Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques de la session > Compte rendu analytique de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 22 novembre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
62ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI ORGANIQUE SUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE POLITIQUE EN POLYNÉSIE

LOI SUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE POLITIQUE EN POLYNÉSIE
(DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique et du projet de loi, adoptés par le Sénat, après déclaration d’urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer – Les deux projets de loi, organique et ordinaire, qui vous sont présentés, après leur adoption par le Sénat, sont nés d’un constat unanime : les institutions issues du statut d’autonomie de la Polynésie française de 2004 ne peuvent plus fonctionner avec l’efficacité et la légitimité suffisantes. L’équilibre des pouvoirs et le respect des valeurs républicaines ne sont plus garantis.

Je suis allé souvent à la rencontre des Polynésiens, de ces femmes et de ces hommes qui font cette terre d’exception au milieu du Pacifique, et j’en ai acquis la conviction qu’il fallait donner un souffle nouveau à la démocratie locale. J’ai ressenti de la part de ces populations une forte attente, que nous n’avons pas le droit de décevoir. L’État ne saurait se soustraire à ses obligations de garant et de régulateur des institutions, et il est pleinement dans son rôle en prenant l’initiative de cette réforme de la gouvernance de la vie politique en Polynésie française.

Le statut du 27 février 2004 a fait le choix de l’autonomie renforcée de la Polynésie française au sein de la République. Le pari était ambitieux : il s’agissait de donner davantage de compétences à une collectivité qui avait démontré, de statut en statut, son aptitude à se gouverner librement, et qui a d’ailleurs connu un formidable développement économique au cours de la période 1990-2004. Cette ambition, le Parlement l’a faite sienne, dans le sens d’une autonomie toujours plus étendue, avec les lois de 1977, 1984, 1990, 1996 et 2004. Notre devoir, aujourd’hui, est de répondre aux préoccupations de ces populations et de remédier au dysfonctionnement de leurs institutions.

Notre objectif n’a pas changé : il est toujours de conférer à ce territoire une plus grande autonomie au sein de la République, comme le souhaite la majorité de ses habitants. Mais le statut de 2004 n’a pas tenu ses promesses. Le mode de scrutin a conduit à l’élection d’une assemblée locale…

M. Bruno Le Roux – Qui n’était pas celle que vous souhaitiez !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État …incapable de se doter d’un exécutif stable. Depuis trois ans et demi, nos compatriotes polynésiens ne comprennent pas que tant de projets soient différés, à cause de ce blocage. Ils me l’ont dit à chacune de mes visites. Ils ne supportent plus la situation actuelle, « les poisons et les délices » d’une vie politique qui se résume à des censures à répétition et à la paralysie institutionnelle, ni une classe politique qui ne sait pas se remettre en question.

M. Bruno Le Roux – C’est vous qui l’avez fabriquée !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Ils voudraient voir traiter les problèmes de leur vie quotidienne : le pouvoir d’achat, le logement, le désenclavement, l’Internet à haut débit…, mais tous les dossiers restent au point mort. L’exemple du contrat de projet que le Gouvernement avait prévu pour la Polynésie française, et qui n’a toujours pu être signé, est éloquent. Préparé en concertation, ce projet, d’un montant de 416 millions, est prêt depuis des mois.

M. Bruno Le Roux – Faites-le !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Il vise à relever les grands défis de l’aménagement de ce territoire : création d’un véritable service public de l’eau potable, préservation des lagons, mise en place de réseaux d’assainissement adaptés au développement du tourisme, du logement social, de la rénovation urbaine… Je ne veux pas croire que les élus polynésiens ne saisissent pas cette opportunité.

Mais les dossiers n’avancent pas, car l’État n’a pas d’interlocuteur assuré d’une longévité suffisante. À quoi peut servir une autonomie condamnée à l’impuissance ? Il existe bien un devoir constitutionnel d’intervention de l’État, quand la situation est à ce point instable et bloquée.

M. René Dosière – Dissolvez !

M. Bruno Le Roux – Le blocage, c’est vous !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Monsieur Le Roux, vous aurez l’occasion de vous exprimer. Faisons en sorte de respecter la solennité du débat, car c’est un respect que nous devons d’abord à nos compatriotes polynésiens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Donnez plutôt l’image d’un représentant de la nation qui ait à cœur l’intérêt général de la Polynésie française, au-delà des discours idéologiques et stériles.

L’intervention de l’État est très attendue. Les voix qui s’élevaient contre le projet de loi organique se sont affaiblies, preuve qu’elles n’ont pas trouvé un écho favorable dans la population locale. Si l’assemblée de Polynésie a émis un avis négatif sur le projet de loi organique, elle n’en a pas rejeté le contenu ; au contraire, elle a approuvé la plupart de ses mesures, notamment concernant la transparence de la vie politique. C’est pourquoi l’État se devait d’agir, en tirant les leçons du passé. Les lois adoptées depuis 1984 méritent d’être améliorées, et je suis à votre écoute, pour prendre ma part de ces leçons.

Le passé est désormais révolu. L’opinion publique s’est à quatre reprises – aux deux tours des élections présidentielles et des élections législatives – exprimée en faveur de la rupture.

M. Bruno Le Roux – Quelle rupture ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Notre projet ne fait que répondre au choix des Polynésiens eux-mêmes : M. Sarkozy a obtenu la majorité absolue des suffrages aux deux tours de l’élection présidentielle en Polynésie française, et deux députés ont ensuite été élus, en juin, sur un programme de rupture.

Dans ces conditions, le retour aux urnes, écourtant le mandat de l’assemblée élue en 2004, répond au souci de relégitimer les institutions de la Polynésie. La stabilité et la transparence sont les deux objectifs que nous poursuivons, et qui recueillent l’adhésion du plus grand nombre de Polynésiens, attachés aux valeurs de démocratie et de responsabilité. C’est parce que nous faisons confiance aux Polynésiens que nous voulons leur rendre l’autonomie dont ils se sentent aujourd’hui dépossédés, du fait de jeux politiciens plutôt médiocres.

Le renouvellement de l’assemblée de Polynésie est la première condition pour rendre aux Polynésiens confiance en leurs institutions. Mais elle n’est pas suffisante, car elle ne servirait à rien si nous n’apportions en même temps la stabilité et la transparence qui font aujourd’hui défaut.

Stabilité : le renversement du gouvernement de la Polynésie française ne sera plus aussi facile qu’aujourd’hui. Avec la motion de censure constructive, il ne faudra plus s’unir seulement pour détruire, mais pour construire. Et au plan budgétaire, un mécanisme garantira qu’un budget soit toujours voté : ce n’est pas parce que ce genre de situations ne s'est encore jamais présenté en Polynésie française qu'il ne faut pas prendre des dispositions pour éviter qu'elles ne surviennent. Stabilité encore avec un mode de scrutin à deux tours qui assure la représentation de chacun des archipels, et qui maintient la représentation du pluralisme avec la proportionnelle. Les alliances se feront désormais au grand jour, et pas dans le dos des électeurs. Nous préférons ce système clair et respectueux de la diversité de la Polynésie française à toute autre transposition du mode de scrutin régional, d’abord parce que la réintroduction de la prime majoritaire ne serait pas comprise, surtout dans le cadre d'un scrutin à un seul tour, ensuite parce que je crois à la représentation des archipels garantie par la loi : personne ne doit dicter le choix des électeurs. Stabilité, enfin, avec la modification du mode d'élection du président de la Polynésie française et l'allongement du mandat du président de l'assemblée de la Polynésie française.

La transparence est tout aussi importante, car les Polynésiens doivent pouvoir constater par eux-mêmes comment ils sont gouvernés par ceux qu'ils ont choisis, comme cela découle de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme. La légitimité de l'autonomie en sera renforcée, contrairement à ce que l’on entend parfois. La confiance des Polynésiens en leurs élus sera accrue dès lors qu’ils sauront que leurs décisions sont prises en toute transparence. Grâce à l’établissement, conformément aux engagements du chef de l'État, de ces nouvelles règles, les Français de métropole auront de la Polynésie française une image renouvelée.

Nous sommes tenus à une obligation de moyens, dans une démarche de vérité et de dialogue. Les Polynésiens souhaitent de tout leur cœur que leurs élus reviennent à l'essence même de la politique : la gestion de la cité, au sein de la République et dans le respect de la Constitution et du droit. L'exigence d'une moralisation de la vie publique en Polynésie française s'impose à tous et les derniers rapports de la Cour des comptes montrent qu’il y a urgence à agir. Il n’y a aucune mesure dans ce texte qui touche à la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française – qu’on me cite une seule compétence transférée à laquelle il porterait atteinte ! – mais l’autonomie dans la République ne se confond pas avec l'autonomie des élus par rapport aux lois. Au contraire, des compétences étendues vont avec une responsabilité accrue. Ce texte ne représente aucune ingérence dans le débat politique local. La seule volonté de l'État est de continuer à avancer et de privilégier l'intérêt général.

Stabilité, transparence et démocratie locale : voici les objectifs de ces projets de loi. Les Polynésiens confieront ensuite les rênes de leur gouvernement à ceux qu'ils en jugent dignes et le Gouvernement travaillera loyalement avec les nouveaux élus, quels qu'ils soient. Je suis profondément épris de démocratie et de liberté, et extrêmement attaché à la diversité des territoires qui font toute notre richesse. Je veux donc tendre la main aux élus polynésiens afin qu'ils se réconcilient avec leurs électeurs et retrouvent leur légitimité politique. Mais une légitimité politique doit s’accompagner de moyens, de ressources et de compétences. Le Gouvernement a donc décidé de donner aux communes de Polynésie française des compétences renforcées dans un certain nombre de domaines de proximité, et les ressources correspondantes.

Ainsi, je viens de signer une convention avec l’association des maires de Polynésie afin qu’ils puissent disposer, dans les sept ans à venir, d’une fonction publique communale, sur le fondement de l'ordonnance de 2005 ratifiée par le Parlement. J'ai soumis aussi récemment au Conseil des ministres une ordonnance accordant enfin aux communes de Polynésie française, après les élections municipales de mars, le bénéfice du contrôle de légalité a posteriori. Pourquoi n’y auraient-elles pas droit, alors que les communes de métropole et des départements d’outre-mer en profitent depuis les lois de décentralisation de 1982 ? C’est un gage de la confiance de l’État à l’endroit des communes de Polynésie – car le premier interlocuteur des administrés est toujours le maire : c’est à lui qu’on s’adresse, même si le problème relève de l’État ou de l’assemblée de Polynésie. C’est par ce biais aussi que nous renforcerons l‘autonomie en Polynésie française, en laissant les maires libres de leurs actes, sans contrôle a priori, et en les autorisant à constituer, notamment sur certain archipels comme les Marquises, des intercommunalités.

Je suis en train de travailler à une nouvelle loi organique, qui sera soumise au Parlement en 2008 et qui transfèrera des compétences nouvelles aux communes de Polynésie française. Je connais les difficultés des maires, qui avec les cinquante pas géométriques, qui avec la gestion du patrimoine foncier ou l’assainissement : ils doivent pouvoir être aidés systématiquement, par le pays ou par l’État. Il faudra donc leur transférer des compétences nouvelles, et je veillerai à ce qu’elles soient accompagnées des ressources nécessaires pour qu’ils puissent les assumer pleinement. Cela répond à une demande forte des maires de Polynésie française. Comment prétendre donc que le Gouvernement organise un recul de l'autonomie locale, au moment où il accroît sensiblement celle des communes ? Je l’affirme solennellement : en aucun cas, l'autonomie de la Polynésie française ne saurait être remise en cause. L'accusation qui nous est faite de vouloir « départementaliser » le pays est profondément injuste et je m'en suis longuement expliqué devant les membres de l'assemblée de Polynésie.

En attendant l’examen des amendements, je puis d'ores et déjà vous annoncer que le Gouvernement donnera son accord presque complet aux propositions de votre commission des lois. Le Sénat a déjà enrichi le texte de façon très pertinente, notamment en ce qui concerne les élections à l'assemblée territoriale – avec le relèvement des seuils d’admission à la répartition des sièges et d’accession au second tour – l'élection du président de la Polynésie française, la transparence financière, les communes ou les lois de Pays. Le Gouvernement se montrera très ouvert. Il est à la recherche des meilleures solutions pour atteindre notre but commun : conforter l'autonomie de la Polynésie française en lui donnant les moyens de fonctionner efficacement et dans la durée et faire progresser ce territoire qui nous est si cher.

Le projet de loi de programme qui vous sera présenté l’année prochaine consacrera, pour la première fois, un volet spécifique à chaque département ou collectivité d’outre-mer, respectant son identité, son histoire et sa culture. Ce territoire grand comme l’Europe, au cœur du Pacifique, fort de ses richesses humaines et de ses ressources, ne demande à l’État que de mettre à sa disposition les outils nécessaires pour assurer son développement. Il appartient à ses talents et à ses intelligences de répondre aux attentes quotidiennes des Polynésiens, de créer une véritable égalité des chances, d’assurer l’équité et la justice, c’est-à-dire de donner plus à ceux qui ont moins. Ce texte n’a pour objectif que de le permettre. Je suis allé à la rencontre des Polynésiens. Je les ai écoutés, je les ai entendus. Je connais leur cœur et leur attachement à la République. Je sais que nous n’avons pas le droit de les décevoir. C’est pourquoi je serai attentif à tout ce qui sera dit dans cet hémicycle, sur tous les bancs. Je sais, Monsieur Roman, Monsieur Le Roux, Monsieur Dosière, combien vous êtes attachés à l’outre-mer et j’accorde une grande importance à votre expérience dans ce domaine. L’outre-mer ne souffre pas le débat idéologique et la confrontation gauche-droite : d’ailleurs, le modèle d’organisation politique de la Polynésie française n’a rien à voir avec celui de la métropole. Mais nous appartenons à la même communauté de destin, ce que nos compatriotes de Polynésie ressentent très fort. Nous n’avons pas le droit de donner le sentiment de les mépriser ni de nous montrer arrogants. Voilà pourquoi je voudrais que ce débat soit un exemple de respect. Et il y a urgence à légiférer, à redresser l'économie de la Polynésie, à retourner devant les urnes et à rétablir un partenariat loyal et efficace avec l'État pour construire un développement équilibré, équitable et respectueux de l'identité polynésienne. C'est pourquoi le Gouvernement vous demande de bien vouloir adopter les deux projets de loi qui vous sont soumis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République – Territoire d’outre-mer devenu collectivité en 2003, la Polynésie française s’est vu reconnaître une autonomie croissante au fil des statuts successifs. Ses spécificités – insularité, immensité du territoire, éloignement – sont prises en compte : la collectivité d’outre-mer – COM – dispose depuis 2004 de compétences étendues et d'institutions originales ; elle est soumise à un régime législatif qui déroge largement au droit commun.

Les projets qui nous sont soumis ne remettent pas en cause cette approche. Mais ils partent d'un constat simple : depuis 2004, trois motions de censure ont été adoptées et cinq présidents se sont succédé à la tête de la Polynésie française. Cette instabilité porte préjudice à l'économie polynésienne : en 2006, la croissance économique s'est affaiblie et les échanges de la collectivité avec le reste du monde ont baissé, alors que cette partie du monde a le vent en poupe. La confiance des investisseurs est atteinte et de nombreux acteurs économiques sont vulnérables, comme en atteste l'augmentation du nombre des créances douteuses et des interdits bancaires. Le contrat de projet que l’État propose à la Polynésie française – 460 millions d’euros – ne peut être exécuté. L’intersyndicale des fonctionnaires d’État de Polynésie, que j’ai reçue, m’a dit son inquiétude : l’instabilité nuit au développement économique, mais aussi au moral des populations.

M. Jean-Christophe Lagarde – Surtout depuis que Flosse est pour l’indépendance ! (Sourires)

M. Jérôme Bignon, rapporteur – Pour assurer un meilleur fonctionnement des institutions polynésiennes, il faut d’abord adopter un mode de scrutin qui permette de dégager des majorités claires et stables à l'assemblée de la Polynésie française. Dans la plupart des collectivités, c'est l'existence d'une prime majoritaire qui garantit cette stabilité.

M. René Dosière – C’est vous qui l’avez proposé !

M. Jérôme Bignon, rapporteur – Permettez-moi de répondre au procès d’intention que vous m’avez fait en commission. J’ai relu les déclarations que j’avais faites en tant que rapporteur des statuts de 1996 et de 2004. Il est vrai qu’en 2004, j’ai cru de bonne foi que la prime majoritaire que nous proposions assurerait une stabilité aux institutions polynésiennes. Je n’avais pas vu que l'existence de plusieurs circonscriptions pouvait annuler l’impact des primes majoritaires. Le général de Gaulle disait que le meilleur système électoral est celui qui permet de gagner. Il faut avoir beaucoup d’humilité sur le sujet ! La proposition du Gouvernement, amendée par le Sénat, devrait garantir cette stabilité. La création d'un second tour, pour lequel le seuil de maintien a été fixé à 12,5 % des suffrages exprimés, incitera les formations polynésiennes à se regrouper, de même que le relèvement à 5 % du seuil pour être admis à la répartition des sièges.

S'agissant toujours des élections à l’assemblée, je salue également l'initiative du Gouvernement, qui a proposé au Sénat un dispositif de remboursement partiel des frais de transport aérien des candidats. Vu le nombre d'îles et l'étendue des archipels, le coût des voyages en avion peut représenter des sommes considérables. Or ces frais n'étaient pas inclus dans le plafond des dépenses électorales, ce qui handicapait les petites listes. Le système proposé par le Gouvernement permettra d'en prendre une partie en charge, sans limiter pour autant la capacité d'un candidat à parcourir sa circonscription.

D’autre part, l'élection du président de la Polynésie française pourra désormais avoir lieu lors d'un troisième tour, auxquels seuls les deux candidats arrivés en tête au second tour pourront participer. Cette solution voulue par le Sénat est de bon sens car plus favorable à la stabilité de l'exécutif.

S'agissant des mécanismes de responsabilité de l'exécutif devant l'assemblée, je me félicite de la création de motions de défiance constructives, dont les signataires devront s'accorder sur le nom d'un nouveau président. Combinée au nouveau mode de scrutin, cette disposition devrait éviter toute vacance institutionnelle. Il en sera de même pour les motions de renvoi, qui pourraient s'avérer utiles si l'exécutif peine à faire adopter son budget.

L’autre grande ambition de ces projets, c'est la transparence, avec une meilleure publicité des travaux de l'assemblée polynésienne, le renforcement de la pratique des questions au Gouvernement, l'institution d'un débat d'orientation budgétaire et de règles d'incompatibilité inspirées du droit commun, tant pour l'exécutif que pour l'assemblée. Je regrette que l’opposition se cantonne trop souvent à des prises de position ad hominem au lieu de voir l’intérêt général de la Polynésie. Il s’agit en l’occurrence de l’aider à franchir une nouvelle étape qui renforce son autonomie. Vous avez été à l’origine de cette autonomie, avec la loi de 1984. Mais cette autonomie ne doit pas être une boîte vide : sans stabilité, elle est réduite à néant. Elle doit d’autre part s’accompagner d’une organisation démocratique de la vie publique, telle que nous l’avons mise en place en métropole. La liberté que confère l’autonomie doit s’inscrire dans un État de droit. Il ne s’agit pas de stigmatiser les Polynésiens : ils avancent, comme nous l’avons fait dans toutes nos collectivités et nos institutions républicaines, vers une transparence de la vie politique. Nous devons les y aider.

La loi organique permettra de mieux assurer la clarté et le respect du droit en Polynésie, grâce à un régime législatif plus cohérent et à un meilleur partage des compétences, notamment entre la collectivité et les communes. Vous avez dit, Monsieur le ministre, que vous alliez renforcer le statut des communes, et je m’en réjouis car les maires l’attendent depuis longtemps.

Est enfin prévue l'extension à la Polynésie française de toute une série de règles de contrôle budgétaires et comptables qui s'appliquent aujourd'hui dans les collectivités territoriales de droit commun, ainsi qu'à Mayotte, à Saint-Barthélémy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Contrairement à ce qui a pu être dit, il ne s'agit pas de stigmatiser la Polynésie, mais d’appliquer des règles qui s’appliquent partout sur le territoire de la République.

Nos amis polynésiens s’inquiètent légitimement ; ils attendent que l’État les aide à sortir de l’ornière. Nous avons l’occasion de donner un nouvel élan à la Polynésie sans porter atteinte à son autonomie, et de lui permettre de poursuivre le développement qu’attendent ses populations. Dans le monde global qui est aujourd’hui le nôtre, la Polynésie occupe une position stratégique au cœur de richesses marines considérables. Il faut l’aider à les mettre en valeur.

La commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption de ces projets de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ
(LOI ORGANIQUE)

M. le Président – J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe SRC une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement sur le projet de loi organique.

M. Bernard Roman – Ces deux textes visent non seulement à bouleverser la situation institutionnelle issue du statut voté en 2004, mais aussi – et ce n’est pas le moindre – à mettre fin au mandat qui a été confié par les citoyens polynésiens à leurs élus, pour cinq ans, à l’occasion des précédents scrutins.

Comment justifier une décision aussi radicale, une démarche aussi précipitée, incohérente, partiale, voire périlleuse ? Le climat serait-il à ce point tendu à Papeete et dans les archipels ? Ces territoires connaîtraient-ils une vacance du pouvoir, une absence de majorité, un immobilisme qui les exposerait à une dangereuse régression ? Pourquoi cette forme d’état d'urgence législatif qui vous permet de saisir de la question polynésienne, malgré un ordre du jour chargé, le Sénat il y a quelques jours, l’Assemblée aujourd’hui ?

Malgré l'exposé des motifs du projet, malgré vos déclarations, comment ceux qui ont prêté attention aux événements de ces six derniers mois pourraient-ils croire qu’il s’agit pour le Gouvernement, comme vous le prétendez, de « donner enfin à la Polynésie française les moyens de son développement » ? Il y a quelques mois, tout allait bien pour la majorité Tahoeraa-UMP. Lors des élections législatives, en juin dernier, les deux sièges de députés ont été conquis par les candidats autonomistes du Tahoeraa, investis au niveau national par l’UMP – et que je salue au passage ; quelques semaines plus tard, recevant à Paris M. Tong-Sang, président de la Polynésie française, vous l'assuriez du soutien de la métropole, qui devait prendre la forme du contrat de développement sur cinq ans que vous avez évoqué tout à l’heure et dont le Premier ministre lui a confirmé lui-même la signature avant que le Président de la République ne lui fasse les honneurs de l’Élysée.

De mode de scrutin désuet, de dissolution nécessaire, d'instabilité menaçante, il n’était alors pas question : tout allait pour le mieux dans le meilleur des archipels… Vacillante, la majorité aux affaires en Polynésie n’était pas encore menacée : vous excluiez donc l’organisation de nouvelles élections, invitant chacun à se conformer à l’intérêt général. Craignant de reproduire l’erreur commise par son prédécesseur en 2004, le Président de la République lui-même s’était opposé à la dissolution de l'Assemblée de Polynésie française – qu’il est seul à pouvoir décider, bien que vous nous demandiez aujourd’hui de le faire !

De votre côté, en annonçant, le 1er août dernier, un projet de loi visant à « améliorer le fonctionnement des institutions polynésiennes et le mode de scrutin pour garantir une majorité stable à la Polynésie », vous précisiez encore que le Gouvernement, soucieux de respecter le libre choix des hommes politiques polynésiens, ne dissoudrait pas l’assemblée territoriale.

C'était sans compter sur les conséquences de ce libre choix, qui a conduit au vote, le 31 août, d’une motion de censure contre le gouvernement de M. Tong-Sang, puis, deux semaines plus tard, à la réélection d'Oscar Temaru à la présidence. Dès lors, rien ne va plus ! La stabilité devient instabilité ; vous ne parlez plus de respecter le choix des hommes politiques de Polynésie, ni de signer un contrat de développement ; il devient même urgent de réformer le mode de scrutin ; enfin, parce que le Président de la République et vous-mêmes n’en assumez pas la responsabilité, vous enjoignez à la représentation nationale de procéder par la loi à une dissolution qui ne dit pas son nom !

Ce contexte rend votre projet de loi inacceptable. L’acte législatif suspect que vous attendez de nous est contraire à notre conception de la démocratie et de la République.

M. René Dosière – Très juste.

M. Bernard Roman – Vous caricaturez le rôle du Parlement français en nous demandant d'écourter le mandat que le libre suffrage de citoyens français a confié aux élus de Polynésie. Vous vous moquez ainsi également de l’assemblée de Polynésie, à vos yeux mineure, et que vous voulez assujettir à un article de loi voté en catimini à Paris !

Le Conseil constitutionnel réagira certainement à cette partie du texte, notamment aux dispositions de l'article 20 de la loi organique, qui conduit notre Parlement à dissoudre une assemblée légitime de la République, mais dont ni le rapporteur ni vous-même n’avez dit un mot !

M. René Dosière – Quel scandale ! Il est vrai qu’il n’y a guère de quoi se vanter !

M. Bernard Roman – En réalité, vous faites un procès en illégitimité à un président de la République de Polynésie…

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Un président de la République ?

M. Bernard Roman – …dont l’élection, le 13 septembre dernier, est incontestable, mais qui a le malheur de ne pas faire partie de vos amis ! Vous invoquez l’épouvantail de l'instabilité alors que, depuis cette élection, c’est de nouveau à une large majorité, voire à l’unanimité, que l’assemblée de Polynésie adopte des dispositions budgétaires comme des mesures politiques classiques. Du reste, lors de votre récente visite sur place, on se demandait parfois si vous représentiez l’État impartial ou l’UMP ! Quant à la manière dont la minorité conduite par M. Tong-Sang a été reçue à votre cabinet, puis entendue par la commission des lois de notre Assemblée, à la différence de la majorité de l’assemblée polynésienne, elle n’est pas digne de notre tradition démocratique !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République – C’est faux, et il n’est pas correct de mettre ainsi en cause la commission dont vous faites partie.

M. Bernard Roman – Monsieur Warsmann, alors que j’avais suivi l’élaboration de ce texte étape par étape, de même que MM. Dosière et Le Roux, c’est le rapport de M. Bignon qui nous a informés de l’audition de M. Tong-Sang par la commission, et la presse tahitienne qui nous a appris qu’il se félicitait de votre accueil, dont vous n’aviez pas pris la peine de nous informer ! Ce n’est pas ainsi que l’on a coutume de procéder dans cette Assemblée et au sein de cette commission.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Cette mise en cause parfaitement injustifiée ne vous honore pas ! Je vous répondrai tout à l’heure.

M. Bernard Roman – En outre, vous qui prétendez lutter contre une instabilité désormais chronique, vous la renforcez en proposant d’exclure du mode de scrutin la prime majoritaire – peut-être parce que le régime électoral institué par votre loi organique du 27 février 2004, un scrutin de liste proportionnelle à un tour avec prime majoritaire dans chaque circonscription, avait entraîné, comme l’a rappelé le rapporteur, de nombreux blocages et finalement sanctionné son inspirateur initial, Gaston Flosse, en couronnant votre bête noire, Oscar Temaru ! Après avoir déposé en février dernier, au Sénat, un amendement visant à supprimer la prime majoritaire, mais avant même d’avoir pu l’appliquer, vous nous proposez une nouvelle réforme, la troisième en quatre ans !

Il s'agit cette fois d’un scrutin à deux tours reposant sur une répartition à la proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne dans chaque circonscription, en fonction de seuils dont nous pourrons débattre, et sur le maintien d’un découpage essentiel à la diversité géographique des archipels – seul point positif de votre texte. Mais, sans un système d’amplification majoritaire assurant une majorité confortable à la liste réunissant le plus grand nombre de suffrages, comment mettre fin à une instabilité dont vous savez bien, comme tous les observateurs de la vie politique polynésienne, qu’elle repose sur la faiblesse numérique de majorités tributaires de partis « charnière » ?

Pourquoi ne pas vous être inspiré des modes de scrutin en vigueur en métropole, notamment au plan régional, garants d’une stabilité dont presque tous les partis se félicitent ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Parce qu’ils empêcheraient certaines régions de disposer d’une circonscription !

M. Bernard Roman – J’y viens… j’oubliais que vous êtes désormais député du Fetia Api !

M. Jean-Christophe Lagarde – Contrairement à vous, pour qui la Polynésie est terra incognita, cela fait cinq ans que je m’exprime sur ces questions !

M. Bernard Roman – Parmi les spécificités de la Polynésie, l’étendue et la diversité géographiques de ses territoires sont les premières menacées par la réforme du mode de scrutin. Voilà pourquoi il faut maintenir les sections électorales.

Deuxièmement, le spectre politique polynésien, très large, est composé de nombreuses sensibilités qu’il faut préserver tout en les incitant à se regrouper afin de constituer des blocs majoritaires.

En effet, le risque d’éclatement – c’est la troisième spécificité – existe bel et bien. Une mosaïque de formations politiques pourrait empêcher la constitution d’une majorité.

Pourquoi, dès lors, exhumer un mode de scrutin désuet et inadapté à cette situation, alors que vous prétendez rechercher la stabilité ? Pourquoi ne pas tout simplement vous inspirer de la loi électorale régissant la métropole, qui reflète toute la diversité politique et dont les seuils pourraient être adaptés en Polynésie ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Vous réclamez donc un retour au système Flosse !

M. Bernard Roman – Les sections territoriales, la prime majoritaire : autant de mesures qui permettraient aux Polynésiens de choisir une majorité apte à gouverner. Vous savez bien que si nous avons abandonné le scrutin proportionnel en France sans prime majoritaire, c’est pour éviter que le Front national ne joue l’arbitre entre gauche et droite dans les régions. Nous avions alors prévu des mesures telles que la motion de censure constructive et le budget alternatif, qui prenaient fin avec le nouveau mode de scrutin décidé en 2004. Vous ravivez aujourd’hui ces antidotes en Polynésie, tant l’efficacité de votre propre démarche vous laisse sceptiques. S’il vous faut à tout prix ces garde-fous, c’est que votre projet ne garantit pas la stabilité politique du territoire !

Pourquoi ne pas plutôt instaurer une circonscription unique, divisée en six sections territoriales calquées sur les actuelles circonscriptions, et adopter le système de prime majoritaire qui permettrait à la liste arrivée en tête de construire une majorité ? Hélas, ce texte est incohérent jusque dans son intitulé, et empêchera toute stabilité politique en Polynésie.

La dissolution par procuration est le deuxième axe de votre réforme. L’article 20 du projet de loi organique, qui pourrait être frappé d’inconstitutionnalité, propose le renouvellement anticipé, dès janvier prochain, de l’Assemblée de Polynésie. Une telle mesure est injustifiée, puisque l’article 157 du statut de 2004 autorise déjà la convocation d’élections anticipées. Le Président de la République peut en effet dissoudre l’Assemblée territoriale s’il constate un blocage des institutions ou à la demande du Gouvernement de Polynésie. Or, il va de soi que les institutions fonctionnent et que le Gouvernement polynésien ne vous demande rien. Eurêka ! Vous trouvez tout de même le moyen d’autoriser la dissolution pour convenance personnelle, en quelque sorte.

En outre, le Conseil constitutionnel n’admet la modification d’un mandat électif en cours qu’après examen de la situation au regard de l’intérêt général. Soit : vous invoquez le risque d’instabilité politique, l’impossibilité de dégager une majorité et les demandes locales d’élections anticipées. Certes, cinq présidents se sont succédé depuis 2004 et trois motions de censure ont été adoptées, mais, ne vous en déplaise, la Polynésie dispose aujourd’hui d’une majorité stable et ses élus ne vous demandent pas d’accélérer le calendrier !

M. René Dosière – Ils y sont même opposés !

M. Bernard Roman – On ne peut tout de même pas modifier la Constitution parce qu’une majorité ne vous plaît pas ! Certes, le Conseil constitutionnel a donné son accord en 1979 à la convocation d’une élection anticipée en Nouvelle-Calédonie, mais l’abréviation du mandat des élus polynésiens est une tout autre affaire !

J’ajoute que votre projet remet en cause la marche à l’autonomie prévue par le statut de 2004. Demander au Parlement de voter la dissolution de l’Assemblée d’un territoire autonome ne revient-il pas à outrepasser ses pouvoirs ? On pourrait en effet considérer l’abréviation du mandat des parlementaires polynésiens comme une atteinte à la libre administration des collectivités.

Enfin, avant même que nous ayons entamé ce débat, vous annonciez la date des élections anticipées en Polynésie – les 27 janvier et 10 février, soit moins d’un mois avant les élections municipales dont le premier tour aura lieu le 9 mars, là-bas comme ici. C’est un rythme soutenu, qui ne favorisera pas la transparence que vous appelez de vos vœux : en cas de résultat serré, en effet, les négociations visant à désigner un président de l’Assemblée auront lieu pendant la préparation des municipales, et les deux élections se chevaucheront, au détriment de la transparence.

En somme, cette réforme n’atteindra pas les objectifs que vous lui assignez. Opportuniste, elle est malvenue pour les Polynésiens. Improvisée, elle s’apparente à un coup de force. Comme en 2004, vous essayez de manipuler le résultat des urnes en modifiant le calendrier. Le statut alors taillé sur mesure pour M. Flosse ne lui avait pas réussi : les réformes ad hominem reviennent souvent comme des boomerangs ! Aujourd’hui, préférant ne pas demander vous-même la dissolution pour ne pas avoir l’air de tirer les ficelles, vous demandez au Parlement de la prononcer : c’est navrant. Loin de rompre avec vos prédécesseurs, vous cherchez comme eux à rendre le pouvoir à vos amis. Le peuple polynésien le vit mal, comme s’il était soupçonné d’immaturité. Le groupe socialiste s’oppose à cette méthode. La Polynésie est mûre pour vivre sans l’interférence de Paris, comme ce fut encore le cas lors de l’OPA amicale effectuée par le Nouveau Centre – avec l’aval de l’UMP, n’en doutons pas – sur le Fetia Api pour assurer ses fins de mois.

M. Philippe Meunier – C’est cela, la pluralité !

M. Bernard Roman – L’une de vos collègues déclarait à raison que « l’Afrique de papa, c’est fini ». Faites en sorte que cela vaille aussi pour l’outre-mer, qui a depuis longtemps passé l’âge de raison (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jérôme Bignon, rapporteur – Contrairement à ce que vous prétendez, la commission des lois a auditionné tous ceux qui ont frappé à sa porte.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Ne prétendez pas détenir la vérité alors même que vous avez, dans votre intervention, multiplié les omissions volontaires. S’agissant de ma communication du 1er août dernier au Conseil des ministres, par exemple, j’ai bien indiqué, comme vous pourrez le vérifier en ligne, que je souhaitais vous soumettre un projet de loi organique visant à ramener la stabilité politique en Polynésie, ajoutant que le retour aux urnes à brève échéance paraissait inéluctable mais n’aurait de sens que s’il s’accompagnait d’un fonctionnement stable des institutions de la Polynésie française. Je n’ai jamais changé de point de vue depuis.

Autre oubli : le traitement égal des présidents successifs de la Polynésie, quels qu’ils soient. De même que le Président de la République avait reçu M. Tong Sang, il a reçu l’actuel président de la Polynésie française, M. Temaru. Je regrette cependant que celui-ci, pour l’instant, n’ait pas choisi de signer dans sa totalité le contrat de projet que nous avions négocié avec M. Tong Sang ; je signerai ce qu’il en acceptera.

Les élus ne demanderaient pas des élections, dites-vous. Là encore, vous oubliez que M. Temaru et M. Flosse n’ont cessé de demander la dissolution de l’Assemblée de Polynésie et du Gouvernement polynésien.

M. Bernard Roman – Toujours à des moments différents !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Nous avons annoncé le 1er août dernier une abréviation de mandat afin d’éviter une dissolution précipitée : nous voulions prendre tout notre temps. Mais nous ne changerons pas de cap ; si nous le faisions, le peuple polynésien nous en voudrait beaucoup.

Cette abréviation de mandat, dont vous contestez la constitutionnalité, a des précédents en Nouvelle-Calédonie en 1979, en 1985, par deux fois en 1988, et en 1999 ; et trois fois, la décision a été prise par une majorité de gauche. En 1985, vous avez même supprimé le gouvernement présidé par M. Dick Ukeiwé ! Le Conseil constitutionnel a toujours accepté ces abréviations et le Conseil d’État les a toujours validées.

Enfin, Monsieur Roman, vous avez parlé du « Président de la République » de Polynésie française, et même de « l'Assemblée nationale » de Polynésie ! Ce double lapsus ne révélerait-il pas votre engagement en faveur de l’indépendance de la Polynésie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les mots que vous avez employés au sujet de l’abréviation de mandat montrent que vous la confondez avec une dissolution. Cette dernière est un acte politique, dont le Président de la République et le Gouvernement n’ont jamais voulu, considérant que la demande de M. Temaru et celle de M. Flosse n’étaient pas justifiées ; en revanche, nous souhaitons qu’un débat démocratique ait lieu.

S’agissant du scrutin, vous avez, vous, des certitudes puisque vous avez proposé une régionalisation. Pour ma part, je n’en ai aucune, je ne sais pas si nous parviendrons à la stabilité nécessaire ; mais l’État restera impartial (Rires sur les bancs du groupe SRC). Il exercera ses missions régaliennes en Polynésie française, dans le strict respect de son autonomie. Quelle que soit la majorité qui sortira des urnes en janvier prochain, nous la respecterons ; mais nous aurons enfin un partenaire avec lequel nous pourrons travailler dans la durée au développement de la Polynésie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Quant à vos mots sur le Front national, ils me donnent le sentiment que vous ne connaissez pas les Polynésiens. Ils sont tolérants, et leurs choix politiques sont marqués par le respect, l’amour de leur terre et leur attachement à la République française.

Au sujet des dates choisies pour les élections, permettez-moi de vous rappeler qu’en 1983, vous ne vous êtes pas privés d’organiser l’élection des conseils régionaux dans les départements d’outre-mer en février, alors que les municipales avaient lieu en mars. Nous avons retenu ces dates au terme d’une large consultation de toutes les formations politiques, polynésiennes et nationales ; elles respectent la période de fêtes entre le 15 décembre et le 15 janvier à laquelle les Polynésiens sont très attachés. Les Polynésiens sont impatients de retourner aux urnes pour décider de leur propre destin ; faisons-leur confiance pour choisir le 27 janvier les élus qui seront dignes de les représenter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Sur le vote de l’exception d’irrecevabilité, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

M. Didier Quentin – Le caractère anticonstitutionnel de ce projet ne m’a pas paru constituer le fond de l’argumentation de M. Roman. En tout état de cause, la transmission au Conseil constitutionnel de ce projet de loi organique est de droit.

Par ailleurs, conformément à l’article 74 de la Constitution, et contrairement à ce qu’a laissé entendre M. Roman, l’Assemblée de la Polynésie a été consultée sur ces projets de loi. Et sur le fond, les précédents néo-calédoniens qui viennent d’être rappelés par le ministre ne vont pas dans le sens de l’inconstitutionnalité.

Vous dites que ce texte ne respecterait pas la population polynésienne et ne créerait pas les conditions d’une plus grande stabilité, et vous parlez de « manipulation » et d’« acte juridique suspect et improvisé » ; or tout a été annoncé dès le 1er août. Force est de constater, loin de toute polémique, que le dysfonctionnement des institutions de la Polynésie nuit gravement à son développement économique et social ; et il est étonnant que ceux qui se proclament souvent ici les défenseurs du peuple jugent antidémocratique le fait de redonner la parole aux Polynésiens ! Quant aux dates retenues, elles sont pleinement légitimées par le souci d’éviter tout chevauchement avec les élections municipales de mars.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette exception d’irrecevabilité.

M. Bruno Le Roux – La démonstration de Bernard Roman était implacable ; le groupe socialiste votera bien entendu cette motion.

M. Jean-Christophe Lagarde – Contrairement à notre collègue Le Roux, je n’ai pas entendu de réels arguments sur l’inconstitutionnalité de ce texte dans l’intervention de M. Roman, qui a surtout porté sur le mode de scrutin. Sur ce point, vos positions n’ont cessé de changer. En 2004, nous avons eu l’occasion de défendre avec M. Dosière les principes républicains : le groupe socialiste dénonçait alors fort justement la réforme électorale commanditée par le pouvoir polynésien en place, celui de M. Flosse. Mais lorsque les élections ont porté au pouvoir M. Temaru, le groupe socialiste a commencé de trouver des vertus à ce mode de scrutin. De fait, votre position change selon la personne qui se trouve à la tête du gouvernement de Polynésie française !

M. Guy Geoffroy – Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde – Lorsque M. Temaru est renversé quelques mois plus tard, vous trouvez à nouveau que la situation est anormale. D’ailleurs, l’occupation des institutions de la Polynésie française par M. Temaru et ses partisans pour empêcher physiquement le retour de M. Flosse au pouvoir ne suscite aucune protestation de votre part ! Après le renversement, au mois d’août, de M. Tong-Sang et le retour de M. Temaru au pouvoir, vous considérez que la stabilité règne enfin en Polynésie française et qu’il n’y a rien à redire.

Non contents d’être inconstants, vous faites preuve d’incohérence. Selon vous, le mode de scrutin régional de métropole pourrait être une piste pour la Polynésie française. Je pense au contraire qu’il créerait la même instabilité, puisque le système de prime majoritaire ne dégage pas de majorité à coup sûr, et ce, d’autant que vous proposez l’usage de la motion de défense constructive, le « 49-3 régional ». Le retour de la République en Polynésie ne pourra s’obtenir que grâce à des principes proches de ceux qui s’appliquent en métropole !

À la majorité de 67 voix contre 48 sur 116 votants et 115 suffrages exprimés, l’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE
(LOI ORGANIQUE)

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Bruno Le Roux – Nous sommes amenés à examiner dans l’urgence, la précipitation et l’absence totale de concertation, un texte qui prétend renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.

S’il s’agissait de sauver la République, confrontée à un blocage des institutions et à une crise économique et sociale grave, nous ferions tous preuve de responsabilité, saluant au passage votre grand courage. Mais je ne vous crois pas sur parole et la lecture quotidienne de la Dépêche de Tahiti et des Nouvelles de Tahiti me prouve qu’il n’en est rien : à Papeete, la vie suit son cours, le gouvernement gouverne, l’assemblée délibère, le territoire attend simplement que l’État respecte ses engagements, signe le contrat de développement et marque son respect à l’égard du peuple polynésien !

J’ai la terrible certitude que la crise, à vos yeux, porte un sigle – l’UPLD –, et un nom – Temaru – et c’est cela qui vous incite à revenir une nouvelle fois devant l'Assemblée nationale. Vous ne supportez pas l’expression de la volonté du peuple polynésien !

M. Jérôme Bignon, rapporteur – C’est sans doute pourquoi nous voulons convoquer des élections !

M. Bruno Le Roux – Bien sûr ! Quoi de mieux lorsqu’une majorité ne vous agrée pas ? Et pourquoi ne pas modifier le mode de scrutin ? Et pourquoi ne pas faire campagne auprès des élus, entreprendre ça et là des manœuvres de déstabilisation ? Ne vous apprêtez-vous pas à le faire, Monsieur le ministre, vous qui vous êtes fait fort de vous rendre régulièrement en Polynésie pendant la campagne – quand le Président de la République, lui, s’est interdit d’intervenir ?

Permettez-moi de revenir quelques années en arrière. Déjà en 2004, vous nous avez proposé une réforme mal préparée, rédigée à la hâte, et constituée de mesures de circonstance – voire de connivence. Les manœuvres qu’elle a permises ont conduit en trois ans à l’adoption de six motions de censure, provoquant l'élection de six gouvernements et de cinq présidents ! Avec, à chaque fois, un scénario identique : lorsque Gaston Flosse appelait la métropole, les lignes téléphoniques du ministère et de l'Élysée fonctionnaient, mais lorsque Oscar Temaru prenait le combiné, vous étiez aux abonnés absents : il n’y avait pas même un garde de nuit qui réponde ! On déstabilise dans le territoire, et à Paris on dénie toute légitimité à celui que le peuple polynésien a pourtant porté à sa présidence !

Aujourd'hui, alors que la stabilité est totale, vous voulez réformer une nouvelle fois le mode de scrutin territorial et provoquer des élections anticipées. Pourtant, même l'assemblée de Polynésie s'y oppose. Comment osez-vous prétendre favoriser la stabilité des institutions, alors que ces réformes ne reposent que sur des convenances politiques et partisanes ?

Vous devriez savoir que ce n'est pas en réformant un système électoral – qui n'a jamais été mis en oeuvre d'ailleurs – et en procédant à une scandaleuse dissolution que vous obtiendrez la majorité que vous souhaitez. Vous vous apprêtez à répéter les mêmes erreurs qu'en 2004, lorsque vous avez fait adopter une loi organique à la demande de M. Flosse, destinée à favoriser le maintien au pouvoir de sa majorité et à renforcer ses pouvoirs, en remerciement de sa fidélité politique au Président Jacques Chirac.

La loi organique de 2004 instituait un mode de scrutin à un tour pour les élections territoriales, avec une prime majoritaire d'un tiers des membres de l'assemblée pour la liste arrivée en tête dans chacune des six circonscriptions électorales. Cette prime majoritaire était censée favoriser la stabilité politique, en évitant les changements d'alliance et les retournements de majorité. Le système était surtout destiné à assurer une large victoire au parti Tahoeraa Huiraatira.

Après la promulgation de la loi, M. Flosse obtint de son ami Jacques Chirac la dissolution de l'assemblée de Polynésie, afin d'accélérer la mise en place du statut et de permettre au futur président d’exercer au plus vite ses nouvelles prérogatives. Ce qui se produisit alors fut tout l’inverse de ce qui était souhaité, le dispositif se retournant contre ses instigateurs : à la grande stupéfaction de la majorité nationale et du Président de la République de l'époque, c'est le leader du parti indépendantiste Tavini Huiraatira, Oscar Temaru, qui fut élu président de la Polynésie le 23 mai 2004, après vingt ans de règne sans partage de l’État RPR. Inadmissible pour vous ! L'UPLD et Oscar Temaru seront combattus avec acharnement, sans respect pour le vote démocratique du peuple polynésien. Quatre mois plus tard, le 9 octobre, le gouvernement sera renversé par l'adoption d'une motion de censure. Gaston Flosse sera alors élu président le 22 octobre.

Le 15 novembre 2004, le Conseil d’État statue sur un recours déposé par M. Flosse en mai – avant qu’il ne récupère son siège – pour faire annuler les élections aux Îles du Vent. C’est une nouvelle manœuvre pour fragiliser l’UPLD, mais qui va, une fois de plus, se retourner contre son auteur, puisque les élections partielles du 13 février 2005 donnent une nouvelle majorité à M. Temaru, qui redevient président de la Polynésie. Je passe sur les manœuvres, à Paris comme à Papeete, sur les blocages, les déstabilisations, pratiques devenues, ces dernières années, classiques, à défaut d’être républicaines.

Le 26 décembre 2006, après une nouvelle motion de censure, M. Tong Sang, issu du parti de M. Flosse, devient le quatrième président de Polynésie. Il est reçu par le président Chirac dès le mois de janvier – le standard de l’Élysée reconnaît son numéro : il a de la chance ! Il demande que soit supprimée la prime majoritaire et que le seuil pour obtenir des sièges à l’assemblée soit porté de 3 à 5  %. L’Élysée accède à sa demande et, par un amendement à la loi organique du 21 février 2007, la prime majoritaire est supprimée !

Aujourd’hui, vous souhaitez revenir sur le mode de scrutin que vous aviez vous-même modifié en février. Pouvons-nous vous laisser indéfiniment tricoter et détricoter la loi, au gré des demandes de vos amis politiques ? Le dispositif proposé est, une nouvelle fois, fabriqué sur mesure pour eux. En Polynésie, il y a toujours eu un leader protégé par le gouvernement central, grâce auquel ce dernier entend contrôler le territoire. Les ministres affichent souvent, d’ailleurs, une attitude qui présume l’immaturité des élus polynésiens ; cela vous sera reproché !

M. Sarkozy n’a pas failli à la tradition établie par MM. Flosse et Chirac, en prenant le parti de M. Tong Sang. Ce dernier a fait publiquement part, en juillet, de sa volonté de dissoudre l’assemblée. Il pensait qu’avec votre appui, il pourrait bénéficier d’une large majorité. Vous cédez donc une fois de plus à la volonté de vos amis politiques, tout en cherchant à reprendre ce qui n’aurait jamais dû sortir de la « famille » ; le peuple de Polynésie appréciera la façon dont on se partage à Paris le pouvoir sur son territoire !

Mais, entre-temps, se produit pour vous une catastrophe : une coalition inédite, à laquelle participent tant M. Temaru que son ancien ennemi, M. Flosse, dépose, le 31 août, une motion de censure, qui permet au premier de retrouver la présidence de la Polynésie, le 13 septembre. Vous cherchez alors à tourner cette situation à votre avantage, en l’exploitant pour tenter de renforcer vos arguments : si M. Temaru revient, c’est qu’il y a instabilité – donc il faut un nouveau mode de scrutin –, et qu’il y a crise – donc il faut dissoudre !

Le hic, c’est qu’en réalité, il y a à présent une majorité stable en Polynésie, comme je vais vous le démontrer. Je suis allé chercher, à l’assemblée de Polynésie, les comptes rendus de ses débats depuis le mois de septembre. Je les tiens à la disposition de nos collègues. Ils apportent la preuve que l’assemblée délibère normalement. Avant le 4 octobre, jour où elle a examiné les deux projets qui nous sont aujourd’hui présentés, elle a ainsi adopté plus de trente délibérations à l’unanimité.

Au passage, c’est à peine si notre rapporteur mentionne, dans son rapport, l’avis de l’assemblée polynésienne sur le projet de loi organique. Le seul passage qui l’évoque est des plus parlants : « Le jeu des récentes alliances politiques conclues dans cette COM n’a, toutefois, pas permis à son assemblée délibérante, consultée conformément à l’article 74 de la Constitution, de les approuver dans son avis du 4 octobre 2007. » Quelle considération pour nos compatriotes polynésiens, que de renvoyer leur avis à un jeu politicien, alors même que cet avis a été adopté par 44 voix contre 13 ! Mais à quoi d’autre s’attendre, quand seulement trois lignes sont consacrées dans le rapport du Parlement à un avis prévu par la Constitution ?

M. René Dosière – C’est honteux !

M. Bruno Le Roux – C’est une forme de mépris pour nos collègues de l’assemblée de Polynésie.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Vos assertions sont scandaleuses !

M. Bruno Le Roux – Cet avis montre pourtant qu’un travail de fond a été mené à Papeete. Depuis le 4 octobre, trente nouveaux votes importants ont encore eu lieu, presque tous à l’unanimité. Ainsi, les décisions modificatives au budget de la Polynésie ont fait l’objet d’un vote unanime ; s’agissant d’une question aussi importante que le budget, où est l’instabilité ? La proposition de délibération portant approbation du contrat de projet 2008-2012 a, elle aussi, été votée à l’unanimité ; une assemblée instable aurait-elle pris le risque de s’engager pour quatre ans ? J’ai beau chercher l’instabilité, je ne la trouve pas ! Ces délibérations vous disent tout le contraire, mais vous ne voulez pas les entendre !

M. Bernard Roman – Absolument ! Ils veulent la peau du président.

M. Bruno Le Roux – En outre, cette majorité se donne les moyens de durer, en organisant la collaboration des deux principales formations politiques de la collectivité, par la création d’un « comité de majorité » permanent. C’est cela qui vous pose problème ; vous avez le sentiment que le pouvoir vous échappe ! L’alliance des deux anciens ennemis vous fait trembler. À 22 000 kilomètres de la métropole, le peuple sait se retrouver sur des projets communs, dans l’intérêt de la Polynésie ; pourquoi condamnez-vous à Papeete l’ouverture que vous prônez à Paris ?

Rien ne justifie l’examen en urgence de cette énième réforme institutionnelle. Votre texte est flou, il a été rédigé à la hâte et risque d’accentuer l’instabilité des institutions ; c’est l’organisation du désordre par l’émiettement des forces politiques, un nouveau bricolage institutionnel, hasardeux, voire dangereux, comme l’a relevé l’assemblée délibérante dans son avis. Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous ai pas entendu parler de cet avis, dont vous n’avez tenu aucun compte. Toutes les propositions de cette assemblée ont été rejetées ; cela montre bien le caractère partisan de ce projet de loi !

Je vous citerai donc cet avis, pour vous éclairer : « Son projet de loi ne permettra pas d’atteindre l’objectif de stabilité des institutions, mais au contraire constitue une prime à l’instabilité », ou encore : « Sous couvert de moralisation de la vie politique, l’État reprend certaines compétences et s’immisce dans le fonctionnement des institutions de la Polynésie française ». Aussi émet-elle un avis défavorable. Comment pourrait-on dès lors accepter un nouveau mode de scrutin, censé être appliqué moins de cinquante jours après la promulgation de la loi, alors que je viens de montrer qu’il n’y a pas d’urgence ? Si ce n’est pas une manipulation, qu’est-ce que c’est ?

Il ne nous appartient pas de mettre fin au mandat des élus de l’assemblée alors que les institutions polynésiennes ne sont pas bloquées le moins du monde. Ce n’est pas parce que cette majorité déplaît, à vous-même et à M. Tong Sang, que vous devez dissoudre l’assemblée – ou « abréger » son mandat : Nicolas Sarkozy, qu’on a connu moins joueur dans le choix de ses mots, avait fait savoir qu’il s’opposait à une dissolution sans exclure pour autant un renouvellement anticipé. Et même si votre calcul vous conduit à vouloir cette dissolution de circonstance, respectez au moins le rythme du débat démocratique, en organisant le bon déroulement des municipales et des cantonales et en faisant un choix ensuite, après un débat clair, pour les élections territoriales ! Je peux entendre l’argument de la volonté qu’a le peuple polynésien de s’exprimer : je l’ai sentie, tout comme vous. Puisqu’il y a des manœuvres, des manipulations, pourquoi effectivement ne pas en terminer, revoter pour confirmer ou infirmer la majorité ? Mais encore faut-il, pour qu’il y ait des élections, qu’il y ait campagne électorale et respect du calendrier fixé par nos institutions ! En agissant dans l’urgence, c’est dans la manipulation que vous vous situez, pas dans le débat démocratique.

Vous savez d’ailleurs pertinemment que le mode de scrutin que vous proposez n’est en aucune façon susceptible d'assurer la stabilité politique en Polynésie. L'assemblée de Polynésie le qualifie même dans son avis de « prime à l'instabilité ». Alors pourquoi l’avoir choisi ? Avez-vous des raisons de rechercher l'instabilité, de susciter les désordres ? S'agit-il de créer une situation qui obligerait l'État à faire constater la nécessité de remettre de l'ordre, de reprendre les choses en mains ? On est obligé de se poser la question. Dans cette hypothèse, la prochaine loi organique pourrait ne pas être un nouveau pas vers l’autonomie, mais plutôt un retour vers la centralisation, au prétexte que rien ne marche en Polynésie. Si vous n’avez pas vos amis au pouvoir, vous préférez l’exercer directement…

Ce projet de loi apparaît donc tout à fait inopportun, voire dangereux. En tout cas, il n’est manifestement pas apte à remplir l'objectif affiché. Le Gouvernement peut-il légiférer sur le système électoral de la Polynésie en méprisant l'avis de son assemblée ? Peut-il revenir sans dégâts sur le statut de 2004 ? « Méfiez-vous de la radicalisation politique que risquent d'engendrer des élections territoriales hâtives et bâclées » déclarait récemment Oscar Temaru.

M. Jean-Christophe Lagarde – Une menace ?

M. Bruno Le Roux – Par conséquent, il est indispensable de mener une réflexion plus approfondie. Vous croyez constater une instabilité et vous voulez y mettre fin : réfléchissons ensemble à des solutions, mais à l’échéance du mandat en cours ! Demander aux parlementaires de mettre fin à la vie d’une assemblée territoriale qui fonctionne et délibère dans des conditions totalement démocratiques ne peut que poser à chacun d’entre eux, en conscience, la question de sa responsabilité. Cet article 20 fait changer votre projet de nature et le transforme en texte de connivence. Vous voulez, au début du mandat présidentiel, retrouver un point d’appui en Polynésie pour vous en servir plus que pour servir le peuple polynésien. Cette réforme est partisane. Nous avons la certitude que vous êtes ici en service commandé pour que la Polynésie revienne dans le giron de l’UMP, après le RPR. Nous préférons faire confiance au peuple polynésien, qui est avide de s’exprimer et souhaite le faire dans de bonnes conditions, avec le soutien de l’État central (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État – Ainsi, nous n’aurions pas tenu compte de l’avis de l’assemblée de Polynésie ? Je pense au contraire l’avoir respecté plus que beaucoup d’autres. Car j’ai été le premier membre d’un gouvernement de la République, quel qu’il soit, à accepter l’invitation de l’assemblée de Polynésie française à venir débattre en son sein ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il se trouve que le président du gouvernement de Polynésie a eu besoin de convoquer son conseil des ministres en urgence pour éviter de débattre avec moi.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il doit être extrêmement occupé !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État – J’ai donc fait le choix des rencontres loyales, des regards droit dans les yeux. C’est ce qui fait toute la différence entre le ministre du Gouvernement de la République et le président du gouvernement de Polynésie.

M. Bernard Roman – Le président de la Polynésie française : vous avez un statut de retard !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État – J’ai donc montré le plus grand respect pour l’assemblée de Polynésie. Ce que vous n’avez pas dit, c’est que sur 54 avis qu’elle a donnés sur ce texte, 29 étaient favorables, et 25 défavorables. C’est une réalité que vous omettez de rappeler. Pas plus que vous ne soulignez que le Conseil d’État a ensuite repris plusieurs des observations qui figuraient dans les avis défavorables de l’assemblée, et que le Gouvernement a souhaité les laisser dans le texte du projet de loi. Ainsi, entre les dispositions qui ont reçu un avis favorable et celles qui ont ensuite été reprises, l’assemblée de Polynésie peut être aujourd’hui parfaitement satisfaite du texte qui est présenté.

Vous commettez en outre une erreur majeure en disant que l’assemblée de Polynésie a critiqué les dispositions concernant la prime et la circonscription d’élection. La seule critique qu‘elle ait formulée sur le mode de scrutin portait sur les seuils !

M. Bernard Roman – Et sur la date !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Or, le Gouvernement a accepté au Sénat les amendements proposés par l’allié de M. Temaru, M. Flosse, pour remonter les seuils, conformément aux propositions de l’assemblée de Polynésie française. Sur ce point aussi, ses observations ont donc été parfaitement respectées.

M. Bernard Roman – Pas la résolution sur la date !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Je suis d’ailleurs très surpris que vous critiquiez si fort ce mode de scrutin. Le 24 janvier 2007 en effet, ce n’est pas loin, M. Dosière expliquait qu’un scrutin à deux tours serait sans doute préférable, le premier permettant l’expression de chaque sensibilité politique et le deuxième obligeant à créer une majorité devant les électeurs, certains étant susceptibles de retourner leur veste une fois l’élection passée. Vous voilà satisfait, Monsieur Dosière ! Sauf bien sûr que vous êtes en pleine contradiction.

M. Le Roux parlait de catastrophe politique : est-ce une catastrophe politique que le Gouvernement, le 1er août, pour satisfaire à la demande de MM. Temaru et Flosse, ait indiqué au gouvernement de M. Tong Sang qu’il serait obligé de se représenter devant les urnes après un mandat abrégé ? C’est au gouvernement en place que nous nous sommes adressés, c’est lui qui a été reçu par le Président de la République ! Je partage l’historique que vous avez dressé de ces dernières années, Monsieur Le Roux, à la virgule près. La différence est que sur toutes ces heures noires de la Polynésie française, nous avons décidé de tourner une page et que vous réclamez d’y revenir, bien que vous les ayez dénoncées dès 2004.

Je m’étonne d’ailleurs qu’à aucun moment, ni vous ni M. Roman ne vous soyez exprimés sur toutes les mesures du texte qui touchent à la transparence. Elles répondent pourtant à ce qui est devenu une exigence des Polynésiens. Des comptes doivent être rendus sur la manière dont les élus de Polynésie font l’usage de l’argent du contribuable : vous réclamiez des mesures fortes en ce sens en 2004, et vous n’en dites plus rien alors que c’est l’essentiel du corps de notre texte ! Car, si nous voulons que les Polynésiens puissent de nouveau choisir leur destin, nous voulons avant toute chose garantir que ce destin s’inscrira dans une parfaite transparence, en renforçant le rôle de la chambre territoriale des comptes et en assurant le contrôle de l’État sur les actes de comptabilité publique, ce qu’il fait pour toutes les autres collectivités territoriales de la République. Je suis vraiment très surpris que vous n’ayez pas dit un seul mot de cette préoccupation majeure.

Vous n’avez d’autre part cessé de parler de majorité stable. Depuis quelques mois, vous trouvez qu’il y a une majorité stable. Mais cela fait trois ans qu’il y a une majorité stable ! Dans les trois ou quatre mois qui suivent une motion de censure, on a toujours une majorité stable ; mais au bout de six mois, elle devient instable ! Pourquoi cette majorité-là ferait-elle exception à la règle ? Je ne prendrai pas ce risque : la Polynésie n’a plus de temps à perdre !

Si vous avez déjà fait le choix – à cette tribune et lors de vos déplacements en Polynésie – de vous engager dans le camp de ceux qui souhaitent aller vers l’indépendance, le Gouvernement, lui, n’en fait aucun – si ce n’est celui de la stabilité. Nous faisons confiance aux Polynésiens pour choisir eux-mêmes, le moment venu, leur propre destin. Quel que soit leur choix, le Gouvernement leur fera confiance ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Je m’élève une nouvelle fois contre les mises en cause du travail de la commission. Tout à l’heure, on lui reprochait de ne pas avoir reçu tous les élus qui l’avaient demandé. Nous avons en effet, M. Bignon et moi-même, reçu M. Tong Sang. Quelques semaines auparavant, j’avais fait de même avec le nouvel ami de votre ami M. Temaru, qui était accompagné du président de l’assemblée territoriale. L’ensemble des élus qui ont demandé à être reçus par la commission l’ont été.

Voilà maintenant que M. Le Roux met en cause le rapporteur, qui n’aurait évoqué l’avis de l’assemblée territoriale que dans trois phrases de son rapport. Sans doute vous êtes-vous arrêté à l’introduction, Monsieur Le Roux ! Si vous aviez poursuivi votre lecture, vous auriez trouvé de nombreux développements sur le sujet, par exemple à la page 49, à la page 56 – où il est expliqué que l’assemblée de la Polynésie française s’est déclarée défavorable au mode de scrutin proposé, au motif qu’il ne serait pas susceptible de mettre fin à l’instabilité institutionnelle.

M. Bruno Le Roux – Où est l’avis ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Le rapporteur détaille ensuite les seuils proposés par l’assemblée dans cet avis – qui est encore cité page 61, page 66, page 69…

M. Bernard Roman – C’est l’avis qui manque !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – …page 98, page 119, page 120, page 124, page 138, page 141 ! Le plus triste n’est pas que vous n’ayez pas lu le rapport, mais que vous essayiez de faire croire que la commission méprise l’assemblée territoriale. Nous avons le plus grand respect pour cette assemblée, dont nous avons reçu les membres chaque fois qu’ils le souhaitaient, et nous avons tenu compte de son avis comme il le méritait. Je voulais rétablir cette vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

M. Bernard Roman – Monsieur le président, je souhaiterais que la Conférence des présidents se penche sur l’organisation des scrutins publics et qu’éventuellement on puisse regarder les images d’un scrutin public, qui sont disponibles grâce à la Chaîne parlementaire.

M. Guy Geoffroy – Chacun passe son temps comme il le peut !

M. Bernard Roman – J’en viens à mon explication de vote. Nous pouvons jouer longtemps au chat et à la souris, Monsieur le ministre, mais il faudra bien que vous nous répondiez : où est le blocage aujourd’hui ? Qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de signer avec le gouvernement polynésien le contrat de développement aujourd’hui suspendu à l’organisation d’une nouvelle élection avec un nouveau mode de scrutin ? Qu’est-ce qui vous permettait de signer il y a quelques mois avec M. Tong Sang et qui vous empêche de le faire aujourd’hui, si ce n’est que l’actuel président ne vous convient pas ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Si M. Roman m’y autorise, je vais lui répondre tout de suite.

M. Bernard Roman – Naturellement.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Le contrat de projet négocié avec le gouvernement de M. Tong Sang portait sur quatre volets : la politique d’assainissement, la politique de santé publique, la politique de rénovation urbaine et la politique de l’enseignement supérieur. Tout était bloqué faute de majorité, et M. Temaru s’y opposait. Devenu président de la Polynésie, il vient de demander à l’assemblée de donner son accord sur deux de ces quatre volets. Je lui ai répondu que j’étais prêt à signer là-dessus. Il n’y a donc pas lieu à polémique.

M. Bernard Roman – Je ne regrette pas d’avoir accepté d’interrompre mon explication de vote : vous venez de reconnaître que cela fonctionne, ce qui contredit toute votre argumentation. Vous nous dites que les majorités sont stables dans les quelques mois qui suivent l’élection, et qu’elles deviennent instables ensuite. Lorsqu’il s’agit de celle de M. Tong Sang, vous signez un contrat de développement ; avec M. Temaru, ce n’est plus possible ! Cela pose tout de même un problème ! Il n’y a donc pas lieu à délibérer, puisque de l’aveu même du ministre, la question est réglée !

Nous avons trop de considération pour notre commission, Monsieur Warsmann, pour critiquer son travail. Mais permettez-nous de nous étonner que dans une procédure dans laquelle l’avis de l’assemblée de Polynésie est requis, cet avis ne soit pas joint au rapport ! Le Sénat l’a fait !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Tous les députés l’ont !

M. Bernard Roman – Il ne s’agit pas de recevoir ou non les élus, mais d’être équitable. M. Tong Sang, représentant de la minorité de l’assemblée polynésienne, demande à être reçu alors que les projets sont déjà en discussion en commission, il est normal qu’il le soit. Mais il est normal qu’on le fasse savoir au président de l’assemblée polynésienne et qu’on lui propose d’être reçu à son tour.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Je l’ai reçu !

M. Bernard Roman – Vous l’avez reçu avant que les projets viennent en discussion ! Ne jouez pas au chat et à la souris ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L’avis de l’assemblée territoriale n’étant pas publié, un certain nombre de données échappent à notre Assemblée. Vous nous dites que l’assemblée de Polynésie a donné son accord sur les dispositions relatives à la transparence de la vie politique, et nous nous en félicitons. Mais elle a fait part de son désaccord sur le processus électoral proposé et la date retenue pour les élections par une résolution proposant de la reporter après les élections municipales, proposition soutenue par l’un des deux députés du Tahoeraa. La démonstration de M. Le Roux est donc sans ambiguïté, et nous voterons cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission – Il n’y a pas photo ! (Sourires)

QUESTION PRÉALABLE
(LOI ORDINAIRE)

M. le Président – J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe SRC une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement, sur le projet de loi ordinaire.

M. René Dosière – Durant tout le débat, ma pensée ira aux habitants de la Polynésie, tout spécialement aux jeunes, qui sont l’avenir de ce pays, et à ceux qui souffrent de ne pas avoir de logement ou de revenus. La Polynésie n’est pas le rêve que l’on essaye de vendre : c’est aussi un pays qui connaît de vraies difficultés économiques. C’est parce que nous voulons qu’elles diminuent que nous devons légiférer avec sérieux.

D’autre part, représentant, comme vous tous, de la nation – même si j’ai été élu dans une circonscription donnée –, j’ai le droit et le devoir de m’exprimer sur toutes les questions qui concernent le territoire de la République, où qu’il s’étende. C’est pourquoi j’ai été particulièrement choqué par la manière dont vous avez dénié à M. Lesterlin le droit de s’intéresser à la province Nord de Nouvelle-Calédonie…

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Pas du tout.

M. René Dosière – Ces propos inadmissibles m’ont rappelé la manière dont, lorsque je me suis rendu en Polynésie en 2004, puis en 2005, certains parlementaires polynésiens, notamment le sénateur Flosse, m’ont demandé de rentrer chez moi et de les laisser s’occuper eux-mêmes de leurs affaires ! Je suis chez moi en Polynésie, tout autant que dans ma circonscription ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Chantal Berthelot – Très bien !

M. René Dosière – Réciproquement, nos collègues élus en Polynésie ont le droit de faire valoir leur point de vue ! Ils ne manqueront assurément pas de le faire.

Un député du groupe SRC – Et les collègues rattachés à la Polynésie ?

M. René Dosière – En effet, ne les oublions pas ! N’est-ce pas, Monsieur Lagarde ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Qu’y a-t-il d’honteux à cela, étant donné la déclaration que vous venez de faire ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. René Dosière – Absolument rien ! Je constate simplement l’attrait qu’exerce la Polynésie…

M. Jean-Christophe Lagarde – Venant de vous, cela revient à des félicitations ; je vous en remercie !

M. René Dosière – Il y a quelque quatre ans, lors de l’examen du texte statutaire qui visait déjà à assurer la stabilité en Polynésie, où une majorité, peut-être insuffisante, s’était pourtant fait jour, c’est un amendement déposé en séance par le sénateur Flosse qui a décidé du mode de scrutin finalement retenu. Cet amendement avait été approuvé par la ministre de l’époque, Mme Girardin, à l’avis de laquelle s’en était remis le rapporteur du Sénat – et dont je suppose que vous assumez l’action, Monsieur le secrétaire d’État.

Puisque vous aimez les citations, voici quelques extraits des débats : « combien de temps ce projet Chirac-Flosse », affirmais-je alors, « survivra-t-il à ses auteurs ? » On ne saurait être plus prémonitoire ! Quant au porte-parole de l’UMP, M. Éric Raoult, il déclarait à la ministre : « Vous avez conçu, madame, un texte équilibré ; les meilleurs pièces de piano se jouant à plusieurs mains, les contributions au projet de Brigitte Girardin, de Gaston Flosse et de Jacques Chirac laissent espérer les plus belles mélodies » !

On sait le sort que les électeurs de Polynésie ont réservé à cette réforme du mode de scrutin, même si la majorité actuelle, la même qu’en 2004 – quoique un peu moins nombreuse – n’en a pas tiré les leçons. En effet, le mode de scrutin qui devait assurer sinon la stabilité de la Polynésie, du moins le maintien au pouvoir du Taoheraa, a permis à l’UPLD de M. Temaru – allié à l’époque, Monsieur Lagarde, au Fetia Api – d’arriver démocratiquement au pouvoir, dont le Gouvernement n’a depuis lors eu de cesse de le déloger. Permettez-moi de compléter les remarques précises et rigoureuses de MM. Le Roux et Roman : la ministre d’alors n’a cessé de mettre en cause, notamment dans cet hémicycle, les résultats de l’élection, alimentant de fait les doutes sur la solidité de la majorité élue ; on est allé jusqu’à débaucher – il n’y a pas d’autre mot – un élu pour inverser le rapport de forces en faveur du Taoheraa ! En signe de protestation contre cette contestation du suffrage universel, plus de 30 000 manifestants ont défilé le 16 octobre 2004 à Papeete, soit, rapporté à la population totale, l’équivalent de 6 ou 7 millions de personnes en métropole : il s’agissait de la plus grande manifestation que la Polynésie ait jamais connue.

Une fois la victoire éclatante de M. Temaru confirmée par les élections complémentaires, qui le dotèrent au mois de mai d’une large majorité – en voix, sinon en sièges, en raison du mode de scrutin abracadabrant ! –, la milice privée du Taoheraa, le Groupement d’intervention de la Polynésie, alla jusqu’à envahir l’assemblée de Polynésie française et le palais du gouvernement sans que l’État ou la justice ne lèvent le petit doigt ! Un peu comme si des forces politiques ou leurs milices se permettaient d’envahir l’Élysée ou l'Assemblée nationale sans que la police ne réagisse… C’est tout juste si le GIP n’était pas encouragé à provoquer le renversement de M. Temaru ! M. Le Roux a du reste évoqué les conversations téléphoniques entre l’Élysée, ou le ministère chargé de l’outre-mer, et un certain responsable polynésien…

Aujourd’hui, M. Temaru, revenu au pouvoir, dispose d’une majorité puissante – M. Sandras pourra nous le confirmer –, plus puissante que celles qui se sont succédé depuis trois ou quatre ans, comme en témoigne le vote des textes budgétaires à l’assemblée, ainsi que mes collègues l’ont rappelé. Mais à ce nouveau président, à cette majorité forte, voilà que vous proposez un nouveau mode de scrutin !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Le vôtre !

M. René Dosière – Non, Monsieur le ministre. Soyez précis ! Je n’ai pas sur moi le compte rendu de nos débats de février 2007…

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État – Mais moi si !

M. René Dosière – …mais je m’en souviens fort bien. Nous examinions, après le Sénat, un texte sur l’outre-mer qui avait fait l’objet d’une déclaration d’urgence – comme toujours s’agissant de l’outre-mer, auquel on ne consacre jamais le temps indispensable à la réflexion.

Mme Chantal Berthelot – C’est bien vrai !

M. René Dosière – C’est alors que je suis intervenu – à propos d’un amendement visant à revenir à l’ancien mode de scrutin –, non pas pour défendre, comme l’a dit M. Lagarde, ce dispositif que j’avais combattu en 2004, mais pour dénoncer une manière de légiférer en urgence dont on avait constaté les conséquences désastreuses trois ans plus tôt. Cette improvisation étant d’autant plus dommageable que la détermination du mode de scrutin, sur lequel le Sénat n’avait pas statué, revenait à la seule CMP. Voilà pourquoi j’avais déposé une exception d’irrecevabilité, jugeant particulièrement malvenue l’introduction, dans un texte qui ne concernait pas spécifiquement la Polynésie, de cette nouvelle réforme, et espérant que le Conseil constitutionnel, saisi du texte, serait sensible à mes arguments. J’avais également suggéré d’autres solutions. Ne me faites donc pas l’avocat de tel ou tel mode de scrutin.

Et puisqu’il était si important de le modifier en février dernier, pourquoi ne reprenez-vous pas aujourd’hui à votre compte ce mode de scrutin que vous avez voté ? Alors que vous voulez de nouvelles élections, voilà que vous le rejetez. C’est dire combien vos manipulations sont sans effet.

N’oubliez pas que les socialistes vous ont proposé en 2004 de créer une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics en Polynésie, qui aurait pu répondre à votre souci de transparence. Pourtant, votre majorité prétendait alors que tout allait bien puisque la chambre territoriale des comptes effectuait normalement son travail de contrôle. Je vous rappellerai dans un instant combien vous aviez tort.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Justement : approuvez ce projet, au lieu d’en demander le rejet !

M. René Dosière – On est souvent favorable à l’une des mesures d’un projet que l’on désapprouve pourtant dans son ensemble : avouez qu’il serait tout de même curieux que le Gouvernement présente des textes dont pas une seule proposition n’est recevable !

Voici longtemps que vous souhaitez écarter Oscar Temaru. Aujourd’hui, vous voudriez aussi éliminer Gaston Flosse.

M. Jean-Christophe Lagarde – Est-ce pour cela qu’ils se sont alliés ? Quel aveu !

M. René Dosière – Sa créature, Gaston Tong Sang – dit « le Petit » – est reçue à sa place dans les ministères, et le Sénat n’accepte plus que ses amendements les plus anodins. Pourtant, M. Flosse est toujours président du Tahoera’a Huiratiraa, première force politique de Polynésie et, disons-le, pendant local de l’UMP. Vous demandez au Parlement de régler les querelles internes de ce parti : c’est la preuve d’un paternalisme inadmissible et dépassé. Laissez les Polynésiens gérer eux-mêmes leurs affaires et respectez leur autonomie ! Mais non : au moment même où une majorité stable se met en place, vous modifiez de nouveau le statut de l’archipel. Je parle d’autonomie en connaissance de cause : ce sont les socialistes qui l’ont instaurée en 1984.

Au fond, vous ne souhaitez pas la stabilité des institutions. Le rapporteur lui-même a des doutes sur ce qu’on peut attendre de votre mode de scrutin. Vous savez bien qu’en Océanie, où les alliances sont fragiles avant les résultats, plus solides après, le scrutin proportionnel, même à deux tours, ne permettra pas forcément de dégager une quelconque majorité. Vous y croyez si peu qu’il vous faut assortir le dispositif de plusieurs garde-fous : le renforcement de la motion de censure, certes pas inutile, mais surtout l’adoption du budget sans vote et l’élection d’un nouveau président, inacceptables.

Dois-je vous rappeler que j’ai rapporté le texte instaurant l’adoption du budget sans vote au sein de l’exécutif régional, à une époque où le scrutin proportionnel ne permettait pas – exception faite d’une certaine région méridionale où la droite fit alliance avec l’extrême droite – d’y construire des majorités ? Cette mesure ne se justifiait que parce qu’il n’y avait pas de majorité pour voter le budget. Cela étant, j’ai scrupuleusement veillé à ce que cette disposition disparaisse dès que les conditions d’une majorité furent de nouveau réunies. Aujourd’hui, vous reprenez cette mesure que vous combattiez alors.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État – Elle était bonne !

M. René Dosière – Seulement en l’absence de majorité !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Il n’y en a plus en Polynésie depuis 2004 !

M. René Dosière – Quoi qu’il en soit, la réforme du mode de scrutin ne suffira pas à sortir la Polynésie du malaise où elle est plongée.

M. Jérôme Bignon, rapporteur – Tiens donc ! On nous expliquait il y a quelques instants encore que tout allait bien !

M. René Dosière – Hélas, non. La France a installé en Polynésie un système économique de type colonial fondé sur des transferts financiers massifs qui ne profitent qu’à une minorité de privilégiés, qui favorise les biens importés au détriment des productions locales, fait le bonheur des sociétés commerciales et accable les Polynésiens par une fiscalité injuste. L’argent y règne en dieu, et l’enrichissement est l’objectif roi. Comment s’étonner, dès lors, que les pratiques clientélistes y fleurissent ? Ce n’est d’ailleurs pas propre à la Polynésie : n’a-t-on pas connu de semblables dérives à Nice, au temps de M. Médecin ? (M. le secrétaire d’État acquiesce)

La Polynésie doit retrouver les valeurs des premiers autonomistes comme Pouvanaa a Opaa ou Francis Sanford. Il était certes plus facile de prôner l’ascèse, la modestie et le partage à une époque où l’argent ne coulait pas encore à flots. C’est bien plus difficile aujourd’hui ; Oscar Temaru en sait quelque chose. Certes, la Polynésie a connu un développement important ces trente dernières années, mais son économie reste dépendante et inégalitaire. Songez que le PIB par habitant de 2003 ne dépasse pas celui de 1986 ! Nul besoin d’un énième débat théorique entre autonomie et dépendance – le tahitien n’emploie d’ailleurs qu’un seul et même mot pour les désigner. La Polynésie a besoin d’un développement durable, solidaire et autonome. Or, dans cette aire où les pratiques ne sont pas naturellement favorables au développement, il faut prendre des mesures adaptées, contrairement à la loi organique de 2004 qui renforçait les pouvoirs du président et de son entourage et s’est révélée néfaste au développement. Vous n’y apportez que des corrections partielles : il fallait un texte plus complet.

Pour terminer, je laisserai la parole à un économiste local qui expose clairement les mesures à prendre : « Jeter les bases d’un capitalisme entrepreneurial, dynamique et concurrentiel, passe par une réforme donnant moins de pouvoirs aux politiciens et laissant plus de place aux initiatives privées. La véritable réforme des institutions devrait contribuer à enclencher un vaste mouvement de suppression des tarifs douaniers et autres protections de rentes et à stimuler la concurrence à tous les niveaux de la vie économique ».

Autant d’aspects que votre texte n’aborde pas, même si vous proposez, pour mieux contrôler la gestion des fonds publics, quelques dispositifs sur lesquels – et c’est un signe positif – l’Assemblée de Polynésie s’est prononcée favorablement. L’essentiel de votre projet n’est pas là, et révèle votre vision éminemment politicienne, clientéliste, et pour tout dire coloniale de la Polynésie. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Yves Nicolin – Caricature !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Je voudrais moi aussi faire quelques citations, Monsieur Dosière.

En 2004, défendant plusieurs motions de procédure, vous aviez dénoncé un « bricolage juridico-administratif » et une « dérive présidentialiste ». Vous aviez même parlé d’une dérive monarchique, dans laquelle, comme M. Lagarde, vous aviez vu un risque de dérive vers l’indépendance.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je persiste et signe !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Un grand quotidien avait écrit ceci : « Seul René Dosière, député socialiste de l’Aisne, dans une longue motion de procédure, a dénoncé le système de gouvernance mis en place en Polynésie et a souhaité ouvertement une censure prochaine du Conseil constitutionnel, ainsi que Jean-Christophe Lagarde ».

Pourquoi, Monsieur Dosière, refusez-vous aujourd’hui les correctifs que nous apportons à un statut que vous dénonciez en 2004 ? M. Lagarde, au moins, est cohérent dans sa position !

M. René Dosière – Vous ne changez pas le statut de 2004, vous faites du bricolage !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  En fait, cela ne m’étonne pas car à l’époque, vous disiez également ceci : « J’entends dire que le PS souhaite l’indépendance pour la Polynésie »… D’ailleurs, nous rapporte la presse, en septembre dernier, le président Temaru, après avoir été reçu par le Président de la République, « a eu l’occasion de rencontrer deux figures de la gauche, Ségolène Royal et le député de l’Aisne René Dosière ». On voit bien que votre vision n’a pas changé !

M. René Dosière – Je suis fidèle en amitié !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Quant aux transferts financiers vers la Polynésie, qui s’élèvent à 1 370 millions, ils sont dans leur majeure partie consacrés aux traitements des fonctionnaires de l’État : s’agit-il à vos yeux de nantis ? Le Gouvernement, en tout cas, a le plus grand respect pour eux.

Le 21 mars 2007, vous vous vantiez sur votre blog d’avoir « fait voter plusieurs dispositions concernant le contrôle exercé par les chambres régionales des comptes sur les dépenses publiques ». Alors pourquoi ne voulez-vous pas aujourd’hui donner le même pouvoir, en Polynésie, à la chambre territoriale des comptes ?

Vous parlez aussi d’assurer la paix outre-mer, et vous dites avoir, à la demande de François Hollande, « contribué activement en 2004 et 2005 à la défaite d’un système, aux côtés des Polynésiens qui refusaient le clientélisme et la corruption ». Lutter contre le clientélisme et la corruption, c’est l’objet même du texte que nous vous proposons.

M. René Dosière – Vous abusez…

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Enfin, vous évoquez les difficultés économiques de la Polynésie, mais nous voulons précisément y mettre un terme en donnant à cette collectivité la stabilité dont elle a besoin.

Vous dénoncez l’usage fait du fonds intercommunal de péréquation, et vous souhaitez plus d’égalité entre les communes ? Je présenterai en avril 2008 un nouveau projet de loi organique qui renforcera les compétences et les ressources des communes !

Le Gouvernement veut promouvoir l’équité et l’égalité des chances en Polynésie, au profit des Polynésiens des îles les plus éloignées ou des quartiers en difficulté de Faa’a ; c’est d’ailleurs pourquoi j’ai regretté que l’actuel président de Polynésie n’accepte pas d’aller plus loin dans le contrat de projets, notamment sur le volet assainissement. Nous voulons créer les conditions de la prospérité en Polynésie, afin d’améliorer le pouvoir d’achat des Polynésiens et de donner des emplois à la jeunesse, qui représente près de 55 % de la population. Il est regrettable que vous vous y opposiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Roman – Nous aimerions vous croire, Monsieur le ministre, quand vous dites condamner les pratiques clientélistes, comme MM. Dosière et Lagarde l’avaient fait avec force en 2004… La Chambre territoriale des comptes a dit des choses très dures sur la gestion des années Flosse. Mais aujourd’hui, vous semblez soutenir ce que font les enfants de M. Flosse : après le grand Gaston, nous avons le petit Gaston, M. Tong Sang, lequel travaille avec d’autres qui sont aujourd’hui dans les mailles de la justice pour leurs pratiques répréhensibles – et je ne parle même pas de leurs incessants passages d’une majorité à l’autre.

M. Jean-Christophe Lagarde – Ils ont été élus sur la liste de M. Temaru !

M. Bernard Roman – Tous ceux-là – MM. Vernaudon, Bouissou, etc. – ne méritent sans doute pas tant d’égards de la part de la République. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera cette motion.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Christophe Lagarde – Trois ans, cinq présidents ! Aucune autre collectivité territoriale n’a connu autant de bouleversements, de rebondissements, de coups d’éclat – de coups d’État – favorisés par la versatilité des élus, souvent motivée par des raisons financières. Monsieur Roman, vous avez cité M. Vernaudon, surnommé « le shérif », ce qui est heureusement inhabituel pour un édile de la République. Il est vrai que ses changements de cap peuvent être inquiétants, et je l’ai dit à M. Tong Sang. Mais de là à affirmer qu’il est infréquentable, c’est oublier un peu vite qu’il a permis à M. Temaru de bénéficier de la prime majoritaire. Votre position est tout à fait caractéristique des revirements du parti socialiste depuis 2004 !

Nous avons, ensemble, dénoncé des pratiques qui n’étaient pas saines. Aujourd’hui, le Gouvernement veut y mettre un terme.

M. Bernard Roman – Et vous soutenez les mêmes !

M. Jean-Christophe Lagarde – Mais au lieu de vous en satisfaire, vous souhaitez à tout prix que votre allié reste au pouvoir, quitte à ce que la vie politique polynésienne en soit paralysée ! Tout cela remonte à 2002 : vous avez alors constaté que l’absence d’un soutien outre-mer avait coûté à Lionel Jospin 200 000 voix. Vous êtes donc allés chercher le parti indépendantiste, sans d’ailleurs vous prononcer en faveur de l’indépendance – vous avez même conseillé à M. Temaru d’expliquer que l’enjeu n’était pas l’indépendance, ce qui lui a permis de gagner beaucoup de voix, et de se rallier M. Vernaudon – d’où l’instabilité actuelle.

M. Bernard Roman – Vous étiez avec nous, à l’époque !

M. Jean-Christophe Lagarde – Il est vrai que cela est dû à un mode d’élection – que j’ai dénoncé en son temps – qui pousse à des alliances contradictoires.

Le Gouvernement souhaite aujourd’hui qu’on revienne sur le chemin républicain. Je le dis sans flatterie, Monsieur le ministre, vos passages en Polynésie ont été appréciés, parce que, pour la première fois depuis longtemps, un ministre a pris le temps de comprendre la Polynésie française et qu’enfin, il a exposé la position de la République et non celle de tel ou tel ami ou « copain ».

Dans un contexte de paralysie économique, la population polynésienne souhaite reprendre la parole ; dans sa majorité, elle estime que certains ont failli à leur mission. Je m’attendais que la majorité actuelle ne change rien. Je vous donne acte de cette volonté de réforme. La République gagnera à ce que la Polynésie retrouve son rang de collectivité territoriale, avec la possibilité de transmettre ses actes pour contrôle administratif. Et si d’aucuns se plaignent d’ingérence, qu’ils en tirent les conséquences : les masques doivent tomber !

Avec la municipalisation de la Polynésie, c’est un grand pas que vous vous apprêtez à faire. M. Flosse obtenait du pouvoir de Paris au titre de l’autonomie, mais il ne le redistribuait jamais aux communes au titre de la décentralisation. Jamais il n’a souhaité renforcer le rôle des maires, qui sont d’ailleurs dépourvus d’administration. Quand nous l’avons auditionné, c’est une telle réforme qu’attendait M. Tong Sang, alors maire de Bora Bora et président des maires de Polynésie française.

Le pouvoir central s’est toujours limité à distribuer l’argent de la République en créant des prébendes, en pratiquant le clientélisme ; en redonnant du pouvoir aux maires, vous allez permettre à la Polynésie française de se développer. Le maire du village d’Hiva Oa, où sont enterrés Paul Gauguin et Jacques Brel, avait expliqué aux députés de la commission des lois qu’en raison d’un désaccord avec le pouvoir central qui durait depuis plus de sept ans, il ne pouvait pas construire de musée ! Voilà une situation qui va prendre fin.

Quant au contrôle et à la transparence de la vie publique, il serait temps de les favoriser, après tout ce que l’on a entendu ou lu dans les rapports des chambres régionales des comptes.

Si vous n’aviez pas proposé de convoquer de nouvelles élections, le débat ne serait pas aussi virulent et M. Tong Sang serait toujours président. Mais Gaston Flosse et Oscar Temaru, les adversaires de toujours, ont préféré se réconcilier pour empêcher qu’une autre voie s’ouvre, et ils l’ont fait au risque du ridicule : Gaston Flosse, pour qui l’indépendantisme était le diable, qui n’a cessé d’agiter cette menace pour obtenir toujours plus de crédits de Paris, s’est déjugé pour ne pas risquer un nouveau désaveu des électeurs. Oscar Temaru, l’intransigeant, « droit dans ses bottes », porté au pouvoir par une population lasse d’un autocrate dont elle avait soupé, a accepté lui aussi de fricoter avec le diable – en concédant la présidence de quelques SEM – pour récupérer le palais de la Présidence.

M. Bernard Roman – C’est faux !

M. Jean-Christophe Lagarde – Dans le prochain statut, il faudra laisser plus de libre champ aux acteurs économiques, aux créateurs d’entreprises, aux partenaires sociaux. Le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie a des atouts. Les personnes qui appartiennent à la société civile sont bien plus utiles à la collectivité que la majorité de leur classe politique. Il faudra que ces acteurs soient davantage présents, car l’économie polynésienne est en panne. À ceux qui plaignent les Polynésiens de manquer de travail, de logement ou de perspectives de formation, je veux dire qu’il faut avant tout libérer la parole et libérer l’économie de sa dépendance à la politique.

Les Polynésiens veulent un vote. J’espère qu’ils sauront saisir cette occasion pour en finir avec ce prétendu duel Flosse-Temaru, qui n’était qu’un duo infernal dont ils ont trop souffert ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Didier Quentin – L'autonomie toujours plus grande de la Polynésie française, qu'il n'est pas question de remettre en cause, s'est accompagnée d’une aggravation des dysfonctionnements. Les institutions actuelles, issues du statut de 2004, ne permettent plus de répondre aux aspirations des Polynésiens.

Depuis l'élection de son assemblée, le 23 mai, la collectivité connaît une situation d'instabilité majeure. C'est un zapping permanent : cinq présidents se sont succédé en trois ans, et quatre motions de censure ont été adoptées sur les six déposées. Aucun gouvernement n'est assuré d'une majorité suffisamment solide. Cette instabilité nuit au développement de la Polynésie française, alors même qu'elle est confrontée à une situation économique et sociale difficile. Parallèlement, la Cour des comptes a publié, en 2006, un rapport soulignant la nécessité d'une plus grande transparence. Face à un tel constat, une réforme est nécessaire pour restaurer la confiance de la population et favoriser une reprise de la croissance économique. C'est à quoi tendent les deux projets de loi.

Les nouvelles dispositions favoriseront, en premier lieu, l'émergence d'une majorité stable et cohérente à l'assemblée de Polynésie française et conforteront la stabilité gouvernementale par l'introduction de mécanismes inspirés du parlementarisme rationalisé. Ainsi, le nouveau mode de scrutin pour l’élection de l'assemblée limitera l’émiettement de la représentation, en favorisant les alliances entre partis. Par ailleurs, la responsabilité de l'exécutif polynésien pourra être mise en jeu devant l'assemblée dans des conditions plus favorables à la stabilité institutionnelle : tel est le sens des motions de défiance constructives dont l'adoption, en même temps qu'elle mettra fin au gouvernement en place, conduira à déclarer élu un nouveau président. On évitera ainsi la formation de majorités d'opposants ne visant qu’à renverser le gouvernement, en l’absence de tout projet commun.

Le projet de loi vise, en second lieu, à assurer une plus grande transparence. Il précise les règles d'octroi des subventions et renforce le régime des incompatibilités et des inéligibilités. Il tend également à renforcer le contrôle des actes et des comptes et à encadrer les activités économiques et financières. Les aides ou garanties d'emprunt ne pourront être accordées aux sociétés d'économie mixte que si elles sont justifiées par un « but d'intérêt général lié au développement de la Polynésie française ».

La population sera en outre davantage associée à la vie politique ; alors qu'aujourd'hui la publication du compte rendu des séances de l’assemblée au Journal officiel de la Polynésie française n'est enfermée dans aucun délai, le texte introduit un délai de dix jours.

Enfin, les contrôles juridictionnel, financier et budgétaire seront renforcés, pour tirer les conséquences des observations de la Cour des comptes. Le projet de loi organique prévoit ainsi une harmonisation des règles budgétaires et comptables avec le droit commun du code général des collectivités territoriales : le Haut commissaire et la Chambre territoriale des comptes contrôleront désormais les comptes de la Polynésie française.

Enfin, en vue de remédier le plus rapidement possible à l'instabilité institutionnelle, le mandat en cours de l'assemblée de la Polynésie française est abrégé, et des élections seront organisées au début de l'année 2008.

Ces projets de loi donnant à la Polynésie française le nouveau souffle dont elle a besoin, le groupe UMP les votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Bruno Le Roux – La Constitution ne permet pas que je m’exprime en maori à cette tribune ; permettez-moi néanmoins de vous souhaiter une bonne année maori, puisque le temps en est venu ! Puissent, sous ces auspices, nos débats nous permettre d’atteindre nos objectifs communs de stabilité et de bonnes pratiques politiques en Polynésie française.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, rien ne justifie l’urgence. Au contraire : une fois que l’Assemblée aura adopté ces textes, ceux-ci seront examinés en commission mixte paritaire, puis le projet de loi organique passera devant le Conseil constitutionnel, et une promulgation n’aura pas lieu avant la mi-décembre, soit cinq semaines seulement avant la date que vous fixez pour les élections. En outre, nous entrerons alors dans la période de Noël, qui est, en Polynésie plus encore que chez nous, l’occasion de se consacrer à sa famille et à ses amis, et où la vie politique est mise en sommeil ; cette période est peu propice à la tenue d’une campagne électorale ! Croyez-vous vraiment qu’il puisse y en avoir dans ces conditions une digne de ce nom ?

Une nouvelle réforme du mode de scrutin nous est présentée chaque fois que M. Temaru risque d’accéder au pouvoir ou de s’y maintenir ! Ce fut le cas en 1996 comme en 2004. La prime majoritaire avait alors été instituée pour assurer la suprématie du parti de M. Flosse, qui représentait vos intérêts. La manœuvre fut couronnée de succès dans les archipels, mais non à Tahiti, où M. Temaru avait pris la tête d’une coalition des partis d’opposition, autonomistes et indépendantistes.

Vous nous avez accusés de soutenir un homme qui milite pour l’indépendance de la Polynésie. M. Temaru considère que l’indépendance doit non seulement faire l’objet d’un référendum d’autodétermination, mais en tout état de cause être différée jusqu’au moment où les conditions économiques et sociales la rendront possible, au terme d’une période qu’il estime devoir être de dix à quinze ans. Bien que je ne sois pas indépendantiste, et que je souhaite que les Polynésiens, tout en préservant leur culture, soient fiers d’être Français, je me rends compte que les pratiques insupportables de l’État français ces dernières années ont amené des élus à rejeter ce qu’incarne cet État. C’est seulement si celui-ci adopte une attitude irréprochable et se mobilise suffisamment pour le développement que nous pourrons changer cette situation, qui ne me paraît pas favorable au développement de la collectivité.

Lorsque M. Temaru eut déjoué ses pronostics, le Gouvernement affirma que les opérations électorales n’étaient pas terminées, et votre prédécesseur, Monsieur le secrétaire d’État, annonça que les robinets seraient fermés, ce qui fut effectivement le cas. Le lendemain même de son accession au pouvoir, il n’y avait plus personne au standard du ministère de l’outre-mer, ni à celui de la Présidence, pour parler au président de la Polynésie !

Vous annoncez aujourd’hui une énième modification du mode de scrutin, à l’évidence destinée à favoriser l’émergence d’une majorité autour de votre protégé du moment. Je ne pense pas que cela favorise la stabilité. Par ailleurs, ce que vous appelez « l'abréviation du mandat », autrement dit une dissolution déguisée, va écourter de deux ans le mandat des élus de l'assemblée et de son président. C'est donc bien l'État français, c’est votre gouvernement, et non l'assemblée de la Polynésie, qui s'apprête à censurer Oscar Temaru au mépris du suffrage polynésien. C’est l'Assemblée nationale qui va censurer ce président qui s’appuie pourtant sur une majorité.

Pourtant, la paix historique conclue entre les adversaires de trente ans, Gaston Flosse, le champion de l'autonomie, et Oscar Temaru, celui de la souveraineté, avait fait revenir la stabilité au sein des institutions de Polynésie. Votre constat d’instabilité était vrai en juillet ou en août dernier, mais ne l’est plus depuis qu’ils ont décidé de mettre de côté leur désaccord idéologique pour travailler ensemble à des projets de développement économique et social. Oscar Temaru avait lancé un appel en langue tahitienne pour une « paix des braves ». Le Tahoeraa a été le seul à répondre mais le fait est que, depuis, le travail de l’assemblée a gagné en qualité et les élus se respectent davantage les uns les autres, sans que pour autant le Tahoeraa ait perdu son sens critique. Mais vous refusez d'admettre cette nouvelle unité. Dans tous les pays qui ont connu l'instabilité, ce sont des gouvernements d'unité nationale qui ont ramené la stabilité ! Pourquoi cela serait-il interdit aux Polynésiens ? Pourquoi condamner une démarche politique qui n’avait jamais eu cours ? Peut-être est-elle transitoire, mais vous devriez vous demander si elle est porteuse d’avenir avant de passer à une autre forme d’instabilité !

Enfin, pour comprendre la dernière raison de l’avancement des élections territoriales, il suffit de lire la presse tahitienne : certains de vos amis apparaissent bien en difficulté et vous pourriez, si j’en crois les analyses locales, avoir envie qu’ils retrouvent une légitimité sur un scrutin de liste avant les élections municipales.

Vous avez consacré, Monsieur le ministre, l’essentiel de votre dernier déplacement en Polynésie aux archipels éloignés. Vous vous êtes rendu aux Marquises, à Hiva Oa, le fief de Jean-Alain Frébault ou à Rangiroa, celui de Teina Maraeura – deux élus dont les retournements à répétition n’ont pas été pour rien dans l’instabilité politique.

M. Bernard Roman – Quatre fois en quatre ans !

M. Bruno Le Roux – Vous condamnez l'instabilité politique, mais vous en rencontrez les responsables en ami.

M. Jean-Christophe Lagarde – Mais M. Flosse et M. Temaru, eux, ont eu raison de changer de position !

M. Bruno Le Roux – Avant de quitter la Polynésie, vous avez annoncé que vous reviendriez avant Noël. Le Président de la République a déclaré à Oscar Temaru que vous ne vous y rendriez pas, pour ne pas troubler le vote des Polynésiens. Qui croire ? Allez-vous faire en sorte que ce scrutin se déroule dans la plus parfaite impartialité, ou mobiliser une fois de plus, comme lors de votre dernier déplacement, les moyens de l’État au service d’un candidat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Michel Vaxès – En 2004, de nouvelles règles électorales avaient déjà été adoptées pour la Polynésie française. Aucun problème d'instabilité politique ne se posait alors : seules les considérations électoralistes du président du gouvernement polynésien de l'époque, le sénateur Gaston Flosse, avaient dicté ce changement. Les modifications avaient été décidées au Sénat, alors que ni le Conseil d’État, ni l'assemblée de Polynésie, ni les Polynésiens n'avaient été consultés et bien qu’elles contreviennent à l'esprit de démocratie participative qui était promu par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et par le projet de loi organique lui-même. Les amendements de M. Flosse visaient, par le jeu de la prime au parti dominant, à garantir sa réélection, au mépris de la représentation de l’opposition. Sitôt les modifications promulguées, une dissolution de convenance de l'assemblée polynésienne fut décidée, mais contre toute attente Gaston Flosse et sa majorité UMP ont été battus par les indépendantistes du Tavini et le 14 juin 2004, Oscar Temaru était élu président de la Polynésie française.

Il en résulta une succession de motions de censure et de présidences, une instabilité institutionnelle jamais vue jusqu'alors, qui démentait les définitives certitudes exprimées à peine un mois plutôt dans cet hémicycle : « Cette modification du mode de scrutin, objectivement, manifeste un souci de recherche d'efficacité et de pragmatisme » déclarait ainsi une parlementaire UMP aujourd'hui promue à d'importantes responsabilités ministérielles ! Vous veniez de légiférer pour « asseoir une majorité homogène », mais vous avez hérité d’une majorité qui ne vous convenait pas. C'est peut-être de ce côté-ci qu'il faut rechercher les véritables causes de l'instabilité.

Vos attentes, chers collègues de la majorité, sont bien différentes de ce que vous affichez. La majorité issue des élections polynésiennes ne vous agréera que si elle ne bouscule pas votre conception de l'ordre économique et social mondial et qu’elle ne menace pas, selon vous, la pérennité de la présence française sur un territoire d’une importance géostratégique considérable. C’est pourquoi les mêmes élus qui avaient adopté dans l'enthousiasme ces modifications du mode de scrutin demandaient dès janvier 2007 à en revenir à l’essentiel des règles précédentes, et pourquoi nous débattons de nouveau aujourd’hui. Vos motivations sont restées les mêmes : ne pas laisser la Polynésie s'éloigner politiquement de Paris, autrement dit faire impérativement succéder au couple Chirac-Flosse un autre, qui présente pour vous les mêmes garanties.

Nous considérons pour notre part qu'il appartient aux citoyens polynésiens de décider librement de leur destin. C'est à eux – à eux tous, mais à eux seuls – de décider des évolutions institutionnelles qu'ils considèrent nécessaires pour améliorer une situation économique et sociale difficile – en Polynésie, 30 % seulement d'une classe d'âge arrive au bac et l’espérance de vie est inférieure de dix ans à la moyenne nationale. Notre responsabilité est de les aider sans décider à leur place : ce qui sera bon pour la Polynésie ne se décrétera pas d'en haut et de loin, mais d'en bas et dans la proximité de chaque commune.

Monsieur le Ministre, je me réjouis de ce que vous vouliez offrir des compétences renforcées aux communes de Polynésie française, avec les ressources correspondantes. Vous dites qu’il n'y aura pas de stabilisation politique durable sans autonomie des communes par rapport aux autorités de Papeete : je vous rejoins sur ce point, mais nous jugerons sur pièces, lors de l‘examen du projet de loi organique en 2008. La France a une dette à l'égard de ces populations, une dette considérable. Elle ne peut s'en acquitter qu'en continuant à les accompagner jusqu'à une pleine autonomie économique, financière, sociale et administrative. Il reviendra ensuite aux Polynésiens de dire quel statut ils souhaitent pour leur territoire, et quels liens avec la France. Si celle-ci apporte son aide sans arrière-pensée, avec le seul souci du bien-être des populations, j’ai la conviction que ses intérêts se rencontreront avec ceux de la Polynésie, que les liens se raffermiront et qu'une coopération durable s'établira, quel que soit le statut en vigueur. La seule exigence que nous ayons à formuler est que l'aide de la France profite aujourd’hui à chaque citoyen et à chacune des îles.

Ces deux projets de loi proposent également d’améliorer la transparence de la vie politique en Polynésie. Nous sommes convaincus que le manque de transparence nuit non seulement au bon fonctionnement des institutions, mais également au développement économique et social du territoire. La transparence est une impérieuse et urgente nécessité, peut-être là-bas plus qu'ailleurs. Elle ne devrait inquiéter personne. Une grande partie des dispositions du titre II du projet de loi organique vont donc plutôt dans le bon sens, de même que celles qui concernent le contrôle juridictionnel, financier et budgétaire ainsi que celles contenues dans le projet de loi simple. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds publics en Polynésie française, réquisitoire cinglant contre la gestion de Gaston Flosse, suffit à convaincre de la nécessité d'un meilleur contrôle des fonds publics. Mais certaines mesures sont contestées par l'assemblée de la Polynésie, selon laquelle « sous couvert de moralisation de la vie politique, l'État reprend certaines compétences et s'immisce dans le fonctionnement des institutions ». Cette opinion de la majorité des élus polynésiens ne peut être ignorée, et les citoyens doivent être rassurés à cet égard. Quant au système électoral, même si nous ne reprenons pas les termes de l'assemblée, qui le qualifie de « prime à l'instabilité », nous ne sommes pas du tout convaincus qu’il pourra mettre un terme à l'instabilité politique. Vous avez d’ailleurs dit que vous n’en aviez pas vous-même la certitude.

C’est donc la date du 27 janvier 2008 qui a été retenue pour le renouvellement anticipé de l'assemblée de Polynésie française. J'avoue ne pas comprendre cette précipitation. Les fêtes de fin d'année sont particulièrement importantes pour les Polynésiens, et la mobilisation des familles et des églises intense. Cette date ne permettra donc pas la tenue d’un vrai débat de campagne. C’est pourquoi la majorité des représentants demandent que les élections soient organisées après les municipales de mars 2008. Pourquoi le leur refuser ? Comment les Polynésiens pourraient-ils croire que Paris veut améliorer leurs institutions si l’on commence par leur refuser ce qu’ils souhaitent majoritairement ?

Ces textes ne permettront pas de garantir un meilleur fonctionnement des institutions polynésiennes. Les citoyens polynésiens ne supportent plus cette instabilité, qui nuit au développement de leur territoire. Je crains que la portée limitée de ces textes ne réponde pas à leurs attentes. À condition qu’elle fasse preuve d’une certaine audace, c’est la loi organique promise pour 2008 qui pourra donner à la Polynésie les moyens d’assurer sa stabilité politique et son développement – et non ces textes. Notre groupe ne les votera donc pas.

M. Pierre Frogier – Pour des raisons historiques et géographiques, mais aussi plus personnelles, rien de ce qui se passe en Polynésie ne m’est indifférent. Par son dynamisme et sa joie de vivre, la communauté tahitienne a contribué à la construction de la Nouvelle-Calédonie moderne. Elle reste très attentive à ce qui se passe dans sa collectivité d’origine et, aujourd’hui, elle est inquiète.

La réforme que vous proposez est nécessaire. Que mes amis polynésiens me pardonnent néanmoins mon impertinence : les dysfonctionnements des institutions et de la vie politique polynésienne me semblent trouver leur source dans l’hypertrophie de la présidence de la Polynésie française, devenue l’unique enjeu politique. La seule question que se posent aujourd’hui les acteurs de la vie politique polynésienne est de savoir qui accédera au pouvoir suprême. C’est la dérive ultime d’un pouvoir personnel qui est ici à l’œuvre.

Pour donner un peu d’air à la vie politique en Polynésie, il faut appliquer à l’échelon local une forme de décentralisation. L’autonomie des communes va dans ce sens, mais il faut aller au-delà. La provincialisation a été instituée en 1989 en Nouvelle-Calédonie pour rétablir la paix civile et favoriser un rééquilibrage des pouvoirs. Certes, la situation est différente en Polynésie, mais ne devrait-on pas tenir compte de la contrainte géographique pour revoir l’équilibre institutionnel ? La Polynésie, c’est une étendue d’eau qui couvre la distance de Barcelone à Moscou. Ses archipels – les Marquises, les Gambier, les Tuamotu, les Îles-du-Vent – ont chacun leur âme, leurs traditions et leurs exigences. Le conseil des archipels un temps évoqué est malheureusement resté à l’état de projet. Confier à chaque archipel le soin de gérer ses propres affaires permettrait peut-être de retrouver cette stabilité qui fait tant défaut dans le débat politique.

Ce débat est aussi pour moi l’occasion de rappeler ma détermination à défendre la place de la France dans le Pacifique. Il faut mener dans le Pacifique une politique dynamique, confiante et plus cohérente, d’autant que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont complémentaires. Chacune a son cercle d’influence. C’est dans cet esprit que la France pourra mener une ambitieuse politique de coopération régionale. Pour atteindre cet objectif, l’action de l’État doit retrouver une cohérence. La course effrénée à l’évolution statutaire a trouvé ses limites. Les mesures visant à accroître la transparence de la vie politique et à renforcer les contrôles juridictionnel, financier et budgétaire sont donc des avancées. L’autonomie n’a de sens que si l’autorité de l’État s’exerce sans faiblesse. C’est à cette condition qu’il pourra être le partenaire impartial qui accompagne nos collectivités du Pacifique, dans le respect de leur autonomie et dans la mise en œuvre d’un projet commun (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Buillard – En février 2004, le Parlement dotait la Polynésie française d'un nouveau statut, en application du nouvel article 74 de la Constitution. Ce statut modifiait notamment le mode d'élection des représentants à l'assemblée en instituant une prime majoritaire en faveur de la liste arrivée en tête. Mais ce nouveau mode de scrutin n’a pas eu les effets escomptés. En trois ans et demi, cinq présidents se sont succédé. Six motions de censure ont été déposées, quatre adoptées. Cette instabilité ne peut que porter préjudice au développement auquel aspirent les Polynésiens, ainsi qu’à l'image de la Polynésie française, les priorités d'un gouvernement étant systématiquement remises en question par le suivant.

Notre population aspire à un gouvernement dont la légitimité ne pourra être garantie que par l'organisation de nouvelles élections. La date de cette consultation fait l'objet d'un débat. Je n’en retiens que ceci : à un moment ou à un autre, tous les partis politiques, qu'ils soient autonomistes ou indépendantistes, ont demandé un retour aux urnes anticipé.

M. Jean-Christophe Lagarde – C’est vrai.

M. Michel Buillard – Je suis favorable à l'échéance que vous proposez, au scrutin à deux tours et aux seuils prévus pour accéder au second tour. J’avais toutefois une préférence pour le seuil initial de 10 % des suffrages exprimés, plus respectueux du pluralisme.

Nous devons répondre à l'attente de nos électeurs, qui se sentent à juste titre dépossédés de leur vote lorsque leurs représentants font des choix opposés à leur programme de campagne et aux principes de leur parti. Certains basculent d'un camp à l'autre pour faire partie de la majorité ou renverser un gouvernement. Autonomiste convaincu, ministre puis vice-président de tous les gouvernements autonomistes issus du statut de 1984 jusqu'à mon élection comme député, je déplore ces reniements idéologiques (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP). La seule alliance possible pour l'autonomie, c'est celle de tous les autonomistes. Nous devons penser avant tout à notre population et savoir mettre de côté les querelles de personnes et de partis. C’est sans doute le message que les électeurs nous adresseront lors des prochaines élections territoriales.

Nous devons proposer aux Polynésiens un avenir en Polynésie française. Nous leur devons la stabilité politique et une gouvernance transparente.

Ces textes visent d’abord à améliorer le fonctionnement des institutions en assurant la constitution d'une majorité stable, cohérente et durable. Les représentants à l'assemblée seront désormais élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à deux tours. Le choix sera ainsi plus clair pour les électeurs.

Il s’agit ensuite de créer les conditions d'une meilleure gouvernance pour que les Polynésiens reprennent confiance en leurs institutions. Le président de l'assemblée sera élu pour la durée du mandat de celle-ci. Les dispositions relatives à la responsabilité du président de la Polynésie française et de son gouvernement sont modifiées.

Les dispositions tendant à renforcer la transparence de la vie politique sont l'un des principaux éléments des projets de loi. Je l’avais rappelé en novembre 2004, les règles de contrôle de l'utilisation des fonds publics doivent être les mêmes qu’en métropole. Les incessants changements de gouvernement et les accusations mutuelles ont jeté la suspicion sur l'ensemble de la classe politique locale. Or, nous avons un devoir d'intégrité dans la gestion des fonds du territoire et de l'État.

L'assemblée de la Polynésie a émis un avis favorable sur la majeure partie des articles relatifs à la transparence de la vie politique. Cela démontre notre volonté de ne plus donner prise aux accusations de mauvaise gestion des fonds publics. Nous devons également faire preuve de constance dans nos engagements politiques. Nos différends idéologiques ou statutaires ne doivent pas ralentir ou gêner l'attribution des crédits de l'État, comme l’illustre l’épisode tragi-comique de la signature du contrat de projets – la nouvelle mouture du gouvernement indépendantiste, adoptée par l’assemblée, fait l’impasse sur 142 millions d'euros budgétés par l'État pour l'enseignement supérieur et les grands équipements structurants. Or, parmi ceux-ci figuraient des projets indispensables d'adduction d'eau portable, de traitement des déchets et d'assainissement des eaux usées. En tant que maire, je ne peux que déplorer le retard pris dans leur financement.

M. Bernard Roman – Et le retard sur l’hôpital ?

M. Michel Buillard – Je soutiens votre intention de mieux partager le pouvoir entre le pays et les communes. Il n'y a là nulle atteinte à l’autonomie du pays : l'autonomie s'exprime aussi au tout premier échelon de la démocratie locale, la commune ! Plus l'autonomie communale sera développée, plus celle du pays sera forte et respectée. Le manque de ressources des communes facilite en effet les recompositions politiques d'opportunité. Il importe également d'établir des critères objectifs d'attribution des concours financiers aux communes, afin que les maires ne soient plus tenus de quémander pour avoir les moyens de réaliser leurs projets d'intérêt général. C’est aussi la condition pour que la dignité des populations soit respectée.

Les maires peuvent accepter les transferts de compétences s'ils ont un État fort à leurs côtés. Mais ces transferts de compétences doivent s’accompagner de transferts de moyens, sans quoi ils ne feraient, comme en 2004, qu’accroître les charges de communes dont l’autonomie financière est quasiment inexistante.

L’élection du Président de la République et l’attachement que le Gouvernement n’a pas tardé à témoigner à l’outre-mer, notamment à la Polynésie, nous permettent d’ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de notre autonomie. Vous-même, Monsieur le ministre, vous êtes venu à quatre reprises à la rencontre de tous les Polynésiens, auxquels vous avez souhaité présenter vos projets de loi et vous avez su comprendre leur aspiration à un meilleur avenir.

L’organisation de nouvelles élections constitue le meilleur gage de démocratie, de transparence et de bonne foi que nous puissions donner à notre population, à tous les Français et à l'État. À ceux qui vous reprochent de vouloir renverser un gouvernement indépendantiste, je rappelle que les deux derniers rendez-vous des indépendantistes avec les électeurs se sont soldés par deux échecs : à l’élection présidentielle, malgré une mobilisation sans précédent pour soutenir la candidature de Mme Royal ; aux élections législatives, qui ont vu la défaite de M. Temaru dans la circonscription Ouest, la mienne ! Les Polynésiens ne veulent pas des accords de Tahiti Nui évoqués par M. Dosière. N’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur la légitimité démocratique de ce gouvernement ? Faisons donc preuve de courage politique, n’ayons pas peur de redonner la parole au peuple polynésien !

Les nouvelles règles qui s’appliqueront lors des prochaines élections devraient garantir le pluralisme des partis comme la stabilité du gouvernement. J’en suis profondément convaincu : l'autonomie est le meilleur mode de gouvernance pour la Polynésie française. Ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, mais bien une certaine pratique des institutions…

M. le Président – Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Michel Buillard – …dont témoignent par exemple l'acquisition du Rockland's Hotel, en Nouvelle-Zélande, à un prix bien supérieur à ceux du marché, sans raison valable, mais aussi l'affaire des bus chinois, l'utilisation abusive de l'avion présidentiel à des fins électorales ou encore les conditions d'attribution des subventions aux communes. Nous devons désormais gérer les deniers publics en bons pères de famille et respecter la parole donnée.

Parce que ces deux projets de loi permettent à nos territoires de franchir cette étape indispensable, je les voterai au nom de l'avenir de la Polynésie française au sein de la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bruno Sandras – Je suis honoré et heureux de m’exprimer pour la première fois devant notre Assemblée.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a fait de la Polynésie française la première collectivité d'outre-mer, dotée par la loi organique du 27 février 2004 d’un statut d’autonomie dont les Polynésiens peuvent se féliciter, car il a garanti à leurs élus, grâce à d’importants transferts de compétences, les outils indispensables au développement du territoire.

Cependant, les élections du 23 mai 2004 ont révélé une instabilité structurelle qui a entraîné le renversement de quatre gouvernements en trois ans. Votre projet, Monsieur le ministre, vise à remédier à ces dysfonctionnements en s’appuyant sur les propositions qu’ont formulées la Chambre territoriale des comptes et la Cour des comptes afin de renforcer la transparence de la vie politique polynésienne.

Je suis d'accord pour l’essentiel avec les modifications qu’il contient. Les seuils retenus – les listes devront avoir obtenu 5 % des suffrages exprimés lors des élections à l’assemblée de Polynésie pour participer à la répartition des sièges, ou 12,5 % pour se maintenir au second tour si aucune n’a obtenu la majorité absolue au premier – permettront de dégager une majorité forte. Mais allons plus loin, et tentons de mettre fin aux accords de circonstance qui, depuis 2004, ont permis à 12 représentants sur 57 de quitter leur parti d’origine, une fois élus, pour s'allier à un autre groupe. Sans revenir sur l’interdiction constitutionnelle du mandat impératif, les électeurs doivent pouvoir sanctionner cette pratique. La Polynésie pourrait servir de laboratoire d’expérimentation pour un dispositif de moralisation du comportement politique ; j’ai déposé un amendement en ce sens.

En outre, le texte comporte des dispositions inutiles, voire contraires à l’idée que les Polynésiens se font de l'autonomie. Ainsi du nouvel alinéa de l'article 166, qui permet au Haut commissaire de se substituer aux autorités polynésiennes – quelles qu’elles soient – qui négligeraient de prendre les décisions que l’ensemble de leurs attributions leur imposent.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il a raison.

M. Bruno Sandras – Cette tutelle, que l'on croyait disparue depuis la loi statutaire du 6 septembre 1984, donnerait au représentant de l'État, « afin de rétablir le fonctionnement normal des institutions », un pouvoir de substitution…

M. Jean-Christophe Lagarde – Excessif !

M. Bruno Sandras – …dont la loi statutaire de 2004 limitait l’application aux cas où le président de la Polynésie néglige de publier ou promulguer une loi du pays et où le président de l'assemblée refuse de convoquer cette dernière. En somme, vous proposez de généraliser le pouvoir de substitution du préfet à un maire qui ne recourrait pas aux mesures qui s'imposent en matière de police administrative.

Les élus polynésiens ont-ils négligé leurs responsabilités pour mériter un tel retour au « temps des gouverneurs » ? Quand bien même ce serait le cas, c’est au juge, autorité impartiale, qu’il incomberait de prononcer une injonction d'agir, assortie le cas échéant d'une astreinte. Du reste, lors des crises que notre collectivité a traversées, les différents protagonistes – autorités de l’État ou élus polynésiens – ont toujours su trouver les outils juridiques propres à débloquer la situation. Ce n'est pas parce que ce dispositif existe à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy qu’il doit être étendu à la Polynésie, dont l’organisation interne est bien différente !

D’autre part, comme les habitants des Tuamotu avec lesquels je m’entretenais avant de prendre l’avion pour Paris – et qui vous remercient par ailleurs de votre visite, Monsieur le ministre –, je regrette les dates retenues pour les élections à l'assemblée, que l’avis de 44 représentants sur 57 aurait dû vous inciter à reporter après les élections municipales.

M. Jean-Christophe Lagarde – Justement non !

M. Bruno Sandras – Deux mois, ce n’est pas grand-chose pour un État que ses échéances nationales ont conduit à reporter ses élections municipales d’un an ! La précipitation risque même d’accroître l'instabilité que nous cherchons tous à combattre.

À condition que mes amendements sur le pouvoir de tutelle et la date des élections soient adoptés, ce texte redonnera confiance à la Polynésie française et à ses élus. Je le voterai donc, pour la Polynésie française, et pour son maintien au sein de la République (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Je vous remercie de la grande qualité de vos interventions, à tous, et de la hauteur de vues dont ont témoigné nos débats, digne de mes espérances comme de l’image que nous souhaitons offrir à tous les Polynésiens.

Je tiens à saluer tout particulièrement M. Lagarde, qui, sans jamais renoncer aux positions qu’il soutenait en 2004, contre la majorité, a su reconnaître que le texte satisfaisait aujourd’hui ses revendications d’hier.

Il a évoqué avec émotion les tombes de Paul Gauguin et de Jacques Brel à Hiva Oa. Je me félicite comme vous que le combat vieux de trente ans de Guy Rauzy – dont j’ai appris avec émotion qu’il avait passé son baccalauréat au lycée Masséna – soit enfin couronné de succès, avec la création d’un musée dédié à la mémoire de Brel et Gauguin. Les maires polynésiens ne manquent en effet pas de créativité, mais ils ont rarement les moyens de la mettre à l’épreuve. Nous veillerons à ce que la loi organique leur redonne confiance.

Le prochain projet de loi de programme comportera également un volet destiné à libérer les acteurs économiques et, surtout, la matière grise, clef de l’avenir des archipels. Un amendement sénatorial vous est d’ores et déjà proposé pour renforcer le Conseil économique, social et culturel de Polynésie.

M. Lagarde a également évoqué la situation de monopole dans un certain nombre de secteurs, et j’y suis sensible. En matière d’accès à Internet, notamment, je souhaite prolonger en Polynésie les efforts que j’avais accomplis en métropole lorsque j’étais ministre de l’aménagement du territoire, et ouvrir le secteur à la concurrence pour mettre fin au déséquilibre actuel. En effet, les rares Polynésiens en mesure d’y accéder paient leur Internet à bas débit plus cher que les métropolitains ou d’autres ultramarins, largement connectés, ne paient leur accès à haut débit.

M. Bruno Le Roux – Le Conseil économique et social de Polynésie vient de délibérer sur ce sujet !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  J’en viens justement à votre intervention, Monsieur Le Roux. Au fond, vos objectifs sont aussi les nôtres : stabilité, transparence, développement. Ces textes permettront de les atteindre. Vous déplorez le fait que les élections aient lieu si peu de temps après la promulgation de la loi, mais le retour aux urnes est annoncé depuis longtemps ! M. Temaru, reçu il y a quelques semaines par le Président de la République, déclarait d’ailleurs qu’il en respecterait la date.

MM. Bruno Le Roux et Bernard Roman – Avait-il le choix ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Il pouvait la dénoncer !

MM. Bruno Le Roux et Bernard Roman – Il l’a fait !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  S’agissant, Monsieur Sandras, de la compatibilité entre calendrier électoral et fêtes religieuses, les responsables catholiques et protestants m’ont fait savoir qu’il n’y aurait aucun problème au-delà du 15 janvier. J’ajoute que le respect des fêtes n’a pas empêché l’assemblée de Polynésie de voter une motion de censure un 22 décembre !

J’entends parler de « lapins » posés à M. Temaru. En l’occurrence, c’est M. Temaru lui-même qui a ignoré le rendez-vous que lui avait fixé M. Chirac, alors président de la République !

M. Jean-Christophe Lagarde – Absolument !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  Le manque de respect n’est donc pas le fait de qui l’on croit.

M. Bruno Le Roux – C’était un rendez-vous humiliant !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  J’entends aussi dénoncer mes nombreux déplacements outre-mer. Mes collègues, qu’il soient à la santé, à l’intérieur ou à l’éducation, se rendent bien quotidiennement ou presque dans les hôpitaux, les commissariats ou les écoles : pourquoi ne devrais-je pas moi aussi rendre constamment visite à nos compatriotes ultramarins ?

M. Bruno Le Roux – Ce n’est pas le problème !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Si j’en suis à mon cinquième tour du monde en quelques mois, c’est parce que je veux les écouter pour ne pas m’exposer à les décevoir, et je retournerai auprès d’eux prochainement.

M. Bernard Roman – Pendant la campagne ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État – Non, avant qu’elle ne commence, car je m’applique un strict devoir de réserve. Cela étant, j’ai encore à accomplir des tâches dans l’ensemble des archipels polynésiens, pour y rencontrer nos concitoyens et annoncer le respect d’engagements pris lors de précédentes visites, qu’il s’agisse de l’université ou de questions de sécurité, par exemple.

MM. Bruno Le Roux et Bernard Roman – Personne n’est dupe !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État  M’accuser de trop m’y rendre n’est donc pas acceptable.

Je remercie M. Vaxès pour la modération de son intervention, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout. Oui, les Polynésiens doivent prendre leur destin en main. Comme vous, nous pensons que l’aide de l’État doit profiter à tous : c’est l’objet des mesures que nous prenons, qu’il s’agisse du contrat de projets et de l’allocation logement. Malgré nos nombreux points d’accord, en particulier en matière de transparence, vous m’avez indiqué que votre groupe votera contre ce texte car il réprouve la date retenue pour les élections : soit. Nous l’avons choisie pour accélérer la relance du territoire, mais je respecte votre décision.

Je vous remercie également, Monsieur Frogier, d’avoir manifesté votre attachement aux provinces calédoniennes. Vous nous avez fait mesurer combien il était important, dans cette histoire partagée qui fait l’esprit du Pacifique, de donner à chacun sa chance. Nous l’avons fait en Nouvelle-Calédonie avec les provinces, et vous évoquez pour la Polynésie française l’opportunité de créer des conseils des archipels : je suis très ouvert à cette proposition, dont m’ont déjà parlé un grand nombre de maires ; je suis prêt à l’étudier dans la perspective de la loi organique du printemps prochain.

Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité d’une grande politique régionale dans le Pacifique ; j’ai d’ailleurs pu mesurer aux îles Tonga, où la France était, pour la première fois, l’invitée d’honneur du Forum du Pacifique, combien il y avait dans l’ensemble de la région une attente de France. Il faudra profiter de la présidence française de l’Union européenne pour aller plus loin encore ; nous pourrons déléguer à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie la mission de mener des politiques régionales avec nos partenaires. Je souhaite tout particulièrement que nous bâtissions un grand pôle de compétitivité entre Polynésie et Nouvelle-Calédonie, notamment sur la biodiversité, qui y est très grande ; vous défendez avec force l’inscription du lagon de Nouméa au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme nous défendons celle des îles Marquises. Vous avez rappelé la place que l’État doit occuper, dans le respect de l’autonomie, tant en Polynésie qu’en Nouvelle-Calédonie, et c’est bien dans ce cadre que nous entendons agir.

Je veux aussi remercier Didier Quentin, grand connaisseur de nos outre-mers. Ses interventions, en commission comme dans l’hémicycle, sont toujours constructives et précieuses.

Enfin, je remercie Michel Buillard et Bruno Sandras, qui ont l’un et l’autre fait honneur à la Polynésie française par leurs interventions.

Mon cher Michel Buillard, merci d’avoir approuvé tant le calendrier que le mode de scrutin, merci pour votre soutien sur l’ensemble du texte. Vous avez rappelé que vous étiez un autonomiste convaincu, vous avez dénoncé ces reniements idéologiques qui ont fragilisé le rôle des élus au sein de l’Assemblée de Polynésie française, et vous avez regretté la suspicion très injustement jetée sur l’ensemble de la classe politique polynésienne. Je veux saluer l’immense majorité des élus, quelle que soit leur appartenance politique, qui font honneur à la Polynésie française mais sur lesquels a rejailli l’absence de transparence. Celle-ci sera désormais garantie, et chacun pourra ainsi retrouver la confiance de ses compatriotes.

Vous avez dénoncé divers retards, notamment en matière d’assainissement, vous qui avez fait un travail considérable comme maire de Papeete, dans des conditions extrêmement difficiles. Ensemble, nous bâtirons le texte qui renforcera les compétences des maires.

Je vous remercie également d’avoir si courageusement dénoncé certains comportements. À M. Roman, qui a évoqué l’hôpital, je voudrais répondre que celui-ci relève totalement de la compétence de la collectivité territoriale.

M. Bernard Roman – Qui l’a décidé ? M. Chirac et M. Flosse !

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État Nous allons devoir corriger les déséquilibres car nous voulons une égalité de tous les citoyens devant les soins.

Quant au versement de la DGDE, sa suspension résulte du refus du gouvernement polynésien de nous fournir des éléments d’information sur son emploi, alors que M. Tong Sang s’était engagé dans la voie de la transparence.

Cher Bruno Sandras, merci à vous aussi pour votre soutien. Adopter l’amendement que vous avez déposé pour éviter le comportement de certains élus serait prendre un grand risque constitutionnel, mais je comprends parfaitement votre démarche ; c’est un sujet auquel je suis prêt à réfléchir avec vous.

Concernant les dates du scrutin, sur lesquelles vous avez exprimé votre désaccord, je vous ai déjà répondu ; lors de ma venue dans votre circonscription, vous avez pu constater l’accueil que nous ont réservé les maires : ils ne voyaient aucun inconvénient à l’organisation des élections territoriales en janvier, bien au contraire, car l’adoption de ce projet permettra de mettre fin au système actuel de distribution des subventions – sur simple signature du président ou d’un ministre, sans le moindre contrôle de l’Assemblée de Polynésie.

Merci à tous pour ce débat de grande qualité. J’espère qu’il présage bien de la suite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bruno Le Roux – Je voudrais faire un rappel au Règlement, qui concerne tant nos travaux que l’organisation de notre assemblée.

Il y a quelques semaines, nous avons débattu d’une proposition de loi touchant au financement des partis politiques. Depuis, nous avons lu dans la presse polynésienne que le président d’un parti polynésien avait appris par la lecture du Monde l’apparentement à sa formation des députés du Nouveau centre, pour des raisons d’accès au financement. Il semblerait que cela se fasse contre une commission de 20 000 euros. C’est un véritable détournement de nos lois, que je tenais au nom de mon groupe à regretter publiquement.

M. Bernard Roman – Très bien !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale