. Toutefois, le détail de votre mission est si complexe que la Cour des comptes elle-même souhaite que les contours en soient précisés. Comment lui répondrez-vous ?

Quant à nous, à qui il n’est donné que de rencontrer des ministres heureux de leurs mystérieuses augmentations budgétaires même en période de vaches efflanquées, nous savons que l’essentiel n’est pas dans les 80% de crédits reconduits, surtout consacrés au fonctionnement de l’administration. Les collectivités, les organismes et les bailleurs sociaux connaissent comme nous la réputation de mauvais payeur de l’État. Nous savons tous que vous ne consentez qu’un effort dérisoire pour compenser la discontinuité territoriale.

Et pourtant, l’outre-mer n’échappe à aucune des grandes questions d’aujourd’hui, de la démocratie sociale à la géopolitique, de la modernisation institutionnelle à l’identité. Comment exploiter les ressources naturelles, dont certaine ne sont pas renouvelables, sans exclure les natifs, détruire la nature, compromettre la santé publique ou appauvrir la collectivité, alors même que des entreprises privées s’enrichissent sans contribuer à la dépense commune ? Comment faire des industries d’État telles que le secteur spatial des modèles en matière d’environnement, de santé, d’information ou d’emploi ? Comment éviter que les privatisations de services publics tels que l’énergie ne se réduisent pas à de simples transferts visant à dépouiller l’État, à jeter des personnels sous tous prétextes et à se débarrasser d’obligations tarifaires ? Comment, sur des questions telles que l’orpaillage clandestin, amener à œuvrer ensemble des nations qui, dans le désordre actuel du monde, ont des intérêts aussi divergents que la France et le Brésil ? Comment dénouer la tension entre la pression migratoire et notre tradition d’accueil sans perdre nos principes, notre éthique, notre conscience aiguë de ce maelström que font notre histoire et notre vif entêtement à exister ensemble, en dépit de tous ceux qui feignent de croire qu’ils découvrirent nos territoires vierges et sans histoire ? À toutes ces questions, l’outre-mer peut apporter des réponses.

Pour être attrayant, votre budget doit être le levier d’une action publique coordonnée entre État et collectivités. Servira-t-il à lutter contre les inégalités qui frappent aveuglément les femmes et contre les obstacles qui bouchent l’avenir des jeunes ? Êtes-vous, Monsieur le secrétaire d’État, indifférent au courage, à la détresse et à la patience des hommes et des femmes de nos pays ? Laisserez-vous longtemps macérer dans leur désespoir taraudant, leur rancœur légitime qui finira par les rendre méchants et égoïstes, tous ceux qui s’exaspèrent de voir des privilèges se consolider et leurs enfants partir, sans espoir qu’ils reviennent un jour mettre leur talent au service de la terre natale ? Faute de les entendre, tel le squatteur temporaire d’une maison branlante, vous n’aurez fait que passer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Chantal Berthelot – Ce budget pose la question de l’utilité même d’un secrétariat d’État qui ne gère que 12 % de l’ensemble des crédits consacrés par l’État à l’outre-mer. De deux choses l’une, donc : soit il faut un ministère à part entière, gérant l’intégralité de ces moyens avec plus de cohérence et d’efficacité, soit il faut répartir les mesures techniques des deux programmes entre les ministères concernés. La question se pose avec d’autant plus d’acuité qu’un conseil interministériel pour l’outre-mer doit se tenir, sous l’autorité du Président de la République. Je récuse le rôle de filtre politique du secrétariat d’État. Je refuse cet intermédiaire entre moi, élue par le peuple pour le représenter, et les autres ministères, qui n’aboutit qu’à entraver l’expression populaire.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer – Alors ne venez plus jamais rien demander !

Mme Chantal Berthelot – Gardez votre calme. Lors de votre audition, Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé l’exigence du rattrapage – de tout faire pour que chaque année, une part du budget lui soit consacrée. Or, l’outre-mer n'échappe pas à l'austérité qui caractérise la loi de finances pour 2008. Les crédits connaissent, au mieux, une reconduction pure et simple en euros courants. Ainsi, pour la Guyane, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » diminuent de 12 millions. La mission « Santé » garde la même dotation, au centime près, mais la sécurité sanitaire régresse, de même que les crédits pour l'emploi et les conditions de vie et l’ensemble des programmes de la mission « Travail et emploi ».

Et pourtant, n'importe quel rapport, à commencer par ceux de l'INSEE ou de l’institut d’émission des départements d’outre-mer, fait état de ce qui reste à faire pour ledit « rattrapage ». L'observatoire national de la pauvreté par exemple note qu'alors que six ménages sur dix mille n'ont pas accès à l'eau dans l’hexagone, près de 13 % ne sont pas raccordés en Guyane, et 7 % pour le réseau d'électricité. Sans compter l'insuffisance des structures sanitaires qui contredit le droit à l'égalité des chances dans la lutte contre la maladie et la mort, l’insécurité liée au banditisme, aux trafics en tout genre et aux activités d'orpaillage clandestin ou encore le chômage, que le BIT a estimé à 29 % pour 2006, et la hausse de 63 % sur dix ans du nombre des érémistes.

Les Guyanais revendiquent depuis des années, mais en vain, les simples droits inscrits dans la Constitution de la République : droit au travail, aux services de base, au logement, aux soins, à la sécurité, à l’éducation... Il ne peut y avoir de rattrapage sans que l'État assume pleinement sa part de responsabilité, ce qui exige un effort budgétaire et non un simple redéploiement des crédits dans une énième loi de programme. Les Guyanais ont une vision d’un développement fondé sur leurs aspirations et sur la richesse naturelle de leur territoire, qui transparaît dans le schéma régional de développement économique, le programme régional de développement des formations ou le schéma directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche du pôle universitaire. Ils ont établi leurs besoins d’équipements structurants dans un plan exceptionnel d’investissement approuvé par l’ensemble des élus. Enfin, ils ont entamé la réflexion sur une évolution statutaire qui s'inscrit dans cette vision.

Ces initiatives témoignent d'un rêve d'avenir partagé, qui va au delà d'un simple rattrapage. La Guyane a des atouts. Elle doit devenir un pôle d'excellence dans les technologies innovantes nécessaires à la révolution écologique. Elle doit prendre la place qui lui revient au sein de la nation française et de l'Union européenne, dans le respect de ses spécificités. La question est de savoir si l'écoute et l'action de l'État pourront être à la hauteur de l'ambition guyanaise (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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