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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 15 novembre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
53ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2008 - SECONDE PARTIE (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008.

JUSTICE (SUITE)

QUESTIONS (SUITE)

Mme Catherine Quéré – Je vous ai écrit à propos de la réforme de la justice, mais vous n’avez pas daigné me répondre, Madame la ministre…

Vous l’avez dit vous-même : une réforme pénitentiaire est nécessaire. Il semble surtout que vous soyez déterminée à aller jusqu’au bout de votre réforme sans la moindre discussion, en particulier dans le cadre de ce budget qui oublie la réinsertion sociale des détenus.

Celle-ci passe par la formation professionnelle, mais votre politique n’en a cure ! Dans mon département, le désengagement de l’État a conduit à la rupture du partenariat entre le centre de détention de Bédenac et le centre de formation professionnelle agricole du CFPPA du lycée Georges-Desclaude de Saintes. Cette formation donnait pourtant des résultats très satisfaisants depuis 17 ans en matière de réinsertion et de prévention de la récidive. La rémunération perçue par les détenus leur permettait de préparer leur sortie de prison, mais aussi d’indemniser les victimes. Or cette formation est désormais morte et enterrée. Nous avons également appris que la capacité du centre de Bédenac devait quasiment doubler puisqu’il va accueillir 100 détenus supplémentaires.

Ce qui se passe sur le terrain contredit donc les objectifs affichés dans ce budget. Pourquoi faire rompre des partenariats qui avaient fait leurs preuves ? Pourquoi donner la priorité à l’enfermement au détriment de la réinsertion ? Ne pensez-vous pas que la réforme pénitentiaire ne saurait être seulement quantitative ? Mais le budget de la justice pour 2008 est bien loin des préoccupations qualitatives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice La réinsertion est pour nous essentielle, qu’il s’agisse de l’aménagement des peines ou des alternatives aux poursuites.

S’agissant de l’aménagement, nous en sommes arrivés à un taux sans précédent de 45 % des peines et de 10 % des condamnés, notamment grâce aux bracelets électroniques, dont nous avons élargi les modalités d’utilisation. Depuis le mois de juin, j’ai installé des conférences régionales d’aménagement des peines dans toutes les cours. La première conférence qui a eu lieu cet été, malgré les vacances judiciaires, a notamment permis d’augmenter encore le taux d’aménagement des peines.

Les crédits du ministère du travail affectés à la réinsertion par le travail s’élèvent à 10 millions d’euros, et ceux de la Justice – pour la réinsertion au sens large – à 340 millions. J’ajoute que le projet de loi pénitentiaire comprendra tout un volet de mesures relatives à la formation professionnelle et à la réinsertion. Permettez-moi de vous renvoyer aux premières conclusions du comité d’orientation restreint : vous verrez que la formation professionnelle et l’éducation ne sont pas oubliées… Par ailleurs, je suis tout à fait disposée à étudier la situation du lycée que vous avez évoquée.

Un mot enfin sur l’aide juridictionnelle : c’est un dossier que j’ai abordé avec les avocats. Nous avons discuté des compensations envisageables dans le cadre de la réforme de la carte pénitentiaire, et nous avons également parlé de l’aide juridictionnelle. J’ai effectivement mentionné l’excellent rapport du sénateur Roland du Luart, qui suggère en particulier un ticket modérateur. Mais il ne s’agit pas d’une proposition du Gouvernement. Je tenais à apporter cette précision.

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement. Ce matin, nous avons prié Mme la garde des sceaux de nous donner certaines informations. L’une vient de nous parvenir : le Gouvernement aurait pensé à un projet… qu’il ne met pas en œuvre ! Après avoir taxé les malades, voici qu’on taxerait les victimes !

En revanche, nous n’avons pas eu de réponse s’agissant de la réunion entre la ministre et les députés UMP, dont le contenu vient d’être rendu public par la presse. Nous autres, pauvres députés n’appartenant pas à l’UMP, devons nous contenter de cette seule tribune pour tenter de faire valoir nos arguments (Protestations sur les bancs du groupe UMP). J’aimerais que la ministre s’engage à traiter tous les députés de façon égale, qu’ils soient de la majorité ou non ! (Mêmes mouvements)

J’ai également noté que le président de la commission des lois restait bien silencieux dans nos débats, alors qu’il a manifesté contre les projets de la ministre dans sa circonscription, en compagnie des élus de gauche. Quelle est exactement sa position ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République – Vos propos sont inacceptables !

Mme Marylise Lebranchu – Certains parlementaires me disent négocier des compensations… Je trouve dommage qu’on en soit réduit à cela en matière de justice. Il y a quelque chose qui ne va pas ! Par ailleurs, comment pouvez-vous opposer le courage des uns à l’inertie des autres, comme si l’opposition actuelle avait été en dessous de tout ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

Cette réforme serait la conséquence de l’affaire d’Outreau, dites-vous. Or, le rapport de la commission d’enquête mentionne exclusivement les tribunaux de grande instance – la création des pôles d’instruction y est ainsi précisément estimée à 6,3 millions pour la première année.

Je ne comprends pas non plus que les propositions aillent très au-delà des rapports des présidents de cour. Et nous aimerions savoir quels sont les élus qui ont refusé des tribunaux de première instance. On m’a reproché pendant toute la campagne de 2002 de n’avoir pas créé un tribunal pour enfants à Morlaix. Or, que se passe-t-il ? On supprime le tribunal de grande instance !

Il est question d’audiences foraines. Mais n’oublions pas qu’il y en avait déjà, et qu’elles ont dû être abandonnées parce qu’elles imposaient des trajets très coûteux en temps et en argent. Il n’y a plus rien, maintenant, en Bretagne centrale (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Vous prétendez qu’il n’y aurait pas de lien entre les tribunaux d’instance et la commission « Outreau ». Or, celle-ci a conclu que nous devons réformer la carte judiciaire pour rompre l’isolement des juges et pour remédier à la dispersion des moyens, qui nuit à la qualité de la justice.

Sur 475 tribunaux d’instance, une centaine ne compte ni magistrat ni greffier, tandis que d’autres emploient leur personnel à temps incomplet. À Forcalquier, il n’y a pas de magistrat depuis des années !

S’agissant des rapports de chefs de cour, nous les examinons un par un et nous les mettons en ligne au moment où les rencontres que nous organisons ont lieu. Les propositions du comité consultatif ont en revanche été mises en ligne dès le 30 septembre car elles étaient de nature générale.

Vous pensez que les magistrats vont passer leurs journées sur la route à cause des audiences foraines. Non : il s’agit de regroupements d’audiences pour des contentieux très précis. Nous allons améliorer la qualité de la justice en regroupant les affaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Sylvia Pinel – Le barreau de Tarn-et-Garonne a voté hier soir, à l’unanimité, une grève générale et illimitée contre la suppression des cabinets d’instruction à Montauban au profit de la création d’un pôle d’instruction à Toulouse.

J’en viens à la situation catastrophique des prisons françaises, aujourd’hui connue de tous – les atteintes à la dignité et aux droits de l’homme dénoncées par de trop nombreux rapports sont une humiliation pour notre République. Il y a urgence. La « rupture » n’aura malheureusement pas lieu en 2008 car ce budget manque singulièrement d’ambition : les moyens accordés à l’administration pénitentiaire demeurent insuffisants. Le budget augmente globalement, mais les crédits d’investissement reculent de 30 %. Vous donnez une fois de plus la priorité à la création de nouveaux lieux d’enfermement, sans d’ailleurs parvenir à réduire la surpopulation carcérale : selon le rapporteur spécial lui-même, la population détenue devrait en effet être de 72 000 personnes en 2012, mais, « à l’issue de l’actuelle programmation, le parc pénitentiaire atteindra 60 700 places ». Il manquera donc encore dix mille places, ce qui implique « d’envisager dès à présent un nouveau programme » ! Mais quand, Madame la garde des sceaux, envisagerez-vous les peines autrement que sous le seul aspect de l’enfermement ? Quand privilégierez-vous la réinsertion ? Quand revalorisez-vous les métiers de l’administration pénitentiaire ? Quand nous présenterez-vous la loi pénitentiaire que vous ne cessez de différer ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour l’accès au droit -  Vous ne l’avez jamais fait !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Je rappelle que la constitution de pôles de l’instruction a été prévue par la loi du 5 mars 2007 pour tirer les conséquence de l’affaire d’Outreau. Il ne s’agit pas de justice de proximité mais de pôles techniques, et il ne peut y en avoir partout. Trois juges doivent être rassemblés, qui traitent chacun soixante affaires. Les critères d’implantation de ces pôles sont donc des critères objectifs.

Depuis 2002, des programmes immobiliers sans précédent ont été décidés. Jamais les gouvernements de gauche n’ont construit une place de prison. Nos prisons ne sont pas à l’honneur de la France, c’est vrai. Au moins la majorité a-t-elle agi en mettant en chantier des établissements nouveaux destinés à accueillir les détenus dans des conditions décentes, car la prison n’est pas un bannissement : elle doit aussi tendre à la réinsertion des personnes incarcérées. C’est ce que nous visons. En 2012, nous en serons à 63 000 places. Le budget 2008 comporte les crédits pour sept nouveaux établissements et 1 100 postes supplémentaires, dont 150 postes destinés aux services de probation et de réinsertion. D’ailleurs, un effort inédit a eu lieu depuis 2002 en faveur de la probation et de la réinsertion, effort qui ne se dément pas.

Sur un autre plan, nous avons atteint un taux record d’aménagement des peines, et il progresse encore. Le 1er août dernier, j’ai signé un décret élargissant les possibilités de recours au bracelet électronique. Les alternatives à l’emprisonnement sont une des priorités du Gouvernement.

Je vous rappelle enfin qu’aucune loi pénitentiaire n’a été soumise au Parlement depuis 1987. Un nouveau projet vous sera présenté dans quelques mois.

M. Thierry Benoit – Au regard d’une dette publique qui excède 1 200 milliards, peut-on se satisfaire que les crédits de la justice aient progressé de près de 40 % depuis 2002 sans résultats probants ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Certes, le taux de réponse pénale a augmenté, mais le nombre de décisions rendues a baissé de 7 % en cinq ans, ce qui dit le degré de saturation de nos tribunaux. Pour les désengorger, vous prévoyez la création de 1 615 postes destinés, selon vous, à favoriser l’exercice d’une justice plus rapide, plus compréhensible et d’un accès plus facile. Vous prévoyez aussi de consacrer 67 millions au développement de programmes informatiques « accessibles au plus grand nombre ». L’intention est louable, mais c’est faire peu de cas des quelque 37 millions de Français qui n’ont pas encore accès à l’Internet ; il aurait fallu, pour les prendre en considération, avoir une approche moins draconienne que la vôtre de la réforme de la carte judiciaire. La suppression de près de la moitié des tribunaux d’instance ne sera jamais compensée par l’essor de l’informatique !

M. Patrick Roy – Jamais !

M. Thierry Benoit – Pire : la réforme telle que vous l’entendez risque d’entraîner la saturation rapide des pôles judiciaires. Cela me conduit à vous demander la poursuite de la concertation préalable à la réforme. Pour ce qui est du ressort de la cour d'appel de Rennes en tout cas, vous avez organisé la concertation à votre manière. À votre demande, je vous ai écrit pour vous faire part de mes propositions. S’agissant des tribunaux d'instance, je vous ai suggéré de mutualiser les services de ceux de Vitré et de Fougères mais ma proposition, qui recoupe celle du premier président de la cour d'appel de Rennes, est restée sans réponse. Je vous demande de pouvoir l’étudier avec vous car, outre l'efficacité, la qualité et la proximité de la justice, vous devez prendre en compte l’aménagement du territoire, et l’attrait des villes moyennes et des campagnes lié à la présence de services publics (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Vous avez été reçu à mon cabinet, Monsieur Benoit, et l’on a fait valoir devant vous que l’activité des tribunaux d’instance de Vitré et de Fougères est insuffisante pour occuper un magistrat à temps plein. Nous avons pris en considération l’aménagement du territoire, puisqu’un guichet unique du greffe sera installé à Loudéac. Plus généralement, améliorer la qualité de la justice ne signifie pas automatiquement augmenter ses moyens mais rationaliser l’allocation de ceux-ci en réformant les structures. C’est ce à quoi tend la réforme. Enfin, des économies très considérables ont été réalisées en matière de frais de justice.

M. Arnaud Montebourg – Vous resterez certainement, Madame la ministre, la garde des sceaux qui aura laissé dans son sillage des déserts judiciaires dans nos campagnes, en usant d’une méthode inacceptable. À la violence politique… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Calvet – C’est du courage !

M. Arnaud Montebourg – …s’ajoutent le clientélisme et les passe-droits consentis à vos amis politiques (Huées sur les mêmes bancs) et beaucoup s’en souviendront… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Roy – Il a raison !

M. Arnaud Montebourg – Votre inconséquence est à la mesure de votre incompétence… (Interruptions et huées sur les bancs du groupe UMP)

M. François Calvet – Goujat !

M. Arnaud Montebourg – …qui vous pousse à vous réfugier derrière le rapport sur l’affaire d’Outreau pour justifier l’injustifiable – à savoir la suppression de 250 tribunaux d’instance sur 420 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Et nous savons tous qu’il n’y aura pas de « justice à domicile », selon votre dernière formule, pour les quelque 800 000 personnes sous tutelle, car les juges ne se déplaceront ni dans les hôpitaux, ni dans les maisons de retraite ! Cette argumentation fallacieuse est grotesque ! (Huées sur les bancs du groupe UMP) Dans le même temps, nous apprenons par la presse que le maire d’Aubusson et conseiller général, qui a demandé à être entendu par vous pour obtenir le maintien du tribunal d’instance, commence une grève de la faim, tout en déplorant qu’il lui faille en venir à cette mesure ultime pour espérer se faire entendre d’un pouvoir qui ignore délibérément les élus. Le monde rural se souviendra de l’improvisation et de la dureté avec lesquelles vous dirigez ou prétendez diriger ce ministère (Intense brouhaha sur les mêmes bancs). Il est bon que ces choses soient dites ! Même M. Copé s’est déclaré surpris par votre évocation d’une franchise sur l’aide juridictionnelle ! Vous ne discutez même pas avec vos propres amis politiques ! J’en appelle donc à eux (Huées sur les bancs du groupe UMP) pour qu’ils vous retiennent, car quand l’arrogance se manifeste, les retours de bâton politiques ne sont jamais loin ! (Huées sur les bancs du groupe UMP)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux  Vos propres incompétences sur des sujets de fond sont apparues de manière flagrante au cours de la campagne électorale. Pour le reste, je ne répondrai pas à vos propos insultants, car vous avez dépassé la limite du tolérable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

JUSTICE

M. le Président - Je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public sur les crédits de la mission « Justice ».

M. Arnaud Montebourg – Étant donné les attaques de la garde des sceaux, je demande une suspension de séance afin que notre groupe arrête sa position pour la suite.

La séance, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 15 heures 40.

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

M. le Président – Sur le vote de l’amendement 224, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

Mme Marie-Lou Marcel – Pour 2008, les crédits inscrits pour l’accès au droit et à la justice s’élèvent à 368 millions en autorisations d’engagement et 335 millions en crédits de paiement. Ceux qui sont destinés à l’aide juridictionnelle sont inférieurs de plus de 3 % à ceux de 2007 qui étaient déjà insuffisants. Le Gouvernement a annoncé un rétablissement de crédits pour 8,9 millions, mais nous n’avons aucune certitude sur ce point. Par l’amendement 224, nous demandons donc le redéploiement de 30 millions vers l’aide juridictionnelle. Le nombre de demandes sera en effet bien supérieur en 2008 à ce qu’il aura été cette année, et l’on n’a pas tenu compte dans le budget de l’effet mécanique de la réforme de la carte judiciaire et de la mise en place des pôles de l’instruction. Avez-vous pensé comment, avec cette réforme, vont être traités les usagers de la justice, surtout les plus modestes ? Dans l’Aveyron, 50 % des citoyens sont éligibles à l’aide juridictionnelle, et les délinquants ne sont pas les seuls à avoir affaire à la justice – c’est aussi le cas des victimes, des parents divorcés, des enfants de parents séparés... Les affaires quotidiennes qui les concernent sont le lot presque exclusif des tribunaux d’instance dont vous voulez, avec une telle obstination, réduire le nombre de moitié. La proximité de la justice n’est vraiment pas votre préoccupation première.

Pour les affaires pénales, victimes et témoins devront se déplacer à grands frais – à moins que vous n’organisiez les navettes qui vont devenir indispensables pour ceux qui iront remplir leur devoir ou défendre leur droit ? Dans mon département, vous rayez de la carte trois tribunaux d’instance et un tribunal de grande instance. Vous supprimez aussi le pôle de l’instruction de Rodez, sans compter les graves menaces qui pèsent sur les tribunaux de prud’hommes, en particulier celui de Decazeville. Avec la suppression du tribunal d’instance de Villefranche-de-Rouergue, il faudra, pour une affaire simple, faire 80 km, soit deux heures de route. Il en va de même dans les autres cas de suppression car l’Aveyron, cinquième département français pour la superficie, est l’un des plus enclavés. Pour accompagner des prévenus au pôle d’instruction de Montpellier, les gendarmes perdront 14 heures dont six heures de route.

M. Richard Mallié – Cela n’a rien à voir avec l’amendement.

Mme Marie-Lou Marcel – Il en ira de même pour les témoins et sans doute pour l’avocat. En l’absence de liaison par train, le déplacement routier leur coûtera 190 euros. Or l’aide juridictionnelle ne couvre pas les frais de déplacements.

Si une réforme de la carte judiciaire est justifiée, ce qui ne l’est pas, c’est votre façon de procéder, sans concertation aucune avec les élus. Ainsi, lors de votre déplacement à Montpellier, vous n’avez reçu que les parlementaires de la majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – On est loin de l’amendement.

Mme Marie-Lou Marcel – Cessez de déménager le territoire et de créer des déserts judiciaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. René Couanau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – La commission n’a pas examiné l’amendement. À titre personnel, je ne donne pas un avis favorable. En effet, les crédits de l’aide juridictionnelle inscrits au budget 2007 n’ont pas été entièrement consommés. Il n’y a donc pas lieu de les augmenter. Et s’il fallait procéder à un ajustement, ce serait fait en cours d’année. D’autre part, vous proposez de supprimer 12 millions sur les dépenses de structures alors que les juridictions ont des besoins énormes, 5 millions sur les crédits informatiques alors qu’il faut procéder à la numérisation, et de ne pas aménager de nouveaux locaux pour le palais de justice de Paris alors que tout le monde en reconnaît la nécessité.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux D’abord, on ne supprime pas le pôle de l’instruction de Rodez, puisqu’il n’existe pas ! Ces pôles ne sont pas encore mis en œuvre. À Rodez, il y a 45 affaires à l’instruction pour 2 800 affaires pénales. Il en faut au moins 60 pour créer un pôle. On est donc bien en-deçà.

Vous proposez de diminuer de 30 millions les crédits des services judiciaires pour les affecter à l’aide juridictionnelle. Vous prenez donc des crédits destinés aux magistrats, fonctionnaires et greffiers. Cela irait à l’encontre de notre objectif d’améliorer les moyens de la justice. Par ailleurs, sur les 327 millions de crédits d’aide juridictionnelle inscrits pour 2007, 320 millions à peine seront consommés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il faut cinq mois pour obtenir cette aide !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux Il est donc inutile de les augmenter. Avis défavorable à l’amendement.

M. Étienne Blanc – Je rappelle que les socialistes ont tenté de modifier la carte judiciaire en 1990, à l’initiative du garde des sceaux de l’époque, Henri Nallet, qui avait créé à cette fin des comités de pilotage, des comités d’experts et des comités de concertation, mais a quitté la chancellerie sans avoir fait la moindre réforme. Élisabeth Guigou a remis le projet sur le métier en 1997, créant des comités locaux de consultation, un groupe d’exploitation et de synthèse, dont une cellule était chargée d’évaluer les propositions, et organisant une concertation interministérielle qui n’avait pas pour but de déboucher sur des décisions, mais simplement de définir des orientations. En octobre 2000, Marylise Lebranchu organisait à son tour les entretiens de Vendôme, qui ont entraîné une concertation, suivie d’une synthèse, elle-même transmise à un comité de coordination, qui n’avait d’autre but que de fournir des éléments de méthode pour une future décision ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

De ce galimatias n’a résulté qu’un seul projet de réforme, visant à installer à Bressuire une chambre détachée du tribunal de grande instance de Niort, mais aussitôt abandonné !

Un député du groupe UMP – C’est cela, la gauche !

M. Étienne Blanc – N’est-ce pas faire preuve de forfanterie que prétendre vouloir adapter le système judiciaire du pays quand on n’a même pas été capable de le faire à Bressuire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Blisko – Monsieur Blanc, votre mauvaise foi – il n’y a pas d’autre mot – est surprenante. Si votre historique est exact (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), vous oubliez que la concertation que nous avons engagée dans les années 1990 – et qui fait cruellement défaut aujourd’hui, comme en témoignent les divisions qui perturbent vos propres rangs – a débouché sur la création de tribunaux d’instance à compétence élargie. Nous avions ainsi tourné le dos au critère démographique, qui est tout sauf démocratique ! De fait – Marie-Lou Marcel l’a bien montré –, au-delà du mépris dont témoigne votre projet envers les élus, les avocats et tous ceux qui font vivre la justice dans l’intérêt des justiciables, la désertification du territoire et la difficulté d’accès à la justice ne permettent plus de s’en tenir à des chiffres ! Il y va du gouvernement des âmes, des choses et de la justice. Sans misérabilisme, que prévoyez-vous pour les justiciables les plus pauvres – ceux qui relèvent du tribunal d’instance – qui, parce qu’ils ne possèdent pas de voiture, sont réduits, comme les juges uniques d’instance en témoignent, à venir à vélo ou à mobylette, voire à pied ?

La réponse de Mme la garde des sceaux à la défense de l’amendement n’est donc pas satisfaisante. Les 30 millions que nous proposons de transférer à l’aide juridictionnelle permettraient à ces catégories de population d’accéder au droit et à la justice ! Si demain un vent de nihilisme, voire d’extrémisme, souffle sur le pays, ne vous en étonnez pas !

Si nous proposons par ailleurs de puiser deux millions dans les crédits d’études destinés au nouveau palais de justice de Paris, c’est parce que le projet n’a suscité l’accord ni des élus parisiens – ce qui pourrait à la rigueur s’expliquer par des raisons politiques -, ni surtout des professionnels – représentés notamment par la conférence des bâtonniers et par le conseil de l’ordre des avocats (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Pour avoir accès aux documents sur lesquels se fondent les analyses du ministère de la justice – qui datent de 1995 ! –, le barreau de Paris a même dû présenter un recours devant la commission d’accès aux documents administratifs !

Enfin, puisque vous aimez les chiffres, qu’en est-il des 700 à 900 millions d’euros – somme faramineuse ! – qui iraient au TGI de Paris, sans concertation ni inscription dans le budget, alors même que l’on supprime à tour de bras et que l’on nous oppose le coût d’un million d’euros pour la réimplantation des tribunaux d’instance supprimés dans de nouveaux bâtiments ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC)

Mme Marylise Lebranchu – Monsieur Blanc, vous m’avez citée nommément, mais vous oubliez, comme toujours, MM. Méhaignerie Toubon, Perben et Clément ! Quant à Bressuire, j’assume pleinement mes responsabilités : si nous n’avons pas fermé le tribunal de grande instance, c’est parce qu’après avoir consulté parlementaires, magistrats et avocats, j’ai décidé de commencer par créer les tribunaux de première instance et qu’en quatre mois, je n’ai tout simplement pas eu le temps de faire davantage !

Un député du groupe UMP – Au bout de dix ans ?

Mme Marylise Lebranchu – De 2002 à 2007, rien n’a changé ; je reste pour ma part persuadée que les tribunaux de première instance sont une excellente idée. On ferme le tribunal de Bressuire dont relèvent 17 000 personnes, mais on conserve ceux des Sables-d’Olonne, qui en concerne 15 000, ou de Coutances, qui compte 9 500 habitants ! Est-ce cela, la justice ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

À la majorité de 139 voix contre 79 sur 218 votants et 218 suffrages exprimés, l’amendement 224 n’est pas adopté.

M. Jean-Louis Léonard – L’amendement 229 devrait satisfaire M. Blisko ; en effet, on pourrait l’appeler « l’amendement des rats des champs contre les rats des villes » ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP) Madame la garde des sceaux, il faut du courage pour entreprendre une réforme qui n’avait pas été menée de manière aussi méthodique depuis vingt ans, et les députés de province sont bien placés pour mesurer la difficulté de la tâche.

Certaines villes dont le tribunal de grande instance ou d’instance doit être supprimé ont le sentiment de perdre leur rang ; cet amendement, que j’ai déposé avec M. Le Fur, propose de rétablir l’équilibre. La Bretagne et le Poitou-Charentes – qui perd deux TGI et quatre tribunaux d’instance, dont ceux de Bressuire, qui vient d’être évoqué, et de Rochefort - sont particulièrement lésés. Dans certaines villes, vous proposez de remplacer les tribunaux supprimés par des maisons spécialisées facilitant l’accès au droit et à une justice de proximité : bonne idée, mais qui ne bénéficie d’aucune enveloppe budgétaire, et, à en juger par l’atmosphère qui règne dans l’hémicycle, on ne peut guère espérer que les collectivités locales se substitueront à l’État !

La province est donc fortement sollicitée, mais l’effort est-il bien partagé avec Paris ? Nous ne le pensons pas. Pourquoi ne pas regrouper les tribunaux d’instance de la capitale, qui en compte un par arrondissement, ce qui ne complique aucunement les déplacements – hors période de grève (Sourires) – et ne se justifie nullement par le poids démographique des arrondissements concernés ? À titre d’exemple, pour se rendre à Lorient, les habitants de Pontivy devront parcourir 60 kilomètres, en 50 minutes quand tout va bien. Le tribunal de grande instance de Rochefort – le plus important de ceux que vous supprimez – couvre un territoire de 100 000 habitants et traite 3 500 affaires pénales par an. Vous commettez sans doute une erreur en le supprimant, mais il va falloir financer cette erreur et donc trouver 15 à 20 millions, que vous n’avez pas ! Or à Paris, certains tribunaux d’instance ne desservent qu’une population de moins de 20 000 habitants ! Songez que le tribunal d’instance de Loudéac, appelé à disparaître, dessert, lui, 40 000 habitants.

Toute réforme doit obéir à l’équité. Pourquoi ne pas envisager pour Paris aussi des regroupements ? La capitale doit, comme les régions, prendre sa part des sacrifices qu’implique la réforme et que les Français ne consentiront qu’à ce prix.

Nous proposons donc de puiser 6 millions dans les crédits de fonctionnement des tribunaux d’instance parisiens pour financer la création des maisons de la justice et du droit et les études sur le regroupement des tribunaux (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Mme Françoise Hostalier – Très bien !

M. Michel Hunault – J’ai pris bonne note que l’opposition considérait que les réformes n’allaient pas assez vite. Les députés du groupe du Nouveau centre soutiennent ce projet de budget qui marque une volonté politique. Vous avez déclaré être attachée à l’accès au droit pour tous, Madame la ministre. Cela est d’autant plus important lorsqu’un tribunal d’instance doit être supprimé. Une deuxième génération de maisons de la justice et du droit, rassemblant les auxiliaires de la justice – dans une optique, notamment, de prévention des conflits – est en préparation. L’amendement 230 vise à les renforcer en destinant cinq millions au lancement d’études et de projets dès 2008.

Madame la ministre, votre courage mérite d’être salué. Tenez bon ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. René Couanau, rapporteur spécial Je comprends le caractère symbolique de l’amendement 229 qui demande de répartir les efforts entre la province et Paris. Toutefois, il n’existe pas de ligne budgétaire pour les tribunaux d’instance de la capitale. Il faut trouver, pour soutenir la création de maisons de la justice et du droit là où c’est nécessaire, une formule financière qui ne rogne pas sur le peu de marges de manœuvre dont disposent les services judiciaires. En effet, des transferts pourraient réduire d’autant les moyens consacrés par les juridictions à l’informatisation, à la modernisation ou aux efforts de gestion. Madame la ministre, l’idéal serait de prélever trois millions sur les crédits des actions 3 « Études et recherches » et 4 « Gestion commune ».

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – Il est en effet important de développer les maisons de la justice et du droit de deuxième génération et de revoir ainsi le périmètre de l’instance. Je suis favorable à ce que trois millions de crédits supplémentaires leur soient octroyés.

M. le Président – Si M. Hunault en est d’accord, les amendements 229 et 230 pourraient être pareillement rectifiés, de manière à fixer à trois millions le montant du transfert opéré du programme « Justice judiciaire » vers le programme « Accès au droit et à la justice ». Ces amendements seraient alors identiques.

Mme Corinne Erhel – Opposer les départements les uns aux autres n’est pas acceptable. En revanche, des moyens supplémentaires pour une justice de proximité sur l’ensemble du territoire sont nécessaires. L’exposé des motifs de l’amendement 229 évoque la région Bretagne où dix tribunaux d’instance et trois TGI seront supprimés. Madame la ministre, pourriez-vous nous dire sur quels critères vous vous êtes fondée pour décider de la suppression du TGI de Guingamp, du tribunal d’instance de Lannion et du greffe détaché de Paimpol ?

Tout l’ouest des Côtes-d’Armor est ainsi concerné. Les chefs de cour, pour leur part, ne mentionnent ni Lannion ni Guingamp, ce qui signifierait que vous allez bien au-delà de leurs conclusions. Or le TGI de Guingamp a un ressort de plus de 180 000 habitants et le tribunal d’instance de Lannion rend, notamment, 2 500 décisions pour les tutelles, ce qui est loin d’être négligeable. Par ailleurs, je veux préciser qu’en déplacement à Rennes, vous n’avez pas souhaité écouter les propositions que M. Urvoas et moi-même avions à vous faire. Je souhaiterais connaître votre conception de l’aménagement du territoire, Madame la ministre.

M. Yvan Lachaud – En tant que député du Languedoc-Roussillon, je tiens à dire qu’un certain nombre de parlementaires de l’opposition ont pu largement s’exprimer lorsque la garde des sceaux est venue à Montpellier !

Les amendements 229 rectifié et 230 rectifié, acceptés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

À la majorité de 136 voix contre 81 sur 219 votants et 217 suffrages exprimés, les crédits de la mission « Justice » sont adoptés.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux – La majorité vient d’apporter son soutien à ce budget et aux réformes – parfois difficiles – qui sont en cours, et je l’en remercie. Je suis attachée au dialogue, dans la dignité, avec la représentation nationale. Le débat est légitime. Mais sur un sujet aussi sensible, les avancées sont subordonnées au respect de chacun : des élus, des professionnels et des Français au nom desquels la justice est rendue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 20.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan – La mission « enseignement scolaire » associe le ministère de l’éducation nationale, pour cinq programmes, et celui de l’agriculture et de la pêche, pour un programme. Elle reste de loin le premier budget de l’État, avec 59,26 milliards d’euros en crédits de paiement et 59 milliards en autorisations d’engagement. À périmètre constant, le budget de l’enseignement scolaire progresse de 1,17 milliard – soit 2,03 % – par rapport à 2007.

Il permettra de répondre à trois grandes priorités : l’accompagnement éducatif après les cours pour les élèves du collège, la progression de la scolarisation des enfants handicapés et la poursuite de la mise en œuvre de la loi pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005. Mais il faut aller plus loin et rénover notre système éducatif si nous voulons que ses résultats puissent être comparés à ceux des meilleurs systèmes étrangers.

M. Patrick Roy – Ce n’est pas en réduisant les postes que cela ira mieux !

M. Yves Censi, rapporteur spécial –La réflexion sur le métier d'enseignant est ouverte. Elle abordera tous ses aspects : missions, salaires, carrières, horaires, charge de travail. Est également ouvert le chantier de la grille horaire des enseignements, la charge horaire de nos élèves étant – au lycée notamment – plus lourde que dans les pays européens aux systèmes les plus efficaces.

L'effort de rationalisation a été réel au cours des trois dernières années : gestion stricte des dotations horaires par les établissements, mobilisation des surnombres disciplinaires, restriction des mises à disposition, amélioration de l’efficacité du remplacement, limitation des sureffectifs. Cette modernisation se poursuivra dans d'autres domaines.

L'année 2007-2008 est celle de la définition du socle commun de connaissances et de compétences, qui entraînera une révision des programmes. Le socle devra devenir réalité à la rentrée 2008 ; les premiers élèves le valideront à l'issue de l'année scolaire. Cet élément majeur de la loi de 2005 suppose une grande continuité dans la mise en œuvre. Je me félicite donc, Monsieur le ministre, que vous poursuiviez l’effort.

La mission « enseignement scolaire » participe à l'effort de maîtrise de la dépense publique. 11 200 équivalents temps plein ne seront pas remplacés. Le plafond d’emplois de l’enseignement public du second degré est abaissé, en lien avec la baisse des effectifs d’élèves.

En contrepartie, les enseignants verront leur pouvoir d’achat augmenter grâce à des mesures catégorielles et à la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires. Une revalorisation des perspectives de carrière et des régimes indemnitaires est prévue.

150,4 millions sont destinés à ces mesures catégorielles – extension en année pleine des mesures de 2007 et mesures nouvelles. Il s’agit de la poursuite de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, de l'amélioration des perspectives de carrière et de la modification du classement des établissements, de mesures en faveur des personnels d'encadrement, de la requalification de la filière laboratoire et de la revalorisation des régimes indemnitaires des personnels non enseignants, tous points évoqués lors des auditions auxquelles j’ai procédé.

L'accompagnement éducatif après la classe est entré en vigueur dans les collèges de l'éducation prioritaire dès novembre et semble rencontrer le succès. Sa généralisation appelle une concertation approfondie avec les collectivités territoriales, afin que celles-ci puissent prévoir les coûts de cette réforme, notamment pour ce qui concerne les transports scolaires, surtout en milieu rural. Cent quarante millions sont inscrits à ce titre : 43 pour la rémunération des heures supplémentaires effectuées par les enseignants volontaires, 62 pour le recrutement de nouveaux assistants d'éducation – 1 000 au 1er janvier 2008 et 5 000 à la rentrée 2008, sachant qu’il faudra 117 millions en année pleine – et 35 pour les subventions aux partenaires externes des études dirigées.

La scolarisation des enfants et adolescents handicapés, qui répond à une forte demande, progresse. Deux cents nouvelles unités pédagogiques d'intégration seront créées en 2008 : 166 dans l'enseignement public et 34 dans l'enseignement privé. L’objectif est d’arriver à 2 000 en 2010. Le recrutement des auxiliaires de vie scolaire – AVS – se poursuivra ; 2 700 ont été recrutés par anticipation à la rentrée 2007 ; 1 700 autres seront chargés en 2008 d'un accompagnement collectif. En outre, les 7 800 contrats aidés qui assurent l’accompagnement d'élèves handicapés seront reconduits en 2008. Il faut cependant veiller à recruter des personnels formés ou expérimentés et à les fidéliser dans les établissements, et le recours aux contrats aidés ne paraît pas à cet égard la meilleure solution.

Le Gouvernement a souhaité faire progresser le pouvoir d'achat des enseignants en leur donnant la possibilité d'effectuer davantage d'heures supplémentaires défiscalisées et exonérées de charges sociales. La création de 125 000 heures supplémentaires-année est prévue pour 2008, ainsi que de 1 200 000 heures supplémentaires exceptionnelles. Au total, les mesures concernant les heures supplémentaires devraient permettre d'augmenter le pouvoir d'achat des enseignants de 400 millions d'euros.

Il faut souhaiter que les enseignants s'approprient ce nouveau dispositif.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – C’est ce qu’ils font.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – La réduction du nombre de postes administratifs dans les établissements suscite l'inquiétude chez certains responsables : il faudra veiller à ce qu’elle n’entrave pas le bon fonctionnement des établissements et à ce que la présence adulte soit suffisante. Le personnel administratif, souvent recruté en contrats aidés, est insuffisamment formé, et la courte durée des contrats conduit à perdre la personne au moment où elle a acquis une compétence et commence à être bien implantée dans la région.

M. Patrick Roy – Eh oui, c’est absurde !

M. Yves Censi, rapporteur spécial – J'approuve pleinement la création de 300 postes d'infirmières, après les créations de postes de 2007. Le taux d'encadrement des élèves par les médecins et les infirmières reste insuffisant, mais le recrutement s'avère difficile ; le concours national n’étant pas une procédure adaptée aux candidats qui ont déjà travaillé de nombreuses années en milieu hospitalier ou en secteur libéral, il faudrait avoir recours aussi à des contrats à durée indéterminée et accepter le recrutement sur validation des acquis professionnels.

Les besoins d'accompagnement médical, psychologique et social des jeunes étant grands, le ministère ne pourra satisfaire tous les besoins. Pour la médecine scolaire comme pour les assistantes sociales, il conviendrait donc de créer des partenariats afin d'établir un fonctionnement en réseau ; je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes ouvert à ces évolutions.

Je veux aussi rappeler l'importance de l'expérimentation locale, et je souhaiterais qu'un bilan détaillé en soit dressé, dans un but d'information et d'échange. Une mutualisation systématique devrait être instaurée entre les rectorats, qui pourraient à cet effet désigner un correspondant et créer un réseau intranet.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Bonne idée.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – Vous voulez instituer dès la rentrée 2008, Monsieur le ministre, des évaluations annuelles des compétences fondamentales et de la langue vivante à l'école élémentaire. C’est une excellente initiative, le mode d’évaluation de notre enseignement étant à construire ; les objectifs et indicateurs introduits dans le cadre de la LOLF sont un premier outil, mais il en faut d'autres.

S’agissant de la gestion des crédits, et notamment des transferts, j'ai constaté l'aspiration des représentants des enseignants et des directeurs d'établissement à être mieux informés des décisions prises par les rectorats.

Enfin, je voudrais par votre intermédiaire, Monsieur le ministre, attirer l'attention du ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation préoccupante de l'enseignement technique agricole. La dotation globale horaire des établissements est insuffisante – en particulier dans les établissements privés, qui scolarisent la majorité des élèves. Il faut faire preuve de volontarisme en faveur de ces établissements, qui assurent un enseignement précieux pour l'agriculture et l'économie de notre pays, qui participe à l'animation des territoires et qui offre à un public souvent défavorisé de bonnes chances d'insertion.

Ces établissements manquant de moyens, il faut éviter les annulations de crédits. J’ai en outre déposé des amendements pour réévaluer certains postes de dépenses pour l'enseignement agricole privé – crédits de fonctionnement et moyens destinés à l'accompagnement des élèves handicapés. J’appelle le ministre de l’agriculture à remédier à la budgétisation insuffisante de certaines actions.

En conclusion, ce budget est très équilibré.

M. Patrick Roy – L’équilibre, pour vous, c’est la suppression de postes !

M. Yves Censi, rapporteur spécial – Il permettra de poursuivre l'action entreprise en 2005 avec le vote de la loi sur l'avenir de l'école, en faveur d’un enseignement plus efficace, d’une meilleure évaluation des résultats, d’une organisation plus performante, d’une maîtrise des coûts, de l'intégration des élèves handicapés, et enfin de l'expérimentation. C'est pourquoi je vous propose, au nom de la commission des finances, de l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – « De tout ce que la République a entrepris, l'école était sans doute sa plus belle réussite. Grâce à elle, chacun devenait libre. Libre de ses jugements, libre de ses croyances, libre de son destin. Grâce à elle vivait l’égalité des chances ».

C'est ainsi que s'exprimait le candidat Sarkozy dans son discours d'Angers en décembre 2006. Aujourd'hui, la rénovation de l'école et la refondation de notre éducation sont devenues des priorités du quinquennat. Ce budget, Monsieur le ministre, confirme vos engagements lors de votre prise de fonctions : consolidation de la loi sur l'avenir de l'école, recherche de l'excellence pour tous les élèves, évolution ambitieuse du métier d'enseignant, place accrue faite aux familles dans la communauté éducative.

La mission « enseignement scolaire » est, en termes de moyens budgétaires et d'effectifs, la plus importante de l'État. Concernant plus de 12 millions d'élèves, elle mobilise environ un million d’agents et 59,26 milliards de crédits – soit une augmentation de 2,03 %.

Le non-remplacement de 11 200 postes, dans un souci de maîtrise de la dépense publique, est sans doute une pilule amère à avaler mais, loin d'être arbitraire, il tient compte de la démographie et du souci de mieux gérer les ressources humaines.

La petite embellie dans le primaire, où l’on crée 700 postes, ne masque pas le non-remplacement de 1 500 emplois dans le secondaire, les 1 700 postes supprimés par la résorption des surnombres disciplinaires ou les 3 500 postes correspondant à l'utilisation des heures supplémentaires. L'enseignement privé paie son écot, même si, comme l'a fait remarquer Yves Censi dans son rapport, la baisse démographique ne peut être invoquée.

La revalorisation du métier des enseignants passe par une augmentation de leur pouvoir d'achat : une provision de 54 millions est prévue à cet effet. 125 000 heures supplémentaires année et 1 200 000 heures supplémentaires effectives vont coûter 130 millions : elles seront défiscalisées, conformément à la loi du 21 août 2007.

Les dispositifs innovants prévus par la loi du 23 avril 2005, dont j'étais le rapporteur, sont financés : généralisation des projets personnalisés de réussite éducative, création de 300 postes d'infirmières, création de 200 unités pédagogiques d’intégration dans le second degré. À noter aussi, l’accompagnement éducatif de 2 heures après les cours.

Le nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a plus que doublé en 5 ans et les moyens consacrés à cette grande politique républicaine ne cessent d'être augmentés. 142 millions sont inscrits à cette fin au programme « Vie de l'élève » ; 2 700 postes supplémentaires d’auxiliaires de vie scolaire ont été créés à la rentrée 2007.

J'en viens maintenant au cœur de mon rapport, plus spécialement consacré aux conseillers d’orientation psychologues – COP.

II peut paraître incongru de se focaliser sur un corps qui ne mobilise que 270 millions et ne compte que 4 308 personnes, dont 521 directeurs, dans les 578 centres d'information et d'orientation ; mais ils jouent un rôle clé dans le système éducatif.

Mon choix de ce thème d'approfondissement s'inscrit aussi dans la perspective du grand service public de l'orientation voulu par le Président de la République. Le Premier ministre, dans sa lettre de mission au délégué interministériel à l'orientation, a rappelé que l’objectif était de « conduire les jeunes à un haut niveau de qualification et d’assurer leur insertion professionnelle ».

Les COP exercent principalement dans les classes de 6e, 3e , 2de et Terminale et, depuis la rentrée 2007, assistent les professeurs principaux de 1re pour des entretiens d'orientation. Lors de mes auditions, je me suis rendu compte de la qualité de leur travail et des différentes facettes de leur métier. J'ai découvert l'activité remarquable des sections spécialisées de COP qui s'occupent d'enfants en maison d'arrêt et travaillent avec la Protection judiciaire de la jeunesse ou le juge pour enfants. Les COP font également partie de l'équipe de suivi qui détermine le projet personnel de scolarisation des enfants handicapés.

Il y a pourtant un mal-être. Les COP se sentent délaissés par l'administration. Ils sont certes sous l'autorité de l'Inspecteur d'Académie, mais n'ont pas de statut propre, et les directeurs n'ont qu'une relative autorité de fonctionnement. Fonctionnaires de catégorie A, ils sont assimilés à des professeurs certifiés mais ne bénéficient pas de la hors classe. De plus, un empilement de circulaires définit mal leurs 72 missions prioritaires.

Concernant l'évaluation de leur travail, le BILAC donne bien un bilan chiffré de leurs activités, mais il n'existe malheureusement aucun indicateur de performance.

Un COP intervient en moyenne pour 427 élèves, dans deux ou trois collèges ou lycées. Plusieurs COP m'ont exprimé leur opposition à une logique de placement des élèves dans les bassins d'emploi. Ils ne veulent pas être des « adéquationistes » et tiennent à leur licence de psychologie, indispensable selon eux pour mener des entretiens avec des élèves en difficultés. Plusieurs de mes interlocuteurs pensent pourtant que conseiller d’orientation est un métier, psychologue en est un autre ; je partage ce point de vue.

Selon les projections de l'Association des COP de France, la moitié des effectifs aura disparu en 2013. Le corps se caractérise par un fort taux de féminisation – 79 % – et par un vieillissement – la moitié des agents a plus de 50 ans.

Généralement, les COP ont une bonne connaissance des métiers. Alors pourquoi sont-ils mal aimés ? Pourquoi sont-ils les boucs émissaires des dysfonctionnements de l'orientation ? Le processus d'orientation comprend trois étapes : le conseil en orientation, la décision d'orientation du conseil de classe, l'affectation. Bien souvent, c’est lorsque les familles n’approuvent pas cette dernière qu’elles dénoncent une mauvaise orientation et mettent en cause – à tort – la responsabilité du COP. De l’inquiétude légitime des parents, il résulte en outre le développement d’officines privées de coaching, assuré par de prétendus professionnels.

Même si la réduction du nombre de COP n'explique pas toutes ces difficultés, il faut reconnaître que les 55 créations de postes prévues en 2007 ont été loin de compenser les départs à la retraite.

Les COP ne sont jamais là où on les attend, dit-on. J’en viens donc à leur service hebdomadaire : à l’occasion des négociations sur les 35 heures, leur temps de travail a été fixé à 27 h 30, y compris les déplacements et le temps de présence aux conseils de classe, et ce pendant 39 semaines, comme tout enseignant.

Tout doit être fait pour mettre fin à l'orientation par l'échec et à l'échec de l'orientation, Monsieur le ministre. 150 000 élèves sortent aujourd’hui du système scolaire sans qualification, tandis que 90 000 étudiants sont en situation d’échec à l'université. C'est trop, et même beaucoup trop !

Ma première proposition est d’élargir le recrutement des COP en ouvrant le concours externe aux titulaires de toutes licences de l'enseignement supérieur ; le concours interne devrait, quant à lui, être ouvert à tous les fonctionnaires de catégorie A des trois fonctions publiques ; il faudrait enfin instaurer un troisième concours similaire à celui de l'ENA, accessible aux candidats comptant dix ans d'expérience professionnelle.

Par ailleurs, il me semblerait nécessaire que les futurs conseillers soient affectés, au terme de leur stage probatoire, à un collège ou un lycée où ils seront placés sous l’autorité du chef d’établissement. Ainsi disparaîtrait la nébuleuse qu’est aujourd’hui devenu le service des COP.

Conformément aux préconisations retenues dans le schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle, les tâches des conseillers d'orientation devraient en outre être centrées sur la sensibilisation au monde économique, aux formations existantes et à l’insertion professionnelle.

Enfin, pourquoi ne pas rattacher les centres d'information et d'orientation aux régions au terme d’une première phase d’expérimentation ? Ce serait conforme aux compétences qui leur sont aujourd’hui reconnues en matière de formation professionnelle, et une véritable synergie s’établirait alors entre les PAIO, les missions locales et les CIO « nouvelle génération ».

Je propose également que les enseignants participent à l'orientation tout au long de leur carrière. Une indemnité de suivi d'orientation – ISO – est aujourd’hui versée mécaniquement aux enseignants du second degré pour un montant total de 650 millions d’euros. Ne serait-il pas préférable de la verser « au mérite », c’est-à-dire lorsqu’un travail d'orientation a été effectivement réalisé ? Certains enseignants qui bénéficient de l'ISO ne connaissent même pas l'existence du kiosque d'orientation dans les CDI des collèges…

Nous devrions également valoriser davantage les filières technologiques et professionnelles. Je crois à l'excellence du travail de la main, comme à l'efficacité de l'enseignement par alternance ! Il est regrettable que l’on exerce des pressions en faveur des études longues : respectons les choix des élèves, mais en veillant à établir des passerelles entre les différentes filières pour qu’une réorientation soit à tout moment possible.

Enfin, l'école doit offrir à certains jeunes la possibilité d'une alternance dès l'âge de 14 ans. Les quelques heures déjà consacrées à la « découverte des métiers » ne sauraient suffire. L’idée d’un « apprentissage junior » a sans doute vécu, mais on pourrait instaurer un dispositif similaire pourvu que ce soit sous statut scolaire.

Monsieur le ministre, vous savez mieux que quiconque qu’il n’y a ni éducation sans savoir, ni éducation sans effort...

M. Patrick Roy – Et surtout, pas d’éducation sans postes !

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis - Une orientation réussie est primordiale pour qu’un jeune choisisse bien son métier. « Choisis un travail que tu aimes et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie », écrivait Confucius…

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l’« Enseignement scolaire » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yvan Lachaud – Tout budget de l’enseignement dépend de notre vision de l’école et du message que nous voulons adresser à ses acteurs – enseignants, élèves et parents. Garantissons-nous à nos enfants une formation de qualité et en adéquation avec les besoins de notre pays ?

Sans revenir sur les données chiffrées, déjà évoquées, j’aimerais vous livrer l’analyse des centristes de la majorité, qui sont déterminés à soutenir et encourager vos efforts, Monsieur le ministre.

Certains ont agité un chiffon rouge : 11 200 fonctionnaires partant à la retraite ne seraient pas remplacés. Qui comprendrait, dans le contexte budgétaire difficile que nous traversons, que l'éducation nationale soit dispensée de tout effort, alors même que les effectifs scolaires baissent, notamment dans les collèges ?

Voilà cinq ans que je le répète à cette tribune : les moyens financiers et le nombre des postes ne sont pas la pierre angulaire de la réussite du système éducatif ; et ce n'est pas à cette aune qu'il faut mesurer la volonté du Gouvernement d'améliorer les performances de l'éducation nationale et les conditions de travail des enseignants. Comme dirait l'enseignant que je suis resté au fond de moi-même, ce serait se tromper de sujet ! (Sourires)

Il ne faudrait pas non plus oublier l’instauration d'un système de valorisation des carrières du monde enseignant, non plus que l’augmentation du pouvoir d’achat qui résultera du nouvel équilibre relatif aux heures supplémentaires. Limitée à 1 %, la réduction des emplois publics dans l’éducation nationale n'obéit pas à une logique purement comptable. Elle s'inscrit au contraire dans une démarche tendant à renforcer l’efficacité du système scolaire. Sortons des approches quantitatives de l'enseignement !

Avec 59,26 milliards de crédits, l’éducation demeure la principale mission de l'État et la priorité de ce Gouvernement. Comme c’est le cas depuis le début de la IIIe République, la promotion de l'égalité des chances demeure le pilier de notre système républicain d'enseignement. Les orientations que vous avez indiquées, Monsieur le ministre, nous paraissent aller dans le bon sens – il s’agit de prendre acte des évolutions de la démographie scolaire, de moderniser la gestion du système éducatif et d’adapter les moyens aux besoins. Je pense notamment à l’amélioration du système des remplacements et à l’accompagnement éducatif en faveur des « orphelins de 16 heures », mais aussi à l'amélioration des conditions d’étude grâce à la création de postes d’infirmières, à la revalorisation et à l’extension des bourses et à la montée en puissance des « programmes personnalisés de réussite éducative ».

Il ne faudrait pas non plus oublier un autre acteur essentiel de notre système éducatif : l'enseignement privé sous contrat, qui accueille plus de 2 millions d’élèves – 17,1 % du total. L'école privée sous contrat ne doit pas faire exception à notre démarche de rationalisation, mais rien ne justifie non plus qu'elle paie un tribut plus lourd que le public. Nous sommes ainsi nombreux à penser qu’il faut accompagner la croissance des effectifs dans les établissements d'enseignement privé sous contrat. Nous devons revoir le ratio actuel – 80-20 – sans pour autant rallumer la guerre scolaire.

Sur la scolarisation des enfants handicapés, sujet qui m’est cher, le Président de la République a affirmé sa volonté que tous les élèves fréquentent les mêmes écoles, qu'ils soient handicapés ou non – et je m’en réjouis. Encore faudrait-il professionnaliser les auxiliaires de vie scolaire : c’est un vrai métier qui implique une formation adaptée.

J’appelle également votre attention, Monsieur le ministre, sur les contrats d'accompagnement dans l'emploi, instaurés sous la précédente législature. Ces contrats ayant fait naître de nouveaux besoins, leur suppression poserait problème dans les établissements scolaires…

Plusieurs députés du groupe SRC – Eh oui !

M. Yvan Lachaud – Les jeunes qui sortiront de ce dispositif risquent également de se retrouver au chômage ou au RMI. Sans être systématiquement favorable aux emplois aidés, je pense que nous devrons être très attentifs aux conséquences d’une telle évolution.

D’autres chantiers nous attendent également, Monsieur le ministre : la valorisation de l’enseignement professionnel et technologique, la diversité des parcours au collège, la réforme du baccalauréat et des options en lycée, l’amélioration de l'orientation des élèves et la durée de l’enseignement, aujourd’hui plus élevée que le temps de travail dans les entreprises ! Nous suivrons notamment avec intérêt les travaux de la commission sur l'évolution du métier d'enseignant, présidée par M. Marcel Pochard.

Par ailleurs, il est plus que temps d’organiser une véritable mobilisation nationale en faveur de l’apprentissage des langues vivantes. Nous devons en particulier réfléchir à l’introduction d’une seconde langue vivante dès la 5e, voire la 6ewhy not ?

Un mot en conclusion sur mon second amendement, qui porte sur l'égalité des chances en matière culturelle pour les élèves provinciaux. Bien des lieux de culture, bien des musées sont concentrés à Paris, et les tarifs des transports collectifs sont tels que nombre d’enfants ne peuvent y avoir accès. Je souhaite donc, Monsieur le ministre, qu’un débat s’engage avec la présidence de ces grandes entreprises privées que sont la SNCF et Air France…

Mme Sandrine Mazetier – À ma connaissance, la SNCF n’est pas encore privatisée !

M. Yvan Lachaud – …de manière que des conventions soient signées avec l’État permettant des tarifaires préférentiels pour les voyages scolaires.

Je voudrais pour finir donner à méditer les mots du philosophe Henri Pena-Ruiz, selon lequel « la liberté de conscience est fondée sur l'autonomie de jugement, grâce à l'école de la République, la seule école vraiment libre car elle s'ouvre gratuitement à tous les enfants du peuple et n'a d'autre souci que de libérer les consciences humaines grâce à une culture universelle. » Ne doutant pas que vous souscrivez à ces sages propos et convaincu que l'éducation reçoit du Gouvernement l'attention qu’elle mérite, le groupe Nouveau centre votera le budget de la mission « Enseignement scolaire » (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Benoist Apparu – Le système scolaire, pilier historique de la méritocratie républicaine, repose sur le principe de l'égalité des chances qui commande que l'origine sociale ou l'appartenance à une minorité visible ne préjuge en rien de la destinée scolaire des élèves. Or, nous en sommes très loin. L'origine sociale est de plus en plus déterminante dans l'obtention du diplôme, et la proportion d'enfants d'ouvriers ou des quartiers accédant aux grandes écoles a diminué. Loin de réduire les inégalités, notre système les amplifie. Ce constat, nous le partageons tous. Je m'efforcerai de vous démontrer que le budget que nous présente le Gouvernement et la politique qu'il met en oeuvre tendent à y remédier…

M. Patrick Roy – Il faudra être vraiment pédagogue !

M. Benoist Apparu – Ainsi, pour la première fois, un ministre s'engage sur des objectifs quantifiés de réduction de l'échec scolaire lourd et donne priorité à l'enseignement de la langue. D’autre part, ce budget marque un effort particulier en faveur des collèges « ambitions réussite », en généralisant la prise en charge des élèves après 16 heures. Enfin, ce budget démontre que l'on peut faire beaucoup mieux pour les élèves en difficultés, tout en réduisant le nombre des enseignants.

M. Patrick Roy – C’est ça ! Plus on supprime de postes et mieux c’est !

M. Benoist Apparu – Depuis plusieurs décennies, le budget de l'éducation n'a jamais cessé de croître. Entre 1980 et 2006, la dépense d'éducation a augmenté davantage que la richesse nationale, et la France se situe bien au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE pour les dépenses éducatives. C’est qu’il fallait permettre la démocratisation du second degré et de l’enseignement supérieur, et faire face à l’hétérogénéité croissante des élèves. Mais si la dépense d'éducation a très fortement augmenté, l'égalité des chances a fortement décru, alors même que l’évolution démographique aurait dû jouer en faveur de la réussite scolaire. En effet, l’effectif a fondu de 500 000 élèves en quinze ans et, dans le même temps, nous avons recruté 60 000 professeurs. Pourtant, les résultats n'ont pas suivi : au mieux ils stagnent, au pire ils baissent.

M. Patrick Roy – Ce sont vraiment des arguments de droite !

M. Yves Censi, rapporteur spécial Des arguments objectifs !

M. Benoist Apparu – Nous sommes à présent l'un des pays membres de l'OCDE qui dépense le plus mais qui réussit le moins. Loin de moi l'idée de penser que réduire le budget de l’enseignement est la solution aux difficultés du système scolaire.

Je veux simplement vous convaincre que l’augmentation indéfinie des moyens n’est pas l'alpha et l'oméga de la politique scolaire. Il nous faut donc innover, et convaincre les Français que ce n'est pas en diminuant partout le nombre d'élèves par classe que l'on améliorera la qualité du service public éducatif. Je suis convaincu que l'on peut faire beaucoup mieux avec un peu moins, et ce budget le démontre.

Le ministère de l'éducation nationale s'inscrit dans l'effort global de maîtrise de la dépense publique demandé par le Président de la République. Il prévoit le non-remplacement de 11 200 fonctionnaires partant en retraite, choix que le groupe UMP assume pleinement. Il y aura un pour cent de professeurs en moins l’année prochaine et pourtant le taux d'encadrement des élèves ne baissera pas, parce qu’il y aura moins d'élèves et parce que 3 500 ETP sont transformés en heures supplémentaires. Surtout, avec 11 000 postes en moins, nous allons faire beaucoup plus pour les élèves en grande difficulté. La France est le pays européen où le nombre d'heures de cours est le plus important sans que nos résultats soient les meilleurs. Grâce à la suppression des cours le samedi matin à l’école, deux heures sont libérées au bénéfice des élèves les plus fragiles. Nous assumons donc cette politique, qui rompt avec le passé en favorisant l’égalité des chances.

Le Gouvernement propose aux Français de le juger sur des résultats, en prenant des engagements chiffrés sur la réduction de l'échec scolaire lourd – ce que personne n'avait osé faire. Ce budget traduit aussi l'engagement du Président de la République de revaloriser le métier d'enseignant, engagement fondé sur le principe « moins de fonctionnaires mais des fonctionnaires mieux considérés et mieux payés ».

M. Patrick Roy – Menteux, comme on dit dans le Nord !

M. Benoist Apparu – Conscient du malaise des enseignants, le Président a installé la commission Pochard.

À la rentrée 2008, les enseignants se verront offrir la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) qui, conformément aux dispositions de la loi TEPA, seront défiscalisées. Au total, 400 millions amélioreront directement le pouvoir d'achat des enseignants. En offrant cette souplesse aux enseignants, nous donnons aussi une vraie chance de réussir aux enfants, qui seront mieux accompagnés.

En bref, le groupe UMP apportera son plein soutien au ministre, dont le budget traduit les engagements du Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Sandrine Mazetier – Monsieur le ministre, vous vous êtes qualifié vous-même dans un hebdomadaire, la semaine dernière, de « bon élève de la classe Sarkozy », déplorant d'ailleurs ne pas en être le chouchou. La copie que vous nous présentez dans ce budget vous vaudra, nous n'en doutons pas, les félicitations du Président, tant vous vous conformez strictement aux dogmes du nouveau régime. Est-ce un effet de ce que Tacite, dont vous êtes familier, appelle « l'adulation, ce pire poison de tout sentiment vrai » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ou est-ce qu'instruit par le même Tacite, vous savez que « pour devenir le maître, il faut agir en esclave » ? (Mêmes mouvements ; M. le ministre proteste). Dans cet hémicycle, sur les bancs du groupe UMP, votre copie ne déchaîne pas l'enthousiasme, et le rapporteur pour avis a même parlé de la « pilule amère » des 11 200 suppressions de postes.

De notre côté, nous jugeons ce budget à l'aune de la justice sociale et de l'efficacité économique. Ce budget garantit-il l'égalité des chances de réussite scolaire dans ce pays ?

M. Patrick Roy – Non !

Mme Sandrine Mazetier – Prépare-t-il l'avenir de la nation, la cohésion sociale, la transmission d'un socle commun de connaissance et de l'idéal républicain ?

M. Patrick Roy – Non !

Mme Sandrine Mazetier – Permet-il à tous les élèves de se projeter avec espoir vers l’avenir ? A-t-il pour ambition d'élever le niveau de qualification de tous et de permettre ainsi à chacun de maîtriser son destin ?

M. Benoist Apparu – À toutes ces questions, la réponse est « oui » !

Mme Sandrine Mazetier – Non point. Vous évitez de justesse le zéro pointé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et vous obtenez l'indulgence du jury grâce à la généralisation de l'accompagnement éducatif – que nous avons proposé pendant la campagne présidentielle. Vous avez nos encouragements pour la poursuite de l'effort d'intégration des élèves porteurs de handicaps et la création de postes d'infirmières scolaires, mais des questions se posent sur la réalité de l’application de ces mesures.

Dans l'ensemble, ce qui nous accable, c'est le caractère dogmatique de votre budget. Dogmatiques, les 11 200 suppressions de postes. Depuis 2003, ce sont près de 40 000 emplois qui ont été supprimés dans l'éducation nationale. On a donc largement dépassé les 32 000 équivalents temps plein qui, selon le rapport de la Cour des comptes de 2005 sur la gestion des personnels de l'éducation nationale, étaient réputés sans classe et sans activité pédagogique. Ces nouvelles suppressions ne s'opèrent donc plus sur ce que vous appelez élégamment un sumo, Monsieur le ministre, mais sur un corps décharné. Avec ces nouvelles suppressions, on touche à l'os, avec de terribles conséquences.

Dogmatiques aussi, les heures supplémentaires défiscalisées qui vous tiennent lieu de politique salariale pour les enseignants. Elles instillent l'idée vénéneuse que les enseignants ne travaillent pas assez. Dogmatique enfin le silence sur l'éducation prioritaire. Par un formidable déni du réel, la majorité a commencé par dire que les zones d'éducation prioritaire créaient les inégalités scolaires et non que cet outil tentait d'y remédier.

M. Benoist Apparu – Dans quel film avez-vous vu cela ?

Mme Sandrine Mazetier – Puis, ne pouvant plus longtemps occulter les difficultés qui se concentrent sur certains établissements, vous avez fait disparaître l'appellation ZEP.

Dans votre « novlangue », on parle désormais de RAR, réseau ambition réussite. Mais il y en a moins, et ils ne font l’objet d’aucune priorité budgétaire. C’en est donc fini de l’éducation prioritaire. D’ailleurs les établissements concernés ont les mêmes effectifs par classe qu’ailleurs à deux élèves près !

En somme, votre copie se caractérise par un double renoncement. Vous renoncez d’abord à atteindre les objectifs de Lisbonne visant à faire de l’Europe le lieu de l’économie de la connaissance la plus dynamique d’ici à 2010. L’essentiel des suppressions de postes est concentré sur le second degré. Les 4 268 000 collégiens et lycéens sont victimes d’un véritable massacre à la tronçonneuse…

M. Benoist Apparu – Que de subtilité !

Mme Sandrine Mazetier – …Or ce sont les bacheliers de 2010. Vous ne respectez pas non plus la loi d’orientation sur l’école de 2005 et l’objectif de porter 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence. Vous condamnez la France à rester durablement en marge de la croissance. Votre budget est donc, à court et moyen terme, inefficace sur le plan économique.

En second lieu, vous renoncez à attaquer les inégalités de destin scolaire à la racine. La scolarisation à deux ans est en chute libre. Elle est passée de 35 % en 2000-2001 à 24 % en 2005-2006 et le budget 2008 n’inverse en rien la tendance, alors que le groupe d’étude sur la maternelle, que vous avez créé, préconise d’assurer en priorité la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les secteurs défavorisés. Et pour corriger les inégalités de destin, il ne fallait pas renoncer à l’éducation prioritaire.

Vous affichez des intentions louables : faire que tous les élèves maîtrisent la langue française et diviser par trois le nombre d’élèves en grave difficulté. Habilement, vous présentez la suppression des cours du samedi matin comme une mesure en faveur de ces 15 % d’élèves en difficulté. Cela ne trompe que M. Apparu. Ce pourcentage moyen est une abstraction. Ces élèves sont pour 25 % des enfants d’ouvriers et pour 45 % des enfants d’inactifs. En certains endroits, dans les territoires perdus de la République, ils forment donc 50 % ou 60 % des effectifs. Et ce ne sont pas les professeurs des écoles de centre ville de Périgueux ou de Neuilly qui iront faire du soutien scolaire à Hénin-Beaumont, Vaulx-en-Velin ou Vitrolles !

Avec un budget et un nombre de postes équivalents, nos priorités auraient été tout autres. Nous investirions massivement dans la maternelle comme s’y sont engagés, à l’exception de la France, les pays développés.

M. Benoist Apparu – Pas la Suède.

Mme Sandrine Mazetier – Selon l’OCDE en effet, les premières années de scolarisation sont la clé de la réussite des politiques sociales, familiales et éducatives. Nous garantirions l’accueil de 100 % des enfants de trois ans et développerions l’accueil de ceux de deux ans car il faut agir à l’âge de l’apprentissage de la langue, surtout lorsque celle de la famille n’est pas le français.

Nous investirions massivement dans l’éducation prioritaire en réduisant le nombre d’élèves par classe au lieu de supprimer 11 200 postes. Vous parlez à longueur d’interviews de ces enseignants qui n’effectuent pas la totalité de leur service, en vous acharnant sur les professeurs d’allemand. Plutôt que de les stigmatiser,…

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je ne stigmatise personne.

Mme Sandrine Mazetier – …nous saisirions cette occasion d’expérimenter de nouvelles pédagogies, de mieux coordonner les équipes éducatives, d’assurer le soutien individualisé des élèves en difficulté. Plutôt que de stigmatiser les enseignants en surnombre, nous offririons à ces enseignants la possibilité de se former. Mais la formation continue et la deuxième carrière sont les grandes absentes de ce budget. Nos amendements vont en ce sens.

Maternelle ignorée, secondaire sacrifié, enseignement professionnel méprisé… À moyens équivalents, mais sans sectarisme, nous ferions mieux pour nos enfants, et pour la République. Votre budget est inefficace et injuste. Nous ne le voterons pas (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Yves Durand – Monsieur le ministre, je ne mets pas en doute la sincérité de vos intentions, ces bonnes intentions que vous affirmez depuis des années et que vous répétez désormais dans de nombreuses émissions télévisées. Vous voulez mettre l’accent sur l’apprentissage de la langue et la maîtrise de l’oral, sortir de leur situation les 15 % d’élèves quasi analphabètes, alléger une semaine de travail qui est certainement la plus lourde d’Europe. Sur ces trois points essentiels, on ne peut qu’être d’accord.

Mais pourquoi, avec de si bonnes intentions, votre politique et votre budget sont-ils si peu satisfaisants ?

Pour ce qui est de l’apprentissage de la langue et de l’oral, dans son rapport d’août dernier, le Haut comité pour l’éducation, créé par la loi Fillon, souligne bien que les inégalités scolaires sont le fruit des inégalités sociales, qu’elles apparaissent donc dès le plus jeune âge, au sein de la famille, qu’une des missions de l’école républicaine est de les contre-balancer et, si possible, de les annuler. Les inégalités, sensibles dès le CP, ne font que s’accentuer ensuite. C’est donc de l’école maternelle qu’il faut faire le pilier de l’égalité des chances pour ces enfants en grande difficulté à cause de leur milieu culturel. Or l’école maternelle demeure une variable d’ajustement, où l’on va « piquer » les postes, puisqu’il s’agit d’un enseignement qui n’est pas obligatoire et que l’on peut expliquer aux parents que scolariser des enfants de moins de deux ans, de trois ans, voire de quatre ans est moins bon que de les laisser dans le milieu familial. Pendant la campagne électorale, nous avions mis en avant la nécessité de cette école maternelle de l’égalité des chances dans le cadre d’une politique d’ensemble de la petite enfance, allant des possibilités de garde à une transition douce vers l’école élémentaire. De plus, les effectifs atteignent souvent 30, voire 35 enfants dans les classes de maternelle, par exemple dans ma commune. Et vous amputez de plus 25 % les crédits pédagogiques, ce qui interdit aux enseignants, souvent très dévoués, de mener une véritable politique d’accompagnement des enfants.

En second lieu, que proposez-vous pour aider les 15 % d’élèves les plus en difficulté ? Des cours supplémentaires. Mais ces élèves sont souvent en voie de déscolarisation et ont déjà du mal à suivre le nombre d’heures normal. Cela n’aura aucune efficacité. De plus, vous placez ces cours supplémentaires sur les heures des samedis libérés, pendant lesquelles les autres élèves pourront se reposer.

En outre, vous reposer sur le volontariat des enseignants, mais aussi et surtout des élèves et des parents, c’est oublier que les élèves en difficulté sont souvent issus de familles qui jugent l’école inutile parce que l’échec scolaire a déjà exposé les parents au chômage ! Vous qui êtes maire de Périgueux, le savez comme moi, maire de Lomme ! Il eût fallu au contraire intégrer au temps scolaire un suivi pédagogique individualisé en renforçant, dans le cadre des cycles, l’accompagnement individuel dont le principe est inscrit dans la loi, comme l’a rappelé le Haut comité de l’éducation…

M. Patrick Roy – Très bien !

M. Yves Durand – …mais qui suppose que le nombre d’enseignants soit supérieur à celui des classes, ce qui eût nécessité davantage de moyens.

Quant à l’allègement de la charge de travail des élèves – qui exige un véritable aménagement du temps de l’enfant, auquel nous serions prêts à apporter notre contribution –, elle repose sur la seule suppression des deux heures de cours du samedi, mesure cache-misère décidée sans concertation ni négociation.

En somme, Monsieur le ministre, vos bonnes intentions se heurtent à la dure réalité budgétaire, car votre lettre de mission vous fixe pour seul objectif la suppression de postes ! Mme Mazetier l’a rappelé : depuis 2003, votre majorité en a fait disparaître 40 000, rognant sur les moyens de remplacement, puis sur les filières d’enseignement professionnel, avant de s’attaquer aujourd’hui au cœur même de l’école, mettant ainsi en péril l’égalité des chances que vous prétendez assurer. Voilà pourquoi nous voterons contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Claude Mathis – L'éducation nationale, qui fait partie des trois priorités du PLF pour 2008, bénéficie…

M. Patrick Roy – De 11 200 postes en moins ?

M. Jean-Claude Mathis – …de nouveaux moyens permettant de renouer avec une école de la réussite et de l'excellence.

Près de 22 800 fonctionnaires partant à la retraite – tous corps confondus – ne seront pas remplacés en 2008, conformément aux engagements du Président de la République. L'effort consenti par l'éducation nationale représentera 11 200 postes en équivalent temps plein sur 35 000 départs – soit 1 % des effectifs.

D’autre part, afin de tenir compte de l'évolution démographique, 1 000 emplois seront créés dans l’enseignement primaire, le nombre d'enseignants diminuant dans le secondaire, qui comptera en effet 2 500 élèves de moins à la rentrée 2008.

Contrairement à ce que croient certains, persuadés qu’un bon budget se définit par l’augmentation du nombre de postes d’enseignants, que ceux-ci enseignent ou non et quelle que soit l’utilisation de l’argent public, il n'y a pas de corrélation directe entre le nombre d'enseignants et la réussite universitaire ou l'intégration professionnelle des élèves.

Pourquoi l’école nous coûte-t-elle 25 % de plus qu’à nos voisins alors que nos résultats ne sont pas meilleurs ?

M. Patrick Roy – L’école, c’est un investissement !

M. Jean-Claude Mathis – Comment réformer pour plus d’efficacité ? D’après les deux rapports que la Cour des comptes a consacrés, en avril 2003, puis en janvier 2005, à la gestion du système éducatif et aux enseignants qui n'enseignent pas, comme d’après les audits lancés par le Gouvernement, ce surcoût résulte d’abord du sous-emploi des personnels. Trop d’enseignants n'ont ni classe ni activité pédagogique ; trop de remplaçants sont inoccupés ; les décharges non statutaires et les surnombres disciplinaires sont eux aussi trop nombreux.

Nous souffrons également de l’obsolescence de notre système de décharges et du nombre extrêmement élevé d'options : 250 matières sont enseignées ; 20 % des six millions d'heures d’enseignement concernent moins de 15 élèves. Ce sont surtout l'enseignement professionnel et celui des langues qui sont touchés. Enfin, le nombre d’heures de cours est supérieur de 20 % à celui des autres pays européens.

Le budget de la mission vise donc à optimiser la gestion du système éducatif afin d’éviter cette situation anormale : des professeurs sans élèves ! L’évolution du volume horaire des enseignants doit donner le jour à une nouvelle manière de travailler.

D’autre part, l’enseignement privé sous contrat devrait perdre près de 1 400 postes, dont 340 au titre du principe de parité avec l'enseignement public, alors qu’il n’est pas concerné par l’impératif de résorption des surnombres disciplinaires, puisque les enseignants n’y sont rémunérés qu’au titre des heures réellement effectuées. Ainsi, les suppléants ou remplaçants n’y sont rémunérés que lorsqu'ils effectuent des remplacements : il n’existe pas de titulaires remplaçants. La ponction est donc proportionnellement deux fois supérieure à celle qui s’applique à l'enseignement public.

Il ne s’agit évidemment pas de comparer les mérites du public et du privé, qui ne sont pas concurrents, mais complémentaires, et dont les enseignants, dans leur très grande majorité, exercent un métier difficile, consacrant tous leurs efforts à la préparation des enfants à un avenir professionnel en constante évolution. Mais les besoins et les apports spécifiques de l'enseignement privé sous contrat justifient une dotation adaptée à sa mission. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, me faire part de votre sentiment sur ce sujet ?

Je me réjouis par ailleurs de la circulaire du 6 août 2007, qui modifie le financement des écoles privées par les communes défini par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Il s’agit simplement, à la suite de la vive polémique suscitée par l’amendement dit Charasse, de reprendre au fond la circulaire du 2 décembre 2005, annulée par le Conseil d'État pour des raisons de forme. Pour éclairer les maires qui craignent de se voir imposer de nouvelles obligations de financement des écoles privées, et mettre définitivement fin à la polémique, il faudrait rappeler clairement que les communes qui peuvent accueillir les élèves dans une école publique ne sont pas tenues, sauf exception, de financer la scolarisation dans une école privée. En outre, trois dépenses de fonctionnement ne sont plus prises en compte dans le calcul de la participation des communes, ce qui permet de parvenir au meilleur compromis possible entre libre choix des parents et autonomie des communes, auxquelles cette mesure doit être bien expliquée (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Hélène Amiable – Bien que les crédits consacrés à l’enseignement scolaire s’élèvent à 59,26 milliards, à peu près comme l’année dernière, 11 200 suppressions nettes de postes dans l'enseignement scolaire public et privé, de la maternelle à la terminale, sont prévus dont 1 000 postes administratifs.

Le groupe GDR partage la colère des associations de parents d'élèves comme des syndicats d'enseignants et de personnels de l'éducation nationale, qui dénoncent une politique gouvernementale qui ne permet pas à tous les jeunes de réussir. Comme eux, nous sommes persuadés que ces suppressions de postes marquent une nouvelle étape de la dégradation du service public d'éducation. Comme Frédéric Reiss, vous aurez du mal à faire avaler aux Français cette amère pilule !

Ainsi, alors que 34 535 postes ont été supprimés depuis 2003, cette année, la moitié des départs en retraite non remplacés concerne des enseignants ! Monsieur le ministre, vous qui appartenez à un Gouvernement qui se targue de pratiquer la négociation, comment associerez-vous les personnels, les parents, les lycéens et étudiants à des décisions capitales qui les concernent au premier chef ?

L'étude « Regards sur l'éducation » pour 2007 montre pourtant que la France consacre environ 10 % de ses dépenses d'éducation à des services auxiliaires, c'est-à-dire des services autres que des rémunérations de personnel, contre 6 % en moyenne pour les pays de l'OCDE.

Quant à l’enseignement scolaire public du premier degré, en faisant valoir la création de 700 emplois destinés à tenir compte de l’arrivée de 37 000 élèves supplémentaires, vous passez sous silence la suppression de 670 emplois de stagiaires – soit 233 équivalents temps plein –, qui représentent chacun, grâce aux « stages filés », une journée de travail en classe, ce qui limite la création nette d'emploi à 550 postes, soit un poste pour plus de 67 élèves !

Si nous saluons la valorisation du statut de directeur d'école, nous ne pouvons que constater qu’elle est financée par la baisse de 10,42 % des crédits pour l'indemnité de sujétion spéciale de remplacement. Nous déplorons aussi la baisse de 10,61 % des crédits pour la formation des personnels enseignants et celle de 11 % des crédits pédagogiques pour l'enseignement élémentaire et pré-élémentaire !

Vous en venez à souhaiter le recul progressif de la scolarisation des enfants de moins de 3 ans alors qu'elle est déjà passée de 36 % en 1990 à 21 % en 2006. Votre ministère est allé jusqu'à évoquer la possibilité de déscolariser les enfants de moins de 5 ans ! Pourtant, la scolarisation précoce est un gage de réussite, surtout pour les enfants dont les parents n'ont pas fait d'études longues. Il est inacceptable qu'en milieu rural ou en ZEP, on doive fermer des classes de maternelle pour maintenir des effectifs raisonnables en école élémentaire !

Cette année encore, les collèges et lycées paieront le prix fort des suppressions avec 12 400 suppressions nettes d’ETPT. La baisse des effectifs d'élèves dans le secondaire justifierait 1 800 suppressions et les « surnombres disciplinaires » en autoriseraient 2 400. Quant aux heures supplémentaires défiscalisées, elles permettront d’« économiser » 4 200 ETPT.

Le Gouvernement, en tout cynisme, se permet de mettre en parallèle la baisse du nombre d'enseignants avec la hausse de la productivité. Quelles matières, quels programmes, quelle culture seront sacrifiés sur l'autel de votre efficacité ? Le Haut conseil de l'éducation peut bien juger que le collège ou l'école primaire ne sont « pas efficaces », ce n'est pas avec de tels choix politiques que nous transformerons l’école !

Vous prévoyez en outre de supprimer 1 000 emplois administratifs, après les 2 000 suppressions effectuées ces cinq dernières années. Selon vous, ces postes pourront être économisés grâce aux gains de productivité liés à l'informatisation et à la dématérialisation de missions. Mais seule une augmentation des moyens administratifs permettrait une meilleure information des personnels, notamment ceux de remplacement, donc une meilleure gestion !

Comment expliquerez-vous aux enseignants non titulaires qui sont au chômage que vous poursuivez le recrutement de nouveaux vacataires ? Vous avez bien peu de considération pour la communauté éducative. Alors que le pouvoir d'achat des professeurs n'a cessé de baisser depuis vingt ans, il faut encore attendre les conclusions du débat pour l'avenir de la fonction publique pour parler de revalorisation. La seule alternative, c’est la modulation des heures supplémentaires, dans la logique du « travailler plus pour gagner plus » !

Le rapport entre le salaire d'un enseignant du primaire après quinze ans d'exercice et le PIB par habitant est de 1,03 en France contre 1,33 en Angleterre, 1,62 en Allemagne et 2,54 en Turquie ! Depuis des années, les ministres affirment que les restrictions de moyens sont sans conséquences sur la qualité du système éducatif. Or l'analyse du niveau des dépenses publiques consacrées à l'éducation montre un désinvestissement de l'État : en 1993, avec une scolarisation moindre et un investissement des collectivités territoriales nettement inférieur, la France consacrait 7 % du PIB à l'école, contre 6,8 % en 2006.

La proportion de suppressions de postes est plus importante dans l'éducation nationale que dans l'enseignement privé financé par l'argent public. Vous n’avez pas rompu avec vos prédécesseurs, qui ont obligé les communes à financer la scolarisation d'un enfant dans l’école privée d'une autre commune !

La suppression de la carte scolaire et les réformes sur « l'autonomie des établissements » vont mettre les établissements en concurrence, favoriser une élite au détriment d'une formation de qualité pour tous. Ces démarches sont d’ailleurs contre-productives : selon une étude de juillet 2007 de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de l'Île-de-France, la mise en concurrence des établissements et la ségrégation sociale scolaire n'améliorent pas le niveau général – y compris pour les élèves favorisés !

Nous avons le choix entre une société qui s'accommoderait d'inégalités « indépassables » et une société d'hommes et de femmes égaux, soucieuse de développer les qualités de chacun dans un monde fondé sur le partage des ressources, des savoirs et des informations. Bannissons de notre langage les termes trop faciles « d'égalité des chances » pour y substituer une exigence d'égalité des droits et de réussite pour tous. Ne détruisons pas l’héritage du Conseil national de la résistance, qui dans son programme de 1944 souhaitait donner « la possibilité effective à tous les enfants de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents ».

Or, la gratuité de l'éducation nationale est un leurre : chaque année, les associations familiales montrent que l'allocation de rentrée scolaire ne suffit pas à compenser la charge financière assumée par les familles. Et vos récents aménagements de cette allocation, sous couvert de modulation en fonction de l'âge de l'enfant, laissent présager une diminution de l'aide apportée aux plus jeunes.

Je salue la création de 200 unités pédagogiques d’intégration pour les élèves handicapés mais je ne peux que déplorer la pénurie qui continue de toucher la médecine scolaire et les Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté.

Nous nous félicitons que les enfants aient davantage accès à l’accompagnement scolaire. Nous proposons en effet depuis longtemps de revoir la logique de marchandisation des activités périscolaires pour y substituer un service public de l’accompagnement scolaire. Nous aurions cependant préféré qu’il soit assuré par un personnel dédié, formé par l’éducation nationale, et non par des enseignants effectuant des heures supplémentaires. Il conviendrait aussi, Monsieur le ministre, de créer un fonds national de lutte contre les inégalités à l’école, permettant l’accès gratuit à certains outils, l’aide à la construction ou des dotations en équipement.

La société devrait avoir pour ambition que les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique, maîtrisent la connaissance, accèdent à une culture commune de haut niveau et s’insèrent facilement dans le monde du travail. Or les conditions d'entrée des jeunes dans la vie active ne cessent de se dégrader depuis vingt ans. Même si vous avez eu raison d'abroger la loi rétablissant l'apprentissage à 14 ans, le Haut conseil de la population et de la famille a rappelé que 15 000 jeunes se déscolarisent de leur propre gré chaque année et que 150 000 quittent le système scolaire sans aucune qualification.

Les jeunes Français sont également frappés par un taux de chômage élevé. Ils se voient offrir des postes aux conditions de travail difficiles et doivent attendre entre huit et onze ans pour accéder à un emploi offrant des perspectives professionnelles, ou du moins, une certaine stabilité. Le diplôme joue un effet protecteur, puisque le taux de chômage touchait en 2005 42 % des peu diplômés et 11 % des diplômés du supérieur.

Certes, les moyens financiers ne suffiront pas à transformer le système éducatif, mais rien ne pourra se faire sans des moyens considérables. Aussi, Monsieur le ministre, ayez l'audace de porter la part du budget de l'État consacré à l'éducation nationale à 7 % du PIB et d'envisager le recrutement de 150 000 enseignants et de 45 000 personnels d'accompagnement supplémentaires. Sans un tel engagement, le groupe de la gauche démocrate et républicaine ne pourra voter ce budget en l'état (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Mme Martine Martinel – À l’occasion de la rentrée des classes, le Président de la République a écrit une « Lettre aux éducateurs » ; de votre côté, vous avez affirmé votre souci d’obtenir des résultats et de lutter contre l'échec scolaire. Mais paradoxalement, vous faites le choix de supprimer 11 200 postes, dans la continuité des gouvernements précédents.

Vous avez annoncé une nécessaire refondation du système éducatif en mettant en avant l'instauration d'un socle commun des connaissances et l’allégement horaire – qui semble aller à l’encontre de la diversité et d’une qualité accrue des apprentissages. Vous avez déclaré vouloir en finir avec le collège unique – même s’il n’a jamais été vraiment mis en place. Pour le Président de la République, dont vous vous êtes fait l’écho, il s'agit de le réformer « pour que chacun puisse y trouver sa place, pour que les différences de rythmes, de sensibilités, de caractères, de formes d'intelligence soient mieux prises en compte de façon à donner à chacun une plus grande chance de réussir ».

Mais comment favoriser l’individualisation lorsque l’on supprime 6 711 postes d'enseignants dans le second degré et 2 800 postes de stagiaires entre le premier et le second degré ? Comment atteindre ces objectifs en se fondant sur la seule logique de rentabilité ? Il y a contradiction entre votre politique de réduction des coûts et l’affichage de contenus d'enseignement dignes des perspectives humanistes de Montaigne ou de Rabelais !

Il est dans l'air du temps d'opposer l'école de jadis à celle d'aujourd'hui. Si le système éducatif ne parvient pas toujours à remédier à l'échec scolaire, reconnaissez qu’il a évolué, avec son public. Il est aussi à la mode de culpabiliser les enseignants. Ils ne sont pourtant pas responsables des inégalités sociales qui s'aggravent dans notre pays.

L'absence de mixité sociale va à l’encontre de l'égalité des chances, et la suppression annoncée de la carte scolaire ne fera que renforcer la ségrégation dont nous mesurons déjà les effets délétères.

Les enseignants d'aujourd'hui n'ont pas besoin qu’on leur dise de « travailler plus pour gagner plus », mais d'une gestion cohérente de leur carrière, d'offres de formation adaptées et d’une vraie formation continue. Ils ont le sens du service public et n’ont pas attendu la lettre de M. Sarkozy pour « être fiers de leur métier, fiers de servir la République et fiers d'une certaine idée du progrès ». Ils passent des concours difficiles et s'investissent pleinement pour transmettre des savoirs ou développer des compétences et des aptitudes à vivre ensemble. Ils n’ont pas non plus attendu le Président de la République pour intégrer la dimension éducative de leur métier. Ils savent, dès le début de leur carrière, que « l'éducation est une exigence vis-à-vis de l'éducateur lui-même ».

Vous vous réfugiez derrière des annonces et des formules au lieu de mobiliser les moyens adéquats pour proposer des orientations budgétaires dignes d'un service public de qualité. Au lieu de stigmatiser les uns et les autres, d'ajouter quelques heures de cours avec parcimonie ou de modifier les rythmes scolaires, notamment en supprimant le samedi sans concertation, ne vaudrait-il pas mieux permettre aux élèves en difficulté d'évoluer dans des classes à faible effectif et dans des établissements où la présence d'adultes compétents serait renforcée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 10.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Avant toute chose, pour répondre à certains intervenants et en particulier à Mme Mazetier, je veux réaffirmer que le ministre de l’éducation nationale ne stigmatise personne. Il sait que l’éducation nationale travaille et réussit grâce aux enseignants. Jamais je n’ai mis en cause les personnes pour porter un jugement sur l’efficacité du système éducatif, et je ne laisserai pas dire que je le fais (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La politique éducative porte en germe les destinées de la nation. Je suis donc convaincu qu’il faut la relancer pour donner un élan nouveau à notre projet républicain. C’est cette exigence seule qui guide mon action et qui a présidé à l’élaboration de ce budget. Le rapporteur spécial a parlé de budget équilibré ; il est aussi stimulant parce que contraint. Le rapporteur pour avis a parlé d’un budget orienté vers l’utile ; la formule me paraît bonne. Je ne citerai pour ma part ni Confucius ni Pena-Ruiz, mais la seule réalité quotidienne de nos établissements.

M. François Rochebloine – Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Oui, ce budget s’inscrit dans un contexte de maîtrise de la dépense publique. Au printemps dernier, les Français nous ont demandé de contenir la dépense publique, et surtout d’en moderniser l’usage. L’éducation nationale, premier employeur de l’État, prend donc sa part de l’effort collectif de maîtrise et de rationalisation de la dépense publique.

M. Patrick Roy – 50 % à elle seule !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Ce budget est une réponse déterminée à l’exigence de nos concitoyens. Si c’était 50 %, Monsieur Roy, nous aurions dû décider de ne pas remplacer 11 350 des 22 700 départs à la retraite. Il n’y en a que 11 200 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Roy – Disons 49,3 %... (Sourires)

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Mais au fond, cette contrainte nous rend peut-être service. Elle nous oblige en effet – M. Apparu et M. Mathis l’ont rappelé – à nous interroger : pourquoi l’éducation nationale, avec plus d’enseignants, d’heures de cours et de dépenses par élève que la moyenne européenne, ne cesse-t-elle de descendre dans l’échelle des systèmes comparatifs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Bien sûr, la diminution du nombre des emplois n’a rien d’idéal. Mais je veux prendre cela comme une obligation impérieuse d’efficacité. Les non-remplacements des départs à la retraite nous permettront de réaliser des gains de productivité grâce à l’informatisation, à la dématérialisation des missions traditionnelles de l’éducation nationale – je pense notamment à la gestion dématérialisée de la paye. Mme Amiable dit que cela n’a pas d’efficacité : cela nous permet au moins de « gagner » des postes administratifs – et nous avons plus besoin de postes dans les classes que dans l’administration. D’autres pays et d’autres administrations ont d’ailleurs prouvé qu’il était possible de réaliser ces économies de postes tout en offrant un meilleur service aux usagers. Cet effort de modernisation nous permettra de ne pas renouveler 1 000 postes à caractère administratif.

Tous ceux qui connaissent l’éducation nationale savent d’autre part – même dans l’opposition – que nous avons des marges de manœuvre significatives dans le système des remplacements, en particulier dans les zones prioritaires. Nous sommes capables de résorber les surnombres d'enseignants dans les disciplines qui n'attirent que peu d'élèves. Je ne stigmatise personne, Madame Mazetier, lorsque je constate que des professeurs d’allemand n’ont pas de classe. Je le déplore. Je veux simplement que les professeurs que nous avons recrutés puissent enseigner dans leur discipline et que le système soit cohérent. La combinaison de ces deux mesures permettra d'économiser 2 000 emplois, dont 340 dans le privé. En ce qui concerne d’ailleurs le privé, Monsieur Mathis, nous n’avons pas à diminuer les moyens de l’enseignement sous contrat, où des dispositions spécifiques existent pour assurer les remplacements.

Penchons-nous un peu sur la démographie scolaire. Entre 1990 et 2007, le nombre d'élèves a diminué de 3,3 %, tandis que les effectifs des enseignants augmentaient de 4,5 %. La décrue se poursuit dans le second degré, ce qui va permettre ne pas renouveler 1 800 emplois d'enseignants, dont 300 dans le privé, sans porter atteinte à la qualité de l'enseignement. Inversement, la croissance limitée des effectifs dans le premier degré sera accompagnée du recrutement de 840 enseignants supplémentaires, dont 140 dans le privé.

M. Patrick Roy – Ce n’est pas une règle de trois !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Vous ne pouvez pas comparer entre le premier et le second degré : dans le premier, il y a un professeur par classe, et dans le second, une ventilation (Approbations sur les bancs du groupe UMP).

J’en viens aux heures supplémentaires. J’ai été heureux d’entendre Mme Amiable dire qu’il fallait revenir au cœur de la mission de l’éducation nationale : c’est une question que nous devons nous poser.

Mais qu’est-ce que le cœur de métier. Je le répète, Madame Mazetier, je ne laisserai personne dire que le ministre a pu stigmatiser les enseignants à un moment ou à un autre. Vous ne trouverez aucun mot de ma part en ce sens. Car je sais que l’école passe d’abord par les classes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). C’est pourquoi je suis le ministre des professeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il ne serait pas convenable de proposer des heures supplémentaires, me dit-on, mais je constate que les enseignants acceptent d’en faire, nous l’avons constaté en particulier à l’occasion de la mise en place des études surveillées au collège ! Ce sont des heures supplémentaires défiscalisées et exonérées de charges, qui augmentent leur pouvoir d’achat. Elles n’excluent évidemment pas une réflexion plus globale sur le métier d’enseignant, à partir du rapport que nous remettra la commission Pochard pour le 1er janvier 2008. Ces heures supplémentaires permettront d’économiser 4 200 postes, dont 700 dans le privé.

Enfin, à entendre certains, il n’y aurait plus demain assez de professeurs. Mais si ! Nous avons pris très précisément la mesure des besoins dans les diverses disciplines, et nous recruterons cette année 18 000 personnes – chiffre relativement élevé. Par ailleurs, le mouvement de décentralisation des personnels techniques se poursuit, à hauteur de 26 847 équivalents temps plein travaillé.

Au-delà des chiffres, quelle est notre offre éducative ? La situation dans laquelle nous nous trouvons nous oblige non pas à l’appauvrir, mais à l’adapter et à la concentrer sur l’essentiel. Toutes les études internationales montrent que la structure des coûts au sein de notre système éducatif est très différente de celle qui prévaut dans des pays comparables ; la durée moyenne de la scolarité est supérieure, le temps que nos élèves passent chaque année à l'école est supérieur. Pour autant, les résultats ne sont pas satisfaisants : l'enquête PIRLS, qui sert de référence en matière d'apprentissage et de maîtrise du langage des enfants de dix ans, révèle que la France est en dessous de la moyenne européenne et que sa situation s'est érodée depuis la précédente comparaison, faite en 2001 ; et n’oublions pas que dans beaucoup de pays européens, la scolarité commence à 6 ans, voire 7, alors que la nôtre commence à 3 ans, ou même avant.

En vérité, nos écoles ne souffrent pas d'un problème quantitatif, mais plutôt d'un problème d'adéquation entre l'offre éducative et les besoins des élèves.

M. Patrice Martin-Lalande – Eh oui !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – M. Durand s’interrogeait d’ailleurs sur la manière dont est organisée dès la petite enfance la lutte contre les inégalités : voilà un vrai sujet dont je suis prêt à débattre.

Il faut améliorer les performances, tout en maîtrisant l'impact financier : si au lieu de retirer 11 200 postes, on en avait ajouté autant, je crois que cela n’aurait pas eu le moindre effet sur l’efficacité du système éducatif – qui doit être globalement repensé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ) C’est pourquoi j'ai engagé des réformes, qui visent à donner plus à ceux qui ont le plus de besoins et à favoriser la réussite de tous les élèves.

M. François Rochebloine – Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – L'assouplissement de la carte scolaire, tout d’abord, a permis aux familles d'inscrire leurs enfants dans les établissements correspondant le mieux à leurs qualités et à leurs ambitions. Cette première étape vers sa suppression a donné la priorité aux élèves handicapés et aux boursiers. Elle répondait à une exigence de liberté, de justice et de modernité. Cette réforme a rencontré l'adhésion des familles, qui ont déposé plus de 13 500 demandes durant le délai supplémentaire que je leur ai accordé. Au total, 77 % des demandes ont été satisfaites à l'entrée en 6e, soit 10 points de plus que l'an dernier, et 67 % à l'entrée en 2de, soit 6 points de plus.

Je tiens d'ailleurs à souligner que les principaux bénéficiaires de ces dérogations sont les élèves boursiers. Dans l'académie de Paris, 82 % d'entre eux ont reçu une réponse positive à leur demande. Quant aux établissements qui perdent des élèves, ils conservent cette année les moyens dont ils disposaient précédemment ; ces moyens seront prioritairement consacrés à l'amélioration du projet d'établissement et au renforcement des actions pédagogiques : moins nombreux, mieux encadrés, les élèves de ces établissements devraient ainsi renouer avec la réussite scolaire et rendre à leur établissement son attractivité perdue.

C'est la même volonté de venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin qui nous a conduits à œuvrer en faveur de la scolarisation des élèves handicapés. Le Président de la République m'a d'ailleurs expressément fait part de sa volonté de voir tous les enfants de France fréquenter les mêmes écoles.

Le nombre d'enfants bénéficiant d'un soutien individuel est passé de 28 à 38 000 à la rentrée, et va continuer à progresser dans les années à venir. Avec l’appui déterminé du Premier ministre, j'ai engagé le recrutement rapide de 2 700 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires, ce qui porte à plus de 16 000 le nombre de personnes chargées de l'accompagnement individuel ou collectif des enfants handicapés.

M. François Rochebloine – Il faut aussi en recruter dans l’enseignement agricole !

M. le Ministre – Vous avez raison.

Par ailleurs, j'ai poursuivi le mouvement de création d’unités pédagogiques d'Intégration, pour atteindre le nombre de 2 000 d'ici à 2010. Ce budget permettra aussi de poursuivre l'effort de formation des auxiliaires de vie scolaire et des enseignants ; et il nous faut réfléchir avec mon collègue Xavier Bertrand à la création d’une véritable filière des métiers d’accompagnement – des handicapés, mais aussi des personnes âgées et des malades. La validation des acquis de l'expérience des AVS leur permettra de poursuivre leur activité professionnelle, s'ils le souhaitent, au sein de la fonction publique hospitalière et dans les établissements médico-sociaux. Nous pouvons nous inspirer sur ce sujet des travaux conduits par Yvan Lachaud, dont je tiens à le remercier.

J’en viens à l’accompagnement éducatif, organisé depuis la rentrée des vacances de Toussaint dans l’ensemble des collèges de l'éducation prioritaire, auxquels 250 autres collèges ont souhaité s’associer. Je ne sais pas pourquoi l’on s’irrite ici contre ce dispositif, qui répond à une demande et rencontre beaucoup de succès. Certes, Monsieur Durand, il faut faire en sorte qu’il profite d’abord aux élèves qui en ont le plus besoin. Mais 140 millions y sont consacrés, dont 120 inscrits sur ce budget et 20 sur celui du CNDS. Monsieur Durand, il ne s’agit pas seulement d’accompagnement aux devoirs : des activités plus personnalisées, culturelles et sportives sont également proposées.

Madame Mazetier, je ne suis nullement indifférent à l’éducation prioritaire, bien au contraire. Nous allons créer à la rentrée prochaine de nouveaux collèges « ambition réussite », labelliser 25 lycées ; mais nous ne soulignons pas trop un zonage qui est stigmatisant et provoque un évitement.

Les 140 millions permettront aussi de rémunérer des assistants pédagogiques et de soutenir les associations qui participeront aux études surveillées. En tout cas, ce dispositif rencontre un tel succès que j’ai dû dégager en catastrophe 3,4 millions d’euros supplémentaires pour que l’année 2007 s’achève dans de bonnes conditions.

La décision de supprimer la classe du samedi matin a été si peu unilatérale que j’ai signé, voilà une semaine, un accord avec tous les syndicats du premier degré au sujet de la réaffectation de ces heures et l’évolution de l’école primaire – nous y réfléchirons ensemble. Je ne cherche ni à contourner qui que ce soit, ni à imposer des mesures. Mon seul objectif, c’est l’efficacité.

Les heures libérées permettront aux enseignants de disposer de plus de temps pour les 15 % d’élèves en difficulté. Ces derniers ne sont pas les mêmes à Périgueux ou au centre de Paris : nous le savons bien, et c’est pourquoi des discussions commenceront à ce sujet dès le 22 novembre. Nous veillerons à ce que ces deux heures supplémentaires bénéficient aux élèves qui ont le plus besoin d’aide, mais nous n’imposerons rien ; notre seul but est de favoriser la réussite des élèves.

Pourquoi dire que mon ministère ne se soucie pas de la réussite sociale ? Nous cherchons à donner plus à ceux qui ont le moins, et à aider davantage ceux qui souffrent davantage. J’y ai moi-même consacré une partie de ma vie. Les imprécations ne changeront rien à la situation actuelle, qui n’a fait que se dégrader depuis vingt ans. Ainsi nous n’avons pas su lutter contre les déterminismes sociaux ! Qui sont les élèves en difficulté à l’entrée en sixième ? Des enfants d’enseignants pour 2 % d’entre eux, de cadres supérieurs pour 7 %, d’ouvriers pour 25 % et d’inactifs pour 41 %. C’est inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Il n’est pas plus acceptable que les classements internationaux placent notre système éducatif derrière ceux de la Pologne ou de la Slovénie et à peine au dessus de la Belgique.

Il faut donc relever le défi de l’enseignement primaire. Tout d’abord, c’est au sein de la classe et grâce aux enseignants que se dessine la réussite scolaire. Les programmes scolaires doivent donc être recentrés sur les fondamentaux et les deux heures libérées le samedi matin être employées en faveur de la réussite éducative des élèves qui en ont le plus besoin. Je souhaite tout mettre en œuvre pour que tous entrent au collège dans de bonnes conditions, comme le demande le Président de la République dans sa « Lettre aux éducateurs ». Nous allons donc accompagner les 15 % d’élèves qui sont le plus en difficulté et organiser des séquences de mise à niveau de la fin du CM1 au CM2 pour que l’on n’entre plus en 6e avec un an, voire deux ans de retard et sans maîtriser la langue française. Ces enfants sont « plombés » ! (« Hélas, oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Certaines statistiques sont désespérantes, mais la vocation de l’école n’est pas d’accompagner la fatalité ; elle est de la conjurer !

Un mot également sur la voie professionnelle, qui souffre d’un déficit d’images, alors qu’il existe d’importants débouchés. Pour éviter qu’il y ait encore des jeunes sans métier et des métiers sans jeunes, nous devons clarifier l’offre de formation. Je souhaite doubler le nombre de « lycées des métiers » tout en rendant plus lisible le baccalauréat professionnel : il doit être préparé en trois ans comme tous les autres baccalauréats et donner l’accès aux BTS (« Très bien » sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

J’en viens à la formation. L’ISO, évoquée par certains, n’est accordée à tous les enseignants que pour partie ; le reste va aux seuls professeurs principaux. Sans remettre en cause notre système d’orientation, les enseignants doivent devenir davantage des orientateurs et nous devons repenser les partenariats avec les entreprises. Il existe déjà des échanges permettant de sensibiliser les jeunes au monde du travail, mais nous ne pouvons nous contenter de telles initiatives. Un parcours de découverte des métiers sera donc progressivement instauré dans les collèges : à partir de la rentrée de 2008, tous les élèves de 4e passeront une journée dans un lycée technologique, une dans un lycée professionnelle et une dans un centre de formation pour apprentis. De même, les lycéens découvriront les formations de l’enseignement supérieur.

Pour rompre les phénomènes d’autocensure, 5 % des meilleurs élèves de chaque établissement se verront offrir la possibilité de rejoindre, s’ils le souhaitent, une classe préparatoire, une institution bénéficiant du statut de « grand établissement » ou bien une université technologique.

En dépit de certaines contraintes, cette loi de finances ne néglige pas notre ambition pour l’école. Il nous est demandé de ne pas engager de dépenses dont l’utilité ne serait pas certaine, mais la logique de « performance » ne me fait pas peur : comment pourrions-nous être exigeants vis-à-vis des élèves si nous nous dispensons de l’être vis-à-vis de nous-mêmes ? Les mesures d’assistance éducative représenteront à 1,27 milliard d’euros, soit 60 332 équivalents temps plein. Nous reconduirons également tous les contrats aidés en matière d’accompagnement aux élèves handicapés et d’assistance administrative aux directeurs d’école. Nous ferons preuve d’une grande vigilance au sujet de tous les contrats aidés, car ils sont bien souvent essentiels, qu’il s’agisse de l’ouverture d’une salle informatique ou du maintien d’un CDI. J’en parlais hier encore au Premier ministre.

Grâce au dispositif portant sur les heures supplémentaires, nous augmenterons également la rémunération des enseignants : un certifié effectuant deux heures supplémentaires gagnera 600 euros de plus par an, sans aucun changement de service. Je ne pense pas que les enseignants s’en plaindront… Toutefois je suis bien conscient que ce n’est pas seulement en permettant à chacun de travailler plus pour gagner plus que nous parviendrons à revaloriser la condition enseignante.

M. François Rochebloine – Ce n’est déjà pas si mal…

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – C’est vrai, mais les enseignants doivent aussi retrouver leur prestige social, et nous devrons essayer de faciliter les débuts de carrière, souvent très durs, ainsi que les reconversions. Sur tous ces sujets, nous plaçons de grands espoirs dans les travaux de la commission Pochard, qui devrait nous permettre d’engager une grande discussion avec les personnels du second degré.

Comme le reconnaissent leurs représentants, nous travaillons donc à améliorer la condition des enseignants. Au total ce sont près de 370 millions d’euros qui sont redistribués aux agents de l’éducation nationale. Mais mon ambition pour l’école n’est pas seulement comptable : dès la rentrée prochaine, nous accomplirons un pas décisif dans la voie qui doit nous mener vers une plus grande ouverture, d’égalité et de réussite.

S’agissant plus particulièrement du lycée, je rappelle que nous allons ouvrir une réflexion sur le mois de juin, qui ne doit pas devenir un « désert » scolaire. Une expérimentation est déjà menée sur ce sujet dans quatre académies. Un élève peut aujourd’hui perdre une année complète de scolarité de la sixième à la terminale ! Il faut reconquérir le mois de juin…

Nous allons également réfléchir à une nouvelle organisation du lycée. Sans stigmatiser aucune filière, ni aucune série, il y a tout de même des situations inacceptables : la disparition de la filière « L », ou le fait que élèves de « S », loin de devenir ces mathématiciens ou ces physiciens dont nous avons grand besoin, s’orientent ensuite vers les classes préparatoires littéraires, les IEP ou les écoles de commerce. La filière « ES » a également du mal à conserver son identité… Cela, toute personne de bonne foi doit le reconnaître.

J’aurais, selon Mme Martinel, stigmatisé le collège unique. Que nenni, Madame ! Jamais ! Ce que j’ai dit, c’est que tous les élèves doivent acquérir le même savoir et que le collège unique doit le leur permettre ; mais il y a pour cela bien des méthodes, bien des classes et bien des itinéraires. Dire cela, ce n’est faire preuve ni de sectarisme ni d’idéologie – c’est faire le constat de ce que tout le monde sait.

S’agissant de l’école primaire, j’espère que, dès la rentrée de septembre 2008, les programmes seront recentrés sur les objectifs prioritaires, que l’année scolaire sera réorganisée et que deux heures supplémentaires seront consacrées aux élèves en grande difficulté – dont je veux diviser le nombre par trois.

En conclusion, je sais qu’il y a une droite et une gauche, et je sais qu’elles doivent débattre. Pour autant, je ne laisserai pas dire que je serais en poste pour enfoncer qui que ce soit. Nous sommes tous d’accord sur les objectifs mais l’on ne peut se limiter à ajouter toujours plus de moyens en prétendant que cela réglera tout. Il n’en est rien, et pour ma part, je crois plus à la grâce qu’à la pesanteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. François Rochebloine – Lors de la discussion du PLFSS pour 2008, le Gouvernement a proposé de moduler l'allocation de rentrée scolaire pour tenir compte de l'âge de l'enfant. Je me réjouis de cette mesure qui permettra d'améliorer un dispositif très apprécié des familles aux revenus modestes. En 2008, quelque trois millions de familles bénéficieront de l’ARS, qui s'élèvera à 272,57 euros par enfant. Mais la mesure ne va pas aussi loin que je l'aurais souhaité. J’avais en effet déposé, sous la précédente législature, une proposition de loi tendant à remplacer l'ARS par une « allocation d'éducation » plus adaptée aux charges que supportent réellement les familles. À mon sens, l'article L 543-1 du code de la sécurité sociale devrait être complété, car il faut prendre en considération le niveau de scolarité et la nature des enseignements suivis par les élèves. Le Gouvernement a alors évoqué les difficultés liées à l’alourdissement des tâches administratives préalables à l'attribution de l'allocation. Il est important de souligner que l’ARS, parce qu’elle est uniforme, ne remplit qu'imparfaitement son rôle. Conçue pour assurer l'égalité des familles devant l’enseignement, cette aide directe est souvent perçue comme une aide directe à la consommation. Aussi, Monsieur le ministre, je vous encourage à tout mettre en œuvre pour faire de l’ARS une véritable allocation d'éducation et je vous prie de bien vouloir préciser ce qui peut être fait à cette fin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre – Comme vous l’avez rappelé, l’allocation de rentrée scolaire est financée par la LFSS. Elle sort donc du cadre de notre discussion. De plus, ce dossier étant du ressort du ministre du travail, je n’ai pas compétence pour traiter de son éventuelle évolution. Tout au plus puis-je rappeler que le montant de l’ARS progresse régulièrement, qu’elle est versée aux familles sous conditions de ressources et qu’une allocation à taux réduit est servie si les ressources sont légèrement plus élevées que le plafond fixé. Sur le fond, vous avez raison d’évoquer cette question, qui mériterait sans doute une réflexion plus générale.

Mme Sandrine Mazetier – Je constate que, sur la liste des amendements qui a été distribuée, il manque deux de nos amendements. Je demande donc une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 55, est reprise à 19 heures.

M. Guénhaël Huet – « Un esprit sain dans un corps sain », nous souscrivons tous à cet excellent principe. Néanmoins, nous sommes confrontés à un réel problème d’obésité juvénile. Certes, il ne concerne pas seulement l’école. Vous avez interdit les distributeurs de friandises dans les établissements et le ministre de l’Agriculture a décidé d’y distribuer des fruits, comme Pierre Mendès-France l’avait fait autrefois pour le lait. L’éducation nationale ne peut jouer que son rôle, mais pour qu’elle joue tout son rôle, quelles actions précises préconisez-vous dans ce domaine ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – C’est un vrai problème, d’ailleurs assez mal connu. Je découvre les chiffres : 13,3 % des élèves sont en surpoids, et là encore les disparités sociales jouent, puisque ce pourcentage est de 27 % dans les zones d’éducation prioritaire.

Il faut bien sûr veiller à ce que les élèves aient une alimentation équilibrée, et j’ai interdit les distributeurs de friandises et de sodas dans les établissements. Les collectivités locales font également beaucoup pour améliorer la diététique. Que faire de plus ? Éduquer à la santé, et réhabiliter le sport à l’école.

M. Alain Ferry – Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Selon le mot d’un spécialiste de nutrition, le professeur Basdevant, les élèves sont désormais « des mobiles sédentaires ». Il faut y procéder dans le cadre de l’EPS et dans celui de l’accompagnement éducatif. Dans les études mises en place dans les ZEP, 15 % des activités seront consacrées au sport. Avec mon collègue Bernard Laporte (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et en partenariat avec le CNDS, nous avons décidé de doubler le nombre d’heures de sport pratiquées dans les établissements scolaires, du primaire au collège. J’espère que, dès la rentrée prochaine, nous aurons quatre heures de sport dans le primaire.

M. Barnier a pris, en accord avec nous, l’excellente initiative de faire distribuer des fruits frais. Enfin, l’INPES distribue divers documents d’information sur la nutrition dans les établissements.

Dans l’ensemble des pays européens, ce sont 21 millions d’enfants qui seraient en surpoids. Nous sommes donc forcément attentifs à cette question.

M. Alain Ferry – Le dispositif d'apprentissage junior permet aux collégiens de suivre une classe ouverte sur l'entreprise avec 16 semaines de stage. Il a fait ses preuves en Alsace, où sur les 30 jeunes qui y ont participé, 25 ont choisi la filière apprentissage à l'issue de cette année de scolarité. La région Alsace a recueilli de nombreuses candidatures pour l'année 2007/2008. Malheureusement, au nom du sacro-saint principe de scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans, principe dogmatique et à mon sens dépassé, la Région a été informée qu'il sera mis fin au dispositif. En attendant, une classe de parcours d'initiation aux métiers par alternance est maintenue à titre exceptionnel.

L'apprentissage junior répond à une vraie demande des jeunes, des familles et des chambres consulaires. Il permet aux jeunes de choisir un métier dans l'artisanat par une démarche volontaire et non par défaut. Et ils ont toujours la possibilité de réintégrer le collège s'ils le souhaitent.

Je regrette donc vivement cette décision. Quelles sont les perspectives envisagées pour l'apprentissage ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je ne conteste pas que ce soit une bonne idée que de permettre à des jeunes d’entrer à 14 ans dans un dispositif d’apprentissage ; c’est une manière de favoriser l’égalité des chances. Mais il y a deux points sur lesquels je ne peux être d’accord avec vous. D’abord, l’obligation scolaire à 16 ans n’est pas négociable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). C’est l’esprit de la République. Il fallait donc trouver un dispositif qui maintienne les élèves sous statut scolaire. Ensuite si ce système a bien fonctionné dans les académies de Toulouse, Strasbourg, Nancy et Metz, avec des centaines d’élèves, il n’a pas eu le même succès dans les autres académies. Sans doute est-ce fonction de l’engagement des collectivités locales. Nous avons créé un dispositif transitoire pour l’Alsace, dans l’intérêt des jeunes déjà engagés dans cette démarche. Je m’en suis entretenu avec le président du conseil régional et nous avons accompagné les prérecrutements qui ont eu lieu. Mais je vous présenterai dans les premières semaines de 2008 un nouveau dispositif de découverte des métiers qui fédérera des dispositifs hétéroclites, voire obsolètes tout en maintenant le statut scolaire.

M. Benoist Apparu – Vous avez récemment présenté un plan pour le primaire afin de diviser par trois sur la mandature le nombre d’élèves en échec scolaire. Pour cela, vous voulez recentrer l’école, dès le primaire, sur l’apprentissage de la langue, préalable à celle des autres savoirs fondamentaux, en utilisant les deux heures libérées le samedi matin. Quelles seront les modalités pratiques de ce dispositif ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je ferai une réponse de principe, puisque j’ai signé avec les syndicats représentant les personnels du premier degré un accord pour examiner dans les trois mois à venir les modalités de mise en place de ces deux heures de soutien. Une première rencontre est prévue le 22 novembre. Nous tiendrons compte des objections présentées, afin que le système bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin.

D’abord, il est important d’avoir fixé des objectifs chiffrés, à savoir de diviser par trois l’échec scolaire. On pourra nous interroger sur le bilan en fin de législature. Il faut bien sûr revenir à ce qui est fondamental, la langue, et la revaloriser dans certains quartiers où parler un langage châtié, c’est être « un bouffon ». Nous allons aussi remplacer les lourdes évaluations nationales et évaluer les résultats – plutôt que les enseignants, car l’inspection actuelle dans la classe n’est pas un bon moyen. Nous réfléchissons aussi aux missions de l’école maternelle.

Ces deux heures supplémentaires représentent 590 000 heures hebdomadaires en très petit groupes, soit 20 000 équivalents temps plein. Des stages de remise à niveau pendant les congés scolaires complèteront le dispositif. Nous réfléchirons enfin avec les syndicats à un dispositif « plus de maîtres que de classes ». C’est sur l’école primaire qu’il faut faire porter l’effort.

Mme Sandrine Mazetier – Sans oublier la maternelle !

Mme Sylvia Pinel – L’enseignement technique agricole, dont les crédits sont gérés par votre ministère et par celui de l’agriculture, est un brillant élève : qualité de l’enseignement, excellents résultats aux examens, 85 % d’insertion professionnelle, synergie exemplaire avec les filières professionnelles, forte implication locale comme je le constate dans le Tarn-et-Garonne .

Ce brillant élève n’est pourtant pas récompensé comme il le mériterait : sa dotation subit une diminution supérieure à 1 %, tombant à 1,26 milliard en crédits de paiement ; le plafond d’emplois ne dépasse pas 16 758 ETPT, soit 1 297 emplois de moins qu’en 2007, ce qui confirme la baisse continue des effectifs depuis 2002 ; les crédits de personnel, qui diminuent de 2,5 %, ne dépassent pas 838 millions. En outre, pour la sixième année consécutive, la dotation horaire globale des établissements d’enseignement agricole est en baisse – ce qui n’a pas laissé d’inquiéter le rapporteur spécial – alors que nombre d’établissements souffrent à cet égard d’un déficit structurel qui les oblige à supprimer des emplois et à recourir à des contrats incomplets ou à des emplois gagés dont ils supportent seuls le coût. En somme, votre gestion purement comptable met en péril la diversité et l’excellence de cet enseignement. Quel avenir pour l’enseignement agricole, en particulier dans le secteur public, celui qui pâtit le plus des choix budgétaires du Gouvernement ? Comment apaiser les inquiétudes des personnels confrontés aux conséquences désastreuses de la baisse de la dotation horaire ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Vous avez raison de souligner les bons résultats – que mon expérience d’élu local m’a permis de mesurer – de l’enseignement technique agricole, souvent plus moderne que l’enseignement général, notamment en matière d’évaluation en cours de formation. Au sein de cette formation, qui s’étend de la quatrième au diplôme d’ingénieur, près de 30 000 apprentis et 120 000 stagiaires s’ajoutent aux 174 000 élèves concernés par la formation initiale.

Je répondrai à votre question bien qu’elle relève de la compétence du ministre de l’agriculture. En ce qui concerne les enseignants, M. Barnier et moi-même avons souhaité que le métier de professeur de lycée agricole soit intégré à la réflexion de la commission Pochard sur les métiers de l’enseignement. Une harmonisation des pratiques professionnelles et des perspectives de carrière et de formation, notamment par la mutualisation des concours ou des détachements devrait en résulter, sans menacer la spécificité de l’enseignement agricole.

Malgré les différences de gouvernance entre établissements d’enseignement agricole et d’enseignement général et professionnel, qui touchent notamment à la structure des conseils d’administration, nous envisageons également des rapprochements, voire des jumelages, s’agissant en particulier des parcours de découverte des métiers : les élèves relevant de l’enseignement général devraient connaître les conditions de travail des marins-pêcheurs par exemple. À titre expérimental, nous ouvrirons dans quatre académies, dès la rentrée 2008, des places d’internat en lycée agricole pour les élèves de l’enseignement général, et réciproquement. Enfin, la formation doit être harmonisée et le label « lycée des métiers » étendu.

Sur les aspects budgétaires que vous évoquez, je m’exprimerai tout à l’heure en réponse à une proposition que formulera le rapporteur spécial.

M. Patrick Roy – Monsieur le ministre, vous connaissez assurément l’école… à la différence de certains de vos prédécesseurs.

En outre, vous avez raison de faire porter vos efforts sur l’école primaire – ils auraient pu s’étendre à l’école maternelle –, car les premières années de scolarisation sont décisives. J’espère simplement que l’avenir ne nous réserve pas les mêmes mauvaises surprises que le passé – ainsi de la suppression des aides éducateurs, que vous avez vous-même regrettée.

On prétend que l’augmentation du nombre de postes n’a jamais garanti de bons résultats. Peut-être. De toute façon, vous ne pouvez vous dérober à ce que le Gouvernement exige de vous. Mais si la réussite scolaire dépend avant tout, c’est vrai, des qualités pédagogiques de l’enseignant, elle ne saurait non plus être favorisée par leur suppression !

Pourquoi donc ne pas redéployer ces postes, dont vous affirmez qu’ils ne sont qu’une goutte d’eau, dans les zones d’éducation prioritaires, qui en auraient grand besoin ? Au-delà du clivage droite-gauche, c’est une simple question de pédagogie !

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Patrick Roy – Ainsi les élèves en difficulté, travaillant en petits groupes, bénéficieraient-ils du suivi personnalisé qui leur fait défaut et qui doit être intégré au temps scolaire.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Avouez que vous seriez surpris si j’acceptais votre proposition ! (Sourires)

Si l’effort considérable consenti par la nation depuis les années 1970 – à l’époque on construisait un collège par jour ! – était justifié, si la massification de l’enseignement, le dispositif du collège unique ou le renforcement de l’encadrement avaient indéniablement leurs vertus, il n’en va plus de même dans un système scolaire désormais très hétérogène, qui exige moins des augmentations d’emplois qu’un assouplissement de la manière de travailler. Le premier degré doit compter plus de maîtres que de classes, mais un collège « ambition réussite » particulièrement difficile, réunissant 500 élèves de 45 nationalités différentes, socialement très défavorisés, compte déjà près d’un adulte pour 6 élèves !

Il s’agit donc moins d’une question de postes que d’une question de crédits, moins de quantité que de qualité. Voilà pourquoi nous consacrons 140 millions aux études surveillées au collège. Il faut aussi diversifier les personnels, par exemple en recourant aux assistants d’éducation ou aux aides éducateurs que vous avez évoqués.

Mme Monique Boulestin – Nous entendons votre attachement à l’école de la République, Monsieur le ministre…

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Il est réel !

Mme Monique Boulestin – …mais les apprentissages fondamentaux nécessitent, dès le plus jeune âge, la mobilisation de la médecine scolaire – médecins, infirmiers, psychologues. Or, le taux d'encadrement médical est aujourd'hui insuffisant, notamment dans le premier degré : 1 201 postes de médecins en ETPT sont prévus pour plus de 12 millions d'élèves, soit un taux d'encadrement de 10 324 élèves par médecin en moyenne nationale brute. En outre, comme en 2007, aucun poste d’assistante sociale ou de médecin scolaire ne sera créé. Ainsi, de nombreux établissement scolaires ne comptent plus de médecin en titre ; seules les urgences y sont assurées à la demande.

Or, les enfants atteints de maladies chroniques – diabète, asthme, allergies alimentaires – ont besoin de protocoles de soins décidés en concertation avec le médecin scolaire et les parents, pour que les drames qu’ont connus récemment plusieurs restaurants scolaires ne se reproduisent pas. La prévention de l’échec scolaire suppose en outre que les médecins scolaires détectent au plus tôt les difficultés d'apprentissage, telles les dyslexies, ou les troubles organiques. Le bilan fait à l’âge de 6 ans doit bénéficier partout du même sérieux et de la même efficacité, afin que le repérage précoce des difficultés d'ordre médico-neuro-psychique permette une véritable évaluation des capacités langagières nécessaires à l’apprentissage scolaire. Enfin, les enfants victimes de souffrances psychiques, qu’ils soient menacés au sein de leur propre famille ou parce qu’ils adoptent des conduites à risque, ont besoin d’une oreille attentive.

Notez qu’il n'y a toujours pas d'assistant social dans le premier degré et que le médecin scolaire est souvent sollicité pour des enfants dont la situation familiale est difficile, voire alarmante !

Certes, la suppression des projets d’accueil individualisé ou des centres médico-psycho-pédagogiques n'est pas à l'ordre du jour, mais ils pourraient être fragilisés par les restrictions budgétaires prévues pour les services de santé scolaire. Que comptez-vous faire Monsieur le ministre ? Renvoyer la médecine scolaire vers la médecine de ville ? Mais pour bon nombre d’enfants, le relais ne sera pas pris. Ou renforcer, comme il le faudrait, son efficacité au sein de la communauté éducative ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je n’éluderai pas cette question difficile. Dans le second degré, les infirmiers sont en nombre presque suffisant, les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté fonctionnent. C’est dans le premier degré que les choses sont plus compliquées. Cela est dû en partie à l’éparpillement des écoles, à l’absence d’établissements qui pourraient fédérer la médecine scolaire, au monde de la santé aussi, car nos concours sont toujours déficitaires.

En 2002, nous avons décidé qu’il y aurait deux visites médicales systématiques en primaire, mais cela ne constitue pas un accompagnement de santé. Nous devons continuer de recruter des infirmiers et des infirmières – 300 recrutements sont prévus l’année prochaine – et pour ce faire, rendre plus attractive la fonction. Nous avons passé un accord afin que les droits acquis soient préservés pour ceux qui ont auparavant travaillé à l’hôpital. Cette mesure concernera 2 158 infirmiers, avec un coût de 4,1 millions sur trois ans.

Il faudra examiner la question avec le ministère de la santé lors d’assises par exemple. Faut-il poursuivre le saupoudrage des moyens humains ? Nous n’avons pas les moyens de recruter davantage. Faut-il organiser un service plus centralisé, s’appuyant davantage sur la médecine de ville, au moyen par exemple, d’un contrat annuel d’intervention ? Je vous propose d’évoquer ces questions dans un contexte plus approprié.

Mme Marie-Hélène Amiable – On distingue désormais deux types de réseaux d'éducation prioritaire : les 203 « réseaux ambition réussite », mis en place en 2006 et les « réseaux de réussite scolaire », expérimentés depuis cette rentrée.

Dans un contexte d’aggravation des inégalités économiques et sociales, les quartiers défavorisés seraient en droit d'attendre des moyens supplémentaires et supérieurs à ceux que recevaient les ZEP, dont les analyses ont montré qu'elles n'avaient pas été dotées suffisamment pour créer les conditions de la réussite scolaire.

En outre, la mise en oeuvre de la réforme Fillon de 2005 a dénaturé le sens de l'éducation prioritaire en renvoyant l'échec scolaire à des causes individuelles. Nous déplorons cette logique, qui prévaut aussi dans l'assouplissement de la carte scolaire.

À quelques jours de la mise en place de l'accompagnement éducatif dans les RRS, quel bilan tirez-vous de ces réseaux ? Alors que l'OCDE place la France parmi les plus mauvais pays pour l'ascension sociale – en détaillant par exemple sa faiblesse à amener les jeunes dont le père exerce une profession manuelle à faire des études supérieures –entendez-vous lutter pour la réussite scolaire de tous les jeunes ? Pouvez-vous garantir aux établissements scolaires des moyens proportionnels aux situations observées, afin que les projets portés avec courage par les équipes éducatives puissent assurer la réussite de leurs élèves ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – C’est parce que le zonage ne correspondait plus à la réalité des territoires – et, dans le cas de certaines ZEP rurales, n’avait jamais été légitime – et que le système s’était figé, que j’y ai renoncé, préférant que l’on parle d’« éducation prioritaire ».

La notion de réseau est importante : un établissement « ambition réussite », lorsqu’il noue des relations avec les écoles primaires, les partenaires sociaux, éducatifs et culturels, lorsqu’il fait venir des intervenants – organisant en quelque sorte sa politique éducative – cela marche ! C’est une autre manière de travailler, et les établissements eux-mêmes ne réclament plus le zonage.

Nous y mettons beaucoup de moyens : un établissement d’éducation prioritaire coûte 25 % de plus en moyenne qu’un établissement normal ; l’encadrement, avec un adulte pour six élèves, est renforcé ; on compte un collège « ambition réussite » pour trois collèges « classiques », et nous allons en créer d’autres.

Toutefois, cela n’est pas suffisant. Les établissements doivent être inscrits dans un contexte global, intégrés à une politique de la ville : la réussite scolaire dépend aussi d’une opération de rénovation urbaine, de la construction d’un stade, de la proximité d’un foyer culturel ou de la possibilité, Monsieur Lachaud, d’effectuer des voyages.

Quant à la carte scolaire, ce sont des jeunes filles d’origine maghrébine issues d’un département difficile qui m’ont donné l’idée d’y toucher. Elles me demandaient, en 2002, de créer des écoles pour filles car elles voulaient pouvoir étudier tranquillement. J’ai bien sûr refusé, et pas seulement par peur de passer pour un réactionnaire… Mais je me suis dit que l’assouplissement de la carte scolaire leur donnerait la possibilité d’aller voir ailleurs, de prendre du champ. S’il est bien géré et que les moyens sont maintenus pour les établissements qui perdent des effectifs, il sera un instrument de justice social.

M. Jean-Paul Lecoq – On a connu plus réactionnaire que vous, Monsieur le ministre ! (Sourires) Comment comptez-vous développer le sport à l’école ? Si ce budget ne fait pas état de suppressions de postes en Seine-Saint-Denis, il est bien plus pervers car il met en place un système excluant les enfants issus des classes populaires, organisant le départ anticipé de ceux qui « ne sont pas faits pour le système ».

Permettez-moi de vous lire ces quelques lignes de Daniel Pennac : « L’élève considéré comme normal est celui qui oppose le moins de résistance à l’enseignement, celui qui ne douterait pas de notre savoir, un élève acquis d’avance, doué d’une compréhension immédiate, un élève naturellement habité par la nécessité d’apprendre, qui cesserait d’être un gosse turbulent ou un adolescent à problèmes pendant notre cours, un élève convaincu dès le berceau qu’il faut juguler ses appétits, ses émotions par l’exercice de sa raison ». Il y a tous les autres, et tout est fait pour que les élèves issus des classes populaires soient relégués, le plus vite possible, vers des filières professionnelles – multiplication des dispositifs d'enseignement en alternance, suppression du nombre d’heures de scolarité – tout en culpabilisant les parents.

À l'heure où la méritocratie devient le leitmotiv d'une politique conservatrice et rétrograde, il ne fait pas bon imaginer des dispositifs qui donneraient la possibilité d'une « seconde chance » ou qui garantiraient l’assiduité scolaire et préviendraient le décrochage. Monsieur le ministre, comment entendez-vous apporter des réponses adaptées aux territoires les plus sensibles ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – On ne peut pas dire que les équipes éducatives attendent que les élèves se coulent dans le moule de l’élève idéal, prêt à tout apprendre. Au contraire, elles s’occupent surtout de ceux qui ne sont pas « formatés » pour cela. S’il n’y avait que le collège Henri IV, il n’y aurait pas besoin de ministre de l’éducation nationale ! Je ne pense donc pas que l’on puisse dire que l’école organise un délestage – voire la perdition – de ces élèves. Simplement, elle doit prendre acte que certains d’entre eux ne s’épanouissent pas dans des études générales et qu’ils ont envie de faire autre chose. Lorsqu’on va dans les lycées professionnels, on voit d’ailleurs des élèves très heureux ! L’orientation professionnelle peut être une chance.

M. Richard Mallié – Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Vous posez en fait la question de l’orientation par défaut. Les dispositifs de découverte professionnelle que nous mettons en place en cinquième et en troisième ne visent pas à faire partir certains élèves – j’ai rappelé tout à l’heure le principe de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. Mais il est certain qu’il faut cesser de diaboliser les parcours qui conduisent aux formations professionnelles. Ils offrent au contraire de très bonnes chances de réussite : le taux de réussite des baccalauréats professionnels est bien supérieur à celui du baccalauréat général. N’accréditons pas l’idée que l’orientation vers ces filières serait une façon de se débarrasser des élèves dont l’école idéale ne voudrait pas : il n’y a plus d’école idéale !

Mme Marie-Hélène Amiable – Si j’ai bien lu votre budget, les crédits alloués à la médecine scolaire diminuent de 20 %. Il y a actuellement 1 201 médecins scolaires. Alors qu’aucun poste n’avait été créé en 2004 et en 2005, 368 postes de médecins vacataires ont été supprimés en 2006. On est en droit de se demander si la volonté d’assurer un suivi de santé publique par la médecine scolaire existe vraiment !

Vous laissez entendre que la plupart des enfants n'auraient plus besoin de la médecine scolaire, puisqu'ils peuvent bénéficier d'un suivi par leur médecin généraliste. Non seulement ce n’est pas vrai pour tous les enfants, en particulier les plus démunis, mais dans de nombreuses situations, le médecin de famille peut difficilement se substituer au médecin scolaire : dépistage des maltraitances, troubles du comportement alimentaire, difficultés psychologiques, éducation à la sexualité.

Les syndicats de la profession recommandent la création de 500 postes supplémentaires pour répondre aux missions de plus en plus nombreuses qui leur sont confiées :quatre bilans médicaux obligatoires au cours de la scolarité, détection des troubles de l'apprentissage, PAI, scolarisation des élèves handicapés, prévention des conduites à risque et formation aux premiers secours. Selon le ministère, 30 % des enfants de 6 ans n'auraient pas bénéficié en 2006 du bilan de santé obligatoire à l’entrée au CP.

Dans un contexte de baisse de la démographie médicale, il convient de revaloriser le statut des médecins de l'éducation nationale, et donc de mieux les payer, pour pourvoir les postes vacants – il y en a plusieurs dans ma circonscription.

Je peine enfin à comprendre votre plan de création de postes de personnels infirmiers : avec 8554 prévus pour 2007 et 8458 pour 2008, c’est plutôt de diminution qu’il faudrait parler.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – La baisse des crédits de l’action « santé scolaire » n’est qu’un effet d’optique : elle résulte de la prise en compte des imputations réelles, suite à l’exécution 2006, connue depuis le mois de mai. Les crédits ne diminuent donc pas. D’ailleurs, nous créons 300 postes d’infirmières. Je compte demander au Premier ministre une mission parlementaire, afin de régler une fois pour toutes cette question de la médecine scolaire. Nous devrions pouvoir le faire : il faut simplement trouver les personnels dont nous avons besoin.

M. Jean Launay – Je souhaite appeler votre attention sur les difficultés de l'enseignement professionnel. Cette année, ce sont encore 5 % de postes de moins qui ont été ouverts aux concours de professeurs de lycée professionnel. Cette réduction des effectifs enseignants se double de nouvelles suppressions de filières et de sections qui confirment le choix d'une baisse de l'offre de formation pour les niveaux V et IV – CAP, BEP et bac pro. La conséquence immédiate est un renoncement dommageable à certains projets prometteurs : le gel du BEP services administratifs est incompréhensible et la généralisation des bacs pro en trois ans risque de marginaliser les élèves les plus en difficulté.

L'inquiétude des personnels est d'autant plus forte qu'une récente note adressée aux recteurs par le directeur de l'enseignement scolaire, M. Nembrini, invite à « optimiser l'offre de formation et donc les besoins de professeurs dans l'enseignement professionnel ». Suppression de 11 200 postes, disparition progressive du corps des MI-SE, non-reconduction des postes d'aides éducateurs, baisse des effectifs des personnels de service, manque d'assistantes sociales, d'infirmières ou de médecins scolaires : cela fait beaucoup pour continuer à parler de communauté éducative !

Les établissements scolaires ne sont pas coupés du reste de la société : les problèmes sociaux empêchent de plus en plus les enseignants de mener à bien leur mission. La réduction de l’emploi public pèse donc sur la qualité du système scolaire. On ne peut laisser dire qu'il y aurait trop d'enseignants dans la voie professionnelle lorsque les parents d'élèves constatent chaque jour la pénurie de remplaçants et que des options et des sections sont supprimées faute de moyens. Le service public de l'éducation ne peut pas « faire mieux en dépensant moins », il doit tout simplement faire mieux ! L'enseignement professionnel ne pourra y participer que s'il en a les moyens. Lui accordez-vous encore du prix ? Quelles sont vos intentions en la matière ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Nous sommes très attentifs aux lycées professionnels, qui ne vont pas si mal que cela. Nous n’avons pas trop de professeurs, mais nous avons plus de 400 spécialités, qui ne cessent d’ailleurs d’évoluer. Les enseignants doivent donc manifester une grande adaptabilité. Beaucoup de lycées professionnels ont de très faibles effectifs : j’en connais même où il y a plus de professeurs que d’élèves ! Il faut donc rendre le dispositif plus lisible, car les familles et les élèves connaissent souvent mal le lycée professionnel. Les lycées publics d’enseignement professionnel doivent être de grandes structures, complètes et ouvertes, où l’on puisse suivre aussi bien des formations en alternance qu’un CFA.

Nous poursuivrons d’autre part la labellisation des lycées des métiers, qui seront 800 l’an prochain.

Quant au bac pro en trois ans, il ne s’agit pas d’une quelconque volonté doctrinaire. Si l’on veut revaloriser les filières professionnelles, il est normal de le préparer sur la même durée que le baccalauréat général – mais le passage se fera progressivement. Cela permettra des équivalences et des échanges, et revalorisera l’image du lycée professionnel. Il faudra néanmoins un palier de qualification de niveau V pour les élèves qui n’iront pas jusqu’au bac pro. Il faudra aussi développer les passerelles entre les diverses formations. C’est assez délicat, mais nous y arriverons ! Nous allons demander aux commissions paritaires consultatives d’examiner tout cela.

Soyez rassuré, nous ne voulons aucunement dévaloriser cet enseignement, mais au contraire lui reconnaître toute la considération qu’il mérite.

M. Louis-Joseph Manscour – Monsieur le ministre, je veux vous parler de l'échec scolaire outre-mer, notamment à la Martinique. La situation est grave, comme en témoigne le nombre de Rmistes et de chômeurs. Cet instrument d'émancipation qu’est l’école, qui a formé tant d'illustres Antillo-Guyanais, tels Aimé Césaire, Gaston Monnerville ou Saint-John Perse, est aujourd’hui mis à mal. Je ne doute pas de votre volonté de combattre l'échec scolaire, mais en avez-vous les moyens ?

Nous déplorons l'absence d'ambition de votre gouvernement, qui conduit à des dérives sociales et à une inquiétante montée de la violence. Nous déplorons aussi les suppressions mécaniques de postes, y compris dans les établissements classés en ZEP, elles ne peuvent qu’aggraver les inégalités. La maîtrise de la dépense publique ne peut se faire au détriment de la réussite des élèves.

En Martinique, le taux de réussite au bac est de six à dix points inférieur au taux national, et le nombre d'établissements situés en ZEP est nettement supérieur à la moyenne. Plus de 50 % des chômeurs ont moins de 26 ans…

Que comptez-vous faire pour permettre aux écoles d'outre-mer de rattraper le retard ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – On ne peut pas contester la spécificité de l’outre-mer, mais on ne pas dire qu’il ait été abandonné. Le taux d’encadrement dans le 1er degré y est nettement supérieur à la moyenne nationale, puisqu’il est de 15,5 % à la Martinique, 7,5 % à la Guadeloupe et 6 % en Guyane ; et l’on dénombre 43 réseaux « ambition réussite » dans les DOM, dont 8 à la Martinique. Cette politique a porté ses fruits puisque dans votre département, les collèges « ambition réussite » ont gagné en un an entre 10 et 30 points de réussite au brevet.

Évidemment, nous poursuivrons l’effort. Encore faut-il que les familles et les élèves considèrent bien l’école comme une voie de réussite, et peut-être aussi que les enseignants s’impliquent davantage. Diverses données chiffrées témoignent en effet d’un retard important, y compris le taux de réussite au baccalauréat – qui néanmoins progresse. Ce n’est cependant pas à l’école de régler tous les problèmes. Soyez sûr en tout cas que nous ne voulons nullement nous désengager – et la situation est d’ailleurs plus compliquée en Guyane, du fait des flux d’immigrants, qu’à la Martinique.

M. Jean-Luc Pérat – J’aurais aimé, Monsieur le ministre, comme mon collègue Lecoq, que vous affiniez votre réponse sur les quatre heures d’EPS à l’école élémentaire – objectif qui paraît particulièrement ambitieux quand on sait que les enseignants ont déjà du mal à en faire une ou deux, et qui supposerait par ailleurs un suivi médical.

Ma question concerne l'enseignement pré-élémentaire, qui a pour vocation de donner à l'enfant les meilleures conditions de réussite et d'épanouissement. Les collectivités locales investissent dans des infrastructures remarquables, accordent des crédits de fonctionnement appréciés des enseignants ; mais de la part de l’État, les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous pour assurer partout la scolarisation dès l'âge de 2 ans. Il faut dégager les moyens nécessaires pour réduire les effectifs des classes de tout-petits, qui oscillent entre 30 et 35.

Je vous interpelle également sur la pré-scolarisation, avant 2 ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), par la mise en place de lieux passerelles ouverts, avec présence d'un parent, afin de créer le lien nécessaire entre la famille, l'enseignant, la collectivité, la PMI, dans l'intérêt de l'enfant. Que pensez-vous de ce type d'expérience particulièrement bénéfique ? Quels moyens comptez- vous affecter au développement de ces initiatives ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – S’agissant du sport à l’école, ma lettre de mission me demande d’en doubler l’horaire à l’école primaire et au collège. Nous aménagerons donc les programmes pour qu’à la rentrée 2008, il y ait dans le 1er degré quatre heures d’EPS incluses dans le temps d’enseignement. Au collège, c’est l’accompagnement éducatif qui permettra de développer les activités sportives ; nous y travaillons avec le secrétaire d’État aux sports, et un débat a eu lieu sur ce sujet en conseil des ministres. J’ai réuni les représentants des fédérations et associations sportives pour formaliser les partenariats. Nous avons inscrit les crédits nécessaires. La promesse sera donc tenue, évidemment avec le concours d’un encadrement qui ne sera pas seulement celui de nos enseignants.

J’en viens à la maternelle. En France, 100 % des enfants sont scolarisés à 3 ans, ce qui n’est pas chose commune : certains pays de l’Union européenne interdisent même par la loi la scolarisation précoce. Cette spécificité française fonctionne bien : les enfants apprennent beaucoup de choses à l’école maternelle, qui permet de les socialiser. Les effectifs sont un peu lourds, la moyenne étant de 25 – moins que ce que vous disiez.

Si certains enfants de moins de trois ans ont été scolarisés, c’était d’abord pour éviter de fermer certaines classes. Il en résulte aujourd’hui de grandes disparités territoriales : près de la moitié des enfants de moins de trois ans est scolarisée dans l’Ouest de la France, mais c’est loin d’être le cas partout ailleurs.

Sachez également que je n’ai pas de doctrine à ce sujet… J’observe seulement qu’il est bien difficile pour un instituteur de s’occuper en même temps d’enfants en grande section et de tout-petits qui connaissent mal leur nom, ne sont pas propres et ont besoin de siestes prolongées. N’oublions jamais que la grande section est la première année du cycle primaire.

Pour cette raison, je suis très surpris que l’on propose de scolariser des enfants encore plus jeunes – en dessous de deux ans ! On peut en revanche réfléchir sur les services dont pourraient bénéficier certaines familles en matière de garde ou d’accompagnement des enfants. Je n’ai aucune objection contre la scolarisation précoce, pourvu qu’elle renforce l’intégration des enfants et qu’elle corresponde à une nécessité familiale, mais il ne faudrait pas altérer la nature de l’école primaire en mélangeant garderie et enseignement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Ce budget porte un bien mauvais coup à l’éducation nationale en supprimant 11 200 postes. Ne pensez-vous pas qu’un maintien des effectifs permettrait de favoriser des actions personnalisées, notamment dans le secteur de l’éducation prioritaire ?

J’ajoute que les collèges « ambition réussite » ont été sélectionnés à partir de critères particulièrement injustes, certains établissements ayant été exclus sans raison valable. Le recteur de mon académie le reconnaît bien volontiers… Que ne revoyez-vous donc ces critères ?

Par ailleurs, chacun reconnaît la nécessité d’organiser des sorties culturelles – représentations théâtrales, manifestations sportives, expositions –, mais il est bien difficile de trouver des financements pour le transport et les droits d’entrée. La plupart de ces sorties ne pouvant être programmées que le soir ou à la fin de la semaine, les enseignants volontaires travaillent en outre en dehors du temps scolaire sans être payés en heures supplémentaires et souvent sans bénéficier d’une véritable reconnaissance de la part de leur hiérarchie.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Nous allons injecter des moyens considérables dans l’éducation prioritaire, mais je ne crois pas avoir besoin de le répéter.

Le dispositif actuel repose effectivement sur une logique d’établissements, dont la liste est évolutive – plusieurs nouveaux collèges ont ainsi rejoint le réseau « ambition réussite » cette année, qui compte 200 000 élèves dans le premier degré, 253 collèges publics, 11 privés et 1 715 écoles. Nous avons par ailleurs labellisé 25 lycées supplémentaires en 2007. Le réseau « réussite scolaire », quant à lui, concerne 620 000 élèves dans 5 426 écoles et 826 collèges. Ce n’est pas rien…

J’ajoute que les crédits de l’éducation prioritaire s’élèveront à 1,150 milliard d’euros en 2007, soit 50 millions de plus que l’an dernier. Cela permettra de recruter des assistants pédagogiques et de rémunérer des heures supplémentaires.

S’agissant de l’accès à la culture, j’ai pris l’engagement de prendre contact avec les entreprises de transports et nous envisagerons d’ouvrir des lignes de crédits s’il le faut. Par ailleurs, j’ai obtenu que les heures supplémentaires bénéficient des mêmes exonérations dans le premier degré que dans le second degré, même si elles sont versées par les collectivités locales. Beaucoup dépendra toutefois des collectivités, dont l’action est loin d’être uniforme dans ce domaine. Avec Christine Albanel, nous lancerons enfin un travail sur les activités culturelles dès le mois de décembre.

Permettez-moi toutefois de rappeler que c’est dans les établissements en difficulté qu’ont lieu les expériences les plus ambitieuses dans ce domaine. Je pense notamment aux classes à horaires aménagés « musique » et « danse ».

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

ARTICLE 33 ET ÉTAT B

Mme Sandrine Mazetier – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 88, alinéa 2. Deux de nos amendements ne figurent pas sur la liste qui nous a été remise au motif qu’ils seraient irrecevables. La commission des finances était pourtant d’un avis contraire l’an dernier…

M. Benoist Apparu – M. Migaud est sans doute plus sévère que ne l’était M. Méhaignerie !

M. Richard Mallié – Adressez-vous au président de la commission des finances !

Mme Sandrine Mazetier – Nous contestons l’argument tiré de la loi de programmation de 2005 qui a été avancé pour écarter ces amendements. J’espère que nous parlerons de ces amendements même si nous ne les votons pas ce soir.

M. Benoist Apparu – Rendons hommage à l’excellent travail du rapporteur sur le sujet de l’orientation. J’espère que le Gouvernement tiendra compte de ses propositions.

L’amendement 233 tend à pousser jusqu’à son terme la décentralisation commencée en 2003 en rattachant les COPSI aux régions. Puisque ces dernières portent aujourd’hui tous les efforts en matière de formation, transférons-leur les personnels qui oeuvrent dans ce domaine.

Cela étant dit, je me doute bien que le Gouvernement demandera que l’on commence par mener des négociations… Cet amendement d’appel a surtout pour but de prendre date.

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis – Cet amendement a été repoussé par la commission à l’unanimité moins une voix, Monsieur Apparu (Sourires). Permettez-moi de vous rappeler que les COPSI avaient considéré comme une agression la tentative ratée de décentralisation de 2003.

Je suis certes favorable à un rapprochement des CIO avec les PAIO et les missions locales dans un cadre régional, mais les propositions figurant dans mon rapport sont très différentes des vôtres…

M. Yves Censi, rapporteur spécial – La commission n’a pas examiné l’amendement. À titre personnel, je partage l’avis de M. Reiss.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – L’orientation d’un élève est un grave sujet. Ce n’est pas seulement l’affaire d’un spécialiste mais celle de toute la communauté éducative. Je comprends la préoccupation qui s’exprime de voir les fonctions d’orientation et de formation évoluer, mais cela ne peut se faire qu’au terme d’une concertation sérieuse avec l’Association des régions de France et avec la profession. La proposition me semble donc prématurée, et je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement.

M. le Président – Je constate que l’amendement 223 est retiré.

Mme Sandrine Mazetier – Nos amendements tendent à montrer qu’à moyens constants les priorités peuvent être autres. Il serait ainsi possible, en adoptant l’amendement 222, d’abonder les crédits de l’enseignement scolaire du premier degré. La vivacité de la démographie française s’explique en partie par le taux, très élevé, d’activité des femmes, qui explique lui-même le grand succès de l’école maternelle. Il n’est donc pas très correct, lorsque nous présentons nos propositions relatives à l’accueil à l’école des enfants de moins de trois ans, d’arguer que nous assimilons la maternelle à une garderie.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Il s’agissait des enfants âgés de moins de deux ans.

Mme Sandrine Mazetier – Je persiste à penser que M. Pérat a le droit d’exprimer ses convictions et d’exposer son action d’élu local en faveur de l’école maternelle sans s’attirer en retour des remarques fâcheuses.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – La commission n’a pas examiné l’amendement. Sans entrer dans le débat sur la scolarisation précoce, j’exprimerai un avis très défavorable à un amendement dont l’exposé des motifs tient bien davantage du réquisitoire contre l’enseignement privé que de la plaidoirie en faveur de l’école maternelle.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je ne conteste à quiconque le droit d’organiser l’accueil des tout-petits dans sa commune mais mon expérience de père me conduit à penser qu’un enfant de moins de deux ans n’est pas un élève, conviction dont Mme Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants, a d’ailleurs fait état. Je rappelle qu’à ce jour ni lois ni décrets n’imposent la scolarisation des enfants de moins de deux ans. Par ailleurs, la contrepartie proposée à l’augmentation des crédits alloués à l’école maternelle est la diminution des crédits affectés à l’enseignement privé. Il faut être réaliste : les crédits ainsi visés sont des dépenses obligatoires, dont je ne vois pas comment elles pourraient être subitement supprimées. Je rappelle d’autre part qu’à la rentrée 2006, l’enseignement privé a accueilli 34 000 élèves en classes préélémentaires. S’il était adopté, l’amendement aurait donc pour conséquence paradoxale de réduire le nombre d’enfants accueillis en maternelle. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. Benoist Apparu – En mentionnant le rapport du HCE, M. Durand a omis de préciser qu’il porte sur l’école maternelle en général et non, seulement, sur la scolarisation des enfants de moins de deux ans. Comme l’a rappelé le ministre, l’ancienne défenseure des enfants était d’avis que la scolarisation des tout-petits n’est pas souhaitable. De plus, il ressort d’une enquête conduite par l’INSEE dans le Pas-de-Calais que la scolarisation des enfants de moins de trois ans n’est pas un atout avéré pour leur future maîtrise de l’écrit. Enfin, je ne peux imaginer que nos collègues socialistes vanteraient aussi fort les mérites de l’école maternelle pour masquer les insuffisances de leur politique en faveur de la petite enfance, et en particulier le fait qu’il manque 15 000 places de crèche à Paris (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Yves Durand – Je m’étonne de ce ton polémique. L’opinion de Mme Brisset est respectable mais contestée. Je n’ai jamais dit que le HCE traitait des enfants de moins de deux ans, mais qu’il mettait l’accent, comme je l’ai fait, sur l’importance de l’école maternelle. Le HCE considère que l’école maternelle doit être une école à part entière, pour lutter contre les inégalités dans la maîtrise de l’oral, qui conditionne l’apprentissage réussi de l’écrit. Je regrette que cette appréciation ne trouve pas sa traduction dans le budget, et que l’école maternelle soit, une fois de plus, considérée comme une variable d’ajustement. Supprimer 11 200 postes, Monsieur le ministre, c’est en supprimer plus de mille dans ma région, et ces suppressions pèseront sur l’école maternelle. Même si l’on peut objecter au financement de la mesure proposée, nous voulions, par cet amendement, marquer l’importance que nous devrions tous, et vous le premier, Monsieur le ministre, porter aux recommandations du HCE.

L'amendement 222, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Sandrine Mazetier – Le ministre nous prête des propos que nous n’avons jamais tenus. Aucun de nous n’a demandé plus de postes ou de moyens ! À budget, postes et moyens équivalents, on peut faire autre chose – par exemple, comme nous le proposons par l’amendement 221, réaffecter les crédits destinés aux heures supplémentaires à l’accueil en maternelle.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – La commission n’a pas examiné l’amendement auquel, à titre personnel, je suis particulièrement défavorable. La proposition remettrait en effet en cause la revalorisation du pouvoir d’achat des enseignants, disposition fondamentale du budget.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Si les enseignants sont volontaires pour faire des heures supplémentaires, ils gagneront en pouvoir d’achat et rendront service à l’institution. Ce sont 1 360 000 heures supplémentaires qui leur sont proposées, défiscalisées et exonérées de cotisations sociales. La politique du Gouvernement est de travailler plus pour gagner plus. Empêcher de rémunérer les heures supplémentaires la remettrait en cause et diminuerait l’offre éducative. Avis défavorable.

M. Patrick Roy – Nous ne demandons pas des postes en plus, nous voulons conserver les 11 200 postes qu’on va supprimer. Proposer des heures supplémentaires, c’est ignorer que les enseignants travaillent déjà bien plus que la normale, car une heure de cours, c’est aussi une heure de préparation. On ne le prend pas en compte.

L'amendement 221, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – L’amendement 278 transfère 15 millions du programme « soutien de la politique de l’éducation nationale » vers l’action « accompagnement des élèves handicapés » afin de porter à 151 millions les crédits du titre 2 de l’action 3 « accompagnement des élèves handicapés » et financer le recrutement d’auxiliaires de vie scolaire individualisés.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis favorable.

M. Yvan Lachaud – J’y suis tout à fait favorable, mais j’en profite pour signaler que les établissements privés sous contrat ne bénéficient pas d’auxiliaires de vie scolaire collective. Il n’y a pas de raison de traiter différemment les enfants handicapés dans le privé et dans le public. Je souhaite donc qu’on réfléchisse à une solution pour régler cette question.

Mme Sandrine Mazetier – Pour démontrer une fois de plus notre absence de sectarisme, nous voterons pour cet amendement.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je me réjouis de ce consensus, même si je le sens provisoire.

Effectivement, Monsieur Lachaud, les établissements privés bénéficient d’auxiliaires de vie individualisés recrutés par l’inspection académique sur des emplois publics, mais ne peuvent recruter des auxiliaires de vie collective. C’est un problème. Nous en parlerons, et vous pourrez peut-être nous aider à avancer.

L'amendement 278, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – Je défends mon amendement 228, ainsi que l’amendement 87 de la commission. L’objectif est d’alerter le ministre de l’agriculture sur le volontarisme nécessaire pour développer l’enseignement technique agricole. Ces crédits sont intégrés à la mission « Enseignement scolaire », ce qui crée une difficulté. C’est donc à M. Darcos que je m’adresse pour dire au Gouvernement que les crédits de l’enseignement technique agricole sont sous-évalués. Mais il ne s’agit pas de diminuer ceux de l’éducation nationale. Je rappelle qu’après des contentieux provoqués par le refus de réévaluer la subvention de fonctionnement pour cet enseignement, il a été précisé dans le code rural en 2003 que le ministère de l’agriculture devait évaluer tous les cinq ans le coût par élève de l’enseignement agricole public afin de procéder à la réévaluation de la subvention. Je souhaite connaître la réponse du Gouvernement pour décider du sort de ces amendements.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – M. Censi souhaite que le montant du forfait de fonctionnement versé pour chaque élève dans l’enseignement agricole privé tienne compte des résultats de l’enquête conduite sur le coût des élèves dans l’enseignement agricole public, afin de respecter la parité. Après négociation, le ministère de l’agriculture a décidé de réévaluer de 1 %, à titre provisoire, la ligne budgétaire inscrite pour 2008. Il s’agit d’une provision. Au-delà, je peux vous indiquer que le ministre de l’agriculture s’engage à débloquer, dès fin 2007, 4 millions pour financer l’enseignement agricole privé et à conclure début 2008 la négociation engagée avec ses représentants. Compte tenu de ces engagements, je pense que vous avez satisfaction et que vous pourriez retirer les amendements.

M. Yvan Lachaud – Une autre difficulté s’ajoute à l’insuffisance de la subvention. Pour les emplois qui ne sont même pas un mi-temps, c’est l’établissement qui paye. L’État qui doit rembourser a un an de retard dans les paiements, et ce retard va en s’aggravant. Je souhaiterais que vous alertiez le ministre de l’agriculture à ce sujet.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – Au vu des engagements du ministre de l’agriculture et des 4 millions qu’il a débloqués, je peux retirer mon amendement.

Les amendements 228 et 87 sont retirés.

M. Yvan Lachaud – Les élèves de province sont défavorisés par rapport à ceux de région parisienne pour ce qui est des visites aux monuments et manifestations. En, effet, les tarifs de la SNCF pour les groupes scolaires sont exorbitants. Je vous demande de tout mettre en œuvre pour les faire revoir à la baisse.

Ainsi, les élèves scolarisés dans le Gard doivent débourser 100 euros pour aller visiter Verdun, ou l'Assemblée nationale, et en revenir. Une telle somme n’est plus à la portée de toutes les familles. Un effort doit donc être envisagé, en concertation avec la SNCF et Air France, qui pourraient d’autant plus facilement aménager leurs tarifs que les trains et les vols qu’ils affrètent ne sont pas toujours complets ! Tel est le but de mon amendement 227.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement – que la commission n’a pu examiner – parce que ce n’est pas au seul ministère de l’éducation nationale de financer une mesure qui relève aussi du secrétariat d’État chargé des transports, des entreprises de transport et des collectivités locales. Il s’agit néanmoins d’une question essentielle, que j’avais moi aussi soulevée ici même à propos du développement des territoires ruraux, et qui justifierait une mission d’étude.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – J’ai déjà parlé de ce problème avec MM. Lachaud et Censi. La question est tout à fait légitime : la démocratie exige que l’éloignement géographique ne nuise pas à la qualité de l’offre culturelle à laquelle tous les élèves ont droit. J’ai pris contact avec la présidente de la SNCF, Mme Idrac, pour préparer un accord dont une mission pourrait étudier les modalités, ainsi qu’avec les collectivités locales, qui, au titre de la loi de 1983, sont seules responsables des transports scolaires. En ce qui me concerne, je serais prêt à abonder les crédits du programme « Vie de l’élève ».

Mme Sandrine Mazetier – Cet amendement est déroutant. Les intentions de M. Lachaud sont pures : il s’agit de permettre à tous les élèves de France de découvrir de nouveaux horizons… mais au prix d’un financement accru des transports scolaires par les régions. Même si M. le ministre vient de s’engager à en discuter avec les associations qui représentent les collectivités locales, on retrouve là la fâcheuse manie qui consiste à se défausser sur ces dernières des responsabilités qui incombent à l’État (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre, Anouilh affirmait que rien n’est vrai que ce que l’on ne dit pas. Ainsi avez-vous évoqué la disparition prochaine, comme par magie, de la carte scolaire, oubliant que, s’agissant des collèges, la loi en confie la responsabilité aux départements. Parlons des responsabilités des collectivités locales, mais non au détour de l’examen d’un amendement – auquel nous ne saurions par ailleurs souscrire puisqu’il propose de diminuer les crédits du programme « Vie de l’élève ».

L'amendement 227, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yvan Lachaud – L’amendement 226 concerne les contrats aidés, menacés par ce budget alors que, au cours de la précédente législature, nous avons voulu encourager les principaux et les proviseurs à y recourir. Certes transitoires, ces contrats destinés à faire accéder les jeunes à l’emploi ont créé au sein des établissements des besoins que leur disparition brutale laisserait insatisfaits. Ils ont par exemple permis l’ouverture des CDI à l’heure du déjeuner et jusqu’à 17 heures ou 17 heures 30 et renforcé les missions de proximité et de sécurité au sein des établissements.

Mme Sandrine Mazetier – C’est vrai !

M. Yvan Lachaud – Les menaces qui pèsent sur ces emplois suscitent la grogne bien compréhensible des enseignants et des directeurs d’établissement. Même si M. le ministre n’est pas en mesure de nous fournir une réponse immédiate, il me semble que nous devrions tous y réfléchir.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – Je suis personnellement défavorable à cet amendement, que la commission n’a pu examiner, mais dont l’adoption ferait peser sur le budget un coût supplémentaire inattendu. Je l’ai dit dans mon rapport : le recours aux contrats aidés est source de complications – vous l’avez vous-même admis, Monsieur Lachaud. Mieux vaudrait privilégier des emplois stables et formés.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Question difficile ! Sur les emplois aidés qui concernent l’accompagnement du handicap, je puis vous rassurer, Monsieur Lachaud : ils seront maintenus, de même que ceux qui appuient les directeurs d’école. Quant aux autres, extrêmement variés, et qui se sont souvent, c’est vrai, révélés utiles, ils relèvent de la compétence de la ministre chargée de l’emploi.

M. François Rochebloine – Ni plus ni moins que les emplois d’accompagnement du handicap !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je doute que Mme Lagarde soit enthousiaste à l’idée de me voir puiser dans son budget sans lui demander son avis…

Nous réfléchirons à un système plus pérenne ou à des dispositifs différents – des vacations, par exemple – permettant d’éviter une disparition trop brutale des services que ces contrats, dont la raréfaction sera de toute façon progressive, permettaient de rendre.

M. Yves Durand – Je partage la position que M. Lachaud a exprimée à la tribune, puis à l’instant, et dont M. le rapporteur spécial s’est fait l’écho. Sans vouloir revenir sur la disparition des emplois jeunes, la suppression brutale des emplois aidés pose des problèmes analogues : elle pénalise non seulement les jeunes, mais aussi et surtout les établissements. Un effort important est donc indispensable. Monsieur le ministre, vous invoquez un système pérenne, mais vous supprimez et les emplois précaires et les emplois stables ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Je vous soutiens par ailleurs dans la rude tâche qui vous attend si vous espérez susciter l’enthousiasme de Mme Lagarde en lui parlant de restaurer les emplois aidés… (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Yvan Lachaud – Je ne suis pas sûr que nous soyons parfaitement d’accord… Je ne défends pas les contrats aidés par principe, mais parce que je crains les conséquences d’une disparition trop soudaine. Au chômage ou au RMI, les jeunes continueront de toucher les 600 euros mensuels que leur assuraient ces emplois : le coût pour les finances publiques sera le même !

M. François Rochebloine – Absolument !

M. Yvan Lachaud – Je sais que le problème ne relève pas de votre compétence, Monsieur le ministre, mais le Gouvernement ne peut-il pas y réfléchir collectivement ?

M. le Président – Retirez-vous votre amendement ?

M. Yvan Lachaud – Oui, à la lumière des précisions du ministre.

Plusieurs députés du groupe SRC – L’amendement est repris !

M. le Président – Ce n’est pas possible.

L’amendement 226 est retiré.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – Le programme « Enseignement technique agricole » ne prévoit pas de crédits pour la rémunération des AVS, que l’accompagnement des élèves handicapés soit collectif ou individuel. C’est la maison du handicap qui prescrit à l’établissement d’accueil l’obligation de mise à disposition d’un accompagnement. L’étroitesse de la marge financière de ces établissements pose question, au regard du recrutement de ces personnels dont le besoin serait estimé à 40 postes. L’amendement 88 vise à partager la dotation prévue à l’action 3 entre les besoins des élèves handicapés de l’enseignement général et ceux de l’enseignement technique agricole.

Il conviendrait aussi, Monsieur le ministre, que les accompagnants pour élèves handicapés fassent l’objet d’une ligne budgétaire dans ce programme.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Me voici de nouveau ministre de l’agriculture ! (Sourires) L’enseignement technique agricole accueille 1 500 élèves handicapés. Le ministre de l’agriculture a évalué le coût de leur intégration à 700 000 euros et m’a assuré que ces crédits seraient mobilisés pour cette année sur son propre budget. Toutefois, nous créerons dès l’an prochain une sous action qui permettra d’identifier précisément ces moyens. Fort de cette assurance, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. François Rochebloine – Lorsque j’ai posé cette question à M. Barnier au moment de l’examen des crédits de l’agriculture, il m’a fait part de la création – ex nihilo – de postes. Il est tout de même illogique que l’éducation nationale fasse bénéficier de cet accompagnement les seuls élèves de l’enseignement général. Pour avoir évoqué ce sujet avec le président de l’union nationale des maisons familiales rurales – établissements sous contrat – je sais qu’il n’y a jamais eu de crédits consacrés à l’accueil des élèves handicapés. Cet amendement est donc tout à fait légitime.

Mme Sandrine Mazetier – Je demande une suspension de séance pour que les députés de mon groupe, qui avaient demandé à reprendre l’amendement, se réunissent afin de décider d’une position commune.

M. le Président – Elle est de droit.

La séance, suspendue à 21 heures 20 est reprise à 21 heures 30.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Si j’ai bien compris, les députés socialistes voulaient reprendre l’amendement de M. Lachaud estimant que ma réponse n’était pas suffisamment allante…

M. Yves Durand – Mais nous voulions vous soutenir, Monsieur le ministre !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – C’est une question sur laquelle le président de la République s’est engagé avec fermeté. Je ne me sens pas capable de dire que les handicapés se débrouilleront. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée et je donne même un accord de principe à l’amendement 88.

M. Yvan Lachaud – Que ceux qui l’ont utilisé ne s’en formalisent pas, mais nous nous sommes assez battus dans la loi du 11 février 2005 pour que l’on bannisse définitivement le terme d’« intégration », qui se rapporte aux personnes appartenant à une communauté différente. Nous lui préférons ceux de « scolarisation » ou d’ « insertion professionnelle ».

L'amendement 88 ,mis aux voix, est adopté.

M. le Président – A l’unanimité.

M. Yves Censi, rapporteur spécial – Je vous remercie, Monsieur le ministre et je suis sûr que le ministre de l’agriculture vous en sera reconnaissant (Sourires).

J’en viens à l’amendement 89. Le programme « enseignement technique agricole » contribue à la politique de réduction des emplois publics, qui s’applique aux établissements publics – dotés de 11 814 ETPT – et privés – 4 936 ETPT. Pour les établissements privés, le ministère de l’agriculture a estimé cette contribution à 10 ETPT, soit 30 emplois à temps plein en septembre 2008. Le plafond d’emplois du programme devrait donc passer de 4 963 pour 2007 à 4 953 pour 2008. Or, les crédits prévus correspondent à un plafond d’emplois de 4 936 ETPT, soit 17 de moins. Il s’agirait – nous dit-on – de la transposition en année pleine des mesures de réduction des ETPT votées en 2007. Le plafond a pourtant été consommé sur la totalité de l’année, et non sur le seul dernier trimestre. En outre, la suppression de 30 emplois en septembre 2008 conduira automatiquement à une nouvelle baisse du plafond d’emplois en 2009, alors que ces établissements sont déjà sous-dotés.

Nous proposons donc de majorer de 780 000 euros les crédits du titre 2 du programme « enseignement technique agricole » – ce qui correspond à 17 ETPT – et de diminuer d’autant ceux du programme « enseignement scolaire public du second degré », en espérant que l’enseignement technique agricole constituera bientôt une mission à part entière.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je crois en effet que ce sera nécessaire l’an prochain. Il n’est pas de bonne méthode budgétaire que le ministre de l’éducation nationale prélève sur ses crédits pour résoudre les problèmes spécifiques de l’enseignement technique agricole.

Ayant ouvert grands les bras à vos propositions tout à l’heure, Monsieur Censi, j’aurais mauvaise grâce à adopter une autre position sur cet amendement. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée. Rassurez-vous : les membres de mon cabinet sont très inquiets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

L'amendement 89, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « enseignement scolaire », mis aux voix, sont adoptés.

La suite de la discussion de la seconde partie de la loi de finances pour 2008 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, vendredi 16 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 21 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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