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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 11 décembre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
80ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

DÉBAT PRÉALABLE AU CONSEIL EUROPÉEN

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et le débat sur cette déclaration.

M. Jean-Marc Ayrault – Je demande la parole pour un rappel au Règlement.

M. le Président – J’ai rappelé ce matin à chaque président de groupe qu’afin que tous les groupes soient traités à égalité, le déroulement de cette séance devait être strictement limité. Autrement dit, il ne peut y avoir ni demande de suspension, ni rappel au Règlement. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes (Très vives protestations sur les bancs du groupe SRC du groupe GDR).

M. Jean Glavany – Vous n’êtes pas le président de l'Assemblée nationale, vous êtes le président de l’UMP ! Vous êtes sectaire, et vous ne respectez pas la tradition parlementaire !

M. Bruno Le Roux – Le Parlement a été bafoué toute la journée ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et quittent l’hémicycle)

Un député du groupe UMP – Bon débarras !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes Enfin, l'Europe avance ! Voici revenu le temps de la construction et du progrès. Voici le traité simplifié, voulu par le Président de la République et mis au point avec la présidence allemande. L'Europe va fermer une parenthèse de deux ans et demi et se concentrer de nouveau sur les politiques de sécurité intérieure et extérieure, de liberté et de justice, de croissance économique, de défense de l'environnement et de maîtrise de l'énergie.

Grâce à l'efficacité de la présidence portugaise, cette semaine sera historique.

M. Jean-Paul Bacquet – Pas pour les droits de l’Homme !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Demain, les présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission proclameront une Charte des droits fondamentaux modifiée. Jeudi, nous participerons, le Président de la République, le premier Ministre et moi-même, à la cérémonie de signature du nouveau traité, dit « de Lisbonne ».

Ce traité nous offrira enfin les outils pour une Union européenne tournée vers l'avenir, avec des procédures et des institutions adaptées, un président stable, un haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, une commission réduite, un nombre de parlementaires plafonné et l'extension de la majorité qualifiée, notamment dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

M. Maxime Gremetz – Et une banque centrale européenne indépendante !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Le fonctionnement de l’Union sera plus démocratique, grâce au renforcement du rôle des Parlements nationaux, à l'extension de la co-décision et à l'opposabilité de la Charte des droits fondamentaux.

L'Europe sera désormais mieux à même de mener de nouvelles politiques : les coopérations renforcées seront plus faciles à déclencher, la clause de solidarité énergétique pourra être appliquée, des compétences nouvelles, comme en matière de sécurité civile, seront exercées, et des missions de défense européenne avec les États membres volontaires pourront être engagées.

L'Union européenne se fixe pour objectif de voir les Vingt-sept ratifier ce traité dans le courant de l'année 2008, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2009. Comme le Président de la République l'a indiqué, la France souhaite montrer l'exemple avant sa présidence : dès le lendemain de la signature, le Conseil Constitutionnel sera saisi ; un projet de loi constitutionnelle sera examiné par le Parlement dès le mois de janvier en vue d’une adoption par le Congrès dans les meilleurs délais. Le Gouvernement souhaite que la ratification par voie parlementaire ait lieu avant la suspension des travaux parlementaires, en février.

Je voudrais évoquer le groupe de réflexion sur l'avenir de l'Union, que le Président de la République a proposé à nos partenaires. Ce groupe de sages, chargés de réfléchir à l'Union européenne pour la période 2020-2030, devra disposer d'un mandat qui lui permette de traiter de toutes les questions qui détermineront notre avenir, sans pour autant relancer une nouvelle réflexion institutionnelle ou interférer avec les travaux déjà en cours. Nous devrions nous entendre vendredi sur ce mandat et le principe d'un nombre de 8 ou 9 membres. Les travaux devraient commencer rapidement, pour se conclure en juin 2010.

Comme l'a souhaité le Président de la République, la création de ce groupe devrait nous permettre de poursuivre les discussions en cours sur la Turquie. Le Conseil européen ne devrait pas aborder cette question.

C'est au Conseil des affaires générales que nous avons examiné hier le rapport annuel de la Commission sur le sujet. Nous avons regretté l'absence de progrès sur la mise en œuvre du protocole additionnel à l'accord d'Ankara et sur la normalisation des relations avec Chypre. Nous avons donc invité ce pays à engager les réformes nécessaires, notamment en matière de liberté d'expression et de religion. J'ai par ailleurs rappelé notre accord pour la poursuite des discussions en cours entre la Turquie et l'Union européenne, sous réserve de ne pas aborder les chapitres qui impliquent nécessairement une adhésion. L'accord obtenu hier est compatible avec le « partenariat renforcé » souhaité par le Président de la République. En ce qui concerne les Balkans, la présidence slovène travaillera à intensifier la relation entre l'Union européenne et ces pays, qui bénéficient d'une perspective d'adhésion.

La stratégie de sécurité de l'Union européenne de 2003 doit intégrer des enjeux dont nous percevons mieux l’importance, comme les questions environnementales, la sécurité énergétique, les migrations. Nous souhaitons que M. Solana et la Commission y travaillent, afin que des décisions viennent compléter, sous notre présidence, la feuille de route stratégique de l'Union politique.

L'Europe se trouve à un tournant important de son histoire.

M. Roland Muzeau – Elle tourne en rond, oui !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Cela constitue aussi un défi pour la présidence française qui débutera dès le mois de juillet. Ses priorités – espace de liberté et de sécurité d'une part, domaine économique, social et environnemental de l'autre – seront abordées parmi les travaux des chefs d’État réunis à Bruxelles. C’est pourquoi il est important que la représentation nationale y soit associée.

Dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, un progrès dans la constitution d’un espace commun sera marqué par l’entrée de neuf États membres dans l'espace Schengen, le 21 décembre 2007 pour les frontières terrestres, le 30 mars 2008 pour les frontières aériennes. S’agissant des migrations, la présidence portugaise a recherché une approche globale. La lutte contre l'immigration illégale, la coopération dans le domaine de l'immigration légale et les actions de développement en faveur des pays sources constitueront les trois axes de l’action de notre présidence, ce qui suppose un dialogue constructif avec les pays tiers et l'élaboration de règles claires. Je veux saluer les efforts de la présidence portugaise dans ce domaine et l’organisation de la première réunion ministérielle euro-méditerranéenne sur les migrations.

Dans les domaines économique, social et environnemental, ce conseil devrait poser les jalons du nouveau cycle triennal de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi 2008-2010, qui sera décidé au Conseil européen de mars prochain. Ces objectifs convergent largement avec les réformes entreprises par notre pays, puisque c’est grâce à la compétitivité et à l'économie de la connaissance que l'Europe relèvera le défi de la mondialisation.

La France a insisté sur le rôle de l'Union dans la régulation des marchés internationaux, obtenant la définition d'une feuille de route pour améliorer la transparence des marchés et renforcer la stabilité financière.

Nous souhaitons aussi que la déclaration du Conseil européen sur la globalisation – tout en reconnaissant les opportunités que celle-ci représente – fasse clairement référence au rôle protecteur de l’Europe et au bénéfice des politiques communes pour nos concitoyens.

Je veux enfin mentionner l'accord politique obtenu par la présidence portugaise sur les conditions de poursuite du programme de radionavigation par satellite Galileo : 200 millions supplémentaires y ont été affectés au titre du budget 2008.

Tous ces sujets vont dans le sens d'objectifs que nous partageons tous : une plus grande compétitivité de notre économie et une meilleure protection de nos concitoyens.

Dernier point économique, l'énergie, laquelle constituera également l'une des priorités de notre présidence. Il nous reviendra en effet, après la présidence slovène, d’appliquer le plan d'action de l'Union sur l'énergie et le climat, adopté sous présidence allemande. Je rappelle qu'il incluait le triple objectif, pour 2020, de 20 % de réduction des émissions de CO2, de 20 % de réduction de la consommation d'énergie et de 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale. Des efforts importants devront donc être faits.

L'un des sujets sensibles de ce dossier concerne la libéralisation du marché intérieur du gaz et de l'énergie (Murmures sur les bancs du groupe GDR). Le Conseil demeure divisé sur la question de la séparation patrimoniale, option à laquelle nous nous opposons, notamment avec l'Allemagne, pays avec lequel nous ferons des propositions dès le mois de janvier.

M. Roland Muzeau – Vous allez céder !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Pas sûr !

Quelques mots à propos du volet international de ce Conseil. Nous nous trouvons, dans bien des dossiers, à des tournants importants.

M. Jacques Desallangre – Ça, pour tourner, vous avez tourné !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères J’en retiens trois : la relation avec l'Afrique, le Kosovo et l'Iran.

Le sommet UE-Afrique de ce week-end était la première rencontre de ce niveau et dans ce format depuis le sommet du Caire en 2000. Le partenariat stratégique et le plan d'action pour 2008-2010, qui ont été adoptés, fournissent, pour la première fois, un cadre global de coopération entre l'Europe et l'Afrique, avec une dimension importante consacrée à la paix et à la sécurité. Nous aurons à cœur de le mettre en œuvre sous notre présidence. À Lisbonne, les pays africains ont également exprimé leurs inquiétudes sur la négociation d'accords de partenariat économique qui leur paraissent menaçants. Nous sommes revenus hier au Conseil sur ce sujet, en cherchant à apaiser au mieux ces craintes. Notre objectif, partagé par le Conseil, est qu'aucun pays africain n'y perde par rapport au régime actuel. Ceci passera, pour nombre d'entre eux, par la conclusion d'accords intérimaires sur les échanges de biens dès le 1er janvier prochain. La négociation d'accords plus complets se poursuivra en 2008.

J’en viens au Kosovo : après le rapport de la Troïka qui solde cinq à six mois supplémentaires de négociations, l'Union européenne doit maintenant prendre ses responsabilités, et, d’une certaine façon, perdre ses illusions. Elle m'y semble prête. Les discussions restent certes difficiles, mais que de progrès accomplis ! Des efforts de pédagogie immenses ont été déployés entre Européens depuis six mois. Avec mes amis d'Alema, Miliband, Steinmeier et Moratinos, membres européens du groupe de contact, nous avons écrit à nos vingt-trois collègues européens pour maintenir l'unité dans cet instant décisif. Les Européens ont pris la mesure des enjeux et admettent désormais que le statu quo n'est plus possible. J'ai bon espoir que l'Union européenne se déclare prête à assumer ses responsabilités pour la stabilité de la région et la mise en œuvre d'un règlement final sur le statut du Kosovo. Elle devrait donner son accord pour mettre sur pied une mission de politique européenne de sécurité et de défense pour assister le Kosovo, notamment dans le renforcement de la justice et de la police. Nous devrions également, je l'espère, confirmer à cette occasion la perspective européenne de la Serbie.

Un mot enfin sur l'Iran : après l'échec des discussions de Javier Solana et de Mohamed El Baradai, l'Union européenne confirmera à Lisbonne sa double approche. Elle souhaite d'une part parvenir à une solution négociée avec les Iraniens…

M. Maxime Gremetz – Sur quoi, puisqu’il n’y a plus rien ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Les Français y sont particulièrement attachés et la négociation se poursuit. Je rappelle que le programme d’enrichissement de l’uranium n’est pas totalement transparent.

M. Maxime Gremetz – Que dit le rapport de la CIA ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères D’autre part, nous jugeons nécessaire d’accentuer la pression par des mesures complémentaires dans le cadre des Nations unies et une réflexion sur des mesures possibles en appui de ce processus. Ces deux dimensions vont de pair et doivent être articulées intelligemment, si nous voulons, comme cela semble aujourd'hui possible, éviter que cette crise ne s'exacerbe.

M. Maxime Gremetz – Et la guerre ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères La guerre, c’est vous qui me la faites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Je ne puis achever ce rapide tour d’horizon sans évoquer les événements qui ont endeuillé l’Algérie ce matin, avec deux attentats terroristes qui ont fait – alors que le décompte des victimes n’est pas achevé – au moins 57 morts dans deux quartiers d’Alger. Au nom du Gouvernement et des députés présents, je salue la mémoire des victimes.

Le Président de la République a présenté ses condoléances au Président Bouteflika et j’ai fait de même auprès de mon homologue algérien. Le peuple algérien ne doit pas douter de notre volonté de lutter à ses côtés contre le terrorisme. Nous l’avons affirmé lors de notre voyage en Algérie, il y a quelques jours, et nous le redisons avec force aujourd’hui, dans la douleur et dans la colère. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. le Président – Avant de passer la parole au premier orateur inscrit, je rappelle, afin que les choses soient claires, que tous les mardis et mercredis sans exception, lorsque la séance est télévisée, comme c’est aujourd’hui le cas, les rappels au règlement sont reportés à 16 heures 15, à la reprise de la séance.

La parole est à M. Copé (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; Mmes et MM. les députés du groupe SRC regagnent leurs bancs sous les huées de Mmes et MM. les députés du groupe UMP).

M. Jean-François Copé – Avec le Conseil européen qui se tient cette semaine, c’est un grand rendez-vous que nous allons honorer et je suis très heureux de voir que, par ce débat, l'Assemblée nationale est invitée à en mesurer l’ampleur historique. Du coup, je suis bien triste que le groupe socialiste, ne se montrant pas capable d’un discours constructif, ait saisi le prétexte d’un rappel au Règlement pour faire de la politique politicienne, plutôt que de rendre au Président de la République l’hommage qui lui est dû pour la victoire diplomatique qu’il a remportée… (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Maxime Gremetz – Sur Kadhafi ?

M. Jean-François Copé – Cette semaine, nous allons voir l’Europe se remettre sur les rails, ce qui n’était pas gagné il y a quelques mois. Je l’avoue, comme beaucoup sans doute, j’ai été profondément marqué par l’échec du référendum de 2005…

M. Jacques Desallangre – Ce fut au contraire un grand succès !

M. Jean-François Copé – Profondément européen,…

M. Roland Muzeau – Nous aussi !

M. Jean-François Copé – …je m’étais engagé pour le oui, car j’ai toujours considéré que l’on ne pouvait pas fonctionner à 27 avec des institutions prévues pour 15 et qu’il fallait évoluer pour faire jeu égal avec la Chine et les États-Unis dans le monde d’aujourd’hui (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). À l’époque, j’avais du reste été choqué par la tentation de certains d’utiliser l’Europe comme bouc émissaire ou comme tremplin pour des ambitions personnelles : souvenons-nous de ce fameux « plan B », qui n’a jamais vu le jour et dont le seul objectif était d’entraîner le blocage de l’ensemble du système. Aujourd’hui encore, je ne comprends pas leur attitude (Murmures sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Je me suis également interrogé sur les raisons qui avaient pu conduire tant de Français à rejeter le projet de constitution européenne. On nous a dit qu’elle était mal expliquée, ambiguë, déconnectée des attentes… Peut-être ! Mais le message essentiel qu’ont voulu faire passer nombre de Français, c’est qu’ils ne croyaient plus en la politique. « À quoi bon ? », nous disaient-ils, « On ne vous croit plus ! »

M. Maxime Gremetz – À bas les multinationales ! (Rires et interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé – À tous ceux-là, le traité simplifié apporte une première réponse, celle du courage et de la responsabilité ! Il traduit le retour de la volonté politique, que nous devons en priorité au Président de la République. C’est lui qui a proposé le traité simplifié au cours de la campagne électorale. C’est lui qui l’a défendu auprès de ses homologues. C’est lui qui a pris tous les risques, en conjuguant fermeté sur les principes et flexibilité sur la mise en œuvre. Et si l’avenir institutionnel de l’Europe s’est éclairci, c’est à son travail que nous le devons.

M. Roland Muzeau – Faites voter le peuple !

M. Jean-François Copé – Je veux aussi rendre hommage à la volonté politique de nos partenaires, en particulier de nos amis allemands et de la présidence portugaise, laquelle a rédigé le traité modificatif en un temps record.

Après le non français, tout le monde a fait de la recherche au problème institutionnel de l’Europe une priorité. De ce fait, la France ne peut pas se permettre de décevoir ses partenaires une nouvelle fois. Alors, j’entends certains réclamer un référendum…

Plusieurs députés du groupe GDR – Oui ! oui !

M. Jean-François Copé – …et parler de déni de démocratie ! Personnellement, je considère que la voie parlementaire est parfaitement légitime (Interruptions sur les bancs du groupe GDR). D’abord, le traité de Lisbonne n’est pas une constitution (Rires sur les bancs du groupe GDR). Il s’agit d’un texte qui vise à améliorer considérablement le fonctionnement des institutions et qui doit être envisagé comme tel. Ensuite, notre légitimité, nous la tenons directement des Français et du contrat qu’a conclu Nicolas Sarkozy avec eux lors de la campagne présidentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). À la différence de M. Sarkozy, tous les autres candidats avaient cédé à la facilité de promettre, la main sur le cœur, un référendum quelles que soient les circonstances ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Avec Nicolas Sarkozy, nous avons assumé avec beaucoup de courage le choix de ratifier par la voie parlementaire. Ainsi, en élisant M. Sarkozy à la présidence de la République, les Français savaient que le texte serait ratifié par la voie parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Roland Muzeau – Copé a peur du peuple !

M. Jean-François Copé – Au reste, la quasi-totalité des États membres ont adopté la même procédure.

M. Roland Muzeau – Rendez-nous Chirac !

M. Jean-François Copé – Comme vient de le rappeler le ministre des affaires étrangères, le traité de Lisbonne représente un grand pas en avant. L’objectif que s’étaient fixé les 27 a été atteint. Bien sûr, la controverse ne manque jamais sur les questions européennes, et voilà que certains reprochent à ce texte de manquer d’ambition. Mais chacun doit comprendre qu’aboutir à un accord, c’est aussi faire des compromis et le texte va considérablement améliorer le fonctionnement des institutions européennes.

D’autres trouvent que l’on n’en fait pas assez en matière sociale (Interruptions sur les bancs du groupe GDR). Pourtant, l’inscription de la concurrence libre et non faussée comme objectif de l’UE, majoritairement rejetée en mai 2005, a disparu.

Plusieurs députés du groupe GDR – Ce n’est pas vrai !

M. Jean-François Copé – Les Français sont inquiets pour leurs services publics ? Un protocole annexé au traité donnera aux États membres une bien plus grande sécurité.

M. Maxime Gremetz – Arrêtez !

M. Jean-François Copé – Idem pour ce qui concerne la clause sociale générale. Deux exemples concrets du grand pas accompli, au sujet desquels je peux même espérer que les communistes nous rejoignent ! (« Jamais ! » sur les bancs du groupe GDR)

D’abord, le traité de Lisbonne prévoit d’étendre la règle de la majorité qualifiée à trente nouveaux domaines, dont celui de la lutte contre la criminalité…

M. Jacques Desallangre – En col blanc ?

M. Jean-François Copé – …alors que nous restons soumis aujourd’hui au bon vouloir d’un ou deux États membres ! Ensuite, il y a la stabilité de la présidence du Conseil européen, désormais fixée à deux ans et demi alors qu’aujourd’hui encore, en cinq ans, l’on voit se succéder dix présidences différentes !

Enfin, les Parlements nationaux sont les grands gagnants du Traité de Lisbonne. La moitié des parlementaires des différents Parlements nationaux pourront désormais, en vertu du principe de subsidiarité, rejeter une initiative de la Commission, que ce soit un règlement ou une directive. C’est une avancée considérable : nous allons avoir un rôle majeur à jouer.

Nous avons d’ailleurs invité ici même, mardi prochain, les présidents ou représentants des 26 autres coalitions de droite et de centre droit des différents Parlements nationaux, afin d’affirmer ensemble notre volonté de jouer un rôle majeur dans la construction européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Finalement, il y avait bien un plan B. Non celui de M. Fabius et de ses amis, qui ne visait qu’à bloquer l’Europe, mais celui qu’a lancé le Président de la République pour la sortir du blocage dans lequel elle se trouvait. Que ceux qui ont tiré tous les enseignements de l’échec du référendum de 2005 ne nous inventent pas aujourd’hui un plan C pour faire oublier que l’intérêt de notre pays se conjugue désormais avec celui d’une Union européenne organisée et efficace, dont le seul objectif doit être de réfléchir au contenu des politiques européennes. Il nous appartient par exemple de réfléchir à ce que souhaitent les étudiants, qui veulent qu’on facilite leur mobilité durant leurs études, mais aussi durant leur vie professionnelle ; les entreprises (Interruptions sur les bancs du groupe GDR), qui attendent des infrastructures de qualité ou une fiscalité simplifiée, sans oublier les citoyens dans leur ensemble, qui veulent un message politique fort de l’Union.

La présidence française sera donc un rendez-vous majeur. Il nous appartiendra de participer à la désignation de ceux qui seront les premiers responsables installés des nouvelles institutions – je pense en particulier à celui qui en sera le président. L’Europe vit cette semaine un grand rendez-vous pour l’Histoire. Je souhaite que nous soyons très largement majoritaires, dans tous les groupes, à approuver ce traité historique (Interruptions sur les bancs du groupe GDR) qui permettra à l’Europe d’être enfin à la hauteur des espoirs des citoyens qui attendent que nous relevions les grands défis des années 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC)

HOMMAGE AUX VICTIMES DES ATTENTATS D’ALGER

M. le Président – Je viens d’avoir confirmation que deux attentats terroristes avaient été perpétrés ce matin à Alger, faisant plusieurs dizaines de victimes, au nombre desquelles figurent plusieurs fonctionnaires de l’ONU. Afin de marquer notre solidarité envers les victimes et le peuple algérien, je vous invite à observer quelques instants de silence (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence).

DÉBAT PRÉALABLE AU CONSEIL EUROPÉEN (suite)

M. Jean-Marc Ayrault – Je voudrais d’abord exprimer, au nom du groupe SRC, toute ma solidarité aux Algériens et aux victimes d’attentats terroristes. Cela nous rapproche hélas de la question que je souhaite évoquer solennellement au nom des députés SRC. La réception du colonel Kadhafi (Protestations sur les bancs du groupe UMP) n’a pas engagé que vous, Monsieur le Président : elle engage l’honneur de la représentation nationale (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Ce n'est pas sans lien avec le débat sur l’Europe qui nous occupe. On ne peut en effet parler de la Charte des droits fondamentaux sans parler de la réalité.

M. Guy Geoffroy – C’est minable !

M. Jean-Marc Ayrault – L’Europe s’est d’abord construite sur des valeurs qui restent le socle de la construction européenne, celles des droits de l'homme et du citoyen. Ces valeurs, ce sont les nôtres (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Noël Mamère – Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault – Nous en sommes les dépositaires.

On ne déroule pas le tapis rouge à un dictateur dans l'enceinte de la démocratie.

M. Jean-Paul Anciaux – Et Jaruzelski ?

M. Jean-Marc Ayrault – On ne déroule pas le tapis rouge de l'Assemblée nationale à un homme qui n'a jamais exprimé publiquement le moindre regret concernant les attentats dont son régime s'est rendu coupable contre des ressortissants français et étrangers, un homme qui continue de pratiquer la peine de mort, la torture dans ses prisons, la criminalisation de toute opposition (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Comment, enfin, oublier que cet homme a fait emprisonner, torturer des infirmières bulgares et un médecin palestinien innocents au mépris de tout le droit international ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC) C'est au sein de la commission d'enquête parlementaire présidée par Pierre Moscovici que les otages ont révélé et décrit les tortures dont ils ont été victimes. C'est au sein de cette commission d'enquête qu'a été mise en lumière la poursuite de ces exactions sur les détenus dans les prisons libyennes. Ceux qui crient approuvent-ils ces exactions ? Sont-ils solidaires du colonel Kadhafi ? (Mêmes mouvements)

M. Noël Mamère – Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault – Comment oublier que le colonel Kadhafi refuse toute coopération avec cette commission d'enquête parlementaire ? Comment oublier qu'il a refusé que soit rendue publique la liste des membres de la délégation qui l'accompagne ? Nous demandons à nouveau que cette liste soit publiée, afin que les victimes puissent savoir si des responsables d’attentats ou de tortures sont présents sur le sol français. C’est la moindre des choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Noël Mamère – Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault – Non, Monsieur le Président, aucun usage, aucun motif ne justifiait que l’on reçoive le colonel Kadhafi aujourd'hui à l'Assemblée. Les députés UMP et votre propre président de groupe eux-mêmes ont eu honte de cette réception : ils ont invoqué toutes sortes d'excuses pour ne pas y assister (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

On nous dit que la Libye est en train de changer, qu'il faut l'aider à réintégrer la communauté internationale. C’est pleinement souhaitable. Mais avant de rendre un hommage officiel à son chef, il fallait demander des gestes publics sur la fin des exactions du régime, sur son renoncement définitif à toute forme de terrorisme ou de violation du droit international.

M. Lucien Degauchy – Et l’Europe ?

M. Jean-Marc Ayrault – Aucun de ces gestes n’a été fait, aucune de ces paroles n'a été prononcée. Pis, la veille de sa visite, le colonel Kadhafi a justifié le recours au terrorisme comme une arme légitime pour les pays pauvres. Aujourd’hui, il affirme que dans les entretiens en tête à tête qu’il a eus avec le Président de la République, il n’a pas été question des droits de l’homme ! Qui dit la vérité ? Nous avons le droit de l’exiger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Noël Mamère – Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault – Peut-être que pour M. Sarkozy, seule compte la signature de contrats commerciaux et militaires ?

M. Lucien Degauchy – Si vous nous parliez un peu de l’Europe ?

M. Jean-Marc Ayrault – De nombreuses nations européennes – la France naguère, l'Allemagne aujourd'hui – ont montré que l'on pouvait entretenir des relations diplomatiques et commerciales avec des États qui sont loin de nos principes démocratiques, sans abdiquer un langage de vérité sur les droits de l'homme et les règles internationales. Voilà quelle devrait être la position de la France !

Cette complaisance vis-à-vis du colonel Kadhafi, que l'on retrouve à l’égard de la Russie, de la Chine et de bien d'autres, est à l'opposé de la diplomatie de principes et de réalité (« L’Europe ! L’Europe ! » sur les bancs du groupe UMP) que la France veut construire depuis trente ans. Elle est en rupture avec le discours du candidat Sarkozy sur sa détermination à défendre partout les Droits de l'Homme. Ce ne sont pas les consciences qui protestent qui se déjugent, c'est le Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Le trouble a gagné jusqu’aux rangs du Gouvernement. On s'étonne que la ministre des droits de l'homme s'exprime. Ce qui aurait été indigne, c'est qu'elle se taise ! Combien de temps la contradiction entre ce ministère et la diplomatie utilitaire menée par le Président de la République pourra-t-elle durer ? Combien de temps cette proclamation des droits de l'homme et la complaisance désormais affichée vis-à-vis des régimes autoritaires pourront-elles durer ?

Le comble de cette tartufferie est symbolisé par vous, Monsieur le ministre des affaires étrangères : vous « séchez » toutes les rencontres officielles avec le colonel Kadhafi, et en même temps vous justifiez sa visite ! Que vous mangiez votre haut-de-forme, c'est votre problème. Mais que vous cautionniez tout ce que vous avez naguère combattu, cela devient le problème de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

La politique étrangère de la France est devenue illisible et confuse.

Mme Nadine Morano – C’est la politique du résultat !

M. Jean-Marc Ayrault – C'est une suite de coups sans fin, sans cohérence. Cette diplomatie spectacle ligote notre liberté de jugement et d'action. On le voit avec la Libye, avec le Tchad, avec la Chine : les concessions sont payées à un prix démesuré. La diplomatie française devient à son tour prisonnière des États les plus critiquables.

Dans cette diplomatie spectacle, on dit blanc à l'un le matin, noir à l'autre l’après midi. Le Président se croit seul au monde. Le problème, c'est que la France devient incompréhensible pour tout le monde, et son message universel inaudible. Cela, nous ne l’acceptons pas ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère – Très bien !

M. le Président – Vous connaissez le contenu de l’article 54 alinéa 6 du Règlement, Monsieur Ayrault. Vous apprécierez que je ne l’aie pas appliqué ! (Huées prolongées sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Paul Lecoq – Permettez-moi tout d’abord, au nom du groupe GDR, de m’associer à la douleur du peuple algérien. Notre groupe condamne fermement les attentats qui ont meurtri l’Algérie…

Avec les Algériens, nous poursuivrons le combat pour faire avancer la paix et la démocratie (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

C'est donc ce jeudi 13 décembre que les chefs d'État et de gouvernement doivent signer le « nouveau » traité européen dit traité de Lisbonne. Ce texte n’a de nouveau que l’apparence ; en réalité, c'est un clone difforme de feu le projet de traité constitutionnel européen. Fin connaisseur, M. Giscard d'Estaing l'a admis sans état d'âme, expliquant que «les outils sont exactement les mêmes ». Le président de la République a décidé que le traité serait ratifié par le Parlement. Quelle justification à ce contournement du vote populaire ? S'il y a nouveau traité, c'est bien que les peuples français et néerlandais ont majoritairement rejeté le projet de traité constitutionnel ! Le refus de référendum et la précipitation dans la ratification annoncée ont quelque chose de suspect. Qu'y a-t-il donc d'inavouable ? Qui a peur du débat et du verdict populaire ?

Votre réponse, je la connais déjà : le candidat Sarkozy l'avait annoncé durant sa campagne, le Président Sarkozy le fera. Depuis juin, votre réponse est invariablement celle-là. À vous entendre, l'électeur de Nicolas Sarkozy aurait voté pour les cadeaux pharamineux faits aux riches, pour les atteintes au droit de grève, pour le recul de l'âge de la retraite, pour les licenciements et les délocalisations, pour la livraison des universités aux multinationales et pour le recul du droit d'asile. L'électeur de Nicolas Sarkozy aurait voulu aussi les franchises médicales mais aussi la future taxe sur les victimes, ainsi que la redevance audiovisuelle pour les plus pauvres. Et, en plus, l’électeur de Nicolas Sarkozy voulait que le « nouveau » traité soit ratifié par le Parlement...

Faut-il rappeler que plus d'un Français sur deux souhaite être consulté par référendum ? Le Président de la République a toute la légitimité de sa fonction, mais il n'est propriétaire ni de la République, ni de la France, ni de son peuple (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR). L'article 3 de la Constitution nous rappelle que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ; le président de la République ne peut se substituer au peuple ! Nous-mêmes, qui sommes la représentation nationale, en avons-nous le droit sur un tel sujet ? Assurément non ! J’en veux pour exemple que, pendant la législature précédente, alors que le Parlement avait voté à plus de 80 % l'adoption du projet de traité constitutionnel européen, le peuple s'est majoritairement prononcé contre.

Nous connaissons tous les raisons qui poussent le président de la République à vouloir que le traité simplifié soit ratifié par le seul Parlement. Outre le déni de démocratie que cela représente, il s'agit de poursuivre dans la voie qui nous a conduits aux impasses et à la crise actuelle. Au-delà des aménagements cosmétiques, on retrouve dans le texte qui sera soumis à ratification tous les ingrédients libéraux du projet de traité constitutionnel. Demeure la fameuse « concurrence libre et non faussée » qui n'épargne pas les services publics et qui pousse à mettre les peuples en compétition, sur la base du moins disant social et fiscal. Demeure la toute-puissance de la Commission européenne. Demeure le statut intouchable de la BCE – à ce propos, que sont devenues les grandes envolées indignées contre cette institution, entendues jusque sur les bancs du Gouvernement ?

Demander la démocratie partout dans le monde, c'est juste, mais devons-nous renoncer à la faire vivre en France et en Europe ? La peur des peuples est bien mauvaise conseillère. En quoi un référendum mettrait-il l'Europe en danger ? Au contraire ! Le « non » français et néerlandais au projet de traité constitutionnel n’a pas été la cause de la crise mais son expression. Il faut en tirer les conséquences, sinon le risque est grand de creuser encore le fossé entre les opinions et l'Europe.

Nous, nous voulons nous attaquer à la crise de confiance et de légitimité qui touche le projet européen. Il faut entendre les inquiétudes et les aspirations des peuples et prendre en considération les problèmes posés à une Union dont l'élargissement a changé la nature. Il faut tenir compte des défis que créent les immenses besoins d'un développement fondé sur la promotion des êtres humains et la protection de la planète. Il faut admettre que tout, en Europe, ne peut être soumis aux impératifs des marchés financiers et aux diktats de la BCE.

De quelle Union européenne avons-nous besoin dans la mondialisation, pour quoi faire et au profit de qui ? Voilà les questions auxquelles il est urgent de répondre et auxquelles ce « traité simplifié» ne répond pas. Pire : au nom de la « concurrence libre et non faussée », il légitime la poursuite des politiques qui ont été rejetées par le référendum.

Le temps est venu de rompre avec cette logique désastreuse. Le temps est venu de travailler à un nouveau modèle européen, à une Europe de l'harmonisation sociale par le haut, s'opposant par le développement de toutes les coopérations et la défense de notre potentiel industriel et agricole, à la mise en concurrence forcenée de tous face aux délocalisations. Le temps est venu d’œuvrer en faveur d’une Europe de progrès social, par la promotion et le développement des services publics au service d'une dynamique de protection de la planète, d’une Europe des connaissances et de la recherche, d’une Europe posant le principe de la primauté du politique face à la puissance des marchés financiers, d’une Europe des droits humains, ouverte et accueillante, d’une Europe émancipée de la tutelle américaine, qui assure sa sécurité par une politique active de co-développement.

Je l'affirme, la bataille pour ouvrir une nouvelle perspective en Europe, pour changer ses politiques n'est pas close. Au contraire, avec la présidence française de l’Union, en 2008, avec le renouvellement du Parlement européen, en 2009, nous entrons dans une période d'intense débat sur l'avenir de l'Europe. Or, toute perspective de changement en Europe pose la question de l'implication populaire. Voilà pourquoi nous proposons l’organisation d’une consultation démocratique, dans tous les pays de l'Union européenne.

En janvier 2008, le président de la République proposera aux parlementaires une modification constitutionnelle qui précédera l'adoption du traité. Je le déclare solennellement : nous, élus du peuple, avons la responsabilité de faire prévaloir le droit du peuple à être consulté par référendum sur un texte qui déterminera la vie de millions de citoyens européens. Nous, élus du peuple, avons l'obligation morale et politique de faire que le texte soit approuvé ou rejeté par le peuple lui-même. Nous, élus du peuple, avons la responsabilité de faire respecter l'un des principes constitutionnels républicains fondamentaux : la souveraineté nationale appartient au peuple. Nous, députés communistes, nous refusons d'être les complices du libéralisme qui détruit la vie des citoyens, nous refusons d'être les complices de la construction d'une Europe contre les peuples. Les parlementaires attachés à la démocratie où qu'ils siègent dans cet hémicycle, sauront s'unir pour faire respecter la souveraineté du peuple français (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. François Sauvadet – Le groupe Nouveau Centre s’associe à la condamnation du terrorisme exprimée par le Président de notre Assemblée et dit toute sa compassion aux familles des victimes.

J’ai, moi aussi, été amené à faire connaître la position de mon groupe sur la venue de M. Kadhafi. Mais, Monsieur Ayrault, à la veille d’un très important rendez-vous européen, les Français attendent que chaque groupe politique affiche clairement sa position. Je comprends l’embarras du groupe socialiste, qui n’en a pas dit un mot. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Manifestement, comme l’a constaté Roland Dumas, les socialistes confirment une nouvelle fois leur penchant à manquer le train de l’Histoire ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Pour ma part, je tiens à redire l’attachement que nous portons aux débats préalables aux Conseils européens. Si on veut réconcilier les Français et l'idée européenne, il faut parler d'Europe et redire avec force que l'Union européenne est non pas une menace pour la France mais une chance. Il faut le redire aux tenants d'une globalisation débridée comme à ceux qui prônent un retour aux frontières. Nous sommes de ceux que la relance de la construction européenne a réjouis, et nous nous félicitons que le Conseil européen du 14 décembre la concrétise. Ainsi se poursuivra le projet européen en panne depuis le « non» français et néerlandais au référendum sur le projet de traité constitutionnel puisque, comme chacun a pu le constater, il n'y avait pas de « plan B », mais une Europe plombée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qu'il fallait impérativement sortir de l'impasse institutionnelle.

L'accord intervenu au Conseil européen de Lisbonne a été l'aboutissement du travail volontaire mené, sous la présidence allemande, par le Président de la République qui, dès les premières semaines de son mandat, a souhaité remettre la France au cœur de la construction européenne. Il l’a fait avec une grande conviction et de manière pragmatique, sans rien céder sur l'essentiel, pour faire fonctionner l'Europe des Vingt-sept et la mettre aux services des habitants et des nations qui la composent.

Ce nouveau traité dotera l’Union des outils qui lui permettront de mener les politiques qu'attendent les Européens. Pour la première fois, l'Europe affiche l’objectif de protéger ses citoyens dans la mondialisation. La concurrence n'est plus un objectif de l'Union, mais devient un moyen. C’est une conception moderne de faire que les États aient compétence pour fournir, organiser, financer et garantir des services publics de haute qualité. C'était un sujet d'inquiétude pour nos concitoyens, et probablement une des raisons du rejet du projet de traité constitutionnel.

Il ne peut y avoir d'Europe sans projet de société. Il était donc important que la promotion d'un niveau d'emploi élevé, d’une garantie d'une protection sociale adéquate, de lutte contre l'exclusion sociale, ainsi que l’exigence d’un niveau d'éducation, de formation et de protection de la santé, participent des politiques de l'Union. Ce sera le cas.

Le traité garantira aussi la stabilité de la présidence de l'Union européenne et l'expression de l'Europe sur la scène internationale par la nomination d’un Haut représentant pour les affaires étrangères. Nous nous félicitons que, grâce à ce texte, les parlements nationaux soient plus directement associés au processus de décision communautaire, car le Nouveau Centre veut une Europe puissance démocratique, forte dans les domaines essentiels que sont la politique économique et industrielle, la recherche, la politique migratoire, l'énergie et le développement durable.

Aujourd'hui, nous devons saisir la chance que représente cet accord institutionnel pour poser, ensemble, les jalons d'une Europe puissance ; la clé de notre avenir est là. Dans le contexte de la mondialisation, toutes les sociétés européennes font face aux mêmes risques et aux mêmes défis – on le voit dans le domaine de l'énergie, et c’est vrai aussi pour les flux migratoires. Les Français attendent une « Europe des résultats » qui, seule, les réconciliera avec l'ambition européenne.

L'Europe doit se doter d'objectifs précis pour négocier au sein de l’OMC. Selon nous, la France doit reprendre l'initiative en matière de politique agricole, qui est encore la première politique européenne ; l’abandonner serait une faute, et je me réjouis que le Président de la République n'attende pas l’échéance de 2012 pour proposer de la refonder. Dans cette perspective, il était important de tendre la main aux autres grands pays agricoles européens, dont la Pologne.

J’en viens aux difficultés que crée l’évolution du taux de change entre l’euro et le dollar. L’indépendance de la BCE ne doit pas interdire de débattre de la monnaie européenne et de sa parité avec le dollar et le yuan. L'euro doit d’autant plus être au service de la croissance, de l'emploi et de la compétitivité que de nouveaux pays rejoignent la zone euro. Le débat impose de dire toute la vérité, qui est que si un euro fort gêne nos exportations, il a aussi pour effet de limiter le coût des matières premières payées en dollar.

La France ne peut s’exonérer de ses responsabilités en matière de déficit public, dont la réduction est l’une des clefs de la croissance et du pouvoir d’achat.

Enfin, l’Europe des projets sera l’un des objectifs de la présidence française. Il faut pour cela cesser la course à l’élargissement, stabiliser les frontières européennes et poursuivre le dialogue avec nos voisins, notamment méditerranéens, comme le fait depuis longtemps notre collègue M. Salles. Le groupe Nouveau Centre reste très réservé à l’égard de l’intégration de la Turquie au sein de l’UE ; la question de la reconnaissance du génocide arménien n’est pas seule en cause.

M. François Rochebloine – Mais c’est un préalable indispensable !

M. François Sauvadet – Ce sont les projets qu’elle engage qui susciteront à nouveau l’intérêt pour l’Europe. Voilà ce que nous espérons du prochain conseil : qu’il soit une étape pragmatique et utile aux citoyens afin que l’Europe, devenue puissance, réponde à leurs interrogations.

Le groupe Nouveau Centre assumera pleinement les modifications constitutionnelles qu’impose le traité modificatif. Pour être efficaces, nous devrons le ratifier avant 2009 par la voie parlementaire, puisque nous sommes les élus du peuple et que le Président de la République s’y était engagé lors de sa campagne. Héritiers de l’UDF et de ses valeurs européennes… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Rochebloine – La vraie UDF !

M. François Sauvadet – …notre groupe souhaite ardemment que ce nouveau pas européen soit franchi au service des citoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères – L’Europe a cette semaine trois rendez-vous majeurs : demain à Strasbourg pour la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, jeudi à Lisbonne pour la signature du traité modificatif et vendredi à Bruxelles pour la réunion du Conseil européen qui devrait annoncer, comme l’a proposé le Président de la République, la création d’un groupe de réflexion sur l’Europe des vingt prochaines années.

Les bouleversements de ces dernières années fixent trois priorités à l’Europe. Il lui faut tout d’abord cesser pour un temps de s’élargir, dès l’adhésion prochaine de la Croatie. Nous devons observer une pause nécessaire et préciser nos frontières, pour ne pas prolonger l’actuel grand écart entre Europe-marché et Europe-puissance. Deuxième priorité : les projets d’avenir à forte valeur ajoutée, qui nous concernent tous, tels qu’ITER ou Galileo. De telles initiatives font prévaloir l’intérêt général à long terme sur les intérêts nationaux à court terme. Pour autant, les pays qui le souhaitent doivent pouvoir progresser grâce à des coopérations renforcées dans des secteurs aussi variés que la recherche, l’énergie, le programme spatial ou, surtout, la défense. Dans ce dernier domaine, où l’avenir se prépare dès aujourd’hui, une alliance franco-britannique en liaison avec nos autres partenaires – Allemagne, Pologne, Italie, Espagne – est indispensable. Puisse le dixième anniversaire de la déclaration de Saint-Malo donner une nouvelle impulsion à la politique européenne de défense et, pourquoi pas, jeter les bases d’un « Saint-Malo II ». Enfin, notre troisième priorité doit être de renforcer la place de l’Europe dans le monde, tant elle est attendue dans de nombreuses régions, du Darfour au Kosovo ou à la Méditerranée. Avec la création d’un poste stable de président du Conseil et de Haut représentant pour les affaires étrangères, l’Europe pourra enfin s’exprimer d’une seule voix, y compris sur des sujets mondiaux comme l’environnement, l’énergie ou les migrations.

La France exercera dans six mois la présidence de l’Union. Il lui appartiendra alors d’appliquer cette feuille de route ambitieuse et à la hauteur de notre responsabilité à l’égard des générations futures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne  Grâce au Président de la République et sous présidence allemande, nous avons enfin pu résoudre la lancinante crise institutionnelle d’une Europe qui, à Amsterdam, à Nice puis à la Convention sur son avenir a par trois fois remis l’ouvrage sur le métier. Avec le traité de Lisbonne, elle se dote enfin d’institutions adaptées à sa taille qui lui permettront de se concentrer sur l’essentiel. Plutôt que de codécision et de majorité qualifiée, c’est de projets concrets qu’il faut parler à nos concitoyens pour qu’ils s’approprient l’Europe ! Elle ne deviendra une maison commune, comme le propose la France, que si elle gère efficacement les migrations, garantit à chacun une énergie sûre, abordable et écologique, lutte mieux que ne le font ses membres isolés contre la criminalité et le terrorisme qui a encore tragiquement frappé ce matin même en Algérie et, enfin, porte au monde une voix différente, humaniste, empreinte de la sagesse que donnent mille ans d’histoire.

Le Traité de Lisbonne permettra tout cela. Un million de citoyens pourront désormais soumettre leurs initiatives aux institutions. Les parlements nationaux seront érigés en vigie de la subsidiarité : si la moitié d’entre eux contestent un projet, la commission devra revoir sa copie. Le contrôle informel des Parlements, loin de n’être que tatillon, est du reste déjà un succès : la délégation pour l’Union européenne de l'Assemblée nationale s’est ainsi prononcée sur le droit matrimonial, sur la directive postale et le fera, bientôt, sur la lutte contre le terrorisme.

À ceux qui critiquent aujourd’hui le traité simplifié comme ils critiquaient hier le traité constitutionnel, je demande un peu d’honnêteté intellectuelle : il ne s’agit plus ici d’une constitution ! À titre d’exemple, la concurrence n’est plus un objectif mais un moyen. Les services publics font quant à eux l’objet d’un protocole spécifique ! C’est dire combien les États les plus réticents ont su s’engouffrer dans la brèche ouverte par le Conseil européen de juin dernier pour revenir sur certaines concessions. Paradoxalement, les Britanniques ont obtenu des dérogations sur la Charte, la justice, les affaires intérieures ou encore la suppression des symboles. Songez combien on perdrait à ne pas ratifier le traité qui sera signé jeudi ! Il n’y a pas de plan B, mais une seule alternative : plus ou moins d’Europe.

Si toutes les ratifications ont lieu, il reviendra à la France de donner vie au traité. Quel équilibre proposera-t-elle entre le président de la Commission et celui du Conseil, et quand celui-ci sera-t-il nommé ? Quel usage fera-t-on des coopérations renforcées ? L’UE doit se politiser. Les élections européennes de 2009 pourraient être l’occasion d’engager un vrai débat sur des alternatives claires incarnées par des dirigeants européens. Les citoyens n’en auront que davantage le sentiment de peser sur les décisions prises.

Enfin, les projets concrets sont une nécessité. Je salue le projet Galileo, qui réunit de nombreux industriels européens pour faire de l’Europe un acteur majeur dans ce domaine stratégique. Le traité de Lisbonne permettra de multiplier de telles initiatives dans tous les secteurs d’avenir. Saisissons cette chance avec enthousiasme, car il y va de l’avenir de l’Europe et de ses générations futures !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Le président du Conseil européen sera nommé en décembre 2008, Monsieur Lequiller. Le Haut représentant aux affaires étrangères, qui sera aussi vice-président de la commission, devra quant à lui être désigné sur la base d’un arrangement avec le Parlement européen.

Quant au président de la commission, il sera nommé en janvier 2009. Vous l’avez compris, l’équilibre entre ces trois représentants, dans ce cadre inédit, dépendra de l’accord qui sera trouvé sur chaque sujet au Parlement européen, où aucune majorité n’est garantie, ce qui fournira l’occasion d’un exercice démocratique intéressant.

Je souhaite répondre à toutes les questions que vous avez soulevées, notamment à celles de M. Ayrault.

M. Jean-François Copé – Et moi ? (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Le traité simplifié, dont j’espère qu’il deviendra traité de Lisbonne…

Mme Claude Greff – Il n’en a jamais parlé !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  …renforcera l’efficacité de l’Europe politique grâce à la désignation d’un président du Conseil européen et d’un représentant de la politique extérieure européenne et à la définition d’une politique de défense reposant sur une coopération structurée, dont les tentatives de mission européenne « PESD » démontrent la nécessité.

Le traité renforcera également l’Europe sociale (Exclamations sur les bancs du groupe GDR). Ceux qui, comme toujours, en doutent, pourront s’en assurer !

M. Jacques Desallangre – Vous avez encore beaucoup à prouver !

M. Jean-Claude Sandrier – Vous êtes le seul à en être sûr !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Les services publics, dont nous avons souvent débattu dans cet hémicycle, seront garantis par le protocole.

M. Jacques Desallangre – Mais vous les avez déjà condamnés !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Non, défendus !

En outre, la concurrence libre et non faussée ne sera plus un moyen, mais un objectif…

M. Jean-Paul Lecoq – Quel aveu !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Non, c’est un lapsus ! D’objectif, la concurrence libre et non faussée deviendra bien un moyen. Le traité comportera également une clause sociale générale.

Enfin, la démocratie sera renforcée grâce à la codécision et les Parlements nationaux disposeront de pouvoirs accrus.

En somme, ce traité est meilleur que les dispositions antérieures, et, surtout, il a le mérite d’exister ! Quant au bien-fondé d’un référendum, il y en a déjà eu un : on a vu le résultat ! (Vives protestations sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC)

Plusieurs députés du groupe GDR – Celle-là est excellente ! C’est la meilleure !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  L’Europe ne devait pas rester bloquée !

Sur la venue du colonel Kadhafi, j’ai été touché par les questions que m’a posées le président du groupe SRC, mais ni plus ni moins que lorsque le président Mitterrand a rencontré en 1984 – période bien plus délicate - le même Kadhafi… (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean-Paul Bacquet – Pas en France !

M. François Hollande – Et ce n’est pas une raison !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  En effet, ce n’est qu’un souvenir… comme la visite du général Jaruzelski ou la rencontre entre le président Mitterrand et Hafez el-Assad ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

Tout le monde a rendu visite, pour des motifs économiques, au colonel Kadhafi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Mme Elisabeth Guigou et M. François Hollande – Ce n’est pas pareil !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Pas vous, naturellement (Sourires sur quelques bancs du groupe UMP), mais les chefs d’État – M. Blair, à deux reprises, comme M. Chirac, en 2004. La différence, ce sont les infirmières bulgares ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Franck Gilard – Mais oui !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères La commission d’enquête le rappellera : nous, nous avons attendu la libération des infirmières pour rendre visite au colonel Kadhafi – cela s’appelle les droits de l’homme, Monsieur Ayrault ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; vives protestations sur les bancs du groupe SRC) – puis pour l’inviter en France, invitation que les infirmières elles-mêmes n’ont pas condamnée, se contentant de souligner qu’elles ne voulaient pas venir à la même période !

On invoque l’attitude à opposer au terrorisme, à l’heure où des attentats effrayants viennent de frapper l’Algérie ; mais, en 2003, le colonel Kadhafi – dont je suis loin d’être l’affidé ! – a renoncé au terrorisme et aux armes de destruction massive !

M. François Hollande – Ce n’est pas ce qu’il a dit à Lisbonne !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères C’est cette évolution que vise à encourager une diplomatie française de la réconciliation.

On parle de tapis rouge : je ne sais pas ce que cela veut dire (Protestations sur les bancs du groupe SRC). L’essentiel, c’est que nous essayons d’attirer à nous des pays qui ont renoncé au terrorisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je vous le dis en toute amitié et parce que vos propos m’ont touché : aux différentes fonctions que j’ai occupées, j’ai eu l’occasion de mesurer le fossé qui sépare souvent les droits de l’homme et la politique extérieure officielle – et d’en souffrir ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Sachez du reste que le Conseil européen a salué hier la perspective de conclusion d’un accord-cadre avec la Libye, dans le droit fil des conclusions du Conseil européen d’octobre 2007, qui doit, selon la déclaration du Conseil, représenter un tournant dans les relations entre l’Union européenne et les pays méditerranéens, y compris s’agissant des migrations (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Franck Gilard – Quelle mauvaise foi de la part des socialistes !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  La France n’est pas la seule à accueillir le colonel Kadhafi…

M. François Hollande – …et à lui vendre des armes ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères …qui arrive du Portugal, où il a été reçu par le président Socrates, et repart samedi pour l’Espagne afin d’y rencontrer le président Zapatero ! J’espère que vous vous montrerez alors aussi exigeants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC).

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 45 sous la présidence de M. Le Fur.

PRÉSIDENCE de M. Marc LE FUR
vice-président

RATIFICATION DE L’ORDONNANCE N° 2007-329 DU 12 MARS 2007
RELATIVE À LA PARTIE LÉGISLATIVE DU CODE DU TRAVAIL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, ratifiant l’ordonnance du 12 mars 2007 relative à la partie législative du code du travail.

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement. Nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement suite à l’arrêt de la Cour de cassation sur l’accord entre les cinq organisations syndicales représentatives et l’Union professionnelle artisanale. Cet accord, qui devrait réjouir tous ceux qui sont attachés au dialogue social – car ce n’est pas souvent que l’on arrive à mettre d’accord 800 000 entreprises et l’ensemble des organisations syndicales, sur un sujet comme l’organisation et le financement de l’action syndicale dans les entreprises –, a été attaqué, tant devant les juridictions administratives, jusqu’au Conseil d’État, qui a validé l’accord en 2003, que devant les juridictions de l’ordre judiciaire, jusqu’à la Cour de cassation. Ce chemin de croix est aujourd’hui terminé, la Cour de cassation venant de rendre son verdict. Monsieur le ministre, vous avez souvent dit, dans nos débats, que vous attendiez l’issue de ces procédures. Nous souhaiterions donc savoir, maintenant, dans quelles conditions le Gouvernement entend faire appliquer cet accord (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Le temps des recours est révolu : le droit a été dit. Les questions de la représentativité et du financement seront abordées lors de la conférence sociale du 19 décembre ; parallèlement, les syndicats et le Medef devraient se réunir avant la fin de l’année sur ces mêmes questions. L’accord UPA, incontournable, aura toute sa place dans ces débats.

Chacun – et vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés – aura à cœur d’avancer sur de tels sujets durant le premier semestre 2008, avant les rendez-vous européens de la présidence française de l’Union et la préparation des élections prud’homales.

M. Roland Muzeau – Rappel au Règlement. Vous ne nous avez pas dit, Monsieur le ministre, si – oui ou non – vous allez entériner cet accord, signé par toutes les organisations syndicales. C’était là toute la question de M. Vidalies, mais vous avez préféré botter en touche en évoquant les prochaines réunions.

En vertu de l’article 58, je veux faire part des protestations du groupe GDR concernant l’organisation de nos débats. Le texte sur le pouvoir d’achat est déjà inscrit à l’ordre du jour de nos débats. Or la commission se réunit demain matin sur un tout autre sujet – le projet de fusion UNEDIC-ANPE – qui ne viendra en discussion qu’en janvier et nous ne disposerons que de peu de temps pour prendre connaissance du projet de loi, présenté demain matin en conseil des ministres, avant de déposer nos amendements pour 16 heures 15.

M. le Président – Ces questions relèvent de la conférence des présidents, où votre groupe est représenté.

M. Roland Muzeau – Merci pour cette réponse !

M. le Président – La parole est à M. Liebgott, pour la présentation de l’amendement 86.

M. Michel Liebgott – La présentation de cet amendement figure déjà au compte rendu analytique de la première séance du mercredi 5 décembre… Il faut dire que celle-ci a été précocement levée, la droite étant minoritaire dans l’hémicycle. Je me réjouis de ce que quatre séances soient consacrées à l’examen de ce texte : sans doute aurait-il fallu y passer plus de temps encore, puisque sa rédaction a – paraît-il – mobilisé des techniciens pendant trois années.

L’amendement 86 est à l’aune de tous ceux que nous présentons : il répare des oublis ou des omissions. Celles-ci sont-elles volontaires ? Je le crains. Croire le contraire serait estimer que le travail n’a pas été bien fait. Elles témoignent plutôt d’une volonté politique, que le Gouvernement imaginait nous dissimuler, lors d’un court débat. Les syndicats et les inspecteurs du travail, heureusement, nous ont aidés à y voir plus clair.

Cette recodification doit se faire à droit constant. Or la mention selon laquelle « le comité peut faire appel à titre consultatif et occasionnel au concours de toute personne de l’établissement qui lui paraîtrait qualifiée » a purement et simplement disparu de la nouvelle rédaction. L’amendement 86 vise à rétablir cette phrase.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Vous omettez de dire que tous les partenaires sociaux ont été associés à cette entreprise de recodification. L’amendement 51 rectifié, similaire, a été adopté. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Vous avez raison, Monsieur Liebgott, à tel point que vous avez eu satisfaction par l’adoption de l’amendement de Mme Billard. Un grand développement n’était pas nécessaire, il fallait aller à l’essentiel. Avis défavorable.

L'amendement 86, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Liebgott – Nous ne pouvons que nous féliciter de l’adoption de l’amendement 51 rectifié : la modification était donc nécessaire. Que l’amendement 86 ait, en conséquence, été rejeté ne nous chagrine pas ; ce qui nous inquiète, c’est le nombre de coquilles et d’oublis que comporte ce texte.

Peut-être un amendement similaire à l’amendement 65 a-t-il déjà été adopté ? Dans le cas contraire, la commission et le Gouvernement ne devraient pas manquer d’émettre un avis favorable. Si, d’ailleurs, ce devait être le cas pour tous les amendements que nous avons déposés, nous pourrions écourter l’examen. Dites-nous, pour gagner du temps, ce que vous avez l’intention de rétablir pour assurer une codification en droit constant…

Il nous semble important que les représentants du personnel – qui sont au centre de la législation du travail – soient informés de la présence de l’inspecteur du travail et puissent lui présenter leurs observations. Nous souhaitons donc le rétablissement de l’article L. 236-7 de l’ancien code, qui était sans ambiguïté.

Mme la Rapporteure – Cette disposition n’a pas été supprimée, mais déclassée en partie réglementaire.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Une fois n’est pas coutume : je dois préciser que cette disposition figure dans la partie législative, à l’article L. 4612-7. Votre amendement est satisfait.

L'amendement 65, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – Il est vrai les parlementaires ont du mal à suivre, en raison des conditions dans lesquelles ce texte est examiné. Par ailleurs, Monsieur le ministre, il y a plusieurs erreurs dans les tableaux de concordance. S’agissant du projet de loi sur le pouvoir d’achat qui sera présenté demain en conseil des ministres, nous devrons avoir déposé nos amendements pour la réunion de commission, à 16 heures 15. Là, je ne sais pas comment on fait ! Le seul document de travail dont nous disposions est l’avant-projet de loi tel qu’il a été transmis au Conseil d’État, ce qui n’est manifestement pas suffisant pour élaborer des amendements !

S’agissant du respect du principe de la recodification à droit constant, tout le travail accompli depuis la semaine dernière montre bien que nous avons eu raison de ne pas vous croire sur parole puisque vous avez vous-même dû accepter plusieurs amendements tendant à réintégrer des dispositions de fond qui avaient été supprimées à la faveur de la recodification. Au reste, après avoir menacé d’un recours devant le Conseil d’État, les vins Nicolas et le distributeur Casino ont dû obtenir satisfaction de votre part à ce sujet puisqu’il semble qu’ils renoncent à leur démarche.

L’amendement 174 vise à réinscrire dans le deuxième alinéa de l’article L. 4614-3 du code que, s’agissant des expertises liées à la santé, l’hygiène ou la sécurité des personnes, le juge statue en urgence. Rien ne justifie la disparition de l’impératif d’urgence dans ce cas.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureDéfavorable.

Plusieurs députés du groupe GDR – Pourquoi ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Parce qu’il s’agit d’une règle de procédure civile qui relève, comme vous ne l’ignorez pas, du cadre réglementaire.

L'amendement 174, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement car le déroulement de notre séance ne laisse pas de m’inquiéter. S’agissant de l’amendement précédent, relatif au CHSCT, le ministre a estimé qu’il était satisfait en renvoyant, non sans raison, à un article du code. Toutefois, avant que le ministre n’intervienne, Mme la rapporteure a déclaré – pour la 150e fois peut-être depuis le début de ce débat ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR) – que cela figurait dans la partie réglementaire. Vu la régularité avec laquelle Mme la rapporteure nous fait cette réponse – à la vérité, à chaque fois que la commission ne sait pas quoi dire ! –, nous pensions au moins qu’elle disposait de ce document ! Au reste, où est-il ? Il est pour le moins difficile de continuer à travailler sur ces bases. Si la commission souhaite continuer à évoquer la partie réglementaire du code du travail, il est indispensable qu’elle nous prouve qu’elle en a bien eu connaissance et que l’on puisse vérifier que les données qui lui ont été communiquées dans ce cadre ne sont pas fausses. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Roland Muzeau – L’amendement 120 vise à rétablir les dispositions de l'actuel article L. 241-11 du code du travail, afin de préciser sans ambiguïté possible que l'inspection du travail est compétente pour relever les infractions sur la médecine du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Redondant !

M. Roland Muzeau – Monsieur le ministre, ne soyez pas trop pressé ! Vous n’allez pas à Bruxelles aujourd’hui ? (Sourires)

Précision inutile me direz-vous, la question particulière de la médecine du travail étant couverte par la mission générale de l'inspection du travail. Nous verrons lors de l'examen de l'article définissant d'une façon générale les missions de l'inspection du travail qu'il est permis de s'interroger sur la limitation de ses pouvoirs au seul contrôle des dispositions légales, d'autant qu'en matière de santé et de sécurité au travail, nombre de dispositions relèvent déjà ou relèveront désormais du domaine réglementaire. Je reviendrai sur cette question. Pour le moment, considérons effectivement que la recodification ne change rien au fond dans l'étendue des missions de contrôle de l'inspection du travail.

Pourquoi, alors, accepter de voir disparaître de la partie législative du nouveau code les dispositions traitant spécifiquement des compétences des inspecteurs du travail en matière de médecine du travail, de contrat d'apprentissage ou de rémunération mensuelle minimale ? Pourquoi ces suppressions, alors même qu’un tel rappel des compétences est admis s'agissant là du travail illégal, du placement des chômeurs où de l'égalité professionnelle ?

Monsieur le Ministre, avec l’avis favorable du Gouvernement, les sénateurs ont voté un amendement chargeant spécifiquement l'inspection du travail de constater les infractions à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Notre rapporteure est du reste favorable à ce rappel, au motif qu'en ce domaine, une mention explicite peut effectivement avoir une incidence sur les comportements des salariés et des employeurs. À l’évidence, cet argument vaut pour la médecine du travail. Car s'il est un domaine où il importe de rappeler le caractère impératif des dispositions légales et réglementaires, c'est bien celui de la médecine du travail !

Les services de santé au travail ont la charge de prévenir les atteintes à la santé physique et mentale de plus de 15 millions de salariés. Le rôle de cette institution – souvent perçue par les salariés comme une médecine patronale – est mis en cause par la justice, du fait du scandale de l'amiante et des détournements de fonds dévoilés à l'occasion de l'affaire de la caisse noire de l'IUMM (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Le moment serait donc particulièrement mal choisi pour adresser un signal négatif à ces médecins, aux salariés et aux employeurs.

C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que soit rappelé qu'en cette matière essentielle, le contrôle du respect de la réglementation et la constatation des infractions restent plus que jamais de la compétence des inspecteurs du travail.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureAvis défavorable. Cet amendement est superfétatoire (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) puisque l’inspection du travail est compétente pour toutes les infractions au droit du travail.

S’agissant de l’amendement 174, je confirme que la mesure, d’ordre réglementaire, figurera dans l’article R. 4614-5.

Quant à l’amendement 65, la mesure figurera bien en partie législative. J’ai glissé d’un amendement sur l’autre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Si l’amendement était adopté, l’article serait redondant avec l’article L. 8112-1, lequel dispose déjà que l’inspection du travail est compétente.

Au reste, Monsieur Muzeau, il n’y a pas que les inspecteurs du travail qui soient compétents : les directeurs régionaux – auxquels j’ai donné de fermes instructions en matière de contrôle – le sont aussi, notamment pour délivrer les agréments. Voilà pourquoi cela ne se résume pas aux seuls inspecteurs.

Mme Martine Billard – Madame la rapporteure, le problème n’est pas de savoir si, sur le fond, la disposition est superfétatoire : sommes-nous, oui ou non, invités à recodifier à droit constant ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Si cela vous dérange que je réponde de manière détaillée, dites-le !

Mme Martine Billard – Pas du tout, je suis très contente de votre réponse et c’est à Mme la rapporteure que je fais valoir une nouvelle fois que nos amendements ne portent pas sur le fond, puisque nous voulons travailler à droit constant. C’est ce qui justifie que nous déposions ce type d’amendements.

M. Roland Muzeau – Je suis très préoccupé par la portée que la représentation nationale entend donner à ce problème : j’ai rappelé tout à l’heure que le Sénat, le Gouvernement et Mme la rapporteure ont admis qu’il fallait mentionner explicitement dans le code la mission particulière de l’inspection du travail pour ce qui concerne l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Je formule exactement la même demande au sujet de la santé au travail. Tous les rapports et statistiques disponibles témoignent qu’il s’agit d’un enjeu majeur et l’on ne peut pas sérieusement considérer qu’il serait superfétatoire ou redondant d’en traiter dans le code du travail ! Ce qui est dangereux, ce n’est pas d’être redondant, c’est de retirer du code des dispositions essentielles, au risque que cela soit interprété comme un signe que le législateur s’en soucie moins qu’auparavant.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – La question de la santé au travail est tellement importante qu’elle a été sanctuarisée dans une partie spécifique du nouveau code du travail. On ne peut pas faire mieux, Monsieur Muzeau !

L'amendement 120, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Comme nous l’avons déploré sans relâche au cours de nos discussions la recodification du code du travail n'a pas seulement eu pour objet de faire disparaître des dispositions désuètes. En réalité, votre réécriture exauce le vœu du Medef de voir dépénaliser le droit du travail. Sinon, comment expliquer que nombre de sanctions pénales pour la violation d’obligations légales aient purement disparu ? Alors que nous proposions, toujours à droit constant, de reprendre dans le nouveau code les sanctions pénales de l'ancien code, nous avons essuyé refus sur refus, sauf bien sûr lorsque l'UMP était en nombre insuffisant pour s'opposer à nos amendements de bon sens !

Je me fais donc peu d'illusion sur le sort de mon amendement 147, qui propose de créer une sanction pénale pour prévenir les détournements de fonds au détriment de la médecine du travail. J'assume pleinement cette seule entorse que nous nous sommes permise au principe du droit constant. Le statu quo actuel concernant l'organisation de la médecine du travail et l'impunité dont jouissent ceux qui ont la responsabilité de l'organiser mais détournent ses moyens n’est en effet plus acceptable : depuis la mise en cause de M. Gautier-Sauvagnac pour les pratiques d'un autre âge de l'UIMM, les langues commencent à se délier sur les pratiques de gestion de certains services interentreprises de santé au travail.

Dans mon département des Hauts-de-Seine, où le Medef semble particulièrement « actif », des médecins du travail licenciés témoignent ainsi d'agissements illégaux et de dérives de la médecine du travail. Vous avez répondu à mon courrier vous demandant de mettre un terme à ces agissements scandaleux que vous aviez saisi la Direction générale du travail, Monsieur le ministre. Quelle est votre vision du rôle des directions régionales du travail et de l'emploi, qui délivrent tout de même les agréments aux services interentreprises de santé au travail ? Allez-vous reprendre la main en cessant de considérer que la gestion financière de ces services relève de leur responsabilité propre, ou continuez-vous de penser qu'il leur appartient seulement de veiller à la qualité des prestations de santé au travail ? Le journal Le Monde s’est penché dans un supplément sur cette question sur laquelle il y aurait beaucoup à dire…

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – M. Muzeau l’a dit lui-même, nous ne sommes pas à droit constant avec cet amendement. La commission lui a donc donné un avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. Je précise que les directeurs régionaux du travail et de l’emploi jouent un rôle en matière de santé au travail, mais aussi en matière de contrôle de la régularité des financements.

M. Alain Vidalies – Je prends acte de la réponse de M. le ministre sur l’amendement précédent. Il nous a bien dit que l’article 8112-1 donnait aussi aux inspecteurs du travail des missions de contrôle dans le champ d’application visé par l’amendement de notre collègue Muzeau, à savoir l’organisation de la médecine du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – J’ai bien parlé d’une compétence partagée, Monsieur Vidalies.

L'amendement 147, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – L’amendement 11 corrige une erreur de syntaxe.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 145 est défendu.

L'amendement 145, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Liebgott – L’amendement 186 vise à rétablir une disposition législative selon laquelle « les infractions aux dispositions des chapitres III à VI et les décrets pris pour leur exécution sont constatés par les inspecteurs du travail. » Cette disposition devient-elle réglementaire comme on nous l’a indiqué ? À défaut d’explication, nous souhaitons qu’elle soit rétablie. Nous avons déposé un certain nombre d’amendements sur l’aggravation ou le maintien des sanctions prévues. Encore faut-il pouvoir les constater…

L'amendement 186, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 117 est défendu.

L'amendement 117, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 131 mentionne la peine à laquelle s’expose en cas de récidive un employeur qui refuse de se conformer aux mesures prises par un inspecteur du travail pour soustraire les salariés à une situation de danger : deux ans d’emprisonnement et une amende de 7 500 euros.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – Avis défavorable. La récidive relève du droit pénal.

L'amendement 131, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – La recodification a abouti à l’éclatement de l’actuel article 263-2, relatif aux infractions à la sécurité, qui concerne à la fois les employeurs et les préposés, c’est-à-dire les cadres ayant un pouvoir de délégation, ainsi que « d’autres personnes » qui pourraient être d’autres employeurs ou des travailleurs extérieurs intervenant dans l’entreprise. Lorsque cet article a été voté, il ne s’agissait vraisemblablement pas de faire porter la responsabilité de la sécurité collective aux salariés. Or il se retrouve éclaté en deux articles 4741-9 et 4741-10. Le premier ne concerne que les « autres personnes », et les infractions visées sont les mêmes que dans l’actuel article 263-2. Mais vous introduisez par ailleurs un parallélisme des formes entre la responsabilité des chefs d’entreprise et celle des salariés pour ce qui est du respect des mesures de sécurité. L’éclatement de l’article 263-2 nous interpelle donc. Il peut en effet laisser supposer qu’à terme, les « autres personnes » engloberont les simples salariés, ce qui ouvrirait la porte à une nouvelle interprétation de la jurisprudence. Aussi l’amendement 54 propose-t-il de revenir à un article unique.

Le chef d’entreprise est responsable de ce qui se passe dans l’entreprise. Dès lors qu’il est capable de faire respecter les horaires ou les tâches à accomplir, il est aussi capable d’assurer le respect des règles d’hygiène et de sécurité. Il n’y a pas de raison de créer des obligations aux salariés en la matière. Nous n’en sommes pas encore à l’autogestion dans les entreprises – même si je le regrette.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – Avis défavorable. L’article L. 263-2 du code en vigueur sanctionne déjà la faute personnelle de l’employeur, de ses préposés et des autres personnes. Nous sommes donc bien à droit constant. Selon la jurisprudence, le chef d’entreprise, mais aussi ses subordonnés et les autres personnes – fabricants de machines, fournisseurs – doivent veiller personnellement à la sécurité pour ce qui relève de leur autorité. En cas de poursuites pénales, le juge vérifiera en outre soit que la faute était intentionnelle, soit que les conditions de l’article 121-3 du code pénal relatif aux fautes involontaires sont bien remplies. Selon les cas, il y aura manquement aux diligences normales, faute caractérisée ou violation manifestement délibérée d’une obligation légale ou réglementaire de sécurité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Avis défavorable. Il ne s’agit pas de viser les salariés, mais les responsables de la mise sur le marché d’un produit ou d’un équipement de travail non conforme à la réglementation.

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 55 est un amendement de cohérence.

L'amendement 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – L’amendement 12 procède à une correction de référence.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – L’amendement 13 précise que les garanties de rémunération des personnes mises à disposition sont au moins égales à celles des personnels statutaires.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – L’amendement 14 rectifié vise à préciser la rédaction de l’article qui place les associations intermédiaires à l’abri des poursuites pour prêt illicite de main-d’œuvre ou marchandage.

L'amendement 14 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – L’amendement 15 transcrit dans le nouveau code les modifications effectuées dans l’ancien par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Il s’agit de mesures d’assouplissement des conditions d’entrée en France pour raison de travail. Les étrangers auront par exemple trois mois pour se faire délivrer un certificat médical, alors que c’était jusqu’à présent une obligation préalable.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureL’amendement 16 rectifié précise le texte.

L'amendement 16 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureL’amendement 17 rectifié est défendu.

L'amendement 17 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement. Depuis le début de cette discussion, à chaque fois que nous avons voulu préciser un délai ou le montant d’une indemnité, le Gouvernement a argué du caractère règlementaire des dispositions que nous proposions pour les refuser. Il est frappant de constater que cette règle ne vaut pas lorsque l’on traite de la situation des étrangers : dans ce cas, parce que cela arrange le Gouvernement, on entre, les concernant, dans les détails les plus minimes. Autant dire que l’argument qui nous a été opposé n’est pas très sérieux et qu’il s’agit bien plutôt, en sortant de la loi certaines dispositions, de se mettre à l’abri du contrôle du juge administratif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Michel Liebgott – L’amendement 72 a pour objet de rétablir le droit constant en reprenant les termes exacts de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale auquel il se réfère.

L'amendement 72, accepté par par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Frédéric Reiss – L’amendement 112 tend à rétablir la disposition permettant au régime d’assurance chômage de conclure des conventions de gestion avec les employeurs relevant du secteur public.

L'amendement 112, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureL’amendement 18 précise le texte.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – Nous avons déjà déploré que les dispositions relatives au contrat d'apprentissage, qui figurent actuellement dans la partie du code du travail consacrée aux conventions relatives au travail, soient reléguées dans la partie consacrée à la formation professionnelle. Il n'est pas difficile de soupçonner que l'opération vise à faire perdre au contrat d'apprentissage les garanties du contrat de travail. La disposition du code que nous visons dans l’amendement 144 conforte cette suspicion, puisque le nouveau code fait disparaître l’article 177-2 selon lequel « le contrat d'apprentissage est régi par les lois, règlements et conventions ou accords collectifs de travail applicables aux relations de travail entre employeurs et salariés dans la branche ou l'entreprise considérée ».

Cette suppression n’est pas la seule. C’est ainsi que l'article 117 bis l du code du travail, qui stipulait que « l'apprenti est un jeune travailleur en première formation professionnelle alternée, titulaire d'un contrat de travail » a disparu comme par magie. Et encore : il n'est plus fait référence aux apprentis pour les sommes actuellement versées aux « salariés et apprentis » en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. L'interdiction de faire travailler les jours de fête reconnus par la loi les apprentis de moins de 18 ans s'est, elle aussi, envolée... Nous proposons en tout état de cause de rapprocher à nouveau le contrat d'apprentissage du contrat de travail.

Mme Martine Billard – L’amendement 175, rédigé dans le même esprit, tend à rétablir le statut actuel des apprentis. Il est incorrect de ne plus les considérer comme des salariés en formation, et l’on n’imagine que trop bien les conséquences possibles de la « recodification » opérée.

M. Alain Vidalies – Le nouveau code déplace ce qui concerne l’apprentissage dans la partie relative à la formation professionnelle. Par l’amendement 87, nous tendons à rétablir les dispositions actuelles pour préciser que le contrat d’apprentissage est un contrat de travail et que les accords de branche s’y appliquent. Nous attendons du Gouvernement qu’il dise quelles sont les conséquences du changement d’affectation du contrat d’apprentissage dans le nouveau code. À supposer qu’il n’y en ait aucune, il serait plus simple de le préciser en adoptant l’amendement. En tout état de cause, il s’agit d’une question éminemment politique qui appelle une réponse.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureAvis défavorable. Les contrats d’apprentissage sont des contrats de travail comme les autres (Mouvements divers).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Le transfert des dispositions relatives au contrat d’apprentissage dans la partie du code relative à la formation professionnelle n’entraîne strictement aucune réduction de garantie ni modification de fond. Avis, donc, défavorable.

L'amendement 144, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 175 et 87.

Mme Martine Billard – L’amendement 176 est défendu.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureAvis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Avis défavorable, car l’amendement est satisfait.

L'amendement 176, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Régis Juanico – L’amendement 88 tend à rétablir le droit constant concernant le principe d’un entretien d’évaluation du déroulement de la formation en apprentissage prévu à l’article L. 115-2-1 du code actuel.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureAvis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Avis défavorable. Les modalités pédagogiques de l’apprentissage sont d’ordre réglementaire.

L'amendement 88, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureL’amendement 19 corrige une erreur de référence.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 177 est défendu.

L'amendement 177, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Irles, rapporteureL’amendement 20 précise le texte. Les amendements 21 et 22 sont rédactionnels. L’amendement 23 corrige une erreur de référence. L’amendement 24 est rédactionnel et l’amendement 25 de précision. Quant aux amendements 27 et 28, ils tirent la conséquence de la loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, l’amendement 29 est de cohérence.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Favorable.

L’amendement 20, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 21, 22, 23, 24, 25, 27, 28 et 29.

M. Roland Muzeau – Dans une déclaration du 13 novembre, j’ai apporté mon entier soutien à l'action menée par les inspecteurs et contrôleurs de l'Inspection du travail contre le projet de décret prévoyant de modifier leur statut pour permettre leur mise à disposition du ministère de l'immigration. Je soulignais que ce texte organise une mise sous tutelle qui rappelle les plus sombres heures de notre histoire, en faisant des inspecteurs et des contrôleurs de l'Inspection du travail de simples auxiliaires de police chargés de la chasse aux étrangers. Ce n'est pas seulement choquant : c’est contraire à la conception que les inspecteurs et les contrôleurs, comme les citoyens, se font du rôle et des missions de l'Inspection du travail. Je vous demandais, Monsieur le ministre, de faire droit à la demande de l'intersyndicale et d’ouvrir un véritable dialogue. Je sais que, depuis lors, des échanges ont eu lieu mais je ne suis pas certain qu’il y ait eu dialogue. L’amendement 116 permettra donc de clarifier ce qui doit l’être.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – Avis défavorable. C’est par la seule voie règlementaire que l’on peut donner compétence à une institution pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de décrets.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis. Le terme « légale » fait bien référence à la loi et au règlement. Quant au recours que vous évoquez, Monsieur Muzeau, vous savez bien qu’il a été rejeté par le Conseil d’État.

L'amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Les amendements 146 et 118 sont défendus.

Les amendements 146 et 118, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Sur l’amendement 57, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Frédéric Reiss – L’amendement 113 vise à renforcer la base légale du pouvoir règlementaire pour déterminer le montant de la contribution spéciale.

L'amendement 113, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – Je pensais pouvoir retirer l’amendement 57 compte tenu de la réponse faite à M. Muzeau sur le 116 mais, hélas, c’est impossible. Il ne s’agit pas en effet que de règlement, puisque, à l’article L. 8112-2 du nouveau code, les inspecteurs du travail voient leurs compétences étendues au contrôle de l’entrée et du séjour en France des étrangers, qui relèvent de la loi. La frontière entre loi et règlement varie donc au gré de vos priorités ! Par acquis de conscience, je me suis demandé si ces compétences ne concernaient pas uniquement des questions relatives au travail des étrangers, mais non ! Elles concernent très largement l’entrée et le séjour. Pourquoi, dès lors, les faire constater par des inspecteurs du travail ? Elles ne relèvent pas du code du travail.

M. Franck Gilard – Les inspecteurs du travail sont des agents publics !

Mme Martine Billard – Il y a division des tâches entre les agents publics ! On ne demande pas aux inspecteurs des impôts de contrôler l’entrée et le séjour des étrangers. Plus généralement, pourquoi soupçonner tout étranger d’infraction ? Dans ces conditions, je me vois contrainte de maintenir l’amendement 57, qui vise à supprimer l’alinéa 4 de l’article L. 8112-2.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – Avis défavorable. Nous avons déjà débattu du concours des inspecteurs du travail à la lutte contre l’immigration illégale. Ce concours est prévu par la loi du 26 novembre 2003. À droit constant, il faut donc reprendre cette mesure dans le nouveau code.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis.

M. Alain Vidalies – Les inspecteurs du travail ne sont pas formés pour contrôler l’entrée et le séjour des étrangers ou le droit d’asile. En outre, peu de chefs d’entreprise se soumettront volontiers à des contrôles sur leurs employés étrangers lors de vérifications qu’ils auront parfois eux-mêmes demandées ! En somme, c’est un grave risque politique que vous prenez en étendant ainsi les compétences de l’Inspection du travail. Voilà qui justifie un scrutin public sur cet amendement.

M. Francis Vercamer – Le débat mérite en effet d’être creusé. Élu d’une région transfrontalière et ancien conseiller des prud’hommes, je peux néanmoins témoigner que les juges ont bien des difficultés à trancher sur des cas de fraude au travail dès lors qu’il s’agit d’ateliers textiles clandestins qui emploient de la main-d’œuvre étrangère. Il n’est pas inutile que les inspecteurs du travail puissent, en cas de suspicion de travail au noir, enquêter pour éventuellement démanteler la filière.

Mmes Christiane Taubira et Martine Billard – Et que fait la police ?

À la majorité de 57 voix contre 16 sur 73 votants et 73 suffrages exprimés, l’amendement 57 n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Xavier Bertrand, ministre du travail L’amendement 75 est rédactionnel.

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – Avis favorable.

Mme Martine Billard – Cet amendement pose problème, car il intègre à tort l’amiante aux risques chimiques.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail C’est pourtant ainsi qu’elle est classée dans les directives européennes. J’ajoute qu’inclure l’amiante dans cet article-là de la loi est bien plus favorable aux salariés.

L'amendement 75, mis aux voix, est adopté.

ART. 3 BIS

Mme Jacqueline Irles, rapporteure – L’amendement 30 est de clarification.

L'amendement 30, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Frédéric Reiss – De motion en quorum, nous arrivons enfin au terme d’une longue bataille. Le débat fut de qualité. Je remercie Mme la rapporteure pour son travail. L’opposition n’a cessé de contester l’adaptation à droit constant sous prétexte de précipitation, mais il n’en est rien ! La ratification de cette ordonnance a fait l’objet d’un travail de longue haleine, et le groupe UMP votera en sa faveur.

M. Roland Muzeau – Nous avons au cours de ce débat posé deux questions, en vain. Celle de l’opportunité du projet, d’abord : nous en avons demandé le renvoi en commission car la représentation nationale doit pouvoir débattre publiquement et au fond de toute modification du code du travail. Le débat nous a été refusé. Aucune urgence ne s’imposait pourtant sur un travail lancé en 2004 et dont les multiples reports ne sont dus qu’à des motifs d’opportunité. C’est pour un semblable motif qu’aujourd’hui vous précipitez l'adoption du texte : sous couvert de neutralité, vous préparez le terrain à la libéralisation du marché du travail.

Or il est inacceptable qu'un texte aussi essentiel à la vie de la cité et de l'entreprise soit ratifié sans aucun travail de fond et sans que nous ayons pu prendre connaissance de la partie réglementaire du nouveau code, à laquelle Mme la rapporteure s’est abondamment référée et dont les partenaires sociaux ont eu, dit-on, la possibilité de débattre.

Nous avions d’autre part exigé que le texte se limite à une recodification à droit constant, mais les nombreux transferts de la partie législative à la partie réglementaire, les réécritures et les modifications d’architecture enfreignent ce principe.

En somme, l’organisation de cette réécriture ne tient aucun compte de la spécificité du code du travail, de sa dimension historique, de son ancrage dans les rapports sociaux, de son objet même – protéger les salariés face aux prérogatives patronales.

M. Franck Gilard – Et les prérogatives syndicales ?

M. Roland Muzeau – Votre œuvre de décodification pèche en outre par son caractère technocratique.

Je l’ai rappelé au début de nos débats : le code du travail, élaboré en cent trente ans, essentiel à l'histoire du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux dans notre pays, méritait mieux que le passage en force que vous tentez de nous imposer.

M. Jean-Charles Taugourdeau – Quelle mauvaise foi !

M. Roland Muzeau – Le groupe GDR votera donc résolument contre ce texte.

M. Alain Cousin – Nous voilà rassurés !

M. Michel Liebgott – La manière dont l’examen du texte a été expédié laisse une curieuse impression. M. Reiss a évoqué au nom du groupe UMP un débat « enfin terminé », comme s’il était soulagé de voir ses tortures prendre fin ! (Rires sur les bancs du groupe SRC ; sourires sur quelques bancs du groupe UMP) Il est vrai que nous vous avons imposé quatre séances au lieu d’une…

M. Franck Gilard – Pour des bavardages inutiles !

M. Michel Liebgott – …mais la ratification des ordonnances fait partie des quelques pouvoirs que notre Constitution laisse au Parlement !

En outre, l’on ne saurait réduire à un point de détail un texte qui concerne quelque vingt millions de salariés et engage au moins un siècle et demi d’histoire du droit du travail, jalonné d’avancées auxquelles seules les luttes ouvrières ont permis d’aboutir. Il y va des mesures de protection du salarié dans la relation déséquilibrée qui l’unit à celui qui détient, indépendamment même du marché, le pouvoir d’embaucher, de fixer la rémunération et de débaucher. De même que nous sommes protégés par notre règlement intérieur, de même les salariés de toutes les entreprises de France doivent être défendus par le code du travail.

Eu égard à ces enjeux, le temps réservé à l’examen du texte était notablement insuffisant, que ce soit en commission, où le débat s’est caractérisé par une improvisation surréaliste, ou dans cet hémicycle, où, malgré vos efforts, Monsieur le ministre, pour nous faire adopter le texte dans la nuit de mercredi à jeudi, nos discussions ont dû s’interrompre faute de pouvoir repousser l’heure de votre train – grâce à une disposition du droit du travail ?

Les séances supplémentaires nous ont permis de corriger légèrement le texte – même si la commission ou le Gouvernement n’ont pas approuvé nos propositions les plus importantes –, mais non, hélas, de préserver le principe du droit constant. C’est sans doute là notre plus profond regret. De l’aveu même des juristes – dont témoigne la dernière édition du Dalloz –, les décisions des conseils de prud’hommes ne révèleront pas pleinement avant plusieurs années le bouleversement des relations entre salariés et entreprises dont cette recodification est porteuse. Nous ne vous demandons pas de faire le même aveu – je viens d’écarter les soupçons de torture ! –, mais seulement de reconnaître les modifications apportées au code du travail. Elles ne manqueront d’ailleurs pas de générer des contentieux, le plus souvent au détriment des salariés – que nos interventions sur le texte permettront peut-être parfois de protéger.

Nous regrettons également les nombreux transferts de la partie législative du code vers sa partie réglementaire, qui reviennent à dessaisir le Parlement au profit du Gouvernement, libre de modifier le texte à l’avenir. En outre, le droit unitaire du travail est presque réduit à néant par l’externalisation, particulièrement grave d’un point de vue historique, des mesures applicables à certaines catégories de salariés – sans parler des précaires ou des travailleurs exploités par leur entreprise que M. Vercamer a évoqués tout à l’heure. La même logique de fragilisation du salarié, donc du droit du travail lui-même, au profit du droit du plus fort a présidé au rejet de nos propositions ponctuelles visant à sanctionner les infractions répétées de certains chefs d’entreprise. Quant à votre refus de nos amendements relatifs à l’Alsace-Moselle, il nous empêche de rapporter à nos électeurs un beau code du travail pour Noël !

Certaines dispositions justifient du reste la saisine du Conseil constitutionnel : ce que des juristes ont accompli sous contrôle, d’autres juristes, plus indépendants, peuvent le défaire ! En attendant, le groupe SRC votera contre le texte.

M. Francis Vercamer – Notre débat, si fastidieux dût-il paraître à certains, a permis au Gouvernement – comme à l’opposition – de rappeler ses positions sur des dispositions législatives ou réglementaires du code du travail. En outre, la réécriture et les reclassements qu’opère le texte permettront de clarifier et d’alléger quelque peu un code du travail devenu trop volumineux pour les PME, les TPE ou les salariés qui n’ont pas la chance d’être soutenus par une organisation syndicale. Cela étant, il serait excessif de parler de simplification : pour sa majeure part, ce code continue de ne concerner que les 5 % d’entreprises qui comptent plus de cinquante salariés ! Mais il y a clarification et il faudra veiller à ne pas en perdre le bénéfice lorsque le temps viendra de faire place aux dispositions nouvelles sur lesquelles devraient déboucher nos débats ultérieurs – sur la sécurisation des parcours professionnels, la réforme du contrat de travail, les contrats d’insertion, la représentativité et le financement des organisations syndicales, la formation professionnelle.

Le groupe Nouveau Centre votera donc ce texte…

Mme Martine Billard – Quelle surprise !

M. Francis Vercamer – …première étape d’une clarification qui rendra plus serein le travail des PME et des TPE tout en garantissant la sécurité des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

L’ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 19 heures.

TARIFS RÉGLEMENTÉS D’ÉLECTRICITÉ ET DE GAZ

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Veuillez excuser mon retard : j’assistais aux obsèques du pilote de Rafale de la base de Saint-Dizier, mort en service la semaine dernière.

L'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz – fondée sur les directives 96/92 et 98/30, complétée par les directives 2003/54 pour l'électricité et 2003/55 pour le gaz – s'inscrit dans le cadre de la construction d'un grand marché européen. Soucieuse des intérêts du consommateur, la France a fait le choix d'une ouverture progressive, au travers de quatre lois : celles du 10 février 2000, du 3 janvier 2003, du 9 août 2004 et du 7 décembre 2006.

Depuis le 1er juillet, conformément aux directives européennes, les marchés de l'électricité et du gaz sont ouverts à la concurrence pour tous les consommateurs, chacun étant libre de choisir son fournisseur. La France adhère ainsi à l’objectif européen de renforcement de la sécurité d'approvisionnement énergétique, tout en assurant un prix compétitif de l'énergie.

Cependant, en raison de la censure de certaines de ses dispositions par le Conseil constitutionnel, la loi du 7 décembre 2006 présente aujourd'hui des imperfections qui rendent le droit incohérent et inintelligible pour nos concitoyens. De ce fait, ils n’ont été que 6 000 à exercer leur éligibilité et à choisir les offres des fournisseurs alternatifs pour l’électricité, et 13 000 pour le gaz.

Il résulte des dispositions en vigueur que, lorsqu'un occupant a exercé son éligibilité pour un logement, les occupants suivants n'ont plus la possibilité de choisir entre des offres aux tarifs réglementés et des offres de marché. En outre, ces dispositions ne manquent pas d'inquiéter les propriétaires, qui craignent de voir le marché de l'immobilier se scinder entre les logements bénéficiant des tarifs réglementés et ceux n'en bénéficiant plus. Les conséquences de cette situation ne doivent pas être sous-estimées.

La ministre de l'économie avait été sollicitée sur ce point lors des débats sur la loi TEPA en juillet. Avec le soutien du ministre d'État, ministre de l'écologie, elle avait alors proposé au Parlement de rechercher des solutions. Celles-ci sont aujourd’hui rassemblées dans cette proposition de loi, dont je salue l’auteur, M. Ladislas Poniatowski. Le président de la commission saisie au fond à l’Assemblée nationale, M. Patrick Ollier et son rapporteur, M. Lenoir n’ont pas manqué de participer à ces travaux.

Ce texte introduit une évolution importante pour l’application de la règle site/personne, rendant ainsi le dispositif plus souple, plus juste et plus simple. Les nouvelles dispositions permettent à chaque consommateur particulier de choisir, au moment de l’emménagement, entre une offre tarifaire réglementée et une offre proposée par un fournisseur alternatif, qu’il s’agisse du gaz ou de l’électricité, d’un logement neuf ou d’un logement ancien. Ainsi, le choix ne dépendra plus de l’occupant précédent. D’autre part, ces dispositions s'appliquent également aux petits consommateurs professionnels, pour la seule électricité.

La règle site/personne est celle qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel en décembre 2006, au motif, notamment, que cette disposition n'était pas limitée dans le temps. Le texte voté au Sénat tient compte de cette analyse, puisque le libre choix en cas de déménagement ne pourra s’exercer que jusqu’au 1er juillet 2010. Cette période permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de s’accoutumer aux offres des fournisseurs alternatifs.

M. François Brottes – C’est court, pour mûrir !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Ce dispositif – transitoire – permettra au marché de se développer, en introduisant un minimum de sécurité pour les consommateurs.

La date du 1er juillet 2010 est cohérente avec la date limite fixée pour l'accès des nouveaux sites aux tarifs réglementés de l'électricité par la loi sur le droit au logement opposable. Je salue le souci de simplicité de ces propositions.

Pour autant, cela ne signifie pas que les tarifs réglementés disparaîtront en 2010, ce que, d’ailleurs, aucun texte communautaire ne demande. Après le 1er juillet 2010, s’appliqueront tout simplement les règles d'éligibilité, telles qu'elles ont été voulues par le Conseil constitutionnel.

Dès lors qu'il s'agit de rétablir un droit compréhensible et cohérent pour nos concitoyens, de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs particuliers et de prévoir un dispositif transitoire garantissant la protection de ces mêmes consommateurs, le Gouvernement ne peut qu’être favorable à une telle proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Une fois de plus, l’énergie s’invite dans nos débats. Il ne nous avait fallu pas moins de 121 heures pour débattre l’année dernière de la « loi sur l’énergie », sur laquelle nous sommes revenus dès le mois de janvier. Nous avions bien compris, alors, que les consommateurs s’inquiéteraient des conséquences qu’emporteraient les dispositions applicables au 1er juillet, du fait de la censure du Conseil constitutionnel. Nous avons voulu répondre aux préoccupations qui se sont fait jour dès le mois de juin.

Nous avons alors déposé, MM. Patrick Ollier, Serge Poignant, Jean-Pierre Nicolas, François-Michel Gonnot, Jacques Remiller et moi-même, une proposition de loi, dont les objectifs étaient les mêmes que ceux du présent texte. Celui-ci vise à protéger les consommateurs : ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est le secrétaire d’État chargé de la consommation – et non le ministre en charge de l’énergie – qui est présent ce soir.

M. François Brottes – Ce n’est pas une garantie !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur Le texte adopté par le Sénat, qui rétablit la règle site/personne introduite par l’Assemblée sur la base des travaux préparatoires menés au sein du Conseil supérieur de l’énergie, donne à une personne qui emménage la possibilité de revenir aux tarifs réglementés, quelle qu’ait été la décision du précédent occupant. Cette disposition est élargie aux petits professionnels. Nous aurions pu nous orienter vers un texte conforme, cette proposition et la nôtre étant très proches. Toutefois, nos travaux ont montré qu’il était possible de pousser plus loin la protection des consommateurs, d’édicter des règles plus claires encore et de permettre au marché d’exister.

En effet, sur 26 millions de consommateurs, 6 100 seulement ont élu un fournisseur alternatif pour l’électricité, 13 000 pour le gaz. Le marché est, en quelque sorte, gelé, et ce texte doit lui permettre de s’organiser et de se développer.

Patrick Ollier, Michel Piron, Serge Poignant, Jean-Pierre Nicolas et moi-même avons déposé un amendement permettant au consommateur de revenir au tarif précédent, même s’il n’a pas déménagé. Cette réversibilité totale est visée par des amendements similaires, déposés par Frédéric Lefebvre et par Jean Dionis du Séjour, mais, à la différence de ceux-ci, nous posons une limite dans le temps, fixée au 1er juillet 2010. Toute personne ayant quitté les tarifs régulés pourra, six mois après l’avoir fait, y revenir, pourvu que sa demande soit exprimée avant le 1er juillet 2010. Autre précision, ce dispositif ne vaudra pas pour les petits professionnels, puisque nous nous en tenons au couple site/personne, qui le rend applicable en cas de déménagement.

S’agissant du gaz, le problème est bien différent car l’écart entre les tarifs et les prix est trop faible pour avoir induit des problèmes particuliers. En conséquence, nous proposons simplement d’en rester là au couple site/personne.

Nous sommes arrivés à un dispositif simple et efficace, à même de mieux protéger le consommateur. Dans cette affaire, foin d’idéologie (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et de grands principes ! Nous sommes des pragmatiques. Au reste, c’est la gauche, sous le gouvernement Jospin, qui a été à l’initiative de l’ouverture des marchés.

M. François Brottes – Nous en reparlerons !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur La loi du 10 février 2000 et les directives qui ont suivi émanaient aussi d’une majorité de gauche. Alors, que l’opposition ne nous taxe pas d’ultralibéralisme puisque ce sont les gouvernements qu’elle a soutenus qui sont à l’origine de l’ouverture du marché. Et je ne parle pas du sommet de Barcelone, durant lequel des déclarations très explicites ont été faites. Nous en avons la trace écrite et, si cela est nécessaire, je rafraîchirai la mémoire de M. Brottes et de ses amis ! Pour une fois, chers collègues de l’opposition, quittez le terrain de l’idéologie et soyez aussi pragmatiques que nous le sommes nous-mêmes ! (Rires et interruptions sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Daniel Paul – Les dogmatiques, c’est vous !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur Pour être en contact permanent avec nos concitoyens, nous sommes convaincus de défendre un texte qui, sans mettre en cause le marché, permettra, d’ici à 2010,…

M. Daniel Paul – Et après ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur …de trouver des solutions durables tenant compte de l’évolution des règles européennes. Je rappelle que les tarifs ne sont pas interdits par Bruxelles et que rien ne permet de penser qu’ils seront supprimés. Au reste, bien malin qui peut dire ce qui se passera d’ici à 2010…

Parce que je sais que chacun ici est attaché à la protection des consommateurs, je suis persuadé que l’immense majorité des parlementaires, et, pourquoi pas, la totalité se prononcera en faveur de ce texte. Je rappelle à la gauche que l’amendement que j’avais défendu pour permettre au consommateur d’accéder au tarif public de l’électricité au-delà du 1er juillet 2007 et jusqu’au 1er juillet 2010 – puisqu’il y avait ambiguïté – avait été adopté à l’unanimité. Monsieur Brottes, je ne puis envisager un seul instant que vous reveniez sur votre vote…

M. François Brottes – Un peu d’audace !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur L’audace, nous l’avons, puisque c’est nous, à l’UMP, qui avons déposé cette proposition de loi et qui animons ce débat. Et je n’ai pas lu la moindre contribution de votre part. Mais nous vous donnons l’occasion de rattraper le temps perdu et nous vous écouterons avec beaucoup d’attention (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Nous sommes engagés depuis 2006 dans une progression qui nous conduit aujourd’hui à faire une proposition dans l’intérêt des consommateurs. La querelle qui peut exister entre les tarifs et les prix est compréhensible et je conçois que certains puissent s’inquiéter des évolutions qui affectent l’environnement européen. À l’UMP, nous sommes de fervents défenseurs de l’Europe mais nous souhaitons que les évolutions légitimes se fassent de manière contrôlée. C’est pour cela qu’avec MM. Lenoir, Poignant, Nicolas et Piron, nous avons veillé tout au long du travail législatif à ce que le consommateur soit défendu. En 2006, pour trouver un équilibre entre la liberté des prix et la protection des tarifs, nous avons commencé par le fameux TaRTAM,…

M. François Brottes – Il a fait beaucoup de bruit ! (Sourires)

M. Patrick Ollier, président de la commission …le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché et je remercie le rapporteur Lenoir pour sa contribution essentielle à la rédaction de cet article. Nous avons voulu procurer un surcroît de sécurité à ceux qui avaient l’impression de subir une évolution trop brutale, de l’ordre de l’inacceptable.

Avec la loi DALO, nous avons voulu régler le cas des nouveaux sites pour les consommateurs d’électricité. Il s’agissait de remédier à une injustice et je remercie le ministre Chatel, qui était à l’époque l’un des principaux animateurs de notre commission, d’avoir pris part à notre combat. Je ne doute donc pas qu’il approuve aujourd’hui, en tant que ministre, notre troisième initiative.

Par la proposition de loi que nous avons déposée, nous souhaitons achever le cheminement vers plus d’équité et de protection, pour permettre au consommateur final d’être pleinement rassuré lorsqu’il choisit les prix du marché. La réversibilité participe de l’équité. Nous devons être en mesure de contrôler l’évolution du contexte européen.

Du fait de la compétition avec nos amis sénateurs, nous avons déposé le même texte au même moment, mais les sénateurs l’ont inscrit plus vite que nous à leur ordre du jour. Quoi qu’il en soit, notre objectif commun est de faciliter le retour du consommateur aux tarifs protégés.

Pourquoi avons-nous, Monsieur Brottes, fixé la date de 2010 ? Précisément parce que nous tenons compte des réactions du Conseil constitutionnel, lequel a annulé la loi de 2006 à cause de l’absence de limite temporelle…

M. François Brottes – Pas seulement !

M. Patrick Ollier, président de la commission Je ne voudrais pas, Monsieur Brottes, qu’une polémique s’installe sur un malentendu et que vous l’entreteniez à des fins politiciennes. Je n’imagine pas une seconde que vous souhaitiez faire ici de la politique…

M. François Brottes – À côté de vous, je n’aurai pas cette prétention !

M. Patrick Ollier, président de la commission Soyez à nos côtés pour défendre le consommateur en votant cette proposition de loi ! Si le Conseil constitutionnel a voulu que soit fixée une limite temporelle – nous proposons 2010 -, il ne faut pas l’envisager – et je sais que le ministre, qui est un homme plein de bon sens en sera d’accord – comme un couperet définitif. Ne laissons pas se répandre des contrevérités : 2010 est une clause de rendez-vous…

M. Daniel Paul – Ah, les rendez-vous avec vous !

M. Patrick Ollier, président de la commission Nous verrons alors – et je ne doute pas que nous soyons encore majoritaires ! – comment renouveler le bail pour continuer à protéger le consommateur. Voilà pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi.

Vous savez, Monsieur le ministre, que notre commission voudrait faire adopter la réversibilité totale. Nous y travaillons depuis deux ans et nous souhaitons aller au bout. Il faut permettre au consommateur qui s’est trompé, non de papillonner entre les opérateurs, mais de faire un aller-retour…

M. Michel Piron – Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission M. Piron a beaucoup travaillé sur ce sujet et nous avons déposé un amendement qui résout le problème en fixant un délai de six mois durant lequel il est impossible de revenir sur sa décision. Parallèlement, nous fixons l’échéance à 2010, ce qui est conforme à l’esprit des propositions du groupe de travail animé par MM. Lefebvre et Dionis du Séjour. Même si notre texte est différent, nous partageons la même volonté. Notre amendement comporte des verrous que le Gouvernement peut accepter. La discussion nous permettra de mesurer le travail de chacun.

Monsieur le ministre, je souhaite de tout cœur que vous acceptiez cet amendement, ou, au moins, que vous vous en remettiez à la sagesse de l’Assemblée.

M. François Brottes – Quelle comédie !

M. Patrick Ollier, président de la commission Faites confiance à votre majorité. J’apprécie, Monsieur Brottes, que cet amendement ait pu être adopté en commission sans que le groupe socialiste s’y oppose. Son abstention a été pour moi une bonne surprise et je l’en remercie. J’espère qu’il fera de même dans l’hémicycle. Il serait dommage, Monsieur le ministre, que l’œuvre parlementaire ne soit pas achevée avant la fin de l’année. Tout à l’heure, j’ai eu Ladislas Poniatowski au téléphone et il m’a confirmé qu’il était tout à fait d’accord pour que sa commission vote conforme le texte que nous aurons adopté.

Alors, Monsieur le ministre, encore un effort d’ici à Noël. Il importe que, dès janvier, le consommateur puisse profiter de la protection et de la liberté nouvelles que nous voulons lui offrir. Notre Assemblée devrait être unanime pour voter cet amendement et cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Brottes – Lorsqu’on traite d’un sujet très technique dans un contexte où la hausse des prix de l’énergie est telle que certains de nos concitoyens hésitent même à se chauffer, deux méthodes sont possibles. Ou on adopte un langage technique, presque soporifique, un peu comme le serpent du Livre de la Jungle – « aie confiance, nous allons rétablir le tarif régulé et la réversibilité »…

M. Michel Piron – C’est presque vrai !

M. François Brottes – …ou on parle un langage imagé pour mieux se faire comprendre – et c’est ce que j’ai choisi de faire pour traiter de ce sujet grave. Cette proposition de loi ressemble à un nouvel épisode d’une mauvaise série B qui pourrait s’intituler « Comment expliquer l’inconséquence politique aux enfants ».

Premier épisode : La fable de la Fontaine. En mars 2002, à Barcelone, le conseil européen a à son ordre du jour la libéralisation de l’électricité et du gaz. Il engage à adopter dès que possible les propositions concernant la phase finale d’ouverture des marchés énergétiques, qui portent sur le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages, à partir de 2004. Durant la conférence de presse qui suit, le Premier ministre Lionel Jospin se fonde sur les exemples britannique et suédois pour dénoncer la hausse des tarifs qu’ont entraînée pour les consommateurs la privatisation et la libéralisation de l’électricité. Il précise que la libéralisation menace le principe de l’égalité d’accès quel que soit le lieu de résidence.

Quelques mois plus tard, la majorité change et le gouvernement Raffarin abandonne le compromis de Barcelone. Dès sa nomination au ministère de l'industrie, Nicole Fontaine annonce une loi de transposition rapide de la directive gaz. Le parti pris est celui d’une transposition libérale, réduisant les dispositions relatives au service public du gaz à un article très général. Le gouvernement Jospin avait fait des seuils d'ouverture du marché du gaz un plafond ; le gouvernement Raffarin en fait un plancher, ouvrant ainsi la possibilité de libéraliser le marché plus rapidement que ne le prévoit la directive.

Le 25 novembre 2002, le conseil des ministres européens de l’industrie décide – presque sous la pression du gouvernement français – d’encourager la libéralisation intégrale des marchés du gaz et de l'électricité pour les ménages et la fin du monopole d'EDF à compter du 1er juillet 2007, ce que nous avions toujours refusé. Ne réécrivez pas l’histoire, Monsieur le rapporteur !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Et la loi de 2000, c’est vous !

M. François Brottes – C'est donc bien le 25 novembre 2002 que le gouvernement de droite a donné son accord à la libéralisation totale du marché de l'énergie pour les particuliers. Il s'agit bien là d'une fable : on nous raconte que la libéralisation sera un cadeau pour les consommateurs, et c'est l'inverse qui se passe. L'étude de NUS Consulting sur le sujet a bien démontré qu'en France, la dérégulation a fait flamber le prix de l'électricité.

Deuxième épisode : Le serment d'Hypocrite. En 2004, la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ouvre le capital des opérateurs historiques nationaux EDF et GDF. Il transpose également deux directives instaurant notamment le principe d'indépendance juridique des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution. C’est à l'occasion de ce débat que nous avons entendu ici même, le 15 juin 2004, ce serment solennel du ministre d'État Nicolas Sarkozy : « Je l'affirme, parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisées. » Je note que personne ne conteste…

Troisième épisode : La tentation de Rome. C'est l'hallali dans le pays : l'Italien ENEL veut prendre pied chez l'opérateur franco-belge Suez. L'heure est grave : il faut bouter hors de nos frontières l'envahisseur italien, au nom du patriotisme économique cher au Premier ministre Dominique de Villepin. On sent bien que l’argumentation ne tient pas - pourquoi préférer le Belge Electrabel du groupe Suez à l'italien ENEL ? – et qu’elle va servir de prétexte à la privatisation rampante de GDF.

Après cet épisode, le preux chevalier de Matignon va faire une déclaration sur son perron, et c'est le quatrième épisode : L’annonce faite à Cirelli. Privatisons GDF pour le marier à Suez ! Et la machine infernale de la privatisation se met en branle. Une première salve est tirée discrètement : le contrat de service public signé le 10 juin 2005 entre l'État et GDF prévoit que « l'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l’occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients ». Dans le débat sur la privatisation de GDF, je dénonce à plusieurs reprises cette supercherie, qui est un aveu des intentions du Gouvernement : faire disparaître progressivement « l'avantage » des tarifs réglementés en prenant l'engagement de les augmenter régulièrement. En nous proposant la réversibilité totale pour l'ensemble des consommateurs, vous bouclez la boucle. Les concurrents du tarif régulé pourront faire des offres prédatrices avec la complicité du Gouvernement, qui fera grimper en parallèle les tarifs historiques.

En 2006, la privatisation est votée, non sans résistance. Vient alors le cinquième épisode : Le coup du Mazeaud. Je vous relis l’exposé des motifs de la loi du 7 décembre 2006 : « Gaz de France travaille avec Suez depuis plusieurs mois à un projet industriel porteur de croissance et d'investissements, qui suppose la fusion de ces deux entreprises. Le Gouvernement français a indiqué qu'il apportait son soutien à ce projet, et présente donc au Parlement les dispositions législatives permettant sa mise en œuvre. » Le Gouvernement fait le choix d'ouvrir intégralement le marché de l'énergie afin d'éliminer les obstacles de service public à la privatisation de GDF. À l'issue de l'examen du texte, les parlementaires socialistes – et sans doute communistes – saisissent le Conseil constitutionnel. Notre saisine ne portait que sur l'article 39 qui prévoyait la privatisation de GDF, dont nous contestions la conformité à l'alinéa 9 du Préambule de 1946, qui dispose que « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Dans sa décision du 30 novembre 2006, le Conseil…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Saisi par la gauche !

M. Patrick Ollier, président de la commission – C’est vous qui êtes responsables !

M. François Brottes – …a reporté la privatisation de GDF au 1er juillet 2007, date à partir de laquelle le marché de l'énergie devait être ouvert intégralement. Mais pour valider la privatisation de l'opérateur historique, il a cherché à éliminer toute disposition confortant l'existence d'un service public national. Il s’est donc autosaisi de l'article 17 pour invalider les dispositions relatives aux tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Nous y sommes ! Les consommateurs vont apprécier !

M. François Brottes – …comme contraires aux directives du 26 juin 2003 ouvrant intégralement les marchés de l'électricité et du gaz au 1er juillet 2007. Dès lors, il a constaté qu'au 1er juillet 2007, GDF ne serait plus un service public national, et qu’à cette date, la privatisation de l'opérateur historique serait donc possible. C'est donc bien la volonté de privatiser GDF qui entraîne la disparition du service public et des tarifs réglementés ! La responsabilité du Gouvernement est totale. C'est le gouvernement Raffarin qui a négocié les directives ouvrant intégralement les marchés de l'énergie au 1er juillet 2007 ; c’est le gouvernement Villepin qui s'est obstiné dans la voie de la privatisation de GDF pour permettre la fusion avec Suez.

Arrive ensuite l'épisode de rattrapage que j'ai appelé – mon collègue ne m'en voudra pas, tant il a eu l'occasion de faire de longs prêches à cette tribune : La demi-potion de l'abbé Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Ce n’est pas méchant… (Sourires)

M. François Brottes – La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable ouvre aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport avant le 1er juillet 2010 le bénéfice du tarif réglementé.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Vous avez bu la potion !

M. François Brottes – Certes, mais cela ne résout pas le problème de ceux qui déménagent et qui doivent subir le choix fait par le locataire ou le propriétaire précédent de sortir du tarif. C'est cette imperfection que le présent texte entend corriger, alors que nous avions dit à l'époque que le rattrapage était incomplet et qu'il fallait un peu plus d'audace.

Après ce rendez-vous manqué, nous en venons au septième épisode : Le reniement du Président. Le président hésite, puis il tranche : il confirme le projet de son prédécesseur en lançant la privatisation de GDF après le 1er juillet 2007. Il fait même mieux : il démantèle Suez – d'un côté l'énergie, de l'autre l'environnement – et il fait rentrer ENEL, aux côtés d'EDF, dans le projet de l'EPR de Flamanville.

Tout cela se passe de commentaires. Rien à voir avec le fait que Gaz de France vienne de perdre un appel d'offre en Libye, encore que…

Au cœur de l'été 2007, le Gouvernement distribue les cadeaux fiscaux, coupant ainsi les vivres du budget de l'État. Mais, comme l'inquiétude grandit dans le pays, il faut ensuite trouver quelques recettes de poche pour boucher les trous de ce dernier. C’est l'épisode 8 du feuilleton, La vente des bijoux de familles, qui s'enchevêtre avec l'épisode 9, La poule aux œufs d'or

Le quatrième rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement, rendu public la semaine dernière, souligne l'imbrication de l'économie, du social et de l’environnemental, et considère que la privatisation des ressources et des services est le pire des scénarii pour l'avenir de la planète. Voilà qui conforte notre certitude : l'énergie n'est pas un bien comme les autres. Il faut, à ce sujet, relever le rôle ambigu de l'Etat actionnaire, qui a bien du mal à être le garant du service public. Il devrait pourtant faire bénéficier le consommateur de la marge dégagée par EDF, qui permettra à l’entreprise de verser près d'un milliard de dividendes à l'Etat actionnaire cette année - et près de cinq milliards en deux ans, EDF et GDF confondus. On voit bien là que l'État, lorsqu'il n'utilise plus l'impôt progressif pour remplir ses caisses, fait les poches des consommateurs, de diverses manières : redevance audiovisuelle, franchise médicale, TVA sur l'essence …et chauffage, avec l'augmentation des tarifs réglementés. Tout cela est d'une logique implacable !

Selon l’INSEE, la consommation d'électricité des ménages a crû de 24 % au cours des dix dernières années. Il est donc indispensable de garder la maîtrise publique des tarifs de l'électricité. Le Gouvernement ne peut dissimuler sa politique derrière l’argument « écologique » selon lequel l'énergie doit être chère pour responsabiliser le consommateur ; cet argument ne sert qu’à masquer son impuissance à améliorer le pouvoir d'achat des Français.

Depuis la loi relative au secteur de l'énergie de décembre 2006, le groupe socialiste a déposé à trois reprises des amendements tendant à permettre le retour aux tarifs réglementés. Par trois fois, ils ont été repoussés. Et voilà qu’aujourd'hui, on invente la réversibilité totale ! Comme tout cela est curieux !

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est que la proposition que l’on va entendre est mieux rédigée…

M. François Brottes – La Commission européenne vient de porter un nouveau coup au projet de directive sur les services d'intérêt économique général en écartant cette perspective. Nous attendons de la future présidence française de l'Union européenne une initiative sans ambiguïté en faveur d'une directive cadre sur les services publics.

J'en viens au dixième épisode, dans lequel apparaît Gribouille. En effet, décider de vendre une nouvelle part du capital d'EDF pour réparer les universités, l'annoncer et, donc, faire baisser l'action tout en se privant des dividendes annuels correspondants – comme cela fut le cas lors de la privatisation des autoroutes –, tout cela révèle une improvisation dans la gestion des affaires publiques qui frise l'inconséquence et qui obère l’avenir.

Nous voici arrivés à l'épisode final – À qui profite le crime ? –, ultime séance de rattrapage avant l'extinction des tarifs réglementés. Ce texte ne doit pas être un marché de dupe pour les consommateurs. Or, il crée l'illusion d'une sécurité pour mieux la faire disparaître puisque la réversibilité totale s'accompagnera d'une hausse obstinée et obligée des tarifs réglementés, et que le dispositif n’a pas d’avenir au delà de 2010. Chacun aura compris que tout cela est fait pour vous permettre de passer l'échéance des élections municipales.

Malgré cela, nous sommes prêts à voter ce texte, si vous abandonnez la limite de 2010. Sinon c'est un marché de dupe qui s'annonce.

Il est donc logique d'évoquer l'irrecevabilité constitutionnelle, sachant que ce projet revient sur une décision du Conseil constitutionnel en reprenant des dispositions déclarées non conformes de la loi du 7 décembre 2006 sur le secteur de l'énergie…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Pourquoi « non conformes » ?

M. François Brottes – De plus, il faut rappeler que la situation que nous connaissons n'est pas seulement due à la décision du Conseil constitutionnel, comme la majorité le va répétant. Elle tient principalement au choix délibéré qu’a fait la droite d'ouvrir intégralement à la concurrence le marché de l'énergie et de privatiser nos opérateurs historiques. Aussi, cette loi ne sera pas à l'abri d'un contrôle a posteriori du juge constitutionnel par voie d'exception, à l'occasion de l’introduction de dispositions législatives qui viendraient la modifier, la compléter ou affecter son domaine. Le Conseil constitutionnel avait ainsi, dans sa décision « Nouvelle Calédonie » du 15 mars 1999, censuré une disposition de la loi du 25 janvier 1985. Par ailleurs, la Commission Balladur préconise de faciliter l'invocation contentieuse de l'exception d'inconstitutionnalité, ce qui fragilisera l'application de cette nouvelle loi.

En conclusion, le bénéfice de l'ouverture du marché n'est pas flagrant, tant s’en faut. L’ouverture en elle-même est inquiétante, au point que Mme Lagarde a mis en garde les consommateurs, leur conseillant de lire très attentivement les offres et les contrats qui leur seront proposés « même quand c'est écrit tout petit, pour savoir quelles sont les garanties dans le long terme » !

Enfin, Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de répondre aux questions suivantes : pourquoi le décret d’application du tarif social du gaz n'est-il toujours pas paru ? Quelles seront les conséquences de l'avis du Conseil d'Etat rendu hier, qui condamne la période de gel des tarifs ? Cela promet-il une belle augmentation, qui aura l’avantage de faciliter la parité du cours de GDF avec celui de Suez ? Enfin, comment le Gouvernement respectera-t-il l'obligation légale selon laquelle les objectifs et missions de service public assignés à EDF et à GDF doivent faire l'objet de contrats conclus entre l'Etat et chacune de ces entreprises, alors que le contrat entre l’État et GDF vient à échéance le 31 décembre 2007 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – En retraçant les étapes de l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence, M. Brottes a montré un talent certain pour réécrire l’Histoire, (Protestations sur les bancs du groupe SRC) omettant tout bonnement de signaler que cette ouverture a été engagée sous le Gouvernement Jospin…

M. François Brottes – Elle était encadrée, et ne concernait pas les ménages ! 

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je me rappelle aussi que le ministre de l’industrie de l’époque aurait souhaité que l’ouverture fût plus marquée…

Je ne peux laisser dire que le Gouvernement tirerait les prix du marché vers le bas et favoriserait l’augmentation des tarifs réglementés alors que, cet été encore, nous avons décidé que l’augmentation serait la plus faible possible – et inférieure à celle du prix de marché. Je rappelle qu’en raison des investissements massifs que notre pays a consentis depuis de longues années, le prix réglementé de l’énergie reste parmi les moins élevés d’Europe.

Je tiens aussi à souligner que les victimes de la saisine du Conseil constitutionnel…

M. François Brottes – C’est que vous privatisiez !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …par le groupe socialiste ont été les consommateurs (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et que, si nous sommes contraints de revenir sur ces dispositions, c’est pour améliorer un texte auquel personne ne comprend plus rien depuis que, par votre intervention, il a été rendu bancal.

Enfin, rigoureusement rien ne peut laisser penser que les tarifs réglementés disparaîtront en 2010 – mais c’est là votre phantasme récurrent, je ne l’ignore pas.

S’agissant du tarif social, j’observe que la gauche a mis plusieurs années à ne pas voter de texte sur ce point. Nous l’avons fait en 2003, mais il s’agit de dispositions complexes ; elles seront bientôt soumises à concertation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Je me propose de répondre à vos autres questions à la reprise de nos travaux, ce soir, mais je me devais de corriger immédiatement les inexactitudes dues à une mémoire par trop sélective.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – M. Brottes fait habituellement montre d’un grand talent, tant sur la forme que sur le fond, et use d’arguments qui, s’ils ne me convainquent pas toujours, sont solidement étayés. Pourquoi alors ai-je, aujourd’hui, trouvé son propos décevant ? C’est que, arroseur arrosé, son embarras était grand au moment de devoir justifier la politique du groupe socialiste… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) C’est sans doute ce qui l’a conduit à oublier de préciser que, si son groupe n’avait pas saisi le Conseil constitutionnel, nous ne serions pas contraints de colmater les brèches que vous avez provoquées dans la protection du consommateur, à laquelle nous sommes toujours très sensibles…(Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. François Brottes – N’en faites pas trop !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Vous avez évoqué le tarif social du gaz. Puis-je, à mon tour, faire un bref historique ? En 2000, vous ouvrez le marché de l’énergie…

M. François Brottes – Pas pour les particuliers !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – …par un texte dans lequel figurent des dispositions relatives au « tarif social » de l’électricité. La loi, qui avait été votée en 1999, est promulguée en février 2000. Passe 2000, passe 2001… aucun décret d’application n’est publié. Arrivent les élections de 2002 : entre les deux tours, ses valises étant presque faites, le Gouvernement d’alors envoya tout de même un avant-projet de tarification sociale de l’électricité, sachant bien qu’il ne verrait jamais le jour : minable !

M. François Brottes – Est-ce dans Gala que vous l’avez lu ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – C’est finalement le gouvernement de M. Raffarin qui a instauré cette tarification sociale. Quant au tarif social du gaz, il est dans la loi. Le projet de décret d’application sera soumis au Conseil supérieur de l’énergie – que je préside – dès mardi prochain, avant d’être transmis au Conseil d’État. Convenez que c’est un délai relativement bref. Nous, au moins, faisons ce que nous disons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en arrivons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

M. Christian Eckert – On aura beau étouffer nos arguments sous une réécriture de l’histoire, il n’en reste pas moins que c’est la privatisation de GDF qui a suscité la saisine du Conseil constitutionnel, et non la tarification ou la réversibilité. Par ailleurs, la dérégulation a partout provoqué une flambée des prix. Si la privatisation de l’eau fut le scandale du XXe siècle, celle de l’énergie sera celui du XXIe : ni l’une ni l’autre ne sont en effet des biens comme les autres ! Et c’est dans ce contexte de flambée des prix que vous faites tout pour provoquer une augmentation des tarifs régulés. Chacun sait désormais que les investissements ont été financés par les impôts et les usagers. Et vous vous apprêtez à en confier l’exploitation à des sociétés privées qui y voient une poule aux œufs d’or. Mascarade inacceptable ! Sous prétexte de corriger ce que vous avez mal fait, vous allez provoquer une augmentation des tarifs et permettre à différents profiteurs de pomper l’argent d’un bien public. Nous saisirons tous les moyens pour obtenir les garanties que vous annoncez vaguement. Le groupe SRC votera naturellement l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Daniel Paul – Décidément, le marché a bien du mal à se frayer un chemin dans le secteur de l’énergie. En plusieurs mois d’ouverture de l’électricité à la concurrence, seuls 6 100 consommateurs sur 24 millions ont osé franchir le pas : cacahuètes ! Vous croyant sur parole, certaines entreprises se sont lancées, pensant faire des affaires – qu’elles firent d’ailleurs dans un premier temps, à l’image du port autonome du Havre. Hélas, il fallut vite déchanter : les tarifs, devenus prix, avaient augmenté de plus de 50 % en moins d’un an ! L’échec s’est su : M. Méhaignerie lui-même nous faisait part des difficultés auxquelles étaient confrontées les entreprises de sa circonscription.

Nos concitoyens sentent bien qu’EDF et GDF ne sont pas de banales entreprises, et se souviennent qu’elles ont été fondées à la Libération pour incarner un choix social. Comment ne trouveraient-ils pas suspect ce soudain changement de politique ?

L’électricité est, comme l’eau, un bien que l’on utilise de la naissance à la mort. Dans ce domaine comme dans d’autres, la construction européenne – pourtant sanctionnée par référendum – vise à mettre les entreprises en concurrence, tant elle redoute les tarifs régulés, comme le révélait cette lettre de grief que nous rendîmes publique lors de notre débat initial. Dès lors, les consommateurs ont raison de se méfier ! Que faire, dirait un illustre révolutionnaire ? Vous avez bien autorisé les entreprises à obtenir une réduction de 25 à 35 % des tarifs, mais cela n’a manifestement pas suffi à convaincre plus de quelques milliers de consommateurs. Les associations, les producteurs même s’en sont mêlés, au point que Poweo s’est même retrouvé à la tête du mouvement pour la réversibilité !

M. François Brottes – Il y avait anguille sous roche !

M. Daniel Paul – En effet. Naturellement, il fallait lâcher du lest pour permettre aux consommateurs de mordre à l’hameçon ! Souvenez-vous de la commission Roulet, où l’on nous expliquait que le marché européen de l’électricité ne fonctionnerait que si les tarifs augmentaient. L’heure est à la rentabilité, et les prix doivent grimper ! Le texte que vous nous proposez permet donc la réversibilité sous conditions et avant le 1er juillet 2010. Certes, vous refusez de mettre un terme aux services régulés, comme le demandent les nouveaux entrants. Nos vieux réflexes ont la vie dure, néanmoins, et nous ne pouvons que douter : 2010 sonnera sans doute le glas des tarifs régulés. Pour toutes ces raisons, le groupe GDR soutiendra l’exception d’irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Pierre Nicolas – Oublis et contrevérités ont parsemé le propos de M. Brottes, qui tentait de refaire le débat. Je rappelle que la directive européenne ne prévoit pas expressément la suppression des tarifs régulés. Quant à la modification du capital d’EDF ou de GDF, elle n’est pas au sommaire de ce texte. Conformément aux préconisations de la Commission européenne, il ne s’agit que de protéger le consommateur qui doit pouvoir librement choisir dans un secteur concurrentiel. Comment expliquerez-vous aux ménages en difficulté qui déménagent qu’ils ne peuvent pas bénéficier d’un tarif plus avantageux ? Dès lors, nous voterons contre l’exception d’irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Olivier Jardé – Le groupe du Nouveau Centre se félicite de cette proposition de loi. M. Dionis a toujours plaidé en faveur de la réversibilité totale, en sous-amendant notamment l’amendement de M. Lefebvre. C’est donc logiquement que nous voterons contre cette motion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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