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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 8 novembre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
43ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2008 – SECONDE PARTIE (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

M. le Président - Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances – Je tiens tout d’abord à exprimer à M. le ministre des affaires étrangères la satisfaction que m’inspire l’accueil réservé à la France, à travers la personne du Président de la République, hier à Washington. Je vous remercie également, monsieur le ministre, ainsi que vos principaux collaborateurs, en France et à l’étranger, de m’avoir reçu de manière si courtoise, efficace et constructive.

Au titre de l’action extérieure de l’État, il faut ajouter aux trois programmes de la mission « Action extérieure de l’État » les programmes « Aide publique au développement » et « Audiovisuel extérieur », que nous n’aborderons pas ce matin. Un document de politique transversale détaille l’ensemble de ces actions, dont le ministère des affaires étrangères est considéré comme le chef de file – même si l’on peut espérer que les évolutions actuelles permettront d’aller plus loin – et dont les moyens budgétaires s’élèvent au total à un peu plus de 10 milliards d’euros, contre un peu plus de 2 milliards seulement pour la mission « Action extérieure de l’État » stricto sensu, ce qui est peu.

Peut-être pourrait-on créer à l’occasion du PLF 2009 un nouveau programme de soutien afin de clarifier les moyens mis au service de la logistique de l’action extérieure de l’État et faciliter l’action quotidienne du ministère des affaires étrangères, quitte à égratigner quelque peu les grands principes de la LOLF. Je crois du reste savoir que vos services n’y sont pas opposés.

Le texte transfère par ailleurs au ministère de l’immigration un certain nombre des personnels et des responsabilités qui vous revenaient, soit 137 emplois et la totalité de l’OFPRA, ce qui représente environ 50 millions d’euros de crédits. Votre ministère conserve toutefois la responsabilité de la délivrance des visas à travers le monde, dont il partagera la conception et l’application avec le nouveau ministère.

S’agissant du financement des contributions internationales, nous avons pris, vous le savez, un retard regrettable que nous tentons chaque année, en vain, de rattraper. Bien que le PLF 2008 prévoie un « rebasage » de 40 millions, je crains que, comme en 2006 et en 2007, les besoins demeurent sous-estimés. Nous sommes à la limite de la sincérité !

M. Jacques Myard – Il a raison !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial – Il est donc indispensable que nous disposions d’estimations réalistes, même si les moyens budgétaires dont vous disposez ne vous facilitent pas la tâche. Il semble notamment qu’en matière de contributions volontaires – à la différence des contributions obligatoires – la France ne tienne pas son rang, ce qui risque de nuire à son image et à son rôle au sein des institutions multilatérales.

Quant à nos compatriotes à l’étranger, ils sont particulièrement choyés par l’État, dans tous les domaines.

M. Jacques Myard – À condition de sauvegarder les consulats !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial – Le Président de la République s’était engagé au cours de sa campagne à rendre gratuite la scolarité des élèves de seconde, de première et de terminale dans les établissements d’enseignement français à l’étranger, ce qu’a permis, au premier trimestre, un redéploiement de crédits de l’ordre de 5 millions, le PLF 2008 consacrant 20 millions à cet objectif pour les élèves de terminale ; il devrait être atteint en 2009 et 2010 pour les élèves de première, puis de seconde. Je me réjouis de cette évolution majeure, qui rendra un grand service à de nombreux Français de l’étranger.

Ces derniers bénéficieront en outre de la création du centre opérationnel de veille et d’appui à la gestion des crises – le COVAC –, qui permettra de leur venir en aide très rapidement en cas de troubles. Je profite de l’occasion pour saluer une nouvelle fois l’efficacité de l’extraordinaire opération qui a permis d’évacuer du Liban en un temps record, en 2006, plusieurs milliers de personnes, dont un grand nombre n’étaient pas françaises ! Je vous félicite, monsieur le ministre, ainsi que votre administration, de cette générosité.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial – Quant à l’externalisation des visas, qui consiste à confier à une entreprise privée l’élaboration des dossiers – mais non, naturellement, la décision de délivrance –, j’ai pu en constater les excellents résultats au consulat de France à Istanbul, où les épouvantables files d’attentes d’autrefois ont disparu. Je crains toutefois que le passage à la biométrie fasse obstacle à l’externalisation si la CNIL n’émet pas un avis favorable, ce qui relève certes de sa responsabilité, mais risquerait de mettre en péril l’image de la France et le confort des demandeurs de visa.

D’autre part, dans le cadre du contrat triennal qui s’achèvera fin 2008, les effectifs du ministère connaissent une nouvelle baisse, qui représente environ 271 équivalents temps plein. Je sais, monsieur le ministre, combien votre direction des ressources humaines est attentive à l’absence d’affectation de nombreux fonctionnaires ayant rang d’ambassadeur, qui nuit à l’administration comme aux personnes concernées, lesquelles, à la différence de leurs homologues du ministère de l’intérieur, ne bénéficient d’aucun dispositif leur permettant de quitter la carrière. Les pécules de départ que le Président de la République envisage d’instaurer dans l’administration et la fonction publique pourraient permettre de résoudre ce problème.

Après une diminution, puis une stabilisation, les bourses dont bénéficient les étudiants étrangers en France ont connu une amélioration qualitative, mais nous devons faire mieux.

Quant à la gestion de l’immobilier – même si l’affaire de la rue de la Convention, qui a fait hier l’objet d’une question au Gouvernement, ne vous concerne, monsieur le ministre, que par ricochet, puisque c’est le prix de vente de l’immeuble qui fait problème, plutôt que son prix d’achat –, le regroupement de l’administration du ministère sur trois sites, prévu pour 2008 et 2009, est tout à fait bienvenu, mais, à l’étranger, une politique immobilière offensive permettant de mieux valoriser nos avoirs semble indispensable, bien que les spécificités du droit foncier et immobilier de chaque pays en compliquent l’application. Je m’inquiète d’autre part du paiement des loyers intercalaires des immeubles déjà vendus avant l’installation de vos services rue de la Convention : le calendrier arrêté n’aurait-il pu être plus judicieux ?

Enfin, la coopération décentralisée, excellent outil de notre politique étrangère auquel je suis particulièrement attaché, pourrait être plus efficace encore si les agents de votre administration en mesuraient mieux la nécessité.

M. Jacques Myard – Quelle tarte à la crème, monsieur le rapporteur !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial - Vous avez été le ministre emblématique de l’ouverture. En 2008, vous serez peut-être aussi celui…

M. Jacques Myard – De la fermeture des consulats ?

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial – Non, de la réforme de fond du Quai d’Orsay ! Les crédits de votre ministère ont été drastiquement réduits ces dernières années.

M. Jacques Myard – Et même beaucoup trop : c’est scandaleux !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial Impossible en effet de les réduire davantage, sauf à menacer la politique de la France dans le monde. Dans ces conditions, pourquoi ne pas prévoir certains redéploiements d’agents – je ne citerai aucun pays – qui ne porteraient pas atteinte à notre présence ?

Les données et rapports nombreux qui paraîtront en 2008 seront l’occasion de définir une stratégie globale à laquelle j’espère que le Parlement sera largement associé, comme le souhaitera sans aucun doute M. Woerth, qui pilota sous la précédente législature la mission d’évaluation et de contrôle consacrée à cet aspect.

M. Jacques Myard – Sur lequel il a changé d’avis depuis !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial – Le ministère des affaires étrangères a bien changé depuis la dernière fois, voici plus de dix ans, que j’en rapportai le budget – désormais, il gère notamment les questions d’intendance et de logistique. C’est encourageant ! Un dernier mot : je tiens à remercier l’administrateur avec qui j’ai travaillé pour sa disponibilité et sa compétence, d’autant plus que le Parlement ne dispose pas de moyens considérables.

Votre commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Aurélie Filippetti, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique Les acteurs du rayonnement de la France dans le monde sont inquiets de notre capacité à y maintenir sa présence culturelle et linguistique. La France a tout à gagner de la circulation accrue des personnes, des idées et des produits. Néanmoins, on ne peut prêcher haut et fort la diversité culturelle tout en rognant sur les moyens de notre action.

Ainsi, sous couvert de rationalisation, une vingtaine de centres culturels ont été fermés depuis 2000, et ce n’est qu’un début. La priorité, dit-on, doit aller au renforcement de notre présence en Russie, en Europe de l’Est et dans les pays baltes. Les moyens économisés en Europe occidentale ont donc été affectés à l’ouverture de centres de l’Alliance française en Bachkirie et au Tatarstan, et les fonds de celles d’Irkoutsk, de Novgorod et de Novossibirsk ont été abondés. Était-ce vraiment nécessaire, et si oui, pourquoi privilégier la forme associative à l’établissement culturel ? Nombreux sont ceux qui, dans le même temps, regrettent la fermeture de l’Institut français de Bilbao alors même que l’influence française est en net recul en Espagne, au profit de la culture anglo-américaine, notamment auprès des jeunes générations. Le Président de la République, pourtant, semble tenir à la place de la France en Méditerranée…

Quant à la création d’établissements culturels européens, ne s’agit-il que de partager les frais immobiliers ou envisage-t-on des manifestations communes pour affirmer l’identité culturelle européenne ?

M. Jacques Myard – Elle n’existe pas ! (Rires)

Mme Aurélie Filippetti, rapporteure pour avis – On pourrait en débattre longuement… À ce jour, des établissements franco-allemands ont été créés à Ramallah, à Turin, à Lahore et à Harare. Qu’en est-il de nos projets avec d’autres États de l’Union ?

Contraints par la pénurie budgétaire, les services de coopération et d’action culturelle à l’étranger encouragent désormais les centres culturels à établir des partenariats locaux : c’est dire l’indigence de notre diplomatie culturelle ! Songez que la seule subvention de l’Opéra de Paris est supérieure à l’ensemble des fonds versés aux établissements culturels français dans le monde ! Conséquence de ce désengagement, ceux-ci devront s’autofinancer à 60% d’ici 2010. Les aidera-t-on au moins à rechercher des mécènes ? Je suggère d’ailleurs la création d’une fondation à cet effet. Mais peut-être préfèrera-t-on augmenter le prix des cours de langue…

J’en viens à l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger, dont les crédits augmentent de 8 millions car la maintenance de son patrimoine immobilier est à sa charge depuis 2005 – c’est d’ailleurs la première fois que des crédits sont prévus pour les travaux. L’année dernière, en effet, les crédits de l’AEFE, dont les dépenses augmentent constamment, ont diminué au point que son fonds de roulement ne dépasse plus cinq jours de fonctionnement. Qu’en est-il des projets de rénovation immobilière et d’éventuelles sources de financement privé ?

S’agissant de la prise en charge des droits de scolarité de lycéens français à l’étrangers, je m’étonne que les critères de sélection ne soient pas sociaux, alors que ces droits sont souvent acquittés par une entreprise ou une administration et que les élèves scolarisés en France ont, eux, toutes les peines du monde à obtenir une bourse, même lorsque leur situation le justifie. Dans ce domaine, l’opacité est totale.

La création de CampusFrance est un atout pour renforcer l’attractivité de notre enseignement supérieur. Présentée par votre prédécesseur comme une panacée, elle n’est en fait qu’une piètre décoction dans laquelle je cherche en vain l’ébauche d’un soupçon de politique publique. Curieusement, la France ne dispose d’aucune analyse concernant l’accueil des étudiants étrangers. On ne sait donc ni combien ils coûtent à l’État, ni surtout combien ils rapportent. En effet, à force de faire des étrangers une charge, voire des boucs émissaires, on en oublie qu’ils enrichissent notre pays, qu’il s’agisse de culture ou d’économie. Nos voisins, eux, ont tous fait de l’accueil d’étudiants étrangers une priorité, qui rapporte près de 28 milliards de livres au Royaume-Uni !

M. le Président – Je vous prie de conclure, chère collègue.

Mme Aurélie Filippetti, rapporteure pour avis – Je conclurai par quelques questions. Ne faudrait-il pas commander une étude indépendante – pour éviter tout biais administratif – de l’apport économique des étudiants étrangers en France ? Quand l’audit du coût de notre système de bourses sera-t-il rendu public ? S’agissant de notre politique d’accueil des étudiants étrangers, notamment en matière de logement, faudra-t-il se contenter du mantra ressassé par l’administration, qui le réduit à la « formation des élites » ? Nos voisins allemands et britanniques, eux, ont bien compris que cet accueil était aussi un gage de codéveloppement.

Je souhaiterais également vous poser une question sur la SFERE, Société française d’exportation des ressources éducatives, dont les capitaux sont essentiellement publics et dont l’objet social s’inscrit pleinement dans le champ des missions d’EduFrance : pourquoi n’en fait-elle pas partie ?

Personne n’a été capable de nous dire quel sera le rôle du nouveau ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, alors que son intervention sera essentielle dans la politique des visas, et qu’il entend être membre du comité d’orientation de Campus France. Interviendra-t-il dans la sélection des étudiants de cette agence ? Campus France doit au service des universités, et, puisqu’il est beaucoup question actuellement d’autonomie des universités, je pense que celle-ci doit se traduire par la gestion et l’attribution des bourses.

La commission a émis, malgré mes réserves, un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les programmes « Action de la France en Europe et dans le monde » et « Français à l’étranger et étrangers en France »  Le budget des deux programmes que je rapporte devant vous ne présente pas de surprises, leurs crédits évoluant dans le respect du contrat de modernisation conclu entre le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget en 2006, ainsi que des engagements du Président de la République. Les changements de périmètre du second programme me conduiront à vous proposer une modification de son libellé, pour l’adapter aux changements de périmètre.

Les évolutions du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » résultent du contrat de modernisation. Ce dernier a prévu pour 2008 la suppression de 234 ETPT, dont 114 sur ce programme. Le ministère devra faire face aux besoins en personnel de la présidence française de l’Union européenne par redéploiements et sans recours à des agents contractuels supplémentaires. Le contrat de modernisation a également stabilisé les dépenses de fonctionnement du programme à leur niveau de 2006. Le ministère dégagera néanmoins sur cette enveloppe des moyens supplémentaires pour la sécurité des postes.

La principale difficulté rencontrée concerne l’autofinancement des programmes immobiliers. L’idée était d’en limiter le budget à 8 millions, tout en permettant au ministère de disposer de l’intégralité du produit des cessions réalisées à l’étranger. Les recettes de cessions ont été de 52 millions en 2007, mais, le compte d’affection spéciale par lequel devaient transiter ces sommes ne remplissant pas son rôle, le ministère a dû réduire de moitié sa programmation immobilière pour 2007 et procéder à des redéploiements de crédits. Il est d’autant plus urgent de régler ce problème que le site de l’avenue Kléber vient d’être vendu et que la part de cette vente qui revient au ministère doit aussi transiter par ce compte. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles solutions vous paraissent envisageables pour sortir du blocage ?

Cette somme, ainsi que le produit de la cession de l’hôtel du ministère de la coopération rue Monsieur, apporteront au ministère des affaires étrangères les moyens de financer son programme de regroupement immobilier. Outre La Courneuve, où seront conservées les archives diplomatiques à partir du second semestre 2008, le ministère n’aura plus, d’ici à 2009, que deux sites…

M. Jacques Myard – C’est exact !

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis – Celui du Quai d’Orsay, qui sera entièrement réaménagé, celui de la rue de la Convention, alors qu’il en avait encore onze en 2006.

L’augmentation de 40 millions de la dotation destinée aux contributions internationales résulte, elle aussi, du contrat de modernisation. Ceci reste encore inférieur aux besoins, puisque le ministère estime qu’il lui manquera 100 millions pour couvrir les appels à contribution qui lui seront soumis en 2008, sans compter l’opération au Darfour, non incluse dans le projet de loi de finances, son budget n’ayant pas encore été arrêté par le Conseil de sécurité. L’opération devrait coûter quelque 110 millions à la France. Pouvez-vous nous indiquer la date à laquelle le montant en sera officiellement connu, et par quel biais les crédits nécessaires seront ouverts ?

Le programme « Français de l’étranger et étrangers en France » connaît des changements de périmètre traduisant deux engagements du Président de la République : la gratuité de l’enseignement pour les lycéens français vivant à l’étranger et la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale.

En ce qui concerne le premier engagement, une action « Accès des élèves français au réseau AEFE » est créée, qui regroupe les 47 millions destinés au financement des bourses pour les enfants français et les 20 millions qui permettront de rembourser les frais de scolarité acquittés par les parents de lycéens français dans les établissements du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Le dispositif, qui bénéficie depuis septembre dernier aux élèves de terminale, bénéficieront en 2008 aux élèves de première, et en 2009 à ceux de seconde.

La mission « Immigration, asile et intégration », nouvellement créée, s’est vu transférer l’action « Garantie du droit d’asile », qui comprend notamment la dotation de l’OFPRA, ainsi que 137 ETPT. Le programme conserve en revanche les services rendus par les consulats aux Français de l’étranger ainsi que les services des visas.

C’est donc avec les crédits de ce programme que sera achevée l’introduction de la biométrie dans les visas, d’ici à la fin de 2008, à laquelle sont consacrés 16,55 millions, qui s’ajoutent aux 24 millions intégrés en 2006 dans les crédits de fonctionnement du programme. Aucun effectif supplémentaire n’est en revanche prévu, bien qu’un rapport d’audit préconise la création de 140 ETPT. Le ministère envisage donc de recourir à l’externalisation du relevé des données biométriques, comme il le fait déjà pour les opérations préalables à la décision de délivrance de visa. L’externalisation prévue suscite des réticences de la part de la CNIL, et la Commission européenne s’inquiète de son coût pour les demandeurs de visa. Comment ces difficultés vous semblent-elles susceptibles d’être résolues ?

Ce projet accorde au ministère les moyens de remplir ses missions. J’estime que les mesures de rationalisation et d’économies prises par le ministère ces dernières années devraient être prises en considération dans le cadre de la négociation du nouveau contrat de modernisation que le ministère conclura à l’issue de la révision générale des politiques publiques. La commission des affaires culturelles a donc émis un avis favorable à l’adoption des crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Laffineur remplace M. Salles au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Marc LAFFINEUR
vice-président

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères  Le programme consacré au « rayonnement culturel et scientifique de la France », est doté de 490,2 millions, progresse de 2,3 %. Ce programme vise à promouvoir la marque « France » à l’étranger. Le monde entier nous envie notre réseau de lycées et de centres culturels, présents sur les cinq continents, et l'effort budgétaire est au fond marginal eu égard au retour sur investissement qu'il nous procure. Il faut donc poursuivre l'adaptation du réseau aux nouveaux besoins nés de la mondialisation.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – L'attractivité du réseau de l'AEFE grandit au fil des ans, et l'augmentation continue du nombre d'élèves pose un problème de capacités : le réseau est saturé. La dotation prévue intègre cette année un montant supplémentaire de 8,54 millions destiné à de nouveaux projets de rénovation immobilière.

Le Président de la République avait promis une prise en charge par l'État des frais de scolarité acquittés par les familles des élèves français scolarisés dans le réseau de l'AEFE, prise en charge qui ne concerne, dans un premier temps, que les lycéens, pour lesquels les frais d’inscription sont les plus élevés. Le projet de loi de finances prévoit ainsi d'abonder de 20 millions l'enveloppe consacrée aux bourses. Mais il est très difficile de mesurer avec précision l'impact budgétaire de la généralisation de la prise en charge des frais de scolarité.

Je suis très réservé sur cette réforme, dont on ne mesure peut-être pas les éventuels effets pervers. La force de notre réseau d'enseignement à l'étranger est de s'appuyer sur un public majoritairement composé d'élèves non français pour en faire des francophones et des amis de la France. Or, il ne faudrait pas que l'appel d'air provoqué pour les seuls élèves français ait pour effet d'empêcher, faute de place, les élèves étrangers de s'inscrire dans nos lycées. Il serait plus judicieux de continuer à distribuer les bourses sur des critères sociaux pour les élèves français, afin de dégager des moyens permettant d'accorder aux élèves étrangers des bourses au mérite, plutôt que de créer une discrimination fondée sur la nationalité.

Les saisons culturelles sont un formidable instrument de diplomatie culturelle, puisqu’elles concourent à la visibilité de notre politique et permettent d'obtenir des financements privés. L'« Année de l'Arménie » en France a été un franc succès, avec plus de 700 manifestations. Au second semestre 2008, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, se tiendra l’« Année de l’Europe », initiative qui pourrait devenir un programme régulier puisque la République tchèque et la Suède, qui succéderont à la France, envisagent de la reprendre à leur compte.

Les opérateurs CulturesFrance et CampusFrance doivent voir leur statut juridique évoluer. Le statut associatif de CulturesFrance, chargé de développer les échanges culturels et de promouvoir la création, a été dénoncé à de multiples reprises par la Cour des comptes et par le Sénat. CulturesFrance doit devenir un EPIC : je souhaite que le Gouvernement inscrive à l’ordre du jour prioritaire de notre Assemblée la proposition de loi en ce sens que le Sénat a adoptée en février. CampusFrance, groupement d’intérêt public chargé de renforcer l'attractivité internationale de l'enseignement supérieur français, doit lui aussi devenir un EPIC et adopter de nouvelles règles de gouvernance.

Au sommet de la francophonie de Beyrouth de 2002, Jacques Chirac avait proposé de regrouper sur un site unique l'Organisation internationale de la francophonie et ses opérateurs. Une convention entre l’OIF et le gouvernement français a été signée au sommet de Bucarest en 2006, prévoyant la mise à disposition gratuite et pour une durée de trente ans renouvelable de 11 000 mètres carrés, partiellement occupés par le ministère de l'écologie. Un rapport de la commission des finances du Sénat a dénoncé la dérive financière de ce projet, et la polémique qui en est née a conduit le Gouvernement à retirer l'examen de cette convention de l'ordre du jour parlementaire.

M. le Président – Mon cher collègue, je vous prie de conclure. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Quelle que soit la solution retenue, la France doit respecter sa parole. Il est urgent de rassurer une communauté francophone préoccupée par exemple, de l’avenir de la chaîne TV5. La francophonie n'est pas une idée ringarde et le volontarisme politique du Président Sarkozy doit servir une vision plus vivante et plus populaire de la francophonie.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis  Enfin, le rayonnement culturel et scientifique de la France ne saurait reposer sur les seuls crédits de ce programme : il faut encourager le mécénat et développer les partenariats publicprivé.

Attendant de connaître la position du Gouvernement sur les différents points évoqués, je vous recommande, à la suite de la commission des affaires étrangères, d'émettre un vote favorable à l'adoption de ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Mon cher collègue, vous avez oublié votre temps de parole. Je ne pourrai faire preuve de la moindre mansuétude par la suite…

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères – Pour 2008, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » atteignent presque 2,3 milliards – 1,5 milliard hors dépenses de personnel.

Sur cette enveloppe, 622 millions seront affectés aux contributions de la France aux organisations internationales. L’augmentation des contributions aux opérations de maintien de la paix – la France en assure le financement à hauteur de 7,47 % – est imputable au développement de celles-ci : dix-sept sont actuellement en cours, mobilisant plus de 100 000 personnes – cinq fois plus que dans la décennie précédente – pour un budget de 5 milliards de dollars. Les OMP sont en outre devenues plus complexes, englobant désormais la construction d'un État de droit, la protection des droits de l'Homme, l'assistance au processus politique et constitutionnel, l'assistance économique et humanitaire. Leur contribution à la stabilité dans de nombreuses régions, en particulier en Afrique où est stationnée la moitié des casques bleus, doit être saluée : si la Sierra Leone et le Burundi connaissent aujourd’hui la paix, c'est principalement grâce à l'intervention des Nations unies.

L'ONU, son fonctionnement, ses choix sont souvent critiqués, mais elle constitue le seul garant de la légitimité internationale et aucun autre mécanisme ne contribue plus qu'elle à la paix dans le monde. La réorganisation du département des OMP et la restructuration future du secrétariat des Nations unies témoignent de la volonté de moderniser et d’adapter aux nouvelles réalités mondiales son fonctionnement. Son budget, d’ailleurs, n’est pas démesuré : il faut comparer les 6,7 milliards de dollars pour l’année 2006-2007 aux 160 milliards d'euros dépensés par les Vingt-sept pour leur défense et aux 444 milliards de dollars du budget militaire américain.

Le projet de budget propose d'augmenter l'enveloppe initiale destinée aux OMP de 30 millions : c'est une bonne chose, même si le total restera inférieur aux besoins, comme l'ont souligné les rapporteurs. La sous-dotation initiale de 100 millions – et encore le coût de l'opération au Darfour pourrait-il doubler ! – pose problème au regard de l'orthodoxie budgétaire, mais les appels de fonds ont toujours été honorés.

La mission « Action extérieure de l'État » assure le fonctionnement des réseaux diplomatique et consulaire français. Les efforts considérables d’économies déjà déployés doivent être poursuivis, mais pas dans n'importe quelles conditions. Si j’estime que le rapprochement des services des visas des pays membres de l'Union européenne et la création de consulats européens doivent être favorisés, je suis opposé aux ambassades communes.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. le Président de la commission – Des expériences de partages de bâtiments ont déjà été lancées avec l’Allemagne, à Monrovia, Maputo et Dacca. Ces initiatives permettent sans doute de faire quelques économies d’échelle, mais j’estime qu’elles brouillent l’image et le message propres à la France et qu’elles placent dans une situation difficile les entreprises des deux pays, en situation de concurrence sur le marché local.

Cela me permet de saluer au passage le travail remarquable effectué par les représentants de la France à l'étranger, dont la qualité est rarement prise en défaut.

Notre pays dispose d'un réseau de centres culturels et d'établissements scolaires que le monde entier nous envie. L'attractivité des lycées français est telle que le réseau de l' AEFE fait difficilement face à la demande. 8,5 millions supplémentaires sont prévus au titre de l’investissement immobilier mais ce n’est pas suffisant : je souhaite que l'on engage un plan ambitieux de rénovation et d'extension immobilière qui intégrerait des financements public/privé. Consacrer 300 millions à ces lycées qui accueillent 170 000 élèves, dont 60 % d’étrangers, est trop peu. Diversifier les financements devrait être, si je peux me permettre, Monsieur le ministre, une priorité de votre ministère. La commission des affaires étrangères créera prochainement une mission d’information sur ce sujet. Pour l’heure, elle vous invite à adopter ce projet de budget 2008 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Rudy Salles – L'action extérieure de l'État, c'est d'abord et avant tout la capacité de notre pays à exister en dehors de ses frontières physiques, laquelle résulte d’un choix politique, d'un choix culturel de faire vivre notre vision du monde, les principes et les intérêts que nous entendons défendre. La mission qui porte cet intitulé est dotée pour 2008 de 2,28 milliards, somme comparable à celle adoptée en 2007 ; mais l'action extérieure de l'État ne se résume pas à celle du ministère des affaires étrangères et européennes : les collectivités locales, les ministères de l'économie et de la défense y participent aussi.

L’esprit de grande réforme dans laquelle s’est engagé le ministère des affaires étrangères, comme l'a indiqué le rapporteur dans ses conclusions, est le suivant : « L'heure n'est pas à un exercice d'autojustification de l'action extérieure telle qu'elle est conduite, mais à une redéfinition de cette politique dans sa conception même ». Pour répondre à cette exigence, il est nécessaire de sortir des schémas classiques pour parvenir à une évaluation globale, et non pas seulement budgétaire, des actions menées. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur la francophonie.

Si vous avez émis le souhait, monsieur le ministre, qu'une priorité soit accordée à la présence de la France à l'étranger, l'examen de ce budget 2008 révèle un certain décalage avec cette volonté affichée. Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » sera en effet doté de 490 millions, contre 526 millions en 2007.

Or si notre réseau peut être fier de ses 73 établissements d'enseignement du français, la francophonie recule dans le monde. L'usage du français régresse, les crédits consacrés à la coopération linguistique aussi. En dix ans, le nombre d'Européens apprenant le français a reculé de près de 15 % ; et la concurrence est rude, en témoigne la rapidité avec laquelle le British Council ou le Goethe Institut ont constitué un réseau d’enseignement internationalement renommé. Ne pensez-vous pas que nous devrions mener une politique ambitieuse en la matière auprès de nos partenaires européens, notamment allemands, avec lesquels nous avons à défendre des savoir-faire complémentaires ?

La LOLF est un précieux outil pour évaluer l'efficacité des politiques menées, mais il faudrait améliorer le choix des indicateurs, ce qui suppose de poser la question de l'avenir de notre diplomatie, celle de la forme et du sens que nous souhaitons donner à l'action extérieure de l'État. Il faut sortir des carcans régaliens et dépoussiérer notre action diplomatique, repenser nos actions en faveur de notre rayonnement culturel et linguistique. L'État devra de plus en plus s'appuyer sur des partenaires privés pour oeuvrer à l'attractivité de la France : il faut encourager le mécénat, développer les partenariats public–privé et ouvrir de nouveaux horizons à la coopération culturelle et scientifique, à l'instar, par exemple, du projet du Louvre d'Abou Dhabi.

M. Jacques Myard – il faut faire payer les riches ! (Rires)

M. Rudy Salles – Mon groupe considère que le Parlement doit être pleinement associé à cette réflexion. Le livre blanc que doit publier le ministère en juin 2008 devra lever les incertitudes ; une loi de programmation pourrait y donner suite.

Le Nouveau centre espère, monsieur le ministre, que vous saurez entendre ses remarques, qu'il veut constructives pour l'avenir. En attendant, il votera les crédits de la mission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Garrigue – L’examen des crédits de l’action extérieure de l’État est l’occasion d’évoquer les grands axes de notre politique européenne, étrangère et de coopération.

L’Europe, qui paraissait durablement en panne au lendemain du référendum de mai 2005, est repartie grâce à l’action conjointe du Président de la République et de la Chancelière allemande. Ceux qui contestent que le nouveau traité ne soit pas soumis à référendum oublient qu’on l’a débarrassé de la troisième partie, que la question de la procédure à suivre était déjà au cœur du débat lors de la campagne présidentielle, et que l’attente de nos partenaires, réunis pour nous bouder il y a seulement quelques mois à Madrid, exige que nous dépassions les querelles franco-françaises. Nous devons nous prononcer clairement et rapidement si nous voulons retrouver toute notre force de conviction et d’action au sein de l’Union.

De plus, l’action du Président de la République et de la diplomatie française auprès des pays que nous avions accueillis avec un excès de frilosité en 2004 montre que nous pouvons trouver avec cette partie de l’Europe des convergences de vues et d’ambitions.

En soulevant la question du gouvernement économique de l’Europe, sur laquelle nos partenaires allemands peuvent désormais nous rejoindre, notre pays s’efforce de répondre à ceux qui, légitimement, s’interrogent sur le rôle et les outils de l’Europe face à la mondialisation.

Nous avons reposé à juste titre la question de la défense européenne, sur laquelle nous attendons avec impatience les propositions du livre blanc, notamment sur l’épineuse question des défenses anti-missiles. Et nous regrettons que le Grenelle de l’environnement n’ait pas été conduit en association plus étroite avec nos partenaires ; le précédent du règlement Reach a montré que dans une économie ouverte, la recherche d’équilibres volontaristes mais partagés était primordiale.

À quelques mois de la présidence française de l’Union, nous souhaitons bien sûr en savoir davantage sur les thèmes et les priorités qui en seront le cœur, sur la manière dont vous la préparez avec nos partenaires, notamment portugais, slovènes et tchèques, et sur la manière dont le Parlement français y sera associé. Nous souhaitons savoir aussi, puisque la France aura la mission de préparer ce changement institutionnel, comment vous envisagez l’articulation entre la présidence élue du Conseil européen et la présidence tournante.

Quant à la politique étrangère, nous ne pouvons l’aborder en ignorant le prisme de l’Europe ; nos partenaires parlent de plus en plus souvent, parfois avec appétit, parfois avec défiance, de ce qu’ils appellent les « politiques de voisinage ».

Le voyage du Président de la République réchauffe très fortement la relation transatlantique. Nous ne pouvons que nous en réjouir, tout en souhaitant que ce réchauffement permette de parvenir à des positions mieux accordées sur l’ensemble des grands sujets, en particulier l’environnement, la défense et le règlement des conflits au Proche et au Moyen-Orient.

La relation avec la Russie n’en est pas moins importante. Nos partenaires européens, particulièrement ceux de l’Est, souhaitent à juste titre une unité de vues, s’il le faut la fermeté, mais aussi un large dialogue. Celui-ci me paraît essentiel, avec un pays qui surmonte avec un relatif succès un formidable changement de système, et nous devons y mettre une plus grande cordialité.

Le projet d’Union méditerranéenne suscite des espoirs, l’idée de développer des projets concrets et ambitieux autour du bassin de notre histoire et de notre pensée étant très séduisante, et les liens forts que nous avons notamment avec les pays d’Afrique du Nord méritant de trouver un cadre plus ouvert et plus fort. Mais il suscite aussi des interrogations : la tentative précédente, celle du processus de Barcelone, s’est quelque peu étiolée ; peut-être les différences d’approche sont-elles trop fortes entre les États de la Méditerranée, et l’association de nos partenaires européens non riverains ne se fait pas sans réticences. En outre, cette union n’est peut-être pas le cadre le mieux adapté à nos relations avec le monde arabe : si l’on a pu parler longtemps d’une politique arabe de la France, c’est parce qu’au Proche-Orient, notre pays avait pris des positions courageuses et souvent plus équilibrées que celles des puissances locales et internationales également impliquées. Il est important que cette dimension de notre politique étrangère – à laquelle nous savons, monsieur le ministre, que vous êtes attaché – s’affirme avec la même lisibilité.

S’agissant enfin de la politique de coopération, il nous paraît essentiel, malgré les contraintes budgétaires, de maintenir l’objectif d’une aide au développement représentant 0,7 % du PIB, même s’il ne peut être atteint que sur la durée. Je voudrais aussi évoquer, au titre de la coopération en matière de santé, la question des infrastructures hospitalières dans les pays de l’Afrique subsaharienne : il serait important que la France lance un initiative de reconstruction, les structures existantes étant très vétustes.

Sous ces réserves, monsieur le ministre, je vous apporte l’entier soutien du groupe UMP sur ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Moscovici – L’action extérieure de l’État est une mission régalienne par excellence. Sont en jeu, tout à la fois, notre capacité de représentation, notre attractivité culturelle et notre aptitude à projeter notre pays sur la scène internationale. C'est par le truchement de cette mission que nous y présentons le visage de la France.

Elle disposera en 2008 de 2, 3 milliards, ce qui est insuffisant. Les autres missions régaliennes sont mieux servies : la mission « Administration générale et territoriale de l'État », avec près de 2, 8 milliards, est mieux dotée. Le Président de la République, dans son discours aux ambassadeurs le 27 août dernier, avait pourtant affirmé que le ministère devait avoir les moyens de sa mission.

La perte des recrutés locaux, à laquelle s'ajoute la suppression de 234 équivalents temps plein, semble particulièrement déplacée. Mais sans doute ne devrais-je manifester aucune surprise à voir privilégier la stricte logique comptable, à laquelle vous semblez souscrire, monsieur le ministre, vous qui ne tarissez pas d'éloges sur la « rationalité » financière britannique.

D'autres points suscitent l'inquiétude. Dans le domaine culturel, on fait grand cas des dotations accordées à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, mais pourquoi les instituts et centres culturels perdent-ils 10 % de leurs effectifs – en recrutés locaux, bien sûr, qui sont toujours les premiers touchés.

Inquiétude aussi quant à la politique immobilière, encore largement incertaine et que les recommandations de la Cour des comptes n'ont pas encore permis au ministère de stabiliser.

Je m'inquiète aussi de la délimitation des compétences entre le ministère des affaires étrangères et le nouveau ministère de l’identité nationale et de bien d’autres choses, qui disposera des crédits pour le codéveloppement à hauteur de 25 millions bien que la politique d'aide au développement continue censément, et c’est heureux, de relever de la responsabilité du ministre des affaires étrangères. Les deux ministères ont par ailleurs une politique commune sur les visas, et il reviendra au ministère des affaires étrangères de mettre en oeuvre les tests ADN si largement promus par M. Hortefeux. Je m'interroge donc sur la coordination de l'action de ces deux ministères, alors que le budget et l’effectif du ministère des affaires étrangères se trouvent amputés au bénéfice du nouveau ministère de l'immigration. Sous les oripeaux de la réforme et de la modernisation, je distingue trop nettement désordres, incertitudes et contradictions.

Un mot enfin des crédits pour la présidence française de l’Union européenne, qui seront examinés demain dans le cadre des crédits alloués à la mission « Direction de l'action du gouvernement », mais qui vous concernent au premier chef, monsieur le ministre. La somme prévue à ce titre est de 190 millions, soit plus d’un million par jour !

M. Paul Giacobbi – Une paille !

M. Pierre Moscovici – À titre de comparaison, la Cour des comptes a estimé dans son rapport sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 2000 que la présidence française de l’Union européenne avait coûté 13, 72 millions en 1995 et 56, 83 millions en 2000.

M. Jacques Myard – Eh oui ! C’est la dérive européenne !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Mais il y a maintenant vingt-sept États membres !

M. Pierre Moscovici – Certes, c'était avant l'élargissement. Certes, le nombre de réunions a augmenté. Certes, c'est ce qu’a dépensé l'Allemagne, mais notre présidence aura lieu au deuxième semestre – plus court – et nous aurons un Conseil européen de moins à organiser, ce qui est source de très sérieuses économies. Surtout, cette inflation semble excessive. Quelles initiatives seront couvertes par ces crédits, à quel coût, et comment seront-elles contrôlées ?

Que retenir, finalement, de cette action extérieure ? Qu’il s’agit d’une diplomatie énergique certes, courageuse le plus souvent – personne, Monsieur le ministre, ne vous conteste ces qualités –, et appuyée sur des outils remarquables. Mais que c’est aussi une diplomatie spectaculaire, ponctuée de coups médiatiques destinés à récolter des points en politique intérieure…

M. Jacques Myard – Ce n’est pas interdit !

M. Pierre Moscovici – …une pratique diplomatique usant parfois des services d'improbables « envoyés du Président », sinon du Président lui-même. J'y vois une diplomatie heureusement amie des États-Unis, mais trop complaisante à l'égard d'une administration Bush discréditée, et trop pressée de réintégrer l’OTAN. J'y vois une diplomatie plus soucieuse d'affirmer le rôle de la France en Europe que d'accroître notre influence en respectant nos partenaires.

On l'aura compris : ce n'est pas le budget que nous souhaiterions pour notre diplomatie (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Paul Lecoq – Au-delà du budget alloué à l'action extérieure de la France, la politique étrangère du Gouvernement devient préoccupante en raison de ses possibles conséquences sur les relations internationales et sur la paix mondiale. Que le ministre des affaires étrangères en appelle à la guerre contre l'Iran traduit un changement inquiétant : le Gouvernement aligne la politique étrangère de la France sur celle des États-Unis, faisant sienne une vision du monde manichéenne, au service d’un État qui ne cesse de violer la Charte des Nations unies. C’est une régression d’autant plus alarmante que cet appel à la guerre se conjugue au soutien apporté à l’idée de sanctions contre l'Iran hors du cadre de l'ONU. Dans le même temps, le Gouvernement se garde de demander que l'occupant nord-américain quitte le territoire irakien ou que les responsables américains des violations du droit international, à tous les niveaux, soient traduits en justice. Cet alignement sur la politique nord-américaine menace le respect des obligations qui découlent de la Charte des Nations Unies, alors que la France est membre permanent du Conseil de sécurité.

L'action 4 de l'action extérieure de l'État prévoit les apports financiers destinés aux opérations de maintien de la paix décidées par les Nations unies. Les crédits inscrits au titre des contributions internationales augmentent de 40 millions, dont 30 millions à ce titre. On regrettera à cet égard que le mandat de la FINUL n’ait pas été étendu au territoire israélien.

Notre politique étrangère a d'autres visages. On s’étonne ainsi de l’absence de fermeté à l'égard du Maroc qui, violant le droit international et méprisant d’innombrables résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, refuse avec obstination de respecter le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Alors que les Sahraouis continuent de subir arrestations arbitraires, torture systématique et procès montés de toutes pièces, aucun changement politique ne se profile dans nos relations avec le royaume chérifien. Lors de sa récente visite au Maroc, le Président de la République et son ministre des affaires étrangères ont omis de rappeler au roi ses obligations internationales relatives au respect des droits du peuple sahraoui. C’est la politique du « deux poids, deux mesures », qui s’explique assez bien : pour le Gouvernement, le marché l'emporte sur les droits de l’homme ; si des contrats juteux sont en vue, le prétendu droit d'intervention est soudain oublié ! Pourtant, la solution de ce conflit dépend largement d’une politique étrangère méditerranéenne sérieuse.

Est tout aussi surprenante l'absence d'une politique étrangère cohérente avec le droit international en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, surtout si l’on tient compte de ce que la Cour internationale de justice a souligné les violations massives, par Israël, de la Convention de Genève. Il n’empêche : l’occupation israélienne, l'annexion de territoires palestiniens et la colonisation se poursuivent, et les sanctions prises contre le peuple palestinien à Gaza risquent fort de déstabiliser encore davantage la région.

Sur un autre plan, de quelle régulation multilatérale de la mondialisation parle ce projet de budget, en la rapprochant de la sécurité internationale ? Cet amalgame n'annonce rien de bon pour les peuples, sachant que la mondialisation est déjà régulée par des institutions internationales qui sont les vrais gardiens des intérêts des pays développés et du capital privé transnational – OMC, FMI et Banque mondiale. Serait-ce que la mondialisation néolibérale imposée aux peuples se confond avec la sécurité internationale et exigerait des actions armées ? Plutôt que de réguler la mondialisation ainsi confusément conçue, mieux vaudrait appliquer des politiques d'aide au développement cohérentes et respectueuses des droits humains, car la mondialisation néolibérale est l’une des causes premières de la violence et du désordre actuels, de la dégradation du droit international, des violations de la Charte des Nations unies par les États dominants.

L'action 2 a trait à la politique européenne de la France. Mais de quelle Europe parle le Gouvernement, sinon d'une Union européenne fondée sur le « tout au marché », avec privatisations forcenées, démantèlement des services publics, réduction des dépenses publiques, attaque du droit de grève et criminalisation croissante des mouvements sociaux ?

L'approbation de l'accord relatif à la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et l'immigration illégale, est une grave atteinte à la démocratie, car l'amalgame est fait entre migration, terrorisme et criminalité transfrontalière. L'article 14 de cet accord criminalise explicitement les mouvements sociaux et, plus grave encore, consacre un système de surveillance policière qui n’est soumis à aucun contrôle démocratique. C’est un accord liberticide qui signe la politique européenne du Gouvernement.

Plus récemment, à Lisbonne, le Gouvernement a donné son accord à l'adoption du mini-traité européen. Rédigé en catimini, fruit de la diplomatie secrète, ce nouveau traité confirme l'orientation néolibérale de la construction européenne, la dérive idéologique du Gouvernement et celle d’une Europe soumise aux seules lois du marché – la société darwinienne dans sa version légale. Le texte se limitant à réintroduire sous une autre forme les trois quarts des dispositions du projet de traité constitutionnel, il aurait été plus simple de reprendre le texte initial en biffant les dispositions symboliques abandonnées. On comprend que cette formule ait été écartée – elle aurait manifesté de façon trop criante que l'on se moquait ouvertement de la volonté des peuples français et néerlandais.

Ce n'est maintenant un secret pour personne que la volonté du Président de la République et du Gouvernement est d'imposer au peuple français le nouveau traité, qui introduit subrepticement la notion de « concurrence non faussée » par le biais d'un protocole annexé, sans débat citoyen. On ignore donc les droits du peuple français, qui a pourtant dit son opposition à une Europe dont le seul but serait de garantir les profits des grandes entreprises transnationales et la libre circulation des capitaux, avec son cortège bien connu de politiques anti-sociales. C'est la dictature du marché imposée par d'autres voies ! Mme Le Pourhiet, professeur de droit public, a donc à juste titre affirmé que « la démarche du président de la République, prétendant interpréter seul la volonté du peuple français, est totalement arbitraire et confine à la dictature ». Si le Président de la République est convaincu que les dispositions contenues dans le projet de traité modifié font l'objet de l’approbation implicite des Français, encore doit-il s'en assurer en organisant un nouveau référendum. Est-ce là la politique européenne que le Gouvernement définit sous couvert de l'action extérieure de l'État ? Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que le budget ne prévoit aucun crédit destiné à la lutte efficace contre les paradis fiscaux en Europe.

La politique étrangère concernant l'aide publique au développement, dont vous avez été dépouillé, monsieur le ministre, suit la même logique, alors que la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les populations les plus pauvres des pays du Sud menace la paix et la sécurité internationales. N’oublions pas non plus qu’on ouvre le feu sur les migrants, venus d’Afrique ou d’ailleurs, lorsqu’ils tentent de passer les frontières, et qu’ils sont parfois abandonnés en plein désert. Ces faits illustrent de façon sanglante nos obligations.

La mission « Action extérieure de l’État » ne tend qu’à renforcer les orientations néo-libérales de notre politique, et son alignement sur les États-Unis. Notre politique internationale renforcera l’ordre international actuel, celui de la misère et de l’exclusion juridiquement organisée. Nous ne pouvons donc que rejeter ce budget.

M. Jacques Myard – Monsieur le ministre, vous êtes institutionnellement et constitutionnellement la voix de la France. Mais pour être entendu, il vous faudrait un outil diplomatique à la hauteur.

Or, ce budget stagne. Vos crédits – 4,534 milliards d’euros – augmentent d’à peine un million. C’est un recul, compte tenu de l’inflation actuelle ! Je regrette en particulier la diminution des crédits alloués à la coopération militaire. Nous en avons besoin pour aider à la stabilisation de certains États en Afrique. Les crédits alloués respectivement à la promotion de la langue française et aux échanges scientifiques, techniques et universitaires diminuent également de 30 et 8 millions d’euros. L’aide publique au développement est également touchée. Il est vrai que les crédits relatifs à l’action diplomatique augmentent de 5 millions, mais c’est bien peu, tant ils ont été malmenés au cours des dernières années.

Face à cela, que proposez-vous ? Un Ersatz ! Ce serait une faute d’instaurer des consulats, voire des ambassades franco-allemandes ! Comme l’a indiqué le président de la commission des affaires étrangères, nous n’avons pas les mêmes intérêts. Nous respirons le même air que les Allemands et nous devons nous entendre avec eux afin de préserver la paix en Europe. C’est un acquis que personne n’entend remettre en cause. Mais nous sommes en concurrence acharnée avec eux en matière commerciale, économique et linguistique. Il ne vous a pas échappé que les Allemands parlent allemand, et nous le français !

Quant au service diplomatique de l’Union européenne, dont on vient de tresser les louanges, ce sera au mieux un gâchis, puisqu’il doublonnera les diplomaties nationales, et au pire un alignement sur nos partenaires européens, dont on connaît l’atlantisme impénitent. Nous avons besoin de coopération européenne, mais il n’empêche que nous avons aussi une vocation mondiale.

L’Europe « puissance » est sans doute une idée d’avenir, mais elle est condamnée à le rester longtemps. Redescendons sur terre : nous sommes une puissance mondiale, et nous avons les moyens de tenir notre rang. En effet, il n’y a plus d’hyperpuissance dans le monde : voyez comment les États-Unis s’enlisent en Irak. Nous avons quitté le monde de la conférence de Messine pour entrer dans celui de la balkanisation, où prévaut la théorie des jeux.

Pour agir dans ce contexte, nous devons absolument préserver notre indépendance de décision. Abandonnons la chimère d’une Europe « puissance », qui nous paralyse. Il faut des coopérations européennes, mais ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier ! Plus la France est indépendante, plus l’Europe l’est également ; moins la France est indépendante, plus l’Europe est américaine. C’est une réalité constante. Nous sommes les alliés des Américains, mais il ne faudrait pas oublier cette loi d’airain, formulée par Virgile : « jamais de confiance dans l’alliance avec un puissant ».

Réintégrer l’OTAN serait une faute : notre indépendance diplomatique et notre influence dans le monde reculeraient de cinquante ans. Sur ce point, j’approuve totalement ce qu’a écrit Hubert Védrine au Président de la République (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC). Nous devons également conserver la maîtrise de nos aides bilatérales : en privilégiant le multilatéralisme, nous perdons notre influence.

Il faut enfin continuer à utiliser notre langue : j’en ai assez d’entendre parler globish, y compris au ministère des affaires étrangères ! La tendance au multilinguisme se renforçant, apprenons plutôt les langues des pays émergents. La Toile n’est plus à 100 %, mais à 30 % en anglais. Parlons plusieurs langues !

Je sais que vous avez des idées, Monsieur le ministre, et je connais bien votre enthousiasme, mais nous devons garder la pleine maîtrise de nos moyens pour nous faire entendre, notamment en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, et dans la Méditerranée. J’approuve d’ailleurs sans réserve le grand projet d’Union méditerranéenne.

Tout en appelant solennellement l’attention du Gouvernement et du Président de la République sur la nécessité de tenir notre rang, je m’abstiendrai sur ce budget (Applaudissements sur divers bancs).

M. Paul Giacobbi – Ce budget semble modeste, puisque notre pays se croit encore la lumière du monde, et l’arbitre des querelles internationales. N’oublions pas toutefois la part très modeste du ministère des affaires étrangères dans la conception et l’application de notre politique extérieure, et son rôle réduit, voire négatif dans la défense des intérêts nationaux.

La tour de contrôle se situe aujourd’hui à l’Élysée, où se trouve l’aiguilleur en chef. Qu’il s’agisse de libérer les infirmières bulgares ou de renouer avec la Libye, ni le ministère ni nos ambassades ne jouent le moindre rôle. Quant il s’agit de libérer des personnes détenues au Tchad, tout se décide également à l’Élysée, où une war room a même été installée afin de promouvoir les contrats d’armement. Elle ne comprend aucun agent du ministère des affaires étrangères.

Sans contester le rôle du chef de l’État, dont je salue au passage les grandes orientations diplomatiques, je constate que l’administration centrale et le réseau diplomatique des Affaires étrangères ne jouent plus aucun rôle. Il existe bien sûr un précédent : John Fitzgerald Kennedy n’avait pas hésité à court-circuiter le département d’État. Espérons que nous ne connaîtrons pas notre propre Baie des Cochons.

J’en viens à la défense des intérêts nationaux, laquelle ne semble pas essentielle aux yeux de certains, qui ne parlent que de rayonnement et de rang. Vous n’êtes pas en charge du commerce extérieur, monsieur le ministre, mais il est regrettable que le fascicule budgétaire n’en fasse mention qu’une fois. Souvenons-nous de l’exploit de notre diplomatie, qui a réussi à dissuader le Maroc d’acheter le Rafale. Nous y perdons plusieurs milliards d’euros et nous condamnons définitivement la carrière internationale de cet avion.

Quelles compétences votre ministère conserve-t-il donc, hormis l’intendance et la francophonie, sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Sommes-nous seulement capable d’assumer nos obligations financières à l’égard des organisations internationales ? Les 100 millions d’euros manquants seront ouverts en loi de finances rectificative, a-t-on appris. Quel irrespect pour la sincérité budgétaire ! Et surtout, pourquoi financer, dans ce contexte, les intérêts d’un emprunt de 80 millions sur vingt ans au profit de l’UNESCO, et passer totalement sous silence cette opération ?

Menons-nous, au moins, une véritable action humanitaire ? Sans mentionner la grotesque affaire de l’Arche de Zoé, j’aimerais savoir où en sont le pont aérien et les corridors humanitaires annoncés au Darfour…

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes – Ça va venir…

M. Paul Giacobbi – J’ai gardé un souvenir très précis de notre action officielle lors du tremblement de terre au Gujarat… J’espère que nous n’en sommes plus là.

Au total, et dans l’esprit de la LOLF, il vous reste à justifier à l’euro près les crédits de cette mission, monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François Loncle – Je me limiterai à quelques considérations politiques et budgétaires, grandement facilitées par l’excellente qualité des rapports dont je salue l’honnêteté intellectuelle. Comme l’a indiqué Mme Filippetti, il existe un formidable décalage entre les ambitions de cette mission et les moyens qui lui sont allouées. La faible augmentation des crédits – 1,5 % – accentuera malheureusement cette situation.

Nous constatons tous le déclin de notre politique culturelle, scientifique et éducative à l’extérieur lors de nos déplacements à l’étranger. À cette carence s’ajoutent les hésitations parfois scandaleuses de la politique immobilière du ministère : faut-il rappeler que nous avons racheté pour 325 millions d’euros les locaux de l’Imprimerie nationale que l’État avait vendus au groupe Carlyle pour 85 millions ? La multiplication des commissions ministérielles et interministérielles, qui ajoutent à chaque fois une couche géologique supplémentaire de propositions de réformes et de modernisation, sème également la confusion dans notre action diplomatique

J’ajoute que les règles de nomination des chefs de mission ne sont plus respectées. Une liste d’ambassadeurs atteignant la limite d’âge ou ayant accompli trois années en poste était rendue publique afin que des postulants puissent se manifester. Appliquée en 2005 et en 2006, cette procédure ne l’est plus aujourd’hui…

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Mais si !

M. François Loncle – …comme en témoigne l’attribution des postes de Dakar, Genève, Madrid, Paris-OCDE, Nicosie, Bucarest, Asmara, Andorre, Copenhague ou Monaco.

Sur le fond, c’est-à-dire en matière de politique internationale et de diplomatie, il est évidemment trop tôt pour porter un jugement global sur une action accaparée par la démarche personnelle du Président de la République – quelles que soient, Monsieur le ministre, vos propres intentions. M. Moscovici l’a très bien dit : comment discerner, à travers cette agitation souvent porteuse de contradictions, un contenu et un dessein clairs ?

Je suis personnellement convaincu – mais je ne suis pas le seul, ni en France ni en Europe – que proclamer prochainement l’indépendance du Kosovo serait pure folie et que les conséquences graves qui en découleraient ne seraient pas limitées à l’ex-Yougoslavie. Si le Kosovo doit bénéficier autant que possible d’une délégation de compétences, il doit absolument être démilitarisé après le déploiement transitoire de forces militaires étrangères, Belgrade conservant la responsabilité de la défense. Aller plus loin créerait un risque de déstabilisation, éventuellement contagieuse.

Quant à la relation transatlantique, qui méritait assurément d’être renouvelée, nous devons faire preuve de mesure en nous refusant à devancer les sollicitations, voire les pressions, d’une administration Bush en fin de règne – notamment sur l’Iran, que s’apprête à évoquer M. Boucheron.

Si une rupture est nécessaire en matière d’action et surtout d’expression diplomatique, c’est bien celle qui mettra fin à la trop fameuse arrogance française, dont le discours de Dakar était une malheureuse caricature : cessons de donner des leçons !

M. Jacques Myard – Il faut s’appliquer à soi-même ce principe !

M. François Loncle – La politique étrangère n’est pas un luxe ; nous aussi, parlementaires, devons veiller à son déploiement et à son efficacité. Vous pouvez compter sur nous, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Michel Boucheron – L’inflexion actuelle de notre politique étrangère, que le Président de la République n’hésite pas à revendiquer, fait craindre un alignement sur la politique du président Bush que l’amitié pour un grand peuple et le rejet d’un anti-américanisme effectivement infantile, simplificateur et injuste ne suffit pas à justifier.

S’il est logique que l'Amérique, première puissance du monde, cherche à pousser son avantage jusqu’au bout, la France n’est pas dans la même situation historique et géographique. L'Amérique est une île entre deux gigantesques océans ; la France, à la croisée des civilisations, est entourée de pays avec lesquels elle est en en interdépendance et doit vivre en paix. De nombreux pays s’alignent déjà sur les États-Unis ; pourquoi y ajouter le nôtre, qui vaut mieux que cela et a tout intérêt à conserver son autonomie ?

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron – En outre, pourquoi laisser se détériorer nos rapports avec la Russie, grand partenaire historique dont la culture est proche de la nôtre, auquel nous unissent des relations de complémentarité économique et stratégique et qui, tôt ou tard, apparaîtra à l’Europe comme son allié naturel ?

M. Daniel Garrigue – Très bien.

M. Jean-Michel Boucheron – Ainsi, pourquoi accepter que, sous un prétexte fallacieux, les États-Unis, tournant le dos au traité anti-missiles balistiques, installent de nouveaux radars et missiles en Europe de l'Est, ce qui vient de conduire la Douma à mettre fin au traité FCE, qui limitait depuis vingt-cinq ans les forces conventionnelles en Europe, y garantissant l'équilibre stratégique et la paix ?

Quant à l'Iran, Monsieur le ministre, on nous a déjà fait le coup des armes de destruction massive ! Et cette fois, la guerre impliquerait Israël, ce qui serait catastrophique !

M. Jacques Myard – Eh oui !

M. Jean-Michel Boucheron – Vous ne pouvez être certain qu’il ne s’agit, de la part du président Bush, que d’une gesticulation : il y a un an, il n’a pas hésité à prendre le contre-pied du rapport Baker, qui préconisait un retrait planifié d'Irak ; peut-être prépare-t-il une ultime provocation dont son camp espère tirer profit au moment des élections. Souhaitez-vous être entraîné dans cette aventure ?

M. Jacques Myard – Bien sûr que non !

M. Jean-Michel Boucheron – Le prochain président américain ne pourra de toute façon faire l’économie de négociations avec l’Iran, comme naguère avec la Chine.

M. Jacques Myard – Eh oui !

M. Jean-Michel Boucheron – Quant au monde euro-méditerranéen, il devra tenir demain son rang face aux mondes chinois, indien et américain, qui compteront chacun plus d'un milliard d’habitants. Pourquoi donc, malgré le magnifique discours de Tanger, se montrer aussi désobligeants vis-à-vis de la Turquie, charnière d'une vaste stratégie d'influence européenne en Asie centrale et dans le Golfe ?

Ne parlons pas de terrorisme au singulier, mais au pluriel : les attentats qui ensanglantent New York, Tel-Aviv, Istanbul, Bagdad, Londres, Alger, Madrid ou Karachi, résultent de conflits différents et obéissent à des logiques distinctes. Les ramener à un même phénomène appelant une réponse unique ne peut qu’aboutir au choc des civilisations et à la guerre globale. De ce point de vue non plus, notre pays, aussi atlantique que méditerranéen, aussi proche du centre de l’Europe que du Maghreb, n'a aucun intérêt à reproduire les erreurs de l’administration américaine.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron – Si je ne suis pas de ceux qui vous reprochent, Monsieur le ministre, de vous être rendu en Irak, dont la reconstruction est en effet une impérieuse nécessité, pourquoi les forces que l’on y a déployées, comme en Afghanistan, afin de libérer le peuple et de lui apporter sécurité, démocratie et développement, ne recueillent-elles pas l'adhésion des populations ?

Ne devenons pas le dernier allié d'un président américain en fin de parcours tenté par une ultime aventure belliqueuse. Rassurez-nous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard – Encourageons le ministre, car sa tâche est difficile !

M. le Président – Vous l’avez déjà fait…

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Merci, monsieur Myard !

Je vous ai tous écoutés avec un intérêt passionné, et j’ai reconnu dans vos propos, un grand nombre de mes propres préoccupations qui se résument à une question simple et forte : quelle présence française à l’étranger et quels moyens pour notre diplomatie ?

Avant de répondre aux orateurs, en particulier à ceux qui se sont exprimés en dernier, je souhaite revenir tout d’abord sur notre présence dans le monde. Le réseau diplomatique français est, par sa taille, le deuxième au monde, après celui des États-Unis. Faut-il le conserver en l’état ? En avons-nous les moyens ?

M. Jacques Myard – Oui !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Non !

M. Jacques Myard – Si ! (Sourires)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  En outre, sa répartition géographique correspond-elle à nos intérêts ?

Sur ce point, j’approuve un grand nombre des constats et des propositions formulés par M. le rapporteur spécial, auquel je sais gré de la qualité de son travail et de la fécondité de nos entretiens. En me rendant en Asie, en Turquie, à Lisbonne, enfin aux États-Unis, dont je reviens à peine, j’ai pu vérifier que notre présence dans l’ensemble du monde, absolument indispensable dans le contexte de la mondialisation et dans notre intérêt politique, économique et culturel, à condition d’être modernisée…

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  …ne peut être identique partout. Je partage l’avis de M. Mancel et, en partie, celui de Mme Filipetti : le dispositif actuel, trop rigide, entrave notamment notre déploiement dans les grands pays émergents. Ainsi, si notre présence s’est renforcée en Chine, où nous avons ouvert de nombreux consulats, elle reste malheureusement trop faible en Inde. Assouplir ce réseau et le rendre plus adaptable, tel est le défi que nous devons relever.

Le déplacement de nos agents doit être possible ; or il se heurte à des difficultés nombreuses. Notre réseau diplomatique ne doit plus être conçu comme une juxtaposition de postes, mais comme une véritable équipe de France interministérielle. Ainsi, je souhaite que nos ambassades puissent conseiller nos entreprises, nos ONG, nos universités et même nos collectivités locales, et qu’elles deviennent également des maisons des droits de l’homme. M. Poniatowski s’interroge sur les ambassades communes. Soyons pragmatiques : chaque cas est unique. Songez au Timor oriental : faut-il y ouvrir une ambassade de France, comme nous le demande instamment le président Horta ? Ne vaudrait-il pas mieux y créer une maison européenne en sus de l’actuelle ambassade portugaise ?

M. Jacques Myard – Berlin n’est pas ma capitale, monsieur le ministre !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Nos partenaires allemands ne sont pas les seuls à nous proposer de telles réalisations communes : Espagnols et Italiens le font aussi.

M. Jacques Myard – Et quel sabir y parlerait-on ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Cela étant, s’agissant des capitales et des grandes régions européennes, nous devons conserver des ambassades fortes…

M. Jacques Myard – Encore heureux !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  …mais organisées différemment. Certains ajustements de personnels s’imposent, même s’ils sont difficiles, dans un cadre interministériel. Quant à nos consulats, il est temps de tirer les conséquences de la construction européenne : les prestations de services publics qu’ils offrent à nos compatriotes installés dans l’Union sont supérieures à celles de nos partenaires. Toutefois, une présence affirmée doit être maintenue dans les grandes régions qui dessinent l’avenir de l’Europe.

Ces questions sont au cœur de la réflexion que MM. Juppé et Schweizer dirigent – et à laquelle participent MM. Poniatowski et Loncle – afin d’élaborer le livre blanc de la politique étrangère et européenne, et dont ils rendront les conclusions avant l’été.

J’en viens à la question des moyens. Ils baissent, c’est un fait, alors même que la multiplication des crises élargit le champ de nos missions. Je suis le premier à le déplorer.

M. Jacques Myard – Nous sommes là pour vous aider !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  M. Juppé pose lui aussi la question : avons-nous les moyens de nos nombreuses ambitions ?

M. Jacques Myard – Oui !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  La France consacre 1,5 % de son budget à sa diplomatie. À structure constante, le budget de cette année augmente de 1,5 %. Je ne reviens pas sur l’aide publique au développement, dont vous avez déjà adopté les crédits. Ceux de l’action extérieure de l’État augmentent de 3,5 % : c’est significatif ! Plusieurs d’entre vous ont regretté la baisse de 1,5 % des effectifs, qui avaient déjà diminué de quelque 12 % ces dix dernières années.

M. Jacques Myard – C’est inadmissible !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  M. Mancel a justement rappelé l’encombrement du sommet de la pyramide des emplois au ministère : nous y remédierons avec, entre autres mesures, un décret qui sera sans doute publié dans quelques jours. À terme, la seule solution sera de redessiner la carte de notre présence dans le monde, car ne nous y trompons pas : le ministère des affaires étrangères et européennes, comme toute administration, sera soumis à la règle du non remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

Le contrat de modernisation signé en 2006 entre Bercy et le Quai d’Orsay, qui arrive à terme fin 2008, a permis d’assouplir la gestion des services du ministère et produit d’importants gains de productivité. Je souhaite que le suivant, que le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé de préparer, soit plus ambitieux encore, concernant l’évolution des réseaux notamment. Je me tiens naturellement à la disposition de l'Assemblée nationale pour, le moment venu, lui en présenter le bilan.

S’agissant du parc immobilier français à l’étranger, les progrès à accomplir sont d’autant plus importants que la gestion du parc en France n’a pas été exemplaire – arrivé trop tard, je n’ai pu, hélas, que m’en étonner. Il faut s’adapter au marché, qui varie d’un pays à l’autre, mais on ne peut attendre des ambassadeurs qu’ils soient aussi experts de l’immobilier. D’autres ministères ont déjà expérimenté des solutions souples et efficaces. De même, j’envisage de confier la gestion et la maintenance du patrimoine du ministère des affaires étrangères à un opérateur extérieur contrôlé par l’État, comme le font les Britanniques. Par ailleurs, Madame Colot, le Quai d’Orsay renoncera jusqu’en 2008 à l’essentiel de ses crédits d’investissement pour financer ses projets grâce au produit de la vente des immeubles qui ne lui sont plus utiles. Près de cent millions ont ainsi été dégagés par la cession de bâtiments à Monaco, Athènes, New York ou Tokyo. Cela étant, vous avez raison de souligner les réelles difficultés de fonctionnement du compte d’affectation spéciale, que nos services s’emploient à améliorer. Cette externalisation de notre immobilier doit avoir lieu dans les meilleurs délais et en toute transparence.

M. Mancel a évoqué le regroupement des services centraux : nous passerons en effet de neuf à deux sites. Avouez que l’amélioration est considérable !

M. Jacques Myard – Tout à fait !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Les gains de productivité seront importants. Sans revenir sur le rachat à perte des locaux de l’Imprimerie nationale (Sourires), je vous engage à visiter le chantier de la Convention !

Concernant la maison de la francophonie, monsieur Rochebloine, nous tiendrons nos engagements ! Un site a déjà été identifié avenue de Ségur, que certains contestent. L’Inspection des finances et les services du ministère examineront de concert un ensemble de possibilités, dont celle-ci. La décision sera prise fin 2007 ou début 2008

Troisième point : la contribution aux organisations internationales. MM. Poniatowski et Mancel ont justement relevé l’écart important qui existe entre les crédits affectés à notre participation au financement des organisations internationales et des opérations de maintien de la paix d’une part, et les besoins réels de financement de l’autre. Votre assemblée a eu raison de s’inquiéter de cette situation. Le rattrapage a été lancé, et sera poursuivi en 2008 ; le Parlement aura ainsi à approuver 40 millions de mesures nouvelles.

Comme l’a relevé Mme Colot, l’année 2008 est marquée par une incertitude budgétaire liée à l’opération au Darfour, dont le financement n’a pas encore été soumis à l’Assemblée générale des Nations unies. Nous savons que cela va coûter très cher, car il s’agit de la plus grande opération d’imposition de la paix jamais menée par les Nations unies. Certes, elle a été très lente à se mettre en place, puisque cela fait plus de trois ans qu’on y pense, mais je suis indigné lorsque j’entends dire que la diplomatie française est immobile. Car c’est à la France que l’on doit l’adoption à l’unanimité, il y a deux mois, d’une résolution du Conseil de sécurité pour le déploiement d’une force hybride de 26 000 hommes. Tout s’est dénoué à la Conférence de Paris, organisée par nos soins, et où les Chinois, que l’on jugeait alliés au président du Soudan, ont accepté le principe d’une force internationale et se sont engagés à y participer.

La chaîne de commandement est déjà en place et le budget devrait être voté avant la fin de l’année. Le déploiement des troupes ne se ressentira pas de ce calendrier, car l’opération est gérée en trésorerie par l’Organisation des Nations unies.

À côté, une force conjointe, européenne et internationale, sera déployée dans l’Est du Tchad et en République centrafricaine, en tant que second pivot de l’action internationale en vue de stabiliser la région. On a beaucoup parlé du Tchad ces derniers jours. Je tiens à souligner que les enfants concernés, qui sont des personnes déplacées, bénéficieront d’une seule aide internationale : celle que la France vient de mettre en place pour eux.

M. Jean-Michel Boucheron – Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Le financement en est assuré. Nous avons obtenu un apport de soldats de la part de nos partenaires européens, et la force sera déployée avant la fin de l’année. Cette opération conforte la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne. Même les pays qui étaient les plus réticents au début y participent.

M. Jacques Myard – C’est une opération de police !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Non, l’opération de police est menée par les Nations unies dans les camps de réfugiés.

M. Jacques Myard – C’est la même chose.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Il y aura, d’un côté, une opération de police conduite par les Nations unies avec la gendarmerie africaine et, de l’autre, une opération militaire et de développement, destinée à la reconstruction de villages, qui protégera la zone, toujours menacée par les milices du Darfour.

M. Jacques Myard – Oui, c’est ce que les Américains nous laissent faire !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Vous devriez être content : c’est une opération européenne, sans Américains ! Je salue d’ailleurs la position du président tchadien M. Déby, favorable à l’opération.

Une première estimation fait état de 110 millions pour la quote-part de la France à l’opération du Darfour. J’informerai le Parlement dès que j’aurai connaissance de chiffres précis. Avec M. Woerth, nous sommes tombés d’accord sur le principe d’une couverture complémentaire. Je remercie M. Poniatowski d’avoir rappelé que les opérations des Nations unies ne sont pas toujours des échecs, et qu’au contraire, elles sont pour la plupart couronnées de succès. Sans ces opérations, auxquelles la France participe pleinement, qu’y aurait-il ?

Je remercie Mme Colot pour la qualité de son rapport. Nous consacrons des efforts importants à notre dispositif d’enseignement à l’étranger. La communauté française de Washington, que nous avons rencontrée hier, salue unanimement la gratuité que nous avons instaurée pour la classe de terminale. Et nous irons encore plus loin, puisque la gratuité est étendue à la première en 2008, ainsi qu’à la seconde en 2009. Cet effort considérable mobilisera 20 millions d’euros.

Je suis attentif aux effets d’aubaine qui peuvent en résulter, et au risque d’éviction des élèves étrangers évoqués par MM. Mancel et Rochebloine. Je crois, en effet, que certaines modalités du dispositif devraient être revues, non seulement parce que certaines personnes n’ont pas besoin que l’État les aide, en particulier parce que les entreprises le font déjà, comme l’a rappelé Mme Filippetti, mais aussi parce qu’il faut respecter un certain équilibre entre les inscriptions de Français et les inscriptions d’étrangers. En tout état de cause, nous tenons en la matière une promesse du Président de la République.

Nous engageons par ailleurs un réel effort de rénovation immobilière de nos lycées, à hauteur de 8,5 millions. C’est la première tranche d’un travail indispensable et trop longtemps différé, certains établissements vétustes posant des problèmes de sécurité.

Nos compatriotes accordent une très grande importance à la question de la scolarité à l’étranger, condition essentielle d’une expatriation réussie. Nous avons la chance de posséder un réseau incomparable pour sa densité et sa qualité, qui contribue, par la formation d’étrangers, à la diffusion de la francophonie. Je me félicite, à ce titre, de l’annonce par M. Poniatowski de la constitution d’une mission parlementaire sur cette grande priorité, car nous n’arrivons plus à répondre à l’afflux des demandes d’inscription et nous ne sommes, en outre, pas assez présents dans les grands pays émergents. J’ai pu constater, par exemple, la saturation de notre établissement à Pékin. Nous avons besoin d’un second lycée là-bas, et j’ai donc sollicité du Premier ministre chinois la cession d’un nouveau terrain.

Je convoquerai, par ailleurs, des états généraux de l’enseignement français à l’étranger, pour que l’ensemble des acteurs puissent réfléchir aux moyens de développer notre système, sans forcément faire appel au budget de l’État, compte tenu de nos contraintes. Je souhaite pouvoir lancer officiellement ces états généraux au cours des prochaines semaines.

En ce qui concerne la politique des visas, s’il est vrai que des moyens sont transférés au ministère de l’immigration et de l’identité nationale, je considère que le ministère des affaires étrangères doit garder une responsabilité importante en la matière.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Pierre Moscovici – Comment allez-vous faire ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  La co-gestion est quelque chose de tout à fait possible, Monsieur le député. Cette question touche à nos relations politiques avec les pays étrangers ainsi qu’à notre sécurité nationale. Avec M. Hortefeux, nous sommes parvenus à un bon équilibre, sur le principe d’une responsabilité conjointe.

Nous étendrons en 2008 la biométrie dans 40 consulats, qui viendront s’ajouter à la liste des 62 déjà équipés. L’externalisation est nécessaire et implique une validation par la CNIL. Les premiers relevés externalisés de données seront menés, et un décret préparé à cette fin.

J’invite les députés à visiter nos consulats, et je remercie M. Mancel de s’être rendu dans celui d’Istanbul, où il a pu constater le résultat de nos efforts de modernisation. Ce n’est pas le seul exemple. À Moscou, il fallait quinze jours pour obtenir un rendez-vous ; aujourd’hui, cela se fait du jour au lendemain, et la délivrance du visa prend trois jours.

Quelques commentaires sur notre politique culturelle, ô combien spécifique et nécessaire à notre diplomatie. Nous avons un intérêt stratégique à maintenir une présence culturelle forte, à promouvoir dans la mondialisation notre conception de la diversité culturelle et à valoriser nos concepts et nos savoirs. C’est ce que j’appelle la diplomatie publique d’influence.

M. Jacques Myard – Très bien ! Il faut le faire !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – En effet… (Sourires) Elle passe par un enseignement supérieur plus attractif, des partenariats dynamiques dans les pays émergents, un outil audiovisuel extérieur promouvant notre vision de la culture et de l’information.

Mme Filippetti et M. Rochebloine ont souligné l’originalité de nos actions mais aussi la nécessité de clarifier nos priorités et notre organisation. Les moyens que nous consacrons à cette politique, de l’ordre de 100 millions – l’équivalent de la subvention de l’Opéra de Paris – ne sont pas à la hauteur de nos ambitions. La réorganisation de notre réseau culturel, l’accroissement de sa capacité d’autofinancement, son évolution vers des partenariats de tous ordres constituent les orientations de la politique que je compte mettre en œuvre dans ce domaine.

Le suivi des étudiants étrangers en France, Madame Filippetti, est un grand chantier. Plusieurs associations d’anciens se sont déjà constituées, notamment en Inde. Nous avons intérêt à maintenir une part des bourses allouées par le Gouvernement au niveau local, à condition de mettre en place des jurys scientifiques locaux. Comme vous l’avez aussi souhaité, le nombre de bourses dont l’attribution passe sous la tutelle des universités augmente.

Vous avez évoqué le rôle de CampusFrance. Dans le cadre de la politique des visas – attribution conjointe au ministère de l’immigration et au Quai d’Orsay – je suis particulièrement attaché au développement de l’attractivité de notre enseignement supérieur à l’égard des étudiants étrangers, notamment asiatiques et sud-américains, sans abandonner l’Afrique. Il est opportun de procéder à une évaluation et à une amélioration du dispositif existant, aussi ai-je décidé de confier une mission sur le suivi des étudiants étrangers à des experts de haut niveau.

Enfin, s’agissant du réseau de centres culturels et d’alliances françaises, je pense qu’il ne doit pas être figé. Nous devons ouvrir de nouvelles alliances en mesure de s’autofinancer et étendre le maillage dans les pays émergents. Je suis favorable aux centres culturels européens. Il ne s’agit pas simplement de partager des locaux, mais de porter des projets communs, comme au centre franco-allemand de Ramallah.

Monsieur Rochebloine, je pense comme vous qu’il faut amener CulturesFrance à concentrer ses activités sur un nombre de priorités bien définies. C’est l’objet d’un contrat d’objectifs et de moyens passé avec mes services cette année. Son statut d’association de loi 1901 limite probablement ses capacités d’action. Pour autant, il serait sage d’attendre la réorganisation de nos dispositifs – dans le cadre de la revue générale des politiques publiques – avant d’en faire un établissement public.

La question de l’audiovisuel extérieur ne peut être détachée de notre diplomatie et de ses moyens d’action. La bataille des idées, j’en suis convaincu, se gagne aussi par les images.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Ne tuez pas TV5 !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – Mais il n’en est pas question ! Nous maintiendrons dans notre réseau cette chaîne culturelle.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Avec les mêmes crédits que France 24 ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – Votre assemblée, à juste titre, déplore l’éparpillement chronique de nos moyens, le manque de lisibilité de nos opérateurs et l’absence de direction stratégique. Le Président de la République et le Premier ministre m’ont donné mandat, ainsi qu’à Christine Albanel, de présenter les éléments d’une réorganisation en profondeur. Les orientations sont aujourd’hui tracées : mise en place d’une instance de pilotage ; complémentarité à trouver entre RFI et France 24 ; ouverture à l’extérieur avec de nouveaux médias par Internet ; préservation du caractère francophone d’une chaîne de culture et de divertissement. Je propose aux parlementaires intéressés de les retrouver chaque mois au Quai d’Orsay afin de discuter de l’évolution de ce dossier.

Permettez-moi, monsieur le président, de répondre aux questions soulevées par chacun des intervenants.

Monsieur Salles, vous avez raison de souligner le caractère interministériel de l’action de notre ministère. L’enseignement du français augmente dans le monde, mais nous devons nous battre pour généraliser l’enseignement d’une deuxième langue vivante dans les systèmes nationaux en Europe. Les crédits consacrés au rayonnement culturel, à périmètre constant, augmentent de 2,3 %.

Monsieur Garrigue, je vous remercie d’avoir évoqué l’importance du traité simplifié pour l’Europe. Je peux aujourd’hui vous dire que ça n’était pas gagné d’avance… Ce succès, comme vous l’avez fait remarquer, n’a pas été la seule activité européenne de notre pays. Nous avons engagé, avec Jean-Pierre Jouyet, les préparatifs de la présidence française. Je détaillerai plus longuement le budget consacré à cette présidence, en réponse à M. Moscovici, mais je note qu’il inclut les frais liés à la représentation de la Slovénie – qui assurera la présidence en janvier – dans les pays où notre partenaire est absent et qu’en outre, il est loin d’équivaloir celui de la présidence de l’Allemagne ! Les grandes priorités de la présidence seront l’énergie, l’environnement, le développement de la politique de sécurité et de défense et les politiques de maintien de la paix.

S’agissant de l’Union de la Méditerranée, ce projet, développé par le Président de la République à Tanger, se fonde sur la solidarité de fait entre les pays riverains. Loin de les supplanter, il est de nature à compléter les processus en cours, comme celui de Barcelone. Un ambassadeur, entouré de son équipe, travaille sur les grands thèmes de cette Union. Des cellules semblables ont été installées en Italie, en Espagne, au Portugal et bientôt au Maroc.

Vous avez parlé des structures hospitalières du Sud. Nous avons créé un GIP d’associations de jumelages entre hôpitaux. Je lancerai en 2008 une nouvelle initiative sur le développement des systèmes locaux d’assurance maladie. On ne peut en effet parler de l’amélioration de l’outil sans parler du financement, qui ne tombe pas du ciel ! On ne peut s’en remettre aux seules organisations caritatives.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères À M. Moscovici, je veux dire ma satisfaction qu’il n’ait pas trop critiqué ce projet ! (Sourires) Il a critiqué avec raison l’insuffisance de nos moyens ; je puis l’assurer néanmoins que je me suis beaucoup battu pour qu’il atteignent ce niveau.

La question des recrutés locaux est très difficile. Nous sommes probablement allés trop loin dans le remplacement d’agents titulaires, notamment dans les services des visas. Vis-à-vis des recrutés locaux comme de ses agents, l’État se doit d’être un employeur irréprochable, qu’il s’agisse de protection sociale, de fiscalité ou du niveau de rémunération.

S’agissant du partage des compétences avec M. Hortefeux – et vous connaissez ma position, en particulier sur les tests ADN –, je suis favorable au co-développement, lequel ne peut être isolé de notre politique de développement en général. Oui, il y a eu un transfert de 25 millions, mais il y a une collaboration entre les deux ministères : au Bénin, par exemple, l’un et l’autre participeront au financement de la construction de locaux scolaires. D’une façon générale, notre politique en ce domaine doit avoir une orientation plus bilatérale qu’auparavant, et bien sûr, j’en conviens avec M. Moscovici, il faudrait y consacrer plus d’argent.

En ce qui concerne les crédits ouverts sur le programme de la présidence française de l’Union européenne, je vous invite à un rapprochement avec la présidence allemande du premier semestre 2007. L’exercice des présidences tournantes est devenu, année après année, de plus en plus coûteux. Devons-nous réduire la voilure ? On peut se poser la question, sans oublier qu’après, nous aurons un Président de l’Union pour deux ans et demi – et il faudra d’ailleurs, c’est vrai, se pencher sur la question des rapports entre les deux présidences.

La Cour des comptes nous avait critiqués pour la dispersion des dépenses consacrées à la présidence de 2000 ; l’ensemble des dépenses a été regroupé, tous ministères confondus, sur un programme unique, gage d’une meilleure maîtrise des coûts. Par ailleurs, nous apportons notre contribution financière à la présidence slovène qui commencera le 1er janvier.

S’agissant de nos liens avec les États-Unis, je réponds en même temps à M. Moscovici et à M. Lecoq. Il ne faut pas faire de faux procès, mais lire le discours du Président de la République et constater ce qu’en dit la presse américaine. J’y ai assisté avec un certain bonheur car ce n’est pas, non, non et non, un pays aligné sur les États-Unis qui a été ainsi accueilli. Le Président de la République a développé l’idée d’une défense européenne, en la présentant comme une condition d’une réorientation de l’OTAN ; et lorsqu’il a clairement dit ce qu’il pensait de la position américaine sur le changement climatique, tous les Démocrates se sont levés comme un seul homme – et certains Républicains sont restés assis. Lorsqu’il a dit « Alliés, oui, mais sans être alignés » , c’était clair ! Ceux qui étaient perplexes dans les tribunes, c’étaient les journalistes français… Je n’ai pas encore eu le temps de lire ce qu’ils en ont écrit, mais je puis vous assurer que c’était une ambiance amicale, de confiance retrouvée mais néanmoins de soutien parfois critique. Et alors qu’il y avait 100 personnes pour la dernière prestation d’un Président français devant le Congrès, on en comptait cette fois plus de 1 000 ! Pour faire passer des idées, c’est mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Ce que je connais encore mieux que le discours du Président de la République, ce sont les mots que j’ai prononcés au sujet de l’Iran. Je n’ai jamais dit que j’étais partisan de la guerre, Monsieur Lecoq : j’ai dit que le pire serait la guerre, ce n’est pas exactement pareil ! Jamais je n’ai appelé à la guerre, j’ai passé ma vie à m’occuper de la paix. J’ai même reçu, avec une organisation dont vous avez entendu parler, le Prix Nobel de la paix. On a glosé sur un mot, alors que je venais de dire qu’avec l’Iran, il fallait une négociation permanente, sans relâche, « sans crainte des rebuffades », avais-je même dit.

À l’occasion de la conférence de presse du Président de la République à Washington, notre position a été clairement réaffirmée. Nous travaillons à des sanctions européennes, les sanctions de l’ONU s’étant révélées inopérantes. Parallèlement, nous développons par tous les moyens une politique de la main tendue ; il n’est pas question que la seule alternative soit d’accepter la bombe iranienne ou de bombarder l’Iran, le Président de la République l’a réaffirmé hier. Avant le conflit, il faut les sanctions, mais à côté, il faut le dialogue avec le peuple iranien, qui vaut mieux que son président.

Ne croyez pas que ce soit nouveau : depuis six mois, nous avons eu beaucoup, beaucoup de contacts avec les Iraniens. Vous aurez sans doute remarqué qu’ils ne s’en plaignaient pas vraiment. L’Iran n’est pas un pays monolithique, même à l’intérieur de sa direction il y a des différences, et nous en tenons très largement compte.

M. Jacques Myard – Le problème, c’est qu’il faut que les Iraniens prennent une décision !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères L’effet des trois résolutions des Nations unies, dont deux accompagnées de sanctions, n’a pas été probant ; nous tentons donc autre chose. Nous attendons le rapport de M. El Baradei, qui va venir à Paris, ainsi que celui de Javier Solana, pour adopter avec nos partenaires un attitude commune.

Monsieur Moscovici, la diplomatie par coup d’éclats, c’est toujours mieux que la diplomatie par coup d’État… (Sourires) Obtenir la libération des ressortissants bulgares n’exclut pas, bien au contraire, le développement d’une nouvelle stratégie, dont le projet d’Union méditerranéenne ; les Roumains et les Bulgares en feront-ils partie, il faudra trancher.

Quant à notre relation avec la Libye, elle est sans complaisance mais permet le développement d’un partenariat. Il n’y a aucune raison que les pays qui ont renoncé au nucléaire militaire n’aient pas accès au nucléaire civil, surtout lorsqu’ils voient leurs ressources pétrolières diminuer. Il faut se féliciter que les négociations aient pu aboutir, comme pour la Corée.

Pour ce qui est d’aller chercher trois journalistes au Tchad… nous en reparlerons quand vous voulez.

La position française sur l’Irak a été réaffirmée hier. Elle est de dire que l’intégrité territoriale de cette démocratie naissante doit être préservée. La question de savoir si le caractère fédéral du pays doit être renforcé se discute – aux Irakiens de trancher. Je me suis rendu à Bagdad, où j’ai constaté l’ampleur de ce qu’il faut effectivement qualifier de désastre. Nous approuvons la résolution 1770 adoptée le 10 août dernier par le Conseil de sécurité et nous entendons contribuer à sa mise en œuvre en travaillant avec les Irakiens – avec les Irakiens, j’insiste –, et non avec les Américains. – pour développer les services de santé, d’éducation, etc. Voilà comment nous concevons notre rôle, qui n’est pas de proposer un calendrier de retrait des troupes.

Les Irakiens nous ont réservé un accueil exceptionnel. Nous avons eu le sentiment d’ouvrir une brèche dans leur isolement et je me réjouis que le ministre des affaires étrangères de la Suède m’ait succédé. J’espère que la visite de représentants d’autres pays européens suivra, et qu’il en résultera une meilleure application de la résolution du Conseil de sécurité.

S’agissant du Moyen-Orient, ne soyons pas plus Palestiniens que les Palestiniens ni plus Israéliens que les Israéliens. La France soutient les discussions de paix engagées entre MM. Ehud Olmert et Abou Mazen, elle a reçu ce dernier et elle organisera à Paris la conférence des donateurs qui visera à permettre l’application du programme de ce que j’espère être bientôt l’État palestinien. Mais c’est aux Palestiniens et non à la France qu’il revient de régler les problèmes de la bande de Gaza : laissons-les dire, et ne compliquons pas une situation que toutes les parties ont intérêt à régler.

Pour ce qui est du Sahara occidental, une proposition marocaine a, pour la première fois, reçu l’agrément du Conseil de sécurité, qui l’a jugée « utile et positive ». On s’en félicitera, car bien malin qui saurait comment intervenir pour régler un conflit vieux de trente ans, alors que tout a été essayé !

Concernant le traité simplifié, tous les arguments, favorables et défavorables, ont été entendus. Je me limiterai donc à souligner que quelques avancées sociales ont été obtenues – ainsi du maintien des services publics, qui n’allait pas de soi. La mention selon laquelle la concurrence est un moyen et non une fin mérite aussi que l’on s’y arrête.

Deux mots, monsieur Myard, pour qualifier votre intervention : quelle verve ! (Sourires). Non, nous ne sommes pas des atlantistes impénitents…

M. Jacques Myard – Vous, non, mais les autres le sont !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – …c’est moi qui vous parle (Rires) et j’affirme qu’il n’y a pas d’alignement. Notre action ne contredit en rien sur ce point le rapport Védrine.

J’ai déjà répondu aux observations concernant le partage des bâtiments entre la France et l’Allemagne, et il vrai que les moyens sont modestes. Je vous ai aussi entretenu des relations entre la France et l’OTAN.

Personne, Monsieur Giacobbi, ne prétend s’ériger en arbitre universel, mais nous pensons que la France peut se faire entendre, qu’elle a le devoir de le faire et qu’elle ne le fait pas si mal que cela.

Pour ce qui est de la libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye, attendons de connaître les conclusions de la commission d’enquête parlementaire…

M. Paul Giacobbi – Je me suis réjoui de leur libération.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  …Je me réjouis que vous vous en soyez réjoui, car ils s’en sont réjouis eux aussi ! (Sourires) J’ai pris part aux négociations, et mon unique promesse a été que nous aurions un rôle à jouer à l’hôpital de Benghazi. Cette promesse sera tenue.

Je parlerai volontiers plus longuement avec vous de notre dispositif d’aide humanitaire qui, vieux de quinze ans, gagnerait sans doute à être modernisé. L’humanitaire, ou plutôt l’humanisme à la française a fait la preuve de son efficacité et, parfois, de quelques dérives, qui sont souvent le cas de naïfs abusés mais sincères.

Je tiens à vous faire remarquer, Monsieur Loncle, que j’ai renforcé la transparence dans les nominations des ambassadeurs en créant un comité de sélection. Hormis pour la nomination à Dakar de Jean-Christophe Ruffin, dont je suis fier car, outre qu’il a reçu le Prix Goncourt, il connaît bien l’Afrique, j’ai toujours suivi les recommandations qui m’ont été faites et choisi, pour chaque poste, dans la liste des trois noms qui m’étaient proposés. J’ai aussi l’autorisation, à chaque mouvement d’ambassadeurs, d’ouvrir un peu la fenêtre.

Du futur statut du Kosovo, je ne parlerai pas avant le 10 décembre, date à laquelle la troïka remettra son rapport sur l’avancée des négociations entre Kosovars serbes et albanais. Une chance, minime, de compromis demeure. Si l’on n’y parvient pas, une décision devra être prise sur le futur statut du Kosovo, que je ne préjuge pas car je ne l’ai jamais fait, même lorsque j’y était en fonction.

Je partage, monsieur Boucheron, beaucoup de vos réflexions. Pas plus que vous, je ne souhaite l’alignement sur la politique de M. Bush. Nos deux pays ont des points de convergence, dans certains domaines une unité de vues, parfois des divergences. Le président Bush le sait, et il nous en sait gré. Il est vrai que nous discutons avec une administration finissante, mais, outre qu’il ne faut pas vendre trop tôt la peau de l’ours, nous parlons au président actuel des États-Unis et nous parlerons au prochain, quelle que soit sa couleur politique. Je l’affirme une nouvelle fois, nous ne somme pas alignés sur les États-Unis, nous sommes toujours fermement attaché au multilatéralisme, comme le montre notre récent engagement dans la mission des Nations unies et l’opération européenne au Tchad.

Je suis d’accord avec ce que vous avez dit de la Russie. Je m’y suis rendu, et j’ai senti la volonté qu’a ce grand pays de retrouver sa place. Il se sent en quelque sorte assiégé, juge que ses relations avec l’Union européenne ne sont pas aussi simples et fraternelles qu’elles pourraient l’être, que des décisions lui sont imposées par le déploiement du bouclier anti-missiles de l’OTAN… Il faut donc composer, en se rappelant que les temps ont changé même si l’on ressent une certaine véhémence dans l’expression de M. Poutine, dont on sait par ailleurs que même après les élections il peut ne pas être très éloigné du pouvoir. Nous devons dans tous les cas maintenir des relations avec ce grand pays.

J’en viens à la Turquie. La position du Président la République est très claire : le principe d’ouvrir de nouveaux chapitres de négociation a été maintenu, et j’espère que nos partenaires accepteront notre proposition d’instituer une commission de sages, qui ne comprendrait aucun membre français, faut-il le préciser ? Le but de la Turquie est d’entrer dans l’Union européenne ; notre position est de négocier pas à pas sur les différents chapitres. Nous en avons le temps.

J’ajoute que nous avons mis en garde la Turquie contre toute intrusion de ses troupes de l’autre côté de la frontière irakienne. Le PKK est certes une organisation terroriste, mais une intervention militaire turque en Irak aurait des conséquences dramatiques ! Nous avons insisté sur la nécessité de stabiliser ce pays meurtri. Malgré leur proximité avec la Turquie, les Américains sont d’accord avec cette position.

S’agissant de la Syrie, nous nous battons pour que l’élection présidentielle libanaise ait lieu à la date prévue, et je rappelle que la France se comporte en amie de toutes les parties en cause. Nous parlons à tous, y compris le Hezbollah, que nous avons lui aussi invité à la Celle-Saint-Cloud (Applaudissements sur divers bancs). Mais nous n’oublions pas qu’Antoine Ghanem, qui était sans doute le plus ouvert de tous les responsables libanais, a été assassiné depuis cette rencontre. Nous ne fermons pas les yeux.

Nous refusons au contraire toute ingérence, intrusion, ou pression dans le processus interne au Liban, qui doit devenir un pays aussi uni, aussi indépendant, aussi intègre territorialement et aussi démocratique que possible. L’intercommunautarisme est difficile à maintenir, mais un succès au Liban dans ce domaine établirait un formidable exemple dans cette région.

Pour ce qui est de la Syrie, nous avons clairement indiqué que des relations normales reprendront leur cours si le processus électoral libanais se déroule dans des conditions correctes.

M. François Loncle – Vous prenez donc acte de la dépendance du Liban ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – Pas du tout. Notre position est que les Libanais doivent déterminer eux-mêmes leurs candidats. Laissons s’appliquer les règles qui ont été prévues, sans être plus libanais que les Libanais. Evitons surtout que les tensions internes s’exacerbent, car nous risquerions alors d’aller à la guerre civile. Dix-huit ans d’affrontements au cours des trente dernières années, cela suffit ! Ici encore, qu’on ne m’accuse pas de faire la guerre. Je fais la paix depuis quarante ans !

Comme j’aime passionnément discuter avec vous, j’espère que vous accepterez de prolonger ce débat tous les mois au ministère. Tous ensemble au Quai d’Orsay ! (Sourires sur divers bancs et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

QUESTIONS

M. Daniel Garrigue – Le ministre ayant excellemment répondu à nos interrogations, je renonce à poser ma question.

M. le Président - Nous en avons donc terminé avec les questions. (Sourires)

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis – Les crédits destinés au soutien des rapatriés d’Algérie, à l’OFPRA, ou encore aux associations de demandeurs d’asile ont été transférés au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Seules dépendent encore du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » la délivrance des visas, ainsi qu’une cellule de veille, qui sera bientôt transformée en centre opérationnel de veille et d’appui aux crises.

Compte tenu de ces modifications de périmètres, la commission des affaires étrangères propose, par l’amendement 170, de modifier le libellé de ce programme pour l‘intituler : « Français à l’étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes ».

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial – La commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, mais j’y suis favorable à titre personnel.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – Même avis.

L'amendement 170, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », mis aux voix, sont adoptés.

M. Jacques Myard – Je m’abstiens ! (Exclamations sur divers bancs)

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des crédits de l’action extérieure de l’État.

La suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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