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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 21 novembre 2007

2ème séance
Séance de 21 heures 30
60ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

CONCURRENCE AU SERVICE DES CONSOMMATEURS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

M. Arnaud Montebourg – Ce texte ne se comprendrait pas sans revenir un instant sur son contexte. En août, vous dépensiez quinze milliards en mesures fiscales dont l’inefficacité n’a pas échappé au Premier ministre lui-même, qui reconnaissait hier devant nous qu’il subsistait en France un problème de pouvoir d’achat. En septembre, il allait jusqu’à parler de « faillite », et en octobre, vous présentiez vos premières factures aux classes moyennes et populaires. Or, voici qu’en novembre, confrontés à la hausse des prix de l’alimentation, du logement et de l’énergie, vous vous heurtez au pouvoir d’achat devenu problème politique. Soit : vous convoquez l'Assemblée nationale et, à court d’autres idées, lui proposez de sauver votre politique anti-redistributive en vous appuyant sur les supermarchés. M. Attali est appelé à la rescousse pour présenter la grande distribution comme une force salvatrice. Qu’elle se multiplie, qu’on la dérégule, nous dit-on. Il ne s’agit pourtant pas d’une organisation philanthropique ! Non seulement elle fait des profits, mais elle abuse de sa puissance sur un marché oligopolistique pour imposer sa loi aux fournisseurs, aux salariés et aux consommateurs.

Au lieu de garantir les droits de l’ensemble des acteurs concernés via les actions de groupe, la protection des salariés ou encore la préservation des conditions générales de vente – sujet qui a d’ailleurs failli provoquer la démission du rapporteur, M. Raison, que nous saluons pour son courage politique et que nous félicitons pour son succès en la matière (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) –, vous préférez consolider votre alliance avec la grande distribution, béquille de votre action. Les lobbies sont à l’œuvre ! M. Sarkozy, alors ministre de l’économie, avait déjà tenté une opération de cette sorte, en vain heureusement, mais l’amitié était déjà indéfectible entre ces puissances économiques et le pouvoir politique.

M. Yves Albarello – Et Alsthom ?

M. Arnaud Montebourg – S’agissant du remplacement des marges arrière par le triple net, l’opacité est telle que nos collègues Fasquelle et Giscard d’Estaing eux-mêmes ont dû la reconnaître. À moins d’utiliser dictionnaires, avocats et experts-comptables, c’est même une mesure incompréhensible ! Quant à la négociabilité des conditions générales de vente, vous avez dû revenir sur l’accord conclu avec les distributeurs en dépit de l’avis de votre propre majorité.

Faute de régler le problème, nous présenterez-vous une loi tous les six mois ? Tenterez-vous à chaque fois de permettre à la grande distribution, en échange du renoncement aux marges arrière, de négocier les conditions de vente ? « Enfin ! » s’écrieraient vos amis distributeurs.

M. François Brottes – Ils le font déjà !

M. Arnaud Montebourg – Hélas, ce serait activer la machine à délocaliser nos PME agro-alimentaires !

M. Jean Gaubert – Très bien !

M. Arnaud Montebourg – Autre chose : onze milliards de délais de paiement de la grande distribution affectent chaque année les comptes des PME ! Cet argent indûment détenu illustre l’abus de position des distributeurs face aux producteurs que nous défendons et qui, in fine, feront les frais de votre politique.

Enfin, s’agissant de l’action de groupe, Monsieur Chatel, nous attendons de vous que, désormais ministre, vous soyez aussi flamboyant que vous l’étiez hier, encore parlementaire. Le présent texte ne dit mot de cette mesure, au point que l’Union générale des consommateurs s’en étonne. Faites en sorte que les arbitrages gouvernementaux protègent davantage les consommateurs !

Avec un certain nombre de membres de la majorité, les députés socialistes, par leurs amendements, vous proposeront donc de préserver notre tissu industriel et refuseront toute mesure permettant à la grande distribution d’utiliser sa puissance pour profiter des petites entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Gérard Gaudron – Exacerbée par le cours en hausse des matières premières, la question du pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français, dont 43 % ont du mal à boucler leurs fins de mois. Thème central de la campagne présidentielle, il a déjà fait l’objet de mesures concrètes et efficaces, en matière d’heures supplémentaires par exemple.

Aujourd’hui, vous nous proposez d’agir sur les prix et de développer la concurrence au service de tous les consommateurs, afin de renforcer leur pouvoir d’achat. Information relative à la facturation des services bancaires, gratuité des temps d’attente téléphonique, assouplissement de la durée minimale d’engagement pour un contrat de téléphonie mobile : autant de mesures qui permettront de relancer la consommation. Quant aux mesures relatives aux marges arrière, elles permettront de diminuer les prix à la vente, même s’il faudra prendre garde à ce qu’elles n’affectent pas les petits producteurs, de même qu’il faudra réserver aux petits commerces de centre-ville un traitement spécifique.

La commission pour la libération de la croissance française a récemment remis ses premières propositions visant à réformer la distribution afin de relancer l’emploi et la croissance dans ce secteur. Pour développer la concurrence, elle préconise une révision des lois Royer et Raffarin pour ne soumettre l’ouverture de nouveaux magasins qu’à une seule autorisation, accordée en même temps que le permis de construire. Ceci affaiblirait le rôle des élus locaux, les mieux à même pourtant de connaître les besoins de leur collectivité.

La création prévue du centre commercial « Aéroville », par exemple, avec cent mille mètres carrés de surface, inquiète les commerces existant sur la plateforme aéroportuaire de Roissy, dont le nombre et déjà suffisant, et suscite l’opposition de plusieurs collectivités locales. En effet, il vaudrait mieux consolider les équipements existants, en synergie avec les centres urbains voisins. N’oubliez pas, Monsieur le ministre, ce volet relatif à l’urbanisme commercial, dont vous nous avez promis qu’il serait traité dans le prochain projet de loi de modernisation de l’économie ! La législation actuelle, en effet, est parfois déficiente.

Quoi qu’il en soit, ce projet de loi mérite notre soutien. À l’image du Président de la République, soyons les députés du pouvoir d’achat ! (Applaudissement sur les bancs du groupe UMP).

Mme Annick Le Loch – Ce texte contient des avancées indéniables en ce qui concerne les communications électroniques et les relations avec les banques, au bénéfice des consommateurs et d’une certaine clarification des relations commerciales.

Il propose également de faire évoluer les relations entre distributeurs et fournisseurs. C’est sur ce point que j’interviendrai. Actuellement, notre système est complètement déséquilibré au profit de la grande distribution. Je m’en inquiète, étant donné les conséquences pour les consommateurs et pour les fournisseurs, ces PME qui constituent l’essentiel de notre tissu économique.

Certes, les relations commerciales sont opaques. Il est urgent de les clarifier. Mais il faut le faire en gardant à l’esprit deux grandes préoccupations, l’aménagement du territoire et la consolidation des PME.

L’aménagement du territoire influe, grâce au commerce de proximité, sur notre style de vie. Ce qui se joue ici c’est le déséquilibre entre petite et grande distribution, commerces de proximité et grandes et moyennes surfaces, centres-villes et périphéries. Or la France a déjà la plus forte densité de grandes surfaces en Europe, et la population, vieillissante, demande des commerces de proximité. A ce propos, je viens d’apprendre que la commission nationale d’équipement commercial vient d’autoriser, au mépris de l’avis unanime de la CDEC, l’ouverture d’une surface de vente de matériel médical et paramédical de 400 m² dans le Finistère. C’est une première en France. Je rappelle également que l’artisanat et le commerce alimentaire de proximité représentent 25 % de ce marché et près de 430 000 emplois. Il faut prendre en considération la vitalité de nos bourgs, l’animation locale, mais aussi la qualité des produits et la transmission des savoir-faire.

En second lieu, je m’inquiète de la fragilisation des PME si nous libéralisons trop les pratiques commerciales. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de diminuer les prix de vente, la grande distribution leur impose des conditions qui les étouffent. Je pense à une entreprise de ma circonscription, spécialisée dans la conserve de thon, qui a déjà du mal à faire face à la hausse de 45 % des matières premières depuis 2006. Qu’arrivera-t-il à des entreprises de ce genre, et elles sont des milliers, si nous démantelons complètement les mécanismes de régulation actuels ? Comment répercuter la hausse des coûts de production alors que la concurrence entre enseignes de distribution s’accentue, et qu’on avance l’argument de la baisse des prix à la consommation ? Le texte ne règle rien dans ce domaine et ne satisfait personne, alors qu’il y a tant à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jacques Lamblin – Depuis 30 ans, on n’a cessé de voter des lois pour rééquilibrer les relations entre les acteurs de la filière commerciale. A côté des effets attendus, chacune a eu des effets pervers. Le projet que nous examinons a pour objectif de corriger certains effets indésirables de la loi Galland. Je concentrerai mon propos sur la situation des petits fournisseurs et petits distributeurs face aux centrales d’achat de la grande distribution avant d’examiner ce que ce projet peut leur apporter, ainsi qu’aux consommateurs.

En définissant un seuil de revente à perte calculé sans prendre en compte les marges arrière, la loi Galland a entraîné une quasi-uniformité des seuils de revente à perte pour tous les distributeurs. Ainsi, même s'ils étaient attaqués sur les prix et obligés de revendre au prix coûtant pour s'aligner, les plus petits conservaient quand même leurs marges arrière, donc de quoi vivre. C'était l'effet attendu par le législateur.

Mais il est apparu, parallèlement, un effet pervers : les distributeurs ont demandé des remises aux fournisseurs ; ceux-ci en ont accordé toujours plus en augmentant en même temps leurs tarifs. Attirés par les remises et sans s’inquiéter de l'augmentation du prix d'achat, les distributeurs se sont engouffrés dans la brèche. Ce mécanisme a nourri l'inflation.

Pour autant, faut-il imputer l'importance prise par les marges arrière à la seule loi Galland ? Ne vient-elle pas aussi du rapport de force inégal entre les centrales d'achat et les fournisseurs contraints d'accepter les conditions proposées par la grande distribution sous peine d'être déréférencés ? J'en veux pour preuve la disproportion manifeste entre l'impressionnant cahier des charges imposé par un grand nom de la distribution à ses fournisseurs – 11 pages de conditions générales d'achat assorties de 17 motifs de pénalités – contre une modeste page de conditions générales de vente requises par son fournisseur.

M. Arnaud Montebourg – Très juste !

M. Jacques Lamblin – Dans ce contexte actuel, que peuvent attendre consommateurs, distributeurs et fournisseurs de votre projet ?

M. François Brottes – C’est bien toute la question.

M. Jacques Lamblin – La baisse des seuils de revente à perte entraînera une bataille sur les prix entre grandes surfaces. Les consommateurs en bénéficieront à coup sûr, et c’est tant mieux. D’autre part, les seuils de revente à perte vont varier beaucoup désormais. Les plus puissants, bénéficiant de grosses remises, pourront descendre leurs prix à un niveau que les plus faibles n'auront même pas le droit d'atteindre, puisque ce prix sera inférieur à leur propre seuil de revente à perte. La grande distribution disposera là d'une arme redoutable. Elle s'en servira, cela ne fait aucun doute. Pour les produits de grande consommation, l'affaire est entendue depuis longtemps. L’enjeu sera désormais tout le reste : l'électroménager, la parfumerie, l'hygiène, l'optique, les voyages, l'assurance, la bijouterie... Beaucoup de commerces de centres villes, incapables de lutter, vont disparaître. Une nouvelle concentration de la distribution est inscrite dans le texte.

De ce fait, la pression des grandes centrales d’achat sur les fournisseurs ne pourra que s’amplifier. De plus, si les marges arrière sont distribuées aux consommateurs au lieu de constituer le profit de l'entreprise, les centrales vont tout naturellement essayer de reconstituer ce profit en sollicitant toujours plus leurs fournisseurs. Finalement, ces derniers risquent de financer largement la baisse des prix à la consommation. Face à cette pression, les petits fournisseurs trop faibles pour se défendre seuls devront soit se regrouper, soit se vendre à de grands groupes. On peut donc prévoir aussi une concentration de l’appareil de production.

Ce projet, qui était attendu, provoquera bien une baisse des prix. Mais en raison de ses autres conséquences, un texte complémentaire s’impose pour maîtriser la trop grande puissance des centrales d’achat. L'aménagement du territoire et l'organisation commerciale de notre société ne sauraient dépendre exclusivement d'une concurrence entre des acteurs dont certains jouissent déjà d'une position exagérément dominante (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Déaut – Si nous sommes une nouvelle fois obligés de remettre l'ouvrage sur le métier, c'est que nous ne sommes pas parvenus à établir des relations commerciales équilibrées entre producteurs, distributeurs et consommateurs, et malheureusement les législations successives n'ont pas fait cesser les pratiques abusives. Jacques Attali vient de le confirmer, et Michel-Édouard Leclerc a même déclaré, il y a quelques années, qu'il « s'asseyait sur la loi ». Bref, nous accumulons les lois sans les faire respecter. J’en prendrai trois exemples.

Il s’agit d’abord des forfaits de 24 mois imposés par les opérateurs téléphoniques. J’avais souhaité qu’on les supprime. Selon le mot du président de l'UFC-Que Choisir, « les opérateurs ont-ils si peu confiance dans la qualité de leur service, pour craindre autant de perdre leurs clients ? ». Vous l'avez dit, la fidélité n'est pas la captivité. Mais on comprend mieux les réticences des opérateurs à laisser à eux-mêmes ces 35 millions de consommateurs qui possèdent un téléphone mobile : en 2006, Orange, SFR et Bouygues Télécom ont engrangé 8,5 milliards de profits.

S’agissant ensuite des rapports entre producteurs et consommateurs, la grande distribution a, depuis trente ans, opéré un mouvement de concentration en cinq centrales d'achat qui contrôlent, sans partage, les rapports commerciaux entre 75 000 entreprises, 300 000 agriculteurs d'un côté et 60 millions de consommateurs de l'autre. Cela explique les craintes des agriculteurs et des dirigeants de PME et PMI.

Malgré les lois successives, des pratiques inadmissibles, à la limite du racket, se sont installées. À coups de pages de publicité adressées au Président de la République, on veut faire croire qu'une bataille sans merci oppose la grande distribution aux multinationales de l'agroalimentaire. Ce qu'on dit moins, c'est que ce duel de géants se fait au détriment des PME et du consommateur et menace la diversité des marques et des produits. Il y a trente ans, on comptait cent cinquante producteurs de pâtes en France ; il n'en reste qu'une dizaine.

Le consommateur est devenu totalement captif de la publicité des très grandes marques, captif des méthodes utilisées par la grande distribution. Les grandes enseignes prétendent choisir des produits de qualité au prix le plus bas, ce qui est inexact du fait des marges arrières prélevées par le distributeur. Malgré les lois Dutreil, ces marges ont augmenté depuis deux ans. Le prix payé par le consommateur est plus élevé qu'il ne devrait l'être.

S'il n'y a pas eu d'inflation sur les produits de consommation des ménages, c’est que les gains de productivité des entreprises ont été repris par les marges arrière, ce qui a permis d'ailleurs, à des empires financiers de se constituer dans la distribution. Les marges bénéficiaires des petits producteurs ont fondu et tous ceux qui n'ont pas accepté les conditions léonines qui leur ont été proposées ont été déréférencés. Le développement des marques de distributeur obéit malheureusement à cette loi du plus fort : la distribution impose ses prix ; et le consommateur est perdant, car s'il profite de prix bas sur des produits d'appel, il paie le prix fort sur d'autres. Quant aux délais de paiement, ils fournissent une trésorerie à bon compte.

S’agissant enfin des ventes liées, la loi de 2005 était très nette, mais elle n'est malheureusement pas appliquée. Dans le domaine de la communication électronique, les abus de position dominante sont manifestes : quand un consommateur achète un ordinateur, on lui propose en même temps le logiciel ; or le premier est un matériel, le deuxième est un service : ils n'ont aucune raison d'être obligatoirement vendus ensemble. Quelles mesures comptez-vous prendre, Monsieur le Ministre, contre cette violation du droit des consommateurs, liée au quasi-monopole de Microsoft – qui détient 95 % des parts du marché grand public ?

Votre projet ne me semble pas à la mesure des problèmes, et vous n'êtes pas certain vous-même que cette nouvelle loi ne sera pas détournée.

En 2000, comme rapporteur de la mission d’information présidée par Jean-Paul Charié sur l'évolution de la distribution, j’avais écrit qu'il fallait impérativement faire appliquer la loi, supprimer la fausse coopération commerciale, assurer la stabilité des engagements contractuels, redéfinir les abus de dépendance économique ; je souhaitais également la mise en place d'une commission d'arbitrage des pratiques abusives. Tous ces sujets restent malheureusement d'actualité.

Il faudrait installer rapidement une autorité indépendante – comme en matière d’audiovisuel, de nucléaire ou d’opérations de bourse –, ayant pouvoir de se saisir de toute question de concurrence, d'imposer des pratiques uniformes pour les prix et les conditions de vente, de vérifier la réalité de la coopération commerciale, de qualifier les clauses abusives et les abus de dépendance économique, ainsi que de faire cesser les pratiques litigieuses et d'attribuer des réparations aux parties lésées. Je proposerai un amendement en ce sens.

Tout en partageant certaines de vos préoccupations, Monsieur le ministre, je pense donc qu'il convient de modifier profondément le droit de la concurrence afin d’assurer un meilleur équilibre entre production et distribution. Ce texte n'a malheureusement pas cette ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Jacques Grosperrin – Au cours de ces dernières années, l'image des banques dans l'opinion s'est dégradée, principalement en raison de l'augmentation des frais bancaires.

Pendant longtemps, ils ont été quasi inexistants, au point que les prestations bancaires étaient considérées comme un service rendu au public ; les marges d'intérêt des banques – correspondant à la différence entre les taux d'intérêt sur les prêts accordés aux clients et les taux d'intérêt sur les dépôts – étaient assez importantes pour que la facturation des services ne soit pas nécessaire. Mais la concurrence entre établissements de crédit ayant entraîné une baisse des taux appliqués aux prêts – au bénéfice des clients –, le secteur bancaire a cherché de nouvelles ressources, et a donc fait payer des frais.

Aujourd'hui cependant, bien que les taux d'intérêt – et donc les marges –recommencent à augmenter, les établissements bancaires n'envisagent pas pour autant de diminuer les frais bancaires.

Je prendrai l'exemple des dates de valeur – c’est-à-dire les dates à partir desquelles les opérations effectuées sont prises en compte. Les banques les justifient par les délais de traitement des opérations, mais ce sont en fait des commissions déguisées car ces délais, à l’heure de l’informatique, sont très brefs.

Ce projet vient compléter les garde-fous qui existent déjà dans la relation banque-client. D’une part, il étend la procédure de médiation bancaire ; d’autre part, il impose aux banques de fournir à leurs clients une fois par an un récapitulatif des frais qui leur ont été facturés.

La loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier prévoyait la remise par les banques à tout titulaire d'un compte de dépôt d’une convention de compte, fixant les conditions de fonctionnement de celui-ci, et notamment les prix des produits et services bancaires. Cette mesure devait entrer en vigueur un an après la publication de la loi MURCEF pour les nouveaux clients, et le 1er janvier 2003 pour les clients ayant déjà un compte ; mais elle a été suspendue pour dix-huit mois, le délai imparti étant trop court pour le travail demandé. Une charte de bonne conduite a été établie le 9 janvier 2003 : les banques s'engageaient à respecter les principes de contractualisation et de transparence tarifaire. Le 30 octobre 2004, à la veille de l'ouverture des négociations, 17 millions de conventions de compte étaient signées.

M. Sarkozy, alors ministre de l'économie, a rencontré les banques et les associations de consommateurs pour élaborer le plan d'actions du 9 novembre 2004 intitulé « La banque plus facile pour tous », qui a amélioré la transparence et l'information tarifaire, mais également favorisé la mobilité des clients.

Mais au-delà de la transparence, ne doit-on pas chercher à encadrer les frais bancaires ? À un moment où le pouvoir d’achat est une préoccupation majeure des Français, nous pouvons à travers ce projet répondre à leurs attentes légitimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Delphine Batho – Les temps sont durs pour les familles, les salariés, les petits retraités ; et la vie chère, c'est aussi l'argent cher. Les découverts, les petits incidents de paiement sont le lot quotidien de tous ceux qui le 15 du mois, n’ont déjà plus rien. L'insécurité sociale, c'est aussi cela : vivre à crédit en permanence, être en déficit perpétuel, n'avoir aucune sécurité financière en cas d'imprévu ou de difficulté.

« C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches » écrivait Victor Hugo. Ce constat vaut pour les pratiques abusives des banques, qui s'enrichissent sur le dos de nos concitoyens les plus modestes.

Le récapitulatif annuel des frais bancaires proposé à l’article 9, que les associations de consommateurs demandaient depuis des années, est une avancée, même si elle est modeste ; comme l'a dit un responsable d'association, « c'est mieux que rien ».

Beaucoup de vos prédécesseurs, Monsieur le ministre, avaient renoncé à légiférer. M. Francis Mer avait mis fin à des discussions avec les établissements bancaires en 2002, et s’était refusé à signer différents textes réglementaires ; M.Sarkozy, ministre des finances en 2004, avait promis « des avancées considérables » et quinze mesures concrètes dont la plupart ne sont jamais entrées en vigueur ; M. Breton a brandi la menace d'une réglementation stricte, pour aussitôt reculer. Finalement, c’est le Parlement qui, en février dernier, a adopté un amendement pour plafonner les frais bancaires.

Mais la transparence que vous proposez n’est pas totale puisque les agios n’entreront pas dans le récapitulatif annuel ; nous ferons sur ce point des propositions qui convergent avec celles des rapporteurs.

Par ailleurs, au-delà de la transparence, le problème est celui du niveau des frais bancaires et des pratiques abusives, comme cette triple peine pour un petit incident de paiement, où s'ajoutent le coût de l'incident lui-même, une commission pour dépassement du découvert autorisé, et le coût de la lettre de demande de régularisation – facturée par certaines banques 20,60 euros.

Ces tarifs ne responsabilisent nullement les consommateurs, ils les précipitent dans l'endettement et le surendettement – car le banquier, en général, ne tarde pas à leur recommander un crédit à la consommation pour s’en sortir…

Mme Lagarde nous a vanté à plusieurs reprises la solidité du système bancaire français. Les banques sont en effet en bonne santé, puisqu’elles ont encaissé plus de 28 milliards d'euros de bénéfice net en 2006, soit 25 % de plus qu'en 2005. Or l'histoire a montré qu’elles ne sont pas philanthropes ; c’est donc à la loi de leur imposer des concessions. Nous vous proposerons donc des amendements, Monsieur le ministre, et nous jugerons la sincérité de vos engagements à l’accueil que vous leur réserverez.

En conclusion, je voudrais faire deux remarques. Tout d’abord, je doute d’une détermination à défendre les droits des consommateurs dont M. Chatel a fait la preuve par le passé, mais dont le Gouvernement ne peut guère se targuer alors même que Mme la garde des sceaux supprime par centaines, sur l’ensemble du territoire, les tribunaux d’instance, c’est-à-dire les juridictions même vers lesquelles se tournent les consommateurs en cas de litige avec un opérateur ou une entreprise ! L’UFC-Que Choisir s’est du reste plainte de ne pas avoir été consultée lors de la préparation de cette réforme.

D’autre part, comme mes collègues du groupe SRC l’ont rappelé en répondant à Mme Lagarde, ce texte ne règle pas les problèmes que posent le pouvoir d’achat et la stagnation des revenus ; à preuve les consultations tous azimuts auxquelles se livre, à en croire un journal du soir, un Président de la République en quête de nouvelles mesures propres à apaiser l’impatience légitime des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Patrick Roy – Plus de grandes surfaces, moins de tribunaux, c’est la politique du Gouvernement !

M. Gérard Voisin – Ce texte le confirme : le Gouvernement a constamment à l’esprit les difficultés quotidiennes des Français.

M. Patrick Roy – Cela ne se voit guère !

M. Gérard Voisin – Si complexe soit-elle – comme en témoigne la multiplication d’indicateurs de mesure –, la question fondamentale du pouvoir d’achat justifie des mesures rapides qui bénéficieront certainement aux dépenses de consommation des ménages. Cette réforme, annoncée par le Président de la République durant l’été, en fait partie. Il s’agit de clarifier les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs, notamment par la modification du mode de calcul du seuil de revente à perte ; ainsi mettrait-on fin aux effets inflationnistes du développement des marges arrière, lesquels résultaient de l’exclusion du consommateur de la négociation commerciale entre le fournisseur et le distributeur.

Le bilan d’application prévu par la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, qui a permis aux distributeurs de réintégrer une partie des marges arrières obtenues du fournisseur dans le calcul du seuil de revente à perte, donc de baisser leurs prix, est indéniablement positif. En effet, le prix des produits de grande consommation a baissé de 3,2 %, ce qui restitue au pouvoir d’achat des consommateurs 2,5 milliards par an ; les responsables de grandes surfaces que j'ai rencontrés me l’ont confirmé. Les petits fournisseurs n’ont pas pour autant été pénalisés : la part des produits des PME dans le chiffre d'affaires des grandes et moyennes surfaces est passé de 56,2 à 57,3 % depuis l'entrée en vigueur de la loi. Il n'y avait donc aucune raison de reporter l’adoption de nouvelles mesures, qui devraient permettre aux distributeurs, s'ils veulent bien jouer le jeu, de réintégrer dans le prix de revente au consommateur, dès le 1er janvier 2008, l’ensemble de leurs marges arrière. Cette réforme nous oblige toutefois à surveiller de près l'évolution des prix au cours des mois à venir.

Devant la perspective d'un passage au « triple net », la grande distribution revendique désormais la négociabilité totale des tarifs et des conditions générales de vente des fournisseurs, éventualité à laquelle le Gouvernement semble ouvert. Ce serait là une véritable révolution, dont les effets économiques devront être précisément mesurés ; la mission confiée à Mme Marie-Dominique Hagelsteen, dont nous étudierons attentivement les conclusions, y veillera. Il est en effet important de ne pas déséquilibrer la relation entre fournisseurs et distributeurs, même si, comme on le constate sur le terrain, les deux parties peuvent aussi être des partenaires, certaines grandes surfaces se montrant à juste titre très attachées à la qualité du travail fourni par les PME locales.

D’autre part, nous nous réjouissons du large accord dont fait l’objet, malgré les préconisations de la commission Attali, le maintien du seuil de revente à perte, dont la suppression déstructurerait l'ensemble des secteurs du commerce et de la distribution.

Sur l’ensemble de ces questions, il nous faut prendre date sans attendre pour étudier les mesures de dynamisation de notre économie que proposera cette commission. Ainsi, dans le domaine de la consommation, il s'agira non seulement d’encadrer de manière plus opportune une concurrence dont les effets sur les prix doivent bénéficier au consommateur, mais aussi, au-delà de la baisse des prix, de stimuler la contribution du secteur à la croissance par une dynamisation plus générale du commerce. C’est à cette seule condition que le pouvoir d’achat des Français sera renforcé. Ainsi, selon de récentes études, la proximité et la facilité d'accès d’un magasin en seraient désormais le premier critère de fréquentation, avant même les prix pratiqués. L'augmentation prévisible des coûts de transport accentuera certainement cette tendance.

Dans ce contexte, il est particulièrement inquiétant que la commission Attali envisage la suppression des Commissions départementales d’équipement commercial – CDEC –, qui permettent aux acteurs locaux de maîtriser l'urbanisme commercial et de préserver un commerce de proximité, à échelle humaine.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Nous sommes d’accord !

M. Gérard Voisin – Souvent tout à fait compétitifs et propres à satisfaire le consommateur, ces commerces pourront, tout autant que la grande distribution, contribuer à la dynamisation de l’économie que le Gouvernement appelle de ses vœux. N’oublions pas que l'artisanat et le commerce alimentaires, dont le chiffre d’affaires s’élevait à 45 milliards en 2004, emploient 428 000 personnes, soit, à chiffre d'affaires équivalent, trois fois plus que la grande distribution.

Sans anticiper les discussions futures, notamment sur la cohérence entre les CDEC et la Commission nationale d’équipement commercial – CNEC –, prenons garde de ne pas renoncer à toute régulation de l’urbanisme commercial, ce qui réduirait à néant les efforts des maires en faveur de l'accessibilité, de l’embellissement des centres ville et du maintien d’un tissu commercial essentiel à la vitalité de leurs communes. À cette fin, sans doute faudra-t-il bien plutôt renforcer et compléter les outils dont nous disposons déjà (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – J’aimerais répondre d’abord à M. Cochet, même s’il n’est plus là. Malgré les doutes qu’il a exprimés, de même que Mme Batho, le Gouvernement s’honore de défendre les droits des consommateurs…

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien.

M. Patrick Roy – Cela ne se voit guère !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …d’abord parce que la consommation constitue le moteur de notre croissance – 56 % du PIB proviennent de la consommation des ménages…

M. Patrick Roy – C’est pour cela que vous bloquez les salaires ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – …mais aussi parce que, trop souvent, au quotidien, les consommateurs se sentent isolés et désemparés, les plus démunis d’entre eux faisant ainsi les frais de pratiques abusives contre lesquelles le législateur doit lutter.

Quant à ceux d’entre vous qui, notamment à gauche, ont parlé d’une réforme « cosmétique », je doute que les citoyens victimes de ces pratiques…

Mme Sandrine Mazetier – Du surendettement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …notamment des abus de position dominante, soient du même avis !

M. Cochet, mais aussi M. Brottes, ont à nouveau invoqué « 15 milliards de mesures fiscales »… (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Mais vous tournez en rond ! Et vous ne convainquez personne, surtout après la démonstration de Mme Lagarde : c’est aux salariés dont la situation est la plus difficile – les ouvriers et les jeunes, en particulier – que les exonérations de charges sur les heures supplémentaires bénéficient d’abord.

Mme Delphine Batho – Prouvez-le ! Des chiffres !

M. Patrick Roy – Sur le bouclier fiscal, vous ne nous ferez pas taire !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Sur la téléphonie, M. Cochet a également mentionné l’amendement de la commission relatif aux durées minimales d’engagement, qui résulte d’un compromis : selon l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les durées minimales actuellement en vigueur – 24 mois pour 75 % des abonnés bénéficiant d’un forfait – entravent la concurrence, réduite à n’exister qu’une fois tous les deux ans ; mais une interdiction de pratiquer des délais supérieurs à 12 mois, que j’avais envisagée l’an dernier, risquerait d’entraîner une augmentation du montant moyen des forfaits, un abonnement de 24 mois étant plus avantageux pour le consommateur qu’un abonnement d’un an.

Mme Sandrine Mazetier – Alors à quoi bon légiférer ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Afin de bénéficier des avantages de l’interdiction sans en subir les inconvénients, nous avons donc opté pour un amendement permettant au consommateur, à partir du treizième mois d’abonnement, de se tourner plus facilement vers un opérateur concurrent s’il le souhaite. Il y a fort à parier que les concurrents offriront de racheter la clause de dédit.

Monsieur Dionis du Séjour, je tiens à vous remercier de votre constance. Je vous connais bien, car nous avons travaillé ensemble dans le cadre d’une mission d’information. Vous avez toujours été favorable au « triple net » et, en même temps, vous appelez de vos vœux la négociabilité des tarifs pour remettre à plat les relations entre industrie et commerce ; ce pas supplémentaire nécessitant au préalable une étude d’impact, nous avons demandé à Mme Marie-Dominique Hagelsteen de nous remettre un rapport. Je vous remercie d’avoir souligné que ce projet de loi permettait d’éviter un certain nombre de dommages collatéraux.

Monsieur Charié, vous avez rappelé la nécessité d’appliquer la législation. Les gouvernements successifs ont donné instruction à la DGCCRF de multiplier les contrôles au niveau des relations entre fournisseurs et distributeurs, et ceux-ci ont commencé à porter leurs fruits : sur la période 2004-2006, 73 décisions judiciaires ont été rendues sur la base de l’article L. 442-6 du code de commerce. Depuis la loi de 2005, qui a renforcé les pouvoirs de contrôle de la DGCCRF, plus d’une centaine de dossiers ont été ouverts et sont en cours d’instruction. Ces éléments vont dans le sens que vous souhaitez. Vous avez à juste titre rappelé que d’autres secteurs connaissent des pratiques différentes : ce n’est que dans l’agro-alimentaire que l’on constate des dérives.

Comme vous l’avez rappelé, le rapport de forces entre distributeurs et fournisseurs fait que les sanctions pécuniaires prononcées par le juge ne sont pas toujours réclamées. Le Gouvernement peut se substituer au fournisseur pour engager une action. Je ne vous cache pas que nous aurions souhaité aller plus loin, mais nous nous heurtons aujourd’hui à des dispositions constitutionnelles qui nous en empêchent. Nous avons demandé à Mme Hagelsteen de travailler sur cette question également.

M. Jean-Paul Charié – Merci.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je tiens, enfin, à nuancer vos propos sur les grandes surfaces. Ces dix dernières années, les grandes surfaces spécialisées ont fait baisser les prix dans des secteurs comme le meuble, le sport, le bricolage, les vêtements. La loi de 2005 a joué en la matière un rôle non négligeable, de sorte que les prix de la grande distribution se trouvent aujourd’hui dans la moyenne européenne. À l’attention de M. Brottes, qui n’a pas apparemment pas lu le rapport annexé au projet, je rappelle qu’un panel LSA-Nielsen fait état d’une baisse de 3,4 % des prix des produits de marque dans la grande distribution depuis la loi Dutreil.

Monsieur Brottes, je vous encourage à davantage écouter le premier secrétaire de votre parti. Je sais que vous n’y êtes pas habitué, car il est rare qu’on entende M. Hollande faire des propositions (Rires sur les bancs du groupe UMP). Hier, il a demandé au Premier ministre « la répercussion sur les consommateurs des avantages obtenus sur les producteurs » ; il faut que vous votiez ce projet, car c’est justement ce que nous faisons !

Vous avez, dans un inventaire à la Prévert, évoqué des chiffres sans queue ni tête, sans vouloir voir la réalité en face : cette année, l’INSEE fait état d’un gain de pouvoir d’achat de 2,8 % en moyenne (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

Mme Delphine Batho – Ces chiffres sont faux ; même Mme Lagarde le dit !

M. François Brottes – Je discute avec des consommateurs, pas avec des statistiques !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je vous rappelle également que le Gouvernement a gelé, cette année, l’augmentation des tarifs du gaz.

M. Arnaud Montebourg – Pas la redevance !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Il a en outre demandé à EDF une augmentation de ses tarifs inférieure à l’inflation et a empêché les sociétés d’autoroute d’augmenter leurs tarifs comme elles le souhaitaient. Enfin, la non-surtaxation des appels aux services d’assistance technique va rendre 200 millions d’euros de pouvoir d’achat aux consommateurs. Je tenais à rappeler ces faits.

M. Patrick Roy – Et la redevance télé !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État J’approuve M. Folliot, qui a insisté sur la nécessité d’aller au bout de la réforme et sur le fait que tous les acteurs concernés en attendent la mise en œuvre rapide.

Monsieur Fasquelle, je vous remercie d’avoir souligné que cette réforme simplifiait le droit existant et qu’elle mettait fin à une situation transitoire. Comme vous l’avez indiqué, l’étape suivante sera celle de la dépénalisation. Cependant, il ne faudrait pas que la simplification se fasse au détriment de la protection des consommateurs, et nous devons donc rechercher un équilibre ; l’efficacité, ce n’est pas le laisser-aller.

Monsieur Montebourg, je vous ai connu plus à l’aise et moins confus dans vos démonstrations. Je ne doute pas que cela soit dû à votre arrivée tardive à la commission. M. Gaubert saura, j’en suis sûr, vous apprendre les subtilités du calcul du « triple net ».

Le Gouvernement partage vos inquiétudes quant aux abus de position dominante. C’est pourquoi il souhaite, en même temps qu’il travaillera sur la négociabilité, évoquer les questions d’urbanisme commercial, de contrôle des concentrations, d’accompagnement à destination de l’agriculture et des PME, pour nous permettre d’éviter des dérives liées à un rapport de force très à l’avantage des cinq grandes centrales d’achat du pays.

Vous avez été un certain nombre à évoquer l’action de groupe, un sujet qui m’est particulièrement cher. Le secrétaire d’État Chatel ne reniera pas les travaux du député Chatel ! Le Président de la République, dans sa lettre de mission à Mme Lagarde, lui a demandé de formuler des propositions sur le sujet. Je travaille actuellement avec l’ensemble des acteurs – associations de consommateurs et représentants des professionnels - pour que des propositions puissent être formulées…

M. Jacques Desallangre – À la Saint-Glinglin !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …d’ici à la fin de l’année. Ces propositions, qui trouveront leur place dans le projet de loi de modernisation économique, au printemps, nous permettront enfin de concilier protection du consommateur et liberté d’entreprendre.

M. Arnaud Montebourg – Nous présenterons des amendements en ce sens !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Monsieur Gaudron, vous avez évoqué la réforme de l’urbanisme commercial, et j’ai compris que le projet d’Aéroville était pour vous un sujet sensible. Le Gouvernement travaille sur cette réforme. La Commission européenne considère que les chambres de commerce, membres des commissions d’équipement commercial, sont à la fois juge et partie. Nous ne partons pas de zéro, car des parlementaires ont déjà travaillé sur le sujet ; les commissions du Parlement seront associés aux travaux, que pilotera M. Novelli. Les conclusions seront intégrées dans le projet de loi de modernisation économique.

Madame Le Loch, je vous remercie d’avoir souligné les avancées réelles que permet ce projet dans les secteurs des banques et des communications électroniques.

M. Patrick Roy – Timides avancées !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Vous avez évoqué le mépris dont aurait fait preuve la Commission nationale d’équipement commercial envers une décision locale. Or, en vertu de la loi, la Commission nationale peut en effet, statuant en recours, prendre des décisions contraires à celles des commissions départementales. C’est une question que nous devrons également remettre à plat.

M. Lamblin a rappelé que la baisse du seuil de revente à perte aurait un impact sur les prix. Le basculement de la première moitié des marges arrière, dans la loi Dutreil, a déjà permis une baisse des prix de 3,4 % pour les produits de grandes marques. Nous pensons que la mise en place du trois fois net aura un effet bénéfique sur les prix dès le début de 2008. Quant aux pénalités excessives dans les conditions générales d’achat, l’amendement 34 de la commission proposera de les intégrer dans les pratiques interdites.

M. Le Déaut est un grand spécialiste des relations entre l’industrie et le commerce. Il est vrai qu’un duel des géants a eu lieu, au détriment des consommateurs et des petits producteurs. Pendant des années, grands industriels et grands distributeurs ont fait affaire entre eux en oubliant les consommateurs : les uns ont augmenté leurs tarifs, les autres leurs marges arrière et les derniers ont payé la facture. Mais quant aux petits producteurs, l’étude d’impact de la loi Dutreil montre que la part des PME dans les linéaires a augmenté depuis 2005, et que les marques distributeurs se sont stabilisées ; or elles sont essentiellement fournies par des PME dans le secteur agroalimentaire. S’agissant des prix à la consommation qui sont plus élevés qu’ils ne le devraient, c’est précisément la raison pour laquelle nous voulons faire bénéficier le consommateur de la totalité des avantages commerciaux obtenus par les distributeurs. Ceux-ci ne doivent pas vendre à perte, mais exercer leur métier normalement, avec des produits d’appel, ce qui réintroduira dans les bassins de vie une concurrence qui bénéficiera au consommateur. Quant aux ventes liées, les autorités européennes ont pris des décisions récentes. Au niveau national, dans le secteur des marchés informatiques par exemple, qui est en développement constant, la DGCCRF a lancé une série de groupes de travail réunissant consommateurs et professionnels. Beaucoup de fabricants proposent déjà des ordinateurs nus, ou fonctionnant sous le système d’exploitation gratuit Linux. Enfin, sur la réforme éventuelle des autorités de concurrence, la commission Attali y réfléchit.

M. Grosperrin a évoqué le relevé des frais bancaires annuel qui, en améliorant la transparence, permettra au consommateur de discuter avec sa banque et de faire jouer la concurrence. C’est donc une avancée importante. Sur le fond, je lui répondrai plus en détail lors de l’examen de son amendement.

Mme Batho a dénoncé les pratiques abusives des établissements bancaires et a souligné que ces relevés annuels étaient une avancée, mais qu’elle a qualifiée de modeste. Ce n’est pas ce que disent les associations de consommateurs, qui se sont battues pendant des années pour l’obtenir, ni du reste les banques, qui ne sont pas à proprement parler enthousiastes.

Mme Delphine Batho – Elles ne le sont jamais !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Nous avons employé la bonne méthode. Une longue concertation a eu lieu, engagée par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’économie. Il avait obtenu à l’époque la fermeture gratuite des comptes bancaires, mais sur les relevés, nous avions laissé aux professionnels la possibilité d’agir de leur propre initiative. Ils ne l’ont pas fait et le Gouvernement a donc décidé de légiférer. Quant au coût des incidents de paiement, le décret de plafonnement est sorti il y a quelques jours et sera mis en œuvre dans moins de six mois.

Mme Delphine Batho – Ce n’est pas suffisant !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Enfin, s’agissant de la réforme de la carte judiciaire, j’ai fait en sorte que les associations de consommateurs soient prochainement reçues par le cabinet de Rachida Dati.

M. Arnaud Montebourg – Trop tard ! Le Kärcher est déjà passé.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Enfin, M. Voisin, qui est très attentif à l’évolution des prix, a évoqué la prochaine étape : la négociabilité. Il est très important d’en mesurer pleinement l’impact, afin de ne pas déséquilibrer l’ensemble des acteurs. Il a aussi rappelé le consensus qui existe en France sur le maintien de l’interdiction de revente à perte.

Voilà les réponses que je souhaitais apporter à ce stade de la discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. François Brottes – Je voudrais remercier le ministre pour la qualité de son écoute et ses réponses circonstanciées. Même si nous ne sommes pas d’accord sur le fond, cela permet d’augurer un débat de grande qualité (Applaudissements sur tous les bancs).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Corinne Erhel – Le pouvoir d'achat est au cœur des préoccupations de nos concitoyens et de nos débats politiques. Le présent projet de loi contient des dispositions sur l'évolution des relations commerciales, des mesures sectorielles pour le secteur des communications électroniques, telles que la gratuité du temps d'attente, la restitution des avances ou la fixation du préavis de résiliation à dix jours – mais je pense que ce secteur mériterait une approche plus globale, portant sur la qualité des services et la localisation des activités, et donc l'impact sur l'emploi – et d’autres mesures sectorielles relatives au secteur bancaire, telles que l’extension de la médiation ou le récapitulatif annuel des frais bancaires. Ces mesures sectorielles constituent des avancées tangibles qui seront améliorées par les amendements, notamment en ce qui concerne les options renouvelables par tacite reconduction ou la durée des abonnements en téléphonie mobile. Cependant ce texte présente des lacunes importantes sur des sujets de fond. Que devient en effet l'action de groupe, pourtant défendue naguère par vous, Monsieur le ministre, et pourquoi n’y a-t-il rien sur les crédits à la consommation et le surendettement, notamment dans le domaine de la prévention ? Pourquoi la problématique du logement, premier poste de dépense des ménages, est-elle absente ?

Mais c’est sur le sujet des relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs qu’il y a le plus de divergences – entre nous et au sein de la majorité ! Les auditions de la commission, puis l'examen des amendements ont en effet montré que la notion de marge arrière fait débat et que les avis sont très partagés sur les conséquences des articles premier à 5. Ces mesures auraient en tout cas bien besoin d’un travail approfondi et d’une étude d'impact. Le rapporteur M. Raison a d’ailleurs regretté, en commission, le peu de temps dont nous avons disposé pour examiner ce texte. Par ailleurs, nous savons que vous allez nous présenter au printemps, Monsieur le ministre, un autre projet sur la modernisation de l'économie et qu’une mission a été confiée à Mme Hagelsteen sur les modalités de la négociabilité. Pourquoi légiférer en deux temps ? Nous présentez-vous un texte minimaliste, avant une réforme beaucoup plus profonde au printemps ? Comment assurer la cohérence de nos décisions ?

Ce projet de loi, le quatrième depuis 1996, tente d'établir un équilibre entre des intérêts contradictoires sans trancher sur la suppression des fameuses marges arrière. Après la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, il engage une nouvelle étape dans la réforme de la loi Galland.

La loi de 2005 a fait des conditions générales de vente le socle de la négociation commerciale ; elle a donné une définition des prestations de coopération commerciale et elle a permis la réintroduction partielle des marges arrière dans le prix de revente. Quel bilan peut-on tirer des deux années de son application ?

Si les prix des produits de grande consommation ont apparemment baissé de 3,2 %, entre mars 2006 et août 2007, le bilan de l'évolution des relations entre distributeurs et fournisseurs est par contre beaucoup plus nuancé. Il n'y a pas eu de véritables modifications de la nature du rapport de force entre distributeurs et fournisseurs. La transparence n'a guère progressé, puisque la fausse coopération commerciale perdure et que les marges arrière ont continué à progresser.

Ainsi, la loi de 2005 n'a pas eu d'effet sur le volume des marges arrière, puisqu'elles ont progressé et s’établissent dans une fourchette comprise entre 20 % et 60 %, avec une moyenne de 35 %. Le montant des marges arrière est ainsi estimé entre 20 et 30 milliards. Cela justifie qu’on y consacre un peu de temps !

Le présent texte comporte trois mesures phares : la réforme du mode de calcul du seuil de revente à perte – c'est à dire l'option du triple net – avec, désormais, la possibilité de réintégrer dans le prix de revente la totalité des marges arrière ; un encadrement de la coopération commerciale entre distributeurs et fournisseurs via un contrat unique et, enfin, une première étape dans la dépénalisation des relations entre industrie et commerce.

L'objectif affiché est de redonner du pouvoir d'achat au consommateur : il convient donc d'analyser les mesures proposées sous cet angle.

Première remarque, dans le cadre de la loi de 2005, la réintroduction partielle des marges arrière au-dessus de 20 % – puis 15 % – aurait dû provoquer une baisse bien plus sensible des prix à la consommation, si le système avait été vertueux. Le fait de pouvoir réintégrer les marges arrières en totalité constitue t-il par conséquent la bonne méthode ? Cela va t-il permettre de faire vraiment baisser les prix ? À nos yeux, la réponse est non, d'autant que, depuis 2007, de nouvelles tensions sont apparues, du fait de la hausse des matières premières et du coût de l'énergie.

Deuxième réserve, le texte risque de développer encore une fois les marges arrière. Dès lors, pourquoi ne pas les supprimer totalement, comme l’a proposé Jean Gaubert ?

Troisième observation, l’article premier du texte entre en contradiction avec les préconisations de la commission pour la libération de la croissance présidée par Jacques Attali. En effet, celle-ci propose, entre autres mesures très libérales, d'instaurer le principe de liberté tarifaire dans la distribution et le commerce de détail, ce qui reviendrait à lever l'interdiction de revente à perte et à instaurer la liberté des négociations commerciales. Les propositions de cette commission, qui vont dans le sens fixé par le Président de la République, seront-elles reprises dans le futur projet de loi sur la modernisation de l'économie ? Notons que plusieurs articles de presse ont annoncé hier le dépôt d'un amendement du Gouvernement visant à introduire le principe de négociabilité des tarifs,…

M. François Brottes – Merci M. Leclerc !

Mme Corinne Erhel – …ce qui a suscité le courroux de notre rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques – Ai-je l’air courroucé ?

Mme Corinne Erhel – Quelques heures plus tard, une seconde dépêche annonçait finalement que le Gouvernement y renonçait ! Au-delà des hésitations qu’elle révèle, cette volte-face n’est-elle pas révélatrice des pressions qui s’exercent de toute part ? Ce texte n'est-il finalement qu'une étape vers la négociabilité des tarifs qui serait proposée ou imposée en mars prochain, pour céder à la demande pressante de la grande distribution ?

Chacun sait que le Président de la République est favorable à la négociabilité des tarifs et à la suppression des marges arrière. Il suffit de lire le blog d'un grand distributeur très médiatique pour s'en convaincre : la pensée présidentielle y est fidèlement retranscrite.

Quatrième reproche, vous ne faites aucune distinction entre les grands groupes industriels, les PME, les petits fournisseurs ou les agriculteurs indépendants, lesquels sont beaucoup plus fragiles dans la négociation commerciale.

Cinquième question, pourquoi renvoyez vous l'urbanisme commercial au projet de loi sur la modernisation de l'économie, alors que les enjeux sont étroitement liés ?

Sixième constat, aucune mesure n'est prévue pour assurer, en contrepartie, la promotion du commerce et de l'artisanat de proximité, pourtant fondamentaux dans une approche équilibrée du territoire. À l’instar de Delphine Batho, je pourrais faire le lien avec la réforme de la carte judiciaire : ce sont toujours les secteurs ruraux qui sont les plus mal traités.

Septième remarque, ce texte fait l'objet de critiques contradictoires, venant des associations de consommateurs qui réclament plus de transparence, des syndicats agricoles, des PME et de la grande distribution.

M. Jean Dionis du Séjour – C’est bon signe !

Mme Corinne Erhel – J’en doute ! Du côté des PME, les inquiétudes portent d'abord sur la concentration excessive de la grande distribution, avec six centrales d'achat. Ensuite, les PME tiennent particulièrement à l'interdiction de la revente à perte afin d'éviter la pratique des prix d'appel dévastateurs. Les entreprises font souvent part de la pression exercées sur elles pour diminuer leurs prix – et donc leurs coûts de production –, ce qui entraîne des répercussions importantes sur la politique salariale et donc sur le pouvoir d'achat des salariés-consommateurs.

Une entreprise de conserverie bretonne, citée tout à l’heure par Annick Le Loch, nous a fait part de son inquiétude au sujet de la modification du calcul du seuil de revente à perte. Elle nous dit craindre que les distributeurs ne compensent la réintégration des marges arrière en demandant aux PME de payer par anticipation les services de mise en avant des produits, alors qu'aujourd'hui, ces mêmes services sont réglés après les opérations commerciales. Une telle évolution créerait d’évidentes difficultés de trésorerie : quels garde-fous avez-vous prévus ? À terme, les entreprises redoutent aussi la négociabilité des conditions générales de vente.

Les industriels sont a priori plutôt satisfaits de votre réforme : sans doute estiment-ils qu’elle sert leurs intérêts.

Quant à la grande distribution, elle demande haut et fort la suppression des marges arrière et la négociabilité des CGV, afin d'éviter « le gonflement artificiel des tarifs anticipant la négociation des marges arrière ». Pour les grands distributeurs, votre projet va augmenter les marges arrière et la fausse coopération commerciale, laquelle sera artificielle et surcotée.

Face à toutes ces prises de position, parfois contradictoires, on voit bien la nécessité de prendre son temps pour légiférer sur ces questions, car, dès que l'on déplace le curseur, les conséquences peuvent être lourdes pour chacune des parties. N'oublions pas que tous les acteurs intéressés sont employeurs et créateurs d'emplois potentiels.

Il faut que le travail de chacun soit justement rémunéré et que le consommateur puisse acheter au juste prix. Votre réforme, Monsieur le ministre, risque quant à elle de renforcer l'inflation tarifaire.

Compte tenu de toutes ces interrogations, de l’intervention de M. Charié, porte-parole de l’UMP demandant une remise à plat de l’ensemble du système, de la mission confiée à Mme Hagelsteen sur la négociabilité, des travaux en cours de la commission pour la libération de la croissance et du fait que vous allez légiférer à nouveau au printemps prochain, le groupe SRC demande le renvoi en commission de ce texte, pour un examen approfondi des enjeux en présence et, surtout, pour aboutir à plus de cohérence et de transparence. Nous sommes face à un enjeu de société et il est indispensable que nous disposions de toutes les données disponibles pour légiférer de manière cohérente et non au pas de course, comme vous essayez de nous l'imposer. Bien souvent, la vitesse n’est pas l’amie de la sagesse et nous avons besoin d’une vision prospective d’ensemble avant de nous prononcer. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Patrick Ollier, président de la commission – Madame Erhel, vous dites : « Il faut aider le consommateur, agir… alors, ne faisons rien et attendons encore six mois que d’autres éléments soient disponibles ! » S’il est pourtant un texte que nous avons étudié à fond depuis le début de la législature, c’est bien celui-là, et je tiens à rendre hommage au secrétaire d’État et à ses services pour leur disponibilité. Je salue aussi les efforts de notre rapporteur, Michel Raison, qui a tout fait pour que nous soyons prêts dans les temps (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous avons procédé à des auditions nombreuses et passionnantes, la commission des affaires économiques s’étant réunie pendant 11 heures 30 sur ce texte : 3 heures avec le ministre le 6 novembre, 4 heures avec les distributeurs, 4 heures avec M. Attali et trente minutes au titre de l’article 88. Pas moins de 350 amendements ont été examinés, et l’on vient nous expliquer que nous n’aurions pas assez travaillé !

Au reste, Mme Erhel s’est elle-même félicitée de l’excellence des travaux de la commission : sans doute cela vous a-t-il tellement passionnée que vous voulez y revenir, ce qui est bien compréhensible ! (Sourires) Au fond, vos critiques, Madame la députée, ont peu à voir avec le travail de la commission et nous pourrions nous réunir à l’infini sans jamais nous mettre d’accord ! Nous ne partageons pas la même vision politique et nos stratégies sont radicalement opposées. En démocratie, la loi de la majorité l’emporte et nous voulons aller vite. C’est pourquoi je propose de passer sans plus attendre à la discussion des articles, après avoir rejeté la motion de renvoi du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente – Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi.

M. Philippe Folliot – Je m’associe aux propos du président Ollier, auxquels j’ajouterai simplement ceci : outre les consommateurs, les producteurs et les PME attendent eux aussi que nous agissions ! Nos collègues socialistes semblent croire qu’il n’y a pas d’urgence à légiférer : au contraire ! Il faut donner aux entreprises comme aux clients un signe fort, à propos du triple net notamment. Il faudrait attendre une loi plus adaptée, dites-vous : non ! C’est maintenant qu’il faut agir. Pour passer plus vite à l’examen du texte, le groupe Nouveau Centre votera donc contre le renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

Mme Sandrine Mazetier – De trois choses l’une : soit il est urgent de légiférer pour protéger les consommateurs…

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est précisément ce que nous faisons !

Mme Sandrine Mazetier – Hélas, ce n’est pas ce que fait le Gouvernement… Mais s’il faut agir si vite, pourquoi ne pas s’appuyer sur les travaux de parlementaires de tous bancs, pour éviter que le texte ne fasse l’impasse sur tant de sujets pourtant essentiels ? Ou bien, deuxième possibilité, faut-il attendre un peu ? C’est ce que vous semblez indiquer en les renvoyant à d’autres réflexions, dont celle de la commission Attali, par exemple. Mais alors, pourquoi le présent projet ? Ou encore, dernière hypothèse, faudrait-il prendre plus de temps, voire attendre le printemps, afin de compenser les inévitables augmentations d’impôts qui auront lieu alors ?

En fait, votre discours est bien incohérent. Les conséquences de la loi Galland suscitent des avis contrastés, y compris sur les bancs de la majorité : voilà qui mérite un travail approfondi en commission. Qui plus est, les décrets d’application des textes précédents, qu’il s’agisse de la loi Dutreil où de celle relative à l’urbanisme commercial, ne sont toujours pas publiés ! Les diverses polémiques qui sèment le trouble dans vos rangs et les réticences que certains commissaires ont eu à rejeter les nombreux amendements de M. Gaubert, de même que d’autres du rapporteur, montrent à quel point il est nécessaire de poursuivre notre travail de réflexion en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. André Chassaigne – Un renvoi en commission, Monsieur Ollier, ne signifie pas que l’on met en cause la qualité du travail de celle-ci, ni de celui du rapporteur.

M. Arnaud Montebourg – Au contraire, c’est un hommage !

M. André Chassaigne – Au fond, tout votre argumentaire se fonde sur un simple acte de foi. Vous espérez que vos décisions auront des effets positifs, comme si un soudain cercle vertueux allait pousser la grande distribution à renoncer à ses profits pharamineux ! Notre collègue, dans sa motion de renvoi, a pourtant démontré très précisément les failles de votre projet. Peut-être, sans doute même, l’intégration de l’ensemble des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte entraînera-t-elle une diminution des prix, mais à quel niveau les profits seront-ils fixés ? Quelles en seront les conséquences pour les fournisseurs ? A-t-on seulement effectué une étude d’impact pour les mesurer ? Non : vous n’avez aucune certitude. Au contraire, il est à craindre que les producteurs auront à subir les effets dévastateurs de vos choix. Espérer que la discussion des amendements permettra d’éclairer le texte ne suffit pas.

En outre, la baisse annoncée des prix sera de courte durée : le temps pour les enseignes de grande distribution de se débarrasser, sur tel ou tel territoire, de leurs concurrents – comme c’est le cas au Havre, où Auchan a racheté Carrefour – et, au passage, de condamner les commerces de proximité, et les prix remonteront ! M. Dionis du Séjour nous parle de mouvement : soit, mais le mouvement ne doit pas s’arrêter en cours de route. Si vous pensez ainsi à court terme, c’est bien plutôt parce que vous êtes statique : c’est le propre d’un conservateur !

M. François Loos – Vous avez, Madame Erhel, beaucoup enquêté sur ce qui se dit à propos de ce projet, de dépêches en blogs.

M. Arnaud Montebourg – Ce n’est pas inutile !

M. François Loos – Vous avez même consulté une conserverie bretonne, qui vous a confirmé qu’il n’était pas question de toucher aux conditions générales de vente.

M. Jean Gaubert – Cela viendra !

M. François Loos – C’est donc sur des on-dit que vous fondez votre analyse du texte.

Si vous l’aviez lu ((Protestations sur les bancs du groupe SRC), vous auriez vu qu’il s’intitule « développement de la concurrence au service des consommateurs », et que son contenu est conforme à ce titre. La concurrence accrue dans la grande distribution aura un effet sur le pouvoir d’achat. Mieux vaut donc agir, puisque nous pouvons le faire, que d’attendre l’issue de toutes ces réflexions supplémentaires que vous préconisez, pour distinguer petits moyens et gros, ou attendre que M. Attali soit d’accord avec nous, ou qu’on ait agi pour le commerce de proximité. De tout cela on peut discuter, mais cela n’a rien à voir avec l’objet précis du texte, qui est efficace, utile, applicable. Votre seul message, si j’ai bien compris, c’est : « Renvoyons à plus tard, les Français attendront… » Nous préférons, nous, prendre les problèmes à bras-le-corps. Le groupe UMP votera donc contre la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée

Mme la Présidente – J’appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

AVANT LE TITRE PREMIER

Mme la Présidente – Les amendements identiques 87 à 95 sont en discussion commune avec l’amendement 56.

M. Arnaud Montebourg – Mme Lagarde et M. Chatel ont évoqué l’action de groupe comme une hypothèse, en attendant que le sujet soit complètement étudié. Au lieu de faire preuve de ce bel esprit de résolution que vient de vanter M. Loos, ils remettent donc la décision à plus tard ! Or tout est connu. Le problème, ce n’est pas l’accord du Gouvernement, c’est celui du Medef. M. Chatel est favorable à l’action de groupe, la majorité également. Le seul obstacle ce sont les amitiés au sommet du pouvoir. Si immobilisme il y a, Monsieur Loos, c’est celui du Gouvernement.

Prenons l’exemple de l’action de l’UFC-Que Choisir à propos de l’entente sur la téléphonie mobile. C’est devenu un cas d’école, dont le législateur doit tirer les leçons pour renforcer les moyens à la disposition des consommateurs, comme nous le faisons avec l’amendement 87. Le Conseil de la concurrence a reconnu que les trois opérateurs de téléphonie mobile violaient les règles sur les appels internationaux. Il y avait 300 000 victimes, et l’UFC a utilisé les moyens juridiques existants pour supprimer cette rente économique injuste.

En pareil cas, lorsque le tort fait à chaque consommateur est faible, le moyen le plus indiqué est l’action de groupe. Sur le site ouvert par l’UFC, 300 000 personnes se sont inscrites. Après dix mois de travail, pour un coût de 500 000 euros, 12 251 dossiers seulement ont pu être transmis au tribunal, soit 0,06 % des intéressés qui ont pu plaider leur cause. Nous proposons donc une méthode pour que les millions de personnes spoliées par ces trois sociétés qui font des milliards de bénéfices obtiennent réparation.

Va-t-on attendre encore ? Vous attendiez déjà sous la précédente législature, vous attendiez Godot ! Mais de parlementaire frustré, transformez-vous en ministre actif, monsieur Chatel. Godot, faites-le venir, et nous lui ferons un triomphe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme la Présidente – À défaut de Godot, c’est M. Gaubert qui va défendre l’amendement 88 (Rires sur tous les bancs).

M. Jean Gaubert – Je suis surpris qu’il n’y ait aucune référence à l’action de groupe dans ce texte. J’ai en effet ici un rapport du député Luc Chatel, intitulé « De la consoméfiance à la consoconfiance », qui développe une argumentation bien étayée en faveur d’un recours collectif soigneusement encadré. Il explique en quoi les dispositifs existants sont insuffisants, analyse l’action représentative conjointe, le mouvement de généralisation de l’action collective. Il présente le modèle américain – qui n’est pas acceptable, nous en sommes d’accord, car il est trop souvent utilisé par un concurrent pour tuer une PME – puis l’exemple canadien. Tout cela pour conclure que l’institution d’un recours collectif apparaît désormais comme la seule façon de garantir l’exercice effectif des droits des consommateurs dans certains types de litiges et qu’il est illusoire de croire que la France pourra rester à l’écart de ce mouvement. Puisque le Président de la République dit tant qu’il aime que la France soit en avance, reprenez les bonnes propositions que vous avez déjà faites et nous avancerons !

Pour notre part nous proposons cette série d’amendements, et je défends l’amendement 88. D’abord, on a bien poursuivi les petites arnaques et les opérateurs téléphoniques ont été condamnés. Mais cela n’a rapporté qu’à l’État ; ce que nous voulons, c’est que les consommateurs lésés soient indemnisés. C’est aussi ce que vous vouliez – mais le voulez-vous encore ?

Nous avons bien mesuré les risques. Pour éviter que l’action soit utilisée en sous-main par un concurrent, nous proposons une procédure de filtrage. En second lieu, pour éviter que ne se constituent des groupes d’intérêt afin de nuire à une entreprise, nous réservons la possibilité d’engager une telle action à des associations qui existent depuis au moins cinq ans. Nous apportons donc une réponse sérieuse, en prenant toutes les précautions. Il est temps d’agir ; c’est une question de justice (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François Brottes – Je défends, pour ma part, l’amendement 89, mais je souhaiterais faire une proposition de méthode, car entendre des parlementaires de l’opposition défendre successivement la même proposition risquerait d’engendrer une certaine lassitude. Pour faciliter le travail du ministre et du rapporteur, je propose que chaque orateur de l’opposition se consacre à l’un des neuf articles que nous voulons introduire dans le code civil. Le ministre pourrait ensuite exposer ce qui, dans tout cela, lui convient ou non. Ainsi, nous saurons quelles sont exactement les réticences du Gouvernement.

Je commence donc par la rédaction que nous proposons pour l’article 2062 : « L’action de groupe est celle par laquelle une association saisit un juge pour le compte d’un ensemble de personnes physiques ou morales, agissant dans un cadre non professionnel, et ayant subi un préjudice similaire du fait d’un même professionnel. » J’invite mes collègues à continuer à décliner les différents articles, afin de faciliter la tâche du ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Corinne Erhel – Je défends l’amendement 90. En vous proposant l’action de groupe, Monsieur le ministre, nous sommes bien en mouvement, et non dans l’immobilisme : j’espère donc que vous allez nous suivre !

L’article 2063 serait rédigé ainsi : « L’action de groupe peut être engagée à l’occasion de tout préjudice civil, de nature contractuelle ou délictuelle, en matière de consommation, de santé, d’environnement et de concurrence ».

Mme Frédérique Massat – Je défends l’amendement 91. Il ne s’agit nullement pour nous de faire de l’obstruction, mais de tenter d’améliorer ce projet, dans l’intérêt des consommateurs – en particulier en autorisant le recours collectif.

M. Patrick Roy – Je défends l’amendement 93. Alors qu’on ne cesse de nous parler du pouvoir d’achat, on nous propose un texte qui contient quelques mesurettes en faveur des consommateurs, mais n’aborde pas l’essentiel, à savoir l’action de groupe. Pourquoi, sur ce sujet, faudrait-il attendre ? Ainsi que le président Ollier nous y a appelés, agissons tout de suite !

M. Patrick Ollier, président de la commission – En votant le projet, pas l’amendement !

Mme Marylise Lebranchu – Je défends l’amendement 94.

Nous proposons de mettre en place un système de filtre des actions de groupe : le tribunal de grande instance – là où il en reste un – examinerait leur recevabilité et analyserait la convergence entre les prétentions des membres du groupe et la capacité du représentant à les défendre. Concernant la procédure, la prescription de l’action de groupe serait alignée sur celle de chaque préjudice.

C’est un amendement très raisonnable, qui tire les leçons du rapport Chatel, des travaux du Sénat et du travail d’Arnaud Montebourg avec les associations de consommateurs. Il apporterait au moins une satisfaction aux artisans, au sujet desquels, selon M. Raffarin, la commission Attali en reviendrait, sous l’influence de la grande distribution, à de vieilles lunes…

M. Jean-Yves Le Déaut – Il faut noter que dans son pré-rapport, M. Attali souhaite néanmoins les actions de groupe…

Je défends l’amendement 95 en pensant notamment à ces milliers de Français qui, lorsqu’ils achètent un ordinateur, sont contraints d’acheter en même temps des logiciels qui leur coûtent environ 250 euros : la possibilité d’une action collective serait une grande avancée.

S’agissant du délai de prescription, nous proposons qu’il corresponde au délai de prescription du préjudice subi.

Par ailleurs, nous prévoyons à l’article 2068 qu’un « Fonds d’aide à l’action de groupe assure la publicité de l’action de groupe et des modalités prescrites par le juge » et à l’article 2069 que « les personnes concernées par l’action de groupe réclament la liquidation des dommages et intérêts auprès du Fonds d’aide à l’action de groupe, qui reverse les sommes à chaque membre du groupe au regard du préjudice subi ».

M. Jacques Desallangre – Tout le monde semble d'accord pour introduire l'action de groupe, Monsieur le ministre, et pourtant cette disposition ne figure pas dans votre projet. Je la propose par mon amendement 56, dans une version qui a fait ses preuves à l'étranger, mais corrigée de ses dérives, avec une saisine élargie, sans filtre associatif, et un champ d'application très ambitieux – préjudices liés aux activités commerciales, mais aussi aux activités de l'administration.

Actuellement, les tribunaux sont rarement saisis par les victimes, le coût global d'une action individuelle dépassant le plus souvent le montant du préjudice subi. L'action de groupe que je propose permettrait d’une part de réparer l'ensemble des préjudices subis, et aurait d'autre part un effet dissuasif. Elle doit être ouverte tant au niveau de la saisine que de son champ d'application matériel et humain.

Elle doit aussi pouvoir être engagée à l’initiative d’une personne morale comme d’une personne physique. De même, au-delà du droit de la consommation, elle devrait concerner tous les secteurs du droit, dans les domaines judiciaire et administratif, comme en Suède, au Portugal ou au Québec ; l’accès des citoyens à la justice, donc l’amélioration de l’application du droit par les acteurs privés et publics, que le projet de loi vise à favoriser, l’exigent. Puisque des faits ou des comportements qui relèvent du droit environnemental, du droit financier ou du droit de la santé peuvent nuire à une multitude d’individus, pourquoi ne justifieraient-ils pas la constitution d’un groupe demandant réparation du préjudice subi ? Il y va du respect de l’intérêt de chacun, aujourd’hui foulé aux pieds !

Monsieur le secrétaire d’État, tout est prêt : inutile d’invoquer les instructions que le Président de la République a données à Mme Lagarde pour faire gagner du temps aux groupes de pression qui ont déjà obtenu le report de l’examen du texte ! Ce serait là une dérobade bien peu glorieuse…

M. Michel Raison, rapporteur – Voilà en tout cas une proposition qui aura été bien expliquée ! (« Merci ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Incluse dans le projet de loi relatif à l’information et à la protection du consommateur, déposé en début d’année, l’action de groupe faisait également partie de deux propositions de loi, émanant l’une de l’excellent député qu’était alors Luc Chatel (Sourires) – tout aussi excellent ministre ! –, l’autre de votre groupe. En effet, l’action en représentation conjointe ne produisant pas de résultats satisfaisants, le consommateur victime d’un préjudice dont le montant individuel reste modeste mais dont le montant agrégé s’avère significatif ne peut demander réparation que selon une procédure lourde, longue et coûteuse.

L’éventuel nouveau dispositif devra néanmoins éviter les dérives à l’américaine…

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est ce que nous proposons !

M. Michel Raison, rapporteur – …dont le groupe SRC est bien conscient. Des entreprises qui n’auraient rien à se reprocher ne doivent pas être victimes d’une mauvaise publicité ou réduites à des règlements amiables coûteux pour laver leur réputation.

Or ni votre proposition, ni du reste celle que contenait le projet de loi relatif à l’information et à la protection du consommateur, ne fournissent une solution équilibrée (« Ah ? » et sourires sur les bancs du groupe SRC). Nous devons donc poursuivre la réflexion, notamment dans le cadre du projet de loi sur la modernisation de l’économie ; le ministre y travaille : il nous l’a indiqué au cours de son audition par la commission.

M. Jacques Desallangre – Il cite Mme Lagarde !

M. Michel Raison, rapporteur – Le médiateur de la République est associé à cette réflexion, qui devra également prendre en considération l’avis de la Commission européenne et le rapport de la commission Attali, qui sera rendu public en janvier.

En somme, peu de chose nous sépare : quelques mois seulement ! (Sourires) Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable à vos amendements.

Mme la Présidente – Sur les amendements 87 à 95, je suis saisie par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Arnaud Montebourg – Alors, Monsieur Chatel, Godot se montrera-t-il ce soir ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Il est surprenant et quelque peu décevant que les chantres de l’action de groupe n’aient pas jugé bon d’unir leurs efforts en une intervention collective ! À quand l’action de groupe parlementaire ? (Sourires sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

J’ai déjà rappelé la position du Gouvernement sur l’action de groupe, à laquelle j’ai toujours été, pour ma part, favorable. Dans cette affaire, nous devons concilier la protection du consommateur et la liberté d’entreprendre : en tant que libéral, je suis partisan de l’économie de marché, mais je considère qu’elle a besoin de régulateurs, au premier rang desquels le consommateur final, autrement dit le client.

Voilà pourquoi nous travaillons à la mise en place de l’action de groupe ; j’ai moi-même pris l’initiative de contacter à nouveau tous les acteurs concernés. Ainsi parviendrons-nous à un système équilibré, qui permette aux consommateurs de mieux se défendre tout en évitant les dérives que vous avez rappelées et qui conduisent désormais les États-Unis à revenir sur les dispositions précédemment adoptées.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, j’adresserai mes propositions au Premier ministre et à la ministre de l’économie avant la fin de l’année, afin d’être en mesure de les soumettre au Parlement lors de l’examen du projet de loi sur la modernisation de l’économie. Nous devons aussi tenir compte des concertations engagées au niveau européen, notamment lors de mon entretien avec Mme Magdalena Kuneva, commissaire européenne chargée de la consommation, et dans le cadre de la réunion des ministres européens responsables de la consommation organisée il y a peu au Portugal. En effet, nous devons définir un modèle européen de recours collectif des consommateurs.

Voilà pourquoi le Gouvernement vous propose de retirer ces amendements, auxquels il opposera, si vous les maintenez, un avis défavorable.

M. Jean-Paul Charié – Sur le fond, les groupes UMP et SRC, voire GDR, sont d’accord pour intégrer au droit français une action de groupe en laquelle nous, libéraux, voyons un contre-pouvoir essentiel à l’expression des consommateurs. M. le secrétaire d’État l’a rappelé. Mais s’il avait à juste titre accepté, lorsqu’il était député, de retirer sa proposition en ce sens, c’est bien parce que nous n’avons pas le droit d’agir de manière irréfléchie sous peine d’encourir des risques qu’il a bien rappelés, de même que M. le rapporteur. Monsieur Montebourg, vous ne pouvez pas dire que nous connaissons tout de ces problèmes ; voilà pourquoi nous devons poursuivre notre travail de concertation et de négociation – sans quoi vous nous reprocheriez notre précipitation ! (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC)

Sur la forme, le groupe UMP, jugeant que la rapidité servirait l’efficacité, et donc l’intérêt du consommateur, a décidé de réserver ses amendements aux trois sujets principaux du projet de loi. S’il reste silencieux sur d’autres propositions, ce n’est donc pas parce qu’il leur serait opposé ou indifférent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean Dionis du Séjour – Le groupe Nouveau Centre est favorable à l’action de groupe – bénéfique notamment en matière de téléphonie ou de lutte contre le spam –, mais uniquement en droit de la consommation, et non en matière de santé ou d’environnement, car la relation entre malade et soignant, ou entre pollueur et payeur, n’a rien à voir avec la relation entre client et fournisseur.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Très juste !

M. Philippe Folliot – Très bien !

M. François Brottes – Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse n’est pas satisfaisante. Nous pourrions envisager de retirer nos amendements si vous nous précisiez, comme je vous l’ai suggéré, les sentiments que vous inspirent nos propositions en matière de définition, de modalités, de recevabilité ou d’indemnisation de l’action de groupe. M. Dionis du Séjour, lui, a émis une objection de fond ! Faites de même, comme au cours de la discussion générale, et entamons un véritable débat avant de passer au vote !

Nous sommes par ailleurs tout à fait d’accord pour tenter d’éviter les dérives à l’américaine évoquées par M. le rapporteur, mais, en la matière, les pratiques au plus haut niveau de l’État nous laissent parfois perplexes… (Sourires sur les bancs du groupe SRC)

M. Arnaud Montebourg – Les propos de M. Brottes sont tout à fait fondés. Vous parlez de concertation – entre vous ! –, mais, alors que tous se prononcent en faveur de l’action de groupe, tous votent contre, sauf nous !

En effet, Monsieur Dionis du Séjour, la relation entre un malade et son médecin ne relève pas de l’action collective ; de fait, elle ne figure pas dans notre amendement. En revanche, l’administration de médicaments pouvant entraîner un préjudice collectif justifierait l’action de groupe. Quant à l’environnement, l’exemple de l’amiante montre lui aussi qu’un produit distribué en masse peut causer des préjudices collectifs.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rencontré la commissaire européenne ainsi que vos collègues ministres, au Portugal : où en est-on de l’harmonisation de l’action de groupe au niveau européen ? Est-ce que l’Europe vous servira de prétexte pour ne pas déposer votre projet de loi au printemps ?

Sur le filtre, notre dispositif est irréprochable. Le débat en suspens, c’est la question du champ – soulevée par M. Dionis du Séjour – et celle de la limite, avec deux options : l’inclusion ou l’exclusion. Quelle est la position du Gouvernement ? Quel dispositif prépare-t-il ? Nous voulons vous entendre, Monsieur le secrétaire d’État. Chacun prendra ensuite ses responsabilités devant les millions de consommateurs, qui n’attendent plus Godeau !

M. Jean Gaubert – Dès les premiers amendements, les choses s’éclairent. Nous nous sommes fait accuser, cet après-midi, de ne pas être dans le mouvement, de ne pas vouloir avancer ; mais qui ne veut pas avancer ? Qui trouve des raisons pour dire que ce n’est pas le moment ? Les amendements sont au cœur de la protection du consommateur. Le groupe UMP ne pratique pas les marges arrière ; seulement la marche arrière ! (Sourires)

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé que vous rendriez un rapport, qu’une grande consultation, nationale, européenne, aurait lieu ; mais on ne vous a pas attendu pour réfléchir sur le sujet, et il aurait simplement fallu voir ceux qui ont déjà fait des choses. Que n’allez-vous, sinon, demander son avis à l’OMC ? Ou à M. Bush ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vous recherchez des arguments fallacieux, car vous savez que notre proposition est parfaitement cadrée et répond à toutes les objections, même celles du Medef, qui craint qu’on n’attaque les PME. C’est impossible avec la procédure de recevabilité que nous prévoyons, c’est-à-dire avec la possibilité laissée aux seules associations reconnues d’ester en justice. Les PME qui, aujourd’hui, se font déborder par des entreprises ne reculant devant aucune pratique illégale, ont tout intérêt à ce que l’action de groupe soit instituée. Les condamnations qui seront prononcées contribueront à assainir notre économie. Ce qui vous gêne, en réalité, c’est que vous ne pourrez pas présenter une proposition différente, lorsque vous y reviendrez.

Mme Martine Billard – M. Charié nous dit qu’il faut continuer à travailler. Qui ne se souvient, pourtant, qu’une proposition de loi avait déjà été déposée par M. Chatel ?

M. Jean-Paul Charié – Qui a eu le courage de la retirer !

Mme Martine Billard – Il n’a surtout pas eu le choix, et aujourd’hui encore, il ne peut aller jusqu’au bout de son travail de député. Il arrive que les députés de la majorité arrivent à pousser le Gouvernement plus loin que ne le souhaitait ce dernier ; ce serait bien que cela ne soit pas toujours et seulement sur l’ISF !

Il n’y a pas si longtemps, une quasi-émeute de clients en colère s’est produite devant des locaux de la société Noos. S’ils avaient pu recourir à l’action de groupe, ils auraient obtenu réparation sans avoir à attendre des semaines pour que soit rétablie leur connexion.

Les PME ne risquent rien, car ce ne sont pas elles qui sont en cause, mais les grandes entreprises qui se partagent les marchés. L’action de groupe a aussi un intérêt pour le bon exercice de la concurrence, en permettant aux consommateurs de desserrer l’étau des oligopoles.

Vous avez annoncé une loi de modernisation économique pour le printemps, avec de nouvelles dispositions concernant les consommateurs. Il aurait plutôt fallu accepter la motion de renvoi en commission…

M. Patrick Ollier, président de la commission – Certainement pas !

Mme Martine Billard – …pour présenter une loi complète, incluant l’action de groupe. Il est encore temps d’accepter ces amendements.

M. Philippe Folliot – Tout le monde est d’accord sur la nécessité de faire évoluer la législation en matière de protection des consommateurs, laquelle a besoin de moyens nouveaux. Il n’empêche que des interrogations subsistent, et M. Dionis du Séjour a eu raison de poser la question du champ d’application de l’action de groupe, qui, si elle n’est pas suffisamment encadrée, peut avoir des conséquences néfastes, notamment dans le secteur de la santé.

M. François Brottes – Nous avons répondu !

M. Philippe Folliot – Il faut donc poursuivre cette discussion en profondeur, et ce n’est pas à l’occasion d’une discussion d’amendements que nous pouvons le faire sereinement. Je proposerais plutôt une motion de renvoi de cette partie du texte, pour que nous puissions nous livrer ensemble à ce travail utile.

M. Jean-Paul Charié – Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Cela fait plus d’une heure que nous discutons d’un sujet qui ne fait pas partie du texte (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – Il aurait dû !

M. François Brottes – Vous voulez supprimer le droit d’amendement ?

M. Patrick Ollier, président de la commission – Le parti socialiste, tel le coucou qui s’installe dans le nid des autres oiseaux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), n’a rien trouvé de mieux que de s’installer dans le nid de M. Chatel, et de lui prendre les idées qu’il avait exposées dans une proposition de loi déposée il y a un an. Monsieur Montebourg, vous venez nous donner des leçons sur l’action de groupe, mais c’est M. Chatel qui, le premier, l’a proposée ! La majorité en a accepté le principe, qui sera discuté dans quelques mois.

Les amendements ne font que reprendre les propositions de M. Chatel, tout en en revendiquant la paternité.

M. Jean-Paul Charié – On s’en souviendra !

M. François Brottes – Les idées sont à ceux qui les réalisent !

M. Patrick Ollier, président de la commission Monsieur Montebourg, vous reprenez les idées de l’UMP : dont acte. Vous les défendez avec talent, bravo. Mais laissez à la majorité le soin de décider de son calendrier.

Plusieurs députés du groupe SRC – Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission Le Gouvernement a un programme de travail, qu’il respectera.

M. François Brottes – Le Parlement est souverain !

M. Patrick Ollier, président de la commission Monsieur Brottes, je n’ai pas de leçons à recevoir de vous sur la façon de remplir mes responsabilités de président de commission. J’exerce autant que vous mon pouvoir souverain, dans la fonction où j’ai été élu par la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L’urgence, pour nous, est de voter un texte qui fera baisser les prix pour le consommateur et qui permettra de défendre les PME, les PMI et les agriculteurs.

M. André Chassaigne – Mais non !

M. Patrick Ollier, président de la commission Je vous demande donc de passer au vote, car les consommateurs ne peuvent pas attendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jean Gaubert – Je voudrais faire un rappel au Règlement. Je comprends que vous soyez irrité par notre proposition, Monsieur le président, d’autant que les réponses du groupe UMP et du ministre, dénuées de toute critique, se contentent d’observer que ce n’est pas le moment.

MM. Jean Dionis du Séjour et Philippe Folliot – Nous avons fait des critiques !

M. Jean Gaubert – Je ne parlais que de l’UMP : sauf erreur de ma part, vous n’y êtes pas encore tout à fait…

Votre seul argument consiste donc en ce que nous aurions repris la proposition de M. Chatel, qui lui-même l’avait reprise à des associations de consommateurs dont on ne sait pas de qui elles la tenaient – il faudrait pratiquer des tests ADN… Mais c’est tout simplement la preuve que nous ne sommes pas sectaires : lorsqu’une proposition est bonne, nous la reprenons. Malheureusement, quand nous reprenons les vôtres, vous refusez de les voter ! Pour vous permettre, et surtout au président de la commission, de retrouver vos esprits, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 0 heure 35 le jeudi 22 novembre, est reprise à 0 heure 40.

Mme la Présidente – Nous allons procéder au scrutin public.

À la majorité de 37 voix contre 26 sur 63 votants et 63 suffrages exprimés, les amendements 87 à 95 ne sont pas adoptés.

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Je ne considère pas que les propos du président de la commission, que nous connaissons courtois et bien élevé, soient constitutifs d’un fait personnel, mais je voudrais tout de même faire un rappel au Règlement. Loin du talent et du sens de l’écoute dont il témoigne lorsqu’il préside notre commission, il s’est laissé aller à me traiter plus ou moins de coucou. Passant sur l’inélégance du procédé, je lui ferai remarquer que reprendre des bonnes idées pour les concrétiser, c’est incontestablement faire éclore des œufs dans les nids des autres, ce dont ils ne se sont eux-mêmes pas montrés capables. Par ailleurs, je me demande s’il n’existerait pas une autre sorte de coucous, dans l’environnement du Gouvernement, qui feraient savoir toute la défiance qui les anime à l’encontre des actions de groupe : peut-être du côté du Medef, par exemple, ou de ces grands industriels qui parfois se réunissent dans de grands restaurants des Champs-Élysées... Certains amis des plus hautes autorités de l’État ne font-ils pas tout pour repousser cette proposition aux calendes grecques – ou plus exactement à un dispositif d’action collective européenne ? En tout cas, cela prendra des années. La conclusion en est que le coucou ne se trouve pas forcément où on l’attendait (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Arnaud Montebourg – Je voudrais moi aussi faire un rappel au Règlement. Nous avons demandé des réponses précises au ministre. Fort de nos bonnes relations, je lui ai demandé, pendant la suspension, de s’exprimer sur le fond, et je lui ai même proposé de retirer nos amendements s’il s’expliquait sur nos points de désaccord. Notre attitude est donc des plus constructives, et voilà que le président de la commission se met à employer des noms d’oiseau ! À l’heure où l’on prétend élargir les droits du Parlement, on ne se prive pas de nous traiter comme des chiens de garde condamnés à la muselière !

Plusieurs députés du groupe UMP – Pas de muselière pour les coucous !

M. Arnaud Montebourg – Je vois que vous n’êtes pas tous endormis, et c’est une bonne nouvelle ! Alors que le Gouvernement a failli perdre ce vote de quelques voix (Murmures sur les bancs du groupe UMP), n’essayez pas de nous réduire au silence. Nous faisons des propositions constructives sur un sujet qui transcende les clivages politiques : le fait d’être majoritaires ne vous donne pas tous les droits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Patrick Ollier, président de la commission – L’Assemblée a tranché !

M. Jean Gaubert – Notre amendement 205 vise à inscrire dans le code de la consommation que le consommateur ne peut jamais se voir opposer un consentement tacite. Depuis plusieurs années, on voit se multiplier les offres commerciales qui, d’abord gratuites, se transforment en services payants si le consommateur n’y met pas expressément un terme. En posant le principe que le consentement tacite n’existe pas, nous inversons la charge de la preuve : il reviendrait désormais aux opérateurs de prouver que le consommateur a bien donné son accord pour souscrire à une offre payante. Cet amendement peut faire consensus, sauf si la majorité a décidé de repousser toutes nos propositions !

M. Michel Raison, rapporteur Merci, Monsieur Gaubert, de vous faire colombe porteuse de paix… (Sourires)

M. Jean Gaubert – C’est déjà moins insultant !

M. Michel Raison, rapporteur Las, la commission a repoussé votre amendement car l’état présent du droit le satisfait, notamment par l’article L. 136-1 du code de la consommation.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Même si la volonté expresse reste l’un des fondements du droit des contrats, une application trop stricte de ce principe pourrait porter préjudice au consommateur. En 2004, nous avons légiféré sur les contrats par tacite reconduction, nos travaux ayant débouché sur l’article L. 136-1 que vient de citer votre rapporteur. À l’époque, j’avais moi-même déposé une proposition de loi visant à mieux informer le consommateur et à lui ménager une possibilité de résiliation plus souple. Je considère par conséquent que le consommateur est déjà protégé et que votre amendement ne se justifie pas. Je vous invite à le retirer. À défaut, j’inviterais l’Assemblée à le repousser.

Mme Corinne Erhel – J’ai moi-même été confrontée à une pratique bien peu transparente d’un opérateur de téléphonie mobile : si vous n’appelez pas sous huit jours l’un des numéros qui vous est fourni lors de la conclusion du contrat, les options initialement présentées comme « gratuites » deviennent payantes et vous avez ensuite le plus grand mal à résilier les services afférents.

M. François Brottes – Il y a de l’abus !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – À l’article 6, Mme de La Raudière présentera un amendement – adopté par votre commission – qui règle le problème que vient d’évoquer Mme Erhel. Par conséquent, je vous invite une nouvelle fois à retirer cet amendement.

M. Jean Gaubert – Je le maintiens car l’amendement de Mme de La Raudière ne concerne que la téléphonie mobile. Or le problème des options temporairement gratuites touche nombre d’autres domaines, comme la télévision payante ou Internet. La protection du consommateur exige que nous adoptions cet amendement.

L'amendement 205, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Lionel Tardy – Par mon amendement 178, je souhaite aborder la question des messages publicitaires. Si le sujet n’entre pas directement dans le champ du projet de loi, je considère qu’il ne s’agit pas pour autant d’un cavalier. Les dispositions relatives à la répression de la publicité trompeuse ou mensongère ne sont pas assez efficaces. S’il est compréhensible que la publicité tende à montrer les produits sous leur meilleur jour, il convient de fixer la limite à partir de laquelle il y a tromperie. Il existe un contrôle en aval, assuré par le bureau de vérification de la publicité. Cependant, le BVP étant contrôlé par les annonceurs, sa sévérité est sujette à caution. En outre, rien n’oblige les annonceurs à lui soumettre leurs campagnes.

Actuellement, lors d’une action en justice pour publicité trompeuse, il revient au demandeur d’apporter la preuve du caractère contestable de la publicité attaquée, ce qui limite grandement la portée du dispositif, du fait des coûts engendrés. Dans un arrêt du 18 mai 1993, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis que la charge de la preuve pouvait incomber à l’annonceur. Il n’y a donc pas d’obstacle majeur à inscrire cette disposition dans la loi, ce qui permettrait d’exercer un meilleur contrôle.

Mon amendement vise aussi à renforcer les mesures d’instruction, souvent bien minces. C’est en effet sur ces bases que le juge doit se prononcer, en tenant compte de la perception du public visé, en fonction du contexte et de ses références culturelles. Trop souvent cependant, on peut se tromper sur les capacité de discernement du public visé : je pense en particulier aux enfants et aux adultes fragiles. Et je rejoins ici les préoccupations de M. Gaubert au sujet de la publicité pour les crédits à la consommation, qui cible des publics parfois crédules, peu à même de discerner pièges et non-dits.

Monsieur le ministre, je suis conscient que nous n’épuiserons pas le sujet ce soir. Néanmoins, j’aimerai connaître votre position et vos intentions en ce qui concerne le contrôle de la publicité.

M. Michel Raison, rapporteur Dans le système actuel, les agents de la DGCCRF dressent un procès-verbal devant le juge, en vertu de l’article L. 121-2. Il appartient donc bien aux professionnels d’apporter la preuve que la publicité n’est pas trompeuse. En outre, le juge peut prendre toute mesure permettant d’apprécier le caractère mensonger de la publicité, sur le fondement de l’article L. 121-7. Votre amendement est donc satisfait, et c’est pourquoi la commission l’a repoussé.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis. M. Tardy a évoqué les contrôles a posteriori du BVP. À côté de ce système d’autorégulation, il existe un régime de contrôles en amont, confié à la DGCCRF.

M. Lionel Tardy – Bien que la réponse ne me satisfasse pas totalement, je retire mon amendement car nous aurons l’occasion d’en rediscuter.

L'amendement 178 est retiré.

M. Jean Gaubert – Je défendrai ensemble mes amendements 81 rectifié et 80 : ils visent à ce que, dans les publicités pour les crédits à la consommation, l’ensemble des informations soient présentées dans une police de caractère lisible et identique. L’offre de crédit complète doit être directement accessible. Le système des astérisques renvoyant à des textes en petits caractères doit être banni. Comme cela a été dit, les publics les plus crédibles peuvent se laisser prendre aux artifices de présentation des publicitaires et souscrire de bonne foi des contrats qui vont les plonger dans le surendettement.

M. Michel Raison, rapporteur Alors que le président de notre commission des lois œuvre sans relâche à la simplification de notre droit, il serait inopportun d’adopter des amendements sur les tailles et couleurs de polices de caractères, qui relèvent au mieux du domaine réglementaire. Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État – Même avis. Outre une directive européenne dont la transposition fera bientôt l’objet d’un amendement de la commission, le code de la consommation interdit déjà toute publicité trompeuse ou déloyale. En matière de crédit, il prévoit d’assortir l’offre d’un certain nombre de mentions obligatoires figurant dans le corps du texte en caractères de taille égale à ceux de la description du financement. Vous le voyez, vos amendements sont déjà satisfaits : je vous propose donc de les retirer.

M. François Brottes – Voici une réponse explicite : publier certaines mentions en tous petits caractères est en effet une forme de tromperie. M. le secrétaire d’État peut-il nous confirmer qu’une offre mentionnant le TEG dans des caractères de taille inférieure serait déloyale ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État C’est exact.

M. François Brottes – Dans ce cas, nous acceptons de retirer nos amendements.

Les amendements 81 rectifié et 80 sont retirés.

M. Jean Gaubert – L’amendement 112 sera sans doute celui – enfin ! – qui recueillera le consensus. Chacun sait que tout litige en matière de consommation oppose un consommateur particulier à un vendeur – souvent une grande société – qui dispose de moyens juridiques considérables, notamment des batteries d’avocats. Le premier est donc généralement en situation d’infériorité. Pour rétablir l’équilibre, l’amendement 112 vise à permettre au juge de soulever d’office des dispositions relatives au code de la consommation. Mme Dati nous a elle-même opportunément rappelé que le consommateur est souvent victime de la trop grande complexité du contentieux. L’intervention du juge serait un soutien bienvenu ! Et ce serait l’occasion, pour la garde des sceaux, d’être à l’origine, une fois n’est pas coutume, d’un consensus dans l’hémicycle…

M. Jean Dionis du Séjour – Je m’associe à cette proposition, objet de mon amendement 226, car la complexité de la procédure est souvent utilisée au détriment du consommateur. Permettre au juge lui-même d’invoquer certaines dispositions du code de la consommation irait dans le sens de la protection des consommateurs.

M. André Chassaigne – L’amendement 307 rectifié est identique. J’ajoute que cette mesure reprend une proposition du Médiateur de la République, et qu’elle serait conforme à la jurisprudence.

M. Lionel Tardy – La protection du consommateur est au cœur de ce projet. Or, en cas de litige, le consommateur a rarement le réflexe de consulter un avocat, souvent parce que la dépense excèderait de beaucoup la somme en jeu. L’amendement 150 vise donc à permettre au juge de soulever d’office des règles de code de la consommation, comme il souhaite d’ailleurs souvent le faire, constatant l’ignorance du droit où se trouve le particulier.

M. Michel Raison, rapporteur – La commission n’a pas examiné ces amendements, mais il posent un problème de fond : en droit français, le juge ne connaît que les moyens soulevés par les parties, sauf disposition relevant de l’ordre public. Nous ne pouvons pas bouleverser un principe général du droit au détour d’un amendement !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État En effet. L’intention est louable, mais ces amendements créeraient une dérogation trop importante à un principe d’ordre général, et ouvriraient la voie à son extension à d’autres domaines que la consommation tels que le droit du travail ou du logement, par exemple. Une réflexion approfondie est à mener sur le sujet, et pas seulement en matière de consommation. En attendant, le Gouvernement ne peut soutenir cette mesure impromptue.

Mme la Présidente – Je suis saisie par le groupe SRC d’une demande de scrutin public sur l’amendement 112.

M. Jean Gaubert – Nous avons déjà entendu ces objections, Monsieur le ministre. Plus qu’une véritable conviction, il me semble que vous ne faites que chercher la parade à notre proposition. On sait pourtant bien que le droit de la consommation, contrairement à d’autres domaines, oppose souvent le fort au faible, le particulier au cabinet d’avocats. L’intervention du juge, déjà possible dans le domaine pénal, n’ouvrirait aucune brèche ; au contraire, ce serait une mesure de justice.

M. Jean Dionis du Séjour – Tout à fait. La rédaction de l’amendement de M. Tardy qui, somme toute, me semble la meilleure, est suffisamment précise pour éteindre vos inquiétudes, Monsieur le ministre.

M. Lionel Tardy – En effet, s’il a le même objet que ceux de mes collègues, mon amendement 150 précise que la possibilité pour le juge de soulever d’office des dispositions du code n’aurait cours que dans les juridictions où le ministère d’avocat n’est pas requis.

M. Émile Blessig – Ce n’est pas parce que nous n’avons pas obtenu l’action de groupe qu’il faut prendre le risque de déséquilibrer une procédure par une telle dérogation. Cela reviendrait à ouvrir la vanne à de nombreuses dérives dans d’autres domaines du droit : de grâce, ne bouleversons pas l’équilibre de la procédure civile au détour d’un amendement !

M. Jean Gaubert – Je mets en garde contre une confusion... Il ne s’agit pas ici d’action de groupe, mais d’action individuelle.

M. Jean-Paul Charié – L’UFC m’a alerté sur ce sujet. Effectivement, un consommateur sans avocat n’a pas forcément tous les moyens de se défendre. Mais même si, sur le fond, l’objectif est justifié, comme l’ont dit le ministre et le rapporteur, nous risquons, en votant de tels amendements, d’ouvrir une brèche énorme dans la procédure. Mieux vaudrait les retirer, sans quoi nous devrons les rejeter.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je le répète, le vote de ces amendements provoquerait un bouleversement dans les principes de la procédure civile. Cela aurait nécessité au moins que la commission des lois s’en saisisse. Je ne suis donc pas favorable à leur adoption.

À la majorité de 25 voix contre 19 sur 44 votants et 44 suffrages exprimés, l’amendement 112 n’est pas adopté.

M. Jean Dionis du Séjour – L’amendement 226 est retiré au profit de l’amendement 150.

L'amendement 307 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 150, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert – Nous avons déposé un certain nombre d’amendements sur le crédit à la consommation. Sans nier son utilité, il faut non seulement l’encadrer, mais le moraliser. On sait bien comment certains tentent le consommateur, en proposant de lui « faciliter » les choses. Et un certain nombre de vendeurs sont directement intéressés au placement de crédits à la consommation. Notre amendement 76 tend à ce que la publicité pour le crédit rechargeable, dit revolving, obéisse à des règles plus sévères que les autres crédits bancaires, mieux encadrés.

M. Michel Raison, rapporteur – L’amendement aurait des effets pervers. En supprimant une publicité écrite qui obéit quand même à des règles strictes et assure une certaine transparence, on laisse les consommateurs plus démunis face à des vendeurs ou des personnes qui leur proposeront un crédit n’offrant peut-être pas les mêmes garanties. Mieux vaut encore qu’ils lisent tranquillement une publicité. La commission a repoussé cet amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Le groupe socialiste ayant déposé plusieurs amendements sur ce sujet, je veux rappeler quelques faits. D’abord, le crédit est populaire. En 2006, un ménage sur deux avait un crédit en cours, et pas seulement dans l’immobilier, puisqu’un tiers des ménages ont un crédit d’une autre nature. Ensuite, le crédit est utile, en particulier pour les ménages les moins favorisés, car s’il ne donne pas plus de pouvoir d’achat, il permet d’utiliser mieux ce pouvoir d’achat. Et le crédit n’est pas synonyme de surendettement : le fait que 4 % des ménages soient surendettés, signifie que 96 % d’entre eux utilisent le crédit de façon efficace.

L’amendement 76 tend à interdire la publicité pour le crédit rechargeable. Or, celui-ci nous semble utile, en particulier aux manéges les plus modestes. La publicité, si elle est bien encadrée – et le Parlement a pris des dispositions en ce sens –, permet de mieux faire jouer la concurrence. Enfin, la mesure proposée est peu proportionnée au danger, puisque le surendettement est limité. Le Gouvernement demandera au comité consultatif des services financiers de travailler sur le crédit revolving. Mais je ne suis pas favorable à l’amendement.

M. Jean Gaubert – Monsieur le rapporteur, parler d’effet pervers sans autre précision me semble gratuit. Quels sont-ils donc ? Faute de réponse, nous reposerons la question autant que nécessaire.

C’est vrai, Monsieur le ministre, beaucoup d’emprunteurs ne sont pas surendettés, et c’est encore heureux ! Mais on assiste à une montée de l’endettement, et certains ont considéré qu’il fallait la favoriser pour pousser la consommation, moteur de la croissance. À quel prix ? Demain, les crédits au logement risquent de peser lourd dans les comptes des banques et lorsque apparaîtront les cas de logements revendus moins chers qu’ils n’ont été achetés ou évalués, ce sera un choc !

Mme Delphine Batho – Tout à fait !

M. Jean Gaubert – Nous n’aurons pas la crise américaine, mais quelque chose de voisin.

En outre, les crédits à la consommation permettent de satisfaire des envies justifiées, mais aussi d’autres qui sont plus d’impulsion, et qui entraîneront des difficultés à rembourser. S’agissant du crédit rechargeable par exemple, vous avez certainement reçu comme moi dans votre permanence des familles qui ne s’en sortent plus. Nous ne voulons pas casser la consommation, mais éviter que ces situations se banalisent et que des familles soient condamnées à l’endettement à perpétuité.

M. Michel Raison, rapporteur  L’effet pervers de votre amendement serait d’interdire, de fait, l’information du consommateur, car la publicité, c’est aussi une information, encadrée par des règles. Moins il aura d’information écrite, plus le consommateur sera à la merci du colporteur ou du placier qui l’informera seulement oralement, sans vrai contrôle.

Sur les 4 % de ménages qui sont en situation de surendettement, les trois quarts le sont en raison d’aléas de la vie. Alors de grâce, ne privons pas d’informations tous les Français, au motif qu’une toute petite minorité se serait engagée un peu trop vite ! Si nous adoptions cet amendement, le consommateur serait moins informé demain qu’aujourd’hui.

M. Jean Gaubert – Monsieur le rapporteur, vous confondez information et propagande (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mais si vous aviez accepté nos amendements tout à l’heure, nous aurions sans doute pu retirer celui-ci.

M. François Brottes – Monsieur le rapporteur, il ne faut pas faire d’amalgame entre les « aléas de la vie » et la situation de fragilité d’une personne, qui la conduit à « craquer » lorsqu’elle est soumise de la part des marchands de crédit à des opérations de séduction et de promotion éhontées ; si elles étaient encadrées, la tentation serait moins grande.

L'amendement 76, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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