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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 14 novembre 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
49ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2008 – seconde partie – (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT – PROVISIONS –
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances pour les engagements financiers de l’État – Les crédits consacrés en 2008 aux engagements financiers de l’État s’élèvent à 42,4 milliards. Il s’agit de la troisième mission du budget général, après les remboursements et dégrèvements – 83,2 milliards – et l’enseignement scolaire – 59,3 milliards. La commission des finances a adopté ces crédits ; même pour un rapporteur de l’opposition, la responsabilité commande d’appeler à payer les intérêts de la dette de l’État, qui, avec un montant de 40,6 milliards, représentent 96 % des crédits de la mission.

L’examen de ces crédits me conduit à une satisfaction, fût-elle relative, et à trois réserves. Ma satisfaction concerne le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État ». Le rapport annuel de performance, joint à la loi de règlement pour 2006 adoptée en juillet, indique que de nombreux objectifs assignés à l’Agence France Trésor ont été atteints : ainsi, les adjudications de titres ont été très largement couvertes, et le solde moyen du compte du Trésor à la Banque de France en fin de journée a été ramené à 100 millions, l’État privilégiant les placements plus rémunérateurs.

Tous les objectifs n’ont cependant pas été atteints. Le taux d’annonce par les collectivités territoriales de leurs opérations financière supérieures à un million d’euros affectant le compte du Trésor a été de 92 %, ce qui n’est guère mieux qu’en 2004 et 2005, et reste inférieur à l’objectif de 95 %. Mais ceci est imputable à quelques « mauvais élèves », comme la Corse du Sud – que M. de Rocca-Serra me pardonne ! (Sourires) –, la Haute-Corse ou les Vosges. Par ailleurs, si leur portée reste limitée, le nombre d'incidents d'exécution des opérations de dette et de trésorerie a été supérieur aux prévisions. Enfin, la durée de vie moyenne de la dette, qu’il est prévu de porter à 5,9 ans, n'a pas été réduite, et reste de sept ans fin 2006. Ces observations ne vous sont pas imputables, Monsieur le ministre, non plus qu’à votre prédécesseur, compte tenu de la nature des phénomènes en question.

Or, il en va tout autrement des réserves que je formulerai à propos des trois principaux programmes de la mission. En ce qui concerne le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », force est de constater que le service de la dette s'accroît de manière inquiétante, passant de 111 à 145 milliards, soit une hausse de 30,6 %. L'État devra émettre 120 milliards en obligations assimilables du Trésor et bons du Trésor à intérêts annuels – contre 102 milliards en 2007 –, et augmenter de 22 milliards son encours de dette à court terme. Ainsi, la charge de la dette, de 38,4 milliards en 2006 et 38,9 milliards en 2007, passe à 40,6 milliards en 2008, soit une augmentation de 0,1 %, 1,3 % et 4,2 %, respectivement. La dette de l'État dérape !

Grâce à d'importantes cessions d'actifs privatisés – notamment les sociétés d'autoroutes –, à des diminutions substantielles du solde du compte du Trésor à la Banque de France et de l'encours des BTF à court terme, ainsi qu’à la décision du Fonds de réserve des retraites d'acheter 2 milliards de titres d'État entre le 8 décembre 2006 et le 15 janvier 2007, la dette publique s’est trouvée réduite de 2 points, passant de 66,2 % du PIB fin 2005 à 64,2 % fin 2006. Tout cela, fort opportunément, à quelques mois d'échéances politiques, avec un chiffre censé souligner la qualité de la gestion du gouvernement sortant… J'entends déjà notre Rapporteur général s’émouvoir de mes propos, et se féliciter de ce qu’au contraire, le Gouvernement ait vidé des trésoreries dormantes et donc « optimisé » sa trésorerie ! Mais pourquoi, alors, ce même gouvernement a-t-il laissé remonter la dette à 65,4 % à la fin du mois de mars 2007 ? Et comment comprendre que celle-ci atteigne 66,6 % avec le nouveau gouvernement ?

Un soupçon de manipulation ne peut être dissipé. Sous la pression d’un rapport Pébereau alarmiste et d’une politique d’« engagement national de désendettement », il fallait afficher des résultats, ce qu’on a fait au détriment de la réalité. Et la dette publique, au bout du compte, n'a jamais été aussi élevée. Pensez-vous encore tenir votre prévision de stabilisation de la dette à 64,2 % du PIB fin 2007 ? Ni l'évolution du déficit, inchangé, ni celle des taux d'intérêt, à la hausse, ni celle des cessions d'actifs, en forte diminution, ne vous facilitent la tâche !

Le programme des « Appels en garantie de l'État », quant à lui, ne mobilise que 288 millions. En revanche, le montant des encours garantis par l'État est de 100 milliards, soit plus de deux fois le déficit public annuel ; je m'investirai, dans l'année qui vient, dans l’analyse de ces garanties. Quant aux encours de garanties de l'assurance-crédit COFACE, ils sont de 42,9 milliards, n’ayant cessé de diminuer ces cinq dernières années – de 40 % –, une baisse liée à la dégradation de notre commerce extérieur. Monsieur le Ministre, y aura-t-il de nouvelles garanties de l'État dans le prochain collectif budgétaire ? Que penser, en outre, du fait que le pays sur lequel nous ayons les engagements les plus importants soit la Suisse ? Ne conviendrait-il pas de réexaminer la nature et le périmètre de notre système d'assurance-crédit, notamment pour le muscler davantage en faveur des PME ?

Ma troisième réserve porte sur le programme « Épargne », dans lequel figurent les primes versées par l'État aux détenteurs de plans d'épargne logement. Les crédits inscrits en lois de finances pour 2006 n'ont pas été suffisants pour couvrir les besoins, d'où un report de charges de 500 millions sur 2007, que la Cour des comptes n'a pas manqué de critiquer. Pourtant, les crédits pour 2007 demeurent insuffisants : si rien n'est fait, les dettes de l'État vis-à-vis du Crédit foncier s’élèveront à 800 millions ! Quel est le calendrier de l'apurement de ces dettes ? Des crédits seront-ils inscrits à cette fin dans la prochaine loi de finances rectificative ? À quel taux, enfin, sera rémunérée cette avance ? Jusqu'à présent, je n'ai pas obtenu de réponse à cette question.

Malgré ces réserves, je ne peux que me résoudre à voter le paiement des intérêts de la dette publique. Gare à ce que l’État, après avoir été manipulateur, ne se retrouve finalement corseté par sa dette !

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les provisions – La mission « Provisions » illustre le pragmatisme de la LOLF tout en dérogeant quelque peu à son esprit. Composée de deux dotations – soit un total de 225 millions – réservées pour l’une à des mesures générales et pour l’autre à des dépenses accidentelles, elle ne concourt en effet à aucune politique publique et, de ce fait, échappe à toute logique de performance.

Une part de cette provision contribue à des rémunérations publiques : c’est une première depuis l’entrée en vigueur de la LOLF. Ainsi, 150 millions iront au financement des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires dans la fonction publique d’État – l’Éducation nationale surtout –, dont le montant ne pouvait être réparti d’emblée. Le recours à la provision permettra d’attendre qu’un premier bilan soit dressé pour ajuster les crédits en fonction des besoins. En attendant, son montant est fixé sur la base d’une exonération de l’ensemble des heures supplémentaires. Je rappelle qu’en 2006, la provision ne prenait pas en compte la dette publique contractée au titre des heures supplémentaires non rémunérées.

J’en viens aux dépenses imprévisibles. L’exercice transitoire de 2006 avait permis de pallier les difficultés d’adaptation à la LOLF, ce qui ne se justifie plus aujourd’hui. D’autres crédits étaient plus contestables, tels que ceux qui abondèrent le fonds intercommunal de péréquation de la Polynésie, ou ceux qui financèrent le logement social outre-mer. On invoquait l’urgence, alors qu’il aurait fallu inscrire ces dépenses en loi de finances initiale ou, à défaut, rectificative. En 2007, la seule dépense accidentelle est liée à l’indemnisation des victimes du cyclone Gamède à la Réunion. Une somme comparable, soit 75 millions, est demandée en 2008 pour faire face à d’éventuelles catastrophes naturelles ou tout événement extérieur exigeant le rapatriement de citoyens français. C’est peu : on impute encore trop souvent les surcoûts liés aux aléas climatiques à d’autres missions, telles l’agriculture ou la sécurité sanitaire.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – Eh oui !

M. Philippe Vigier, rapporteur spécial – En somme, 2007 fut meilleure que 2006, et je souhaite que cette amélioration se poursuive. Je vous propose donc d’adopter les crédits de cette mission.

M. Jean-Yves Cousin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les. remboursements et dégrèvements – La mission « Remboursements et dégrèvements », en progression de 8,7 % cette année, détaille l’emploi d’un ensemble composite de 83 milliards de dépenses, dont les deux tiers sont consacrés à l’application de mécanismes d’imposition et le reste à des restitutions via des crédits d’impôt et des dégrèvements.

La hausse des remboursements de crédits de TVA – de loin le plus gros poste de dépenses de la mission – est à mettre au compte de la bonne tenue de nos exportations et de l’investissement, mais aussi du fait que les entreprises préfèrent naturellement le remboursement à l’imputation de leurs crédits. Il va de soi que ce jeu de vases communicants entre crédits imputés et crédits restitués n’affecte pas le solde budgétaire.

Les remboursements liés à l’impôt sur les sociétés, en hausse de 600 millions, sont notamment constitués de crédits d’impôts, surtout en matière de recherche. Par ailleurs, le bouclier fiscal et l’instauration d’un crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt liés à l’acquisition d’une résidence principale entraînent une vive progression des restitutions d’impôt sur le revenu qui représentent désormais 3,6 milliards, auxquels s’ajoutent les 3,2 milliards consacrés à la prime pour l’emploi, que touchent désormais 8,5 millions de foyers fiscaux, soit deux fois plus qu’en 2002.

S’agissant du bouclier fiscal, seuls 3 % des bénéficiaires potentiels ont à ce jour fait valoir leurs droits. Dès lors, moins de la moitié des crédits prévus en loi de finances initiale devraient être consommés, et la tendance se poursuivra en 2008. J’ajoute que cette mesure est entièrement à la charge de l’État, qui a supprimé rétroactivement le partage de son coût avec les collectivités.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial Heureusement !

M. Jean-Yves Cousin, rapporteur spécial – J’en viens aux dégrèvements d’impôts locaux. La contribution de l’État, qui paie 16 milliards d’impôts locaux en lieu et place des contribuables, est trop souvent méconnue. L’État, en effet, est de loin le premier contribuable de France. Il s’acquitte d’un cinquième des impôts locaux, voire plus s’agissant des dégrèvements dus au titre de la taxe professionnelle et de la taxe d’habitation. Dès lors, les crédits du programme relatif aux impôts locaux augmentent de près de 14 %, sachant qu’ils seront aux deux tiers consacrés à la taxe professionnelle. En outre, le dégrèvement d’investissements nouveaux est pérennisé, et celui qui concerne le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée progresse nettement. Les dégrèvements liés à la taxe foncière représentent 646 millions, contre 3,2 milliards pour la taxe d’habitation, notamment au titre du plafonnement en fonction de revenu dont bénéficient plus de huit millions de foyers. Le reste sera consacré aux dégrèvements d’office accordés aux allocataires du RMI, aux personnes âgées et handicapées et aux revenus modestes.

Je précise enfin que les admissions en non-valeur et les autres opérations pour ordre sont globalement évaluées à 2,3 milliards pour 2008.

La mission « Remboursements et dégrèvements » appelle certaines observations. D'abord, elle comprend des dépenses dont on ne maîtrise pas la dynamique et sur lesquelles il est délicat de porter une appréciation au sens de la LOLF. Ces dépenses automatiques constituent les deux tiers des crédits de la mission.

En revanche, les crédits d'impôts et les dégrèvements participent de diverses politiques publiques. Ces dépenses-là pourraient trouver leur place dans un ensemble dont elles sont pour l'instant exclues ; la gouvernance de nos finances publiques en serait améliorée sans que la crédibilité de la norme de dépenses s'en trouve affaiblie.

D’autre part, ces crédits d'impôts et dégrèvements sont inscrits au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements » alors qu'ils concourent à des politiques publiques retracées dans d'autres missions avec les dépenses fiscales correspondantes. Ainsi, la prime pour l'emploi figure dans la mission « Remboursements et dégrèvements » pour la partie restituée – c'est-à-dire les trois quarts des crédits – alors que la dépense fiscale dans son ensemble apparaît dans le projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi ». Le même constat vaut pour le crédit d'impôt recherche et la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Les exemples de cette dualité sont très nombreux.

Pour améliorer l'information du Parlement, il serait donc souhaitable d’éviter cette présentation fragmentée en faisant figurer dans les projets annuels de performance non seulement la perte de recettes fiscales attendue d’une mesure législative mais aussi la prévision du montant des crédits restitués aux redevables le cas échéant.

La stratégie de la performance est réduite, pour plusieurs raisons. En premier lieu, je considère, comme mon prédécesseur, Jean-Jacques Descamps, auquel je rends hommage, qu’il n'appartient pas au rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements » de porter un jugement sur les politiques publiques auxquelles concourent les restitutions d'impôts ; cette évaluation relevant, me semble-t-il, des rapporteurs spéciaux des missions concernées par ces politiques. Par ailleurs, la mission ne dispose pas de crédits de personnel, ce qui vient renforcer l’impression d’une cote mal taillée, car on imagine bien que tous ces remboursements d'impôt supposent une mobilisation administrative considérable. Enfin, l'objectif unique de la mission est de « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible » ce qui est restrictif au regard de l'exigence d'efficience de la dépense formulée par la LOLF, et qui ne prend pas en compte la contradiction entre la rapidité du traitement des demandes et le nécessaire maintien d'un contrôle contre la fraude, en particulier pour la TVA.

Les indicateurs eux-mêmes sont peu nombreux – quatre en tout – et tous centrés sur la rapidité du remboursement à l'usager. Je précise que les objectifs fixés sont tous dépassés, ce qui matérialise les efforts et la qualité du travail fournis par la direction générale des impôts.

En résumé, l'architecture et même la raison d'être de la mission « Remboursements et dégrèvements » sont, à bien des égards, insatisfaisantes. La Cour des comptes l’avait relevé, et le rapport qu'elle a rendu le 25 juin dernier, à la demande de la commission des finances du Sénat en application de l'article 58 de la LOLF, corrobore les appréciations de notre commission des finances. La Cour souligne en effet le « pilotage très allégé » de la mission « Remboursements et dégrèvements », articulée autour d'« une stratégie et des objectifs limités ». M. Bruno Parent, directeur général des impôts, m'a confirmé que vous aviez, Monsieur le ministre, demandé qu'une étude examine la possibilité de faire évoluer cette mission, par exemple en rapprochant les dégrèvements d'impôts locaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et en présentant certains remboursements d'impôts en moindres recettes, rattachées aux recettes correspondantes. Je ne puis que souscrire à cette démarche exploratoire qui favorise une plus grande transparence et une meilleure gestion des deniers publics.

Tel est l'éclairage que je voulais apporter sur les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », qui ont été adoptés par la Commission des finances.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les participations financières de l’État et les avances à divers services de l’État ou organismes gérant les services publicsL'examen des crédits de la mission correspondant au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » nous permet chaque année d'établir le bilan de santé de nos entreprises publiques et d'évoquer la gestion de l'État actionnaire. L’État actionnaire, dont la cheville ouvrière est, depuis 2004, l'agence des participations de l'État, veille à l'augmentation de la valeur de ses participations financières, c'est-à-dire au développement des entreprises sous son contrôle, et au succès des opérations de cessions qu’il engage en préservant son intérêt patrimonial et le développement de l'entreprise concernée. L'ouverture du capital des entreprises publiques ne doit pas seulement apporter une recette budgétaire à l'État ; elle doit aussi ouvrir une perspective de développement pour l'entreprise.

La performance du premier programme de la mission est appréciée au regard de ces deux objectifs. Qu’en dire ? Le redressement des entreprises publiques, spectaculaire sous la précédente législature, se poursuit. Les comptes combinés des principales entreprises publiques pour 2006 font apparaître, à périmètre comparable, une progression de 11 % du chiffre d'affaires global et du produit net bancaire, qui s'établit à 160 milliards. L’activité de tous les secteurs a progressé : de près de 16 % pour le secteur de l'énergie, ce qui est particulièrement remarquable, de plus de 5 % pour les secteurs de l'armement, des transports et des infrastructures de transport, de plus de 4 % pour la Poste. La marge opérationnelle, la rentabilité opérationnelle et celle des capitaux employés ont poursuivi leur progression.

L’assainissement de la situation financière des entités des comptes combinés s’est poursuivi. Les passifs financiers nets ont reculé pour s'établir à 85,8 milliards, en baisse de 0,9 milliard. Corrélativement, le poids des dettes financières s'est à nouveau réduit en 2006, quoique plus modestement qu'au cours des exercices précédents. Elles représentent aujourd'hui moins du quart du passif. Les premiers résultats annoncés pour 2007 sont encourageants.

Le premier objectif étant donc satisfait, il faut poursuivre l'effort entrepris, et souligner aussi les progrès de la gouvernance des entreprises publiques. L'État a remarquablement mené les opérations de cessions de titres qu'il a réalisées. Les recettes de privatisations ont été exceptionnelles en 2006. Excédant 17,17 milliards et réalisées dans des conditions optimales, elles ont dépassé de 23 % les prévisions initiales. Pour 2007 et 2008, elles devraient être plus modestes ; une somme forfaitaire de 5 milliards est prévue, qui correspond à la moyenne observée depuis 1986. On peut déjà relever que les deux opérations menées au cours de l'exercice 2007 – la cession de 25 % du capital de DCN à Thalès et celle de 130 millions d'actions France Télécom – l'ont été dans de bonnes conditions, avec le souci du développement des entreprises concernées.

L'année 2006 a marqué une rupture dans l'affectation des recettes des privatisations. Près de 95 % des crédits ouverts ont servi au désendettement de l'État et de ses établissements publics, et 0,7 % du PIB a été affecté à la Caisse de la dette publique afin de réduire directement l'endettement de l'État. Le désendettement de l'État et de ses établissements publics constitue depuis 2007 le second programme de la mission « Participations financières de l'État ». II devait représenter 72 % des dépenses de la mission en 2007 et 88 % en 2008. On ne peut que se féliciter de cette évolution.

La performance du désendettement est évaluée à travers deux indicateurs : la diminution de la charge d'intérêt nette annuelle et l'allégement des charges d'intérêt de l'État du fait de son désendettement. Il pourrait être utile de définir un nouvel indicateur comparant les intérêts économisés avec les dividendes attendus du capital immobilisé dans chaque participation dont la cession a été réalisée.

Je conclurai par deux interrogations. Les événements récents ont montré que la situation de l'État actionnaire dans EADS n'est pas satisfaisante. En 2007, sous l'impulsion du Président de la République, d'importants progrès dans la gouvernance de cette entreprise ont été réalisés, et l’accord trouvé a été validé par l'assemblée générale des actionnaires. Dans le cadre de cet accord, les actionnaires de référence sont convenus de créer un groupe de travail chargé d'étudier la structure d'actionnariat à long terme la plus appropriée pour EADS, ses actionnaires et ses 116 000 salariés. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, préciser la composition de ce groupe de travail et son calendrier ? Je saisis cette occasion pour me féliciter des spectaculaires succès commerciaux que vient d’enregistrer l’entreprise.

Par ailleurs, la presse a rapporté que le conseil d'administration d'EDF avait décidé le versement à ses actionnaires d'un acompte sur dividende d'un milliard en novembre, ce qui a suscité quelques remous. L'augmentation des dividendes versés par les entreprises publiques à l'État s'explique par le redressement de leur situation, mais suscite toujours des interrogations légitimes. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous donner plus d'éléments d'informations sur cette opération ?

J’en viens à la mission « Avances à divers services de l'État ou organisme gérant des services publics » qui, en 2007, a été scindée en trois programmes. Je rappelle que les avances gérées par l'Agence France Trésor ont pour objet de couvrir un besoin ponctuel ou imprévu et non de compenser une insuffisance de dotation budgétaire. Or, le rapport annuel de performances pour 2006 souligne que les avances accordées au Fonds de solidarité, à l'ODEADOM et au CNASEA n'auraient pas respecté cette doctrine. Par ailleurs, l'exécution 2007 devrait conduire à constater une perte de 69 millions en raison de l'absence de remboursement des avances consenties à l'OFIMER en 2005 et au CNASEA en 2006. Ces avances ont été versées pour être directement reversées au Fonds de prévention des aléas pêche, organisme interprofessionnel chargé de prémunir les pêcheurs contre les variations des cours du pétrole, qui s'est trouvé dans l'impossibilité de rembourser les avances et a été dissous. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous donner des éléments d'information sur ces deux points ?

Ces observations étant faites, la commission des finances a adopté les crédits de la mission « Participations financières de l'État » et ceux de la mission « Avances à divers services de l'État ». Je demande à l’Assemblée d'émettre le même vote.

M. Jean-Michel Fourgous – Je concentrerai mon propos sur la dette publique. Atteignant le montant exorbitant de 40,8 milliards, soit l’équivalent du déficit ou presque du produit de l’impôt sur le revenu, elle constitue la première charge de l’État. Sans une telle charge, le budget serait équilibré. Nous payons aujourd’hui le prix de nos légèretés passées…

M. Dominique Baert, rapporteur spécial  Et présentes !

M. Jean-Michel Fourgous – …et de l’incompréhension culturelle de nos dirigeants face aux mécanismes économiques.

On peut cependant se féliciter que le Gouvernement affiche l’ambition de rétablir progressivement l’équilibre des finances publiques, sans renoncer à des mesures fiscales ciblées, telle le crédit impôt recherche, pour relancer la croissance.

La progression de la charge de la dette, soit 1,7 milliard par rapport au dernier budget, s’explique surtout par la remontée des taux en 2007. Selon le rapport Pébereau de 2005, la dette financière des administrations publiques a été multipliée par cinq depuis 1980 et dépasse 1 100 milliards. Elle est bien inférieure dans certains pays comparables : 47 % du PIB en Espagne, 51,1 % en Suède, contre 64 % chez nous. Heureusement que les 22 millions de contrats d’assurance vie dégagent 1 200 milliards d’épargne placée en grande partie en obligations d’État , ce qui sécurise la dette. Selon le rapporteur général, le déficit prévisionnel représente les trois-quarts du produit de l’impôt sur le revenu.

Pour faire face à la croissance critique de la dette publique, j’évoquerai trois méthodes.

Il y a d’abord la méthode traditionnelle chère aux socialistes du « y a qu’à ».

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – L’avez-vous entendu de ma bouche ?

M. Jean-Michel Fourgous – C’est vrai de façon générale, je ne parlais pas de vous en particulier…

Première variante : « y a qu’à » augmenter les impôts de 40 milliards.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial Vous allez le faire de toute façon !

M. Jean-Michel Fourgous – On voit mal comment imposer cela à ceux qui paient déjà 50 % de leurs revenus en impôts, sans provoquer leur départ. Deuxième variante, donc : « y a qu’à » taper sur les riches. Mais seule la France a conservé cet impôt aux conséquences cataclysmiques qu’est l’ISF, symbole d’une guerre idéologique passée.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – Vous l’avez bien vidé de sa substance.

M. Jean-Michel Fourgous – …et qui empêche de faire revenir les capitaux qui sont partis. Enfin, sport national bien connu, « y a qu’à » taper sur les entreprises et les patrons « voyous ». Mais les entreprises françaises versent déjà 280 milliards de taxes à l’État , contre 230 milliards pour les entreprises allemandes. Les partisans de cette méthode nous expliqueront comment on peut procéder ainsi et demander aux entrepreneurs de rester en France…

La deuxième solution consisterait à diminuer de 40 milliards les dépenses publiques. Certains de nos voisins l’ont fait. Mais, compte tenu de la culture très spécifique des dirigeants publics, je ne sais pas si c’est possible. Certes elle évolue depuis l’élection de notre nouveau président, mais il faut du temps pour changer les mentalités. Dans l’immédiat, on peut donc oublier cette méthode.

La troisième, la plus réaliste, c’est d’augmenter de 40 milliards les recettes de l’État en passant de 2 % à 3 % de croissance. Pour cela, il nous faut rénover notre modèle. La croissance, c’est en effet de la sueur, de l’argent et de l’intelligence. Pour ce qui est de la sueur, la France est le seul pays au monde à avoir obligé les travailleurs à travailler moins que leurs concurrents ; je n’ai toujours pas compris, mais c’est sans doute une pensée trop élaborée pour moi... Quant à l’intelligence, elle est trop fonctionnarisée, c’est un ancien du CNRS qui vous le dit. Il y a beaucoup d’intelligence en France, mais elle s’investit peu dans la création de richesse. Pour ce qui est enfin du capital, c’est en France qu’il est le plus taxé en Europe, selon Eurostat.

En vérité, notre déficit est structurel, et même culturel. Les responsables publics ont trop souvent cru et croient encore parfois qu’il n’y a qu’à demander à l’État. C’est parce qu’un pseudo-keynésianisme a trop souvent justifié son intervention abusive que la France est le pays qui a le plus augmenté sa dette publique au cours des dix dernières années. Les impôts et taxes ont crû de façon extravagante, atteignant 44 % du PIB. Il faut cesser de croire que l’État peut voler au secours d’un marché défaillant et absorber tous les chocs. Fini les temps d’euphorie dépensière, il faut agir. Même les pays scandinaves ont renoncé au « tout-impôt » : en septembre 2006, la Suède a porté au pouvoir Fredrik Reinfeldt, chef d’une coalition de droite qui avait fait campagne pour la baisse des impôts. Heureusement, les dirigeants français commencent à être critiques. L’interventionnisme étatique n’est pas une vertu, il est temps qu’on le proclame !

Mais cette tolérance à la dépense publique est aussi le fruit d’une culture administrative, pour laquelle un bon budget est un budget en augmentation. La plupart de nos dirigeants, qui n’ont jamais eu à produire l’argent qu’ils dépensent – je sais que ce n’est pas votre cas, Monsieur le ministre – ne se rendent pas compte, comme tout chef d’entreprise, qu’un sou est un sou. Une réforme de la formation des élites pourrait contribuer à une meilleure gestion des deniers publics.

M. le président de la commission des finances – Sus à l’ENA !

M. Jean-Michel Fourgous – Je suggère au président Migaud de demander à ceux qui acceptent la fonction de rapporteur spécial de faire des propositions de diminution du budget dont ils s’occupent.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial J’ai cherché comment diminuer la dette publique, je n’ai pas trouvé !

M. Jean-Michel Fourgous – Il existe dans notre pays une étrange relation de fascination-répulsion envers l’argent. Aux États-Unis, un riche, c’est quelqu’un qui a beaucoup redistribué ; en France, c’est quelqu’un qui a beaucoup volé.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – C’est plus que caricatural !

M. Jean-Michel Fourgous – Pour restaurer l’équilibre des finances publiques, il faut donc un profond changement de mentalités, et je me félicite que les dispositions affichées par le Gouvernement aillent dans le bon sens.

Au bénéfice de ces observations, l’ensemble du groupe UMP votera les crédits de cette mission (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Balligand – M. Fourgous est toujours aussi modéré ! (Sourires)

M. Louis Guédon – Il dit tout haut ce que nous pensons tout bas !

M. Jean-Pierre Balligand – Pour ma part, je concentrerai mon propos sur trois points. D’abord, je noterai qu’en raison de la conception extrêmement réductrice qu'il a du rôle des entreprises publiques, le Gouvernement n'est pas capable de valoriser correctement le patrimoine de l'État actionnaire. Ensuite, j’examinerai les recettes de privatisation, et plus particulièrement l'arbitrage à réaliser entre les opérations en capital des entreprises publiques, le désendettement et la mise en réserve de fonds pour faire face aux engagements sociaux de long terme. Enfin, j’inviterai le Gouvernement à énoncer clairement, s’il le peut, la politique qu'il entend mener en la matière au cours de la législature.

Pour 2007, 2,6 des 3,8 milliards d’euros de recettes de privatisation proviennent de la cession d'actions de France Télécom. Réalisée quelques jours après les élections législatives, cette opération a eu lieu dans de mauvaises conditions comme le montre un des indicateurs de performance de la mission : la valeur boursière moyenne sur les 30 jours précédant et les 30 jours suivant l'opération a été de 9,2 % supérieure au prix de cession. Pour appartenir à la commission des surveillance de la Caisse des dépôts, je sais que lorsque l’État souhaite faire des cessions, il y a des modèles à suivre. Or, dans ce cas, curieusement, j’ai l’impression qu’ils ne l’ont pas été. J’aimerais en tout cas qu’on m’explique quelle technique l’État a employée dans cette affaire. Le résultat escompté n’a pas été obtenu, en raison de la période de référence très restreinte que l’on s’est fixée. Ainsi, au jour de l'examen en commission des crédits de cette mission, le 7 novembre, la cession se serait faite au cours de 25,41 euros par action au lieu de 20,4 euros. En attendant moins de six mois tout en restant dans le même exercice budgétaire, l'État aurait gagné 650 millions supplémentaires. Cela pose aussi la question de l'indicateur retenu : il pourrait, par exemple, faire intervenir le cours de bourse moyen au cours des trois mois précédant et des trois mois suivant l'opération.

Cela montre surtout que le Gouvernement cède ses participations financières dans la précipitation et ne semble voir dans les entreprises publiques qu'une « caisse à bijoux » lui permettant de diminuer la dette brute – et non la dette nette – et les déficits publics – qu'il creuse par ailleurs, à travers le paquet fiscal notamment. Dans un communiqué du 19 septembre 2007, le ministère de l'économie reconnaît d’ailleurs que « la réalisation de l’objectif de stabilisation de la dette publique fin 2007 dépend en particulier du niveau de cessions d'actifs non stratégiques ».

Cette politique était pourtant critiquée par la Cour des comptes, pour qui décider, à seule fin de réduire le ratio de dette brute, des cessions d’actifs qui n’améliorent en rien la dette nette, peut se révéler économiquement et financièrement peu efficace. La Cour a également souligné que le produit financier immédiat attendu des privatisations des sociétés d'autoroute a primé sur toute autre considération stratégique. Autre exemple de cette politique à courte vue : la semaine dernière, l’État a exigé d'EDF – quelle conception du libéralisme ! – qu’elle lui verse fin novembre un acompte de 58 centimes par action sur les dividendes de l'exercice en cours, soit un milliard en tout, – soit aussi, et surtout, la moitié des dividendes attendus, en avance de six mois ! Cette pratique, à laquelle seulement six entreprises du CAC 40 ont recours, relativise les arguments de MM. Breton et Sarkozy qui prétendaient, avec l'ouverture du capital, donner à EDF les moyens de son développement – et ce d’autant plus que cette demande sera renouvelée chaque année. Comment, dès lors, le ministre peut-il prétendre que son budget est fondé sur l'investissement ? Celui-ci est une nécessité, pour les entreprises publiques comme pour les autres, et en prenant ainsi une décision contraire à tous les principes de bonne gestion, le Gouvernement montre qu'il ne voit en elles que des vaches à lait, un moyen de compenser des rentrées fiscales inférieures aux prévisions.

Suite à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2006, la mission « Participations financières de l'État » comprend désormais deux programmes au lieu d’un : « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État » et « Désendettement de l'État ou d'établissements publics de l'État », mais il n’y a pas de programme distinct relatif aux engagements sociaux de long terme, comprenant par exemple le Fonds de réserve pour les retraites. La distinction est toutefois nécessaire, car l'arbitrage entre ces trois objectifs devrait revenir au Parlement. Les crédits éventuellement versés au Fonds de réserve pour les retraites relèvent pour l’instant du programme « Désendettement ». Le rapport Pébereau établissait pourtant une distinction claire entre ces deux enjeux.

La situation du FRR rend ce point d’autant plus problématique : il ne s’élève actuellement qu’à 33 milliards, pour un objectif de 150 en 2020. Il est vrai que ses principales sources d'alimentation se sont taries : la CNAV ne dégage plus d’excédents depuis 2005, et aucun produit de privatisation ne lui a plus été affecté depuis 2002. Il n'est actuellement alimenté que par un prélèvement social sur les revenus du patrimoine et de placements, qui représentait 1,5 milliard en 2007. Le président de son conseil de surveillance, M. Raoul Briet, a d’ailleurs demandé un nouvel objectif, celui de 150 milliards en 2020 ne pouvant être atteint dans les conditions actuelles… Pourtant, les performances du FRR sont appréciables : son rendement, depuis le 1er janvier, atteint 5,7 %, malgré la crise des subprimes, et sa performance annuelle moyenne, depuis sa création, s'élève à 9,9 %. Compte tenu du coût de l'endettement de l'État, qui se situe autour de 4,4 % – mais les taux devraient augmenter –, abonder le FRR semble jusqu'à présent être un meilleur investissement que désendetter l'État. C'est une raison supplémentaire pour associer les parlementaires à l’arbitrage entre désendettement, opérations en capital et abondement du FRR. C’est surtout une raison pour alimenter celui-ci, sans même attendre la reprise des discussions sur les régimes généraux.

L’affaire EADS a donné de nouveau à entendre une petite musique qui s’était faite discrète ces derniers temps – et qui devient une fanfare avec percussions dans la bouche de M. Fourgous : le refrain de ceux qui n’admettent pas que l'État puisse détenir des parts de société intervenant dans le secteur concurrentiel. Ces appels à « en finir avec l'État actionnaire » posent deux questions. La première concerne son outil principal, l’Agence des participations de l’État, qui avait été présentée par M. Mer comme la réponse aux problèmes rencontrés dans ce domaine. Les auditions de la commission des finances sur l'affaire EADS ont pourtant mis en lumière des dysfonctionnements importants.

Reste que ce n’est pas seulement le fonctionnement de l’APE qui pose problème, ce sont aussi certaines de ses performances – à commencer par les mauvais résultats de la vente d'actions de France Télécom en juin dernier, mais on peut aussi évoquer les crédits affectés à des prestations de services liés aux opérations de gestion des participations de l'État, et notamment les commissions versées aux banques pour mener ces opérations. Comme l’an dernier, 100 millions sont prévus à ce titre, contre 24,3 millions en 2006. Les indicateurs retenus portent tous sur le taux des commissions versées lors des opérations de cessions. Or, pour 2008, les cibles sont exactement les mêmes que pour 2007, et dans l'ensemble largement au-dessus des résultats obtenus depuis 2005. Le choix de ces cibles marque donc un regrettable manque d'ambition dans le domaine de l'optimisation des dépenses. C'est pourquoi le groupe socialiste demande pour l’APE un projet annuel de performance et un rapport annuel de performance, d’autant plus nécessaires que ses crédits figurent dans l'ensemble assez disparate du programme « Politique économique et de l'emploi ». Certes, le rapport sur l'État actionnaire comprend des indicateurs de suivi de la mise en oeuvre de la Charte de l'État actionnaire, mais qui ne sont pas explicités et portent moins sur les performances de l’APE que sur son activité ou même celle des entreprises publiques elles-mêmes.

La deuxième question posée par cette « fin de l’État actionnaire » est celle de la stratégie envisagée par le Gouvernement. Certes, il affirme qu’il serait désavantageux d'afficher une stratégie trop précise, en communiquant par exemple la part d'une société que l'État est susceptible de céder et son prix de cession. Toutefois, il est normal que l'État applique une stratégie claire et que la représentation nationale en soit informée. Cela implique notamment la définition du périmètre des actifs considérés comme non stratégiques. Il me semblerait normal que le Gouvernement précise dès à présent les listes des entreprises dans lesquelles l'État doit conserver une participation et de celles dans lesquelles il devrait être actionnaire majoritaire. Je suis curieux de savoir dans quelle catégorie seront rangés EDF, GDF-Suez, Areva, Safran ou France Télécom... Préciser ces périmètres est essentiel, d’abord pour que le Parlement puisse en débattre, ensuite pour mettre fin aux improvisations du Gouvernement. C'est pourquoi je veux croire que ce dernier honorera la représentation nationale d’une réponse… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Jean-Jacques Candelier – Le projet de loi de finances pour 2008, présenté comme un budget de transition avant les grandes réformes structurelles promises par le Président de la République, démontre une fois de plus l'incapacité du Gouvernement à réduire le déficit budgétaire – qui s'élève à 41,7 milliards, légèrement plus que celui affiché dans le dernier projet de loi de finances. La cause principale en est le coût exorbitant des mesures fiscales de la loi TEPA de cet été. Et la rigueur appliquée aux dépenses de l'État n'y change rien : les économies réalisées sur l’emploi, l'éducation, la solidarité ou les collectivités locales sont très loin de compenser ces pertes de recettes fiscales. Ainsi, la suppression de 22 921 postes de fonctionnaires, dont 11 200 à l’éducation nationale, ne représente une économie pour 2008 que de 233 millions, soit environ 2,5 % du coût du paquet fiscal !

La conséquence en est que la dette publique ne sera toujours pas réduite en 2008. Au 30 juin 2007, l'endettement public avait même quasiment retrouvé son niveau record de la fin 2005 ! L'objectif fort modeste de stabilisation aux alentours de 64 % du PIB risque d'être difficile à atteindre puisque celui retenu pour 2007 risque de ne pas être tenu, sa réalisation dépendant essentiellement des cessions d'actifs détenus par l'État dans des entreprises publiques, dont EDF. L'engagement national de désendettement pris par le Gouvernement en juin 2006 n'a toujours pas porté ses fruits. Depuis 2002, la dette n'a cessé de croître, mais vous continuez à faire comme si cela allait de soi. Vous justifiez cette augmentation par la croissance excessive des dépenses publiques, mais elle trouve en fait sa cause dans les intérêts payés par l'État, qui pèsent de plus en plus lourd. Ainsi, ils ont coûté 38,4 milliards en 2006. En 2007, ils avoisinaient les 38,9 milliards et, en 2008, ils coûteront 40,6 milliards. Bien entendu, cette somme ne tient pas compte de l'évolution des taux d'intérêt, pourtant tributaires des risques qui pèsent sur l'activité mondiale, notamment depuis la crise financière de cet été.

Face à ce désastre financier, il faut cesser d'affirmer que c'est à cause de l'investissement massif réalisé par les administrations publiques que la dette a augmenté…

M. Jean-Michel Fourgous – Cela a pourtant joué !

M. Jean-Jacques Candelier – L'État s'appauvrit parce qu'une part de l'augmentation de la dette finance d'autres dépenses. Il s'agit donc d’un nouveau tour de passe-passe du Gouvernement. Il est vrai que vous n’en êtes pas à votre coup d’essai : sous couvert de recherche médicale contre la maladie d'Alzheimer, vous allez imposer des franchises médicales aux patients. Bien entendu, nous sommes opposés à une médecine dédiée aux seules personnes qui ont encore la possibilité de se soigner sans renoncer à des conditions de vie décentes ! Vous prenez une lourde responsabilité. Si le développement de la maladie d’Alzheimer exige un effort de recherche particulier, il revient à l’État de financer celui-ci. La santé a toujours été un devoir d’État et elle doit le rester.

Force est de constater que votre politique budgétaire est le signe d'un échec. Le pari de la croissance est perdu et une grande partie de la société française est au bord de la rupture financière…

M. Jean-Michel Fourgous – Merci les 35 heures !

M. Jean-Jacques Candelier – La politique de réduction de la dette ne peut être conduite au détriment de la santé, de l'éducation, d’emploi, de logement, de transport… L'État ne peut démissionner de ses responsabilités essentielles. Il ne peut réduire, couper les dépenses sociales après avoir consenti des cadeaux exorbitants aux riches…

M. Jean-Michel Fourgous – Dehors les riches !

M. Jean-Jacques Candelier – Un tel choix rompt l'équilibre démocratique entre les Français. Eu égard à l’optimisme irréaliste de vos prévisions et à votre incapacité manifeste à réduire la dette ou les déficits, nous sommes en profond désaccord avec l'ensemble de vos orientations budgétaires et fiscales. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les présents programmes.

La discussion générale est close.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Nous examinons ce matin trois missions et des comptes spéciaux. La mission « Engagements financiers de l’État » relève du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi ; les missions « Provisions » et « Remboursements et dégrèvements » relèvent de la compétence du ministère du budget et des comptes publics. Quant aux comptes spéciaux, ils sont partagés.

Permettez-moi d’excuser Christine Lagarde et Éric Woerth, qui m’ont demandé de les représenter dans cet exercice difficile, et je compte sur l’indulgence du Parlement à mon égard.

S’agissant de la mission « Engagements financiers de l’État », je commencerai par répondre à votre rapporteur spécial, Dominique Baert. Je note l’excellence technique de son rapport : vous posez, Monsieur le député, de vraies questions sur des sujets compliqués et je vous en remercie. Cette mission retrace des masses budgétaires considérables : 42,4 milliards de dépenses, dont 40,8 milliards liés aux charges de la dette, le solde correspondant à l’épargne logement – pour 1,1 milliard –, aux appels de garanties – pour 300 millions – et aux majorations de rentes viagères, pour 200 millions.

Pour ce qui concerne les charges de la dette publique – retracées dans un programme spécifique, l’objectif est triple : emprunter juste ce qu’il faut en gérant de manière optimale la trésorerie ; emprunter avec une bonne visibilité, tout en payant cette visibilité le moins cher possible ; répondre aux attentes des investisseurs afin de pouvoir placer avec régularité les titres auprès des marchés, dans de bonnes conditions, au profit du contribuable.

Cette mission, vous le savez, est confiée à l’Agence France Trésor, service à compétence nationale, rattaché au directeur général du Trésor et de la politique économique, et qui emploie 36 agents. L’Agence est chargée de gérer la dette négociable et la trésorerie de l’État, au mieux des intérêts des Français et dans le respect de strictes conditions de sécurité. La performance dans la gestion de la dette est évaluée au travers d’objectifs alliant sécurité et efficacité des opérations. Ces objectifs sont retracés dans le programme de performance du programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État », qui représente 40,796 milliards dans le PLF pour 2008.

Notre stratégie d’émission repose sur la régularité. La politique d’émission primaire de la dette de l’État doit s’adapter à la demande des investisseurs, tout en respectant un principe de régularité et de transparence, afin que le marché des valeurs du Trésor soit le plus liquide et le plus profond possible, ce qui permet à la France de financer des besoins importants, évalués à 120 milliards pour 2008. La composition de la dette de l’État a été rationalisée par la création de trois catégories de titres standardisés qui prennent la forme de valeurs du Trésor.

La première catégorie, ce sont les obligations assimilables du Trésor – les OAT –, qui portent sur des échéances allant de 7 à 50 ans, peuvent être à taux fixe ou variable et indexées sur l’inflation française ou celle de la zone euro. La deuxième catégorie recouvre les bons du Trésor à intérêts annuels, pour le moyen terme – deux à cinq ans. Ils peuvent être à taux fixe ou indexés sur l’inflation de la zone euro. Enfin, les bons du Trésor à taux fixes et intérêts précomptés concernent le court terme.

Le deuxième élément de notre stratégie consiste à privilégier une gestion active de la trésorerie, en vue de réduire la charge de la dette.

L’AFT a pour mission de veiller à ce que la situation de la trésorerie de l’État rende toujours possible le dénouement des opérations financières qui viennent s’imputer sur le compte unique de l’État, ouvert à la Banque de France, dans des conditions de sécurité maximale. Cet objectif doit être tenu, tout en maintenant chaque soir un solde de compte positif. L’agence suit donc en temps réel l’exécution des flux de recettes et de dépenses, de l’ordre de 22,5 milliards par jour, pour superviser la remontée quotidienne de la trésorerie de l’État et des correspondants du Trésor. Parallèlement, elle place les excédents ponctuels de trésorerie, dans les meilleures conditions de rendement, conformément aux objectifs fixés par le Parlement. Cette optimisation repose sur une gestion prévisionnelle du profil de trésorerie.

Enfin, au titre du troisième élément de notre stratégie, l’État doit faire face à un besoin de financement annuel de l’ordre de 100 milliards, qui correspond au déficit budgétaire et au refinancement de la dette arrivant à échéance. Il faut prendre en compte les besoins des investisseurs, pour faire face à ce besoin récurrent tout en assurant la liquidité des finances de l’État. En vue de couvrir ce besoin, l’AFT émet des titres de dette en euros présentant diverses caractéristiques et mobilisant l’épargne d’investisseurs aux profils variés – fonds monétaires court-termistes, fonds de pension à plus long terme ou indexés sur l’inflation. L’État étant confronté à un besoin de financement récurrent, ces canaux doivent être pérennes, et l’AFT s’interdit donc tout placement opportuniste, en privilégiant une alimentation régulière des marchés. Elle s’appuie pour cela sur vingt banques internationales, afin d’assurer la liquidité du marché secondaire auprès des investisseurs.

S’agissant de la gestion de la dette, le Gouvernement entend éviter l’opportunisme : nos objectifs sont la liquidité, la régularité, la transparence et l’innovation…

M. Jean-Pierre Balligand – Oh, là, là !

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – Comme en 2006 ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Il est important d’établir un lien de confiance durable avec les investisseurs. La régularité des placements permet, au final, de réduire le coût de la dette pour le contribuable.

Monsieur le rapporteur Baert, vous avez noté que la rémunération des prises en pension était inférieure à la cible…

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – Oh, ce n’est pas une question centrale !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Cela résulte d’une évolution des conditions de marché par rapport à celles qui prévalaient lorsque l’indicateur a été construit. Vous avez également noté que l’indicateur relatif à la mise en œuvre de la feuille de route était un indicateur de moyens plus que de résultats : je m’engage à ce que le Gouvernement le revoie l’an prochain, compte tenu de la pertinence de votre remarque.

Vous avez également noté que la gestion optimisée de la trésorerie faisait courir le risque de diminuer les recettes de placement, car l’État emprunte moins cher qu’il ne place. Je signale que le coût d’opportunité éventuel est de l’ordre de quelques millions, et donc très limité par rapport aux enjeux budgétaires des charges de la dette. En définitive, une trésorerie limitée réduit réellement la charge financière de l’État, car la volatilité des placements réduit leur rémunération.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez relevé que la réflexion sur la durée de vie moyenne de la dette ne peut être cantonnée aux opérations de marché sur les produits dérivés, puisqu’elle concerne le marché primaire des émissions de dette. C’est bien sur ce large périmètre que porte notre réflexion et nous sommes donc en plein accord avec votre remarque.

En commission, M. Gorges a souhaité savoir quelle serait la charge de la dette en 2012, avec le retour à l’équilibre. Les charges de la dette de l’État devraient continuer à progresser de 1,5 à 2 milliards par an…

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – Plutôt 2 milliards !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – …sauf baisse brutale des taux d’intérêt. En 2012, malgré le retour à l’équilibre des finances publiques, le déficit s’établirait à 0,8 point de PIB dans la trajectoire pluriannuelle des dépenses publiques, et la charge de la dette continuerait de croître, à un rythme beaucoup plus modéré.

M. Baert a également évoqué notre objectif en matière de dette : les 64,2 % du PIB réalisés en 2007 restent notre objectif. Cela est cohérent avec notre ambition de contenir le déficit public au niveau du solde stabilisant, à savoir moins 2,4% du PIB.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – Vous y croyez vraiment ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Cette année, les cessions ont baissé : 3,7 milliards attendus contre 17 milliards en 2006. Toutefois, cela ne remet pas en question nos objectifs car notre déficit se rapproche du déficit stabilisant. Le montant de la dette au deuxième trimestre – 66,6 % du PIB – est exprimé en brut. Or l’État s’endette en début d’année pour faire face aux décaissements prévus au second semestre, comme le remboursement des lignes obligataires en juillet et en octobre. Le ratio fluctue donc tout au long de l’année sans que cela puisse être interprété comme un dérapage. Notre objectif reste donc de 64,2 % en année pleine.

J’en viens au programme « Épargne », pour lequel 1,1 milliard est demandé en 2008, la dépense retraçant les primes d’État pour les plans et comptes d’épargne-logement, ainsi que l’épargne réglementée défiscalisée. Après l’annonce des mesures fiscales prévues en 2005 pour les PEL, une accélération très importante des clôtures de plans – et donc des dépenses de l’État – a été constatée. Les dépenses ont excédé les crédits et vos inquiétudes sont donc fondées. Nous nous attachons par conséquent à apurer la dette de l’État à ce titre, et des crédits sont prévus dans le cadre de la loi de finances rectificative.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial – Pour quel montant ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le programme « Majoration de rentes » concerne des dispositifs en extinction ; sa décroissance dépend donc de la survie des bénéficiaires. Plus précis que le PAP – dont vous avez regretté, Monsieur le rapporteur, qu’il ne donne qu’un chiffre global –, les recensements établis auprès des entreprises d’assurance et des mutuelles en évaluent le nombre à 534 000, dont 450 000 reçoivent leur rente des premières et 84 000 des secondes. Ces bénéficiaires sont âgés de 77 ans en moyenne.

Quant au programme « Appels en garantie de l’État », la prudence est de mise s’agissant de la corrélation entre volume des en-cours et performances du commerce extérieur, la diminution des premiers résultant en partie du remboursement de créances et non d’une moindre prise de risque. En outre, le champ d’intervention de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur est limité aux contrats particuliers, dans les cas où le marché privé de l’assurance fait défaut, ce qui représente 10 milliards d’euros par an, alors que le volume des exportations atteignait 390 milliards en 2006.

Vous avez suggéré, Monsieur le rapporteur, de mieux cibler les PME, mais l’assurance prospection leur est déjà réservée ; en outre, elles représentent 90 % des entreprises qui mettent à profit la couverture de change. Nous travaillerons néanmoins à améliorer encore le ciblage ; M. Novelli y veille.

Quant aux pays bénéficiaires de garanties proportionnelles au risque encouru, pour les cinq marchés jugés les plus porteurs – Inde, Chine, États-Unis, Russie et Japon –, la quotité garantie passe de 65 à 80 %. La présence de la Suisse dans la liste des pays couverts, qui a suscité des interrogations en commission, s’explique par la localisation dans ce pays du principal acheteur de bateaux de croisière, dont les contrats de vente à l’export sont garantis par l’État parce que le secteur privé hésite à s’engager et qu’il y va de l’activité de nos chantiers navals, en particulier à Saint-Nazaire. On retrouve ici des effets pervers déjà constatés à propos des Airbus.

S’agissant des comptes spéciaux partagés par le ministère de l’économie et par celui du budget – « Participations financières de l’État », « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » –, et qui ne font pas partie du budget général parce que les dépenses qu’ils regroupent sont assurées par des recettes spécifiques, le déficit se creuse, atteignant 467 millions, mais l’autorisation de découvert s’élève à 18 milliards.

L’examen du compte « Participations financières de l’État » fournit l’occasion d’évaluer le rôle que joue l’État actionnaire par l’intermédiaire de l’Agence des participations de l’État, placée sous l’autorité du ministère de l’économie. Comme votre rapporteur spécial l’a rappelé, les entreprises publiques sont dans l’ensemble en bonne santé : leur rentabilité a encore progressé en 2006, atteignant 8,5 % de leur chiffre d’affaires, contre 6 % pour les cinquante principaux groupes français dans les domaines de l’industrie et des services et 7,5 % pour les sociétés des secteurs non financiers du CAC 40. La progression des dividendes a accompagné l’amélioration des résultats ; quant aux investissements, ils s’élèvent à 31 milliards, contre 27,3 en 2006. Ces performances contribuent, lorsque des opérations de cession semblent justifiées d’un point de vue stratégique, au désendettement de l’État, auquel 87 % des produits de cession, soit près de 3,4 milliards, ont été affectés en 2007.

En ce qui concerne plus particulièrement la cession d’actions de France Télécom, les marchés y ont vu une preuve de la capacité de réaction de l’État actionnaire en cas de défaillance du marché, contrairement à ce qu’a affirmé M. Balligand. Véritable réussite technique, l’opération a permis d’affecter 2,6 milliards au désendettement de l’État. Pour en prendre la mesure, sans doute aurait-il fallu, Monsieur le député, que l’indicateur sur lequel vous vous êtes fondé porte sur une période de référence plus significative et intègre les dividendes perçus par l’État. Le ministère du budget s’efforcera donc de le perfectionner afin de l’adapter à des marchés extrêmement volatils.

M. de Rocca-Serra m’a interrogé sur le groupe de travail EADS. Il s’agit, à la suite de l’accord conclu à Toulouse, en juillet dernier, par le Président de la République et la chancelière allemande Angela Merkel afin de réformer et de simplifier la gouvernance du groupe, d’améliorer la structure de l’actionnariat à long terme de manière à assurer un contrôle durable du groupe par une base d’actionnaires stable et équilibrée, et de réfléchir aux moyens juridiques permettant de mieux protéger les intérêts stratégiques des deux États. Ceux-ci continueront d’étudier ces questions au cours des semaines à venir, en concertation avec les représentants des deux actionnaires de référence, Daimler et Lagardère, qui dialogueront avec l’État français par l’intermédiaire du ministère de l’économie.

À l’instar de M. Balligand, vous m’avez également interrogé, Monsieur de Rocca-Serra, sur le versement à l’ensemble des actionnaires d’EDF, au titre de l’exercice 2007, d’un acompte sur les dividendes de la société, dont le montant, approuvé par le conseil d’administration le 7 novembre dernier, représenterait la moitié des dividendes perçus en 2006, soit 0,58 euro par action. À ce titre, l’État, actionnaire du groupe à 87,3 %, percevrait 923 millions. Cette décision, conforme aux pratiques de nombreux groupes du CAC 40 – Total, Vinci, LVMH, Vallourec, Unibai, Arcelor-Mittal, entre autres – ou du secteur énergétique européen – Enel, Endesa ou Iberdrola –, ne concerne que les modalités de versement du dividende, dont le montant sera déterminé, selon l’usage, par les organes sociaux de l’entreprise et l’assemblée générale ordinaire des actionnaires au cours du premier semestre 2008. Quoi qu’il en soit, EDF a parfaitement respecté les engagements pris lors de l’IPO, qui concernaient 50 % du résultat net, hors éléments non récurrents. Je rappelle qu’EDF, ancien établissement public peu rentable confronté il y a trois ans à une crise stratégique et financière, représente aujourd’hui la première capitalisation de la place de Paris et un groupe puissant dont le pays s’honore ! Quel progrès !

M. Jean-Pierre Balligand – Grâce à l’État !

M. Jean-Michel Fourgous – Ne renationalisons pas !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État La réserve pays émergents, qui relève d’un autre compte spécial, sert à soutenir par des prêts concessionnels, dans une vingtaine d’États, des projets qui contribuent au développement économique des pays emprunteurs en mettant à contribution des biens et services français. La dotation demandée pour 2008 – 350 millions en autorisations d’engagement, soit 50 millions de plus qu’en 2007 – doit permettre le financement de nouveaux projets déjà identifiés, par exemple dans le secteur ferroviaire, notamment au Maroc, dans le cadre du développement de la vallée du Bouregreb, ou en Tunisie. Quant aux 120 millions demandés en crédits de paiement, ils visent à financer les prestations des entreprises françaises pour des projets en cours de réalisation ou qui seront menés à bien en 2008.

Ainsi tiendrons-nous notre promesse d’accroître l’aide publique dans le domaine du développement durable, conformément aux Objectifs du millénaire pour le développement. Voilà pourquoi le Gouvernement tient à préserver les moyens alloués à la réserve pays émergents, qui profite à l’emploi dans notre pays et permet à nos entreprises de faire face à une redoutable concurrence internationale s’agissant d’économies émergentes à fort potentiel de développement. Les PME sont concernées au premier chef : depuis 1998, plus de 50 % des marchés financés par la réserve ont bénéficié à des entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépassait pas 150 millions.

Quant à la mission « Provisions », qui relève du ministère du budget, elle concerne tout d’abord les rémunérations publiques : les 150 millions permettant de financer les exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires effectuées par des fonctionnaires de l’État – lesquels bénéficient de cette possibilité d’améliorer leurs revenus depuis le 1er octobre, au même titre que les fonctions publiques territoriale et hospitalière – n’auraient pu être répartis de façon fiable, au moment de la loi de finances initiale, entre les différents programmes.

L’évaluation de ce montant est incertaine, car nous ne pouvons être sûrs à l’avance du nombre d’heures supplémentaires qui seront travaillées dans les administrations de l’État. Monsieur Vigier, la monétisation des comptes épargne-temps n’étant pas prévue, il n’est pas nécessaire d’inscrire des crédits en provision.

La provision pour dépenses accidentelles et imprévisibles est reconduite au niveau de 2007. La mise en réserve des crédits, qui s’effectue désormais en début d’exercice et dans la transparence, nous permet de faire face, en cours d’année, aux dépenses qui seraient supérieures aux prévisions initiales, résultant, par exemple, d’aléas climatiques ou sanitaires. Elle a servi cette année à indemniser les sinistres provoqués par le cyclone Gamède, à la Réunion.

En ce qui concerne la mission « Remboursements et dégrèvements », je remercie le rapporteur spécial M. Cousin pour son analyse, qui a fait ressortir les spécificités de cette mission ainsi que les limites de son architecture actuelle. Cette mission regroupe à la fois des décaissements relevant de la seule mécanique fiscale, comme les remboursements de crédits de TVA, et des remboursements de crédits d’impôt qui sont la traduction de politiques publiques, comme la prime pour l’emploi. La première catégorie représentant plus des deux tiers des crédits de la mission, cela limite singulièrement la portée du constat selon lequel la mission est la plus importante du budget. Ce fait explique également que la mission soit en décalage avec les prescriptions de l’article 7 de la LOLF, et que ses objectifs soient limités à la qualité du service rendu aux contribuables.

Je me réjouis que le rapporteur spécial ait pris en considération, au-delà du rapport annuel de performance, tant les travaux de prévention visant à diminuer la fraude et les réclamations contentieuses que les conclusions de l’audit sur la gestion de la prime pour l’emploi. Cette vision globale l’a conduit à une appréciation positive du travail de nos services, et je l’en remercie.

Une part importante des crédits de la mission est liée aux dépenses fiscales. Le rapporteur spécial suggère d’adopter une norme de dépense élargie ; cela pose de nombreux problèmes, tant de mise en œuvre que de principe. En effet, seule la part des crédits d’impôt faisant l’objet de remboursements aux contribuables est retracée dans cette mission, la part imputée sur le paiement de l’impôt étant portée directement en atténuations de recettes. Le remboursement ne constituant qu’une partie d’un crédit d’impôt pour une année donnée, il ne semble pas pertinent de le soumettre à une norme. En outre, une estimation précoce du coût des dépenses fiscales est parfois fragile, en raison, par exemple, de comportements d’optimisation fiscale ; le rapporteur a cité à juste titre l’exemple du bouclier fiscal, très inférieur en 2007 aux prévisions techniques, du fait d’une certaine réserve des bénéficiaires potentiels, qui était impossible à anticiper.

Une partie de la dépense fiscale est largement anticipée par les acteurs économiques à partir des décisions gouvernementales. Si le pilotage budgétaire est relativement aisé pour le flux des dépenses nouvelles, il est beaucoup plus problématique en ce qui concerne le stock des dépenses fiscales existantes. Par exemple, le montant des dégrèvements locaux dépend des décisions de fixation des taux par les collectivités locales, sur lesquelles l’État n’a pas de prise. Les préconisations du rapport à cet égard nécessitent une réflexion préalable. Il faut concilier la crédibilité de la norme de dépense avec le pilotage des transferts de l’État aux collectivités et le souci d’assurer l’autonomie financière de celles-ci.

Je me réjouis que les diagnostics prononcés par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que par la Cour des comptes concordent avec celui du Gouvernement. La mission a été constituée, par défaut, de décaissements de diverse nature, qui ne s’articulent pas autour d’une politique publique unique. Une part de ces crédits rend certes compte de la poursuite de certaines politiques, mais seulement de manière fragmentaire. Une telle architecture ne peut être satisfaisante, et une refonte est donc souhaitable. Les suggestions des deux commissions des finances et de la Cour des comptes servent de base à la réflexion des services du ministère.

Les grandes lignes de la réforme sont claires. Les décaissements qui sont la conséquence directe du processus de recouvrement d’impôt, comme les remboursements de crédits de TVA ou la restitution des acomptes d’impôt sur les sociétés, pourraient être considérés comme des atténuations de recettes. Par ailleurs, les dégrèvements d’impôts locaux pourraient être rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les travaux préparatoires, préalables à cette refonte, promettent d’être riches, et je souhaite que le Parlement y prenne toute sa part.

Enfin, M. Balligand, qui m’a interrogé sur les commissions versées aux banques par l’Agence des participations de l’État, paraît ignorer que l’État français est l’acteur du marché qui paie le moins de commissions bancaires au monde, ce dont nous sommes fiers.

Telles sont les réponses que je souhaitais apporter à votre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », mis aux voix, sont adoptés.

PROVISIONS

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

Les crédits de la mission « Provisions », mis aux voix, sont adoptés.

REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », mis aux voix, sont adoptés.

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

ARTICLE 35 ET ÉTAT D

Le compte spécial « Participations financières de l’État », mis aux voix, est adopté.

AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

ARTICLE 35 ET ÉTAT D

Le compte spécial « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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