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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 21 novembre 2007

1ère séance
Séance de 15 heures
59ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

POUVOIR D’ACHAT DES FONCTIONNAIRES

M. Philippe Vigier – Monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP),…

M. le Président – Un peu de calme, je vous prie.

M. Philippe Vigier – …la réforme de l’État fait partie des grands chantiers du quinquennat ouverts par le Président de la République. L'Etat doit devenir, comme dans tous les grands pays européens, plus efficace, plus productif et mieux adapté aux besoins et aux attentes des citoyens.

C’est pourquoi le groupe Nouveau Centre soutient le Gouvernement quand il décide de ne pas remplacer poste par poste les fonctionnaires partant à la retraite, ce qui permettra, dès 2008, une économie de 350 millions d’euros (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe GDR).

En contrepartie de ces réductions d'effectifs, le Président de la République s’est engagé à améliorer le pouvoir d'achat des fonctionnaires en leur reversant sous forme de primes la moitié des économies ainsi réalisées. Ainsi offrez-vous une véritable réponse à la question légitime du pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui doivent être mieux payés et faire l’objet d’une plus grande considération.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures adopterez-vous afin d’honorer cet engagement, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique – Préoccupation majeure des Français, notamment des fonctionnaires (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), la question du pouvoir d’achat fait depuis trop longtemps obstacle aux relations sociales dans la fonction publique : aucun accord salarial n’a pu être signé depuis 1998 !

Éric Woerth, mon ministre de tutelle, et moi-même avons proposé aux organisations syndicales représentatives de la fonction publique – fonctions publiques territoriale et hospitalière incluses – une conférence sur ce sujet afin d’aborder le sujet de manière sereine et approfondie, au-delà de la querelle de chiffres sur les différents instruments de mesure du pouvoir d’achat. Nous procédons sérieusement et méthodiquement, à l’écoute et dans le respect des partenaires sociaux, avec lesquels nous sommes prêts à discuter des moyens de maintenir le pouvoir d’achat des fonctionnaires…

M. le Président – Veuillez conclure.

M. André Santini, secrétaire d’État Cela passe par des mesures générales relatives au point d’indice mais aussi par la prise en compte de l’avancement automatique. Nous sommes prêts également à débattre de la restitution aux fonctionnaires de la moitié des économies que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite aura permis de réaliser – 225 millions en 2008, 500 en 2009 (Protestations sur les bancs du groupe GDR). Enfin, cette progression du pouvoir d’achat passe par la rémunération à leur juste valeur des heures supplémentaires. Cette conférence s’ouvrira le 3 décembre (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC et du groupe UMP).

SABOTAGES SUR PLUSIEURS LIGNES SNCF

M. Christian Ménard – Monsieur le Premier ministre, des actes de sabotage, manifestement coordonnés, ont été commis ce matin sur plusieurs voies ferrées (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP ; « Arrêtez ! » sur les bancs du groupe SRC). Des incendies volontaires ont ainsi endommagé les systèmes électriques ou de signalisation des voies à grande vitesse sur les réseaux Atlantique, Nord, Sud-Est et Est, exposant à de nouveaux retards de nombreux usagers que les grèves empêchent déjà depuis une semaine de se rendre sur leur lieu de travail. Au moment où s’engagent des négociations sur la nécessaire réforme des régimes spéciaux – ce matin à la RATP, cet après-midi à la SNCF –, les députés du groupe UMP condamnent avec la plus grande force ces actes irresponsables et dangereux (Protestations sur les bancs du groupe GDR ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Qu'une minorité d'activistes agisse de la sorte, pénalisant la majorité de nos concitoyens, relève de l'intimidation, et non de la défense de convictions ! Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il adopter pour punir les auteurs de ces actes et pour garantir la sécurité des passagers qui empruntent ces lignes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, Premier ministre  (Vifs applaudissements du groupe UMP et du groupe Nouveau Centre) Les actes de sabotage coordonnés qui ont en effet touché ce matin toutes les grandes lignes de TGV – Atlantique, Nord, Est et Sud-Est (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP) – sont criminels (Protestations sur les bancs du groupe GDR).

M. Maxime Gremetz – Jamais un ouvrier ne ferait cela !

M. François Fillon, Premier ministre  Les organisations syndicales les ont du reste immédiatement condamnés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC, puis sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau Centre), de même, j’en suis persuadé, que l’immense majorité des cheminots, qui refusent de voir ainsi détruit leur outil de travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les auteurs de ces actes ne s’en tireront pas ainsi : la justice a été saisie, des enquêtes sont en cours et les sanctions qui frapperont les coupables seront extrêmement sévères (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ils se sont lourdement trompés s’ils se sont crus capables d’interrompre les négociations et la reprise du travail déjà entamées à la SNCF, et que leur stratégie irresponsable ne fait que rendre plus nécessaires encore (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Pour les Français qui n’en peuvent plus de cette galère, il est urgent que les grèves cessent et que le travail reprenne (« Au boulot ! » sur les bancs du groupe UMP) à la SNCF comme à la RATP, où les négociations, je le répète, sont engagées (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

POUVOIR D’ACHAT

M. Michel Liebgott – Monsieur le Premier ministre, répondant hier à François Hollande, vous avez vous-même admis qu’il y a un problème de pouvoir d’achat en France, ajoutant aussitôt que la réhabilitation de l’impôt ne permettrait pas de le résoudre. Pourtant, vous faites peser des taxes, les « franchises », sur les patients – aux malades de payer pour les malades ! – comme sur 780 000 foyers de personnes de plus de 65 ans exonérées de l’impôt sur le revenu mais désormais soumises à une redevance audiovisuelle dont le montant s’élève à 116 euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Pire que l’impôt ! On imagine ce qui attend la majorité des Français après les élections municipales !

En même temps – preuve que vous ne vous souciez que des grosses fortunes –, votre gouvernement rembourse, dans le cadre du bouclier fiscal, 121 millions d’euros à 2 398 contribuables, soit un chèque moyen de 55 000 euros.

Ceux qui travaillent dur, mais aussi la majorité des retraités, qui ont travaillé dur, attendent de nous, socialistes, que nous les défendions. Aussi ne soyez pas surpris si, chaque semaine, nous vous demandons de répondre à nos très concrètes propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Oui à des accords salariaux pour un plus grand pouvoir d’achat, oui à un chèque transport financé par les superprofits des compagnies pétrolières, oui à un encadrement des loyers en 2008, car logement et transport absorbent une part essentielle dans le budget des ménages.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous étudier ces propositions ? Hier, vous n’avez pas répondu à M. Hollande. Vous vous êtes simplement félicité des profits des entreprises ; mais à qui seront-ils distribués, si ce n’est à une minorité ? Si vous ne répondez pas, nous reviendrons à la charge la semaine prochaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Le pouvoir d’achat est la principale préoccupation du Président de la République, du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je suis heureuse que vous nous rejoigniez sur ce point, si j’en juge par la répétition de vos questions. Je m’en réjouis d’autant plus que, depuis dix ans, les 35 heures démontrent qu’en travaillant moins, il n’est pas possible de gagner plus (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Nous souhaitons, quant à nous, démontrer qu’en travaillant plus, on peut gagner plus !

Vous avez d’ailleurs la mémoire très sélective, car c’est notre majorité qui a défiscalisé les 35 heures, de même qu’elle a créé un crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et a supprimé les droits de succession pour 95 % des Français (Même mouvement). C’est aussi notre gouvernement qui, à l’occasion de la conférence sur l’emploi, les revenus et le coût du travail, a décidé d’engager le débat sur la conditionnalité des aides, subordonné à l’ouverture de négociations sur les salaires. Je me réjouis que vous nous rejoigniez aussi là-dessus. Au fond, je n’ai qu’un regret : c’est que vous n’ayez pas voté ces mesures ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

PRIX DES CARBURANTS

M. André Gerin – Les grévistes ont raison de se battre pour défendre les régimes spéciaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Et si on parlait des régimes spéciaux de l’armée, du clergé (Même mouvement), des députés et sénateurs, des dirigeants de grandes entreprises : seize de ces derniers perçoivent, grâce à leurs régimes spéciaux de retraite, de 40 000 à 175 000 euros chaque mois, selon le Journal du Net ! Que fait-on pour ces retraites en or massif ? Est-ce cela, l’équité prônée par le Président de la République ? Quand vous parlez d’équité, les Français entendent « austérité » ! Ils sont exaspérés, car vous leur volez leur pouvoir d’achat. Le niveau de vie baisse, avec les salaires et les pensions de retraite. Nous entrons dans une impasse.

Les députés communistes proposent une baisse de 10 % du prix des carburants, selon la démonstration que je vais vous faire, avec un croquis que j’ai réalisé (et que M. Gerin montre). C’est possible, en tenant compte du paquet fiscal de 15 milliards ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Une société comme Total réalisant un milliard de bénéfices mensuels, nous proposons de réduire les taxes de huit centimes et de taxer les superprofits pétroliers de cinq centimes, soit 13 centimes par litre. Cela induirait une baisse immédiate des prix à la pompe de 10 % ! (Même mouvement)

M. le Président – Posez votre question.

M. André Gerin – Il est temps de prendre des mesures contre la vie chère. Avec 10 % d’économies sur le prix du carburant à la pompe…

M. le Président – Merci. La parole est à Mme Lagarde, ministre de l’économie des finances et de l’emploi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Roy – Et de la bicyclette !

M. le Président – Mes chers collègues, il se trouve que nous avons, cette semaine, de nombreux élus locaux. Or, la comparaison est toujours faite entre l'Assemblée nationale et les assemblées territoriales. Je vous invite donc à montrer que nous savons discuter et nous écouter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi En introduction à ma réponse, je voudrais vous donner deux chiffres : au troisième trimestre, la croissance de l’économie française a été de 0,7 % et le chômage s’est établi à 8,1 %. Or, la croissance alimente le pouvoir d’achat, en permettant une meilleure répartition des richesses (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

S’agissant du prix du carburant, le Gouvernement n’est pas resté les mains dans les poches. Nous avons doublé la prime à la cuve pour les ménages les plus modestes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Nous avons en outre reçu, sur ma convocation, l’ensemble des sociétés productrices, qui ont pris l’engagement de lisser les hausses du prix des matières premières sur des périodes de quatre semaines, et de répercuter les baisses immédiatement. Nous veillerons à ce que ces engagements soient respectés. Ce sont deux mesures concrètes qui contribuent à la diminution des prix du carburant pour les ménages. Par ailleurs, nous mettons constamment à jour un logiciel consulté par plus de 20 000 Français chaque jour et qui peut leur permettre d’économiser jusqu’à 20 % sur le prix d’un plein d’essence. Tous les services de l’État sont mobilisés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

CONTRATS DE TÉLÉPHONIE MOBILE

M. Alain Suguenot – Le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français. Dans un contexte de forte hausse du prix des matières premières, une action volontariste est nécessaire pour rendre possible une baisse des prix à la consommation.

Restaurer la confiance implique également d’améliorer la transparence, en particulier dans le secteur des télécommunications. Je suis saisi de nombreuses plaintes concernant la mise en service de plateformes téléphoniques avec des numéros surtaxés, en « 08 », à l’origine de nombreux abus. Certains opérateurs conçoivent ces numéros comme une confortable source de profits.

Les personnes les plus exposées sont les plus fragiles d’entre nous. De surcroît, le délai d’attente, de plusieurs minutes, peut ne pas déboucher sur une communication !

Une autre pratique abusive consiste à imposer une durée d’engagement de 24 mois : il conviendrait d’assouplir les conditions d’entrée et de sortie des contrats, comme cela s’est fait au Canada, en Finlande ou au Danemark, et de prévoir des durées de contrat plus raisonnables. En outre, l’obligation de fournir annuellement un bilan d’information détaillé de l’usage de chaque ligne permettrait de faire jouer la concurrence entre fournisseurs.

Monsieur le ministre, vous avez pris la mesure de ces enjeux avec le projet de loi que nous examinerons cet après midi, relatif au développement de la concurrence au service des consommateurs. Les Français attendent beaucoup de ce texte. Quelles sont les réponses que vous envisagez de donner sur ces différents points ?

Un député du groupe SRC – Il n’y a rien dans ce texte !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Ce projet de loi, qui traite de la grande consommation, des banques et de la téléphonie, intéresse directement le pouvoir d’achat des Français puisque ces postes représentent 30 % du budget des ménages. Précision utile, ce texte ne coûtera pas un centime à l’État !

Avec la réforme de la loi Galland, les consommateurs seront replacés au cœur des négociations avec les fournisseurs, puisque les avantages commerciaux qui en seront tirés pourront leur être redistribués.

Mais défendre les consommateurs, c’est aussi les protéger contre les pratiques abusives dont vous avez fait état. 65 % des Français se sentent insuffisamment protégés dans les secteurs de la téléphonie et de l’Internet. Le secteur des communications électroniques se classe d’ailleurs en tête pour le nombre des plaintes recensées par la direction de la concurrence et de la répression des fraudes, avec 34 000 plaintes par an.

Lorsque le client appelle un service d’assistance, il ne doit plus avoir à payer pour écouter la musique d’attente. Il faut en finir avec cette double peine : on appelle parce que le service ne fonctionne pas, et on doit payer pour le dire ! Le projet de loi imposera donc la gratuité du temps d’attente et des numéros non surtaxés pour les hotlines. C’est une mesure très attendue par nos concitoyens.

S’agissant des durées minimales d’engagement dans la téléphonie, le consommateur pourra changer plus facilement d’opérateur : la fidélité, ce n’est pas la captivité !

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le consommateur doit être libre de faire jouer la concurrence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

DOSSIER MÉDICAL PERSONNALISÉ

M. Jean-Pierre Door – Le dossier médical personnel, considéré à raison comme un outil permettant d’améliorer la qualité et la continuité des soins, a été, à de multiples reprises, freiné dans son développement par des obstacles juridiques, pratiques ou techniques. Cela vous a conduite, Madame la ministre de la santé, à demander un rapport d'expertise auprès de l'IGAS, de l’Inspection générale des finances et du Conseil général des technologies de l'information, rapport qui vous a été remis il y a quelques jours. De son côté, la mission d'information parlementaire sur le DMP, créée à la demande du président de la commission des affaires sociales, a entendu ces inspecteurs la semaine dernière.

Ce rapport affirme sans ambiguïté l'intérêt du DMP pour la qualité des soins et la santé publique. Il confirme qu’il est nécessaire de mettre en place un tel instrument. Mais pourriez-vous nous dire quelles sont les recommandations qui ont été énoncées ? Comment envisagez vous l’avenir du DMP, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Monsieur le Député, je vous remercie pour le travail que vous effectuez à la tête de la mission d’information sur le dossier médical personnel.

Le DMP est, en effet, un outil majeur pour la qualité des soins. Les conclusions de la triple revue de projets, confiée en effet par Éric Woerth et moi-même à l’IGAS, à l’Inspection générale des finances et au Conseil général des technologies de l’information, sont claires. S’il y a eu des retards, dus à des difficultés de pilotage et à un calendrier trop ambitieux, l’utilité du DMP ne fait pas de doute.

Comment vais-je procéder ? Je renoncerai à l’appel d’offres sur l’hébergeur de références, un projet qui n’est pas mûr techniquement. Ensuite, je recentrerai la démarche autour des praticiens médicaux et des patients – ceux-là mêmes pour qui le DMP est conçu. Ils seront associés à la réflexion qui débouchera sur un séminaire au mois de janvier. Nous élaborerons alors des prototypes opérationnels que nous expérimenterons là où ce sera le plus utile. En outre, j’ai demandé à une mission resserrée d’émettre des préconisations sur le pilotage de ce projet par l’État.

En suivant cette feuille de route, nous parviendrons à un DMP opérationnel. Cela prendra sans doute plusieurs années, mais je me félicite que l’article du PLFSS que vous avez voté nous permette de poursuivre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Pascal Terrasse – Quand aboutira-t-il ?

INQUIÉTUDE DES MAIRES DE FRANCE

M. Michel Vergnier – Les craintes qui se sont fait jour lors du 90e congrès des maires de France sont plus nombreuses que les sujets de satisfaction.

Malgré ses engagements, le Gouvernement persiste à essayer de passer en force sur la question des services publics. La concertation promise – et garantie par la charte des services publics – est souvent réduite à sa plus simple expression : la décision d’abord, le débat après ! C’est vrai pour l’hôpital public, pour la carte judiciaire et pour la réforme du code de l’urbanisme !

Surtout, la disparition programmée de l’autonomie financière des collectivités locales ne laisse pas d’inquiéter. Le coup qu’y porte la loi de finances pour 2008 aurait été plus grave encore si les élus n’avaient fait pression. Alors que l’État continue d’accroître la dette publique – en raison de choix qui vous appartiennent et qui ne sont pas financés –, il est demandé aux collectivités de participer à l’effort national. C’est une drôle de péréquation que vous proposez, puisqu’elle doit s’effectuer à l’envers : on enlève un peu plus aux collectivités les moins favorisées.

C’est la politique du garrot : vous serrerez toujours un peu plus, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je ne plaisante pas : venez au congrès des maires, venez les entendre, dans leur diversité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Ce qu’ils demandent, c’est simplement de pouvoir exercer leurs responsabilités. Ils ne veulent ni diminuer les investissements, ce qui condamnerait les entreprises locales, ni augmenter la pression fiscale, ce qui pèserait sur le pouvoir d’achat.

M. le Président – Votre question, Monsieur Vergnier.

M. Michel Vergnier – Dans ces conditions, il n’y a aucun espoir que la croissance redémarre (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés du groupe UMP – La question !

M. Michel Vergnier – Le Président de la République, hier, ne nous a pas rassurés. Nous attendons d’autres précisions (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Vous n’avez pas le monopole de la compréhension des maires ruraux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Nous les considérons tous comme des maillons indispensables de l’aménagement du territoire. Il est aujourd’hui très difficile de gérer une collectivité locale, qu’elle soit urbaine ou rurale, riche ou pauvre. Les problèmes sont différents mais les difficultés se valent, et il faut concilier l’accès de nos concitoyens aux services avec les contraintes financières.

Le réseau des services publics en milieu rural fait l’objet de toute notre vigilance et je me suis engagé à ce que le réseau des trésoreries soit particulièrement préservé. Je l’ai dit devant l’Association des maires de France et devant celle des maires des communes rurales (Protestations sur les bancs du groupe SRC). Du point de vue financier, la dotation globale de fonctionnement progressera de plus de 2 % l’an prochain et la dotation de solidarité rurale de 9 %. Beaucoup reste cependant à faire et nous devons notamment revoir de fond en comble la fiscalité locale. C’est ce à quoi nous nous sommes attelés avec le Premier ministre, en concertation avec l’ensemble des représentants des élus locaux. J’espère que vous voilà rassuré.

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Non !

GRENELLE DE L’INSERTION

M. Michel Herbillon – Le Président de la République, qui a fixé comme objectif de réduire d’un tiers la pauvreté en cinq ans, a chargé le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté…

Plusieurs députés du groupe SRC – Haut commissaire au paquet fiscal !

M. Michel Herbillon – …d’organiser un « Grenelle de l’insertion » (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Il est tout de même étrange que, dès que l’on parle de lutte contre la pauvreté, le parti socialiste se mette à vociférer !

Ce matin, Monsieur le haut commissaire, en conseil des ministres, vous avez présenté cette grande concertation nationale qui permettra, vingt ans après la création du RMI, de faire le point sur les réussites et les échecs de notre modèle d'insertion et de repenser les fondements de notre action. À la veille de cette grande mobilisation nationale, pouvez-vous nous préciser son articulation avec les autres chantiers dont vous êtes également chargé, à savoir la réforme des minima sociaux et celle des contrats aidés ? Quels sont les objectifs du Grenelle de l'insertion et quelle sera la part des différents acteurs – associations, institutions, entreprises et collectivités locales ? Quel sera le calendrier de la réflexion et comment y sera associé le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté – Le coup d’envoi du Grenelle de l’insertion sera donné vendredi à Grenoble, avec l’ensemble des acteurs concernés : ce sont eux qui l’ont demandé, et il se fera avec eux. Des collèges de réflexion vont être mis en place, afin que tous puissent discuter, se confronter et trouver des solutions ensemble : employeurs, syndicats, associations, acteurs de l’insertion par l’économique et élus. J’ai pris contact avec les grandes associations de collectivités territoriales pour qu’elles désignent des représentants, ainsi qu’avec les présidents des groupes de l'Assemblée nationale et du Sénat, car nous tenons à ce que le Parlement soit associé au processus dès l’origine.

Notre politique d’insertion n’a pas eu les résultats escomptés. Le Grenelle de l’insertion poursuit donc cinq objectifs : remettre de l’ordre dans les prestations, afin d’assurer leur progressivité ; donner accès à la formation professionnelle à ceux qui en sont le plus éloignés ; faire des contrats aidés non pas des impasses, mais des passerelles vers un emploi durable…

Plusieurs députés du groupe SRC – Il n’y a plus de contrats aidés !

M. Martin Hirsch, haut commissaire C’est pour cette raison que nous devons aller vers le contrat unique d’insertion ! Le quatrième objectif est de lier accompagnement social et accompagnement professionnel et le dernier de mobiliser les entreprises.

En 1988, le Parlement s’était rassemblé pour créer le RMI, afin de garantir à chacun un minimum de ressources. En 1998, il a voté une loi contre les exclusions, afin que chacun se voie ouvrir des droits. En 2008, j’espère qu’il se retrouvera de nouveau pour faire en sorte que l’insertion soit une réalité pour l’ensemble de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

M. Guy Geoffroy – Cent trente. Cent trente, et peut-être plus. C’est le nombre terrifiant de femmes qui meurent chaque année des suites de violences conjugales. Mais ce nombre glaçant ne résume pas le problème : des études ont fait apparaître de manière incontestée que près de 10 % de nos concitoyennes sont victimes de violences de toutes sortes au sein de leur couple ; depuis qu’il a été installé, en mars dernier, le numéro de téléphone national unique pour les victimes de violences conjugales a reçu plus de 50 000 appels de femmes en profonde détresse, demandant aide et soutien !

La représentation nationale n’est pas restée inactive puisque, depuis 2005, trois lois ont été adoptées qui visent à combattre ces ignominies. En particulier, celle de 2006, que j’ai eu l’honneur de rapporter et qui a été adoptée à l’unanimité, a renforcé les sanctions dont se rendent passibles les auteurs de ces violences. Nous sommes sur la bonne voie, mais les chiffres montrent que cela ne suffit pas. À l’approche de la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes qui aura lieu le 25 novembre sous l’égide des Nations unies, pouvez-vous, Madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, nous dire quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour permettre que la situation de ces femmes et de leurs familles s’améliore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Je salue l’initiative prise par le groupe UMP de créer un groupe de travail sur les violences faites aux femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) car, pour lutter contre ce fléau, toutes les énergies sont les bienvenues. Vous l’avez rappelé, trois lois ont précisé le cadre juridique de la lutte contre ces violences. C’était indispensable car, en 2005, 330 000 femmes ont déclaré vivre avec un conjoint qui avait porté la main sur elles – et encore n’est-ce que la partie visible de l’iceberg, puisque ne sont prises en compte que les femmes qui ont porté plainte. Pour combattre ces violences, un long travail est nécessaire, qui va mobiliser plusieurs ministères. Un plan est en effet prévu, qui conjuguera une campagne de communication dans tous les médias, l’installation d’un référent unique, la désignation de cent familles d’accueil, un important travail de prévention mené de conserve avec l’éducation nationale, la formation des professionnels de la justice et de la police à ces questions, enfin une meilleure articulation des réponses civiles et pénales. Dix millions seront consacrés, en 2008, à l’élargissement de la lutte contre les violences conjugales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉVISION DE LA CARTE JUDICIAIRE

M. Michel Vauzelle – Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux et, si elle n’est pas là, nous irons lui demander place Vendôme la réponse qu’elle ne nous apporte pas ici (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Chacun admet qu’il est nécessaire de réviser la carte judiciaire, mais personne n’imaginait que la représentation nationale serait tenue à l’écart d’une réforme fondamentale pour le respect du plus sacré des droits du citoyen : le droit au droit. En bafouant le principe de l’égal accès au droit, la ministre va créer des déserts judiciaires (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Chefs de cours et bâtonniers ont eu beau faire des propositions argumentées, ils n’ont pas été entendus. Sans aucune concertation digne de ce nom (Exclamations sur les mêmes bancs), au mépris des élus, du monde judiciaire et des justiciables, la garde des sceaux a annoncé son verdict ici ou là – par exemple à Montpellier pour ce qui est du sort des tribunaux d’Aix et de Nîmes ! Selon quels critères objectifs ces décisions souveraines ont-elles été prises ? Nul ne sait, sinon sans doute certains des amis politiques de la ministre de la justice (Vives exclamations sur les mêmes bancs).

En même temps qu’il le désengage de l’éducation nationale, de la santé publique, de la sécurité, des affaires étrangères, le Gouvernement décharge donc peu à peu l’État de ses devoirs en matière de justice. Or il n’est pas de justice démocratique sans justice de proximité. Pour alléger la charge de l’État, on supprime par diktats (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) des centaines de tribunaux et de conseils de prud’hommes et l’on charge les collectivités locales d’une part de la gestion des maisons de la justice et du droit. Après le lapsus sur l’instauration d’une « franchise » en matière d’aide juridictionnelle, prépare-t-on la suppression éventuelle de l’accès à la justice ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Où le Gouvernement s’arrêtera-t-il dans sa politique d’abandon progressif de ses fonctions régaliennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est à M. Roger Karoutchi (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Je ne doute pas que vous trouverez le chemin de la place Vendôme, mais je vous rappelle que, la semaine dernière, votre assemblée a voté le budget de la justice, qui est en hausse de 4 %. Dans ce contexte, dire que l’État se désengage de la justice me semble une affirmation hasardeuse… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je vous prie par ailleurs d’excuser l’absence de Mme la garde des sceaux, retenue au Sénat par l’examen d’une proposition portant réforme de la prescription en matière civile.

Vous savez que, depuis vingt ans, plusieurs gardes des sceaux se sont essayés à réviser la carte judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Un député du groupe SRC – Ce n’est pas la question !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État – Si, c’est la question ! L’essentiel, c’est qu’il existe en France 1 200 tribunaux sur 800 sites, qui doivent être regroupés pour que plusieurs juges spécialisés puissent travailler ensemble. Il en va d’une plus grande efficacité de la justice. La garde des sceaux a, courageusement (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), fait le tour des régions, rencontré les chefs de cour et les parlementaires… (Interruptions sur les mêmes bancs) Tout le monde a été consulté ! (Mêmes mouvements) Ce courage, je suis certain que les Français sauront l’apprécier au cours des mois qui viennent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CRÉATION D’UNE MAISON DE L’EUROPE À SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

M. René-Paul Victoria – En 2008, la France présidera l’Union européenne pour la première fois depuis l’élargissement à vingt-sept. L’Europe est une chance pour les régions ultrapériphériques et celles-ci sont les portes de l’Europe dans leurs zones respectives. La création d'une maison de l'Europe dans chaque région d'outre-mer permettrait à nos compatriotes de mieux connaître l’Union, en vue de renforcer la notion de citoyenneté européenne. La première pourrait être installée à Saint-Denis de la Réunion, plus grande ville française et européenne de l'outre-mer. La ville peut mettre à disposition les locaux nécessaires à ce projet. Cette maison de l'Europe conforterait également la présence de la France et de l'Union européenne dans la zone de l’océan Indien, qui abrite plus d'un tiers de l'humanité.

Monsieur le secrétaire d’État à l’outre-mer, que pensez-vous de la création d'une maison de l'Europe dans chaque région d'outre-mer, et, en premier lieu, à Saint-Denis de la Réunion ? Êtes-vous favorable à ce que, durant la présidence française, des rencontres importantes soient organisées par les institutions européennes à Saint-Denis de la Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe SRC – Allô !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer – Oui, vous avez raison, l’Europe est une chance pour nos outre-mers et je rappelle que, d’ici à 2013, ce sont 3,3 milliards qui nous seront apportés par l’UE en faveur du développement économique, du partenariat avec les entreprises, des politiques d’environnement et de développement durable et de la formation professionnelle. Quand l’outre-mer souffre – comme ce fut le cas avec les cyclones Gamède et Dean –, l’Europe est présente. Lorsque nous avons besoin d’accords de partenariat économique, elle est présente. Lorsque je vous proposerai le grand projet présidentiel pour l’outre-mer avec les zones franches globales d’activité, elle sera à nos côtés, comme lorsque nous nouons des partenariats régionaux avec les pays limitrophes des trois océans.

Bien évidemment, Monsieur Victoria, nous ne pouvons qu’être favorables aux propositions des élus ultramarins de toutes formations. Vous me proposez d’ouvrir une maison de l’Europe à Saint-Denis de la Réunion, en lien avec la Commission européenne qui a lancé un appel à projets. J’y suis d’autant plus favorable que vous savez bien que Saint-Denis est jumelée avec Nice ! Au reste, je souhaite qu’une maison de l’Europe sensibilise la population à la citoyenneté européenne dans toutes les collectivités d’outre-mer. Mais si l’Europe est une chance pour l’outre-mer, l’outre-mer est une chance pour l’Europe et pour la France. Forts de leurs identités, de leurs ressources et de leur authenticité, les outre-mers peuvent offrir une vitrine exceptionnelle à la maison France et à l’Union. Durant la présidence française de l’année prochaine, je souhaite qu’ils apportent une contribution considérable au projet présidentiel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DIALOGUE SOCIAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Mme Chantal Berthelot – Monsieur le Premier ministre, hier, un puissant mouvement de grève dans la fonction publique a témoigné, une fois de plus, du refus du Gouvernement d’entretenir un véritable dialogue social et de sa volonté de chercher l'épreuve de force. Depuis des mois, les fonctionnaires revendiquent le maintien de leur pouvoir d'achat, par l'augmentation du point d'indice et la sauvegarde de l'emploi public. Votre seule réponse, ce sont des mesures ciblées, peu importantes en volume et ne concernant qu'une infime minorité d’agents. À cela s’ajoute la suppression de 23 000 postes dès l’année prochaine, en prélude aux 80 000 suppressions prévues dans le quinquennat.

La modernisation et la refondation de la fonction publique ne peuvent avoir pour préalable la réduction des effectifs, selon l’idée que l’emploi de moins d'agents permettrait à chacun d’entre eux d’améliorer son pouvoir d'achat. Pour répondre aux attentes des usagers, les moyens doivent correspondre aux missions. C’est à ce prix que la fonction publique demeurera une composante essentielle du pacte républicain et de la cohésion sociale.

Cet enjeu est crucial pour la Guyane, qui souffre de handicaps structurels, où le secteur marchand est dans l'incapacité de créer des emplois en nombre suffisant, et où le chômage et la pauvreté sont endémiques et les retards importants dans nombre de domaines. Quel que soit le service public considéré – éducation, santé, justice… –, l'insuffisance des effectifs est flagrante. L'évolution du coût de la vie et les blocages dans le déroulement des carrières ont entraîné une dégradation importante des conditions de vie des agents, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels.

M. le Président – Merci de poser votre question.

Mme Chantal Berthelot - Monsieur le Premier ministre, que compte faire l'État employeur pour donner l'exemple dans le domaine du dialogue social et répondre aux revendications légitimes de ses agents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le Gouvernement entretient avec la fonction publique un dialogue plus riche que jamais. Nous avons engagé un travail de fond sur tous les sujets, qu’il s’agisse du pouvoir d’achat, des conditions du dialogue social ou des parcours professionnels. Et nous avons étendu la réflexion à une question qui n’était plus guère posée : quelles sont les valeurs qui incitent, dans la France d’aujourd’hui, à se mettre au service du public ? Nous dialoguons avec les organisations syndicales depuis le mois d’octobre et nous attendons beaucoup de ces travaux, pour les mois et les années qui viennent.

S’agissant du pouvoir d’achat, nous ne mesurons pas les choses de la même manière…

M. Patrick Roy – C’est tout le problème !

M. Éric Woerth, ministre du budget Les organisations syndicales limitent la mesure du pouvoir d’achat à la seule évolution du point d’indice. Le Gouvernement considère pour sa part qu’il faut apprécier l’ensemble du bulletin de paie, en tenant compte des mécanismes d’augmentation automatique. Quoi qu’il en soit, nous pouvons discuter de tout : aucun sujet n’est tabou.

Enfin, les fonctionnaires vont pouvoir accroître leur pouvoir d’achat en effectuant plus d’heures supplémentaires. Les agents de catégorie B vont en profiter, et je suis convaincu que nous pouvons aller beaucoup plus loin. En réduisant les effectifs de la fonction publique d’État, nous permettrons aux fonctionnaires d’être mieux rémunérés et d’avoir des parcours professionnels plus diversifiés. La fonction publique y gagnera en efficacité et en équité. Vous le voyez : les fonctionnaires ont beaucoup de raisons de regarder l’avenir avec optimisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Le Fur.

PRÉSIDENCE de M. Marc LE FUR
vice-président

CONCURRENCE AU SERVICE DES CONSOMMATEURS

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi On lit souvent des statistiques réconfortantes faisant état d’une augmentation de 2 % du pouvoir d’achat par an… Chacun a pourtant le sentiment que c’est le coût de la vie qui augmente : selon une étude TNS Sofres, à paraître après-demain, 58 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat a diminué depuis un an. Nous ne pouvons y rester indifférents. Or, l’on n’estime bien que ce que l’on mesure correctement. Sans être faux, les chiffres fournis par les instituts ne sont probablement pas les bons, puisqu’ils ne reflètent pas ce qu’éprouvent nos concitoyens. C’est qu’on ne peut se contenter d’indicateurs identiques pour tous, qui transforment une réalité complexe en une froide moyenne arithmétique. J’ai donc demandé au nouveau directeur général de l’INSEE de réfléchir à une amélioration des indicateurs : une commission composée de statisticiens et d’associations de consommateurs a été chargée d’envisager la prise en considération de données supplémentaires, comme les dépenses contraintes ou la disparité des situations individuelles.

En tout cas, c’est aujourd’hui le devoir du Gouvernement de tout mettre en œuvre pour renverser la conviction de ces 42 % de Français qui pensent que leur pouvoir d’achat devrait encore se réduire au cours des douze prochains mois. Chacun s’accorde sur les moyens d’augmenter le pouvoir d’achat : la hausse des salaires et la baisse des prix. Mais il n’y a pas de consensus sur la façon d’y parvenir : certains voudraient que l’État distribue l’argent public, contraigne les entreprises et fixe d’autorité les prix. Nous faisons le choix inverse : celui de la responsabilité individuelle et de la liberté dans le cadre d’une bonne régulation des échanges économiques.

M. André Chassaigne – Le renard libre dans un poulailler libre !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Notre choix, c’est de revaloriser le travail : avant de redistribuer la richesse, il faut commencer par la produire.

M. Jean Gaubert – Et le paquet fiscal ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Il faut ensuite que les acteurs sociaux répartissent de façon responsable les fruits du travail, mais j’y reviendrai.

Pour parvenir à une réduction des prix, nous ne misons pas sur des prix administrés, mesure d’un autre temps, mais sur les vertus d’une concurrence bien régulée, qui doit être au service des consommateurs.

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Avant que M. Chatel ne vous présente le détail de ce projet de loi, permettez-moi de rappeler les grands principes de la politique que nous menons en faveur du pouvoir d’achat : mieux encourager le travail et sa juste rémunération ; renforcer la concurrence pour que les acteurs économiques soient en mesure de peser sur les prix ; entreprendre des actions spécifiques en faveur de nos concitoyens les plus vulnérables.

Il faut encourager ceux qui travaillent plus et ceux qui veulent travailler : n’éludons pas cette partie du débat, car c’est là que commence la création de richesse. Pour ceux qui travaillent plus, nous avons déjà encouragé le recours aux heures supplémentaires en les défiscalisant, en les exonérant de charges et en augmentant de 25 % leur rémunération. Un salarié travaillant quatre heures de plus par semaine gagnera ainsi plus de 2 000 euros supplémentaires par an, soit un treizième et presque un quatorzième mois.

M. François Brottes – Mais ce n’est pas lui qui décide !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Depuis le 1er octobre, 60 % des chefs d’entreprise ont dit vouloir utiliser ce dispositif, qui marche bien, je le mesure à l’occasion de chaque déplacement sur le terrain. Les heures supplémentaires ne font pas la une des journaux, mais c’est un mouvement de fond qui est enclenché. Pour améliorer la communication sur ce sujet, une campagne publicitaire sera lancée dès la semaine prochaine, et j’ai nommé un « M. Heures supplémentaires » qui fera le tour des régions pour expliquer le fonctionnement de la nouvelle législation aux acteurs économiques.

M. François Brottes – Vous aurez au moins créé un emploi ! (Sourires)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Je sais que certains comptables ont rencontré des difficultés et nous sommes disposés à apporter des simplifications, notamment le relevé hebdomadaire des heures supplémentaires.

Encourager la valeur « travail », c’est aussi assurer une juste rémunération. Je pense notamment à la participation, cette troisième voie magnifiquement tracée par le général de Gaulle, et que nous devons remettre à l’honneur (Approbation sur les bancs du groupe UMP). Un capitalisme populaire doit donner sa chance à tous et accorder à chacun la part qui lui revient. Nous y reviendrons dès l’année prochaine.

Dans cet esprit, je suis favorable à ce que la distribution des stock-options soit conditionnée à une meilleure association des salariés aux performances de l’entreprise (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. François Brottes – N’est-ce pas du dirigisme ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Il faudra que les entreprises signent des accords de participation et d’intéressement, ou bien qu’elles améliorent les dispositifs existants, notamment par la distribution d’actions gratuites chaque fois qu’un programme de stock-options est envisagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. André Chassaigne – Un os à ronger !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie – Encourager le travail, c’est aussi soutenir les bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi. C’est pourquoi nous avons engagé une expérimentation du RSA sous le pilotage de M. Hirsch. De plus en plus de départements se portant candidats, la dotation budgétaire prévue a été augmentée de dix millions d’euros. Grâce à ce dispositif expérimental, nous comptons démontrer que le RSA apportera plus de pouvoir d’achat à ses bénéficiaires tout en les encourageant à aller plus loin encore dans leurs efforts. Nous avons de même proposé, en loi de finances initiale, de revaloriser de 1,3 % le seuil de la prime pour l’emploi, qui tend à compléter les salaires les plus bas.

Nous travaillons en parallèle à une revalorisation de l’ensemble des salaires. Le 23 octobre dernier, j’ai ainsi présidé, avec MM. Bertrand et Hirsch, la conférence inaugurale d’une série de tables rondes sur l’emploi et le pouvoir d’achat, organisée en association avec tous les partenaires sociaux. L’une des pistes retenues est de conditionner les allègements de charges au respect de la négociation annuelle sur les salaires. Nous dirons ainsi aux entreprises : si vous voulez faire baisser le coût du travail, il faut mener une politique salariale exemplaire !

Sur tous les sujets liés au pouvoir d’achat, notamment le mode de fixation du SMIC, je présenterai au printemps, avec M. Bertrand et sur la base de l’avis rendu par le Conseil d’orientation pour l’emploi, un projet de réforme globale devant la commission nationale de la négociation collective.

Encourager le travail, c’est également favoriser la transmission de son résultat. La loi d’août 2007 a ainsi exonéré 95 % des foyers fiscaux de droits de succession, ce qui permet d’injecter davantage de pouvoir d’achat dans notre économie. Le nombre de transmissions entre vifs enregistré au mois d’octobre a déjà considérablement augmenté. C’est la preuve que les Français trouvent notre action lisible !

J’en viens à l’autre versant du pouvoir d’achat : les prix. Certains d’entre eux sont encore régulés – le gaz ou l’électricité. Pour tous les autres produits, la situation a fort heureusement changé, car les prix sont libres et seule la concurrence les fera baisser. Nous devrons donc lever certains blocages réglementaires tout en rendant les marchés plus efficaces, c’est-à-dire plus transparents et mieux régulés.

Sans revenir sur la création d’un site internet consacré au prix du carburant, qui bénéficie de 20 000 visites par jour et grâce auquel nos concitoyens réalisent des économies sur leurs dépenses d’énergie, je rappelle que les producteurs de pétrole se sont engagés à lisser les hausses de prix sur quatre semaines et à répercuter immédiatement leur baisse.

Afin de favoriser une plus grande transparence dans le domaine de l’immobilier, le projet de loi transposant diverses dispositions de droit communautaire, adopté hier soir par cette assemblée, a également renforcé les moyens de contrôle dont bénéficient les agents de la DGCCRF. Dans ce secteur particulier tendu et sensible, nos concitoyens ne doivent pas souffrir des abus commis par certains agents immobiliers.

J’en viens au projet de loi qui vous est soumis. La concurrence sera renforcée entre les grandes surfaces, grâce à la baisse du seuil de revente à perte ; entre les opérateurs de communications électroniques ; et enfin entre les banques. M. Chatel y reviendra dans le détail.

À cela s’ajoutent les mesures d’urgence que nous avons adoptées en faveur de nos concitoyens les plus vulnérables. Pour faire face à la hausse brutale du fioul domestique, j’ai ainsi annoncé, voilà quinze jours, le doublement de la prime à la cuve versée aux ménages les plus modestes. La loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat est également venue en aide aux étudiants et aux futurs propriétaires. Les uns bénéficieront d’une exonération d’impôt sur le revenu jusqu’à l’âge de 26 ans et à concurrence de trois SMIC ; quant aux autres, qui s’endettent et consacrent une partie de leur pouvoir d’achat à l’acquisition d’une résidence principale, ils bénéficieront pendant cinq ans d’un crédit d’impôt de 20 % sur les intérêts d’emprunt, que la loi de finances pour 2008 porte même à 40 % pour la première année.

Si je tiens à rappeler l’ensemble de ces mesures, c’est parce qu’elles montrent que depuis six mois, dans tous les secteurs, le Gouvernement s’est employé, sous l’autorité du Premier ministre, à favoriser le pouvoir d’achat des Français, préoccupation majeure de nos concitoyens que le Président de la République avait placée au cœur de sa campagne.

Si l’amélioration du pouvoir d’achat ne dépend pas uniquement de celles de ces dispositions qui concernent la concurrence, et que je me réjouis de vous présenter aujourd’hui, elle ne repose assurément pas, dans un contexte de contraintes budgétaires, sur une redistribution de l’argent public, mais bien sur le travail des Français, que nous n’avons eu et n’aurons de cesse de faciliter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Je remercie M. le président de la commission des affaires économiques et l’ensemble des députés qui ont œuvré à la préparation du texte. Je tiens à rendre un hommage particulier au travail rigoureux, complet et acharné de M. le rapporteur Raison, fin connaisseur du dossier, puisqu’il occupait déjà des fonctions éminentes au sein de la mission d’information parlementaire nommée il y a deux ans par M. Ollier. Le dialogue constant et fructueux que nous avons noué avec lui a permis d’enrichir le texte sans en dénaturer la philosophie.

En proposant de « développer la concurrence au service des citoyens », nous tenons à rappeler, comme l’a fait le Président de la République à propos du « mini-traité » européen, que, loin de constituer un dogme ou une fin en soi, la concurrence n’est justifiée que si elle bénéficie au consommateur en accroissant son pouvoir d’achat. L’intitulé du texte aurait également pu invoquer la concurrence « au service de tous les consommateurs », car il affectera de manière directe la vie quotidienne de chacun de nos concitoyens. À l’heure où le pouvoir d’achat constitue la préoccupation principale des Français, le projet permettra de réduire des dépenses – grande consommation, alimentation, services téléphoniques et bancaires – qui représentent 30 % du budget des ménages, et cela sans coûter un centime à l’État.

En réformant profondément l’encadrement des relations commerciales, le titre premier bouleverse totalement le secteur de la grande distribution. Constatant, alors qu’il était ministre de l’économie et des finances, que la France était l’un des pays d’Europe où le niveau des prix à la consommation était le plus élevé, du fait d’une collision d’intérêts entre industriels et grands distributeurs dont le consommateur final, oublié des négociations, était la principale victime, M. Sarkozy avait proposé de réformer la loi Galland. La loi qui en a résulté en août 2005, préparée par M. Jacob et présentée par M. Dutreil, a démontré les avantages pour le consommateur du renforcement de la concurrence entre distributeurs. En effet, en révisant à la baisse le seuil de revente à perte, et en permettant aux distributeurs d’intégrer au prix final du produit une partie des avantages financiers que leur accordent les fournisseurs au titre des coopérations commerciales, la loi a permis aux enseignes de pratiquer une véritable concurrence sur les prix. Ainsi, en deux ans, ceux des produits de grandes marques ont diminué de 3,4 %, ce qui a permis de restituer aux consommateurs 2,5 milliards de pouvoir d’achat par an.

M. André Chassaigne – Et les producteurs ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Cela représente 200 euros par famille…

M. François Brottes – Personne ne vous croit !

M. Jean Gaubert – Il faudrait le dire aux consommateurs !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Ainsi la spirale inflationniste qui sévissait depuis le début des années 2000 a-t-elle été enrayée – sans, Monsieur Chassaigne, que les secteurs du commerce – où 20 000 emplois ont été créés l’an dernier – et de la distribution n’en souffrent, non plus que les PME, dont la contribution au chiffre d’affaires des grandes et moyennes surfaces est passé de 56,2 à 57,3 %.

Mais ce franc succès n’était qu’une première étape. À partir du 1er janvier 2008, les distributeurs pourront répercuter sur le prix de vente au consommateur l’ensemble de leurs « marges arrière », c’est-à-dire les sommes que leur versent les fournisseurs au titre de la promotion de leurs produits. Ils maîtriseront donc mieux leurs prix, qui pourront faire l’objet d’une concurrence entre enseignes. Ces dernières retrouveront la possibilité, qui leur était retirée depuis les années 2000, de pratiquer des politiques de prix différenciées.

Il s’agit également de mettre fin au processus pervers de surenchère qui entraînait la hausse des tarifs pratiqués par les industriels et l’augmentation des marges arrière des distributeurs. En outre, afin de simplifier la procédure et d’en garantir la transparence, les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs relèveront d’un contrat unique. Quant au régime spécifique destiné aux agriculteurs, dont nous avions abondamment débattu en 2005, il sera maintenu, et le contrat type réservé aux produits agroalimentaires modifié afin de tenir compte de la forte variabilité des cours des matières premières agricoles. Votre commission des affaires économiques, sur proposition du rapporteur, a adopté d’importants amendements en ce sens. Enfin, le régime de sanction de la non-communication des conditions générales de vente sera dépénalisé et remplacé par une procédure d’amende civile, plus appropriée.

Au-delà de ces mesures, faut-il aller jusqu’à une refonte totale du cadre des relations commerciales afin de supprimer toutes les entraves à la croissance, ainsi que le suggère par exemple la commission présidée par M. Attali ? Soyons clair : nous devons aller plus vite et plus loin.

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le Gouvernement réfléchit notamment à une réforme des relations entre distributeurs et industriels, notamment en matière de négociation des conditions générales de vente et des tarifs, afin, une fois encore, de faire bénéficier le consommateur du renforcement de la concurrence. Mais, étant donné les enjeux, nous devrons évaluer avec discernement les conséquences des différents scenarii envisagés et les modalités juridiques de leur application, et envisager en particulier des mesures d’accompagnement destinées au petit commerce et aux PME.

M. François Brottes – Après les élections municipales !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je m’y engage : nous appuierons cette réforme sur le dialogue, l’écoute et la concertation. Ainsi les parlementaires seront-ils associés, de même que les experts, à la mission qui vient d’être confiée à Mme Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, afin d’étudier les modalités de la réforme, qui relève plus généralement de la modernisation économique de notre pays, de la modification des implantations commerciales et de la révision des dispositifs anti-concurrentiels qui constituent autant de freins à la croissance. Cette mission tiendra également compte des conclusions de la commission Attali.

Enfin, parce que, sur ce sujet, on entend dire – pardonnez ma franchise – tout et n’importe quoi, j’aimerais dresser un florilège des plus caricaturales de ces idées reçues. Ainsi, nous n’entreprendrions qu’une « réformette », à en croire ceux-là même qui jugeaient inapplicable, car trop audacieuse, l’instauration du « triple net » que préconisait le rapport Canivet et que nous souhaitons appliquer aujourd’hui…

M. Jean Dionis du Séjour – C’est vrai !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …selon une formule audacieuse qui permettra d’accroître la concurrence entre distributeurs comme la transparence des relations entre fournisseurs et distributeurs. Ces derniers pourront intégrer aux prix 15 % des « marges arrière » restantes, soit deux fois plus que dans le projet initial : il s’agit d’une avancée considérable.

On dit aussi que le système actuel empêcherait les distributeurs de négocier les prix avec leurs fournisseurs. Vous, élus de terrain, qui connaissez de près les relations commerciales, notamment au sein des PME, savez bien que cela n’a pas de sens ! Un petit patron de PME – dans la charcuterie ou la salaisonnerie, par exemple – dont le prix de vente aux distributeurs s’élève à 100, et se voit facturer des « marges arrière » qui atteignent 70, le sait bien…

M. Antoine Herth – Très bon exemple.

M. Jean Gaubert – Il faut changer cela !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Il est vrai que les conditions de la négociation méritent assurément d’être assainies et clarifiées.

On dit encore que la loi actuelle empêcherait de supprimer les « marges arrière » : curieux aveu de faiblesse ! Ceux qui souhaitent supprimer les marges arrière peuvent le faire.

M. Jean-Paul Charié – Eh oui, grâce à la loi Galland !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Mais, dans plusieurs secteurs, elles ne sont pas excessives.

M. Jean-Paul Charié – Très bien.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État D’autre part, le principe de coopération commerciale existe dans de nombreux pays. Simplement, en France, les relations entre grands industriels et grands distributeurs portent ces « marges arrière » à un niveau disproportionné par rapport à la prestation rendue.

Enfin, on entend dire qu’une hausse du prix des matières premières doit se traduire par une hausse équivalente du prix des produits finis, et que nous serions donc à la veille d’une inflation galopante. Or, certaines hausses de tarifs annoncées sont abusives, car nullement justifiées par la hausse du prix des matières premières.

Mme Laure de La Raudière – Tout à fait !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Élu d’un département rural, je sais que, lorsque le prix du lait augmente de 10 %, l’impact sur le prix final dans les rayons devrait être de 2 % pour un yaourt et de 3 % pour un camembert. On est donc loin de la hausse des prix à deux chiffres que certains brandissent !

Je crois qu’on joue sciemment de la confusion possible, dans l’esprit du public, entre la hausse des tarifs proposés par un industriel aux distributeurs et celle du prix des produits en magasin.

M. Jean-Paul Charié – Très bien !

M. Philippe Folliot – Au passage, il y a une hausse des marges !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Chaque année, distributeurs et industriels négocient : en 2006, les producteurs ont proposé une augmentation d’environ 8 %, qui ne s’est répercutée qu’à hauteur de 3 ou 4 % sur les produits.

La seconde partie du projet introduit des mesures spécifiques en vue de garantir le bon exercice de la concurrence dans deux secteurs emblématiques : les communications électroniques et les services bancaires, où la concurrence joue mal du fait de la spécificité de certaines offres, mais aussi de l’existence de pratiques dans lesquelles il convient de mettre de l’ordre.

Nos efforts doivent s’orienter dans deux directions : la transparence et la mobilité. Il faut, tout d’abord, que les offres commerciales soient lisibles, tant en termes de contenu que de prix, pour que le client puisse comparer et choisir un prestataire en toute connaissance de cause. Il convient également d’assurer la mobilité sur les marchés : trop souvent, les opérateurs créent des barrières à la sortie pour leurs clients. Or, la concurrence implique une entière liberté de contracter.

Le secteur des communications électroniques a connu depuis dix ans une progression fulgurante et a créé de nombreux emplois. Entre 1997 et 2007, le nombre d’abonnés en téléphonie mobile a été décuplé, passant de 5 à 53 millions ; par ailleurs, plus de 15 millions de foyers sont actuellement équipés en Internet à haut débit, ce qui place la France dans le peloton de tête européen.

Mais la médaille a son revers. Le taux de pannes est important ; le rythme des innovations déstabilise le public, qui se retrouve désemparé face au moindre dysfonctionnement. La multitude des types d’offres rend les prix peu lisibles, d’autant que le coût de l’assistance technique n’est pas inclus dans l’abonnement. Les conditions draconiennes de résiliation des contrats achèvent de détériorer la relation de confiance entre clients et opérateurs. Selon le CRÉDOC, 65 % des Français se sentent mal protégés, et ce secteur est celui qui suscite le plus grand nombre de plaintes auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : 34 000 plaintes en moyenne chaque année.

Une table ronde, réunie en 2005, à l’initiative de MM. Loos et Devedjian, avec les opérateurs de téléphonie et les associations de consommateurs, avait abouti à 21 engagements de la part des opérateurs, concernant l’information du client et la qualité du service. Deux ans plus tard, force est de constater que beaucoup reste à faire. Avec M. Novelli, nous avons organisé de nouvelles rencontres, en septembre, pour faire le point : sur les 21 engagements, seuls sept ont été parfaitement tenus.

Pour un quart, les plaintes à la DGCCRF sont liées à la difficulté de résilier les contrats. De nombreux consommateurs se plaignent de ne pouvoir obtenir le remboursement des sommes payées d’avance ou des dépôts de garantie. Je suis persuadé qu’il n’y a pas de meilleur régulateur que le client final ; encore faut-il que celui-ci ne soit pas captif ! Le projet répond doublement à cette exigence : en plafonnant à dix jours le délai de préavis de résiliation ; et en contraignant les professionnels à rembourser les dépôts de garantie dans un délai de dix jours après le paiement de la dernière facture. Le non-respect de ces dispositions ouvrira droit à indemnisation.

Mais il faut aller plus loin, car les durées d’engagement représentent, elles aussi, un obstacle à la concurrence, comme le signale l’Autorité de régulation des télécommunications. C’est pourquoi l’amendement de M. le rapporteur Raison, qui permet au le client de se libérer d’un contrat restant dû en contrepartie d’un dédit « raisonnable », va dans le sens de la mobilité que j’appelle de mes vœux. Le message que je souhaite transmettre aux opérateurs, c’est que la fidélité n’est pas la captivité.

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État L’article 7 du projet introduit deux mesures particulièrement attendues par les Français : la gratuité du temps d’attente et la non-surtaxation des appels aux services d’assistance technique. Actuellement, le client subit une double peine : non seulement la prestation n’est pas assurée par l’opérateur, mais le client doit en outre payer la remise en service. Du fait de notre texte, les opérateurs dont le service entraînera le moins de difficultés et qui recevront donc moins d’appels, seront ceux qui auront les coûts de service les plus faibles ; tandis qu’aujourd’hui, ce sont ceux dont le temps d’attente est le plus long qui gagnent davantage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Dans le cadre de la mesure proposée, les coûts du service après-vente seront réintégrés dans la facture d’abonnement.

Le même impératif de concurrence doit s’imposer aux banques. Comme me le disait un de vos collègues, il est plus facile de nos jours de changer de conjoint que de banque ! (Rires)

Pour que la concurrence joue pleinement, le client doit être en mesure de répondre à une question simple : combien me coûte ma banque ? Désormais, les clients recevront un récapitulatif annuel de leurs frais bancaires, par produits et services. De même, notre projet étend le champ de la médiation bancaire à tous les litiges, en élargissant l’obligation pour les banques de prévoir un médiateur.

M. François Brottes – Quel est le rapport avec le pouvoir d’achat ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État La médiation était jusqu’à présent exclue pour la plupart des réclamations liées au crédit ou à l’épargne.

Enfin, pour garantir la sérénité des relations entre les consommateurs et les professionnels, il est indispensable que le droit soit le plus lisible possible. À cette fin, l’article 11 prévoit une recodification du code de la consommation.

Mesdames et Messieurs les députés, les Français sont particulièrement attentifs à la question du pouvoir d’achat. Nous avons la conviction que le projet, parce qu’il fluidifie et modernise les relations entre consommateurs, distributeurs et producteurs, aura un impact important sur le pouvoir d’achat. Mme Lagarde et moi, nous avons mené une intensive concertation, depuis le mois de juillet, avec les différents acteurs, et nous avons travaillé en étroite collaboration avec les commissions du Parlement. Je vous remercie pour votre mobilisation autour du pouvoir d’achat, au service des consommateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Je remercie M. le ministre Chatel, ainsi que ceux de nos collègues qui se sont penchés sur ce dossier. Le projet de loi constitue le deuxième pilier de l’action du Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat, le premier étant lié aux mesures prises en juillet dans le cadre de la loi TEPA, et notamment à l’exonération des heures supplémentaires.

Le présent projet affectera concrètement le quotidien de nos concitoyens, dont 53 % estiment que la question du pouvoir d’achat doit être traitée en priorité. Je suppose que cela fait des siècles qu’il en va ainsi ! La différence, c’est qu’au XVIe siècle, le panier de la ménagère devait contenir presque exclusivement des produits d’alimentation.

Notons aussi que le panier des moins favorisés de nos concitoyens est plus étroit, les achats étant moins diversifiés. Le Président de la République a donc fait du pouvoir d’achat l’un des axes forts de sa politique et sur tous les bancs de cette assemblée, nous avons à cœur de résoudre ce problème.

M. François Brottes – Cela ne suffit pas !

M. Michel Raison, rapporteur Gardons à l’esprit qu’il peut exister un décalage entre l’inflation ressentie et l’inflation réelle. Aussi les hausses doivent-elles être appréciées au regard de la part que représente le poste concerné dans le budget des ménages.

Ainsi, la part des produits alimentaires – alcool et tabac exclus – est de 11 % en moyenne alors que celles des dépenses de logement et de transport – dont la hausse est beaucoup moins médiatisée – sont respectivement de 31 % et de 15 %. Elles ont d’ailleurs gagné en importance dans le panier de la ménagère, comme celle de la téléphonie, qui a été multipliée par 1,47 ces dix dernières années. Dans le même temps, la part des produits alimentaires a été divisée par trois.

Il convient donc de conserver une approche globale et de ne pas être dupe des messages alarmistes que diffusent à des fins stratégiques certains distributeurs, entretenant la confusion entre la hausse des tarifs payés aux fournisseurs et celle des prix imposés aux consommateurs.

M. Philippe Folliot – Très bien !

M. Michel Raison, rapporteurLe titre premier du projet de loi vise à mener à son terme l’évolution du « triple net », amorcée dans le cadre de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises de 2005. Rappelons que cette loi était l’aboutissement d’une mission d’information décidée par le président de la commission, M. Ollier, et que M. Sarkozy était alors ministre des finances. Le président de la mission était M. Luc Chatel, et les trois co-rapporteurs étaient M. Charié – porte-parole du groupe UMP aujourd’hui –, M. Dionis du Séjour – porte-parole du groupe NC –, et moi-même…

M. François Brottes – On ne vous dérange pas ? S’agit-il d’une réunion UMP ? (Sourires)

M. Michel Raison, rapporteur Nous avons eu la chance de travailler aussi avec M. Gaubert ! C’est dire que nous tenons à ce dossier. Le bilan de la loi de 2005 est positif : baisse des prix des produits de grande marque et augmentation de la part des PME dans les linéaires.

Le passage au triple net permettra aux distributeurs de vendre à prix coûtant, donc à perte si l’on inclut les charges. La totalité des avantages financiers versés par le fournisseur pourra être intégrée dans le seuil de revente à perte, ce qui constitue une avancée pour le consommateur.

Il convient néanmoins de protéger le fournisseur. À cet égard, je suis hostile à ce qu’on puisse négocier les conditions générales de vente et intégrer la coopération commerciale dans le tarif du fournisseur. On présente cela comme des mesures de simplification et de clarification des relations commerciales, mais elles n’auraient d’autre effet que de renforcer le déséquilibre du rapport de forces entre fournisseur et distributeur, alors même que le droit actuel s’efforce de l’encadrer.

M. Jean Gaubert – Très bien !

M. Michel Raison, rapporteurEn contraignant les PME à accepter des tarifs abusivement bas, elles compromettraient leur survie. Or, aucun consommateur n’a intérêt à ce que les prix baissent en grande surface au point de voir l’entreprise dont il est l’employé fermer ses portes. Les PME devraient aussi verser au distributeur la rémunération d’une coopération commerciale, parfois fictive. Elles paieraient comptant sans pouvoir ensuite vérifier que le service est bien fourni.

M. François Brottes – Très bien !

M. Michel Raison, rapporteurJe reste persuadé que la coopération commerciale – quand elle est réelle – est indispensable aux PME, puisqu’elle leur permet de coexister avec les grandes marques en leur assurant une certaine notoriété. Attention, donc, aux fausses bonnes idées !

Le commerce de proximité pourrait aussi être une victime collatérale de la guerre des prix entre distributeurs. Comme vous tous, je suis attaché à ces artisans et au travail formidable qu’ils accomplissent chaque jour. On dit trop souvent qu’il n’y a plus de petits commerces : ils représentent pourtant 500 000 emplois et le secteur de l’artisanat et du commerce alimentaire de proximité représente 25 % de parts de marché du secteur alimentaire, soit deux fois plus que la plus importante des enseignes alimentaires. J’ai donc proposé à la commission, qui l’a accepté, un amendement pérennisant le dispositif créé par la loi Jacob en faveur des petits commerçants indépendants qui se fournissent chez les grossistes.

L’article 2 prévoit que la totalité de la relation d’affaires est encadrée dans une convention unique, signée au plus tard le 1er mars. Si le formalisme peut empêcher les dérives et l’installation de la loi de la jungle, le droit doit pouvoir accompagner les évolutions de la vie économique. C’est pourquoi notre commission a adopté un amendement qui permettrait aux parties de faire le choix d’un contrat cadre décliné en cours d’année, afin que tout ne soit pas figé au mois de mars, ce qui peut être important pour des produits saisonniers. Enfin, un amendement de la commission vise à renforcer l’interdiction des enchères inversées pour certains produits agricoles.

Le secteur téléphonique a toujours été marqué par le monopole des opérateurs. Le ministre a détaillé les mesures contenues dans le titre II et je n’en dirai pas davantage, excepté que la commission proposera un amendement relatif à la durée d’engagement de 24 mois.

Le titre III vise à renforcer la concurrence dans le secteur bancaire et élargit le champ de la médiation à tous les litiges relatifs au crédit et à l’épargne. Si les consommateurs bénéficient déjà d’une information sur la grille tarifaire pratiquée par leur banque et sur les frais bancaires, qui sont portés sur leurs relevés de compte, ils ne peuvent faire de comparatif. Or, la mobilité bancaire est faible, certaines personnes restant à vie dans le même établissement : La concurrence ne joue qu’à la marge. C’est pourquoi ce projet crée le récapitulatif annuel des frais bancaires des consommateurs – et un amendement de la commission vise à ce que les agios y soient inclus. La concurrence a aussi un effet d’entraînement : quand le Crédit agricole a perdu les prêts bonifiés, il n’a pas perdu les agriculteurs ; il est simplement devenu meilleur.

M. François Brottes – Séquence « promotion » ! (Sourires)

M. Michel Raison, rapporteur – La commission a adopté au titre IV un amendement de son président qui s’inscrit dans le droit fil du Grenelle de l’Environnement : il vise à créer un étiquetage informant les consommateurs sur la qualité environnementale des produits.

Mme Laure de La Raudière – Très important !

M. Michel Raison, rapporteur – Nous devons préserver un certain équilibre entre les acteurs de la consommation, afin de ne pas déstabiliser la société toute entière. Si nous pouvons avoir des désaccords avec certains d’entre eux, il nous faut les respecter. Charles Péguy n’écrivait-il pas : « La concurrence est mauvaise en son principe : il est mauvais que les uns travaillent contre les autres, les hommes doivent travailler les uns avec les autres et à faire de leur mieux leur travail et non pas se servir de leur travail pour vaincre d’autres travailleurs » ?

Ce texte aidera le consommateur et favorisera la consommation, c’est pourquoi la commission l’a adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des loisLa Commission des Lois s'est saisie pour avis des principales dispositions de ce projet de loi, comme elle l'avait fait pour la loi TEPA. Ce texte a pour objet d’améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs dès le 1er janvier 2008, ambition non négligeable.

La démarche du Gouvernement, qui consiste à aller au bout de la logique de la loi en faveur des PME, comporte plusieurs avantages : elle permet une évolution progressive du cadre juridique des pratiques commerciales, dans un évident souci d'équilibre entre les acteurs ; elle donne du temps à la concertation sur des sujets aussi essentiels et sensibles que la libre négociabilité des tarifs des fournisseurs, la suppression des « marges arrière » et la révision de la législation sur l'équipement commercial ; elle marque des avancées immédiates qui permettront aux ménages – particulièrement les plus modestes – de ne pas attendre un an pour voir jugulée la hausse des prix des biens et des services de grande consommation.

Elle s'est donc contentée d'apporter des améliorations concrètes, comme le maintien de l'obligation, pour les distributeurs, de faire connaître à leurs fournisseurs, avant la conclusion de leur nouvelle convention annuelle, le montant total des services rendus l'année précédente, ou l'élargissement aux petites entreprises du bénéfice du relevé annuel de frais bancaires, qui devra désormais inclure les agios. Elle a aussi apporté des précisions utiles, en étendant par exemple au titre IV du livre IV du code de commerce les modifications rendues nécessaires par la suppression, en 2004, du principe de spécialité de la responsabilité des personnes morales. Elle a également précisé que les relevés de frais bancaires devront porter sur une année civile et être communiqués au plus tard à la fin du mois de janvier de l’année suivante.

Mais son apport le plus important réside certainement dans la transposition de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. Pour ce faire, la commission avait d’abord voulu reprendre un projet de loi en faveur des consommateurs déposé sous la précédente législature et n’ayant jamais été examiné, mais il fallait tenir compte des réserves exprimées en 2006 par le Conseil d'État. J'ai donc remis l'ouvrage sur le métier et je vous proposerai un amendement mieux approprié, qui veille en outre à ne pas trop complexifier nos pratiques commerciales. Je crois résolument au bien-fondé de cette initiative. La France, qui se veut exemplaire à l'approche de sa présidence de l’Union européenne, ne peut retarder plus longtemps une transposition qui aurait dû avoir lieu il y a cinq mois déjà, d’autant plus qu’elle répond à un réel besoin. En adoptant notre amendement, vous permettrez aux consommateurs d'être mieux protégés face à la tromperie, à la dissimulation et au harcèlement commercial.

Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission des lois approuve ce projet de loi. Certains trouveront peut-être qu’il ne va pas assez loin. Pour ma part, je suis convaincu que les consommateurs ont un rôle essentiel à jouer dans la gouvernance économique. J’appelle de mes vœux des réformes à la mesure de cet impératif et je suis favorable à l'action de groupe, à un meilleur financement des associations de consommateurs et au renforcement de la médiation. Mais ces réformes indispensables ne doivent être décidées qu’à l'issue d’une concertation, déjà lancée en vue de l'élaboration du projet de loi de modernisation de l'économie. Les intéressés doivent pouvoir donner leur point de vue. Ne boudons pas notre plaisir d'agir pour les Français : votons ce projet de loi, en l’attente des réformes structurelles dont nous avons besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4 du Règlement.

M. Jean Gaubert – Il est au moins un point sur lequel nous sommes d’accord, c’est qu’il est temps de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Vous aurez sans doute constaté que cela n’a pas été le cas durant les cinq dernières années, et vous voudrez remettre en cause les politiques que vous avez menées durant ce temps. C’est une initiative louable, car la hausse des prix est réelle : vous avez beau faire une distinction entre le ressenti et le réel, lorsque le consommateur voit ce qui reste dans ses poches à la fin du mois, c’est du réel !

Bien sûr, les matières premières ont augmenté, mais elles ont bon dos ; les produits agricoles aussi, mais d’une façon qui ne justifie pas les augmentations relevées dans les grandes surfaces ; le pétrole augmente, et sur ce terrain nous avons beaucoup de reproches à nous faire, mais aussi le logement, les charges, le transport… Tous ces éléments de première nécessité ont augmenté mais d’autres ont baissé, influant sur l’indice des prix. Peut-être est-ce pour cela que votre première décision a été de redonner du pouvoir d’achat à quelques pauvres consommateurs qui en avaient cruellement besoin, avec 15 milliards redistribués cet été à quelques milliers de privilégiés. Après quoi, vous venez nous dire que vous n’avez plus de sous.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire Vous savez que ce n’est pas la vérité !

M. Jean Gaubert – Vous avez dilapidé ce dont vous disposiez, et vous voulez ensuite nous faire pleurer sur notre situation budgétaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Discours purement politicien.

M. Jean Gaubert – Mais véridique. Vous vous lancez dans de grandes démonstrations sur les heures supplémentaires, en nous décrivant la situation enviable du nouveau Stakhanov du monde libéral, celui qui peut travailler quatre heures de plus par semaines – dix-huit par mois ! – et reçoit 182 euros supplémentaires. J’aimerais le connaître. J’aimerais que vous nous donniez ses coordonnées, quitte à faire son ADN. Mais dans la réalité, comme nous l’a dit Mme Parisot en commission, votre dispositif n’intéresse que 30 % des entreprises – et encore, pas tous les salariés dans ces entreprises, et pas toute l’année ! Il est donc faux, sinon malhonnête, de s’en tenir à ces calculs mécaniques. C’est aussi oublier que beaucoup d’entreprises pratiquent l’annualisation, qui gomme très largement les possibilités de faire des heures supplémentaires.

Revenons-en donc au pouvoir d’achat : pas de coup de pouce au SMIC, des retraites et des allocations familiales qui stagnent, une redevance sur la télévision qui va frapper 700 000 foyers supplémentaires… Et les gros dossiers ? Celui du pétrole par exemple : vous avez courageusement rencontré les patrons de cette industrie, pour leur demander… de la modération. N’avons-nous que cela à faire, leur demander d’étaler les hausses sur quatre semaines, comme ils le font déjà pour les baisses ? Quand on réalise, comme Total, 12,5 milliards de bénéfices, ce n’est pas cher payer que d’être convoqué un dimanche après-midi pour s’entendre demander cela ! Quant à l’énergie, lorsque vous avez voté les lois de libéralisation, nous vous avons expliqué que la loi de l’offre et de la demande gouvernait les prix et que ceux-ci continueront d’augmenter pendant au moins une dizaine d’années parce que la demande est forte. Nous l’avons dit et répété à M. Loos. Il ne nous a pas crus. Vous avez donc inventé des systèmes de plafonnements qui ne résisteront même pas aux institutions européennes.

Il y a aussi la question des salaires. Vous parlez de conférence sur les salaires, Madame la ministre, mais l’on sait que l’heure est à la « modération », c’est-à-dire un quasi-blocage, dans le public comme dans le privé. En vingt ans, la part du salaire dans le produit fini a baissé de 10 %. Est-ce à cause de la faible marge de nos entreprises ? Ou plutôt des profits éhontés de certain patrons, grâce aux parachutes dorés et aux stock-options ? C’est là que se trouvent les marges dont les salariés auraient besoin.

Cette situation pousse beaucoup de nos concitoyens au surendettement. Le besoin est là et la tentation est forte lorsque les crédits sont trop faciles. Nous sommes donc dans une France du paradoxe : d’un côté, il y a ceux qui ont les moyens et à qui on en donne encore plus – ceux qui ont des yachts et qui vont au Fouquet’s –, de l’autre une France où la précarité et l’insécurité s’étendent toujours davantage. Un pays si généreux pour certains ne pourrait-il pas se montrer un peu plus juste ?

Puisque vous renoncez à la hausse des revenus les plus faibles, vous essayez de nous vendre la baisse des prix. Ou plutôt la « modération de la hausse ». Voilà en effet un autre paradoxe : nous avons le système de distribution le plus concentré, la grande distribution la plus répandue, et nous sommes le pays où les prix ont le plus monté.

S’il en est ainsi, c’est que la structure même du commerce en France, caractérisée par le poids particulier de la grande distribution, favorise l’afflux d’importations, notamment chinoises. Le taux de pénétration de ces produits est beaucoup moins fort en Allemagne qu’il ne l’est en France.

M. Jean-Pierre Balligand – C’est le résultat de la loi Galland !

M. Jean Gaubert – Il y a eu la loi Royer, la loi Galland, la loi Raffarin, la loi NRE, la loi Dutreil, les tentatives de réforme de M. Sarkozy en 2004… tout cela sans effet.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis – Alors, il faudrait ne rien faire ?

M. Jean Gaubert – Ce n’est pas ce que je dis.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis – Il faudrait taxer et réglementer toujours plus ?

M. François Brottes – Vous, c’est la méthode Coué !

M. Jean Gaubert – Vous avez cité des chiffres, Madame la ministre, mais vous n’avez pas cité l’étude conduite par Familles rurales, qui montre que les prix des produits de première nécessité ont augmenté de 7,5 % en 2006. Or, du point de vue du consommateur, c’est la quantité ou la fréquence des achats qui importe, et les conséquences des hausses de prix ne sont pas les mêmes pour tous. L’achat des produits de première nécessité est un achat obligé ; les produits de haute technologie sont achetés par quelques-uns. Seulement, ces deux catégories de produits sont prises en compte dans le calcul de l’indice des prix si bien que l’augmentation des produits de base est masquée par la baisse des produits de haute technologie. Il est vrai que le prix des écrans plats a chuté, mais en mange-t-on tous les jours ?

Telle est la situation que l’on a, plusieurs fois, tenté de réformer sans succès. Vous vous y essayez à nouveau, mais il y a beaucoup à dire, en premier lieu sur les marges arrière. J’avais cru comprendre que ce système était illégal. Il semble l’être moins que je ne le pensais, puisque l’on en vient à parler des « vraies » et des « fausses » marges arrière ! Au moins les secondes devraient-elles être dites illégales, sans plus tergiverser ! D’évidence, la réforme de 2004 n’a pas abouti et ce système opaque, sinon mafieux, continue de prospérer. Il doit être définitivement proscrit car il est incontrôlable (M. Chassaigne applaudit).

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis – Et la libre concurrence ?

M. Jean Gaubert – Alors que tout le monde semblait d’accord sur ce point, certaines PME découvrent tout à coup que, finalement, ce mécanisme pourrait leur être utile... Ces derniers jours, le téléphone a dû beaucoup sonner ! Ce double langage est condamnable. Pourquoi ne pas aller jusqu’à renégocier les conditions générales de vente, comme l’a suggéré le nouveau porte-parole de l’Elysée, provoquant le juste courroux du rapporteur ?

M. Michel Raison, rapporteur – Ai-je l’air courroucé ?

M. Jean Gaubert – J’en viens au référencement, autre pratique qui devrait être dite rigoureusement illégale car se faire référencer consiste tout bonnement à user d’irrésistibles arguments sonnants et trébuchants. Ce racket doit être proscrit (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Pourtant, je n’ai rien entendu à ce sujet.

M. André Chassaigne – C’est un système mafieux !

M. Jean-Paul Charié – Attendez un peu !

M. Jean Gaubert – Nous nous retrouvons dans ce combat, je le sais. Et que dire de la méthode, tout aussi illégale, consistant à se faire livrer des quantités importantes tout en exigeant de pouvoir retourner les invendus aux fournisseurs ? Quand M. Leclerc dit « Laissez-nous faire du commerce », il est très tentant de lui répondre que faire du commerce, c’est prendre le risque de ne pas vendre ! M. Leclerc ne peut, explique-t-il, distribuer son bénéfice aux consommateurs ; qu’il le distribue donc à ses salariés !

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis – Démagogie !

M. Jean Gaubert – J’ajoute que le mécanisme des marges arrière a pour effet pervers et paradoxal d’accroître l’écart entre les prix pratiqués par la grande distribution et par le petit commerce.

J’en viens aux délais de paiement. Ils ont déjà été réduits pour les produits frais, ce qui est bien, mais il faut faire mieux. Le coût en serait, selon M. Leclerc, de 11 milliards par an. Encore en est-il ainsi quand le loyer de l’argent est de moins de 3 % – et l’on est à 5% !

S’agissant des conditions générales de vente, je souhaite que la position défendue par le rapporteur vaille encore après les élections municipales. C’est une bonne idée que de définir un seuil de revente à perte, mais à quel niveau sera-t-il fixé ? On ne pourra se limiter à prendre en compte le prix d’achat augmenté des marges arrière, au risque, sinon, d’assister à des attaques en règle de la grande distribution généraliste contre des commerces spécialisés situés dans la même zone de chalandise. Il suffirait, pour cela, de proposer 5 000 articles dont le prix serait fixé à ce seuil, et le commerce spécialisé voisin n’aurait plus qu’à mettre la clef sous la porte. Voilà ce qu’il faut éviter, mais ce que vous proposez ne le permettra pas.

M. Jean-Paul Charié – Eh non !

M. Jean Gaubert – S’agissant du coût, prohibitif, du service après vente, vos propositions vont dans le bon sens, je vous en donne acte, mais il faut faire davantage. Il serait normal que le coût de ces prestations soit inclus dans le prix de vente initial ; si l’on y a recours, n’est-ce pas que le produit pèche ?

Comment expliquer que votre texte ne dise mot du surendettement, plaie de notre société ? Comment ne pas s’interroger sur les tentations permanentes auxquelles sont soumis les consommateurs ? Je ne parle pas des crédits bancaires, assez bien encadrés. Mais vous savez tous comment fonctionnent les crédits à la consommation et vous connaissez la tendance de ceux qui les distribuent à s’affranchir de certaines règles ! Dans le secteur de l’électroménager, les vendeurs touchent même un pourcentage de 3 % sur chaque crédit placé : sachant que les taux d’intérêt approchent les 18 %, il en reste beaucoup. Trouvez-vous normal que l’on incite les ménages à s’endetter à ces taux pour acheter une machine à laver, au risque de se trouver à terme dans une situation inextricable ?

Alors qu’il n’existe plus de peine perpétuelle dans notre système pénal, la seule peine qui ne s’éteint qu’avec la mort, c’est la condamnation au surendettement. L’on m’a souvent objecté qu’il ne fallait pas légiférer sur ce point car cela risquait de freiner la consommation. Je refuse cet argument : j’ai vu trop de gens désespérés balancer sept ou huit cartes de crédit revolving sur le bureau de ma permanence ! Il est temps de mettre de l’ordre dans un système qui coûte très cher à l’ensemble de la collectivité et rapporte beaucoup à quelques opérateurs peu scrupuleux. Nous allons mettre des propositions sur la table, car nous refusons que certains continuent à faire leur beurre sur le malheur des gens (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC).

Il y a un an ou deux, notre collègue Luc Chatel a rendu un excellent rapport…

M. François Brottes – C’était un très bon député ! (Sourires)

M. Jean Gaubert – Las, le ministre Chatel est très en retrait du parlementaire que nous avons connu : où en est l’action de groupe ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Elle s’est évaporée !

M. Jean-Paul Charié – Pas du tout. Le législateur en a reporté la validation.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Aux calendes !

Mme Laure de La Raudière – Soyez patient !

M. Jean Gaubert – Je sais bien que votre méthode consiste à diluer les grands enjeux en deux ou trois textes, dans une sorte de fuite en avant qui, finalement, ne résout rien ! Nous n’avons pas oublié vos lois sur l’énergie…

M. Serge Poignant – Excellents textes !

M. Jean Gaubert – En tout cas, même si cela vous dérange, nous allons vous obliger à parler de l’action de groupe…

M. Patrick Ollier, président de la commission Mais nous ne refusons pas d’en parler !

M. Jean Gaubert – L’action de groupe permet de lutter contre les petites arnaques qui rapportent beaucoup : lorsque l’on vous prélève indûment 15 euros deux ou trois fois par an, vous estimez que cela ne vaut pas la peine de faire un procès. Pour l’opérateur qui le fait, cela peut rapporter gros, s’il ponctionne deux ou trois millions de consommateurs pendant deux ou trois ans !

M. Pascal Terrasse – Les services bancaires !

M. Jean Gaubert – Le temps me manque pour évoquer plusieurs autres sujets et j’en viens donc aux motifs qui rendent ce texte irrecevable. D’abord, il aggrave la rupture d’égalité entre les citoyens, en n’arrêtant pas le mouvement qui consiste à donner toujours plus à ceux qui ont déjà beaucoup, et rien à eux qui manquent de tout. Ensuite, il n’est pas conforme à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Audacieux !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Pour dire cela, il ne faut pas avoir lu le projet de loi !

M. Jean Gaubert – Eh bien, écoutez : « Les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, doivent toujours tourner au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. »

Madame et Monsieur les ministres, votre projet de loi fait-il le bonheur des Français ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP) En tout cas, vous admettez vous-mêmes qu’il ne prétend même pas faire celui des consommateurs ! Améliorera-t-il le sort des salariés de la grande distribution ? Pas davantage ! Quant aux patrons de PME, déjà très effrayés par le rapport de forces très inégal que leur imposent les grandes centrales, je doute qu’ils aient beaucoup à gagner à la réforme des conditions générales de vente. Et je n’insiste pas sur la situation des surendettés, condamnés à la peine perpétuelle des fins de mois impossibles.

Pour toutes ces raisons, le présent texte est irrecevable et le groupe SRC vous invite par conséquent à ne pas l’examiner (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Pascal Terrasse – Excellent !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Permettez-moi de revenir un instant sur la loi TEPA. J’entends à longueur d’interventions que ce texte ne profiterait qu’à une infime minorité de privilégiés. La dépense afférente – 15,5 milliards en année pleine – correspond à trois mesures essentielles : la défiscalisation et l’exonération de charges des heures supplémentaires – pour 6 milliards, la déduction des intérêts d’emprunt pour l’achat de la résidence principale et l’exonération des droits de succession (Interruptions sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

S’agissant des heures supplémentaires, Mme Parisot aurait déclaré devant votre commission que cela ne concernerait que 30 % des entreprises…

M. François Brottes – 30% des PME !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie En effet. Ce qu’il faut considérer, c’est que 33 % des salariés effectuent déjà des heures supplémentaires : les 6 milliards d’exonérations prévus en année pleine ont été calculé en fonction de ce taux de départ, mais tout laisse à penser qu’avec l’introduction d’une mesure aussi incitative que celle que nous proposons, la proportion de salariés accomplissant des heures supplémentaires ne baissera pas…

M. Pascal Terrasse – Elle n’augmentera pas non plus !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Mais si ! Le dispositif est réellement incitatif : les salariés seront plus nombreux à faire des heures supplémentaires et cela va venir conforter la croissance qui a déjà redémarré !

Mme Chantal Robin-Rodrigo – C’est bientôt Noël !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Je souhaite répondre à présent à vos considérations sur l’évolution des cours du pétrole. Compte tenu du fait que les énergies fossiles se raréfient, un Gouvernement responsable se doit de favoriser les investissements dans les renouvelables et dans les nouvelles sources. Total, dont j’ai reçu longuement les responsables, s’engage ainsi à réinvestir 12 milliards des profits qu’elle a réalisés, notamment dans les renouvelables…

M. Jean Gaubert – Sans oublier de servir des dividendes à ses actionnaires !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie En outre, j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer à la représentation nationale que les compagnies pétrolières s’étaient engagées à répercuter toute baisse éventuelle des cours du brut sur les prix à la pompe de l’ensemble des produits pétroliers.

S’agissant de l’électricité, les tarifs resteront encadrés jusqu’en 2010, dans les conditions que vous connaissez, en dépit de l’ouverture du marché.

En matière énergétique, nous sommes collectivement incités à modifier nos comportements et nos modes de consommation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, il est certaines contrevérités que je ne peux pas, en conscience, laisser proférer. Vous reprochez au Gouvernement de céder aux sirènes de l’ultralibéralisme. Mais qui a réglementé les parachutes dorés, en décidant qu’ils n’étaient acceptables que s’ils venaient récompenser des performances dûment évaluées ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) Qui a créé le RSA ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Avec 25 millions sur 15 milliards !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Qui est revenu sur la durée légale de travail récessionniste que vous aviez instaurée et sur les trois niveaux de SMIC qui en découlaient ? S’agissant de l’encadrement des crédits à la consommation et de la prévention du surendettement, qui a incité la Banque postale à entrer dans ce secteur…

M. François Brottes – Pas avant 2010 !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie …en vue de faire baisser les taux et de proposer des produits adaptés aux ménages fragiles ?

M. Jean Gaubert – Vous êtes au pouvoir depuis six ans !

M. Christian Jacob – Est-ce notre faute si les Français ne veulent plus de vous ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Loin d’être prédateur, le Gouvernement travaille dans un esprit de soutien à l’économie nationale.

Enfin, vous pouvez compter sur M. Chatel, aussi bon ministre qu’il fut excellent député, pour faire aboutir la réflexion sur l’action de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Raison, rapporteur S’agissant des crédits à la consommation, je mets en garde le législateur contre le risque qui s’attache à une excessive déresponsabilisation de la minorité de Français qui ne savent pas résister à la pression des organismes : l’on sait que 75 % des ménages surendettés le sont du fait des aléas de la vie, par nature imprévisibles. Je me méfie de la tendance qui consiste à légiférer à tout va pour se substituer à ceux qui ne sont pas capables d’assumer leurs responsabilités – parents défaillants, consommateurs compulsifs… Une commune danoise vient de supprimer stops et feux rouges pour inciter ses habitants à adopter une conduite responsable : ne peut-on s’en inspirer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Roubaud – Raison a toujours raison ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob – Je dois féliciter le Gouvernement pour ce texte d’équilibre.

M. François Brottes – D’équilibriste !

M. Christian Jacob – En effet, s’il est un domaine où nous devons éviter les dogmes et faire preuve de pragmatisme, c’est bien celui-là.

Plusieurs lois se sont effectivement succédé, notamment les lois Galland et Royer, mais c’est parce qu’il nous fallait avancer par étapes et prendre en considération l’évolution des comportements. Nous vous avons connu plus inspiré qu’aujourd’hui, Monsieur Gaubert… Que vient faire la déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans ce débat ? Vous vous abritez derrière elle parce que vous redoutez ce sujet (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Comme le Gouvernement l’a indiqué, nous aurons l’occasion de revenir sur la question des actions de groupe, et je partage les réticences du rapporteur au sujet des conditions générales de vente, qui devraient rester sous l’entière responsabilité du vendeur : ouvrir la voie à la négociation sur ce sujet me semble bien dangereux pour le consommateur.

Cela étant, je vous invite au nom du groupe UMP à repousser la motion d’irrecevabilité et à soutenir l’action du Gouvernement en matière de concurrence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Dionis du Séjour – Il n’y a pas d’irrecevabilité qui tienne ! J’ai en revanche écouté avec beaucoup d’intérêt les remarques de M. Gaubert sur le pouvoir d’achat « alimentaire » – par opposition au pouvoir d’achat global –, sur le racket du référencement, sur le problème des délais de paiement et sur les marges arrière.

Le problème, comme toujours avec les socialistes, c’est que la qualité des propositions n’égale pas celle des constats (Sourires). En une demi-heure, je n’ai entendu qu’une seule bonne idée : l’intégration du SAV dans le forfait de base. Pour le reste, j’ai surtout l’impression que vous n’aimez guère la concurrence. Ce que vous proposez ne marche pas ! Quelle est donc votre solution pour contenir l’inflation ?

M. Pascal Terrasse – La régulation des prix !

M. Jean Dionis du Séjour – Et voilà ! Loi après loi, en matière de télécommunication, de poste et d’énergie, vous voulez tout administrer comme si nous étions en 1945. Nous sommes contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Ce que nous voulons, c’est la « concurrence au service des consommateurs ».

Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre ne votera pas l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. André Chassaigne – Ce texte est un leurre : vous prétendez augmenter le pouvoir d’achat, mais sans augmenter les salaires, le SMIC et les retraites. C’est pourquoi vous faites semblant de vouloir réduire les prix pour donner un peu plus de bonheur et de bien-être à nos concitoyens. Chacun sait que cela ne marchera pas ! Vous savez bien que le système libéral, qui ne cherche que le profit, ne se laissera pas faire : ce n’est pas avec ce projet que vous changerez quoi que ce soit.

Dans votre zèle ardent pour les consommateurs, vous oubliez en outre les fournisseurs de la grande distribution, ces PME et ces exploitants agricoles qui peuplent nos circonscriptions.

M. Michel Raison, rapporteur – J’en ai parlé !

M. André Chassaigne – Ce que vous voulez, ce sont des renards libres dans un poulailler libre. Que se passera-t-il ? Ce sont les « petits » qui seront dévorés ! La grande distribution continuera à s’octroyer des profits pharamineux !

M. Jean Dionis du Séjour – C’est bien pour cela qu’il faut réformer !

M. André Chassaigne – Je me méfie d’une réforme soutenue par les adeptes d’un libéralisme débridé…

Ce projet de loi portera-t-il un coup aux arnaques incessantes de la grande distribution ? J’en doute : il y aura peut-être quelques améliorations temporaires, mais chacun sait que la grande distribution sera un jour en situation de monopole. Les actionnaires désirant toujours plus de profits, les consommateurs devront continuer à payer toujours davantage.

S’agissant enfin de l’inconstitutionnalité de ce texte, M. Gaubert a sans doute oublié de citer la charte de l’environnement. Or, la production des gaz à effet de serre explosera quand la production alimentaire aura été entièrement délocalisée, et que les transports s’accroîtront en conséquence.

M. Jean-Marc Roubaud – C’est du Zola !

M. André Chassaigne – Hélas, c’est la réalité. Et cela justifie pleinement l’exception d’irrecevabilité !

M. Olivier Dussopt – Grâce à ces échanges, nous avons pu constater que la majorité adhère aux dogmes défendus par la Commission européenne et par certains économistes, qui estiment que la seule solution, c’est le marché, le libéralisme et la concurrence à outrance. Nous sommes, au contraire, pour la régulation des activités marchandes. Nous acceptons l’économie de marché, mais pas la société de marché. Cela exige des textes et des institutions.

Faute de prévoir les outils de régulation dont nous avons besoin, ce projet de loi ne servira pas les consommateurs. Comme l’indiquait M. Gaubert, ce texte manque d’ambition : il se contente d’appeler à la modération des prix sans recourir à leur encadrement, notamment pour les produits de première nécessité. Il manque de souffle en matière de référencement, car il ne s’attaque pas aux bakchichs exigés par la grande distribution. Quid également des produits achetés en grande quantité pour bénéficier de prix inférieurs et retournés ensuite au producteur quand ils sont invendus ? Enfin, ce texte est un peu court sur la question des délais de paiement – 11 milliards d’euros de trésorerie économisés sur le dos des producteurs.

À cela s’ajoute une certaine confusion : certains évoquaient tout à l’heure les « vraies » et les « fausses » marges ; pour ma part, je ne connais que les marges arrière, que nous devons encadrer pour que nos concitoyens aient plus facilement accès aux produits de consommation.

En revanche, je n’aurai pas la cruauté de revenir sur les actions de groupe, ni sur les télécommunications, ni sur le surendettement, qui frappe durement un grand nombre de Français qui, après avoir écouté le chant des sirènes, doivent payer des taux d’intérêt proches de l’usure et mettent des années, voire leur vie entière, à sortir d’un piège aux conséquences dramatiques.

Ce texte étant présenté comme le complément de la loi TEPA adoptée au cours de l’été, il faut également rappeler que le nombre d’heures supplémentaires n’augmentera pas. En vous référant sans cesse au slogan « travailler plus pour gagner plus », vous prétendez responsabiliser les travailleurs, mais quel salarié osera demander à son employeur de lui payer en heures supplémentaires un surcroît de travail quotidien qu’il fournirait pendant une semaine parce qu’il aurait besoin d’argent au cours de cette période ?

Ce texte manque d’ambition : il ne répond pas aux questions que se posent les Français. Depuis six ans que vous êtes au pouvoir…

M. Christian Jacob – Que voulez-vous, les Français ne veulent pas de vous ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Olivier Dussopt – …vous avez mis le pouvoir d’achat de nos concitoyens sous le boisseau, vous n’avez eu de cesse de démanteler le service public, de porter atteinte au code du travail…

M. Christian Jacob – Bla, bla, bla…

M. Olivier Dussopt – Mon cher collègue, c’est ce que ressentent les Français !

M. Jean Dionis du Séjour – Des solutions, camarade !

M. Olivier Dussopt – Ainsi êtes-vous parvenus à construire une société sans plaisir, où de plus en plus de citoyens travaillent à temps plein…

M. le Président – Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Dussopt – …sans réussir à boucler leurs fins de mois, à accéder aux produits de première nécessité, en somme à préserver leur dignité. Pour toutes ces raisons, et pour les raisons qu’a rappelées M. Gaubert, nous voterons l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. André Chassaigne – Je le dirai sans ambages : ce projet de loi vise à donner plus de pouvoir encore aux enseignes de la grande distribution afin de leur permettre de racketter l’immense majorité de leurs fournisseurs ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Piron – Tout en nuances !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Cela commence bien !

M. André Chassaigne – Puisque notre question préalable concerne essentiellement l’agriculture et l’alimentation, permettez-moi de citer le Président de la République (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), qui affirmait, dans son discours de Rennes, vouloir profiter de la présidence française de l’Union pour fournir à l’agriculture européenne un nouveau cadre politique fondé sur quatre principes fondamentaux : indépendance et sécurité alimentaire en Europe, contribution aux grands équilibres alimentaires mondiaux, préservation de ceux de nos territoires ruraux…

M. Yves Censi – Excellent !

M. André Chassaigne – …enfin, lutte contre les changements climatiques et amélioration de l’environnement (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe UMP).

Occupé à faire croire au monde agricole qu’il était à son écoute, a-t-il mesuré la portée de ses propos ? (« Mais bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP) J’en doute (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En effet, ces quatre principes sont incompatibles avec le projet de loi que vous nous présentez comme avec l’orientation actuelle de la PAC et les termes mêmes des négociations en cours à l’OMC. En outre, une loi plus libérale encore est déjà annoncée pour le printemps – après les municipales ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Piron – Mais c’est Mme Soleil !

M. André Chassaigne – Selon Le Figaro (Sourires) du 17 novembre, Nicolas Sarkozy envisagerait d’accélérer la réforme des règles qui encadrent les relations commerciales entre les grandes surfaces et leurs fournisseurs. « Il suffirait », ajoute le journaliste, « d’un amendement à la loi Chatel pour y intégrer des éléments nouveaux qui ne devaient être abordés qu’au printemps, à l’occasion de l’examen de la loi sur la modernisation de l’économie » !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Mais quels amendements, Monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne – On nous propose donc de légiférer à deux reprises en l’espace de quelques mois, alors même que l’Europe a déjà consenti, dans le cadre de l’OMC, à baisser ses tarifs douaniers agricoles de plus de 50 % en moyenne ; s’agissant de produits sensibles telles les viandes, notamment bovines et ovines, la baisse est encore supérieure. Quant à l’industrie et aux services, Peter Mandelson, commissaire européen, continue de négocier ; si un compromis est obtenu, cette forte baisse sera soumise à la ratification des membres de l’OMC. La publication du texte de compromis – nous venons de l’apprendre – est même annoncée pour février 2008 !

Quel rapport avec le présent projet, me demanderez-vous ?

M. Jean Dionis du Séjour – Bonne question !

M. André Chassaigne – La baisse des tarifs douaniers agricoles et la libéralisation accrue des échanges permettront aux enseignes de la grande distribution, par l’intermédiaire des importations spéculatives à la baisse, de faire encore davantage pression sur leurs fournisseurs hexagonaux. Ainsi, le secteur économique des bovins à viande, vital pour l'aménagement du territoire – mes collègues élus du Massif Central le savent bien –, risque de perdre très rapidement l’essentiel de son potentiel de production.

D’autre part, comme le montre la flambée que connaissent depuis quelques mois les prix de certaines matières premières agricoles, nos agricultures ont besoin de régulation, de réserves de sécurité s’agissant de produits vitaux telles les céréales, mais aussi de productions de proximité qui les soustraient aux importantes fluctuations de prix sur les marchés internationaux. Quant aux consommateurs, ils ont besoin de produits alimentaires sains dont ils connaissent le lieu et le mode de production.

M. Jean-Charles Taugourdeau – C’est vrai.

M. André Chassaigne – Élus du peuple, qui nous a investis de la mission de légiférer au service de l'intérêt général, nous ne serions pas dignes de sa confiance si nous laissions les adeptes du tout-marché spéculer sur les produits alimentaires comme ils spéculent sur le cuivre, sur l'or ou sur l'euro. Entrée dans une nouvelle ère, l’alimentation humaine est désormais en concurrence avec les agro-carburants, ce qui risque de faire fluctuer les prix et de relancer le productivisme agricole et la déforestation. Notre responsabilité n’en est que plus lourde face à ces technocrates irresponsables qui se conduisent déjà comme d’inconscients criminels de guerre économique, faisant mine d’ignorer que deux cents ans ont passé depuis la théorie des avantages comparatifs de Ricardo, qui prônait la spécialisation des nations dans leurs secteurs les plus productifs dans le cadre d'une libre concurrence. A l’époque, la planète comptait un milliard d'habitants, contre plus de six milliards aujourd'hui et plus de neuf milliards dans moins de cinquante ans !

En outre, comment légiférer sur le commerce en France sans prendre en considération ce que les instances européennes et internationales, mais aussi le Gouvernement lui-même, préparent ? Madame la ministre de l'économie et des finances…

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Et de l’emploi ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Roy – Du chômage, plutôt !

M. André Chassaigne – …vous avez vous-même déclaré au Monde, le 15 novembre, que ce projet, conformément aux engagements du Président de la République, n’était qu’une première étape…

M. Michel Raison, rapporteur – Décidément, vous êtes le porte-parole du Gouvernement ! (Sourires)

M. André Chassaigne – …qui préparait une réflexion sur la négociabilité totale de vente et des tarifs. Quel aveu !

M. Jean Dionis du Séjour – Cela ne fait trembler personne !

M. André Chassaigne – La seconde étape, précisez-vous, devrait permettre, dans un contexte de hausse des prix de l'énergie et des matières premières, de soutenir le pouvoir d'achat. En somme, vous cherchez à faire passer votre libéralisme effréné en contrebande, à petite dose, pour que tous s’y habituent… Si je comprends bien la stratégie du président de la République et de son Gouvernement, il s’agirait de rassurer les consommateurs, les paysans, les PME de l'agro-industrie et leurs salariés, ainsi que les petits commerçants, avant les élections municipales, et avant que votre loi, Madame Lagarde, n’ouvre les vannes, donnant les pleins pouvoirs à la grande distribution et noyant les fournisseurs trop petits pour se défendre contre la force de frappe des centrales d'achat !

Mes chers collègues, je vous le dis avec gravité : quel que soit votre groupe parlementaire, n’approuvez pas ce qu'il me faut malheureusement appeler une double forfaiture… (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre) c’est-à-dire, selon l’un des sens répertoriés par le dictionnaire (Sourires), une double tromperie. Se conformer aux recommandations de la commission Attali, comme le fera la seconde loi, c’est surtout s’inspirer des objectifs qu’affichait Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances et prétendait faire baisser les prix de 4 % en quelques mois. Selon cette « commission pour la libération de la croissance française », dont le Président de la République a confié la responsabilité à un ancien conseiller de François Mitterrand toujours en quête de notoriété, il suffirait de promouvoir le développement anarchique des grandes surfaces en France pour que les prix à la consommation baissent, comme par miracle…

Or la France compte 223 mètres carrés de centres commerciaux pour 1 000 habitants, contre une moyenne de 192 mètres carrés pour l'ensemble de l'Union européenne, et de nouvelles ouvertures et de nouveaux agrandissements ont lieu en permanence, en dépit des lois Galland, Raffarin, Royer, si bien que le développement de la grande distribution est, dans notre pays, un long fleuve tranquille.

Je n’ai pu assister à l’audition de M. Attali en commission, mais je sais que certains de nos collègues – MM. Charié, Gaubert, Poignant, Jacob, Brottes, Gagnaire – ont émis de sérieuses réserves sur certaines propositions de cette commission concernant la libéralisation du commerce. Prétendre qu’il suffirait d’ouvrir de nouveaux grands magasins pour faire baisser les prix, c’est ignorer la situation actuelle et le comportement prédateur des grandes enseignes de la distribution. Outre les marges arrière, celles-ci disposent de moyens de pression énormes sur leurs fournisseurs ; elles en usent et en abusent, comme, par exemple, à l’encontre des fournisseurs de fruits et légumes frais, chaque été.

MM. Jean Dionis du Séjour et Jean-Charles Taugourdeau – C’est vrai !

M. André Chassaigne – Les centrales d’achat recourent à l’importation et au stockage préventif pour faire chuter le cours des produits français dès leur mise sur leur marché. Je ne vois rien, dans ce projet de loi, qui mette fin à ce racket.

Depuis plusieurs mois, les éleveurs de porcs se ruinent, car les prix des aliments composés qu’ils achètent ont augmenté de 40 %, tandis que le prix de la viande de porc ne cesse de baisser. Cette baisse, favorisée par une surproduction européenne, permet aux distributeurs de faire pression sur les abattoirs, en jouant sur les importations communautaires pour gonfler leurs marges. Ceci s’accompagne de quelques opérations de promotion aux effets pervers, qui détournent les consommateurs de la viande porcine une fois qu’elles sont terminées. La situation du porc donne une idée de ce qu’il adviendrait des prix payés aux fournisseurs en cas d’accord de réduction des tarifs douaniers agricoles à l’OMC pour d’autres produits.

Si l’on veut une transparence totale des prix, il faut se donner les moyens de contrôler les marges de chaque intervenant. Bien que nous ayons voté un texte permettant d’instituer un coefficient multiplicateur en cas de chute des prix à la production, cette mesure n’a jamais été appliquée, parce que Bercy ne souhaite pas déplaire aux grandes enseignes ! En outre, ce projet ne présente aucune mesure pour contrôler les marges des distributeurs, à qui le prochain texte donnera, au contraire, davantage encore de pouvoir.

Dans une récente tribune de cet excellent journal qu’est L’Humanité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le président de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, M. Bédier, déclarait, à propos de la réforme dont nous discutons : « Peut-être que nous n’empêcherons pas certaines hausses de prix, mais les acteurs auront la capacité de négocier les prix les plus compétitifs du marché. » Il ajoutait que la loi Galland « faciliterait la négociation avec les industriels des grandes marques, qui bénéficient souvent d’une rentabilité élevée ». C’est exactement ce que les ministres viennent de nous dire. Cependant, les ministres et M. Bédier omettent de dire que les distributeurs ont réalisé en 2006 une marge de 34 % sur les produits achetés à ces fournisseurs puissants, et une marge de 35 % en 2007, selon le président de l’association de ces gros fournisseurs, à laquelle adhèrent Danone, Nestlé ou encore L’Oréal. En refusant de voir cette dimension du profit maximum, de l’argent roi, vous me faites penser à cette expression populaire : « Quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Les choses ne se passent pas non plus comme vous le dites quand vous parlez de faciliter les négociations. Le mois dernier, Danone informait ses actionnaires que toutes les hausses proposées par le groupe avaient été acceptées par les distributeurs ; et pour cause, les volumes de produits estampillés Danone rendent celui-ci incontournable ! En même temps, Danone a vendu son pôle biscuit, moins rentable, afin de renforcer sa position sur les créneaux les plus juteux pour lui. Le géant anglo-néerlandais Unilever a agi de la même manière en vendant les fromages Boursin pour mieux imposer les produits Knorr ou Amora. Quant au PDG de Nestlé, qui siège à la commission Attali, il ne travaille sûrement pas contre les intérêts de son groupe ! J’observe d’ailleurs que plus de 50 % des membres de cette commission sont des PDG ou des avocats d’affaires ; on n’y trouve en revanche aucun paysan, commerçant ou syndicaliste en activité, ni le moindre parlementaire.

M. Yves Censi – Ce n’est pas une discussion sur la commission Attali !

M. André Chassaigne – Dès lors, je crains que cette loi et celle qui la suivra ne soient autre chose que « des toiles d’araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites », comme l’écrit Balzac, dans La Maison Nucingen.

Avec ou sans les lois Galland, Chatel ou Lagarde, les multinationales de l’agro-alimentaire ont de toute façon les moyens de résister aux diktats des distributeurs. Il en va tout autrement pour les 10 000 PME du secteur. Donner plus de pouvoir aux distributeurs revient à fragiliser ces entreprises, dont certaines seront conduites à la cessation d’activité et d’autres se lanceront dans des politiques d’économies tous azimuts, au détriment de la qualité. La présidente de Nutrimarketing, Mme Béatrice de Reynal, n’indique-t-elle pas, déjà, dans Le Monde, qu’il est possible de faire beaucoup de choses en écartant les matières nobles : « des yaourts sans lait, des steaks avec 50 % de soja, et si le soja est trop cher on mettra autre chose » ? C’est donc aussi prendre le risque de voir se détériorer la qualité des aliments que nous consommons. C’est en outre durcir les conditions de travail et de vie des salariés. Dans une note du 7 novembre, la fédération CFDT de l’agro-alimentaire – vous voyez que je ne cite pas que la CGT ! – constate déjà que ces conditions se dégradent au moment des opérations de promotion que lance régulièrement la grande distribution. Elle craint également que cette dernière importe davantage de produits en provenance de pays à faibles exigences environnementales ; au lendemain même du Grenelle de l’environnement !

La liberté donnée aux distributeurs pour imposer les prix les plus bas débouchera, notamment pour les légumes de conserves, sur de nouvelles délocalisations vers les pays récemment entrés dans l’Union européenne, ou ailleurs, à l’exemple des cornichons de Bourgogne produits en Inde. Que d’emplois perdus, et que de gaz à effet de serre rejeté pour le transport et la conservation !

M. Jean Gaubert – Très bien !

M. André Chassaigne – Et que penser de l’argument selon lequel il serait possible de faire baisser les prix en donnant aux distributeurs la liberté du renard libre dans le poulailler libre – comme dirait Jaurès ? Un tel argument n’est avancé que par le Président de la République, certains ministres et, bien sûr, M. Attali. Les grands distributeurs ne prennent en la circonstance aucun engagement ; tout au plus concèdent-ils la possibilité que soit contenue l’augmentation du prix des matières premières si on leur donne une plus grande liberté de négociation.

Je nie, par ailleurs, que la baisse des prix rende du pouvoir d’achat aux ménages. Dans le privé comme dans le public, la tendance est à l’alignement des salaires sur la hausse des prix mesurée par l’indice contestable – et constesté – de l’INSEE.

M. Jean Gaubert – Eh oui !

M. André Chassaigne – La baisse des prix, quand elle a lieu, ne sert pas à rendre du pouvoir d’achat aux salariés, mais à réduire indirectement le coût du travail pour les employeurs. Il en résulte une situation de plus en plus intenable pour les ménages modestes, avec des dépenses contraintes toujours plus élevées. Pour preuve, Bercy demande à la CNAVTS de limiter à 1,1 % l’augmentation des pensions des salariés du privé en 2008, au prétexte que leur augmentation aurait été supérieure de 0,5 % aux prix mesurés par l’indice INSEE en 2006. Se fonder sur l’année 2006 permet de passer sous silence la flambée des prix de l’énergie et des produits de base depuis la fin de l’été 2007 et la baisse des remboursements de soins médicaux.

Dans ce monde de plus en plus instable, il est urgent d’offrir un cadre sécurisé et des perspectives à long termes aux agriculteurs, ainsi qu’aux entreprises agro-alimentaires qu’ils fournissent, afin de garantir à tous le droit à une alimentation de qualité. Or ce texte va à l’encontre de cet objectif, tout comme le projet de loi en préparation, qui n’en paraît que plus dangereux. Je vous propose donc de voter la question préalable, car il n’y a pas lieu de délibérer (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Yves Cochet – Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Parce qu’il s’agit d’un sujet qui intéresse l’ensemble de nos concitoyens, il conviendrait d’éviter la caricature. Monsieur Chassaigne. Vous avez parlé de « rackets » et d’« arnaques » perpétrés par la grande distribution, mais ce n’est pas notre fait si les Français plébiscitent la grande distribution, se ruent en masse dans ses magasins le week-end et classent ses entreprises parmi les dix premières qu’ils préfèrent ! Ce n’est pas notre fait non plus si la France a inventé un système de distribution largement reproduit à travers le monde, qui représente 500 000 emplois et qui comprend des groupes figurant parmi les dix premiers employeurs mondiaux !

M. Jean-Paul Charié – Enfin, Monsieur le ministre, n’exagérez pas !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – En Chine, j’ai trouvé des produits de PME françaises que je n’aurais sans doute pas pu acheter si des enseignes françaises ne s’étaient installées sur ce territoire…

M. Jean-Paul Charié – C’est trop d’éloges !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Pour autant, il ne faut pas tout accepter de la grande distribution. La législation a déjà permis d’encadrer certaines pratiques, d’autres ont été sanctionnées ou visées par des avis du conseil de la concurrence. Nous sommes réunis aujourd’hui pour faire évoluer le droit de la consommation et le droit de la distribution.

Le Gouvernement a toujours mis en avant l’agriculture française lors des négociations à l’OMC. Des dispositions spécifiques à la filière agricole figurent dans ce texte, comme le Président de la République s’y était engagé devant le Medef. Elles font suite aux avancées de la loi de 2005 sur les enchères inversées et sur l’encadrement des rabais et des ristournes. Des amendements de la commission des affaires économiques permettront notamment de régler la question des fortes variations de prix des matières premières.

S’agissant de la négociabilité, vous parlez de « forfaiture ». Vous nous dites ne pas comprendre que l’on procède en deux étapes et vous nous demandez dans le même temps de prendre en compte les besoins et les inquiétudes des PME. En 2005, nous avions déjà choisi une réforme progressive, attentifs à l’impact qu’aurait pu avoir le basculement total des « marges arrière ». Nous avons d’ailleurs bien fait, car l’on s’aperçoit aujourd’hui que la part des PME dans les linéaires a augmenté. Confortés par cette première étape, nous proposons aujourd’hui la réintégration totale dans les prix.

Mais nous souhaitons aussi une refonte globale des relations entre l’industrie et le commerce, ce qui implique de débattre de la négociabilité, de l’implantation des grandes surfaces, ou encore des moyens consacrés aux autorités de la concurrence. Ce sera l’objet de la loi de modernisation de l’économie. Je vous invite donc à poursuivre l’examen de ce texte et à rejeter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Lionel Tardy – Monsieur Chassaigne, vous êtes bien défaitiste ! L’État a tout de même gardé bon nombre de ces compétences, l’Europe n’a pas tout pris ! D’autre part, s’il fallait attendre les résultats des négociations internationales, plus rien ne se ferait ! Quant au futur projet de loi, vous semblez mieux informé de son contenu que ses auteurs mêmes !

Il est important de légiférer dans le domaine de la consommation, car les relations y sont si asymétriques que seule l’intervention d’une autorité supérieure peut rétablir l’équilibre. C’est d’ailleurs dans la logique du libéralisme, lequel n’est pas, comme vous vous plaisez à le dire, la loi de la jungle.

M. François Brottes – Cela reste à prouver !

M. Lionel Tardy – La concurrence est bénéfique, notamment pour les consommateurs et leur pouvoir d’achat.

D’aucuns disent qu’il s’agit d’une réformette. Mais en ne faisant rien, il est certain que l’on ne change rien – et je serai toujours du côté de ceux qui veulent avancer !

Il convient aussi de légiférer sur la question des relations commerciales, puisque là encore, les relations sont déséquilibrées : 80 % des achats sont le fait de cinq centrales, en position de force face à des myriades de producteurs ! La situation évolue, tant sur le plan économique que dans les esprits, dont beaucoup n’était pas prêts à accepter le « triple net » en 2005.

Il est temps aussi de réglementer les pratiques dans le domaine des hotlines et des services après vente de la téléphonie mobile – où trois groupes se partagent le marché, sans grand souci de concurrence – et de la fourniture d’accès à l’Internet. Il est anormal que le service après vente, souvent inclus dans le prix du produit, soit facturé une deuxième fois par le biais d’appels surtaxés.

Les consommateurs exigent enfin davantage de transparence de la part de leurs banques. Certaines, plus que d’autres, ont fait des efforts et amélioré le taux de satisfaction de leur clientèle. Mais il est nécessaire de leur imposer par la loi de fournir à leurs clients un relevé des frais bancaires et des agios, afin que ceux-ci puissent faire jouer la concurrence. Il convient aussi d’étendre le champ de la médiation, ce qui offrirait aux consommateurs une voie de recours.

Ce texte apporte des solutions concrètes aux consommateurs et contribuera à améliorer leur pouvoir d’achat. C’est pourquoi le groupe UMP ne votera pas la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Dionis du Séjour – Quand André Chassaigne parle d’agriculture, cela me parle, moi qui, fils d’agriculteur, ai négocié pendant de longues années les poires familiales. Et c’est justement parce que j’ai subi la grande distribution que je veux mettre fin au statu quo, néfaste aux producteurs. Mais votre message à vous, c’est : « Surtout, ne changez rien ! Tout va bien ! »

M. André Chassaigne – Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean Dionis du Séjour – Tel un Jules Méline, vous voudriez fermer les frontières et subventionner l’agriculture française ! Après la division internationale marxiste du travail, vous en êtes à Méline (Sourires) !

Vous diabolisez les grandes surfaces, mais quel sera le modèle économique de demain, les grandes enseignes, le commerce en ligne ? Personne ne le sait !

M. André Chassaigne – Changer pour ne rien changer…

M. Jean Dionis du Séjour – Quand j’avais trente ans, on me disait que le diable, en informatique, c’était IBM. À quarante ans, on me désignait Microsoft comme l’ennemi de l’intérêt général. Aujourd’hui, c’est Google et demain Facebook ! Vous avez un problème avec le mouvement. Pour notre part, nous l’aimons, comme nous aimons la vie et l’esprit de réforme. C’est pourquoi nous ne voterons pas la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est à gauche que sont les conservateurs !

M. Patrick Roy – Je suis toujours étonné lorsque la droite nous propose un nouveau projet de loi. Il faut dire que vos titres, très sympathiques – « la concurrence au service du consommateur »…

M. Jean Dionis du Séjour – C’est beau !

M. Patrick Roy – …n’ont rien à voir avec le contenu. Il y a tromperie sur la marchandise, et en l’espèce, il faudrait plutôt parler de la concurrence « au service des grandes surfaces » ! Le ministre fait l’article de la grande distribution, mais il est bien silencieux sur l’impact qu’a eu sur l’emploi l’arrivée massive des caisses automatiques !

Ce texte n’a, à l’évidence, pas pour objet de défendre les consommateurs. Pourtant, des mesures en faveur du pouvoir d’achat – objet du grand mensonge présidentiel – seraient bien utiles ! Or, dans la réalité, les retraites augmentent de 1,1 %, non des 25 % promis pour les petites retraites, et en outre le Parlement vote des franchises médicales. Une catégorie voit toutefois son pouvoir d’achat augmenter avec le renforcement du bouclier fiscal : les grandes familles, et notamment celles de la grande distribution.

M. Daniel Fasquelle – C’est faux, vous le savez !

M. Patrick Roy – C’est la réalité ! On leur rend des sous – et étant du Nord, je les connais, les grandes familles de la distribution !

Sur les trois questions principales – la qualité de ce qui se trouve dans nos assiettes, le pouvoir d’achat et les conditions de travail dans les PME – André Chassaigne s’est montré excellent, et très modéré (sourires). Il aurait pu aller nettement plus loin. Il a en tout cas montré que, dans un avenir proche, les grandes surfaces allaient accroître leur pression sur leurs fournisseurs et que rien ne garantirait l’innocuité du contenu de nos assiettes. Il a signalé que – c’est une pratique courante de ce gouvernement, comme en matière d’immigration – nous discutons d’une énième loi, et que nous recommencerons encore dans quelques mois.

Les fournisseurs ont beaucoup de mal à lutter contre les centrales d’achats, mais le texte ne contient aucune nouveauté pour leur venir en aide. Quant aux conditions de travail dans les 10 000 PME de l’agroalimentaire, elles vont à l’évidence encore se dégrader – mais c’est le cas dans tout le monde industriel… C’est donc avec le plus grand enthousiasme que nous voterons cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Yves Cochet – André Chassaigne a parfaitement montré les immenses lacunes de ce texte, qui ne fait rien notamment pour amoindrir la rente considérable que perçoivent ces prédateurs que sont les grands distributeurs. Dans le secteur agroalimentaire, ce sont les géants qui font la loi en Europe, car 80 % de l’alimentation des 480 millions de consommateurs européens provient de ces grandes chaînes mondialisées. Or ce texte ne répond pas à la question essentielle de la qualité et de la proximité de notre alimentation. La France a des PME, des agriculteurs et une production agroalimentaire très riche, mais ce ne sont pas forcément les produits que nous consommons ! Savez-vous qu’à la cantine de l’Assemblée, on nous propose de la perche du Nil venue de Tanzanie par avion-cargo réfrigéré ? C’est celle qu’on trouve d’ailleurs chez Picard et dans les grandes surfaces. Ce n’est pas très soutenable, du point de vue ni de la qualité, ni de l’écologie – un thème cher, paraît-il, au Président de la République, selon lequel, à la suite du Grenelle de l'environnement, tous les grands projets devraient être examinés à l’aune du développement soutenable ! Et dans la fricassée de Bonduelle, le plus grand conserveur européen…

M. Michel Piron – Quelle salade !

M. Yves Cochet – …les légumes ne proviennent pas de la plaine picarde, mais du plateau tibétain et d’Afrique centrale ! Aucun bénéfice donc pour nos producteurs, et tout profit pour les grandes chaînes mondialisées. D’accord, il y a quelques producteurs bio, mais qui restent parfaitement marginaux dans notre économie ! Pour toutes ces raisons, il faut voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

La question préalable, mis aux voix, n’est pas adoptée.

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Yves Cochet – Ce texte a les mérites et les défauts d’un immense fourre-tout. On y retrouve la téléphonie mobile, les banques ou la distribution. Il se voudrait une première réponse aux problèmes de pouvoir d'achat et de hausse des prix, grandes préoccupations des Français, mais ne propose que des dispositions cosmétiques et des mesurettes consensuelles, sans véritable rupture. Si l’on en croit Yves Jego, porte-parole de l'UMP, le pouvoir d'achat doit être le « fil rouge » du quinquennat. Quel décalage avec les mesures anti-sociales qui ont été votées en juillet, ces 15 milliards dédiés à la consommation des riches ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Leurs bénéficiaires vont-ils acheter une troisième Ferrari ou un quatrième téléphone mobile ? Rien n’est moins sûr. Vous employez les grands mots – droits des consommateurs, service du consommateur, bénéfice du consommateur – mais qui donc est ce consommateur standard ? Ce qui est sûr, c’est que le Gouvernement a tendance à réduire l’individu au seul échange marchand.

À quelques semaines des réjouissances consuméristes de Noël, il faut souligner plusieurs faiblesses de ce texte. Concernant la distribution d’abord, vous voulez poursuivre l'assouplissement de la loi Galland, qui imposait un seuil de revente à perte très restrictif dans la grande distribution, en réintégrant l'ensemble des marges arrière dans le calcul de ce seuil. Mais les organisations professionnelles ne vous suivent pas. L’Union professionnelle artisanale dénonce notamment l'imposture qui veut faire croire que la grande distribution va rendre aux consommateurs les dizaines de milliards de marges arrière qu'elle recueille chaque année, et l’Association nationale des industries alimentaires évoque un risque considérable pour la survie des 10 000 PME du secteur alimentaire. Les petits commerces sont déjà affaiblis, en pleine raréfaction. Que fait ce texte pour favoriser le maintien en centre ville des épiciers, crémiers ou fleuristes, alors que les rues n’y sont plus qu'une succession de banques et de magasins de vêtements et que les abords des villes deviennent d'immenses complexes commerciaux, qui contribuent très peu à l’intégration sociale et beaucoup à la « rurbanisation » ?

Nous sortons du Grenelle de l'environnement, où nous avons entendu beaucoup de belles paroles et vu la conviction de M. Borloo et de Mme Kosciusko-Morizet. Mais en soutenant ainsi la grande distribution au détriment des petits commerces, vous augmentez… les émissions de gaz à effet de serre. C’est en tout cas ce qu’a démontré une agence de l’État, l'ADEME – rien de moins. J’ai imprimé deux pages web de son site.

Mme Laure de La Raudière – Ce n’est pas écolo !

M. Yves Cochet – Bizarrement, il a été montré que la dématérialisation de notre économie conduisait à dépenser plus de papier. Mystère… En tout cas, selon l’ADEME, lorsque deux cents familles vont faire leurs courses dans un grand centre commercial de la périphérie, elles rejettent 773 kilos de CO2, 29 kilos de polluants divers et font le bruit de 200 véhicules. Si elles vont à pied dans les commerces de proximité, elles consomment seulement 4 kilos d’équivalent pétrole, 12 kilos de CO2, 0,3 de polluants et produisent l’équivalent acoustique de dix voitures. La comparaison est éclatante, et pourtant les commerces de proximité, dans les grandes villes comme dans les plus petites, continuent de disparaître.

Il ne faut plus construire de grandes surfaces, contrairement à ce que dit M. Attali, qui n’a malheureusement de bonnes idées qu’une fois sur deux ! Cette proposition idiote va à l’encontre des conclusions du Grenelle de l’environnement.

Je traiterai brièvement de la téléphonie mobile, pour rappeler que le secteur des communications électroniques est encore très largement en tête pour ce qui est du nombre de plaintes reçues à la DGCCRF : en 2007, pas moins de 34 000 plaintes auront été déposées le concernant. II était donc grand temps d’agir. Le projet met fin aux numéros surtaxés pour les services d'assistance téléphonique et impose la gratuité du temps d'attente – mais cette disposition nous est présentée comme une innovation alors qu'il s'agit une pratique déjà en vigueur chez tous les opérateurs, Free excepté.

Je constate que la question du plafonnement des durées d'engagement reste ouverte. Pourtant, il y a quelques mois, M. Chatel, alors député, avait proposé, pour répondre à une demande de l'ARCEP, de plafonner cette durée à douze mois pour libérer les 76 % d'abonnés captifs de leurs opérateurs. Pourquoi ne pas prévoir, comme le font les autres pays européens, un strict plafonnement à un an ? Le ministre, que soutenait l’UFC-Que Choisir, serait-il frappé d’amnésie ?

J’en viens pour finir au recours collectif – « class action » en anglais –, dont il est grand dommage que l’on ne trouve pas mention dans un texte visant à assurer la protection des consommateurs.

M. Arnaud Montebourg – C’est incroyable !

M. Yves Cochet – Alors que l'accumulation d'actions individuelles contribue à l'engorgement des tribunaux, l'action en représentation conjointe ne fait que juxtaposer des dossiers particuliers. Le 10 novembre 2005, lors d'un colloque organisé par l'UFC-Que Choisir, le premier président de la Cour de cassation avait pourtant admis que l'introduction de l'action de groupe, bien que délicate à mettre en œuvre dans notre droit, n'était pas inconcevable si elle était envisagée sous la forme de l'option d'exclusion. C’est aussi le point de vue des professeurs de droit favorables à cette position, qui soulignent que cette option serait la seule de nature à traduire le principe constitutionnel d'accès au droit et au juge, qui reste pour l'instant lettre morte. Pourtant, votre projet n’en dit mot.

Étant donné les faiblesses actuelles de ce texte qui ne propose et de ses graves lacunes, nous appellerons à voter contre (Applaudissements sur les bancs du groupe SCR).

M. André Chassaigne – Excellent !

M. Arnaud Montebourg – Et qu’en dit M. Chatel ?

M. Jean Dionis du Séjour – Ce projet est le bienvenu, et le seul libellé de son titre, en lui-même une petite révolution culturelle, donne envie au groupe du Nouveau Centre de le voter (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. André Chassaigne – Mais il n’y a que le titre !

M. Jean Dionis du Séjour – Je me félicite que ce projet, fruit d’un engagement connu, ait vu le jour. Il est articulé autour de trois axes. Mon propos se limitera à son volet relatif à la modernisation des relations commerciales.

D’évidence, la loi Galland n’a pas empêché une dérive aux effets ravageurs, une entente progressive s’instaurant entre producteurs et distributeurs au détriment des PME et des consommateurs. Le principe de non-négociabilité des conditions générales de vente a entraîné la mise au point du mécanisme des marges arrière, système malsain rémunérant des services souvent fictifs. Autant le dire, ce mécanisme est l’un des nids de la corruption en France. Beaucoup s’en accommodaient jusqu’à ce que, sous la pression inflationniste, de malsain le système devienne fou.

La loi Dutreil de 2005 allait dans le bon sens, mais elle n’a pas réussi à enrayer l’extension du phénomène. À cette époque, nous nous sentions bien seuls, quand nous demandions l’interdiction totale des marges arrière…

M. André Chassaigne – Seuls ? Allons donc !

M. Jean Dionis du Séjour – Quoi qu’il en soit, nous sommes heureux d’être rejoints par tant de convertis et nous demeurons convaincus, pour plagier Caton l’Ancien, que retrocommissio delenda est ! (Sourires) Le projet revient sur le compromis boiteux adopté en 2005 après que M. Chatel eut été victime d’un arbitrage élyséen peu glorieux. Ne répétons pas la même erreur ! Nous craignons que ce texte n’ait que peu d’impact aussi longtemps que l’on ne réintègrera pas la négociation commerciale. En bref, « oui » à la négociation des tarifs et des conditions générales de vente, mais trois fois « non » à l’opacité du contrat unique. Nous sommes résolument opposé à ce qu’il soit « allégé », comme il est dit en termes pudiques, car tous ses éléments doivent pouvoir être contrôlés par la DGCCRF.

Mme Laure de La Raudière – Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour – Pourquoi, d’autre part, renvoyer à 2008 ce qui pourrait être fait dès maintenant ? Il faut aller au bout de la réforme. Nous vous invitons donc à faire preuve d’audace, encore et toujours (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Yves Cochet – Un vrai révolutionnaire ! (Sourires)

M. Jean-Paul Charié – Je prends la parole au nom du groupe UMP pour une tâche malaisée car il n’est pas dans mon intention de tenir un discours ici et un autre ailleurs. Or, au sein du groupe, certains sont persuadés que les marges arrière vont disparaître, et d’autres pensent qu’il aurait fallu les interdire. Certes, des sanctions ont été prononcées – elles se sont élevées à 23 millions pour un certain distributeur – mais elles n’ont jamais été réclamées ni versées !

M. Jean Dionis du Séjour – C’est vrai !

M. Jean-Paul Charié – Certains membres de mon groupe considèrent donc qu’il faudrait changer la loi, mais d’autres qu’il faudrait commencer par faire appliquer les textes en vigueur…

M. Jean-Yves Le Déaut – Il a raison !

M. Jean-Paul Charié – On le voit, les convictions sont diverses et il est difficile d’en faire la synthèse. Je considère pour ma part que si les marges arrière ont augmenté, ce n’est pas à cause de la loi Galland. Si tel avait été le cas, elles auraient augmenté dans tous les secteurs ; or, cela ne s’est produit que là où avaient été constituées des centrales d’achat à dominante alimentaire. Le système est à ce point aberrant que certains distributeurs sont allés jusqu’à indiquer à leurs fournisseurs qu’ils pouvaient augmenter leurs tarifs pour mieux pouvoir payer ce qu’ils allaient leur demander de payer… (Mouvements divers) À cause de telles pratiques, une confusion s’est faite avec les conséquences supposées de la loi Galland.

Certains considèrent d’autre part que l’on pourra accroître le pouvoir d’achat grâce aux grandes surfaces…

Mme Delphine Batho – M. Sarkozy en particulier…

M. Jean-Paul Charié – Ce fut vrai un temps, et la double invention française du libre-service et du « tout sous le même toit » a permis d’offrir aux consommateurs une grande diversité de produits tout en faisant chuter les prix. Depuis, ce n’est plus aussi vrai que certains l’affirment encore ! Il est fréquent que les grandes surfaces soient plus chères pour les fruits et légumes, et, dans les régions où les petites stations services n’existent plus, elles ne consentent plus les rabais sur l’essence que l’on a connus naguère !

M. Jean Gaubert – C’est juste !

M. Jean-Paul Charié – De même, depuis qu’il n’y a pratiquement plus de détaillants pour l’électroménager, les prix pratiqués dans les hypermarchés ne sont plus aussi compétitifs qu’avant.

M. Yves Cochet – C’est exact !

M. Jean-Paul Charié – Au reste, comment ne pas s’étonner, alors que notre pays compte plus de mètres carrés commerciaux que tous les autres, que les Français restent confrontés à une crise durable de leur pouvoir d’achat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Les responsables des grandes surfaces que nous avons, grâce au président Ollier, reçus en commission nous l’ont dit sans détour : « Ce texte ne servira à rien pour améliorer le pouvoir d’achat des Français, car, s’il est adopté, nous ne pourrons plus baisser les prix ! » Avec 25 % de marge avant et 45 % de marge arrière – soit la bagatelle de 70 % de marge –, je voudrais que l’on m’explique comment on ne peut pas baisser de 5 % les prix de vente aux consommateurs ! Pour ma part, je reste convaincu que si l’on supprimait les marges arrière, les prix à la consommation baisseraient de 5 % et les marques retrouveraient un peu de leur pouvoir de négociation.

Un autre point sur lequel je ne peux pas vous suivre complètement concerne, Madame et Monsieur les ministres, l’impact favorable de ce texte sur la situation de l’emploi dans notre pays. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait que la technique de vente des grandes surfaces ne consiste plus à conserver le moins d’emplois possibles !

Plusieurs députés du groupe SRC – Il a raison !

M. Jean-Paul Charié – En proportion, les petits commerces emploient trois fois plus de personnel que les grandes surfaces ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR) Et ce n’est pas en continuant de supprimer les pompistes et, demain, les caissières que l’on créera des emplois !

Quand j’ai employé le terme de racket, MM. Bédier, Leclerc et Mulliez ont reconnu qu’il était justifié… (« Enfin ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) La vérité que nous ne pouvons plus ignorer, c’est qu’il existe encore certaines pratiques qui minent nos capacités d’innovation. Au nom de l’UMP – et, auparavant, du RPR –, j’ai toujours combattu non pas les grandes surfaces mais les pratiques commerciales de certaines d’entre elles. Las, les lois se succèdent et, alors que chacune prétend améliorer les choses, la situation continue d’empirer et de se compliquer.

La détermination du Président de la République nous permet aujourd’hui d’avancer. Si les grandes surfaces disaient : « Négocions tous les barèmes des conditions générales de vente et arrêtons de facturer la distribution à nos clients », nous franchirions une étape décisive. Il faut dire à MM. Bédier, Leclerc et Mulliez que si nous obtenons cela, ils n’auront plus, demain, la possibilité de retourner les invendus aux producteurs, d’appliquer des pénalités ou d’étendre à l’excès les délais de paiement.

Madame la ministre, l’intérêt du pays commande de tout remettre à plat. Depuis vingt-cinq ans, la gauche et la droite ont échoué dans leurs tentatives d’améliorer le système. Saisissons l’occasion qui nous est donnée d’instaurer plus de liberté dans la négociation et profitons de l’attitude actuelle des principaux acteurs, lesquels se disent aujourd’hui prêts à se réformer. Allons-y ! Pourquoi la France échouerait-elle là où l’Allemagne, dont on nous rebat les oreilles, a obtenu des résultats encourageants ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. François Brottes – J’étais presque tenté de laisser mon temps de parole à M. Charié, mais la vérité me force à dire que je ne partage sans doute pas l’intégralité de ses vues…

Permettez-moi tout d’abord de m’étonner de l’absence de M. Michel-Édouard Leclerc au banc des conseillers du Gouvernement (Sourires) : j’avais cru comprendre que la renégociation des tarifs – que les centrales d’achats souhaitent officialiser en échange de la disparition des marges arrière pour permettre à la grande distribution de faire toujours plus de profits – avait été discutée entre le Gouvernement et la grande distribution, peut-être à l’Élysée, sur le dos des fournisseurs et sans concertation avec notre rapporteur, M. Raison, homme rigoureux et de conviction. « Aimer à perdre la raison », dit le poète… (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC)

Comme vient de le démontrer M. Charié, tout est lié : les marges arrière, le seuil de vente à perte, les CGV, le référencement et ses bakchichs, les délais de paiement… Le seul fait que votre projet n’aborde pas tous ces sujets montre que vos intentions ne sont que gesticulations et qu’il ne sortira rien de votre politique d’affichage.

Votre religion – que confesse avec vous M. Dionis du Séjour au prix d’un véritable déni de réalité –, c’est qu’introduire toujours plus de concurrence permet de rendre un meilleur service à moindre coût. Et tant pis si, s’agissant des tarifs de l’électricité ou des renseignements téléphoniques, c’est exactement l’inverse qui s’est produit ! Et ne venez pas nous dire que c’est la faute au baril de brut !

M. Jean Dionis du Séjour – Le problème, c’est l’administration des prix !

M. François Brottes – Qui peut prétendre – comme tend à le faire le Gouvernement – que le pouvoir d’achat des ménages n’a pas régressé ? Les faits parlent d’eux-mêmes : un million de dossiers de surendettement en cinq ans, flambée des prix de l’alimentation, de l’énergie, des carburants, des loyers, des primes assurances… Hausse vertigineuse des dépenses incompressibles, baisse en euros constants des allocations familiales, stagnation des salaires et annonce d’une nouvelle taxe sur les malades, que vous appelez « franchise ». Tout cela est au cœur de l’angoisse des Français, laquelle ne concerne plus seulement les chômeurs et érémistes mais bien l’ensemble de la population.

40 % des salariés gagnent entre 1 000 et 1 350 euros par mois, ce qui n’est pas très loin du niveau du SMIC. Au cours des dernières années, 90 % des foyers n’ont vu leur revenu augmenter que de 4,5 %, soit moins que l’inflation. Pendant ce temps, les revenus des 3 500 foyers les plus riches ont progressé de 42,5 %, soit dix fois plus ! Et ce sont les mêmes à qui les services fiscaux viennent – du fait du bouclier fiscal que Mme Lagarde a « oublié » d’évoquer dans sa description de la loi TEPA – d’adresser des chèques de remboursement de 80 000 ou 100 000 euros !

M. Jean Gaubert – Ça, c’est du pouvoir d’achat !

M. François Brottes – C’est du reste bien parce qu’il y a des gens de plus en plus riches que vos moyennes présentent un aspect flatteur ! Mais si on en fait abstraction, l’évolution est moins favorable…

Hors quelques mesures cosmétiques sur la téléphonie mobile – que votre majorité se propose d’édulcorer –, votre texte ne contient aucune disposition susceptible d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Dès lors, il n’a pas matière à se glorifier, Monsieur Chatel, qu’il ne coûte rien ! En définitive, votre nouveau slogan devrait être : « Gagner moins pour payer plus ! »

Rien n’est prévu pour compenser les hausses de prix – passées et à venir – que j’ai décrites à l’instant, et pas davantage pour neutraliser les effets de l’assujettissement de 800 000 personnes âgées à la redevance audiovisuelle ! Rien, non plus, pour diminuer les tarifs de l’énergie, alors que l’État vient de récolter 2 milliards de dividendes sur EDF et Gaz de France, directement payés par les consommateurs, à proportion de 150 euros par foyer. Chacun doit savoir que le Gouvernement pouvait décider de facturer l’énergie moins cher : il ne l’a pas fait, car il avait besoin de renflouer les caisses de l’État, vidées par les cadeaux fiscaux de l’été dernier.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. François Brottes – Tout au long de ce débat, nous vous ferons des propositions pour donner de la substance à votre texte. Mais, Monsieur le ministre, qu’avez-vous fait de l’audace du député Chatel ? Quelle suite donnez-vous à la promesse du Président de la République sur l’action de groupe ? Non seulement vous y renoncez, mais Mme Dati vient en plus d’évoquer – sans doute par maladresse ! – la possibilité d’instaurer une franchise sur l’aide juridictionnelle ! On ne s’y prendrait pas autrement si l’on voulait décourager les consommateurs de faire valoir leurs droits !

De ce texte qui prétendait résoudre le problème des marges arrière, l’histoire retiendra qu’il ne vise en fait à qu’à orchestrer une nouvelle marche arrière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Philippe Folliot – Le pouvoir d’achat est une des principales préoccupations des Français, qui souhaitent une meilleure maîtrise des prix, poussés à la hausse par le passage à l’euro et par certaines pratiques commerciales, mais aussi la préservation du commerce de proximité, garant du maintien d’emplois locaux et d’une juste rémunération des producteurs.

Depuis des décennies, nous avons encouragé de facto la concentration au sein de la grande distribution, prétendument dans l’intérêt des consommateurs, mais en vérité au détriment du producteur. Élu de Castres, qui a déjà perdu 6 000 emplois industriels dans le textile, je ne peux accepter que notre tissu industriel continue d’être sacrifié sur l’autel du marché. Rappelons-nous que les intérêts des consommateurs et des producteurs sont liés. Il ne faut pas sacrifier les uns pour les autres, mais tendre à un rééquilibrage.

Or, ce texte y contribuera. Nous approuvons notamment la suppression des marges arrière grâce à l’instauration d’un nouveau mode de calcul du seuil de vente à perte. Les consommateurs pourront ainsi juger de la crédibilité des campagnes publicitaires et les producteurs y verront plus clair. Je déposerai d’ailleurs un sous-amendement tendant à faire apparaître le pourcentage de la négociation commerciale dans les factures. Les consommateurs pourront également mieux orienter leur stratégie commerciale et leur production sur le long terme.

Nous sommes favorable au titre II, facteur d’une meilleure protection des consommateurs, mais nous regrettons le temps perdu. Plusieurs propositions du groupe UDF sont malheureusement restées sans suite au cours de la précédente législature, notamment en matière de télécommunications. Que de retard accumulé depuis notre victoire sur la facturation à la seconde !

Force est de reconnaître que la présence d’oligopoles dans le secteur des NTIC ou de la grande distribution fausse bien souvent la libre concurrence dans notre pays. Représentant près de 70 % des débouchés des exploitants agricoles, la grande distribution a ainsi toute latitude pour fixer elle-même les prix. Dans aucun autre pays le rapport entre producteurs et distributeurs n’est aussi déséquilibré ! Il faudrait également rappeler les pratiques des opérateurs de téléphonie mobile, récemment dénoncées par la DGCCRF…

Face à cela, ne déréglementons pas à tout va, comme le préconise à bien des égards le rapport Attali. Nous avons plutôt besoin d’outils de pilotage et de sanction. À cet égard, je crois au rôle équilibrant des acteurs locaux. Nous devrons préserver un équilibre entre le développement des grandes surfaces et le maintien du commerce de proximité dans l’intérêt des consommateurs, mais par souci de mieux aménager notre territoire.

Je ne pense non plus que l’ouverture généralisée des magasins le dimanche serait un progrès. Il en va de l’équité entre les salariés et entre les modes de distribution. Ne remettons pas en cause l’équilibre actuel, qui assortit le principe de fermeture dominicale de certaines dérogations.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Daniel Fasquelle – Très bien !

M. Philippe Folliot – Je trouve également dommage que la proposition d’instituer des recours collectifs n’ait pas été reprise. Les associations de consommateurs mènent déjà des campagnes de lutte contre les pratiques anti-concurrentielles des oligopoles et contre la mauvaise qualité de certains produits, mais cela ne suffit pas. Donnons à ces associations des moyens juridiques efficaces pour faire valoir les droits des consommateurs !

Enfin, il me semblerait opportun de développer une véritable éducation à la consommation dès le collège – fonctionnement des prix, lecture des étiquettes, des contrats, des clauses générales de vente, mais aussi sensibilisation au développement durable et à la qualité… Tel est l’objet d’un amendement que j’ai déposé.

Même si ce texte n’est pas parfait, il va dans le bon sens et c’est pourquoi nous le voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Daniel Fasquelle – Le texte qui nous est proposé me semble utile, même s’il appelle d’autres réformes. Ce projet de loi permettra tout d’abord de simplifier notre droit grâce à l’instauration d’un contrat unique et d’un nouveau mode de calcul du seuil de revente à perte. Nous redonnerons ainsi du pouvoir d’achat aux Français tout en consolidant le cadre des relations entre fournisseurs et distributeurs.

Je suis également sensible au titre de ce projet de loi : « développement de la concurrence au service des consommateurs ». La France n’apprivoisant que peu à peu l’économie de marché, nous venons de comprendre que la concurrence est un moteur indispensable de la croissance. Il faut le saluer !

Troisième motif de satisfaction, ce texte adapte utilement notre droit à des pratiques abusives nouvelles, qu’il s’agisse de la téléphonie mobile ou des banques.

Comme le reste du groupe UMP, je voterai ce projet de loi, mais en formulant plusieurs vœux. Tout d’abord, nous devrons aller plus loin dans la voie de la simplification : qui ne pousse des cris d’effroi en ouvrant le titre IV du livre IV du code de commerce ? (Sourires) On demande aux PME d’appliquer un fatras si complexe de dispositions que les avocats spécialisés peinent à le maîtriser…

M. Louis Giscard d'Estaing – Très juste !

M. Daniel Fasquelle – Il faudra également veiller à réformer les sanctions, car on confond aujourd’hui avec allégresse sanctions pénales et civiles, ou encore sanction et réparation. Je suis notamment favorable à une plus large dépénalisation et à une plus grande utilisation des sanctions civiles. Nous pourrions supprimer le plafond actuel et revoir le système des dommages et intérêts.

Mon troisième vœu a trait à la stabilité. Nous atteignons en effet un record : après l’ordonnance de 1986, est intervenue en 1996 une première retouche, puis nous avons adopté la loi NRE en 2001, et enfin de nouvelles réformes en 2005 et 2007. Le rythme des modifications s’accélère : on ne cesse de réformer le droit en vigueur. Pensons aux difficultés qui en résultent pour ceux qui doivent appliquer ces textes successifs !

Je voterai donc ce projet de loi dans l’espoir qu’il s’agit d’un premier pas vers une réforme de fond, qu’il faudra mener ensemble. Permettez-moi enfin de remercier le rapporteur pour son excellent travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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