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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 11 décembre 2007

3ème séance
Séance de 21 heures 30
81ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

TARIFS RÉGLEMENTÉS D’ÉLECTRICITÉ ET DE GAZ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat relative aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme – Je m’étais engagé à répondre aux questions de M. Brottes. D’abord, et ainsi que l’a excellemment exposé le rapporteur, la consultation sur le tarif social sera engagée dans les tous prochains jours. Ensuite, la décision du Conseil d’État selon laquelle les tarifs de gaz doivent couvrir les coûts d’approvisionnement n’a été rendue qu’hier. Le Gouvernement travaille à définir son application dans l’avenir. Le Premier ministre vient de rappeler que les tarifs du gaz n’avaient pas augmenté depuis 2006 et que, si le statu quo n’était pas envisageable, le Gouvernement ferait en sorte que l’augmentation soit la plus limitée possible. Enfin, le Gouvernement travaille à la mise en œuvre, dès 2008, du contrat de service public, qui s’appliquera bien entendu à Gaz de France-Suez. Il n’y a aucune inquiétude à avoir à ce sujet.

M. Brottes pourra prendre connaissance de ces réponses dans le compte-rendu officiel des débats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président – J’ai reçu de M. Sandrier et des membres du groupe GDR une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Daniel Paul – Lors des débats de septembre 2006, nous avions dénoncé la fuite en avant de la majorité qui ouvrait le marché énergétique à la concurrence pour les usagers domestiques sans dresser le moindre bilan de l’ouverture précédente pour les plus gros clients. On assiste aujourd’hui à une sorte de repli par rapport à la position très libérale de l’époque, qui piégeait les consommateurs en leur interdisant le retour aux tarifs régulés, discréditant par là même le fonctionnement du marché.

La présente proposition de loi semble donc plus favorable aux consommateurs. En l’état actuel du texte, les consommateurs qui auront opté pour la sortie des tarifs régulés n’imposeront pas leur choix aux occupants suivants et ceux qui le voudront, après avoir vu leur facture s’envoler, auront l’occasion de revenir aux tarifs réglementés – mais s’ils déménagent. Ce n’est après tout que bon sens, dans un secteur que l’on prétend être régulé par les choix des consommateurs – M. Poniatowski le reconnaissait lui-même dans l’exposé des motifs de sa première proposition de loi. N’est-il pas d’ailleurs paradoxal que le Conseil constitutionnel ait interdit le retour à l’opérateur historique, après déménagement, au nom d’un droit communautaire pourtant on ne peut plus favorable à la concurrence ? Pour favoriser la dérégulation, les défenseurs du libéralisme savent se montrer bien dirigistes…

En contournant la décision du Conseil, nos collègues UMP du Sénat ont dit vouloir faire primer une forme de liberté des consommateurs sur ce qu’impose le marché. Mais ils n’envisagent cette protection contre les prix instables, les contrats opaques et les arnaques publicitaires que pour deux ans et demi ! Peut-être ce texte n’est-il donc pas aussi protecteur qu’on le présente. D’abord en effet, il paraît difficile de faire abstraction de ce que ses auteurs sont des parlementaires fermement acquis au principe de la dérégulation du secteur – ceux qui avaient rejeté en 2006, nos amendements de protection des consommateurs, concernant la réversibilité pour les clients industriels ou l’application des tarifs régulés aux nouveaux sites de consommation par exemple. Pourquoi les partisans du présent texte « protecteur » n‘avaient-ils pas fait preuve du même souci en septembre 2006 ? Je serais curieux d’entendre les explications du rapporteur et du ministre. Il y a déjà là une raison de voir dans ce texte autre chose qu’une stricte volonté de défendre l’intérêt de consommateurs.

Les exposés des motifs des propositions de loi originales confirment cette impression. Ainsi Xavier Pintat explique-t-il que l'impossibilité de quitter le marché tue – ou tout du moins affecte sérieusement – le marché. C’est donc le marché, plus que les consommateurs, qu'il semble falloir sauver ! Le message a d'ailleurs été entendu, puisque les entreprises privées de distribution d'énergie ont soutenu unanimement l'initiative parlementaire – à moins qu’elles ne l’aient inspirée ?

L’objectif est donc de sauver le marché. Il est vrai qu'il ne se porte pas très bien. Après plusieurs mois, le bilan est loin d'être enthousiasmant pour les partisans du marché libre de l'énergie : sur 26 millions d'usagers, 6 100 seulement ont opté pour les prix dérégulés ! On n’est vraiment pas loin du fiasco… Il est vrai que les errements de l'ouverture à la concurrence pour les clients industriels ont eu de quoi inquiéter les usagers domestiques. Ceux qui avaient quitté le tarif réglementé ont, certes, bénéficié dans un premier temps de prix inférieurs, mais cette période dorée n'a guère duré et les hausses ont pu devenir vertigineuses – jusqu'à 80 % ! NUS Consulting a confirmé que les prix de gros de l'électricité avaient augmenté de 48 % entre avril 2005 et avril 2006 et que l'écart entre les prix du marché et les tarifs réglementés par l'État atteignait 66 % au moment de la discussion de la loi de 2006. Certaines de ces entreprises, étranglées et dans l'impossibilité de revenir en arrière, ont vu leur activité mise en péril. Il vous fallait réagir. Pour repêcher les cobayes de la dérégulation, et peut-être aussi quelques bulletins de vote, vous avez instauré un tarif transitoire d’ajustement du marché, le fameux TARTAM. Restaurer un peu de confiance dans le marché permettait d’éviter un échec trop éclatant, et une critique trop forte.

Dans le même esprit, vous proposez aujourd’hui un dispositif de régulation du marché domestique, en sentant bien qu’il est nécessaire de faire un signe envers les consommateurs et leurs associations.

Mais la sécurisation proposée est très relative. D’abord les entreprises qui s’installent sur un nouveau site restent enfermées dans le choix de l’occupant précédent. Par ailleurs, nous n’avons aucune garantie sur l’évolution des tarifs régulés. La décision du Conseil d’État est édifiante à cet égard. Cette proposition prétend mieux protéger les consommateurs, mais pour deux ans et demi seulement, jusqu’au 1er juillet 2010. Selon le rapporteur du Sénat, il ne faut pas y voir l’annonce de la fin du tarif régulé en 2010, mais un signe pour ne pas braquer la Commission européenne. Il est vrai qu’elle est particulièrement susceptible sur cette question. Pour elle, les tarifs régulés sont un obstacle à l’arrivée de nouveaux entrants. Elle souhaite donc leur disparition. Dans divers documents, elle révèle sa position ultra-libérale. Ainsi, dans sa lettre de mise en demeure adressée à la France pour transposition incorrecte des directives, la Commission qualifiait le mode de fixation étatique des prix de « rigidité, dénué de transparence dans son mode d'attribution ». Comment croire qu'elle sera en faveur du maintien des tarifs régulés au 1er juillet 2010 ? En réalité, si cette date calme la Commission, c’est qu’elle est une preuve de votre bonne volonté à son égard. Trompez-vous les consommateurs en leur laissant croire qu'ils seront toujours protégés par les tarifs régulés après 2010, ou jouez-vous double jeu avec la Commission ? Cette date butoir n’est pas très convaincante. C’est pourquoi l’opposition au Sénat vous a demandé quelles seront les règles en vigueur, après le 1er juillet 2010. Quels droits seront garantis aux consommateurs usagers ?

Les distributeurs énergétiques ont d'ailleurs bien compris qu'après 2010, la donne allait changer. Ainsi Direct énergie, « fournisseur indépendant », promet à ses clients de « conserver un prix compétitif inférieur au tarif réglementé en vigueur au minimum jusqu'au... 1er juillet 2010 » ! Troublante coïncidence… Les vautours tournent déjà dans le ciel.

Devant les sénateurs, Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la période retenue permettra au marché de « mûrir et aux consommateurs de progressivement mieux connaître les offres des autres fournisseurs ». Mais vous n’avez pas caché que les règles d'éligibilité, telles qu'elles ont été voulues par le Conseil constitutionnel à la fin de 2006, s'appliqueront tout simplement après le 1er juillet 2010. C’est avouer publiquement que ce texte avalise le retour à un dispositif pernicieux et injuste dans deux ans et demi ! Comment dès lors l'argument de protection des consommateurs tient-il encore ?

Finalement, ce texte se contente bien d'un « minimum » de sécurité, pour reprendre votre terme au Sénat, et après 2010, de plus de sécurité du tout. Qu’est-il d’autre qu'un artificiel et hypocrite compromis entre les usagers domestiques, soucieux de ne pas tomber dans la piège des prix dits libres, et la Commission, pressée de mettre à mal les tarifs régulés ?

Vous prétendez protéger les consommateurs et leur pouvoir d'achat, sans vous attaquer au problème de fond du coût de l'énergie. L'exemple des États-Unis montre pourtant que le cœur du problème n'est pas dans l'irréversibilité, mais bien dans le principe même de la mise en concurrence et de la privatisation de la distribution de l'énergie et du secteur en général. Or beaucoup d'États américains font marche arrière. La Virginie a même abrogé sa loi sur la libéralisation. Le coût de l'électricité dans les États qui ont adopté la libéralisation a augmenté plus rapidement que dans ceux qui ont conservé les tarifs régulés.

Peut-être la concurrence est-elle intéressante dans certains secteurs, avec des gains de productivité, des efforts de logistique, etc. Mais l'énergie n'est pas un secteur comme les autres. D'abord c'est un produit de première nécessité pour des millions de familles, indispensable au fonctionnement de milliers d'entreprises. En outre, elle constitue un bien non stockable, dont la production, le transport et la distribution nécessitent de très importants investissements. Dès lors, l'arrivée d'une kyrielle de distributeurs faisant jouer la concurrence pour faire baisser les prix est illusoire. Car la baisse des prix ne peut se faire qu'au détriment des investissements, menaçant la sécurité des installations, sans parler des économies faites sur le dos des salariés. Dans un domaine où les investissements sont aussi coûteux, seules de grandes entreprises ont des chances de survivre. Ce qui se trame, c'est le remplacement d'un monopole public régulé par la puissance publique par un monopole privé et une captation des bénéfices au profit d'intérêts privés. Mais on se garde bien de le dire.

Vous vous contentez finalement de prévoir un aménagement à l'ouverture du marché énergétique, en prenant bien soin de ne pas aborder les vrais problèmes liés à la dérégulation. La vraie question en matière énergétique, c'est celle de la compatibilité entre une activité utilisée pour alimenter le portefeuille des actionnaires et une activité de service public, indispensable au bien commun.

Le service public, c'est l'accès pour tous au gaz et à l'électricité, des prix modérés, ainsi qu'une péréquation tarifaire. La privatisation du secteur, c'est la satisfaction d'intérêts financiers privés sur le dos d'une activité d'utilité publique. Ce sont deux logiques fondamentalement différentes. C'est donc l'ouverture à la concurrence du secteur et toute la privatisation du secteur qu'il faut revoir ! Les quelques aménagements proposés, y compris votre amendement élargissant le principe de réversibilité, ne résoudront pas les problèmes énormes que pose la privatisation des activités énergétiques !

Les logiques actuellement à l'œuvre chez GDF, alors que cette entreprise est toujours propriété de l'État, sont révélatrices. De la fin juin 2005 à fin juin 2006, le résultat d'exploitation du Groupe a augmenté de 34 %, soit de 650 millions, et le résultat d'exploitation pour l'activité en France de 35 %, soit 450 millions. Le résultat net du Groupe progresse de plus de 40 % passant de 1,2 milliard à fin juin 2005 à 1,7 milliard à fin juin 2006. Le bénéfice net progresse de 56 %.

Pour l’essentiel,la progression du résultat de l'activité France de GDF S.A. est dû à la marge gaz, c’est-à-dire la différence entre le prix de vente et le prix d'achat du gaz. Cette marge progresse de 13 % sur le premier semestre, après une hausse de 6 % en 2005. La raison en est que les tarifs du gaz ont augmenté de près de 26 % en un an. On est loin des affirmations du président de GDF indiquant que l'entreprise vendait à pertes, loin de ses promesses de fournir le gaz le moins cher possible. L'objectif de la direction de Gaz de France est d'augmenter la rentabilité financière pour les actionnaires, qui avaient demandé, dès l'annonce de la privatisation de GDF, un triplement des dividendes !

Selon la même logique, une nouvelle hausse des tarifs est demandée par GDF « pour compenser l'alourdissement de ses coûts d'approvisionnement ». Dommage que certains journalistes confondent communication d'entreprise et information du public, et ne se soient pas plongés plus en détail dans le dossier des prix du gaz. L'opinion serait plus au courant du scandale financier dont elle est victime. Certains élus du conseil d'administration ont d'ailleurs protesté publiquement contre cette ponction supplémentaire, rappelant que les dividendes sont en hausse permanente, et que l'approvisionnement du gaz se fait par les contrats de long terme, qui permettent de lisser les prix.

Faut-il voir dans la décision du Conseil d'État un encouragement donné à l'État pour accepter cette augmentation? Je le pense. Vous vous apprêtez à voter le principe de réversibilité totale, et c’est un verrou de moins contre le rapprochement des tarifs et des prix de marché.

Rappelez-vous aussi que l'ancien ministre de l'énergie Thierry Breton avait signé, au mois de juin 2005, un décret pour une augmentation du prix du gaz de 15,4 % en trois fois. Curieusement, ce décret avait été publié au moment même où Gaz de France devait être mis en Bourse et annonçait dans son document de base, remis à l'AMF, le doublement des dividendes aux actionnaires avant 2007. De tels rendements financiers sont-ils acceptables, dans le secteur énergétique ? La priorité n'est-elle pas à l'investissement industriel, au développement des infrastructures et des interconnexions gazières ? Seront-ils réalisés à la hauteur nécessaire, face à des actionnaires aussi exigeants ?

Quoi qu’il en soit, ce sont les usagers qui font les frais de la déréglementation du secteur, eux à qui l’on fait croire qu’ils paient la hausse des prix des matières premières alors qu’il s’agit aussi et surtout de celle des dividendes des actionnaires ! Ces derniers, dit-on, seraient nécessaires à l’investissement ; pourtant, EDF n’a pas eu besoin d’eux pour construire un parc nucléaire unique, maintenir des prix bas et des bénéfices suffisant à couvrir ses coûts de production – approvisionnement, production, transport, rémunération des salariés – tout en pratiquant des tarifs régulés, modérés et contrôlés par l’État.

Dans le domaine électrique, le conseil de la concurrence a contraint l’opérateur historique à réduire de 29 %, sous prétexte de « stimuler la concurrence », des prix de gros que ses rivaux lui reprochaient de calquer sur les prix du marché alors que son parc de production, en grande partie amorti, lui aurait permis de leur proposer des tarifs plus avantageux. Ainsi le prix du mégawattheure acquitté par les opérateurs de distribution privés sera-t-il inférieur de près d’un tiers à celui qui avait cours il y a deux ans !

Or, s’ils diminueront probablement un peu leurs propres prix afin de gagner des parts de marché, ce sera sans doute pour mieux les augmenter ensuite, espérant ainsi accroître leurs marges bénéficiaires une fois les clients conquis. N'oublions pas que le principe d'irréversibilité est toujours en vigueur ! Mais ces marges ne profiteront pas à l’investissement industriel, rendu pourtant nécessaire, même si le parc de production existant d'EDF est bien partiellement amorti, par l’augmentation des besoins en électricité domestique et industrielle, le déclin de certaines centrales, les coûteux besoins de maintenance des centrales nucléaires et hydrauliques, mais aussi par la nécessité de sécuriser les installations et d’assurer le transport de l’électricité. La baisse des prix de vente aux distributeurs privés contraindra au contraire l'entreprise à renoncer aux investissements qu’elle ne pourra financer que par l’emprunt, voire à répercuter l'amortissement de ses taux d'intérêt dans le prix de vente aux particuliers, ce qui pénaliserait les consommateurs.

Je le répète : si vous nous prouvez que la concurrence est bonne pour les prix, pour la sécurité d'approvisionnement, la sûreté des installations, l'environnement, l'aménagement du territoire et les conditions de travail des salariés, nous n’aurons aucune raison de nous y opposer. Mais c’est en vain que nous demandons lors de chaque débat énergétique, notamment par voie d'amendement, que le Parlement dresse le bilan des conséquences de la libéralisation du secteur. Pourquoi vous refuser obstinément, vous qui invoquez la transparence, à juger avec le recul nécessaire des décisions prises par les institutions communautaires et les États membres au début des années 1990, malgré les pannes d'approvisionnement dont souffrent les pays précurseurs de la libéralisation, la flambée des prix du marché dans le secteur industriel ou le sous-investissement qui menace le secteur électrique ? Pourquoi ne pas quantifier les futures marges des entreprises privées ?

C’est à se demander qui sont les idéologues et qui les pragmatiques… Les représentants du peuple ne pourraient-ils explorer les raisons des nombreux dysfonctionnements contemporains, sinon dépendants, de la dérégulation du secteur avant d’abandonner celui-ci à la vague libérale ? Parce qu’il n'est jamais trop tard pour saisir sa chance, je défendrai un nouvel amendement en ce sens.

En somme, ce texte propose d’améliorer la situation des consommateurs, mais pour deux ans et demi seulement, alors même que perdureront les risques inhérents à la mise en concurrence du secteur de la distribution, tenté de recourir à des propositions alléchantes pour « accrocher » le client, notamment celui qui peine à payer ses factures et verra à terme ses difficultés s’aggraver. Cela suffit à montrer qu’il n’y a pas lieu de délibérer.

En tentant de sauver la dérégulation en en corrigeant l'un des excès, le texte passe à côté de l'enjeu fondamental : à quoi doivent servir les bénéfices d'une activité essentielle au bien commun de la société dans son ensemble ? Il n'apporte aucune garantie réelle sur le maintien de la maîtrise par la puissance publique des prix de l'énergie, condition de la modération tarifaire et de l’égalité entre les usagers. Sont également négligées l'épineuse question de la péréquation permettant d’assurer un tarif unique sur l'ensemble du territoire en en limitant le coût ou celle du contrôle des prix des biens publics que constituent le gaz et l'électricité. Nous proposons pour notre part de créer une commission pluraliste de contrôle des prix, constituée de dirigeants des opérateurs historiques, de syndicats représentant le personnel, d'associations de consommateurs et d'élus nationaux et locaux, qui aurait pour mission de vérifier l'application de la formule tarifaire permettant de fixer les prix du tarif régulé. Ces négligences révèlent votre entêtement à libéraliser et à privatiser coûte que coûte ; le groupe GDR ne peut donc que s’opposer à votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – Il est quelque peu contradictoire de s’opposer à l’ouverture du marché – ce qui témoigne certes de votre fidélité à vos convictions –…

M. Daniel Paul – Merci de le reconnaître !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État …tout en critiquant un texte qui permettrait au consommateur de revenir au marché régulé s’il le juge plus avantageux. Il ne s’agit pas de sauver le marché, mais bien de le mettre au service des consommateurs en leur donnant accès à de nouvelles offres, adaptées à leurs besoins…

M. Daniel Paul – …et plus chères !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Non, moins chères ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC).

M. Daniel Paul – Ce n’est le cas dans aucun pays !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Sur le marché libre, certains prix sont de 5 à 10 % moins élevés que ceux du marché régulé ! (Même mouvement)

M. Daniel Paul – Ce n’est pas vrai !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Par rapport à la facture énergétique moyenne, qui s’élève à un millier d’euros par an, cela représente 50 à 100 euros ! Vous qui vous dites prêts à accepter la concurrence si elle s’avère favorable au consommateur, comment pouvez-vous nier que la fluidification que propose le texte améliorera son pouvoir d’achat ? (Même mouvement)

M. Christian Bataille – Ce n’est pas vrai et vous le savez !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État En outre, le consommateur aura accès aux services nouveaux que lui proposent plusieurs opérateurs – EDF compris ! Enfin, la concurrence doit permettre d’améliorer la qualité des services dont bénéficie le consommateur : c’est l’objet des contrats de service public que nous avons évoqués tout à l’heure et que le Gouvernement souhaite proroger pour GDF – même allié à Suez – comme pour EDF, auquel ils s’appliquent jusqu’en 2010.

M. Christian Bataille – Deux ans et demi !

M. Daniel Paul – Et après 2010 ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Ces garanties devraient vous inciter à voter le texte.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques – J’aimerais ajouter quelques compléments à l’excellente réponse du ministre. Monsieur Paul, je comprends l’embarras dans lequel vous plonge ce geste fort du Gouvernement et de la majorité en faveur du consommateur, dont témoigne la présence du ministre chargé de la consommation – et non de ses homologues responsables de l’énergie ou des entreprises.

M. Christian Bataille – Cela ne change rien !

M. Daniel Paul – Il restera le ministre de la hausse des prix !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Vos propos, qui rappellent vos longues interventions début 2006, ne sont donc pas pour m’étonner. Je m’étonne en revanche de l’approbation unanime que leur ont réservée vos collègues socialistes, eux qui ont pourtant soutenu la loi du 10 février 2000, dont M. Bataille était rapporteur…

M. Christian Bataille – Vous êtes le seul membre de la majorité à l’avoir votée !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Et vous vous en plaignez ? Voilà qui est extraordinaire !

Par cette loi, vous avez ouvert le marché aux entreprises sans leur assurer la protection que nous leur accordons ; et vous vous êtes félicités de voir baisser d’environ 20 % des prix de l’énergie qui n’ont pas tardé à augmenter de nouveau au-delà des tarifs, sans corrélation durable avec l’ouverture progressive des marchés.

M. Christian Bataille – C’est faux ! C’est une caricature !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Vous êtes vraiment mal placés pour donner des leçons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Président Nous en arrivons aux explications de vote sur la question préalable.

M. Jean Dionis du Séjour – M. Paul a eu raison de s’interroger sur l’avenir des tarifs réglementés, question fondamentale. Mais le délai qui nous sépare de l’échéance de 2010 n’est pas négligeable : il y va de la vie quotidienne des Français pendant deux ans et demi. Il s’agit donc d’un débat concret, particulièrement intéressant. Il ne faut pas « zapper », comme vous l’avez fait, le débat sur les deux années et demi à venir. Le fait d’instaurer un débat sur la réversibilité totale pendant cette période n’est pas en soi négligeable.

En revanche, le débat sur l’évolution des tarifs à long terme mérite un éclairage politique plus accentué. Il faudra, tout d’abord, le porter au niveau européen, pour savoir si les tarifs réglementés sont eurocompatibles ou pas. Je pense que rien n’est joué, et que nous pouvons l’emporter sur la légitimité de tarifs réglementés. Dans le traité simplifié, ce n’est pas la Commission qui décide de cela, mais le Conseil des ministres de l’énergie.

M. Daniel Paul – Ils sont majoritairement libéraux !

M. Jean Dionis du Séjour – Enfin, il faudra arbitrer entre trois points de vue, tous légitimes. Il y a tout d’abord le point de vue des consommateurs, qui réclameront la redistribution de la rente du nucléaire, sous forme de tarifs réglementés et modestes. Il y a ensuite le point de vue d’EDF et de l’État actionnaire, qui voudront la suppression des tarifs pour…

M. Daniel Paul – Pour améliorer leur ordinaire !

M. Jean Dionis du Séjour – …investir, comme cela n’a pas été fait pendant la dernière décennie, et aussi pour améliorer l’état des finances publiques. Enfin, il faudra prendre en considération l’intérêt écologique général, et nous demander s’il faut bloquer les tarifs de l’énergie à un niveau que seul le nucléaire rend possible, alors que les marchés énergétiques sont haussiers et que les prix seront un élément de la régulation de la consommation. Mais le débat porte, ce soir, sur le court et le moyen termes, et cela n’est pas sans intérêt pour des millions de nos compatriotes.

M. Christian Bataille – Vous venez de démontrer qu’on peut faire pire que l’UMP !

M. Christian Eckert – Les explications de M. Daniel Paul nous confirment, s’il en était besoin, que cette proposition de loi doit être combattue et que l’exception d’irrecevabilité doit être votée. Aucune garantie n’est apportée pour l’après 1er juillet 2010 : les tarifs réglementés, avez-vous laissé entendre, pourraient augmenter, pour des raisons écologiques ou d’équilibre entre différentes sources d’énergie, que sais-je ?

Le débat porte également sur la part du privé et du public. Vous avez privatisé les autoroutes, l’électricité et le gaz, l’eau, le téléphone ; demain, vous privatiserez les Livrets A et les lignes à grande vitesse. Nous ne perdons ainsi rien de moins que notre pouvoir de décision en matière d’aménagement du territoire et d’égalité d’accès aux services. On a évoqué les ventes à perte de GDF : j’aimerais bien que tous ceux qui vendent à perte fassent autant de profits que cette société ! Il faudra nous expliquer ce miracle.

Que cache votre conversion, ce retour en arrière ? Y a-t-il eu un « deal » avec ceux qui se bousculent au portillon pour récolter les fruits du travail des opérateurs historiques, ou bien avec Bruxelles, qui accepterait ces entorses à son libéralisme, mais jusqu’en 2010 seulement ? Faute de réponses, nous voterons cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François de Rugy – Le groupe GDR votera cette question préalable, car la présente proposition de loi est très loin de répondre aux enjeux énergétiques d’aujourd’hui. Elle a été faite uniquement pour réparer une bourde législative, que les consommateurs ont déjà sanctionnée : les électeurs ont voté avec leurs pieds !

Il faudra bien, à un moment, s’interroger sur le dogme européen de la dérégulation. Je ne suis pas contre la concurrence…

M. Jean Dionis du Séjour – Ah ! C’est la nouvelle génération.

M. François de Rugy – …et je considère que les monopoles ont des effets pervers, mais cette fuite en avant est-elle bien dans l’intérêt du consommateur à long terme ? C’est la question du long terme qu’il faut se poser, Monsieur Dionis du Séjour, car sinon ce n’est pas la peine de faire un Grenelle de l’environnement. De même, je suis un fervent défenseur de l’Europe, mais je crois qu’avec cet entêtement dogmatique, on est en train de faire mourir à petit feu le projet européen. N’avez-vous pas entendu les Français en 2005 ? Le dogmatisme économique n’est pas pour rien dans le choix qu’ils ont fait.

Enfin, il existe aujourd’hui une vraie inquiétude quant à l’évolution des prix de l’énergie, et ce ne sont pas des « mesurettes » qui résoudront le problème. Le rapporteur s’est réjoui que le ministre de l’énergie ne soit pas là ; c’est un comble !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Je n’ai pas dit cela !

M. François Brottes – Qui est le ministre de l’énergie, d’ailleurs ?

M. François de Rugy – Car j’aurais aimé qu’on ait un débat sur les perspectives énergétiques de notre pays, pour que nous puissions dire aux Français quels moyens seront mis en œuvre pour réduire leur facture énergétique. Au fil des séances de questions d’actualité, nous ne cessons de vous interpeller et de faire des propositions sur le pouvoir d’achat énergétique, mais nous ne recevons aucune réponse ; votre seule proposition, c’est le chèque fioul qui passe de 75 à 150 euros, ce qui n’effacera même pas la hausse du prix du fioul pour les ménages les plus modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Jean-Pierre Nicolas – M. Daniel Paul est passé, dans ses explications, à côté de l’objet de ce texte, puisque le maintien des tarifs réglementés est perçu par nos concitoyens comme une protection importante, comme le montre le faible nombre de clients ayant basculé hors tarif. Le pouvoir d’achat étant la première préoccupation des Français, il est indispensable de jouer sur toutes les cordes qui nous permettent d’intervenir sur celui-ci.

M. François Brottes – C’est ce qui s’appelle tirer sur la corde !

M. Jean-Pierre Nicolas – Il ne faut pas perdre de temps, au risque de pénaliser les consommateurs. C’est pourquoi les députés auteurs de cette proposition de loi ont pris la relève des sénateurs pour rendre de la lisibilité à la législation, après la décision du Conseil constitutionnel. Il est d’autant plus urgent de voter ce texte que l’évolution des coûts énergétiques est inéluctable. Elle peut, en France, être quelque peu freinée, grâce au parc nucléaire, dont les coûts sont intégrés dans les tarifs réglementés. C’est une composante importante du marché, dont nous ne pouvons priver nos compatriotes, qui doivent pouvoir choisir, selon leurs profils de consommation et la qualité de service qu’ils souhaitent, le tarif qui leur convient le mieux. C’est pourquoi nous ne voterons pas cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Daniel Paul – C’est dommage !

La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. le Président – Nous abordons la discussion générale.

M. Jean-Pierre Nicolas – L'énergie, notamment l'électricité, doit être considérée comme un produit à part ; ne serait-ce que parce qu'elle fait partie des besoins essentiels de chaque ménage. C’est pourquoi, dans chaque débat sur ce sujet, à défaut de haute tension, il y a toujours pas mal d’intensité !

Depuis le 1er juillet 2007, les 26 millions de consommateurs particuliers d'électricité et les 11 millions de consommateurs de gaz ont la possibilité de faire le choix de la concurrence, indépendamment des opérateurs historiques EDF et GDF. Cette échéance constitue la dernière étape d'un processus d'ouverture à la concurrence, initié à la fin des années 1990, concernant essentiellement les gros consommateurs, lesquels réclamaient une concurrence d'approvisionnement qu'ils pensaient bénéfique pour leur activité. Dans ce cadre, j'ai assisté à plusieurs échanges, notamment avec les « aluminiers » ; j’ai pu constater leur versatilité sur le principe, alors que les producteurs ont besoin d’une visibilité au moins à moyen terme pour leurs investissements.

L’expérience montre que la plupart des entreprises ayant exercé leur éligibilité portent une appréciation plus que mitigée sur ce choix, puisque leur facture d'électricité a sensiblement augmenté suite à leur renonciation aux tarifs réglementés. Les tarifs dits libérés ont d'abord rattrapé, puis dépassé les tarifs réglementés. Nous avons donc créé, à l’instigation de notre rapporteur Jean-Claude Lenoir, un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché pour les clients professionnels ayant déjà exercé leur éligibilité, qui donne satisfaction.

La présente proposition de loi a pour objectif de protéger les consommateurs domestiques des fluctuations des prix du marché, de remédier à l’inégalité entre les ménages et de soutenir le pouvoir d'achat. Elle s'inscrit dans le cadre des engagements pris par le chef de l'État en faveur du pouvoir d'achat de nos compatriotes.

Ce texte pose plusieurs questions de fond, après la décision du Conseil Constitutionnel et la promulgation de la loi du 7 décembre 2006, qui réserve le bénéfice du tarif réglementé aux seuls consommateurs n’ayant pas changé de fournisseur, à condition que personne ne l'ait fait avant eux sur le site concerné.

Certes, l’amendement du président Ollier et de nos excellents collègues Jérôme Bignon, Jean-Claude Lenoir, François-Michel Gonnot et Serge Poignant, adopté à l’unanimité, a clarifié une incertitude en ouvrant le bénéfice des tarifs réglementés aux nouveaux sites de consommateurs raccordés au réseau de distribution ou de transport avant le 1er janvier 2010. Mais si nous laissons en l’état ce cadre législatif, nous ne répondons pas à la préconisation de la Commission européenne, qui insiste sur la nécessité d'améliorer la protection des droits des consommateurs, que les mécanismes du marché ne suffisent pas à garantir dans le secteur de l'énergie.

Par ailleurs, si le Conseil constitutionnel a jugé que l'un des objectifs de la directive est de faire en sorte que les consommateurs aient vocation à s'alimenter à terme exclusivement sur le marché libre, doit-on considérer définitivement que les tarifs réglementés ne font pas partie des tarifs concurrentiels ?

Sans modification, cette loi créera d’autre part deux marchés de l'immobilier – celui des logements qui peuvent bénéficier des tarifs et celui des logements qui n’y ont plus droit – et donc une inégalité majeure entre les ménages. Ainsi, un ménage entrant dans un logement ayant définitivement perdu le bénéfice du tarif se trouvera de facto engagé par une décision qu'il n'aura pas prise lui-même. Cette situation est contraire à l'esprit des directives européennes, qui ont toujours fait de l'exercice de l'éligibilité une faculté et en aucun cas une obligation.

L'éligibilité sans possibilité de retour au tarif ne serait en outre pas propice aux signes de confiance que nous devons donner aux consommateurs. Comment expliquer à un ménage qui déménage pour réduire son loyer qu’il ne pourra pas bénéficier du meilleur tarif d’électricité possible ?

L'extension du dispositif de retour au tarif réglementé de l'électricité aux petits consommateurs professionnels qui souscrivent une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kWh va aussi dans le bon sens. Nous nous félicitons donc de cette avancée. Cette mesure figurait dans la proposition de loi déposée par Patrick Ollier dont je suis l'un des cosignataires. Les artisans, commerçants et professionnels libéraux se comportent en effet comme des consommateurs domestiques. Ce dispositif s'inscrit par ailleurs dans le prolongement d'une mesure en matière de protection et d'information des consommateurs d'énergie que nous avions fait adopter à l'Assemblée lors de l'examen de la loi de décembre 2006 : l'article correspondant aux informations obligatoires communiquées par le fournisseur au consommateur particulier dans les offres commerciales avait été étendu aux PME et aux petits consommateurs d'énergie.

L'extension de la possibilité de retour au tarif réglementé de gaz pour les consommateurs particuliers et la possibilité de rendre les logements neufs éligibles au tarif de vente de gaz fixé par le Gouvernement satisfait également le groupe UMP.

Nous avons là une proposition de bon sens, qui résulte d'une synthèse de propositions des députés et des sénateurs UMP et reprend certaines propositions du groupe socialiste. Ce texte devrait donc tous nous satisfaire. Le groupe UMP le soutiendra activement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. William Dumas – La loi relative au secteur de l'énergie adoptée en novembre 2006 privatise GDF et transpose les directives de 2003 prévoyant l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz au 1er juillet 2007. Depuis cette date, les ménages peuvent donc choisir librement leur fournisseur d'électricité ou de gaz. Mais s'ils changent de fournisseur, ils perdent définitivement le bénéfice des tarifs réglementés.

C’est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a décidé de libéraliser en totalité le marché de l'électricité et du gaz, alors que le précédent gouvernement s'y était opposé (M. le rapporteur s’exclame). Lors du Conseil européen de Barcelone, en 2002, Lionel Jospin avait en effet refusé l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz aux ménages. Il s’était opposé aux propositions de la Commission visant à accélérer le calendrier de la libéralisation et avait obtenu que l'ouverture du marché soit limitée uniquement aux professionnels et aux entreprises. Exclus du processus de libéralisation, les ménages pouvaient continuer à bénéficier des tarifs réglementés, bien inférieurs aux prix de marché.

Quelques mois plus tard, le gouvernement Raffarin a balayé d'un revers de main ce qui venait d'être obtenu : le 25 novembre 2002, Mme Fontaine, ministre chargée de l'industrie, a accepté qu'une date finale soit fixée pour l'achèvement du marché intérieur de l'électricité et du gaz. Les nouvelles directives de juin 2003 prévoiront ainsi l'éligibilité pour l'ensemble des consommateurs domestiques à partir du 1er juillet 2007. À trois reprises, les députés socialistes ont proposé par amendement le droit au retour au tarif : lors de la discussion de la loi DALO, de la loi TEPA et enfin du projet de loi sur la consommation. La majorité s'y est toujours opposée.

Nous ne sommes guère surpris de votre retour en arrière. Le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver nous apprend en effet que la libéralisation du secteur énergétique s'est soldée par une hausse vertigineuse des tarifs sur le marché libre et par des risques accrus sur la sécurité d'approvisionnement, et que les besoins importants d'électricité et le vieillissement du parc nucléaire imposent des investissements massifs pour la création de nouvelles capacités. La mission a conclu que l'énergie n'était pas une commodité comme les autres et que sa maîtrise devait rester publique.

Les rapporteurs se sont également inquiétés de l’envolée des tarifs d'accès à l'électricité dans la plupart des pays de l'Union européenne, d’où le présent texte.

La préservation des tarifs réglementés est une priorité, car elle contribue à l'amélioration du pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Nous regrettons que ce nouveau texte impose une date butoir aux consommateurs domestiques d'électricité et de gaz, laissant entendre que s'ouvrirait une période transitoire au terme de laquelle on réexaminerait la pertinence tarifaire. Aucune date limite ne doit être inscrite dans ces articles.

La récente fusion entre GDF et Suez fait également peser un risque évident sur notre système tarifaire réglementé. Les députés socialistes réaffirment leur opposition à cette fusion annoncée par le Président de la République au mépris des engagements pris. Un tel groupe, dont les actionnaires voudront garder les mains libres, ne pourra que souhaiter s'exonérer des contraintes tarifaires. Quelles seront les exigences des actionnaires privés lors de la renégociation du contrat de service public de GDF ?

Seule la création d'un pôle public EDF-GDF aurait permis d'assurer une maîtrise publique sur le secteur, seule garante de la préservation de notre système tarifaire régulé et donc du pouvoir d'achat des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. François de Rugy – Mieux vaut tard que jamais ! Lorsque vous avez transposé la directive européenne sur l’ouverture du marché de l’électricité et du gaz pour les particuliers, nombre de Français ont été choqués du caractère irréversible du choix du tarif déréglementé, d’autant que le choix fait par le précédent locataire ou propriétaire s’imposait au nouvel occupant du logement. Étrange conception de la liberté pour une loi censée être d’inspiration libérale ! Comment s’étonner, dès lors, que nos concitoyens aient l’impression que les directives européennes leur imposent un modèle qui les prive de leur liberté de choix ? Le bon sens voulait donc que l’on en revienne au libre choix.

Ce débat me donne l’occasion de revenir sur deux sujets de fond : les effets de la concurrence d’une part, votre absence de politique face à la hausse des prix de l’énergie d’autre part.

Dois-je vraiment rappeler que l’argument principal des apologistes de l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence était que celle-ci ferait baisser les prix ? Or ils n’ont jamais été aussi hauts et, pour certaines familles, la facture d’électricité et de chauffage représente désormais presque un mois de salaire. Pire : certains opérateurs privés expliquent benoîtement que les prix devraient augmenter encore pour qu’il soit intéressant pour eux de développer leur activité, et donc la concurrence. On marche sur la tête ! La vérité, c’est que la concurrence ne fonctionne pas dans le secteur de l’énergie, et que les promesses faites sont de fausses promesses.

La concurrence peut être une bonne chose, mais à de certaines conditions. En premier lieu, la transparence doit être la règle pour garantir une concurrence loyale entre les pays et entre les modes de production. Ensuite, il faut avoir l’assurance que la concurrence ne tirera pas vers le bas le système de production, qu’il s’agisse des conditions de travail, de la sécurité des installations – ce qui, quand on parle d’énergie nucléaire, n’est pas un vain mot – ou de celle de l’approvisionnement – et à ce sujet chacun a en mémoire divers épisodes pendant lesquels des régions entières de certains pays ont été plongées dans le noir. Enfin, la concurrence est utile si elle favorise la diversification des modes de production et notamment le développement des énergies renouvelables.

Ce n’est pas aujourd’hui le cas. C’est pourquoi nous plaidons en faveur de la diversification et de la régulation, car l’une ne peut aller sans l’autre. D’autre part, comme il s’agit d’un secteur stratégique, nous défendons le caractère majoritairement public des entreprises concernées. La dérégulation généralisée n’apporte rien de bon en matière d’énergie – comme dans bien d’autres secteurs.

Mais, concurrence ou pas, les prix continueront de monter pour une raison simple : la demande mondiale ne cesse de croître alors que l’offre de gaz, de charbon et de pétrole se réduit chaque jour et que l’utilisation des agro-carburants n’est qu’un pis-aller, puisque leur culture se fait au détriment de celle des céréales alimentaires. Je déplore la passivité constante de la majorité depuis six ans, alors que ces phénomènes étaient parfaitement prévisibles. Il est atterrant que vous n’ayez pas travaillé d’arrache-pied à doter les Français des outils qui leur permettraient de se prémunir contre la hausse continue du prix de l’énergie.

Votre réponse sera, je n’en doute pas, que la solution existe – c’est le nucléaire. On tombe là dans une autre forme de dogmatisme ou, plus exactement, de mensonge. Mensonge de prétendre que l’uranium serait une ressource illimitée alors que les réserves sont en voie d’épuisement, et de plus situées dans des pays à risque, ce qui fragilise notre situation. Mensonge encore que de prétendre que l’énergie nucléaire pourrait se substituer au pétrole et au gaz. Que je sache, nous n’allons ni rouler ni nous chauffer au nucléaire ! Mensonge toujours d’affirmer que l’énergie d’origine nucléaire serait, de toutes, la moins chère, alors que le tout nucléaire oblige EDF à acheter des kW au prix fort dans les périodes de pointe et que les prix ne tiennent compte ni du coût du démantèlement des vieilles centrales ni de celui du stockage des déchets ultimes. Si l’on en tenait compte, le prix de l’énergie nucléaire exploserait – et il explosera, aux frais du contribuable sans doute, mais généralement il ne fait qu’un avec le consommateur…

Il faut s’attaquer à ce problème en se fixant un objectif chiffré qui, selon nous, devrait être de réduire d’un quart en cinq ans la facture énergétique des ménages. Il convient pour cela, de travailler à réduire la consommation – et les producteurs privés n’y inciteront certainement pas ! – ce qui allégera ce budget et redonnera du pouvoir d’achat aux Français. Des aides doivent donc être prévues pour l’isolation des logements et l’installation de dispositifs producteurs d’énergies renouvelables. Les promoteurs immobiliers doivent être obligés de construire des logements neufs à faible consommation énergétique. La politique ainsi décrite est réaliste, elle a été appliquée ailleurs avec succès et elle crée des emplois durables. Au-delà, il convient de diversifier les modes de production en développant massivement toute la palette des énergies renouvelables.

Tout cela, la proposition ne le permet pas. Nous l’aurions néanmoins volontiers votée…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Faites-le donc ! C’est un premier pas.

M. François de Rugy – Nous y serions prêts, si la date butoir de 2010 disparaissait de ce texte. Vous en parlez comme d’un « rendez-vous », formulation dont les Français ne peuvent se satisfaire. Vous refusez d’inscrire dans la loi ce qui serait une véritable garantie pour les consommateurs parce que vous avez peur de braquer la Commission européenne ! Comment accepter de déconsidérer ainsi le Parlement français en refusant qu’il puisse exercer ses prérogatives ? Il n’y a pas lieu de s’arc-bouter comme vous le faites sur la date de 2010. Si un nouveau texte européen voit le jour, nous en débattrons ! Notre position est limpide : si la date de 2010 est supprimée, nous voterons le texte, si elle ne l’est pas, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Jean Dionis du Séjour – La libéralisation du marché de l'énergie est effective pour les particuliers depuis le 1er juillet 2007 dans toute l'Union européenne, mais la perte du bénéfice des tarifs réglementés et l'impossibilité pour les ménages ayant choisi de changer leur fournisseur d'électricité de bénéficier à nouveau du tarif réglementé posent problème. Le débat qui nous réunit n'est pas sans rappeler celui que nous avons eu, il y a un an, à l'occasion de la discussion du projet relatif au secteur de l'énergie, dont l’objet, beaucoup plus large, était la privatisation de Gaz de France, et qui comportait des dispositions relatives au système tarifaire. Cependant, le juge constitutionnel, saisi …

M. Patrick, Ollier, président de la commission Par le groupe socialiste !

M. Jean Dionis du Séjour – …de certaines dispositions de la loi, a censuré l'article relatif à la préservation des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz pour les logements anciens et pour tout nouveau site de consommation, jugeant que le mécanisme était incompatible avec les directives et que tout consommateur d'électricité ou de gaz avait vocation, à terme, à s'alimenter exclusivement sur le marché libre.

Il faut le reconnaître, de cette décision résulteront des incohérences et des injustices. Ainsi, en l’état, lorsque l’occupant d’un logement change de fournisseur, les occupants suivants ne peuvent plus revenir aux tarifs réglementés. Les propriétaires sont tout aussi inquiets, à la fois parce que le choix irréversible d’un locataire peut pénaliser les occupants suivants mais aussi parce qu’en cas de vente du bien, celui-ci risque d'être déprécié s’il ne bénéficie plus du tarif réglementé. La conséquence directe de cette situation sera l'apparition d'un double marché de l'immobilier – celui des logements bénéficiant du tarif réglementé et celui des logements qui n'y ont plus droit –, ce qui créera une inégalité majeure entre les ménages selon le logement qu’ils habiteront.

La proposition va donc dans la bonne direction. Cependant, le dispositif adopté par le Sénat n'établit qu'une réversibilité partielle, le consommateur ne pouvant revenir aux tarifs réglementés de gaz et d'électricité qu'en cas de déménagement. Le groupe Nouveau Centre, qui souhaite aller plus loin, propose la réversibilité totale des droits en matière d’électricité, permettant ainsi aux consommateurs souscrivant une puissance égale ou inférieure à 36 kWh d'aller et venir à leur guise entre le secteur réglementé et le marché concurrentiel. Nous avons donc déposé, avec notre collègue Frédéric Lefebvre, un amendement en ce sens.

Honnêtement, il devrait y avoir là, mes chers collègues des groupes GDR et SRC, un moyen de trouver un consensus dépassant les clivages politiques car la réversibilité partielle n'est qu'une demi-mesure dont les consommateurs ne pourront se satisfaire.

M. Daniel Paul – Certes ! Supprimez la date butoir de 2010 !

M. Jean Dionis du Séjour – La réversibilité totale sera un garde-fou contre le risque de hausse de prix et permettra aux consommateurs qui le souhaitent de tester le marché sans être obligés de déménager pour revenir ensuite aux tarifs réglementés. J'ajoute que la réversibilité totale est en vigueur dans quinze pays de l'Union européenne.

À ce jour, le nombre de consommateurs professionnels ayant changé de fournisseur est insignifiant, ce qui est regrettable car il existe certainement sur le marché des offres alternatives innovantes et intéressantes et, le marché ne décollant pas, les entreprises qui se sont lancées dans la fourniture d'électricité pourraient être en sérieuse difficulté. Mais, reconnaissons-le, l'ouverture des marchés de l'énergie ne fonctionnera que si elle s'accompagne d'une concurrence réelle et loyale entre opérateurs, et si elle est assortie de véritables garanties pour les consommateurs.

Enfin, cette proposition nous amène à nous interroger sur la question plus globale de l'avenir des tarifs réglementés, et je remercie notre collègue Daniel Paul de l’avoir évoquée. A ce sujet, il faut être clair : la législation européenne n'empêche en aucun cas la persistance d’un tarif réglementé…

M. Daniel Paul – Que faites-vous de la lettre de griefs ?

M. Jean Dionis du Séjour – Elle émane de la Commission européenne. Or ce n’est plus elle qui commande en Europe : relisez le traité simplifié !

Le consommateur gagnerait naturellement à ce que le tarif règlementé perdure : ayant financé le nucléaire, il en attend un juste retour. L’État-actionnaire et EDF, pour leur part, ont plutôt intérêt à supprimer les tarifs et à libéraliser un marché où les profits peuvent être colossaux. Ce n’est pas illégitime : EDF a peu investi en France ces dernières années, et ses bons résultats pourraient aussi permettre d’assainir les finances publiques. Enfin, d’un point de vue environnemental, on peut se demander s’il est souhaitable que les Français conservent des habitudes de consommation élevée, que rendent possible des prix modérés permis par le nucléaire : est-ce bien cohérent avec le Grenelle de l’environnement ?

Seul un arbitrage politique saura trancher entre ces priorités. Le Nouveau Centre souhaite un grand débat, par exemple à l’occasion de la prochaine loi d’orientation sur l’énergie, qui permettrait à la France de peser dans le débat européen. Il ne faudrait pas continuer de naviguer à vue comme vous l’avez fait en cédant 2,5% du capital d’EDF pour financer la modernisation des universités, rompant ainsi avec la règle selon laquelle tout produit de privatisation doit contribuer au désendettement.

Toutefois, d’ici 2010 au moins, ce texte va dans le bon sens. Il mériterait d’être encore plus ambitieux en franchissant le pas de la réversibilité totale.

M. Patrick Ollier, président de la commission Lisez l’amendement de la commission !

M. Jean Dionis du Séjour – Pour autant, j’espère que la bonne atmosphère qui prévaut ce soir se traduira par un vote positif !

M. Jean-Claude Mathis – Le présent texte a pour objectif de protéger le consommateur contre les fluctuations du marché, de remédier à l’inégalité entre les ménages et de soutenir le pouvoir d’achat. À cette fin, il résout le problème de la réversibilité, c’est-à-dire la possibilité de revenir au tarif règlementé après y avoir renoncé. En l’état et après censure partielle du Conseil constitutionnel, le dispositif interdit à quiconque – particulier ou entreprise – ayant exercé son éligibilité sur un site donné de bénéficier du retour au tarif règlementé lors d’un déménagement. De même, un ménage n’ayant jamais renoncé au tarif régulé devra, lors de son déménagement, subir le tarif dérégulé du ménage précédent alors qu’inversement, un ménage ayant renoncé au tarif régulé pourra y revenir s’il emménage dans un logement où il est encore en vigueur. Convenez que Devos n’aurait pas dit mieux (Sourires) ! Un consommateur ne devrait pas être privé du tarif réglementé par la décision d’un autre : voilà une incohérence à corriger. Rappelons que le prix du gaz a augmenté entre 2003 et 2006 de 48% pour les professionnels et de 21% pour les ménages : cette hausse pèse lourdement sur le pouvoir d’achat, au point qu’en 2006, les ménages ont dépensé plus de huit milliards pour le gaz et près de dix-huit milliards pour l’électricité, auxquels s’ajoutent trente-cinq milliards pour le carburant. Dans le même temps, les tarifs règlementés n’ont progressé que de 0,6% par an en moyenne. Les Français considèrent donc le maintien des tarifs règlementés comme une protection importante face aux prix du marché.

M. Patrick Ollier, président de la commission Très bien !

M. Jean-Claude Mathis – Certes, aucune directive communautaire ne prévoit la suppression des tarifs règlementés, mais certaines voix s’élèvent déjà à Bruxelles pour la réclamer (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Le présent texte prévoit donc d’autoriser les ménages et les petits consommateurs professionnels à retourner au tarif règlementé lors d’un déménagement.

M. Daniel Paul – Jusqu’en 2010 !

M. Jean-Claude Mathis – En effet, il faudra en faire la demande avant le 1er juillet 2010. M. le ministre a bien précisé que les tarifs régulés ne disparaîtraient pas à compter de cette date, bien au contraire : un tel délai devra nous permettre de convaincre la Commission européenne de la conformité des tarifs règlementés français avec le droit communautaire. Je suis même favorable à ce qu’on étende cette autorisation de retour au tarif règlementé hors déménagement, afin de mieux permettre à nos concitoyens d’expérimenter l’ouverture du marché.

En outre, le présent texte permet aux particuliers de bénéficier des tarifs réglementés du gaz sur les nouveaux sites, comme cela est déjà le cas pour l’électricité grâce à un amendement à la loi DALO. Après celle de mai 2006, la prochaine hausse des tarifs du gaz devrait avoir lieu au 1er janvier 2008 pour les entreprises, et la situation des particuliers sera fixée en début d’année : il s’agit en effet de compenser l’explosion des prix pétroliers.

Alors que le Gouvernement multiplie les mesures en faveur du pouvoir d’achat, n’oublions pas que le marché de l’énergie est inévitablement régi par la concurrence. La réglementation des tarifs ne peut déroger à ce principe. À nous de trouver l’équilibre entre impératifs des entreprises et intérêts des consommateurs : tous subissent les fluctuations du marché. Cette proposition de loi y contribue : je la voterai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Boisserie – Il est parfois nécessaire de se répéter dans cet hémicycle. En novembre 2006, votre majorité privatisait EDF en transposant des directives européennes qui ouvraient à la concurrence les marchés du gaz et de l’électricité à compter du 1er juillet dernier. Le gouvernement de M. Jospin avait mené d’âpres négociations pour que cette ouverture soit limitée aux professionnels et aux entreprises, mais celui de M. Raffarin a cédé au dogme de la libéralisation totale, qui montre aujourd’hui ses limites. En effet, la vision caricaturale de l’économie, qui ne serait bonne que débridée, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Ainsi, en Grande-Bretagne, la libéralisation des prix a entraîné d’importantes distorsions de tarifs selon que l’on habite Arsenal ou les Highlands. De même, dix ans après la libéralisation du système américain, de nombreux États font marche arrière ou remboursent les consommateurs pour en atténuer les effets : parmi les vingt-cinq États qui ont libéralisé leur marché, seule la Californie envisage d’étendre les prix dérégulés. Ce revirement est le fait d’une hausse des prix de l’électricité bien plus rapide que dans les États qui ont préservé le monopole.

Certes, le gouvernement de M. Raffarin n’est pas seul responsable de la situation actuelle. La Commission européenne tente une nouvelle fois de faire valoir une approche ultralibérale, en lançant contre la France une procédure pour vérifier si nos tarifs réglementés sont compatibles avec les règles européennes. Si par malheur nous devions céder, il est fort probable que leur abandon entraînerait, comme dans les autres pays, une hausse importante des prix de l'énergie. Les conséquences sur l’économie nationale seraient sévères : perte de compétitivité, hausse de la facture des administrations et des collectivités locales, baisse du pouvoir d'achat des ménages. Prétendre, comme le fait Bruxelles, que les tarifs réglementés entravent la concurrence, c'est oublier la politique énergétique ambitieuse, courageuse et intelligente qui nous a dotés de l'un des parcs nucléaires les plus performants du monde, dont le coût considérable a été assumé par nos impôts. Les tarifs réglementés sont la juste contrepartie des efforts consentis pendant toutes ces années, qui permettent désormais de produire une électricité à un prix abordable.

L'abandon des tarifs réglementés emporterait d’autres conséquences, qu’Américains et Britanniques connaissent déjà : les bourgs isolés, les hameaux et communes à l'écart des grands axes risquent de se voir abandonnés, mis à l'écart du progrès. L’entretien et le développement des réseaux y seront considérés comme coûteux et fort peu rentables. Avec la déréglementation, les plus modestes, les personnes âgées, les familles nombreuses, les travailleurs pauvres pourront-ils continuer à s’éclairer et à se chauffer lorsque les hivers seront rigoureux ?

L’abandon des tarifs réglementés est un nouveau coup porté à l'aménagement du territoire, une nouvelle mise en cause de la solidarité – entre citoyens, entre villes et territoires ruraux, entre ceux qui ont peu et ceux qui ont beaucoup. C’est la volonté de la majorité que d’affaiblir encore les territoires ruraux et les régions les plus pauvres et les plus défavorisées. Ceux qui souffriront le plus de cette déréglementation seront ceux qui subissent déjà les franchises médicales et vont devoir payer la redevance audiovisuelle. Votre proposition de loi « réparatrice » n’est guère qu’un rideau de fumée : c’est pour cela que vous refusez tous les amendements de protection de l’opposition. Mais 2010, c’est demain. Et après ? L’incertitude. C’est pourquoi nous vous demanderons de retirer cette date butoir du texte. Quant à la réversibilité, nous restons extrêmement prudents (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Frédérique Massat – Depuis le 1er juillet, les ménages français peuvent quitter EDF et GDF pour des offres du marché libre. Cette ouverture totale n'est pas sans créer des difficultés aux consommateurs : il est fort difficile de s’y retrouver entre les offres. Les contrats proposés ne sont en effet pas comparables, car ils ne portent pas sur la seule fourniture de kilowattheures mais sur des paniers de services tous différents. Imaginez la complexité de l'exercice ! En outre, l'information qui était prévue est restée fort modeste eu égard aux conséquences du choix d’un nouvel opérateur pour le particulier. Vous me répondrez qu'un site internet et un numéro vert étaient à la disposition des usagers, mais tous les citoyens n'ont pas accès à Internet, que ce soit pour des raisons financières ou à cause des inégalités de couverture du territoire. Dans mon département, face à la carence des pouvoirs publics, c'est le syndicat départemental d'électricité qui a édité et distribué à ses frais une plaquette explicative. Je ne pense pas que cela relevait de sa responsabilité…

Le modèle économique que vous organisez vise à promouvoir une concurrence pure et parfaite dans le secteur de l’énergie, dont la libre pratique aboutirait d'office à la satisfaction optimale de tous les acteurs. Dans la réalité, son efficacité est plus que douteuse. Depuis l'ouverture à la concurrence, les prix sur le marché libre n'ont cessé de croître, jusqu'à atteindre des niveaux très pénalisants pour les entreprises qui ont choisi d'exercer leur éligibilité. Force est de reconnaître qu'en laissant faire le marché, on substitue au monopole public un secteur privé qui cherchera avant tout à répondre aux exigences de ses actionnaires. Somme toute, la libéralisation des prix de l'électricité et du gaz remplace la maîtrise tarifaire publique par une concurrence qui se développe au profit de quelques grands groupes et au détriment des consommateurs.

Ainsi, la libéralisation à marche forcée introduit davantage de désordres qu'elle ne répond aux enjeux publics que sont la sécurité d'approvisionnement, la modération des prix, la diversification énergétique et la lutte contre la fracture énergétique. Le risque est grand de voir s'alourdir encore la facture énergétique des familles, qui y consacrent déjà près d'un tiers de leur budget logement alors que la régulation des tarifs a exercé un effet modérateur important, aujourd’hui gravement menacé : EDF et GDF ont, comme les autres, des actionnaires à satisfaire, des objectifs de rentabilité financière. Ils n'ont aucun intérêt à ce que les tarifs réglementés soient maintenus, puisqu’ils pourraient vendre le même kilowattheure au prix du marché en augmentant leur marge bénéficiaire. Leurs dirigeants souhaitent ouvertement que ces tarifs rejoignent le prix du marché.

Il est important de rappeler qu’EDF et GDF ont à la fois des clients au tarif réglementé et hors du tarif, ce qui n'est pas sans occasionner des méprises aux consommateurs. Les deux entreprises multiplient en effet les offres pour leurs propres clients, en leur proposant de nouvelles formules avec des services divers – diagnostic, suivi personnalisé, dépannage à domicile…– mais sans toujours leur dire clairement qu'ils vont sortir du tarif réglementé. Il est donc nécessaire de renforcer l'information et de ne pas fixer de date butoir pour bénéficier des tarifs réglementés, afin de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs. L'année 2010 est bien proche. Les mesures adoptées aujourd'hui n'auront qu'un effet limité. Au moment où le Gouvernement s'engage sur l'augmentation du pouvoir d'achat, la suppression de cette échéance aurait constitué un acte concret.

Pour finir, permettez-moi d'évoquer les fortes inquiétudes des territoires ruraux et de montagne. En effet, les offres commerciales des nouveaux fournisseurs seront sans doute plus facilement rentabilisées en zone urbaine qu'en zone rurale. Quel sort sera-t-il fait, après juillet 2010, à la péréquation tarifaire ? Les collectivités redoutent en outre une baisse des moyens consacrés à l'entretien et au renouvellement des réseaux. Une égale qualité de fourniture sur l'ensemble du territoire n'a jamais été obtenue : les analyses montrent une dégradation en zone rurale, et l’écart avec les zones urbaines risque de s'accentuer dans les années à venir. Les collectivités devront rester vigilantes quant aux actions des gestionnaires pour conserver, voire améliorer le niveau de desserte. Quelles garanties pouvez vous apporter aujourd'hui aux élus et aux populations de ces territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Annick Girardin – Le pouvoir d'achat est la première préoccupation des Français, comme des parlementaires de l'opposition – dont les députés radicaux de gauche. Aujourd'hui, la part de la consommation énergétique dans les dépenses des ménages flambe presque autant que le cours du pétrole. Or, comme le logement et l'alimentation, le chauffage constitue un besoin élémentaire et une dépense incompressible. Et parce que je suis probablement, de tous les députés, la plus accoutumée aux hivers rigoureux, je tiens à réaffirmer qu'il n'est pas acceptable que des Français n'aient d'autre solution pour garder un toit que de renoncer à se chauffer. La facture énergétique représente environ un tiers du budget logement des familles. En 2006, elle s’est élevée à 8,5 milliards pour le gaz et 17,9 pour l'électricité : aucun doute qu’en 2007, ces records seront battus.

Pourtant, la majorité a adopté en 2006 une loi redéfinissant le cadre des tarifs du gaz et de l'électricité. Cette première déréglementation suivait les recommandations d'une Commission européenne qui conteste les tarifs réglementés au motif qu'ils constitueraient un obstacle au bon fonctionnement de la concurrence et qu'ils pénaliseraient les consommateurs. Or, il est largement permis de douter de l'efficacité économique de la dérégulation. Depuis l'ouverture à la concurrence, les prix du marché n'ont cessé de croître, jusqu'à atteindre des niveaux très pénalisants pour les entreprises qui ont choisi d'exercer leur éligibilité. Le prix du marché du mégawattheure s'élève à plus de 70 euros, contre 30 à 40 pour les tarifs réglementés. Jusqu'où nous entraînera ce marché – qui n'est pas véritablement concurrentiel mais plutôt oligopolistique, puisque l'offre est contrôlée par quelques grands groupes en mesure d'influer sur lui ?

La libéralisation des tarifs de l'électricité et du gaz revient à remplacer la maîtrise tarifaire politique par une concurrence qui se fait au profit de quelques grands groupes, mais au détriment des consommateurs. Contrairement à une idée reçue, elle n'est pas synonyme de baisse des prix. S’y ajoute une réelle insécurité d'approvisionnement, une absence de diversification et une aggravation de la fracture énergétique. La disparition des tarifs réglementés n'est pas sans effets sur le pouvoir d'achat des ménages, et crée des inégalités parmi les locataires comme les propriétaires. À l'heure actuelle, renoncer aux tarifs réglementés, c’est s’interdire de faire marche arrière ; ce choix est attaché au logement et s'impose donc aux futurs occupants, sans le moindre recours. Locataires et propriétaires sont donc tenus par un choix qu'ils n'ont pas nécessairement faits. Quel étrange libéralisme ! À ce jour, l'irréversibilité n'a été instaurée que par trois États membres : la Slovaquie, l'Espagne et la France… L'heure est venue de rendre au consommateur sa liberté de choisir.

Parallèlement à la flambée des prix du pétrole et malgré les tarifs réglementés, la facture énergétique des ménages s'alourdit à un rythme inquiétant. Et la semaine dernière, nous apprenions que Gaz de France réclamait une augmentation de 5 à 6 % des tarifs réglementés à compter du 1er janvier pour les petits consommateurs, et de plus de 10 % pour les entreprises ! M. Cirelli justifie cela par l’évolution des prix du pétrole. Certes, le régime des tarifs réglementés n’empêche pas toute augmentation des prix, mais ce dont on peut être sûr, c’est que sans eux, ces hausses sont bien plus élevées. D’ailleurs, le prix du fioul n'a-t-il pas augmenté de 30 % en 2005, et celui du gaz de 21 % en 2006 ? C’est donc bel et bien la stabilité des prix de l'électricité qui a modéré la facture des ménages et donc préservé leur pouvoir d'achat, et c’est cet effet modérateur qui est gravement menacé par la remise en cause des tarifs réglementés.

Au moment où les Français sont inquiets pour leur pouvoir d'achat, et alors qu'ils ont commencé à mesurer la hausse de leur facture énergétique, la représentation nationale se doit de corriger de nombreuses incohérences économiques et de réintroduire un peu de justice sociale. Les députés radicaux de gauche ne demandent qu'à approuver cette proposition de loi. Nous serons particulièrement attentifs au sort des amendements déposés par le groupe SRC, qui renforcent la liberté du consommateur et sont conformes à l'esprit du texte, comme ceux qui proposent la suppression de la date limite du 1er juillet 2010 et de la limitation à deux ans du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean Gaubert – Dans son intervention talentueuse et documentée, François Brottes a rappelé les différentes étapes de la libéralisation du marché de l’énergie depuis quelques années. J’y ajouterai simplement quelques considérations. La sacro-sainte libéralisation allait régler tous les problèmes : chacun serait enfin heureux en achetant son électricité au supermarché !

Or, si les prix baissent, quand l’offre est supérieure à la demande, ils montent quand elle lui est inférieure. On savait déjà que l’offre d’électricité serait inférieure et que les autres pays attendaient la libéralisation en France pour profiter de nos tarifs, on savait aussi qu’il suffisait à Poutine et à ses amis de fermer les robinets du gaz pour augmenter les prix, et que les opérateurs privatisés auraient aussi intérêt, de leur côté, à faire monter les prix.

Il vous a donc fallu, mois après mois, essayer de corriger cette tendance au bénéfice des consommateurs. Vous auriez d’ailleurs pu le faire il y a quelques semaines, dans votre projet de loi sur la consommation. Nous avions présenté des amendements qui le permettaient. Vous les avez refusés pour pouvoir vous présenter, de façon politicienne, comme les auteurs de ces mesures. Les consommateurs ont seulement perdu quelques semaines…

Ce que vous faites, c’est bel et bien un coup politicien. En fixant l’atterrissage à juillet 2010, vous pariez d’une part sur une petite baisse des prix de marché, et d’autre part sur une augmentation du tarif réglementé. On a dit au moment du Grenelle de l’environnement qu’il suffisait d’augmenter les prix pour que les gens se rationnent. Il faut certes faire des économies, mais pas seulement en tapant dans le portefeuille des consommateurs. Ceux qui chauffent leur piscine sans regarder la facture ne seront pas affectés, ceux qui font déjà attention quand ils se chauffent à 19 degrés en pâtiront : c’est une politique injuste et antisociale.

Nous ne pouvons accepter votre proposition de fixer un délai jusqu’en 2010, car le problème se posera de nouveau. Il faut aller au-delà. Mais nous savons bien qu’EDF et GDF vous poussent dans cette voie, de même que leurs concurrents, auxquels on a promis qu’ils arriveraient en 2010 au même niveau que les prix administrés et prendraient tout le marché. L’intention affichée est donc bonne. Mais elle ne résiste pas à l’analyse. Pour notre part, nous sommes pour des tarifs réglementés qui fassent référence aux prix de revient et aux coûts d’investissement, mais hostiles à des tarifs réglementés qui prépareraient pour 2010 une libéralisation en douceur, ou plutôt dans la douleur pour nos concitoyens. C’est donc aujourd’hui une occasion manquée, mais peut-être dans un an reviendrez-vous nous faire une proposition pour réparer ce que vous n’aurez pas voulu faire dès aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

La discussion générale est close.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je remercie le rapporteur qui a excellemment rappelé l’historique de l’ouverture du marché de l’énergie. Il en est un peu la mémoire à l’Assemblée.

M. Jean Dionis du Séjour – M. Bataille aussi !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État C’est vrai. Mais M. Lenoir, à la différence des socialistes, n’a pas une mémoire sélective. Il a d’ailleurs souligné la contradiction dans laquelle sont ceux qui ont formé un recours devant le Conseil Constitutionnel contre la loi de 2006. Le Conseil a considéré qu’une disposition en particulier était anticonstitutionnelle, faute de date limite.

M. Jean Gaubert – Ce n’est pas là-dessus que portait notre recours !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je m’étonne que vous vous acharniez à rétablir cette disposition que le Conseil constitutionnel a censurée à cause de vous.

La majorité souhaite aller plus loin afin que les règles soient plus claires pour le consommateur, et le président de la commission défend depuis longtemps ce point de vue. Nous avons eu un long débat au Sénat, et depuis encore, sur la réversibilité. À l’heure actuelle, 6 000 consommateurs ont choisi le marché libre de l’électricité, 13 000 celui du gaz. L’ouverture étant un échec, il faut donc que l’accès au marché se fasse avec un maximum de protection. C’est pourquoi le Gouvernement est ouvert à cette proposition pour mieux ouvrir le marché en assurant cette protection et en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel. C’est aller dans la bonne direction que de rétablir le filet de sécurité qu’est la réversibilité afin de favoriser la concurrence.

Le président Ollier a souhaité que le Sénat examine au plus vite cette proposition, une fois modifiée par l’Assemblée. J’ai transmis cette requête au secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement et je l’appuie, car il est nécessaire que la concurrence puisse jouer dès que possible.

M. Dionis du Séjour, a appelé de ses vœux un grand débat sur l’énergie et l’environnement. Le Grenelle de l’environnement aura une traduction législative au début de 2008 et il aura alors satisfaction. Il s’inquiète de l’insuffisance des investissements d’EDF, mais dans le contrat de service public 2005-2010, EDF a prévu d’investir 25 milliards en France pour le renouvellement de ses équipements.

M. Nicolas a insisté à juste titre sur les risques d’un marché à deux vitesses. Les dispositions que, je l’espère, il votera ce soir, permettront d’y remédier.

En entendant M. Dumas et M. Boisserie, j’ai été frappé, comme je l’ai dit, par la contradiction qu’il y a à vouloir rétablir une disposition dont ils ont obtenu la suppression en 2006. Il y aurait eu selon eux d’âpres négociations du gouvernement Jospin pour limiter l’ouverture aux professionnels. Chacun sait d’expérience que l’ouverture du marché est progressive : d’abord réservée aux professionnels, elle s’étend aux particuliers lorsque le marché est mûr.

M. Jean Gaubert – Le marché ne mûrit pas, il pourrit !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État – M. Boisserie nous reproche d’abandonner les tarifs réglementés alors que le texte permet au consommateur d’y revenir plus facilement en rétablissant le filet de sécurité que le recours intenté en 2006 contribuait à supprimer.

D’autre part, l’élu rural que je suis ne saurait lui laisser dire, ni à Mme Massat, que les territoires ruraux sont menacés : la Commission de régulation de l’énergie fixe un tarif unique d’accès au réseau, pris en compte dans la péréquation qui assure l’égalité de traitement de l’ensemble du territoire. En outre, les opérateurs alternatifs ne desserviront pas les seules zones urbaines, car les coûts de transport de l’électricité ne doivent pas dépendre de la distance, donc du lieu de consommation.

M. Daniel Boisserie – C’est vrai aujourd’hui, mais demain ?

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je rappelle à M. de Rugy que le doublement de l’aide à la cuve, geste fort en faveur des ménages les plus modestes, compensera largement la hausse des prix du fioul. En outre, conformément aux décisions de lisser à la hausse l’augmentation des prix et d’en répercuter immédiatement la baisse, qui résultent de la table ronde au cours de laquelle Mme Lagarde a réuni il y a peu les industriels du pétrole, les fluctuations récentes du prix du baril se sont traduites par une légère baisse des prix dans les stations service.

L’insistance de M. de Rugy sur la nécessité de renforcer la concurrence au profit du consommateur me fournit par ailleurs l’occasion de rappeler l’existence d’un site Internet de comparaison des prix – lesquels varient de 10 à 20 centimes selon les stations service – qui pourrait s’avérer utile à l’heure de préparer son départ en vacances.

Moins consommer, c’est aussi emprunter des véhicules propres ; voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité instaurer début 2008 l’écopastille et la prime à la casse.

Enfin, le fait que ces dispositions n’aient pas été abordées dans le cadre de l’examen du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs ne devrait pas inquiéter M. Gaubert, car il témoigne non d’arrière-pensées politiciennes, mais du respect du Gouvernement pour les parlementaires dont émane cette proposition de loi, qui devait suivre son propre cours. Nous sommes favorables à plusieurs amendements déposés par la commission ou par des élus de l’UMP ou du Nouveau centre, et opposés à la suppression de l’échéance de 2010, dont l’absence faisait partie des motifs de censure du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François Brottes – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1. Pour le bon déroulement de nos débats, le ministre et le rapporteur ne doivent pas travestir la conclusion de la décision du Conseil constitutionnel : ce n’était pas la date qui était en cause, mais le maintien des tarifs réglementés, qui s’apparentaient à un monopole dès lors que GDF était privatisé.

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est absolument faux !

M. François Brottes – Je produirai donc le texte de la décision pour éviter toute contestation !

M. Patrick Ollier, président de la commission – J’ai beaucoup de respect pour vous, Monsieur Brottes, mais ce que vous dites est faux !

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Christian Bataille – Les débats que suscite régulièrement la politique de l’électricité et du gaz, parce qu’elle s’inscrit dans le long terme, sont jusqu’à présent restés raisonnés, bien que majorité et opposition divergent profondément quant au rôle de la puissance publique.

Jusqu’à une date récente, en effet, la France disposait d'un système public assurant de manière tout à fait satisfaisante la production et la distribution de l'électricité comme la distribution du gaz, fort de tarifs raisonnables, indépendants du profit et de la rémunération des actionnaires. La qualité de l'équipement de notre territoire – centrales et lignes électriques et réseau gazier – lui doit beaucoup, comme le réseau unique de centrales nucléaires que le monde nous envie.

Pourtant, la majorité s’apprête à adopter des dispositions très mal perçues par les consommateurs afin de complaire aux idéologues libéraux et à tous ceux qui aspirent à parasiter littéralement le marché dérégulé en achetant, en revendant, en faisant monter les prix. Les effets positifs dont est porteur – à condition de conserver la rédaction du Sénat – ce texte destiné à corriger un abus préjudiciable au consommateur n’auront malheureusement qu’un temps : après 2010, ce sera l'anarchie libérale qui fixera les prix. Le texte doit donc être réexaminé en commission pour éviter que des amendements ultralibéraux n’instaurent une « réversibilité totale », c’est-à-dire ne généralisent le droit de pratiquer des allers et retours entre prix du marché et tarifs réglementés, et ne permettent aux fournisseurs sans production de vendre au tarif moyennant un droit de tirage sur le parc nucléaire, ce qui dépouillerait EDF des moyens de réinvestir dans des nouveaux réacteurs - de type EPR ou Génération IV.

Le tarif de l'électricité vendue aux clients « résidentiels » est régulé par l'État et, à la différence des autres produits vitaux pour la société, son augmentation est administrée, limitée à l'inflation pour les trois années à venir, conformément au contrat de service public en vigueur. Toute évolution du dispositif réglementaire définissant les tarifs de l'électricité doit à la fois rendre visible aux clients l'évolution des prix de l'électricité sur le long terme et préserver la sécurité d'approvisionnement, donc permettre les investissements nécessaires dans de nouvelles infrastructures en assurant la couverture des coûts. Or le système fait l'objet de deux procédures communautaires d'infraction contre la France, l’une pour « manquement », l’autre pour « aide d'État » s’agissant des tarifs verts et jaunes et de l’instauration du TARTAM.

La proposition de loi adoptée par le Sénat, et qui vise à permettre une forme de réversibilité réservée au seul cas des déménagements de particuliers, répond à une demande légitime et ponctuelle des consommateurs ; en allant plus loin, on mettrait en péril l’avenir du système français. La réversibilité totale sans conditions menacerait de fait la sécurité d’approvisionnement sans améliorer le pouvoir d'achat des clients résidentiels, dont la situation est sans commune mesure avec celle des PME et PMI pénalisées par la hausse des prix de l’énergie, qui avait motivé la loi du 7 décembre 2006 instaurant un tarif de retour – le TARTAM. En effet, ces clients bénéficient pour la plupart du tarif, à l’exception de ceux – très rares – dont les contrats sont encore plus avantageux.

M. Frédéric Lefebvre – Écoutez donc les associations de consommateurs !

M. Christian Bataille – Certaines estiment en effet que la mesure contribuerait à consolider, voire à pérenniser, le tarif réglementé ; mais celui-ci ne dépend que du législateur, qui ne saurait le supprimer.

Quant aux concurrents d'EDF, ils font valoir, comme le président de la GRE, que la réversibilité favorisera le jeu de la concurrence en facilitant l'exercice de l'éligibilité. Dépourvus de capacité de production, ils pourraient ainsi en venir à demander à être approvisionnés en électricité nucléaire à un prix inférieur au niveau des tarifs pour pouvoir fournir leurs clients.

Le risque majeur pour EDF serait alors que soit fixé un tarif de cession qui compromettrait à terme ses investissements en France. L’instauration d’un quasi-droit de tirage sur le parc nucléaire d’EDF est inacceptable, car elle constituerait ni plus ni moins qu’une spoliation du patrimoine de l’entreprise, par le transfert de la compétitivité liée au nucléaire à ses concurrents, sans que ces derniers assument l’investissement, ni le risque d’exploitation, ni l’aval du cycle.

La proposition de loi adoptée par le Sénat apporte une réponse équilibrée au problème réel posé par le déménagement d’un consommateur particulier : à savoir, faire en sorte que le consommateur ne soit pas contraint par le choix de son prédécesseur et que le propriétaire ne soit pas contraint par le choix de son locataire. Aller au-delà de ce dispositif ponctuel, en proposant, par le biais d’un amendement, la réversibilité totale et permanente au tarif bleu, reviendrait à reconsidérer toute la problématique des tarifs et des prix.

Cette proposition de loi tente, une fois de plus, de limiter les dégâts de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité et du gaz. Car que de dégâts depuis la directive de 1996, signée par M. Borotra ! La loi de 2000 était une transposition a minima de la directive, que vous avez ensuite traduite a maxima dans un sens libéral.

M. François Brottes – Très bien !

M. Christian Bataille – Que de mauvaises surprises depuis la seconde directive, signée en 2003 par Mme Fontaine ! Ah, les belles promesses des vertus du marché contre les monopoles mal gérés ! Ah, la baisse des prix partout en Europe ! Dix ans après, où en est-on ? Les entreprises, mises en bourse, ont été saucissonnées en activités de réseaux et activités de production ; on a construit des murailles de Chine informatiques entre les hommes pour les empêcher de se parler, on a multiplié les régulateurs et les comités. Les prix de l’électricité et du gaz ont explosé en quelques années, pour atteindre des niveaux jamais vus en cinquante ans de monopole ; les bénéfices des entreprises ont explosé, ainsi que le cours des actions, là aussi à des niveaux alors inimaginables ; les agences pour l’accueil du public ont fermé les unes après les autres ; on a taillé dans les effectifs comme jamais ; il ne reste pour le client ou l’élu qu’un interlocuteur, sous la forme de centres d’appel anonymes et lointains.

Les perdants sont les industries françaises, qui bénéficiaient d’énergie à prix compétitifs – le parc nucléaire d’EDF, c’est l’équivalent de la production pétrolière du Koweït –, les salariés de ces industries, les PME ; pas encore les particuliers, mais avec l’aide de la Commission européenne et du Conseil constitutionnel – qui a censuré le peu qui les protégeait dans la loi de 2006 –, cela ne saurait tarder. Je souligne au passage la pertinence du propos de M. Brottes : le groupe socialiste n’est ni la Commission européenne, ni le Conseil constitutionnel !

Un autre perdant est l’aménagement du territoire, avec les fermetures de centres EDF, les délais de raccordement au réseau qui s’allongent, de même que la durée des coupures. Les Français y ont perdu, car la France s’est privée d’un outil exceptionnel, même si cela marche, encore, grâce au service public, mieux que dans les États-Unis de M. Bush, le Royaume-Uni de M. Blair ou l’Allemagne de M. Schröder…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Ce sont des socialistes !

M. Christian Bataille – …et de Mme Merkel, dont je vous accorde qu’elle n’est guère différente de son prédécesseur.

Le gagnant, quant à lui, n’a que deux ans : c’est l’actionnaire ! Toutes les décisions lui sont favorables : hausse des prix, extension du marché, dénonciation des tarifs, privatisations. Tous les transferts de valeurs se font en sa faveur. On comprend que, face à une telle manne, il n'ait pas été pensable, pour un gouvernement libéral, de laisser l'État, c'est à dire l’ensemble des Français, bénéficier de ces transferts, et qu'il ait été urgent d’en réserver le bénéfice aux actionnaires privés.

M. Jean Gaubert – Très bien !

M. Christian Bataille – On nous oppose généralement le « succès » de la privatisation, pour évoquer les belles impostures intellectuelles de l'actionnariat populaire, et même – c'est risible – une prétendue « démocratie d'actionnaires ». Près de 5 millions de particuliers, outre les trois quarts des salariés d’EDF, ont acquis des actions. Or, EDF vaut plus de 150 milliards : la part détenue par ses salariés atteint tout juste 2 % du capital, alors que c’est le plus grand succès populaire obtenu par une privatisation. Où est la démocratie d’actionnaires ? Elle n’existe pas ; la seule logique à l’œuvre est celle de la maximisation du profit des « vrais » actionnaires, de ceux qui comptent, de ceux qu’on invite les soirs de victoire électorale,…

M. Jean Dionis du Séjour – Arrêtez ! Pour vous, il n’y a que l’État !

M. Christian Bataille – …de ceux pour qui l’on foule aux pieds toutes les promesses – comme celle faite à cette tribune par un ministre de l’économie devenu Président de la République : « EDF et GDF ne seront pas privatisés » !

Dans les années à venir, nous serons, en France comme ailleurs, confrontés au problème de l’approvisionnement énergétique. Si l’État passe la main en ce domaine et s’en remet aux acteurs privés, nous pouvons avoir les plus grandes craintes pour la sécurité énergétique de notre pays. L’énergie n’est pas une marchandise ordinaire : c’est une ressource dont l’offre est de plus en plus perçue comme limitée, et qui est très mal répartie géographiquement.

Dans les années 1970, le constat s’est fait de plus en plus précis : il existe une réelle menace d’épuisement de la ressource. Quelles que soient les nouveaux gisements que nous découvrons et que nous découvrirons, quelle que soit l’appréciation que nous avons de l’imminence du pic de production, force est de constater que la montée en puissance des économies du tiers monde et la pression accrue que celle-ci exerce sur la demande mondiale d’énergie ont l’effet attendu d’une prise de conscience du caractère fini de la ressource, et que le prix de celle-ci augmente.

En outre, les circuits d’approvisionnement sont façonnés par la géographie et l’histoire. En Europe même, l’énergie est inégalement répartie. Alors que la Grande-Bretagne dispose encore de ressources hydrocarbures, que l’Allemagne est avant tout charbonnière, la France n’a que ses centrales nucléaires. L’Europe est très diversifiée, avec en outre des pays de l’Est tournés vers la Russie, tandis que les pays du Sud font davantage appel à la Méditerranée. Il faut recourir à bon escient aux relations internationales : la politique énergétique européenne doit faire à cette dimension diplomatique une place au moins aussi importante qu’à la constitution du marché intérieur de l’énergie. Une politique axée uniquement sur la concurrence génère des effets pervers en termes de sécurité énergétique. Nous vivons actuellement un déficit politique. La France aurait tout à gagner à plaider pour une véritable politique européenne d’approvisionnement, plutôt que de céder à cette manie du marché inspirée par les libéraux européens.

Enfin, la constitution d’un oligopole européen maximisera l’impact des chocs extérieurs. La politique européenne de la concurrence va en effet déboucher sur une situation d’oligopole qui aura pour effet la répercussion immédiate de toute hausse des prix de l’énergie sur le consommateur et en même temps l’hystérésis des effets à la baisse.

En effet, le processus d’atomisation ne peut aller jusqu’à son terme sans pouvoir de marché. Il se heurterait au fait que les infrastructures énergétiques sont très lourdes, notamment en vue d'assurer la sécurité des dispositifs de transport et de distribution, et qu’il faut permettre l’exploitation des économies d’échelle possibles. La rentabilité des entreprises suppose qu’elles aient une taille leur permettant au moins de couvrir leurs coûts. La politique de la concurrence doit donc laisser subsister des entreprises d’une certaine taille. Les économies d’échelle donnent un avantage aux entreprises plus grosses, qui ont donc tendance à absorber les plus petites. Cette dynamique finira par créer un oligopole européen d’entreprises, car les fusions successives seront encadrées pour éviter la constitution de monopoles nationaux. Cette situation crée un effet de cliquet sur le niveau des prix, qui monteront à chaque choc externe mais diminueront plus difficilement.

La même raison poussera les entreprises de l'oligopole à différer leurs investissements, car une augmentation des capacités de production tend à accroître l'offre sur le marché, et donc à baisser les prix. La réaction immédiate des entreprises concurrentes de l'oligopole – ajustement des prix à la baisse pour défendre leur part de marché – neutralise le gain attendu d'une capacité supplémentaire de production. L'incitation à investir s'en trouve freinée. Ce dernier mécanisme est l’une des composantes de la crise de l'électricité de 2001 en Californie, suite à la libéralisation de 1996.

On perçoit là tous les enjeux d'un renforcement de la coordination des régulateurs européens – enjeu des directives en discussion – puisque la régulation nationale aura moins d'emprise sur les entreprises d'envergure européenne. Mais tout renforcement de la concurrence sur le marché intérieur doit s'accompagner de progrès dans la mise en place d'une politique de sécurité énergétique, pour atténuer les chocs externes qui verront leurs effets amplifiés par la structure de marché en oligopole.

Le plan d'action de mars 2007 a d’ailleurs pris acte de la contribution de l'énergie nucléaire à la lutte contre l'effet de serre, en soulignant l'importance de la poursuite des recherches sur la sûreté nucléaire et la gestion des déchets radioactifs. C'est une reconnaissance de l'efficacité du choix stratégique de la France ou de la Belgique – qui produit 55 % de son électricité à partir de centrales nucléaires – et une manière de laisser l'option ouverte pour des pays comme le Royaume-Uni, qui en produit ainsi 20 % seulement et sera confronté à l'horizon 2015 à la diminution de ses ressources d'hydrocarbures.

L’insuffisante maturité de la politique européenne de l'énergie, trop focalisée sur des principes de libéralisation, justifie pleinement le développement d'une nouvelle composante centrée sur la sécurité énergétique. Il s'agit en fait de renouer avec la voie choisie par les pays de la CECA en 1951 : une forte coordination pour renforcer les atouts de l'ensemble économique européen en lui donnant les moyens de gérer au mieux l'absorption des chocs extérieurs.

Vous voyez donc que la question des tarifs n'est pas l'alpha et l'oméga d'une véritable politique européenne, et que nous n'avons pas de complexes à nourrir par rapport à la conception européenne de l'énergie.

Notre commission entendra demain le commissaire européen chargé de l'énergie, M. Piebalgs. J’espère avoir l'occasion de lui dire que la libéralisation du marché et l'accroissement des tarifs ne sauraient tenir lieu de politique. C'est la volonté et l'ambition qui manquent, et le modèle français, que votre politique met à mal, est un bon exemple de volonté publique en matière d'énergie.

C’est pourquoi je vous propose de renvoyer ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Patrick Ollier, président de la commission – J’ai écouté avec attention M. Bataille, dont chacun s’accorde à reconnaître la compétence dans le domaine de l’énergie, mais je n’ai entendu aucun argument justifiant le renvoi de ce texte en commission. Je sais d’ailleurs que vous êtes d’accord avec nous, Monsieur Bataille. Cette proposition de loi permet de donner le libre choix au consommateur. Vous ne vous y êtes pas opposé en commission – je vous ai simplement entendu parler de 2010. Nous avons le même objectif : la protection du consommateur. Pourquoi donc renvoyer ce texte en commission ? Il est urgent, au contraire, de le voter, avec l’amendement adopté ce matin sur la réversibilité – auquel vous ne vous êtes pas davantage opposé. Compte tenu de l’urgence qui s’attache à ce texte, nous souhaitons qu’il soit appliqué dès janvier. Vous nous avez indiqué que vous faisiez tout pour qu’il soit adopté avant Noël, Monsieur le ministre. Il y a urgence à voter ce soir pour défendre le consommateur !

M. Jean Dionis du Séjour – Nous respectons en Christian Bataille un expert, et son discours sur l’Europe de l’énergie nous intéresse. Avec Claude Birraux, il a fait l’ouverture avant l’heure sur le nucléaire. Malheureusement, il n’aime ni les libéraux ni la concurrence. Le discours qu’il nous sert ce soir est donc un peu usé : la concurrence serait à l’origine de la hausse des prix. Voilà un bel amalgame ! Car ce qui crée la hausse des prix, c’est le déséquilibre entre l’offre et la demande sur ce marché – nous sommes entrés dans une période de rareté.

Notre collègue ne nous a pas convaincus sur la réversibilité totale. Il était si préoccupé par de prétendus « pique-assiette » qu’il en a oublié le cœur du sujet : les consommateurs.

M. Christian Bataille – Je peux citer des noms : Direct Energie, Poweo…

M. Jean Dionis du Séjour – Ce n’est pas notre cas, et nous ne voterons donc pas le renvoi en commission.

M. François Brottes – Je remercie Christian Bataille de nous avoir ramenés à l’essentiel. Les prix et les tarifs sont un élément du débat, mais ils ne peuvent être le seul.

Quel est le contexte ? Vous essayez de rassurer les consommateurs, les uns en disant que la concurrence va résoudre toutes les difficultés – c’est M. Dionis du Séjour –, les autres en maintenant un tarif réglementé. En réalité, c’est son hypocrisie que nous reprochons à votre initiative. L’augmentation du prix de l’énergie est posée comme un postulat contre lequel on ne pourrait rien faire. Ce n’est pas ce que nous pensons. Vous organisez entre GDF et EDF une guerre fratricide qui va pénaliser les consommateurs. C’est en effet une augmentation mécanique des prix du marché comme des prix réglementés qui nous attend.

Il est vrai qu’il y a des pique-assiette, des coucous – ces oiseaux qui pondent dans le nid des autres. Tandis que des opérateurs comme EDF et GDF investissent et organisent le territoire en termes d’infrastructures, ceux qui arrivent préfèrent acheter en gros et revendre au détail. Ce faisant, ils ne prennent aucun autre risque que celui de casser les prix, de proposer une tarification à laquelle les consommateurs n’entendront goutte et ainsi de fragiliser le dispositif dans son entièreté. Notre collègue Christian Bataille l’a fort bien dit, notre devoir est d’alerter sur les mécanismes à l’œuvre. C’est ce qui justifie cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Daniel Paul – Je le redis, la concurrence a provoqué la hausse des prix (M. Dionis du Séjour proteste). Puisque vous persistez à en douter, relisez donc les courriers reçus de la Commission européenne au moment du débat sur la privatisation de GDF, ils le démontrent de manière limpide. La Commission y explique qu’un opérateur entrant sur le marché de l’énergie n’est pas en mesure de concurrencer les opérateurs historiques puisqu’il doit ajouter à ses coûts de revient le montant des dividendes attendu par ses actionnaires. Bref, pour que la concurrence joue à plein, les prix doivent commencer par monter !

Nous pensons, comme Christian Bataille, qu’une politique européenne de l’énergie est nécessaire car il en va de la sécurité énergétique du continent, qui relève de la responsabilité publique, celle des États et de l’Union. L’un des objectifs de cette politique doit être de parvenir à ce que tous les États européens soient autosuffisants car il est trop facile de refuser certains équipements sur son territoire puis d’aller se servir chez son voisin – c’est pourtant ce que font certains de nos voisins, qui ne veulent pas d’installations nucléaires sur leur sol.

Nous considérons encore que nous devons constituer autour des deux champions que sont EDF et GDF un dispositif regroupant Suez et Total, car toutes ces entreprises ont vocation à travailler en symbiose, dans la diversité de leurs statuts.

S’agissant de la formation des tarifs, il y a tout lieu de s’interroger sur le silence assourdissant maintenu par GDF qui, en deux ans, a multiplié par 2,5 le montant des dividendes servis à ses actionnaires – passés de 420 millions en 2004 à 1 100 millions en 2006 – et qui, dans un récent communiqué publié conjointement avec Suez, a promis de les augmenter encore de moitié en cinq ans ! Manifestement, plutôt qu’aux consommateurs, la priorité absolue est donnée à la satisfaction des actionnaires, dont le premier est l’État.

M. François Brottes – Un État-actionnaire schizophrène !

M. Daniel Paul – Un État qui, étant donné ses difficultés budgétaires, exige une rentabilité maximale. De toute évidence, il y a largement matière au renvoi du texte en commission car se limiter à appréhender d’aussi vastes problèmes par le seul biais de la réversibilité, aussi importante soit la question pour les consommateurs concernés, c’est les envisager par le petit bout de la lorgnette, loin, très loin des enjeux véritables (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

La motion de renvoi en commission, mis aux voix, n'est pas adoptée.

M. François Brottes – Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe afin d’examiner les derniers amendements déposés.

La séance, suspendue mercredi 12 décembre à 0 heure 35, est reprise à 0 heure 50.

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Daniel Paul – À chaque débat sur l’énergie, nous proposons un amendement semblable à celui que je défends ce soir, tant le sujet requiert mieux que le simple rapport sur l’évolution du secteur après ouverture à la concurrence que nous a proposé le rapporteur. Rares sont ceux parmi nous qui croient encore aux bienfaits de cette libéralisation, et les expériences européennes nous donnent raison. Ainsi, le Conseil d’État vient d’annuler l’arrêté qui gelait la hausse des tarifs du gaz, – sur requête présentée non par EDF mais par Poweo. Et pour cause : le maintien de tarifs régulés modérés gêne la concurrence. Les nouveaux entrants, en effet, n’avaient pas hésité à imposer à leurs clients une hausse vertigineuse des prix après leur avoir promis des offres alléchantes.

Dès lors, on comprend que les consommateurs refusent de quitter le tarif régulé. Afin de les inciter à la confiance envers le marché libre, il faudrait donc casser celle qu’ils ont envers les tarifs régulés en les augmentant. Poweo n’avait pas d’autre intention en demandant l’annulation du gel des tarifs du gaz. Or, ces nouveaux opérateurs sont motivés par la rentabilité avant tout, tandis que les bénéfices d’EDF sont réinvestis dans la modération tarifaire, l’emploi ou encore la sûreté des installations.

Par l’amendement 12, nous proposons que le Gouvernement remette avant le 1er juillet 2010 un rapport au Parlement concernant l’évolution des tarifs et l’emploi dans le secteur énergétique depuis l’ouverture à la concurrence. Ce secteur est, en effet, curieusement, le seul à ne pas faire l’objet d’une évaluation des politiques publiques. Nous avons pourtant besoin d’un arrêt sur images afin d’examiner la pertinence de cette évolution, en France comme en Europe.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Avis défavorable, puisque la loi de 2006 prévoit déjà la remise d’un rapport d’étape à l’issue de la période transitoire. Par ailleurs, une évaluation aura forcément lieu avant le 1er juillet 2010. Je vous invite donc à retirer cet amendement déjà satisfait.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Même avis.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Christian Bataille – Cet article fondamental est assorti d’un amendement très contestable sur la réversibilité, qui n’aura aucun impact sur le pouvoir d’achat des clients résidentiels, non plus que sur la concurrence. En revanche, il amènerait les concurrents d’EDF non producteurs à demander un approvisionnement en électricité nucléaire à des prix inférieurs à ceux du marché. Ce serait un désastre pour EDF, qui a besoin de faire des bénéfices et ne peut se permettre de céder son électricité en deçà des prix du marché. L’article est contestable en l’état ; il deviendrait inacceptable si cet amendement était voté.

M. Frédéric Lefebvre – L’amendement 11 rectifié est essentiel, puisqu’il tend à instaurer la réversibilité totale. M. Bataille ne doit plus avoir de contact depuis longtemps avec les associations de consommateurs, pour nous dire que cette mesure n’aurait d’effet ni sur les prix ni sur la concurrence. C’est tout le contraire ! Or, n’est-il pas de notre devoir de défendre les consommateurs, a fortiori quand l’énergie coûte cher ?

Depuis deux ans, l’irréversibilité, ce principe absurde qui empêche le consommateur de revenir sur son choix d’opérateur, est gravé dans le marbre. À cette interdiction s’ajoute une grande complexité, puisqu’un locataire de logement ancien doit subir le choix de son prédécesseur.

Je rends hommage aux auteurs de la proposition de loi, notamment M. Poniatowski au Sénat et M. Ollier à l’Assemblée.

Le moment est important : il s’agit de faire un geste en direction des consommateurs. Jean Dionis du Séjour s’est engagé depuis le début dans ce débat, avec le talent et la ténacité qu’on lui connaît, et le groupe de travail sur le pouvoir d’achat de l’UMP s’est penché sur la question. Nous avons entendu l’appel des associations de consommateurs. Il est vrai que leurs arguments se comprennent : si ERD, la filiale de distribution d’EDF, n’a enregistré que 3 500 demandes de changement de fournisseur entre le 1er juillet et le 1er septembre, il est clair qu’il faut réagir !

Au nom de l’Europe, on a figé l’irréversibilité. Mais on peut aussi au nom de l’Europe donner la liberté de choisir, car le groupe des régulateurs européens a noté que nous sommes le seul pays, parmi ceux où coexistent tarifs réglementés et marché, à ne pas autoriser la réversibilité pour les petits clients. Nous sommes généralement heureux de défendre l’exception française, mais en l’occurrence elle paraît contraire aux intérêts même de nos concitoyens. En leur donnant le droit de choisir, l’UMP veut en effet rendre du pouvoir d’achat aux Français. Il est un autre secteur où la réversibilité s’applique parfaitement : celui de l’Internet.

M. Daniel Paul – Cela ne marche pas de la même manière !

M. Fréderic Lefebvre – Je sais que le système des marché est difficile à comprendre pour vous… (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Brottes – Quand on confond les télécoms et l’énergie, on n’a pas tout compris non plus !

M. Fréderic Lefebvre – … mais lorsqu’on a été un client de Free, on peut revenir à France Télécom sans le moindre problème : c’est cela, la réversibilité.

Plusieurs députés du groupe SRC – Cela n’a rien à voir !

M. Fréderic Lefebvre – À vous entendre, les associations de consommateurs n’auraient rien compris, et vous si ! Pour notre part, nous essayons de redonner du pouvoir d’achat aux Français, ce qui implique de jouer sur les revenus, mais aussi de faire baisser les prix.

Je suis heureux de faire œuvre commune avec Jean Dionis du Séjour, dont le sous-amendement 14 vise à faire apparaître la date butoir de 2010 dans ma rédaction, ce qui lui donne beaucoup plus de sécurité au plan constitutionnel. Le plus important, hors cet argument de la date butoir, est cette volonté presque globale de redonner la possibilité aux consommateurs de revenir s’ils le souhaitent vers les tarifs réglementés. L’occasion nous est donnée ce soir d’envoyer un signal très fort aux Français. Il est important de le faire.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – L’amendement 13 de la commission est issu d’une longue réflexion. On entend depuis des heures des débats purement idéologiques ((Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) qui ne servent qu’à cacher le grand trouble des socialistes et des communistes sur le sujet, et tendent à nous éloigner de la voie que nous avons choisie. Mais la raison d’être de cette proposition de loi est de répondre à une préoccupation importante des consommateurs, et de les protéger.

Nous proposons la réversibilité totale. La solution du couple site/personne avait été envisagée, qui permet, en cas de changement de logement, de revenir aux tarifs régulés, ou de n’être pas lié par la décision de son prédécesseur. Mais ce système est assez compliqué et peu lisible, alors que les consommateurs réclament de la clarté. Le plus clair c’est la réversibilité totale, qui permet de retourner vers son opérateur après l’avoir quitté.

Ce dispositif ne s’appliquerait cependant qu’aux usagers domestiques de l’électricité et, surtout, il comporterait deux conditions de durée. La première, c’est que le retour au tarif régulé ne peut avoir lieu avant six mois, afin d’éviter des allers-retours qui créeraient une extrême confusion. Ce délai n’est pas sans inconvénients, puisque certains pourraient être tentés de choisir le marché pour les mois d’été et de se réfugier derrière les tarifs régulés pendant l’hiver. Un délai d’un an eût sans doute été préférable, mais il n’était pas compatible avec la date butoir de 2010, si bien que six mois semblent somme toute une durée assez pertinente.

Seconde condition : la demande doit être faite avant le 1er juillet 2010. On a entendu tant de choses à ce sujet, dont certaines relèvent du fantasme – nous serions, pour certains, aux ordres de Bruxelles ! – qu’il est nécessaire de rappeler ce qu’il en est. La décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2006 créant un quasi-vide juridique, nous avons décidé de permettre par la loi d’accéder aux tarifs régulés au-delà du 1er juillet 2007 pour les nouveaux sites, qu’il s’agisse d’une maison qui se construit ou d’une entreprise qui ouvre. L’interdire n’était en effet pas acceptable. Cette disposition a été prise dans la loi Borloo sur le logement social de 2006, et ouvrait cette faculté jusqu’au 1er juillet 2010 : c’est la première fois que la date était évoquée. Dans un premier temps, j’avais demandé que cette disposition s’applique pendant cinq ans, mais cela aurait conduit à rouvrir le débat juste avant les élections de 2012. Le 1er juillet 2010 paraissait le meilleur compromis, et je porte l’entière responsabilité du choix de cette date… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Brottes – On voit que c’est très réfléchi !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – …qui a été reprise à chaque fois qu’un délai a été évoqué.

M. Daniel Paul – L’histoire est belle !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – En tout état de cause, une date butoir est indispensable. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a été saisi par les socialistes, et que c’est à cause de ce recours que nous discutons de cette proposition de loi… ((Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. François Brottes – Plutôt parce que vous avez privatisé GDF !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Nous sommes en tout état de cause obligés de réparer les dégâts provoqués pour les consommateurs par ce recours. Le texte de 2006 ne prévoyait en effet pas de terme au maintien des tarifs réglementés, contrairement au tarif transitoire de retour – et c’est ce qui a sauvé le TARTAM ! Car le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions que nous avions prises ne se bornaient pas à appliquer les tarifs réglementés aux contrats en cours, mais imposaient aux opérateurs historiques et à eux seuls des obligations tarifaires permanentes. Voilà pourquoi ne pas mettre de date fait courir un grand risque de censure – et c’est pourquoi je pense que l’argumentation de la gauche qui vise à enlever la date butoir relève plus du piège que d’autre chose.

Que ferons-nous au 1er juillet 2010 ? Nous observerons comment les tarifs évoluent pour adapter les dispositions. Que décidera la Commission européenne ? Elle n’est pas contre les tarifs, s’ils sont encadrés. Comment évolueront les prix de l’énergie, la politique des entreprises ? Nous ne le savons pas. D’ici là, nous réfléchirons aux dispositions à prendre pour répondre aux préoccupations des consommateurs et à cette exigence du Président de la République, de rendre aux Français une partie de la rente nucléaire.

M. François Brottes – Il a dit qu’il ne fallait pas privatiser EDF !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Ils peuvent en bénéficier en partie sur leur facture. L’UFC que choisir a développé cette idée.

M. François Brottes – Alors, faites-le !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Il faut un peu de temps pour y travailler. C’est ce que nous ferons d’ici 2010.

L’amendement 11 rectifié de M. Lefebvre ne comportait pas de date. Le sous-amendement 14 de M. Dionis du Séjour en fixe une. Dès lors, leur proposition rejoint celle de la commission, qui n’avait pu accepter l’amendement 11 rectifié avant sa modification. Je propose donc à M. Lefebvre et à M. Dionis du Séjour de se rallier à l’amendement 13.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Si l’ouverture du marché de l’énergie ne fonctionne pas, c’est parce que les consommateurs ne sont pas tentés de quitter l’opérateur historique sans possibilité de retour. La proposition de loi améliore la lisibilité du dispositif en ce qui concerne les logements, et l’amendement de la commission le rend meilleur encore. La majorité, grâce à Frédéric Lefebvre pour l’UMP, qui a travaillé sur le pouvoir d’achat, et à Jean Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, a apporté sa contribution.

L’amendement de la commission apporte aux consommateurs une garantie qui permet de faire jouer librement la concurrence. Il va dans le sens de l’ouverture préconisée par Bruxelles et prend en compte les conclusions du Conseil constitutionnel en introduisant la date de 2010, un délai de six mois évitant les allers-retours abusifs.

Le Gouvernement a été sensible à l’appel des associations de consommateurs, qui étaient réservées au départ sur l’ouverture au marché, mais qui, avec la réversibilité totale, pourraient inciter les consommateurs à faire jouer la concurrence à leur profit. Pour une facture de 1 000 euros d’électricité par an, trouver une offre de 10 % moins chère ferait gagner 100 euros de pouvoir d’achat. Cet amendement contribue donc à une ouverture du marché effective et qui sert les consommateurs. Le Gouvernement ne peut qu’y être favorable.

M. Jean Dionis du Séjour – La loi actuelle interdit la réversibilité sur un même site, la proposition du Sénat la permet partiellement. Le Nouveau Centre, lui, est en faveur de la réversibilité totale, ne serait-ce que parce que la réversibilité partielle serait facilement contournée. Que 6 000 foyers seulement aient saisi la possibilité de changer d’opérateur est regrettable car la concurrence est susceptible de faire baisser les prix et progresser le pouvoir d’achat.

Puisque la commission a présenté un amendement mieux cadré, je m’y rallie volontiers, et retire mon sous-amendement 14.

M. Jean Gaubert – D’abord, Monsieur le rapporteur, cessez de nous reprocher d’avoir saisi le Conseil constitutionnel sur la loi de privatisation de GDF, car ce n’est pas sur ce sujet que nous l’avons fait. Assez de mauvaise foi !

Oui, Monsieur Lefebvre, il faut écouter les consommateurs : nous avons passé sept séances à le dire au ministre à propos de son projet de loi sur la consommation ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Les écouter, ç’eût été, par exemple, mettre en place l’action de groupe mais vous ne l’avez pas voulu.

M. Frédéric Lefebvre – Chaque chose en son temps !

M. Jean Gaubert – Aujourd’hui, la meilleure façon de leur rendre service, ce serait de diminuer les tarifs du gaz et de l’électricité, car les bénéfices d’EDF et de GDF le permettent.

M. Lionnel Luca – Et les investissements ?

M. Jean Gaubert – Si vous ne voulez pas le faire, c’est pour deux raisons. D’abord, cela ne permettrait pas aux amis de Direct Energie et de Poweo de venir sur le marché. Or ce que vous voulez, ce n’est pas que le consommateur y gagne, mais que certains petits copains puissent venir sur le marché ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Lionnel Luca – C’est médiocre !

M. Jean Gaubert – C’est la vérité. Et deuxièmement, moins de profits pour EDF et GDF, c’est moins de dividendes pour l’État, alors que le budget en a bien besoin.

On va donc donner aux consommateurs le droit d’aller voir ailleurs si c’est mieux, Mais si c’est si formidable ailleurs, pourquoi ce droit de retour ? Ce sera plus cher, ils reviendront, et ce n’est pas comme cela qu’ils auront gagné du pouvoir d’achat. Si vous voulez leur en redonner, faites baisser les prix de l’électricité et du gaz !

M. Jean Dionis du Séjour – Encore un contresens comparable aux 35 heures !

M. François Brottes – M. Lefebvre affirme que nous sommes les seuls en Europe à avoir un système aussi rigide, mais le ministre dit que nous sommes les meilleurs et les moins chers. Alors, puisque vous vous présentez comme les défenseurs des consommateurs, pourquoi vouloir remplacer ce système par un autre qui fera augmenter les prix ?

La bonne solution, selon nous est de maintenir de grandes entreprises publiques de l’énergie, dont les bénéfices seront réinvestis et non distribués à tout va. Avec respectivement 5 milliards et 3 milliards de bénéfices, EDF et GDF peuvent faire un geste en faveur du consommateur. Mais ce n’est pas votre logique : vous proposez « l’île de la tentation » (Sourires). Le ministre l’a reconnu lui-même en affirmant que les consommateurs n’étaient pas « tentés » de se tourner vers la concurrence.

En somme, la réversibilité totale telle que le texte la propose est à l’énergie ce que le crédit « revolving » est au crédit :…

M. Jean Gaubert – Eh oui !

M. François Brottes – C’est si séduisant qu’on se laisse tenter – avant de le regretter…

M. Patrice Calméjane – C’est du socialisme que vous parlez ?

M. François Brottes – À entendre le ministre, on croirait presque que le délai de six mois, comme l’échéance de 2010, a été déterminé en vertu de critères scientifiques et non, comme le rapporteur l’a lui-même reconnu, « au doigt mouillé » !

M. Jean Dionis du Séjour – Mais non, c’est une question de bon sens !

M. François Brottes – « Tu as choisi d’aller voir la concurrence ? Tu y resteras six mois ! », dites-vous en somme au consommateur ; Mais, dans l’intervalle, les prix, qui ne bénéficieront plus de la stabilité propre aux tarifs réglementés, auront changé, et les déçus remâcheront leurs regrets pendant six mois ! Et en refusant d’imposer, systématiquement, la même obligation pour quitter le tarif réglementé, vous faites tout pour en entraîner la disparition.

En outre, contrairement à ce que le rapporteur a affirmé, changer de tarif ne revient pas nécessairement à changer d’opérateur puisque les opérateurs historiques gèrent à la fois les tarifs réglementés et les prix. Comment le consommateur s’orientera-t-il ? On est loin de votre proposition initiale, qui protégeait le consommateur en lui permettant de revenir au tarif réglementé, et dont nous ne souhaitions supprimer que l’échéance de 2010. Nous voterons donc contre ces amendements.

M. Daniel Paul – Au début du mois d’août, M. Beigbeder, P-DG de Poweo, m’a rendu visite pour tenter de me convaincre du bien-fondé de son projet de port méthanier dans la région du Havre, abondamment débattu – de fait, la France comptera bientôt davantage de ports méthaniers que de ports à conteneurs et les gazoducs approvisionneront non seulement notre territoire, mais aussi et surtout celui de nos voisins. Il m’a alors fait part de son enthousiasme pour la réversibilité totale, qui, en élargissant le marché, entraînerait une hausse des tarifs permettant à son entreprise d’investir !

En 2010, Monsieur le président de la commission, les tarifs auront en effet considérablement augmenté. En 2004, les nouveaux entrants avaient brièvement pratiqué des prix inférieurs aux tarifs avant de les augmenter une fois le poisson ferré ; cette fois, l’augmentation des tarifs et le maintien des nouveaux entrants à un niveau légèrement inférieur qui n’empêchera pas la rentabilité conduira à une hausse globale des prix. Ainsi, en 2010, en 2011 ou encore en 2012, après l’élection présidentielle, on pourra supprimer des tarifs réglementés qui n’auront plus de raison d’être !

Ainsi, les associations de consommateurs ont été dupes des discours qui leur vantaient les mérites de la concurrence. Mais ce secteur n’a rien à voir avec celui des télécommunications, Monsieur Lefebvre : on ne peut stocker l’énergie dans un magasin comme des appareils téléphoniques, on ne peut produire que ce que l’on vend et on ne peut vendre que ce que l’on a produit !

M. François Brottes – Absolument !

M. Daniel Paul – Comme l’a rappelé M. Brottes, si les tarifs d’EDF et de GDF sont trop bas, pourquoi ces entreprises afficheraient-elles des résultats mirobolants – non à l’étranger, comme Total, que vous vous plaisez à invoquer, mais bien, pour l’essentiel, en France ? Pourquoi le cours de l’action EDF est-il passé de 31 à un peu plus de 80 euros ? Pourquoi GDF promet-il à ses actionnaires une augmentation de bénéfices de 50 % au cours des trois années à venir ? En réalité, vous participez à une opération d’augmentation des tarifs visant à les rendre tous rentables et à introduire la concurrence au détriment du consommateur ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. François Brottes – Cochons de payants !

M. Frédéric Lefebvre – Prétendre défendre les consommateurs tout en donnant tort à leurs associations : quelle gymnastique ! La concurrence entraîne la hausse des prix, c’est bien connu…

M. Jean Gaubert – Ce n’est pas une fable, mais la réalité !

M. Frédéric Lefebvre – En réalité, vous avez perdu tout contact avec les associations de consommateurs (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Daniel Paul – Arrêtez !

M. Fréderic Lefebvre – Pour ma part, j’accepte de cosigner avec M. Dionis du Séjour l’amendement de la commission, et de retirer, donc, l’amendement 11 rectifié. La réversibilité totale, que toutes les associations de consommateurs appellent de leurs vœux, le mérite.

L’amendement 11 rectifié et le sous-amendement 14 sont retirés.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 1, 6 et 10 tombent.

L’article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Daniel Paul – L’amendement 3 propose de supprimer la référence à la date du 1er juillet 2010, qui sonnerait le glas des tarifs régulés, condition nécessaire, sinon suffisante, de l’égalité de traitement entre les usagers du service de l’électricité, ainsi protégés de la volatilité et de la hausse trop brutale des tarifs. La manière dont le rapporteur a justifié le choix de cette date n’était guère convaincante. Ne s’agit-il pas plutôt d’augmenter les prix afin de satisfaire les opérateurs et la Commission européenne, de plus en plus vouée à lever les obstacles au plein épanouissement du marché ? Le système tarifaire régulé, lui, tenait compte de l’intérêt du consommateur dans tous ses aspects, tant individuels que collectifs.

La formule retenant l’évolution des coûts d’approvisionnement et d’acheminement du gaz, dont la diminution était répercutée pour moitié sur le tarif, ainsi que les dépenses liées à la sécurité des installations, a été modifiée dans le contrat entre l’État et GDF pour la période 2001-2003 ; ce ne sont plus les coûts d’approvisionnement réel qui sont répercutés, mais l’évolution d’une formule modélisée, basée sur les indices pétroliers. Toutefois, le principe d’indexation sur les coûts d’approvisionnement n’a pas perdu de sa pertinence. C’est pourquoi nous défendons l’existence de tarifs réglementés, dont le contrôle pourrait d’ailleurs être rendu aux représentants des salariés et aux associations d’élus et de consommateurs. Nous demandons également à connaître les formules d’ajustement des tarifs, chose que même le conseil d’administration de GDF ignore, ce qui, pour une entreprise publique, est un peu fort de café !

M. François Brottes – L’amendement 7 est identique. L’intention du Gouvernement est d’augmenter les tarifs réglementés, puisqu’il est écrit, page 9 du contrat de service public du gaz, que « l’État et Gaz de France conviennent de rechercher, à l’occasion de chaque mouvement tarifaire, la convergence entre les tarifs et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de client, dont les ménages ».

Tout à l’heure, Monsieur le ministre, vous m’avez indiqué que le futur contrat de service public était en préparation. Merci de cette réponse ; toutefois, le 31 décembre 2007 arrive bientôt (Sourires), et nous n’avons aucune indication de ce que sera la doctrine après cette date, concernant les tarifs. D’où l’intérêt de ne pas définir des dates butoir trop rapprochées. En outre, la décision du Conseil d’État rendue hier sur le gel des tarifs va vous amener à augmenter sensiblement, dès janvier peut-être, les tarifs du gaz, quand bien même GDF réalise déjà de gros bénéfices. C’est un véritable marché de dupes que vous proposez aux consommateurs !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – La proposition de loi dispose que la possibilité de revenir au tarif est liée à un changement de résidence ou de site. Les tarifs ne vont pas disparaître en 2010 ; il s’agit, à cette date, d’une simple clause de rendez-vous. À ceux qui ricanent aujourd’hui à propos de ce délai, je rappelle que l'Assemblée nationale l’a voté à l’unanimité le 21 février dernier. Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Je tiens à rassurer M. Brottes : le Gouvernement prépare le renouvellement du contrat de service public du gaz. Du reste, le présent contrat court jusqu’à juin 2008, en raison des retards pris dans son élaboration ; l’échéance n’est donc pas aussi rapprochée qu’il le pense.

Sur les amendements, j’émets un avis défavorable. Je trouve curieux que vous alliez à l’encontre d’une décision du Conseil constitutionnel après l’avoir vous-mêmes saisi.

M. Jean Gaubert – Ne recommencez pas !

M. Luc Chatel, secrétaire d’État En outre, la date introduite par la loi relative au droit au logement opposable a été votée par l’ensemble de cette assemblée ; la date de juillet 2010 est cohérente.

Les amendements 3 et 7, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Daniel Paul – L’amendement 5 vise à soumettre les grands opérateurs du secteur énergétique à des obligations de service public. Ils devront ainsi élaborer de véritables contrats de service public comportant des obligations de tarifs et de péréquation sur le territoire, comme l’exige la loi relative au service public de l’électricité et du gaz. Il s’agit d’un garde-fou contre les hausses abusives de prix que risquent d’imposer les distributeurs aux clients domestiques, qui ne sont pas protégés actuellement contre un tel risque.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Avis défavorable. L’obligation de service public relève de la loi et non du contrat.

L'amendement 5, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul – L’amendement 2 est défendu.

L'amendement 2, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3

M. Daniel Paul – L’amendement 5 est défendu.

L'amendement 5, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 8 est également défendu.

L'amendement 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. François Brottes – Pour les entreprises qui étaient sorties de manière précipitée du tarif et avaient vu leurs factures d’électricité doubler, conduisant à des drames, un tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché avait été instauré, auquel M. Lenoir avait voulu que fût fixée une date limite. Or, nous ne sommes plus très loin à présent de la disparition de ce tarif ! L’amendement 9 entend donc donner la possibilité à M. Lenoir de prolonger le TARTAM et de pérenniser ainsi un système permettant aux industriels de revenir de leur mauvaise fortune.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – L’heure tardive ne m’empêche pas d’apprécier la gymnastique à laquelle se livre M. Brottes. Le TARTAM avait été sauvé de la noyade parce que nous l’avions assorti d’une date limite de deux ans, qui le rendait acceptable par le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, notre collègue souhaite couler le TARTAM.

M. François Brottes – Nous proposons au contraire de le maintenir à flot !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – Le TARTAM a été créé par notre majorité, avec l’accord du Gouvernement, pour sauver des entreprises qui avaient choisi de quitter le tarif en vertu de la loi de 2000, laquelle ne prévoyait aucun filet de sécurité.

M. Yves Albarello – Eh oui !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur – J’appelle l’attention de nos collègues de l’opposition sur la responsabilité qu’ils ont dans cette affaire.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État Avis défavorable. Un rapport d’évaluation du TARTAM doit être rendu fin 2008 ou début 2009. Nous pourrons décider sur cette base de ce qu’il doit advenir du dispositif.

M. François Brottes – Puisqu’il y a une clause de rendez-vous et que la porte n’est pas fermée pour la prolongation du TARTAM, je retire l’amendement. Je rappelle tout de même que le groupement d’achat pour les entreprises électro-intensives, voté à l’initiative de M. Michel Bouvard, n’est toujours pas entré en vigueur.

L'amendement 9 est retiré.

L'ensemble de la proposition de loi, mise aux voix, est adoptée.

Prochaine séance aujourd’hui, à 15 heures.

La séance est levée à 2 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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