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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 22 novembre 2007

1ère séance
Séance de neuf heures trente
61ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire – Je qualifierais volontiers de fondateur ce texte, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature. Alors que le projet initial comportait 72 articles, le Sénat a été saisi de 105 articles après l’examen du texte par l'Assemblée nationale. Il en a adopté 59 conformes, modifié 39, supprimé 7 et il a introduit 22 nouveaux articles. La CMP a donc examiné 68 articles restant en discussion.

La plupart des modifications introduites par le Sénat ont été acceptées car elles améliorent les dispositifs que l'Assemblée nationale avait elle-même précisés. Sur les autres points, la commission est revenue au texte de l'Assemblée nationale sur un article, a modifié la rédaction de 18 articles et supprimé 4 articles.

S’agissant des recettes, ce PLFSS a eu le mérite d’ouvrir le débat sur les niches sociales, notamment à l’invitation de la Cour des comptes. Un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat, qui visait à imposer une « flat tax » sur l'ensemble de ces niches, a été retiré en séance. L'Assemblée nationale était allée plus loin en introduisant à mon initiative l'article 9 E, qui institue des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d'actions. C’est la rédaction issue du Sénat qui a été retenue : la contribution salariale ne s'appliquera qu'aux attributions effectuées à compter du 16 octobre 2007. La perception des recettes est donc reportée de quatre ans.

Le Sénat avait proposé la création d’une contribution sur les boissons sucrées, dont la logique a été saluée par la CMP. Mais l’article 9 bis A, prématuré et techniquement incomplet, a été supprimé. La réflexion sur les modalités et les finalités de cette taxe nutritionnelle doit être menée dans le cadre d'un débat plus large. Il faudra aussi tenir compte de son impact sur le pouvoir d'achat des ménages, en particulier les plus modestes.

La CMP a par ailleurs confirmé la suppression de la taxe sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac, sans doute incompatible avec le droit communautaire et difficilement applicable en l'état.

S'agissant des dépenses de la branche maladie, il a été décidé de maintenir la limitation aux actes coûteux du devis préalable sur les tarifs des professionnels, réintroduite par le Sénat. À mon initiative, la CMP a toutefois prévu que cette information soit systématiquement remise à l'assuré, lorsque le professionnel doit effectuer un acte au cours d'une seconde consultation, quel que soit le montant des honoraires.

M. Jean-Marie Le Guen – Quelle avancée !

M. Yves Bur, rapporteur – L'Assemblée nationale avait décidé que les modalités selon lesquelles les médecins en secteur 2 pouvaient s'engager à proposer une offre minimale d'actes sans dépassements seraient définies par les partenaires conventionnels. La CMP n’a pas souhaité réintroduire ces dispositions ; il n'y avait pourtant là rien de stigmatisant ou même de révolutionnaire dans cette proposition, inspirée d’ailleurs d'un dispositif prévu par les partenaires conventionnels eux-mêmes dans la convention médicale de 1990 !

M. Jean-Marie Le Guen – Exit !

M. Yves Bur, rapporteur – Peut-être auriez-vous pu soutenir davantage cette proposition ? Je suis convaincu que ce chapitre n'est pas clos ; il faudra suivre les négociations conventionnelles sur la création d'un secteur optionnel avec une attention particulière.

Il en va de même pour les inégalités territoriales en matière d'offre de soins. Les partenaires conventionnels, après l'organisation prochaine des États généraux sur l'organisation de l'offre de soins, devront définir des instruments. Deux apports du Sénat sont particulièrement intéressants : ils visent à promouvoir le développement des maisons de santé – article 31 – et à reconnaître le statut de médecin salarié – article 33.

Les dispositions introduites par le Sénat concernant la création d'une banque de données sur les médicaments et les dispositifs médicaux – article 29 – ont été supprimées, car les données scientifiques et économiques de l'AFSSAPS et de la Haute autorité de santé devraient être bientôt accessibles.

Les dispositions concernant la consultation de l’Union nationale des organismes d’assurance complémentaire sur tous les tarifs des actes et prestations – article 29 bis A – ont été également supprimées, compte tenu des modifications déjà apportées à l'article 25 par l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, la CMP a décidé de rétablir les dispositions introduites par l'Assemblée nationale à mon initiative, afin de promouvoir la télétransmission des feuilles de soins – article 31 bis. À l’article 33 ter, elle a maintenu les dispositions modifiant le contenu du devis présenté par les audioprothésistes ; toutefois, il me semblait préférable d'en rester à la réglementation actuelle qui permet à l'assuré de connaître, de manière distincte, le prix de l'appareil et celui de la prestation

M. Jean-Marie Le Guen – Exit !

M. Yves Bur, rapporteur – L'obligation pour les pharmaciens de dispenser des grands conditionnements – article 35 – et l'incitation pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire à s'inscrire dans le parcours de soins – article 35 ter – ont été maintenues.

À l’article 36, la CMP est parvenue à un accord pour rétablir le droit de masquage des informations figurant sur le dossier médical personnel – DMP –, supprimé par le Sénat. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles les professionnels accédant au DMP pourront avoir connaissance du masquage d'informations par son titulaire, seront précisées par voie réglementaire.

M. Jean-Marie Le Guen – C’est de l’acharnement thérapeutique !

M. Yves Bur, rapporteur – Pour autant, une concertation devra avoir lieu sur ce projet d’une importance stratégique et les enseignements devront être tirés des retards constatés dans sa préparation.

Concernant l'article 39 qui réforme le régime d'ouverture des officines de pharmacie, la CMP s'est ralliée à la position de l'Assemblée nationale fixant à cinq ans le délai pendant lequel les licences des pharmacies ayant fait l'objet d'un regroupement sont gelées.

M. Jean-Marie Le Guen – Ah, ça c’est important !

M. Yves Bur, rapporteur – S’agissant de la tarification à l'activité, la CMP a retenu le texte adopté par le Sénat qui favorise l'externalisation à des entreprises privées de certaines fonctions logistiques, en autorisant la mise à disposition auprès de ces entreprises de certains agents, étendant ainsi à la fonction publique hospitalière une disposition récemment adoptée pour la fonction publique territoriale. L’article 42 améliore également, pour les établissements de santé en difficulté, l'articulation entre le plan de redressement et le contrat de retour à l'équilibre, tout en établissant une gradation dans les mesures prises pour rétablir leur situation.

Dans le but de favoriser une meilleure coopération entre les médecins libéraux et les établissements de santé, la CMP a rétabli l'article 44 bis dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, tout en prévoyant une extension aux établissements privés participant au service public hospitalier : en effet, la possibilité de faire appel à des praticiens libéraux leur est désormais reconnue.

À l'article 45, la CMP n'a pas voulu rétablir le mot « notamment » issu de la rédaction votée par l'Assemblée nationale. Celle-ci permettait, par exemple, de financer avec les crédits de la section V, la construction de salles de loisirs adaptées aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Je le regrette, alors même que le Professeur Ménard vient de remettre le rapport de la commission pour le futur plan Alzheimer, et que les crédits de l'ONDAM médico-social concernés sont sous-utilisés.

S’agissant de la branche Vieillesse, la CMP a amélioré la rédaction de l'article 53 B sur les clauses de révision des conventions d'adossement des régimes spéciaux au régime général. Elle a, sur ma proposition, assoupli le régime d'information des assurés sur la retraite progressive prévu par l'article 53 C, afin de ne pas imposer un chiffrage des pensions difficile à effectuer, et a supprimé l'article 53 D imposant d'employer 8 % de personnes âgées de plus de 55 ans. Toutes les autres dispositions sur l'assurance vieillesse introduites par le Sénat ont été approuvées.

S’agissant de la branche Famille, l'article qui permettra aux enfants lourdement handicapés de bénéficier de la prestation de compensation du handicap est fondamental. À l'initiative du Sénat, une expérimentation visant à mieux connaître les disponibilités d'offre de garde pour les jeunes enfants sera lancée, ce qui sera utile dans la perspective de la mise en œuvre du droit opposable à la garde d'enfant.

Je veux souligner l'importance du volet « gestion et fraudes » de ce PLFSS : convention d'objectifs et de gestion État-Union des caisses nationales de sécurité sociale ; amélioration de la performance de la gestion des organismes de sécurité sociale ; renforcement de la mutualité sociale agricole. Surtout, un ensemble complet de mesures destinées à renforcer les contrôles ainsi que la lutte contre les fraudes a été adopté.

Nous avons ouvert plusieurs chantiers au cours de nos débats – les niches sociales, la promotion de l’emploi des seniors, l’offre de soins et la désertification médicale. Les promesses que nous avons entendues seront jugées à l’aune de leur efficacité, car il n’est plus temps d’attendre.

M. Marcel Rogemont – Ce sont les actes qui nous intéressent !

M. Yves Bur, rapporteur – N’oublions pas non plus les dépassements d’honoraires, qui sont loin d’être marginaux. Les partenaires conventionnels feraient bien de les réguler… Mais le plus important chantier est le financement de notre protection sociale : nous ne pourrons pas continuer à accumuler des dettes en repoussant sans cesse leur paiement.

M. Marcel Rogemont – Eh non !

M. Yves Bur, rapporteurIl faudra du courage et de la constance pour rétablir un équilibre durable d’ici à 2010 ou 2012.

M. Marcel Rogemont –Tant que vous y êtes, pourquoi pas 2013 ?

M. Yves Bur, rapporteurLe texte qui nous est soumis est un excellent compromis (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC). Il est aussi noble de tendre à l’équilibre qu’à la perfection, car c’est une perfection de garder l’équilibre, écrivait Jean Grenier. Pour sauvegarder notre système de protection sociale, auquel nous sommes tous profondément attachés, il faudra concilier la responsabilité, notamment à l’égard des générations futures, et la solidarité, qui nécessite un effort constant de tous.

Pour toutes ces raisons, je vous propose d’adopter ce texte sans plus tarder (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen – Quel réquisitoire, Monsieur le rapporteur ! (Sourires) Sur tous les bancs, nous avons le sentiment de passer, une année encore, à côté de la crise sanitaire et financière à laquelle nous sommes confrontés, et ce non parce que nous ignorons ces difficultés, mais parce que nous les fuyons. Alors que tous louaient hier la remarquable accessibilité des soins en France, il y a eu une grave régression, due pour partie à la désertification médicale, qui ne résulte pas seulement d’un problème démographique mais aussi d’une véritable désorganisation, et pour partie à la généralisation des dépassements d’honoraires – parfois illégaux – et à la difficulté croissante d’accéder à des soins de qualité dans les hôpitaux.

Faut-il également rappeler la situation financière ? Nous allons voter un budget en déficit de 10 milliards d’euros, et les besoins de trésorerie excèderont 35 milliards, soit autant de dette cachée. À cela s’ajoutent les difficultés des régimes agricoles… De tout cela, la charge incombera aux générations futures, au risque d’une asphyxie du système.

Je rappelle également que nous nous appuyons sur des données caduques pour 2007 : la commission des comptes a annoncé que le déficit dépasserait de 300 millions les prévisions, et le niveau de la consommation médicale laisse penser que l’ONDAM sera pulvérisé. Le constat dont nous partons est donc en deçà de la réalité.

Le Parlement a bien essayé de réagir, mais la majorité n’a eu de cesse de repousser toutes les initiatives, pourtant modestes, qu’il s’agisse de la taxation des stock-options, des niches sociales ou encore des produits sucrés. Pis, la question des dépassements d’honoraires a été traitée en commission comme s’il s’agissait d’une pratique marginale, le plus souvent frauduleuse, alors que nous assistons à une véritable généralisation. L’idée de mieux informer les patients sur les tarifs pratiqués a été balayée, de même que les propositions – contestables à nos yeux – en matière de démographie médicale, renvoyées à des négociations qui auraient déjà dû avoir lieu...

J’ai également été étonné du débat considérable sur le dossier médical personnel : après le fiasco que nous avons connu, il serait sage de ne pas relancer la polémique. S’agissant du scandale absolu qu’est le chômage des seniors, aujourd’hui exclus du marché du travail, nous attendons également une réponse. « Travailler plus pour gagner plus » est un slogan à la mode, mais cela ne nous dispense pas de secouer le patronat sur ce sujet, et cela n’excuse pas que l’on oublie le pouvoir d’achat des retraités, qui souffriront de l’augmentation prévisible de l’inflation l’an prochain.

C’est à un jeu de dupes que nous avons été conviés, car vous continuez à repousser les échéances financières et sociales. Notre système de soins est pourtant à bout de souffle. Il se désagrège sous nos yeux ! Mais votre propre incurie vous arrange peut-être si vous souhaitez imposer demain une solution que les Français rejettent : la privatisation de l’assurance maladie.

M. Jean-Marc Roubaud – C’est effectivement la solution !

M. Jean-Marie Le Guen – Eh bien ! Vous avez le mérite d’assumer clairement cette position… L’entière vérité, c’est que vous laissez s’effondrer la protection sociale pour bâtir un système privé sur ses ruines. Tous les pays ont pourtant renoncé à cette solution, qui est au cœur du débat politique aux États-Unis, où la privatisation a suscité des surcoûts considérables, une aggravation des inégalités, mais aussi des problèmes de santé publique et d’accès aux soins. Avec 15 ans de retard, c’est vers cela que nous tendrions ?

Il ne s’agit pas de conserver pour la seule fin de conserver, mais de réformer pour faire vivre nos valeurs de solidarité.

Oui, notre système d’organisation des soins est déficient. Oui, l’organisation actuelle de notre médecine libérale, avec le dispositif conventionnel, est défaillant. Nous devons mettre en place une territorialisation et une planification des politiques de santé, et faire évoluer les modes de rémunération.

J’espère donc que vous voterez cette exception d’irrecevabilité. Nous pourrons ainsi reprendre sérieusement le débat, projet contre projet, et sortir de l’hypocrisie qui consiste à laisser pourrir la situation. Ce PLFSS est celui du scandale des franchises, dont les conséquences sociales sont incalculables ; il ne repose sur aucune vérité des comptes ; enfin il bafoue un principe fondateur, celui du droit à la santé, laissant le champ libre à la privatisation – alors que les Français ne vous ont jamais donné ce mandat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

M. Dominique Tian – Ce texte est parfaitement recevable. Les débats ont été fort intéressants, tant en commission qu’en séance publique, et de nombreux amendements ont pu être adoptés. Le travail du Sénat a été tout aussi remarquable, et la CMP de mardi matin nous a de nouveau permis d’avoir des débats de qualité. Bref, le texte a été véritablement enrichi.

M. Roland Muzeau – Il y en a aussi qui sont plus riches à la sortie !

M. Dominique Tian – Il a été l’occasion de débats fructueux avec le Gouvernement. Je pense notamment aux stock-options, au maintien de la liberté d’installation des médecins et aux franchises, qui permettront d’affecter 850 millions d’euros à la lutte contre la maladie d’Alzheimer et contre le cancer ainsi qu’aux soins palliatifs, puisqu’un amendement adopté à l’initiative de Jean-Pierre Door précise que le Gouvernement s’y engage.

Mme Martine Billard – On y croit !

M. Dominique Tian – Enfin, ce texte est courageux. Certains gouvernements précédents ont du reste leurs responsabilités dans la situation actuelle, Monsieur Le Guen (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Nous assistons chaque année au même cinéma au moment du PLFSS. Celui-ci est courageux, sincère et nécessaire. Le groupe UMP ne votera donc pas cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Roland Muzeau – Êtes-vous donc amnésique, Monsieur Tian ? Comment pouvez-vous oublier ces six années d’échec patent ? PLFSS après PLFSS, vous n’avez réussi qu’à embourber les comptes sociaux. En 2002, les comptes étaient dans le vert, pour toutes les branches : vous les avez tous mis dans le rouge ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Quel bilan ! On aurait pu penser qu’après le rapport de la Cour des comptes, vous alliez enfin faire preuve d’un peu d’audace. Il y en a bien eu un peu – mais pour notre part nous n’y avons jamais cru – sur les stock-options. Manque de chance, la CMP s’est empressée de revenir sur ces dispositions au demeurant très modestes pour satisfaire aux exigences de Mme Parisot : vous avez capitulé en rase campagne ! Même chose pour l’amendement – un peu provocateur mais plein de bon sens – du président de la commission des affaires sociales du Sénat sur l’emploi des seniors : il a été liquidé en CMP !

Ce PLFSS est donc un PLFSS d’échec. Vous allez droit dans le mur. Les franchises médicales sont un scandale de plus et une injustice inacceptable pour les accidentés du travail et les victimes de maladies professionnelles. Vous avez en outre refusé la totalité des propositions de l’opposition, en usant allègrement de l’article 40. Nous souscrivons donc pleinement aux propos de notre collègue Le Guen, et nous voterons cette exception d’irrecevabilité.

Mme Marisol Touraine – Comment exprimer notre déception ? Nous avions abordé cette discussion avec la volonté de faire aboutir un certain nombre de propositions, et nous avions le sentiment qu’un vrai débat pouvait s’engager. Du moins constatons-nous que le temps aidant, les arrière-pensées se révèlent enfin. Nous n’avons cessé de dénoncer un certain nombre de dispositions de ce texte, au premier rang desquelles l’instauration des franchises. Pour la première fois, on officialise l’idée que les patients sont responsables de leur maladie et qu’ils doivent en assumer l’essentiel des conséquences financières. Nous avons dit que ces franchises – dont le montant augmentera à n’en pas douter dès l’année prochaine – remettaient en cause les principes fondateurs de notre sécurité sociale. On nous a répondu qu’il s’agissait de sauver le système et de faire preuve de responsabilité. Et on nous avoue enfin ce matin que l’objectif de la majorité est bel et bien la privatisation de notre système de protection sociale !

M. Yves Bur, rapporteur – Non !

M. Jean-Marie Le Guen et M. Marcel Rogemont – Il l’a dit !

M. Yves Bur, rapporteur – Il s’agit d’un député !

Mme Marisol Touraine – Du moins a-t-il eu la franchise de révéler les arrière-pensées du Gouvernement ! Assumez-le, Madame la ministre ! On nous a dit que nous avions trop d’imagination. Mais la majorité a bel et bien l’intention de laisser le champ libre à la privatisation – et votre préférence va d’ailleurs à la capitalisation pour les retraites.

Reprenant une antienne que nous connaissons maintenant bien, M. Tian nous explique pour sa part que la gauche serait responsable de la situation. Il y a pourtant un moment où il faudra que vous cessiez de vous défausser… (« Les 35 heures ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Marcel Rogemont – Vous n’avez qu’à les supprimer !

Mme Marisol Touraine – En 2002, les comptes de la sécurité sociale étaient en équilibre : cet argument ne fonctionne donc plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

L'exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Martine Billard – Ce PLFSS a été marqué par deux mesures. D’abord les nouvelles franchises. Nous sommes là dans la continuité : de nouveau, ce sont les malades qui sont traqués jusque dans leurs moindres gestes. Il y a eu la franchise d’un euro sur les consultations médicales, puis sur les examens biologiques ; voici maintenant la franchise de 50 centimes sur les achats de médicaments, les actes infirmiers et de kinésithérapie, et les 2 euros sur les transports en ambulance. N’oublions pas les 16 euros du forfait hospitalier et le forfait sur les actes chirurgicaux lourds. Nous arrivons à 100 euros par an, plus les forfaits. Bref, plus vous êtes malade, plus vous payez ! Il n’y a en tout cas aucune franchise dans ces franchises. Il s’agissait au départ, nous avait-on dit, de responsabiliser le patient. Comme cela ne passait plus auprès de l’opinion, on essaye maintenant de nous « vendre » la lutte contre la maladie d’Alzheimer et le cancer et le développement des soins palliatifs. Soit dit en passant, le plan du précédent Gouvernement pour les soins palliatifs n’a pas donné les résultats escomptés. Aujourd’hui, vous recourez de nouveau à cet argument pour justifier les franchises.

En somme, la solidarité ne s’exerce qu’entre les malades ! Selon le principe éprouvé qui veut que l’on divise pour régner, vous dites à ceux qui ont une entorse ou une jambe cassée qu’ils ne devraient pas se plaindre, car les malades du cancer souffrent plus encore ! Et plus le mal est grave, plus l’on doit payer…

La deuxième mesure annoncée avec tambours et trompettes concernait la taxation des stock-options. On allait voir ce qu’on allait voir : le Président de la République lui-même avait dénoncé des abus…

Mme Marisol Touraine – Absolument.

Mme Martine Billard – Or, nous disiez-vous, lui agit au lieu de parler !

M. Patrick Roy – Il l’a bien oublié !

M. Marcel Rogemont – Pour être augmenté de 172 %, il a su agir !

Mme Martine Billard – Notre courageux rapporteur Yves Bur, dont la bonne foi n’est pas en cause, est parti à l’assaut, déposant un amendement ad hoc. Malheureusement pour lui, la vague n’a pas tardé à s’échouer… Face à l’évaluation fournie par la Cour des comptes, selon laquelle les recettes issues de la mesure auraient pu atteindre 3 milliards, la majorité a pris peur : des centaines de milliers de bénéficiaires des stock-options risquaient de quitter la France… un peu comme en 1981, lorsque l’on craignait de voir les chars soviétiques envahir Paris ! La taxation a donc été limitée, et les recettes qui en auraient résulté ramenées à 250 millions ; mais un prélèvement immédiat semblait encore trop audacieux au Sénat, qui, menacé d’apoplexie, voire d’infarctus, a reporté à 2011 l’application de la mesure… suivi, hélas, par la CMP.

M. Yves Bur, rapporteur – Grâce à l’abstention des députés socialistes et communistes ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR)

Mme Martine Billard – En somme, la montagne du PLFSS a accouché d’une souris pour les riches… mais d’un monstre pour les malades !

Les préretraités, surtout les plus modestes, n’ont pas non plus eu droit à la même attention de la part de notre Assemblée, du Sénat et de la CMP. Eux qui ne risquent guère de fuir la France pour rejoindre des paradis fiscaux seront taxés à 7,5 % au titre de la CSG dès le 10 octobre – et non à la date de promulgation de la loi, par crainte, prétend-on, d’un effet d’aubaine que l’on ne fait que repousser à 2011 s’agissant des stock-options… Malheur aux pauvres : voilà le slogan de l’UMP !

Le texte supprime également la taxe sur le chiffre d’affaires des fabricants de tabac – autre recul – et renonce à encadrer les dépassements d’honoraires, sous prétexte que la mesure serait vexatoire pour les médecins…

M. Yves Bur, rapporteur – Là encore, du fait de l’abstention de nombreux élus de gauche !

M. Jean-Marie Le Guen – Monsieur le rapporteur, si vous voulez soutenir le PS, adhérez donc ! (Rires sur les bancs du groupe SRC)

Mme Martine Billard – Il s’agissait pourtant simplement de responsabiliser les médecins alors même qu’un rapport sur le sujet évoque des dépassements insupportables pour nos concitoyens.

Enfin, quant au masquage des données contenues dans le DMP, véritable serpent de mer, le dossier, qui n’a pu être instauré au 1er juillet 2007, ne le sera pas davantage au 1er juillet 2008 – ce n’est pas la majorité qui me contredira. Les Verts l’avaient du reste souligné au moment des débats : les expériences menées à l’étranger, comme l’état d’avancement de notre système informatique, empêchaient la création dans les délais prévus d’un dispositif auquel ils étaient plutôt favorables, à condition qu’il constitue un outil de santé plutôt que financier. À force de prétendre faire mieux que nos voisins, nous allons sans doute faire pire… ce qui est bien dommage.

En somme, ce texte se réduit à un PLFSS d’attente : la douloureuse viendra après les municipales, mais les banderilles – franchises et forfait généralisé – sont déjà plantées, et une fois la plaie ouverte, il suffira de l’élargir par décret pour que petite franchise devienne grande… C’est ainsi que le forfait hospitalier est passé de 3 à 16 euros. Inapte à résoudre les problèmes financiers comme les problèmes de santé, le texte se contente de reporter l’examen des questions de fond : démographie médicale, dépassements d’honoraires abusifs – à propos desquels on en reste au fameux « tact et mesure » –, surconsommation de médicaments, exposition aux risques de cancer et de maladies neuro-dégénératives – le nombre de malades réduits au protocole ALD aurait pourtant pu être limité par une politique de prévention –, santé au travail – que la politique d’augmentation du temps de travail par semaine, par mois et tout au long de la vie ne risque guère de favoriser…

En outre, le texte aggrave les inégalités d’accès aux soins et remet en cause le principe de solidarité entre malades et bien-portants, accentuant le démantèlement de notre système de sécurité sociale en favorisant les assurances privées – comme le souhaitent du reste nombre d’élus UMP, à la différence de notre rapporteur. Celles-ci n’hésitent même plus à nous vanter leurs mérites par l’intermédiaire de nos assistants parlementaires !

M. Yves Bur, rapporteur – Vous voulez parler de la mutualité ?

Mme Martine Billard – Non, d’une compagnie d’assurance bien connue…

L’accès rapide aux soins sera donc réservé à ceux qui peuvent continuer à payer ; les autres attendront des heures, voire des semaines, pour obtenir un rendez-vous dans des hôpitaux publics toujours moins bien dotés, dont les personnels courageux et dévoués ne peuvent néanmoins donner aux patients plus que ce qu’ils ont…

Voilà pourquoi nous devons voter contre ce PLFSS, qui fait peser des déficits vieux de six ans, contrairement à ce qu’a affirmé M. Tian…

M. Roland Muzeau – Eh oui !

Mme Martine Billard – …donc imputables à l’actuelle majorité, sur les Français, en particulier sur les plus malades et les plus modestes d’entre eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR)

M. Yves Bur, rapporteur – Sur les stock-options, la taxation de la contribution salariale, à laquelle j’avais proposé de revenir dès le 1er janvier 2008 afin d’accroître les recettes de la sécurité sociale, en particulier de l’assurance maladie, a été votée par l’Assemblée, mais amendée par le Sénat. Je regrette vivement que les députés et les sénateurs de gauche ne m’aient pas soutenu dans ce petit effort (« Petit, en effet ! » sur les bancs du groupe SRC) Au lieu de donner des leçons, assumez votre part de responsabilité ! Ce ne sont pas l’opposition systématique et le refus de tout pragmatisme qui vous ouvriront la voie de la rénovation…

M. Jean-Marie Le Guen – Rappel au Règlement. M. le rapporteur nous invite à un effort de rénovation ; j’aimerais pour ma part qu’il clarifie sa position en se ralliant sans ambiguïté à ceux qui souhaitent voir les stock-options assujetties aux niches sociales et en proposant une mesure raisonnable mais conforme aux attentes de nos concitoyens…

M. le Président – Nous sommes très loin du Règlement…

M. Jean-Marie Le Guen – Pas du tout : il s’agit du fonctionnement de la CMP ! Monsieur Bur, vous étiez si isolé que même les voix de gauche n’auraient pas suffi à faire obstacle au conservatisme congénital de votre majorité ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC)

M. Yves Bur, rapporteur – Une seule voix aurait suffi !

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

M. Patrick Roy – Ce PLFSS est une nouvelle déception. En instaurant les « franchises », il crée un nouvel impôt : un impôt sur les malades. C’est du reste le sentiment des Français, surtout les plus faibles, qui en sont les premières victimes. Contrairement aux principes mêmes de notre système de sécurité sociale, ce seront désormais les malades qui payeront pour les malades – ce n’est pas agréable à entendre, Mesdames les ministres, mais c’est la réalité ! Mais, comme l’a souligné Mme Billard, prenant pour exemple la maladie d’Alzheimer, les malades ne doivent pas se plaindre puisqu’il y a toujours plus malade qu’eux… Quelle injustice ! La honte vous laisse d’ailleurs sans voix.

En somme, depuis six ans, la majorité crée toujours plus d’impôt !

M. Georges Mothron – Il faudrait savoir !

M. Patrick Roy – Vous prétendez responsabiliser les malades, mais les victimes de l’amiante, empoisonnées sciemment, sont-elles responsables de leur maladie ? Elles devront pourtant payer, elles aussi ! Comment le justifierez-vous auprès des électeurs de vos circonscriptions ? Pour ma part, je ne manquerai pas de vous interpeller à ce sujet le moment venu.

Quant aux stock-options – ces revenus indécents –, la mesure adoptée par l’Assemblée, qui n’était à mes yeux qu’une mesurette soporifique, voire un placebo, a été jugée excessive par le Sénat, qui l’a quasiment fait disparaître. Honte à cette majorité qui taxe les petits pour mieux épargner ses amis, les plus grandes fortunes de France ! Décidément, le Sénat n’est pas l’assemblée de la sagesse, mais bien celle de la réaction !

Dans votre grande bonté, vous octroyez 1,1 % d’augmentation aux retraites, notamment aux petites retraites. Je rappelle que le Président de la République avait promis 25 % de revalorisation : il faut croire que cet engagement est désormais bien loin ! En deux ans, le pouvoir d’achat des petites retraites va encore baisser d’au moins 2 %. Un grand merci à la majorité pour cette mesure de progrès social !

Enfin, Mme Billard a eu raison d’insister sur la situation catastrophique dans laquelle se débat aujourd’hui l’hôpital public. Il suffit d’aller dans les services pour voir que la santé est devenue un luxe pour un nombre croissant de Français. Je participais hier au débat sur le projet de loi relatif à la consommation : force est de constater que, pour la droite, il faut toujours plus de grandes surfaces et toujours moins d’hôpitaux et de tribunaux.

Bien entendu, nous voterons la question préalable excellemment défendue par Mme Billard.

M. Jean-Marie Rolland – Il faut parler des franchises avec franchise et pragmatisme ! Comme l’a rappelé le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, dans le système actuel, les dépenses de santé seront toujours supérieures aux recettes…

M. Patrick Roy – C’est pour cela qu’il faut prendre l’argent où il est en taxant les stock-options !

M. Jean-Marie Rolland – Le progrès médical, l’allongement de la vie, le recours aux nouvelles technologies, l’usage de médicaments de plus en plus performants : tout cela a un prix, et personne ne peut faire croire aux Français que l’on peut toujours dépenser plus sans jamais devoir payer plus…

M. Patrick Roy – Il faut faire payer les riches !

M. Jean-Marie Rolland – L’opposition se plaît à diaboliser et à caricaturer les mesures de maîtrise qui nous sont proposées, alors même que nombre de pays européens les ont adoptées. Pour notre part, nous souhaitons financer les nouveaux besoins et maintenir le haut niveau de prise en charge garanti par notre système : 77 % des dépenses pour les assurés non porteurs d’une affection de longue durée, 92 % pour les ALD – hors complémentaire. La finalité des franchises est bien de couvrir les dépenses supplémentaires pour satisfaire les nouveaux besoins.

M. Patrick Roy – Eh oui, faites payer les pauvres et les malades !

M. Jean-Marie Rolland – Les franchises correspondent aux postes de dépense les plus inflationnistes et la solidarité sera préservée, puisque 15 millions de nos concitoyens en seront totalement exonérés (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Et je propose à M. Roy et à ses amis de comparer le système des franchises sur les médicaments avec l’instauration du ticket modérateur par le gouvernement Mauroy, en 1983… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Marie Le Guen – Quelle méconnaissance ! Le ticket modérateur ne date pas de 1983 : il existe depuis qu’a été créée la sécurité sociale !

M. Jean-Marie Rolland – Cela vous gêne que l’on rappelle que le ticket modérateur a été institué, lorsque M. Ralite était ministre de la santé et M. Bérégovoy ministre des affaires sociales ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Roland Muzeau – Qui vous a écrit cela ?

Mme Jacqueline Fraysse – Relisez votre histoire de la sécurité sociale !

M. Jean-Marie Rolland – Bien entendu, le réalisme et le pragmatisme commandent de rejeter la question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Luc Préel – Nous voici donc arrivés au terme des débats, puisqu'un accord a été obtenu en CMP. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit la somme considérable de 422 milliards pour financer les retraites du régime général, la politique familiale et les dépenses de santé remboursées par le régime de base. Le Sénat a finalement très peu modifié le texte d'origine. Si sa commission sociale avait voté des amendements pour améliorer le financement, ceux-ci ont disparu en séance publique et en CMP. La proposition d'Yves Bur de taxer les stocks-options, votée en première lecture, a été très atténuée et ne procurera pas de ressources complémentaires avant trois ou quatre ans.

Pourtant, il s'agit bien d'une loi de financement de notre protection sociale. Mais les dépenses sont-elles financées ? Après les réformes des retraites de 2003 et de l'assurance maladie en 2004 – présentée comme la « der des ders » –, nous devions atteindre l'équilibre des comptes en 2007. Nous en sommes bien loin ! En effet, si l'on intègre le FFIPSA, le déficit atteindra cette année 15 milliards d'euros et un nouveau déficit très important – de l’ordre de 10 milliards – est envisagé pour 2008. Rien n'est prévu pour les résorber, hors une autorisation d'emprunt qui atteint la somme colossale de 47 milliards.

Je rappelle qu’en présentant le rapport sur les comptes de 2006, Philippe Séguin avait jugé inacceptable une autorisation d'emprunt de 18 milliards, compte tenu notamment des frais financiers engendrés : que dira-t-il dans son rapport sur les comptes de 2008 ? Une telle fuite en avant ne saurait être pérenne. Heureusement, et nous lui en donnons acte, le ministre des comptes sociaux s'est engagé à revoir le financement de notre protection sociale : tous les espoirs sont donc permis !

Il est grand temps, car l'article 8 – curieusement fort peu médiatisé –, en reprenant des prévisions de recettes et de dépenses pour la période 2008-2012 calculées sur des bases très optimistes, aboutit à un déficit cumulé supplémentaire de 42 milliards pour le régime général et de 15,8 milliards pour le FFIPSA. Pour le Nouveau centre, chaque génération doit financer ses propres dépenses. Il est donc urgent de revoir en profondeur le financement de l’ensemble du système.

Pour ce qui concerne la branche famille, nous accueillons avec satisfaction la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant.

S’agissant de la branche vieillesse, la revalorisation des retraites sera très faible en 2008 – 1,1 % – et cela sera très difficile à faire accepter à des retraités qui ont déjà l'impression de perdre du pouvoir d'achat. Un rendez-vous est prévu en cours d'année. Et nous devrons en reparler lorsque nous évaluerons la réforme 2003.

Comme à l’accoutumée, l'essentiel de ce projet de loi concerne l'assurance maladie. À cet égard, il est vraiment regrettable que le Parlement ne se prononce que sur les seules dépenses remboursables et que n'ayons pas un débat général sur la politique de santé, la prévention, l'accès aux soins sur le territoire ou le rôle des financeurs complémentaires.

L'article central est bien entendu l'ONDAM. Présenté chaque année comme « volontariste et réaliste », il est systématiquement sous-estimé et dépassé, pour mieux être réactualisé l'année suivante ! Cela n'est pas sérieux. L'ONDAM n'est toujours pas médicalisé mais « économique », malgré de nombreux rapports plaidant pour sa médicalisation. Cette année, il augmente de 2,8 % pour atteindre 152 milliards : 2 % pour les soins de ville, 3,2 % pour les établissements. Sera-t-il tenu ? Espérons le. Mais lorsque l'on constate que les soins de ville auront augmenté de 4,5 % en 2007, on mesure l'effort qui reste à accomplir. Et lorsque l'on a en mémoire le fait que plus de la moitié des établissements de santé publics sont en déficit de près de 1 milliard, sans compter le compte épargne-temps, on peut aussi avoir des doutes !

Pour les hôpitaux, la tarification à l’activité passe à 100 %. Nous sommes d'accord pour que la dotation financière corresponde à l'activité réelle. Mais l'application de la TAA reste trop technocratique. Que deviendront les MIGAC ? Les tarifs seront-ils stabilisés ou encore appelés à baisser si l'activité augmente ? Sur quelles bases sera appliqué le coefficient de correction ? Aujourd'hui, la cotation des hospitalisations longues – comme les soins palliatifs ou la réanimation – demeure inadaptée : sera-t-elle modifiée ?

Vous le voyez, beaucoup d'interrogations subsistent à l'issue des débats. La mission Larcher permettra, espérons-le, de faire des propositions pour redonner le moral aux personnels et pour que les établissements dispensent, demain encore, les soins de qualité attendus par les patients.

La démographie des professions de santé et la couverture du territoire constituent des problèmes très sérieux. Les articles 32 et 33 ont été réécrits. Comme nous, le Sénat soutient les maisons médicales. Le Nouveau centre propose un ensemble de mesures : numerus clausus régional par spécialité, stage effectif de médecine générale au cours des études, bourses finançant les études contre un engagement à s'installer dans les zones déficitaires, maisons médicales pluridisciplinaires. Toutes ces mesures doivent être appliquées ensemble avec volontarisme, puis évaluées.

Je n'ai pas le temps de revenir sur les contrats individuels et les expérimentations de nouveaux modes de rémunérations : je voudrais à nouveau m'étonner du report de six mois de l'application des conventions. Cela veut-il dire, Madame la ministre, que vous déniez au directeur tout-puissant de la CNAM le sens de la responsabilité ? Il connaît les finances de la CNAM. Lorsqu'il signe un accord, n'est-ce pas en toute connaissance de cause ?

Enfin, quelques mots sur les franchises médicales. Le but qui leur était assigné a varié. Elles ne responsabiliseront pas le patient, puisque le plafond atteint, il n'y aura plus de frein pour le reste de l’année. Elles ne permettront pas d'économies réelles, puisqu'elles serviront à financer – très partiellement d'ailleurs – les plans Alzheimer, cancer et soins palliatifs. Mais leur défaut majeur, c’est que les maladies graves comme le cancer, le sida ou la sclérose en plaques ne seront pas exonérées. Dans les faits, les malades seront taxés de 50 euros et atteindront très vite le plafond.

M. Marcel Rogemont – Et les accidentés du travail ?

M. Jean-Luc Préel – Enfin, les assurances complémentaires ne pourront pas les prendre en charge dans le cadre des contrats responsables, ce qui revient à dire que la majorité des complémentaires ne les rembourseront pas. Seuls des contrats onéreux, réservés aux français financièrement à l'aise, pourront les rembourser, en intégrant le coût des franchises et la non-exonération fiscale.

Comme vous le savez, le Nouveau centre préconise la franchise cautionnée, qui présente l'immense avantage de responsabiliser l'adhérent tout au long de l'année et ne comporte pas de malus.

Ce projet de loi comporte plusieurs éléments inquiétants, le plus important étant le non-financement du déficit 2007 et du déficit prévisionnel pour 2008. Cependant, le ministre des comptes sociaux s'est engagé à résoudre ce problème pour que nos enfants n'aient pas à payer nos dettes. Les questions relatives à la démographie des professions de santé et à l’accès aux soins sur le territoire seront étudiées à l'occasion des états généraux de la santé, qui devraient déboucher sur des propositions concrètes.

Notre système de santé demeure trop morcelé, avec une séparation étonnante entre la prévention et le soin, la ville et l'hôpital. Cependant, les agences régionales de la santé devant permettre de désigner un responsable unique de la santé devraient voir le jour au cours de l'année 2008. L'hôpital connaît encore de nombreux problèmes : définition de ses missions, gouvernance et efficience. La mission Larcher fera prochainement des propositions qui seront très certainement prises en compte au cours de l'année prochaine.

En raison de ces perspectives de solutions, le groupe Nouveau centre, malgré de nombreuses et sérieuses réserves, votera le texte de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Jean-Marie Rolland – Au terme de ce débat, je n’aborderai que quelques points essentiels. Le PLFSS pour 2008 prévoit 414,8 milliards de dépenses et 422,5 milliards de recettes, toutes branches consolidées. Depuis la création de la sécurité sociale – à laquelle les Français sont légitimement attachés –, nous avons vu l’espérance de vie à la naissance des hommes passer de 60 à 77 ans, et celle des femmes de 65 à plus de 85 ans. Les médicaments se diversifient, et leur coût augmente à mesure qu’ils deviennent plus performants. Chaque patient y a pourtant droit : efforçons-nous de le leur garantir, qu’il s’agisse de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer – il sont 225 000 de plus chaque année – ou d’autres pathologies.

C’est l’objet de ce PLFSS solidaire et responsable, qui vise non seulement à redresser les comptes sociaux mais aussi à relever les nouveaux défis – l’Alzheimer, précisément, en est un – en dégageant de nouvelles recettes grâce aux franchises, efficaces mais trop souvent caricaturées, et à la taxation des indemnités de mise à la retraite ou des préretraites, car la France a trop longtemps sacrifié l’emploi des seniors au profit des jeunes. Or, chacun sait que le travail ne se partage pas ! Ce texte permettra également de clarifier les relations financières entre l’État et l’assurance maladie et de renforcer la lutte contre les fraudes. Naturellement, il ne résoudra pas définitivement la grave crise financière que connaît la sécurité sociale, mais il ouvre la voie à de nouveaux chantiers, et comporte des avancées telles que le différé des revalorisations tarifaires, l’extension de l’accord préalable, l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération ou le passage à la T2A dans tous les hôpitaux dont la gestion doit être plus dynamique. Songez que le fonds CMU reçoit parfois des facturations de ticket modérateur vieilles de plus de quatre ans !

S’agissant de la démographie médicale, l’inégale répartition des médecins sur le territoire crée une inégalité devant les soins qu’il faut supprimer. La différence va du simple au triple entre certains départements ! Le Président de la République et le Gouvernement ont eu le courage de s’attaquer au problème en incitant les partenaires conventionnels à la négociation. Certains professionnels se sont bruyamment inquiétés d’une prétendue remise en cause du principe de liberté d’installation. C’est par la concertation que vous leur répondez, Madame la ministre, en annonçant la tenue prochaine d’états généraux de la santé pour fixer le cadre des négociations conventionnelles.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports Tout à fait !

M. Jean-Marie Rolland – La question démographique trouve toute sa place dans la réflexion d’ensemble que mène le Gouvernement sur la modernisation de notre système de soins. La mission confiée à M. Larcher permettra par exemple de rapprocher la ville et l’hôpital via les agences régionales de santé. En matière de dépendance, où de nombreuses mesures de solidarité ont déjà été prises, de l’allocation personnalisée d’autonomie à la prestation de compensation du handicap, le présent texte augmente les moyens du secteur médico-social à hauteur d’un milliard.

En somme, voici un PLFSS qui ouvre la voie à de nouveaux chantiers…

M. Roland Muzeau – Et surtout au déficit !

M. Jean-Marie Rolland – …et à des réformes structurelles afin de s’assurer que notre système de santé reste solidaire et performant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marisol Touraine – Au terme de notre discussion sur ce texte, rien ne justifie de le voter, bien au contraire. Les réserves exprimées par M. Bur – qui ne l’empêchent pas d’approuver le projet – en témoignent : votre politique est incapable d’enrayer la dégradation des comptes sociaux. La tension sociale qui règne en ce moment révèle combien les Français n’ont plus confiance en leur système de santé. Face à cette inquiétude, vous ne savez que mettre les patients eux-mêmes en cause, en leur imposant des franchises. Dans le même temps, vous dilapidez d’emblée toutes les réserves budgétaires en distribuant les cadeaux fiscaux aux plus riches, tout en refusant toute augmentation des retraites supérieure à l’inflation.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Cessez de chanter toujours la même antienne !

Mme Marisol Touraine – La crise de nos comptes sociaux est grave. Hélas, vous espérez aujourd’hui des mêmes mesures que vous preniez hier un résultat qu’elles n’ont jamais produit !

Trois sujets motivent particulièrement notre refus de voter ce texte. Les franchises, d’abord, qui ne sont au fond qu’une taxe sur les malades : elles vont à l’encontre des fondements même de notre système de protection sociale. Vous-mêmes ne saviez comment les justifier, arguant d’abord qu’elles contribueraient à réduire le déficit social, puis à financer de nouveaux plans, concernant la maladie d’Alzheimer par exemple, et même à responsabiliser les patients. On a pourtant constaté l’absence d’effet sur leur comportement des franchises instaurées en 2004 ! Le seul résultat, c’est que 15 % des Français renoncent aujourd’hui à se soigner pour des raisons financières, et ils seront à l’avenir de plus en plus nombreux dans ce cas. Songez que la hausse de cinquante centimes sur une boîte de médicaments entraîne une augmentation de 4 % des assurances complémentaires ! Voilà où vous voulez en venir : transférer les fonds de la solidarité nationale vers l’investissement privé. Quant à responsabiliser des malades atteints de pathologies graves telles que le cancer, l’idée est tout simplement honteuse ! Comment demander à ces patients dont la vie même est menacée de restreindre leur consommation de médicaments ? Les franchises, en somme, sont une mauvaise idée : elles pénalisent les plus modestes, n’ont aucun impact sur la consommation et font presque de la maladie une faute, alors qu’elle est une épreuve.

Deuxième motif de refus : votre politique des retraites. Les socialistes estiment qu’il est urgent de les garantir durablement, comme le démontrent les mouvements sociaux actuels. La réforme des régimes de retraite est nécessaire à cette durabilité, mais l’allongement de la durée de cotisation n’est acceptable qu’à plusieurs conditions : la prise en compte de la pénibilité des métiers mais aussi la garantie du niveau des pensions – ce n’est pas le cas aujourd’hui, puisque seul l’emploi des seniors permettra de s’assurer que des carrières complètes peuvent être effectuées. Je regrette à cet égard que M. About ait retiré au Sénat un amendement que nous aurions voté, qui imposait aux entreprises d’employer un minimum de seniors.

Vous prévoyez une augmentation des pensions de seulement 1,1 % en 2008, alors que l’inflation sera au mieux de 1,5 %, et plus probablement autour de 2 % : vous aviez pourtant là une occasion de prouver votre engagement en faveur du pouvoir d’achat !

Enfin, le versement des retraites n'est pas garanti dans la durée, notamment lorsque nous serons confrontés à un pic entre 2020 et 2030, et dans une moindre mesure jusqu’en 2040. La seule solution serait d’alimenter le fonds de réserve des retraites mis en place par le gouvernement de Jospin, ce que vous refusez de faire.

Il aurait fallu lui apporter des ressources nouvelles, et nous avons dans ce but proposé d'instaurer une taxe de 8,70 % sur les plus-values réalisées sur les stock-options. M. Bur regrette que nous n’ayons pas voté en CMP la disposition qu’il proposait, incontestablement plus favorable que celle du Sénat, mais elle était à ce point insuffisante que nous ne pouvions pas le suivre.

M. Yves Bur, rapporteur – Ponce-Pilate !

Mme Marisol Touraine – Cet épisode aura en tout cas montré la mauvaise volonté du Gouvernement pour apporter des ressources nouvelles à notre protection sociale.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Jacqueline Fraysse – Le texte issu des travaux de la CMP n’est guère différent de celui contre lequel nous avons voté il y a trois semaines – il a plutôt évolué dans le sens d’une aggravation, et reste profondément marqué par votre volonté de soumettre la santé aux lois du marché.

Les principales dispositions que nous avions combattues, notamment l'instauration de nouvelles franchises et la généralisation aux hôpitaux publics de la tarification à l'activité, sont maintenues ; quant aux propositions que nous avions formulées, notamment en matière de recettes, elles n’ont pas eu davantage d’écho.

Pourtant, l’actualité n'a cessé de confirmer la justesse de nos préoccupations et de nous fournir de nouveaux arguments.

Ainsi, nous avions défendu des amendements visant à taxer davantage les laboratoires pharmaceutiques, les médicaments coûtant chaque année à la sécurité sociale plus de 20 milliards, soit un tiers des dépenses de ville. Tout confirme en effet la surconsommation médicamenteuse en France, et nous avions dénoncé les pratiques commerciales des laboratoires, notamment celles des visiteurs médicaux – dont la charte précise que « la visite médicale a pour objet principal d'assurer la promotion des médicaments auprès du corps médical et de contribuer au développement des entreprises du médicament ».

Or, le lendemain même du vote de l'Assemblée nationale, l’IGAS rendait enfin public un rapport sur ces pratiques. On peut d’ailleurs se demander si l’on n’a pas retardé sa parution, tant ses conclusions sont sévères. Il nous apprend que les laboratoires consacrent à la promotion 3 milliards par an, dont les trois quarts sont destinés aux visites auprès des praticiens, soit 25 000 euros par médecin généraliste ; et cette somme, ne l'oublions pas, est payée par la collectivité à travers le prix des médicaments remboursés. On comprend mieux les pressions, même inconscientes, auxquelles sont soumis les prescripteurs, et le fait que les Français consomment autant de médicaments, de préférence les plus chers !

Parmi les mesures que propose l’IGAS figure l’augmentation des taxes versées par les laboratoires. Cela permettrait de les responsabiliser, mais vous préférez responsabiliser les seuls patients. Comme l’a déclaré à la presse un consultant auprès de l'assurance maladie, « il n'y a pas de réelle volonté politique d'aller à rencontre des intérêts de l'industrie pharmaceutique ». Les révélations récentes sur les rejets toxiques dont s'est rendue coupable l'usine Sanofi-Aventis à Vitry-sur-Seine auraient pourtant dû, Madame la ministre, vous inciter à taxer plus fortement les laboratoires pharmaceutiques.

Il y a trois semaines, j'avais également dénoncé les dangers d'une généralisation hâtive de la tarification à l'activité pour les hôpitaux publics. Ce système de rémunération va en effet à l’encontre des missions de service public et favorise outrageusement ceux qui n'y sont pas soumis, c'est-à-dire les cliniques privées (M. Yves Bur, rapporteur, s’exclame). Certes la Fédération hospitalière de France était demandeuse, mais à condition que les missions spécifiques de l'hôpital public soient suffisamment prises en compte dans les enveloppes MIGAC et MERRI ; or ce n’est pas le cas.

Tout confirme que la T2A va à l'encontre de ces missions, et le Comité national d'éthique ne s'y est pas trompé : dans un avis qu'il vous a rendu le 30 juin dernier, mais que vous avez gardé sous le coude jusqu'à la semaine dernière, il déclare, en rappelant que « la santé publique ne peut être considérée comme un produit ordinaire, qu’en privilégiant la comptabilisation des actes techniques au détriment de l'écoute ou d'examens cliniques longs et précis, elle conduit à considérer comme non rentables beaucoup de patients en médecine générale, psychiatrie, gérontologie ou pédiatrie, dont le coût réel de prise en charge n'apparaît pas dans la grille de calcul ». Pardonnez-moi, mais on dirait du Jacqueline Fraysse (Rires) !

Incontestablement, la T2A favorise les cliniques privées, libres de choisir les spécialités qu'elles proposent et les malades qu'elles reçoivent. Et si les hôpitaux publics sont pratiquement tous en déficit, les cliniques privées, elles, se portent à merveille !

M. Jean-Marc Roubaud – Elles sont gérées !

M. Roland Muzeau – Ben voyons !

Mme Jacqueline Fraysse – Le 17 décembre, la Générale de santé, qui en gère quelques-unes, distribuera à ses heureux actionnaires un dividende exceptionnel de 420 millions ! Tandis que la sécurité sociale annonce pour 2007 un déficit de 11,7 milliards, que le Gouvernement crée une véritable taxe sur la maladie, et que les hôpitaux de ma circonscription – Max Fourestier à Nanterre et Foch à Suresnes – se voient imposer des plans drastiques de retour à l'équilibre, ce dividende exceptionnel suscite un certain malaise… En grande partie financé par l'assurance maladie, il ne résulte pas d'une gestion rigoureuse, mais du fait que ces établissements privés ne sont pas soumis aux obligations de service public des hôpitaux – dont il est désobligeant de faire passer les personnels pour des incompétents !

M. Jean-Marc Roubaud – Lisez le rapport de la Cour des comptes !

M. Yves Bur, rapporteur – L’hôpital est freiné par son statut.

Mme Jacqueline Fraysse – Preuve que la Générale de santé se soucie d'abord de ses intérêts financiers, elle a programmé la fermeture de la clinique de la Défense, considérée comme non rentable. Peu importe si l'offre de soins à Nanterre est déjà inférieure à la moyenne nationale !

Quelques mots enfin sur les retraites (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le refus des salariés de la SNCF et de la RATP de voir leurs régimes réformés pour aboutir à une baisse de leurs pensions de retraite est légitime, quand, tout en demandant ce nivellement par le bas, le président Sarkozy nivelle vers le haut son propre salaire ! Il agit comme ses amis les patrons lorsqu'ils s'octroient augmentations faramineuses, stock-options et parachutes dorés, tout en refusant la moindre augmentation à leurs salariés.

M. Yves Bur, rapporteur – On est loin des retraites…

Mme Jacqueline Fraysse – Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Dominique Tian – Avec ce premier PLFSS de la législature, le Gouvernement marque sa volonté de poursuivre le redressement des comptes sociaux…

M. Jean-Marie Le Guen – Quelle perspicacité !

M. Dominique Tian – Il pose les premières bases des réformes indispensables qui s'articuleront autour des missions des ARH, avec la création de groupements de coopération sanitaire, et le passage à la tarification à l'activité pour le système hospitalier. Ce texte va aussi dans le sens de la responsabilisation en instaurant des franchises très modestes plafonnées à 50 euros…

M. Roland Muzeau – Elles augmenteront l’année prochaine !

M. Dominique Tian – …dont sont exclues plus de 15 millions de personnes, les plus faibles économiquement, les femmes enceintes et les enfants mineurs.

M. Roland Muzeau – Les morts aussi ?

M. Dominique Tian – Les 850 millions d'euros qui en résultent seront consacrés à la prise en charge des cancers, à la maladie d’Alzheimer et aux soins palliatifs.

Mme Martine Billard – Personne n’y croit !

M. Dominique Tian – Le Gouvernement s'y est engagé et notre collègue Door a déposé un amendement en ce sens. Notons que la première franchise – le forfait hospitalier – a été instaurée par un gouvernement en 1983 !

M. Roland Muzeau – C’était une première connerie !

M. Dominique Tian – Peut-être, mais faite par un gouvernement de gauche !

Mme Jacqueline Fraysse – Pourquoi ne le supprimez-vous pas ?

M. Dominique Tian – Le PLFSS a fait l'objet de débats fructueux dans les deux chambres. S’agissant des problèmes de démographie médicale, la ministre a dit que les mesures d'incitation seraient privilégiées : il n'y aura pas de remise en cause de la liberté d'installation. Dans la même logique, les députés et les sénateurs ont fait preuve de sagesse en revenant à une situation plus équitable envers le travail peu qualifié qui, depuis la loi TEPA, est pénalisé par la non-prise en compte des temps de pause dans l'assiette des allègements Fillon.

Je me félicite que la CMP ait choisi, dans un souci de modération, l'amendement des sénateurs qui vise à n’appliquer la taxation des stock-options et distributions d'actions gratuites qu'aux titres attribués à compter du 16 octobre 2007.

M. Roland Muzeau – C’est l’amendement MEDEF !

M. Dominique Tian – Je rappelle que celles-ci sont déjà taxées à plus de 41 %, à la suite d'une décision d'un gouvernement socialiste !

M. Jean-Marie Le Guen – Faites passer la sébile !

M. Roland Muzeau – Bernard Arnault a gagné 326 millions d’euros cette année !

M. Dominique Tian – Le volet de lutte contre la fraude n'est plus un sujet tabou…

Mme Jacqueline Fraysse – Celle de l’UIMM ?

M. Dominique Tian – Des économies de plusieurs dizaines de millions d’euros pourront être réalisées, et surtout, il sera mis fin à une dérive dangereuse et immorale.

M. Roland Muzeau – Inspirez-vous de Jacques Chirac !

M. Dominique Tian – Il est judicieux que ce texte renforce le rôle essentiel des organismes d’assurance complémentaire en associant leur Union nationale aux décisions qui les concernent. Il s’agit d’un bon projet, qui comporte des dispositions ambitieuses pour 2008 ; il suppose la poursuite des efforts de maîtrise de dépense et concentre les efforts sur les besoins prioritaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marcel Rogemont – Je commencerai par féliciter Mme la ministre d’avoir accepté que les centres de planning familial soient autorisés à pratiquer des IVG médicamenteuses. Cette mesure était attendue, tant la détresse des femmes peut être grande. Je ne peux que l’encourager à continuer dans cette voie, en privilégiant l’éducation à la contraception et l’information : en effet, les jeunes filles sont de plus en plus nombreuses à subir des IVG, et il faut mettre fin à cette évolution.

Après les félicitations, l’amertume (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)…

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Cela avait pourtant bien commencé !

M. Marcel Rogemont – Je veux en effet évoquer les franchises médicales. De même que vous laissez accroire que les bénéficiaires de prestations sociales sont des fraudeurs, vous laissez reposer sur les seuls malades la responsabilité des dépenses médicales. À aucun moment, vous n’avez proposé une démarche plus générale, englobant par exemple ceux qui prescrivent les médicaments. Surtout, vous vous attaquez au principe de solidarité, fondateur de la sécurité sociale : dans cette logique de privatisation, les malades vont payer pour les malades.

S’agissant de la permanence des soins, vous avez bien vite retiré vos propositions sous la pression de quelques jeunes dans la rue. Le problème existe, même si vous l’avez laissé en jachère. Il conviendrait de mieux accompagner les nouvelles pratiques médicales, de réformer le dispositif de conventionnement et de traiter de l’inégalité d’accès aux soins sur le territoire.

Enfin, depuis 2001 – dernière année d’équilibre de la sécurité sociale – les déficits se creusent inexorablement.

M. Yves Bur, rapporteur – Vous avez laissé filer les dépenses !

M. Jean-Marc Roubaud – Et les 35 heures ?

M. Marcel Rogemont – Si elles sont si mauvaises, il fallait les supprimer ! Vous êtes en pleine contradiction.

M. Jean-Marie Le Guen – Démonstration imparable !

M. Marcel Rogemont – Madame la ministre, la responsabilité de ces déficits vous dépasse sans doute, car il faut les imputer aux gouvernements successifs et aux politiques économiques qu’ils ont – ou pas – menées. Mais le problème, c’est que vous taxez les personnes modestes pour mieux servir ceux qui ont du pouvoir d’achat.

M. Jean-Marc Roubaud – Démagogie !

M. Marcel Rogemont – C’est la raison pour laquelle, à la lecture de ce projet, je suis aussi empli d’amertume (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Les débats ont permis d'enrichir le projet et de prolonger la démarche du Gouvernement. Je salue tout particulièrement le travail remarquable accompli par M. Yves Bur, votre rapporteur. Le PLFSS, tel que vous l'avez amendé, est un texte de fondation qui engage la modernisation de notre système de sécurité sociale.

Mme Martine Billard – La maison risque de ne pas être très solide !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Ce projet donne toute sa portée au principe de responsabilité qui constitue la condition première du maintien de notre système solidaire. Le Gouvernement s'engage résolument à maîtriser les dépenses sociales, selon une logique d'efficience et non pas simplement comptable. Dès l'année prochaine, les mesures contenues dans ce texte et dans le plan d’urgence décidé en juillet permettront de ramener le déficit du régime général à 9 milliards.

Mesdames, Messieurs les députés de l’opposition, vous avez voulu évoquer les déficits : mais qui n’a pas pris ses responsabilités en matière de réforme des retraites ? Qui a laissé filer les dépenses maladies à la fin des années 1990, en 2000 et en 2001 – comptant sur l’augmentation de la masse salariale ? Les déficits d’aujourd’hui sont en partie imputables à cette période.

M. Marcel Rogemont – Vous êtes au pouvoir depuis six ans !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – La faiblesse de la croissance des recettes de 2002 à 2005 a masqué les efforts de maîtrise médicalisée.

M. Jean-Marie Le Guen – Votre politique fait fuir la croissance !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Nous l’avons compris et nous voulons apporter des réponses structurelles pour sauvegarder notre protection sociale. En 2008, la branche famille et la branche accident du travail retrouveront ainsi l'équilibre et le déficit du régime général d'assurance maladie sera ramené à 4,2 milliards, son niveau le plus faible depuis 2002.

Cet effort se traduit également par une progression de 2,8 % des dépenses d'assurance maladie, progression « ambitieuse mais réaliste », comme l’a dit Jean-Marie Rolland. Si l'on tient compte de l'impact de la franchise, c’est une évolution de 3,4 % de l'ONDAM, suffisante pour répondre aux besoins de notre système de santé, tout en consentant un effort notable en faveur des personnes âgées et handicapées. Je tiens d’ailleurs à rassurer M. le Guen qui s’était inquiété d’un éventuel dérapage : les chiffres en remboursement des derniers mois laissent apparaître une décélération de la croissance des dépenses.

M. Jean-Marie Le Guen – Ah bon ? La médecine de ville, 4,8 % !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Les propositions de votre assemblée, notamment sur les stock-options, ont permis également d'apporter des recettes précieuses pour notre système de solidarité.

Plusieurs mesures du volet santé de ce PLFSS permettront d’ailleurs de progresser dans la voie de la solidarité. M. Rogemont a bien voulu me féliciter pour les mesures concernant les IVG médicamenteuses. Il était en effet important d’étendre cette pratique aux centres de planification ou d'éducation familiale ainsi qu'aux centres de santé. Les efforts de prévention seront également renforcés grâce à la gratuité des dépistages et de la vaccination contre les hépatites virales dans les centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie.

Pour ce qui est de la protection de la maternité, ce projet de loi rétablit par ailleurs l'équité entre toutes les femmes, quel que soit leur régime d'affiliation. C’est une mesure de justice sociale peu commentée, mais à laquelle je suis particulièrement attachée.

Nous améliorerons également la prise en charge des nouveaux besoins de santé grâce à l’instauration de franchises qui rapporteront 850 millions d'euros, affectés à la lutte contre la maladie d'Alzheimer, aux soins palliatifs et à la lutte contre le cancer. Rappelons que 15 millions de nos compatriotes en seront exonérés, et que le taux de remboursement de notre système de soins restera l’un des meilleurs au monde – 78 % à ce jour.

M. Georges Colombier – Très bien !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Le principe de solidarité sera respecté, et je réfute totalement l’idée d’une « taxation », Madame Touraine. Il ne s’agit pas d’un prélèvement destiné à financer des dépenses d’autre nature, mais au contraire de réorienter des dépenses de l’assurance maladie. Un rapport rendra d’ailleurs compte – en toute transparence – de l’utilisation des franchises.

J’en viens à la nécessité d’une plus grande efficacité, désormais placée au coeur de notre stratégie de maîtrise des comptes et d'amélioration des soins. Comme l’a souhaité le Président de la République, nous commencerons par conforter la maîtrise médicalisée. Grâce à une meilleure gestion, nous soignerons mieux, notamment en évitant des incohérences inutilement coûteuses et parfois préjudiciables aux patients. Pour cela, la prescription doit être plus efficace et il faut que les parcours de soins gagnent en cohérence. Nous veillerons en contrepartie à améliorer la rémunération et les conditions d’exercice des professionnels de santé.

Dans le même esprit, nous demanderons à la Haute autorité de santé de se pencher sur l’adaptation des parcours de soins à chaque pathologie. Les professionnels de santé pourront en outre s'appuyer sur des logiciels indiquant le prix des produits de santé et le coût total de leur prescription.

Le principe d'efficacité impose également une accélération de la modernisation de l'hôpital : la T2A sera désormais appliquée à 100 % conformément aux souhaits de tous les gestionnaires publics (Protestations sur les bancs du groupe GDR).

M. Yves Bur, rapporteur – Très bien !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé  Nous veillerons à accompagner les établissements grâce à un dispositif de stabilisation sur lequel je ne crois pas utile de revenir. Le Gouvernement étant déterminé à soutenir cette réforme de grande ampleur, nous y affecterons l’an prochain des moyens supplémentaires.

Le PLFSS réserve une très large place à la négociation conventionnelle. J’indique ainsi à M. Préel que le renforcement de la procédure d'alerte n'entame pas le principe conventionnel : grâce à l’application d’une période d'observation avant l’entrée en vigueur de toute revalorisation négociée, nous nous assurerons au contraire que les objectifs sont en cours de réalisation, ce qui leur donnera une plus grande crédibilité.

En outre, ce texte donne mandat aux partenaires conventionnels pour définir les réponses les plus adaptées au problème de la démographie médicale afin de garantir l'accès de tous à des soins de qualité, à un tarif opposable. La permanence des soins sera également confortée grâce à des expérimentations portant sur la rémunération des professionnels de santé, et des mesures tendront à mieux informer les patients sur les dépassements d’honoraires afin de faciliter l’accès à des soins au tarif opposable.

Nos échanges sur la démographie médicale ont également permis d'aborder la question de la modernisation des pratiques médicales : les infirmiers pourront notamment procéder à des vaccinations antigrippales.

La solidarité ne se concevant pas sans la responsabilité, nous veillerons à renforcer les effort de lutte contre les fraudes – contrôle des bénéficiaires de l'aide médicale d'État, opposabilité de la contre-visite demandée par l’employeur, ou encore accès des organismes de sécurité sociale aux informations détenues par des tiers.

Ce projet de loi tend également à réaliser les réformes voulues par le Président de la République dans le domaine des retraites, de la branche « famille », des accidents du travail et maladies professionnelles, et enfin des personnes âgées ou handicapées.

Première rupture, nous ferons sauter les blocages dont sont victimes ceux qui voudraient continuer à travailler. Les préretraites et les mises à la retraite d’office seront ainsi découragées.

Pour ce qui est des familles, l'effort en direction des plus modestes sera accru et nous offrirons le choix entre le recours à une assistante maternelle agréée et le placement en crèche. Nous rendrons également les prestations plus efficaces, en les adaptant davantage aux besoins des allocataires : une majoration unique des allocations familiales sera instaurée à 14 ans, l’allocation de rentrée scolaire sera modulée en fonction de l’âge et nous simplifierons toutes les démarches.

S’agissant de la branche accidents du travail – maladies professionnelles, les efforts se poursuivront. Les fonds « amiante » bénéficieront d’abondements comparables à ceux de l’an passé, et les crédits du FCAATA augmenteront de 50 millions.

Ce projet de loi prend également toute la mesure de l'augmentation à venir du nombre de personnes âgées de plus de 85 ans – leur nombre devrait en effet passer d’un à deux millions. L’instauration d'une cinquième branche a été mise en chantier, et le projet prévoit 650 millions de crédits supplémentaires, notamment pour les maisons de retraite : 50 % de places supplémentaires sont prévues, et la médicalisation en cours se poursuivra. À cela s’ajoute la création de nouvelles places pour les enfants et les adultes handicapés grâce à une progression des crédits de 5,7 % ; des mesures supplémentaires seront financées pour un montant de 410 millions.

Les amendements qui ont été déposés sur ce texte ont permis d'améliorer les réponses du Gouvernement. De l'intensité des débats et de la qualité des interventions, je retire la conviction que la modernisation de notre système social est bien devenue une priorité. Mais ce PLFSS n'est qu’une première étape, et les mois à venir seront ponctués de nombreux rendez-vous. Comme le souhaitait le président Méhaignerie, nous poursuivrons sur la voie des réformes.

Des états généraux de l’offre de soins se tiendront en 2008, afin de revenir sur la démographie médicale et les dépassements d’honoraires ; compte tenu de l’augmentation croissante des besoins, nous réfléchirons aussi à une évolution des ressources de la sécurité sociale, en repensant les contours de la solidarité et de la responsabilité individuelle ; nous ouvrirons également le débat sur la structuration des dépenses : chacun doit-il recevoir, non plus selon ses besoins, mais selon ses moyens, ce qui pourrait conduire à envisager un bouclier sanitaire plafonné en fonction des revenus ; il faudra aussi avancer sur le DMP conformément à la feuille de route actuelle ; nous avancerons enfin dans la voie du pilotage et de la modernisation de notre outil de santé publique grâce à l’institution des agences régionales de Santé.

Si importantes et pressantes que soient les réformes à venir, rien ne pourra prendre forme sans le concours actif de personnels solidaires et motivés. Afin de soutenir les vocations et d'encourager les efforts de tous ceux qui contribuent, par leur engagement quotidien, à assurer un service hospitalier de qualité, nous lancerons un grand chantier de revalorisation des métiers de l’hôpital.

M. Georges Colombier – Très bien !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – Le Gouvernement est ouvert aux propositions sur tous ces sujets, car le concours de tous est indispensable. Nous sommes à la croisée des chemins. Ce texte réalisant un pas dans la bonne direction, je vous demande de l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Président – Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, j’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé – L’amendement 2 rectifié, de coordination, tire les conséquences de la CMP en modifiant les agrégats.

M. Yves Bur, rapporteur – Avis favorable.

L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Les amendements de coordination 1, 3, 4 et 5, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé L’amendement 6 est rédactionnel. Le 7 corrige une erreur de rédaction.

Les amendements 6 et 7, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé L’amendement 8 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 8, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous arrivons aux explications de vote.

M. Roland Muzeau – Ce PLFSS n’innove pas. Les assurés sociaux sont à nouveau mis à contribution, et victimes d’une réduction de l’offre de soins : ticket modérateur, forfait hospitalier, baisse du taux de remboursement des médicaments et, désormais, franchises médicales, auxquelles 70 % de nos concitoyens se déclarent pourtant opposés. Les conséquences de ces franchises seront désastreuses : elles dissuaderont les foyers modestes de recourir à temps aux soins, au risque d’accroître le recours à l’accès direct aux soins hospitaliers et à l’automédication. Dangereuse pour les personnes concernées, cette dérive l’est aussi pour la santé publique. Elle est aussi beaucoup plus coûteuse, et ne fera qu’aggraver le déficit historique de la sécurité sociale. Vous justifiez ces 850 millions demandés aux malades par la nécessité de les responsabiliser pour maîtriser les dépenses. En revanche, vous ne vous souciez guère des recettes : vous n’hésitez pas à dilapider les deniers publics en exonérations de cotisations patronales sans effet sur la croissance et l’emploi. Vous avez l’œil rivé sur le petit bréviaire des recettes libérales.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé Pas d’images cléricales ! (Sourires)

M. Roland Muzeau – Vous avez réussi le tour de force de mettre tous les comptes sociaux dans le rouge ! Cela fait des années que nous vous proposons en vain de réformer le financement de la sécurité sociale et d’élargir l’assiette des cotisations, la part des salaires dans le PIB ne cessant de diminuer au profit des marchés financiers. Il aura fallu une législature entière et l’insistance de la Cour des comptes pour que vous preniez enfin conscience de la nécessité d’instaurer une contribution sur les stock-options. La mesure était bien timide, mais c’était encore trop : la CMP y a mis bon ordre, comme le réclamait Mme Parisot.

Vous avez de même obtempéré aux exigences du MEDEF en refusant d’exonérer de franchise médicale les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. La gratuité des soins n’est pourtant que l’expression du droit à réparation qui est le leur. Non seulement ces personnes sont médiocrement indemnisées, mais elles devront désormais prendre à leur charge les conséquences du dommage qu’elles ont subi du fait d’autrui ! En quoi une victime de l’amiante ou un travailleur accidenté sur un chantier de construction est-il coupable ? Au nom de quoi devrait-il être responsabilisé ? De cette injustice, vous n’avez cure. Vous n’avez cure non plus de garantir la juste réparation de leur préjudice : vous avez décidé arbitrairement – et en contradiction avec toute la jurisprudence – de plafonner le montant des rentes en cas d’accidents successifs.

Nous avions saisi les ministères concernés pour obtenir leur accord sur deux amendements. Le premier visait à supprimer les franchises médicales. Le second proposait cette suppression pour les seules victimes d’ATMP. Vous avez refusé. Vous préférez cautionner les comportements frauduleux de certaines entreprises (Protestations sur les bancs du groupe UMP) comme Renault, quitte à mettre la branche en déficit. Vous détournez l’attention de nos concitoyens en prétendant hypocritement agir contre la fraude aux arrêts de travail quand il ne s’agit que de mettre les caisses sous la tutelle des médecins désignés par les employeurs.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

Mme Jacqueline Fraysse – Très bien.

M. Dominique Tian – Les franchises restent très modestes, Monsieur Muzeau : elles sont plafonnées à 50 euros, et plus de 15 millions de personnes en sont exonérées : les femmes enceintes, les enfants mineurs…

M. Roland Muzeau – Pourquoi faire payer les victimes d’accidents du travail ?

M. Dominique Tian – Les 850 millions d’euros qu’elles permettront d’économiser seront consacrés à la lutte contre la maladie d’Alzheimer et le cancer, ainsi qu’au développement des soins palliatifs.

M. Roland Muzeau – Pourquoi une victime de l’amiante devrait-elle payer pour la maladie d’Alzheimer ?

M. Dominique Tian – C’est la gauche qui a instauré pour la première fois les franchises en 1983, avec le forfait hospitalier. Nous n’avons donc de leçons à recevoir de personne !

M. Jean-Marie Le Guen – N’importe quoi !

M. Dominique Tian – Le texte de la CMP est excellent, et le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marisol Touraine – La CMP a encore durci un texte qui n’apportait de réponse ni au déficit croissant de la sécurité sociale, ni au problème du pouvoir d’achat des Français. Le texte est fondé sur une hypothèse inférieure à la prévision, s’agissant de l’inflation : vous savez donc que le pouvoir d’achat des retraités va baisser. Les catégories populaires et les classes moyennes connaîtront le même sort, puisque vous leur imposez des franchises ou une augmentation – pour ceux qui auront la chance de pouvoir se l’offrir – du coût de leur assurance complémentaire. Autant de mesures qui n’auront pas plus d’effet sur le déficit ou la responsabilisation des patients que n’en ont eu les franchises de 2004.

Parce qu’il ne s’agit pas d’un projet de fondation, mais d’un projet de renoncement, nous ne le voterons pas (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 11 heures 55, est reprise à midi.

DÉVELOPPEMENT DE LA CONCURRENCE AU SERVICE DES CONSOMMATEURS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

AVANT LE TITRE 1ER (suite)

M. Jean Gaubert – Rappel au Règlement. Les conditions d’examen de ce texte posent un problème…

M. Jean-Paul Charié – Je suis d’accord.

M. Jean Gaubert – Après les séances d’hier après-midi et hier soir, nous nous apprêtons à nous remettre au travail pour une heure seulement, avant de reprendre le débat lundi à 18 heures, de nouveau pour une heure ou une heure et demie. Même en siégeant au cours de la nuit de lundi à mardi, nous n’en aurons sans doute pas terminé, à en juger par le rythme qu’ont suivi jusqu’à présent nos discussions. Devrons-nous continuer jeudi ? Je l’ignore, mais je le dis solennellement : cela nuit à notre travail comme à la clarté de nos débats. Je souhaite donc, Monsieur le président, que vous fassiez part de notre sentiment à M. le Président de l'Assemblée nationale, mais aussi à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, puisque c’est lui qui fixe notre ordre du jour !

M. le Président – Je n’y manquerai pas. Afin de ne pas perdre davantage de temps, poursuivons l’examen des amendements.

M. François Brottes – J’ai bien compris, Monsieur le président, que vous étiez d’accord avec M. Gaubert.

L’amendement 78 s’apparente à l’un de nos amendements à la proposition de loi tendant à redonner confiance au consommateur, amendement dont nous avions longuement débattu et auquel M. Chatel, alors rapporteur, s’était déclaré favorable, comme de nombreux collègues. Il concerne la situation des personnes que la solidarité au sein d’une communauté – mariage ou Pacs – rend responsables des dérapages de leur conjoint lorsque celui-ci contracte de multiples crédits « rechargeables », dits « revolving », qui les endette à leur insu, par exemple lorsque le conjoint dissimule les lettres d’avertissement. Dans nos circonscriptions, de nombreux témoignages font état de ce type de situation. Les sommes engagées ne sont pas nécessairement très élevées : il s’agit de dépenses courantes qui s’accumulent d’autant plus aisément qu’il est beaucoup trop facile de contracter un crédit « revolving ».

Voté à l’unanimité par notre Assemblée, notre précédent amendement avait été rejeté par le Sénat au motif qu’il aurait porté préjudice à la consommation ! Mais, en renforçant la transparence au sein du couple, nous rendrions service à nos concitoyens.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques – Avis défavorable. J’étais tout à fait d’accord avec l’exposé des motifs, mais, si l’on y regarde de plus près, l’amendement se révèle contre-productif. En effet, le conjoint est déjà protégé par l’article 220 du code civil, selon lequel la solidarité entre époux ne concerne ni des dépenses manifestement excessives – eu égard au train de vie du ménage et à l’utilité de l’opération – ni les achats à tempérament et les emprunts au-delà de sommes modestes nécessaires aux besoins courants. En outre, l’article 1415 dispose que chaque époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint. Or, la double signature rendrait chacun des conjoints individuellement responsable des biens de la communauté ou de l’indivision, mais aussi des biens propres de l’autre, les privant ainsi de la protection que leur assure le code civil.

M. Jean-Paul Charié – Merci pour cette réponse très claire.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Monsieur Brottes, je tiens à préciser que, si l’Assemblée avait alors, comme la commission des affaires économiques, adopté à l’unanimité l’amendement que vous évoquez, c’était contre mon avis de rapporteur. Le Sénat l’a ensuite rejeté. Depuis lors, de même que sur les recours collectifs, je n’ai pas changé d’avis.

Devrait-on déclarer son statut matrimonial chaque fois que l’on contracte un crédit à la consommation ? Par exemple, en faisant des courses le samedi…

M. Jean-Paul Charié – Pour acheter un cadeau à sa femme ! (Sourires)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État En effet : ce serait impossible puisqu’elle ne serait pas là pour signer !

En outre, faudra-t-il ajouter des dispositions redondantes à celles qui, dans le code civil, protègent déjà les époux et qu’a rappelées M. le rapporteur, voire, s’agissant de l’article 1415, les contredire en privilégiant la responsabilité individuelle par l’obligation de la double signature ? Devrions-nous remettre en cause la pleine capacité de droit de chacun des époux, qui l’autorise à conclure seul un contrat n’exigeant pas le consentement de son conjoint ? À toutes ces questions, je réponds non (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes – Je comprends vos arguments, mais notre proposition concerne spécifiquement le crédit « revolving », c’est-à-dire l’accumulation dangereuse de petites dépenses courantes, et non les dépenses d’emblée excessives contre lesquelles les conjoints sont en effet déjà protégés. Un retraité de ma circonscription a été acculé au suicide parce que sa conjointe avait ainsi contracté 40 000 euros de dettes à son insu : c’est inacceptable ! La jurisprudence témoigne hélas des lacunes du droit en la matière. Vous parlez de cadeaux, mais on peut faire un cadeau sans recourir à un crédit « revolving » ! En revanche, je suis choqué que vous refusiez toute protection à ceux dont les dettes se creusent à l’infini parce qu’ils ont contracté ce crédit dans l’espoir de solder des dettes antérieures. Lorsque certains en viennent au suicide, le législateur est en partie responsable !

M. Jean Gaubert – Monsieur le ministre, notre amendement n’impose pas la signature du conjoint ; simplement, si celui-ci ne signe pas, sa responsabilité n’est pas engagée. Ce n’est pas du tout la même chose !

M. Jean-Paul Charié et M. Michel Raison, rapporteur – Mais c’est déjà le cas !

M. Jean Gaubert – Malheureusement non : un peu comme le temps de refroidissement du canon du fusil cher à Fernand Raynaud, l’endettement « raisonnable » qu’évoquait M. le rapporteur est bien difficile à apprécier, tant la notion est vague.

C’est bien de responsabilité individuelle qu’il s’agit ; pourquoi la faire peser sur l’autre ?

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Notre amendement 75 pourrait s’appeler « amendement de l’île de la tentation » (Murmures). Il n’est pas rare, en effet, que dans les temples modernes de la consommation, d’avenants commerciaux mènent une véritable entreprise de séduction auprès des consommateurs les moins avertis en réalisant une sorte de « trois-en-un » : rendre le produit désirable, conclure la vente et, pressentant que le client n’a pas les disponibilités nécessaires, refiler un crédit à la consommation avec un taux à deux chiffres, sans chipoter sur les conditions de solvabilité ! Pour éviter que ces avalanches de paillettes ne déclenchent des actes d’achat inconsidérés, notre amendement propose de séparer l’enceinte où se conclut la vente de celle où peut-être délivré un crédit à la consommation, en vue de laisser au consommateur un minimum de temps pour réfléchir au bien-fondé de sa décision. Nul n’ignore que ce sont souvent les emballements liés à des achats compulsifs qui plongent durablement dans le surendettement !

M. le Rapporteur – Je ne suis pas du tout d’accord sur cet amendement : avec ce type de proposition, vous tendez à instaurer une société triste, dominée par les interdits (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Brottes – Mais oui, endettez-vous dans la joie !

M. Arnaud Montebourg – Au diable l’avarice !

M. le Rapporteur – En outre, l’efficacité du dispositif proposé – qui vise aussi à interdire le démarchage à domicile du crédit revolving – me semble sujette à caution. La notion d’enceinte de vente n’est pas plus précise que celle d’endettement raisonnable, et vous pouvez faire confiance aux opérateurs pour la contourner. Enfin, il faut tenir compte de la responsabilité individuelle du consommateur : vous n’empêcherez pas un acheteur déterminé à s’endetter pour acquérir le bien qu’il convoite de le faire.

S’agissant du crédit revolving, la loi du 28 janvier 2005 a déjà renforcé la protection du consommateur en fixant le délai de rétractation à sept jours.

Permettez-moi de vous dire, chers collègues du groupe socialiste, que je ne partage pas votre hostilité de principe envers les crédits à la consommation.

M. François Brottes – Pas de caricature ! Soyez sérieux !

M. le Rapporteur – En diabolisant ces crédits, vous risquez de bloquer tout le système (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Aux termes d’un rapport récent, 47 % des ménages français sont endettés, le plus souvent au titre de l’achat de leur résidence principale. Cependant, 80 % des crédits sont remboursés sans incident, 8 % des dossiers font l’objet d’un incident résolu en moins de 60 jours, et 2 % seulement posent problème. Il ne faut donc pas exagérer l’ampleur du phénomène, et c’est pourquoi la commission a repoussé votre amendement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire  Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Monsieur Brottes, en voulant interdire la distribution des crédits dans les lieux de vente, vous allez compliquer singulièrement la vie des Français. Imaginez un couple qui se rend au centre commercial un samedi après-midi pour acheter un écran plat : si vous ne lui donnez pas la possibilité de contracter dans le magasin le crédit dont il a besoin, la vente risque de ne pas aboutir. Souvenons-nous que 40 % des ménages détenant un crédit à la consommation indiquent que, sans lui, ils n’auraient pas acheté le bien qu’il sert à financer. Attention à ne pas se priver d’un levier de croissance aussi essentiel.

En outre, l’effet pervers évident du dispositif que vous proposez serait de donner un avantage concurrentiel exorbitant aux organismes bancaires : si mon garagiste ne me propose pas de crédit, je traverse la rue et j’en demande un à la banque d’en face !

Enfin, comme l’a indiqué votre rapporteur, le code de la consommation contient déjà des dispositions protectrices – renforcées notamment par la loi du 28 janvier 2005 – et votre commission des lois vous proposera d’aller plus loin encore, en adoptant un amendement visant à transposer la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement 75, qu’il juge inutile et contre-productif.

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement. Cette nuit, nous avons rendu un hommage des plus justifiés à notre cher rapporteur et au secrétaire d’État, notre amendement sur l’action de groupe ayant failli être adopté (Murmures sur les bancs du groupe UMP), à l’issue d’un débat constructif et de haute tenue. Nous ne voudrions pas avoir à le regretter ! Que proposons-nous, ce matin encore ? De mettre un certain nombre d’obstacles sur la route qui mène dans le mur nombre de nos concitoyens surendettés. Or voilà que M. Raison nous reproche de vouloir instaurer une société d’interdits ! Mais, depuis la loi Scrivener, le législateur ne s’emploie-t-il pas, cher collègue, à protéger le consommateur, y compris contre lui-même ? Rompant avec la tradition juridique française dont témoigne le code civil, ce basculement est né de l’expérience de générations de parlementaires qui ont eu à connaître des situations inextricables dans lesquelles précipite le recours irraisonné au crédit personnel. Il faut bien savoir que celui qui s’adonne à l’acte de consommation ne reste pas toujours maître de tous ses moyens. Tout notre droit de la consommation s’est construit sur ce postulat.

En outre, prenez garde, chers collègues, à ne pas fonder tous vos espoirs de relance de la croissance sur les crédits à la consommation car, avec la réforme de la carte judiciaire, la moitié des tribunaux d’instance – compétents pour le surendettement – auront bientôt disparu ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Le surendettement crée un trouble sérieux dont le législateur ne peut se désintéresser. Il convient donc de renforcer encore la protection du consommateur car l’ingéniosité des organismes de crédit ne connaît pas de bornes. Lorsque pointe l’excès, il n’est pas temps de détourner le regard. Nous plaidons pour une société plus protectrice des plus faibles, et nous demandons par conséquent au rapporteur Raison de retirer son propos.

M. le Rapporteur – Je ne retire rien !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Un mot pour rappeler à M. Montebourg qu’il n’est pas acceptable de s’abriter derrière un rappel au Règlement pour développer des arguments de fond. L’article 56 vous permet de répondre à la commission ou au Gouvernement : usez-en, plutôt que de recourir à un faux rappel au Règlement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – J’avais bien compris que M. Montebourg s’exprimait sur la base de l’article 56.

M. Jean Gaubert – Arrêtez, Monsieur le rapporteur, de vous croire obligé de trouver des arguments pour contrer nos amendements, y compris ceux sur lesquels nous devrions tous nous retrouver ! Nous avons, cher collègue, des origines communes : lorsqu’un agriculteur très endetté vient nous trouver, nous l’incitons toujours à se demander pourquoi les banques sérieuses comme le Crédit agricole ou le Crédit mutuel n’ont pas voulu l’aider – par exemple à acheter un tracteur – et nous essayons de le persuader que dans ce cas, la solution n’était pas de contracter un crédit à la consommation avec un taux à deux chiffres auprès d’un organisme spécialisé ! En effet, c’est souvent en constatant le niveau d’endettement du consommateur que cet établissement lui propose un crédit à taux encore plus élevé. Vous parlez d’économie joyeuse mais sachez qu’elle ne touche pas tous les foyers, Monsieur le rapporteur !

D’autre part, vos propos sont en contradiction avec ceux du ministre, qui nous parlait du consommateur du samedi après-midi – avant, sans doute, de nous parler un jour de celui du dimanche… Mais le délai de rétractation évoqué par le rapporteur l’empêchera d’acheter sur-le-champ, quoi qu’il arrive ! À moins que, comme je l’ai constaté moi-même récemment dans un magasin d’électroménager, on ne lui propose d’antidater la facture !

M. François Brottes – Voilà un vrai morceau de vie quotidienne, Monsieur le ministre !

M. Jean Gaubert – De surcroît, certains vendeurs sont rémunérés en fonction du nombre de crédits à la consommation qu’ils vendent : c’est anormal, et même illégal.

M. Christian Jacob – Mais votre amendement n’y répond pas !

M. Jean Gaubert – Si, car en restant dans une même enceinte, on a souvent affaire à un seul vendeur (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Thierry Benoit – Cet amendement est utile, car il responsabilisera le consommateur du samedi après-midi en l’encourageant à s’interroger sur le financement de son téléviseur avant même de se déplacer au magasin (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC). On sait bien, en effet, que le crédit à la consommation concerne surtout les publics les plus vulnérables.

M. André Chassaigne – Cet amendement me contrarie : j’aurais voulu le déposer moi-même ! (Sourires) Nous savons tous que l’endettement et le surendettement sont de vrais problèmes. Il est d’autant plus compliqué pour les élus locaux d’accompagner ceux qui en pâtissent que l’on ne cesse de réduire le nombre d’antennes de la Banque de France dans les régions !

Comment y répondre ? Grâce à l’éducation populaire d’abord, à l’école et tout au long de la vie, afin que le consommateur agisse aussi en citoyen. Grâce à des mesures telles que cet amendement, aussi, pour empêcher certains achats liés à une addiction qui est d’autant plus grave qu’elle affecte les plus défavorisés. Pourquoi le rapporteur s’y oppose-t-il ainsi ? Craint-il que l’on réduise l’activité, et donc les dividendes, de la grande distribution ? S’inquiète-t-il de voir certains profits échapper aux banques, quitte à mettre des consommateurs déjà vulnérables dans la difficulté ? Au fond, Monsieur le rapporteur, ce n’est pas une réponse de bon sens que vous nous faites, mais une réponse de classe ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob – Je suis défavorable à cet amendement qui se fonde sur la notion d’enceinte. On pourra facilement le contourner en changeant de site, tout simplement ! Le vrai problème concerne la responsabilité des organismes de crédit, mais cela, vous n’y répondez pas (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Mme Laure de La Raudière – Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour – M. Jacob a raison : le surendettement, voilà le problème de fond. Certes, votre amendement a un air démocrate-chrétien très sympathique puisqu’il incite à résister à la tentation (Sourires). Néanmoins, il sera partout contourné ! Passons plutôt au débat sur les organismes prêteurs, qui fait l’objet de plusieurs amendements à venir. Celui-ci est inefficace : nous voterons contre.

M. François Brottes – Notre souci, en l’espèce, est de protéger le consommateur d’un acte pouvant induire son surendettement. À acheter dans la joie, on se retrouve souvent dans la tristesse ! Pour satisfaire aux objections qui viennent d’être soulevées, je proposerai à l’un de mes collègues, ne pouvant le faire moi-même, de sous-amender cet amendement en précisant que l’ouverture d’un crédit ne peut être proposée par le même vendeur que celui qui effectue la vente. Il faudra donc non seulement deux enceintes différentes, mais aussi deux interlocuteurs avant de s’emballer sur un article.

M. André Chassaigne – Je propose volontiers ce sous-amendement qui vise à ajouter les mots : « ou être proposés par un même vendeur ».

M. le Président – Ce sera le sous-amendement 317.

M. Michel Raison, rapporteur – Avis défavorable. Je remarque que je ne suis le rapporteur préféré des socialistes que lorsque mes convictions leur plaisent. En l’occurrence, je ne le suis plus ! On me reproche d’être parfois en désaccord avec le ministre : rien d’anormal à cela. C’est le résultat de la séparation des pouvoirs : voilà comment fonctionne notre démocratie ! Quant aux tribunaux, dont M. Montebourg déplorait la diminution, personne ne parle de les supprimer, mais simplement de les regrouper ! (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR, applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Gaubert – Quel humour !

M. Michel Raison, rapporteur – Ma conviction n’a pas changé : cet amendement ne résoudrait aucun problème. Vous voulez simplement que celui qui vend la télévision ne propose pas lui-même le crédit, mais demande de le faire à la personne qui se trouve dans la pièce à côté – laquelle, n’ayant même pas à s’occuper de vendre le produit, sera encore meilleure pour vendre le crédit !

M. François Brottes – Un peu de sérieux !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État  Monsieur Brottes, au motif de protéger le consommateur, vous voulez le mettre sous tutelle. Nous considérons, nous, que le consommateur, à qui il convient de fournir un certain nombre d’informations, est responsable et libre de ses choix.

M. André Chassaigne – Cela arrange bien certains !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Pour les crédits revolving, la personne qui établit le contrat est d’ailleurs déjà différente de celle qui vend le bien.

Cet amendement, qui déresponsabiliserait les consommateurs, pourrait avoir un impact sur la consommation : la part de ceux qui n’auraient pas acheté leur bien s’ils n’avaient pas bénéficié de crédit, qui est de 40 %, atteint 46 % pour les crédits revolving. Avis défavorable donc, y compris au sous-amendement.

Le sous-amendement 317, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Gaubert – Monsieur le ministre, que je sache, c’est plutôt sur les bancs de vos amis qu’on parle de mettre les allocations familiales sous tutelle (« Rien à voir ! » sur les bancs du groupe UMP). Eh bien si, d’autant qu’elles servent parfois à rembourser les crédits à la consommation ! Il faut reconnaître que l’on abuse parfois, dans les magasins, de la faiblesse de certaines personnes, et que les crédits à la consommation génèrent de grosses marges – cyniquement conçues pour compenser l’incapacité de certains consommateurs à tout rembourser, laquelle conduit les autres à payer pour eux .

M. Daniel Fasquelle – C’est lamentable, vous parlez de tout et n’importe quoi pendant des heures !

M. le Président – Veuillez en venir à votre amendement 77, Monsieur Gaubert.

M. Jean Gaubert – J’y arrive (« Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP). Il tend à imposer la mention du taux d’usure sur la proposition de prêt. En commission, on a eu le culot de me répondre que ce n’était pas possible parce que ce taux changeait tout le temps. Pourtant, il en va de même pour un crédit à taux révisable !

M. Michel Raison, rapporteur – Monsieur Chassaigne, je ne ferai pas plus que tout à l’heure une réponse de classe. Cette formule m’offense, moi qui ai passé trois ans, au début de ma carrière professionnelle, à 60 % du SMIC, et qui ai – grâce au crédit – réussi à monter mon exploitation agricole.

Je n’ai pas davantage l’intention de refuser par principe les amendements socialistes, mais je ferai à M. Gaubert la même réponse qu’en commission. La détermination trimestrielle des seuils de l’usure met les professionnels dans l’impossibilité de disposer de formulaires d’offre préalable à jour (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). En outre, cet amendement risquerait d’avoir un effet contraire à l’objectif poursuivi, en induisant le consommateur en erreur : l’établissement de crédit pourrait en effet détourner l’information en argument publicitaire, en se vantant d’accorder un taux de crédit bien inférieur au taux d’usure – alors que l’écart est dû en réalité au mode de calcul du seuil de l’usure, lequel est égal à la moyenne des taux effectifs pratiqués au cours du trimestre précédent, majorée d’un tiers. Rejet, donc.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Monsieur Gaubert, je vous invite à demander aux passants dans la rue ce qu’est le taux de l’usure : peu le sauront… Je ne vois donc pas ce qu’apporterait la mention de cette information sur les contrats de crédit. Elle risquerait même d’avoir un effet pervers d’encouragement à la hausse des taux. Enfin, comme l’a dit le rapporteur, elle serait techniquement difficile, du fait du caractère naturellement fluctuant du taux d’usure. En conséquence, avis défavorable.

M. Daniel Fasquelle – Il est de mauvaise méthode législative de prendre prétexte de ce projet pour déposer des amendements tendant à modifier tout le droit de la concurrence et de la consommation (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. François Brottes – Nous ne sommes pas à l’Université, mais au Parlement ! Nous n’avons pas de leçons à recevoir !

M. Daniel Fasquelle – Pour notre part, nous avons déposé des amendements pour améliorer le texte, et nous aimerions pouvoir les défendre. Quant aux invectives, j’invite nos collègues à s’en passer.

M. Jean-Yves Le Déaut – Ce genre de propos, venant d’un nouvel élu, et qui montre une méconnaissance du fonctionnement du Parlement, crispe inutilement le débat. Depuis 21 ans que je suis dans cet hémicycle, j’ai vu comment, sur tous les bancs, l’on a usé, et parfois abusé, du droit d’amendement. Mais ce texte contient des dispositions monétaires, lesquelles justifient nos amendements.

Force est de constater l’augmentation des crédits à la consommation, qui sont parfois à la limite de la morale. J’ai vu un couple ayant 2 000 euros de revenus par mois, soit 24 000 euros dans l’année, qui a obtenu chez Provisio un crédit revolving de 6 000 euros ; au taux de 16 %, cela fait 90 euros d’intérêts qui partent chaque mois ! Oui, il y a des gens à qui on impose des taux proches de l’usure, et il ne faut pas s’opposer à cet amendement avec des arguments de mauvaise foi.

Il existe bien des techniques, utilisées pour les fiches de paye ou pour les prélèvements sociaux, qui permettent de faire varier les taux ! La question du taux d’usure est importante pour nos concitoyens ; il nous fallait la poser dans cet hémicycle.

L'amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée au lundi 26 novembre, à 18 heures.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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