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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 16 janvier 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
101ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

STATUT DE LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE EUROPÉENNE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la mise en œuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – La France, dont les coopératives pèsent au niveau européen, a joué un rôle moteur dans l’adoption des directives que ce texte important vise à transposer. Et, puisque nous préparons la prochaine présidence de l’Union, rappelons-nous que c’est sous la dernière présidence française, lors du sommet de Nice en 2000, que fut institué le statut de la société coopérative européenne.

Le présent projet de loi a pour objet de transposer en droit français deux directives européennes de 2002 et 2003, la première relative à l’implication des travailleurs dans la société coopérative européenne et la seconde à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur.

Nos coopératives, quelle que soit leur taille, agissent dans tous les secteurs de l’économie. Créées par des consommateurs, des salariés ou encore des producteurs ou travailleurs indépendants, elles sont l’expression de la solidarité, de la responsabilité personnelle et collective, mais aussi d’un fonctionnement égalitaire et démocratique dont les racines remontent au XIXème siècle et que la loi de 1947 a institutionnalisé. D’ailleurs, le statut de coopérative d’intérêt collectif, créé en 2001, illustre la vitalité de cette forme d’entreprise.

En France, plus de dix millions de personnes adhèrent à une ou plusieurs sociétés coopératives dans des secteurs aussi variés que l’agriculture, la banque, l’artisanat, le commerce, la pêche, le logement ou le transport routier. Les coopératives rassemblent 21 000 entreprises et 700 000 salariés pour un chiffre d’affaires qui dépasse 100 milliards.

Le Conseil des ministres de l’Union européenne a salué en 2002 l’efficacité et la modernité des coopératives en leur attribuant un statut légal.

M. Michel Piron – Il a eu raison !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État C’est ce statut que nous vous proposons de transposer aujourd’hui. La SCE permettra aux coopératives d’exercer leurs activités dans l’ensemble du marché intérieur au sein d’une seule et même structure avec une personnalité juridique et une réglementation uniques. Elles n’auront désormais plus besoin de créer des filiales pour opérer dans un autre pays membre.

Ce projet de loi fixe également les règles d’information, de consultation et de participation des salariés au sein de la SCE. Il permettra à nos coopératives de mieux s’adapter au statut commun tout en conservant leurs spécificités historiques. Par ailleurs, le Conseil des ministres sera bientôt saisi d’un projet de loi relatif au droit des sociétés qui rendra pleinement applicables les dispositions européennes en matière de constitution de SCE.

Le présent texte respecte scrupuleusement une directive qui, il est vrai, ne nous laisse qu’une faible marge de manœuvre. La France pourra ainsi accueillir des projets qui sont d’ordinaire réalisés dans d’autres pays où les textes européens sont déjà en vigueur.

Ce texte transpose également la directive du 23 septembre 2002 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, qui précise les règles de paiement des créances impayées détenues par les employés d’une entreprise. Le droit des procédures collectives doit en effet s’adapter au caractère souvent transnational de l’activité des entreprises. Leur insolvabilité a souvent d’importantes conséquences économiques et sociales ; il faut donc simplifier les procédures au bénéfice de tous, à commencer par les salariés. Le système datant des années 1980, incomplet, fut modifié par la directive de 2002 dont nous souhaitons aujourd’hui transposer les articles 8 bis et 8 ter. Elle dispose notamment qu’en cas de faillite, c’est l’État membre sur le territoire duquel le salarié exerce qui doit garantir les créances salariales impayées. Cette disposition, reprenant la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, renforce la sécurité des salariés et assure un traitement plus rapide des dossiers, en évitant aux salariés de devoir recourir au juge communautaire. Certaines de ces procédures, en effet, n’aboutissaient qu’au bout de trois ans…

Ce sont ces situations que clarifie le texte. Désormais, il reviendra au syndic ou à l’équivalent du mandataire ou du liquidateur judiciaire d’établir un relevé de créances et de le transmettre à l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés – l’AGS. Au vu de ce « bon à payer », celle-ci avancera les sommes dues aux salariés dans les huit jours et prendra dès lors le rang de créancier. Cette avance directe est due à un amendement du Sénat qui a trouvé la procédure en vigueur trop lourde – les fonds transitent habituellement par le mandataire ou le liquidateur. Cette accélération de la procédure vaudra naturellement pour les mandataires et liquidateurs français, qui devront immédiatement reverser au salarié les sommes qu’ils auront perçues d’un homologue européen de l’AGS.

Enfin, ce projet de loi permettra l’échange d’informations entre organismes de garantie. Dans sa version initiale, il prévoyait que l’AGS réponde à toute demande concernant les procédures collectives, les règles de licenciement et les organismes sociaux, mais le Sénat a préféré restreindre sa compétence à son « cœur de métier ». Depuis 2002, l’AGS a versé 4,5 millions à près de sept cents salariés, mais la procédure était aléatoire, longue et souvent coûteuse. Ce texte la modernise.

Sous une apparence technique, ce projet de loi garantira donc leurs droits à tous les salariés en cas de défaillance de l’employeur. C’est un pas de plus sur le chemin de l’Europe sociale. Ce n’est qu’en améliorant la protection des salariés que l’on encouragera la mobilité de la main d’œuvre et le développement de nos entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. François Sauvadet – Très bien !

M. Daniel Fasquelle, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Je me réjouis que ces deux directives, relatives à l’implication des travailleurs dans la SCE pour l’une et, pour l’autre, à la protection des salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, soient introduites dans notre droit. Souhaitons qu’à l’avenir, la France soit plus exigeante s’agissant des délais de transposition… Peut-être ce texte est-il trop complexe, mais n’est-ce pas la rançon d’un rapprochement réussi entre les différents points de vue européens en matière sociale ? Certains s’étonneront peut-être d’examiner un seul texte pour transposer deux directives, et regretteront que cela ne contribue pas à susciter l’intérêt pour le droit communautaire, y compris dans cet hémicycle. Le texte ne manque pas pour autant de cohérence : il traite de la naissance, de la vie et de la mort des sociétés et institue une nouvelle forme sociale de droit communautaire. Peut-être le droit européen pourra-t-il désormais s’attacher davantage aux difficultés qu’éprouvent les entreprises et à leurs conséquences sur les salariés.

Ce texte comporte trois volets. Le premier établit le cadre juridique de l’information, de la consultation et de la participation des salariés à la SCE. La transposition de la directive du 22 juillet 2003 qui en complète le statut est un motif de satisfaction pour le monde coopératif, bien qu’elle ait plus d’un an de retard. La France a d’ailleurs joué un rôle important dans son élaboration, compte tenu du poids de ses coopératives. J’ajoute que cette transposition coïncide avec le soixantième anniversaire de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. En France, 21 000 coopératives emploient 700 000 salariés, et dans l'Union européenne à Quinze, 300 000 coopératives employaient 2,3 millions de salariés.

La loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération assigne aux coopératives trois objectifs principaux : la réduction du prix de certains produits ou services ; l'amélioration de la qualité des produits ; la satisfaction des besoins et la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres ainsi que leur formation.

Le statut hétéroclite des coopératives constitue un obstacle à leur développement, d'où l'intérêt de la création de cette nouvelle forme de société coopérative européenne. Elle s'inspire largement de la société européenne, créée par un règlement du 8 octobre 2001, assorti d'une directive du même jour qui traite de l'implication des travailleurs. L’existence de deux instruments juridiques s'agissant de la société européenne comme de la société coopérative européenne tient à ce que, longtemps, la diversité des modes de représentation des travailleurs dans les différents États a constitué un point de blocage dans l'élaboration du statut de ces sociétés.

La directive du 22 juillet 2003 sur la coopérative européenne vise donc à assurer la protection des travailleurs en favorisant leur implication, et cela de façon assez novatrice. On entend par implication le fait qu'il y ait à la fois information, consultation et participation des salariés. Ses modalités sont déterminées par la négociation et le dialogue social avec un groupe spécial de négociation – GSN – représentant les salariés. Aux termes d'une procédure dont la complexité se justifie par la nécessité de trouver des compromis eu égard à la diversité des situations nationales, s’il y a accord, la SCE est immatriculée ; sinon le GSN peut décider d'appliquer la législation nationale, faute de quoi ce sont des dispositions « de référence » qui le sont. Le GSN peut aussi décider de ne pas engager de négociations et d'appliquer la réglementation en vigueur dans l'État où la SCE emploie des salariés.

Pour l’essentiel, la directive transposée reprend, de façon très proche, les termes de celle du 8 octobre 2001 sur l'implication des travailleurs dans la société européenne.

Par ailleurs, le volet juridique relatif aux règles de droit commercial applicables à la SCE est l'objet d'un autre projet de loi, déposé sur le bureau de notre Assemblée en novembre 2007.

Le Sénat a apporté un certain nombre de modifications rédactionnelles pour rendre le projet plus cohérent. Le texte qu’il nous transmet est convaincant. Néanmoins, on peut s’interroger sur la mise en œuvre de ces dispositions, en raison de leur complexité.

En second lieu, ce projet transpose la directive du 23 septembre 2002 modifiant celle du 20 octobre 1980 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, avec quelque retard, puisque le délai laissé aux États membres expirait au 8 octobre 2005.

Depuis 1974, l’AGS – assurance garantie des salaires – protège les salariés en cas de redressement ou de liquidation de leur entreprise. En 1980, une directive, inspirée du modèle français, a fixé un certain nombre de normes minimales applicables aux institutions de même nature dans les différents États membres. En 2002, elle a été complétée pour traiter des situations transnationales, c'est-à-dire des salariés dans un pays de l'Union dont l'employeur a son siège dans un autre : dans le cas d'une entreprise communautaire défaillante, c'est le lieu d'exercice du travail de chaque salarié qui détermine l'institution de garantie compétente et non la localisation de l'entreprise, ce qui correspond d'ailleurs à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes.

Le droit français étant l'un des plus protecteurs en Europe, la transposition de la directive n'a pas, dans notre pays, les mêmes conséquences que dans d'autres États. Reste que la transposition précise ou renforce les droits des travailleurs salariés ainsi que les obligations incombant à l'AGS. La garantie de celle-ci est étendue aux salariés transfrontaliers dans des conditions très proches du droit commun appliqué aux salariés des entreprises dont le siège se trouve en France.

Afin de prendre en compte les délais éventuellement plus longs dans des procédures étrangères, il est également prévu de couvrir les indemnités de licenciement dès lors que celui-ci a lieu dans les trois mois suivant le jugement arrêtant le plan de redressement ou de cession ou ordonnant la liquidation, ce qui est plus favorable que le droit commun. Par ailleurs, le Sénat a prévu par amendement que l'AGS versera directement les avances aux salariés, sans transiter par le syndic de l'employeur défaillant. Enfin, certaines obligations sont instituées en matière d'échanges d'informations entre institutions des États membres.

En troisième lieu, le projet tient compte d'un arrêt de la cour de justice des communautés européenne, comme l’a exposé Mme la ministre.

La commission a adopté le projet dans le texte du Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marc Vampa – Ce texte est une nouvelle étape dans la construction de l’Europe sociale, même s’il intervient tardivement, puisque les deux directives concernées auraient dû être transposées depuis octobre 2005 et août 2006. L’Europe sociale ne se décrète pas dans des bureaux bruxellois. C’est un objectif auquel les acteurs nationaux doivent donner corps, en recourant à des échanges transversaux.

Dans un marché du travail mondialisé, l’Europe est seule à même d’apporter une réponse cohérente. Ces directives, d’apparence technique, renforceront la sécurité des salariés.

La première directive définit l’implication des travailleurs dans la société coopérative européenne, dans le cadre du dialogue social, puisque les modalités en sont négociées entre les dirigeants et les représentants des salariés. À la demande de ces derniers, au bout de quatre ans, des négociations peuvent être rouvertes. Si elles échouent, est créé un organe de représentation des salariés qui sera consulté sur les questions relatives à la SCE qui ont un caractère transnational. Mais les représentants des salariés pourront également décider de s’en tenir à la réglementation relative à l’information et à la consultation des salariés de chaque État, une telle dérogation étant soumise à des conditions strictes de majorité.

La France a joué un rôle essentiel dans la promotion de ce modèle qui combine démocratie, responsabilité, solidarité et équité.

La coopérative donne à l’entreprise un visage humain. Cela explique son succès. Depuis l’adoption du statut en 1947, 21 000 coopératives, réunissant 700 000 salariés, ont été créées, avec plus de dix millions d’adhérents et un chiffre d’affaires excédant cent milliards ; en Europe, on compte 288 000 coopératives employant cinq millions de salariés, et 60 millions de sociétaires.

Aussi l’Union européenne leur a-t-elle donné en 2002 un statut européen qui leur permet de s’adapter aux transformations économiques au niveau pertinent, c’est-à-dire pour l’essentiel, régional. Ce texte, simplifiant les activités transnationales, permettra à des entreprises moyennes d’oser l’expansion en Europe.

Les coopératives sont créées par des salariés qui veulent partager la responsabilité de la direction d’une entreprise. Elles sont souvent issues du rassemblement de compétences et de moyens de producteurs soucieux de conserver leur autonomie.

D'autres, enfin, sont créées par des consommateurs de biens et de services. En France, les plus importantes sont des sociétés de crédit dont nous avons pu constater la pérennité, telles que le Crédit agricole, les Banques populaires ou les Caisses d'épargne et de prévoyance.

La seconde directive transposée apporte des garanties aux salariés des entreprises dont le siège social se situe dans un autre pays européen en cas de faillite : depuis 2002, près de 700 salariés en ont été victimes ; il était donc impératif de déterminer l'institution compétente pour payer les créances en lieu et place de l'employeur devenu insolvable, en l'occurrence l'AGS. Le Sénat a simplifié encore le système en supprimant le transit des sommes par le syndic de faillite situé dans le pays étranger. Le texte définit en outre les obligations de l'AGS en matière d'information des salariés.

Ce n'est pas en tournant le dos à l'Europe que nous construirons un modèle conforme à notre idéal. Au contraire, ces directives nous invitent à nous investir pour donner au projet européen le visage social et humain que nous défendons ; le groupe Nouveau centre votera en faveur de leur transposition.

Mme Chantal Brunel – Le groupe UMP se réjouit de l’inscription à notre ordre du jour de ce texte, sur lequel Mme la ministre et notre rapporteur ont déjà tout dit. Il s’agit de combler un retard, puisque l’une des deux directives aurait dû être transposée avant le 18 août 2006 et l'autre avant le 8 octobre 2005.

Si ces directives traitent de sujets différents, elles ont pour but commun de protéger les travailleurs.

La première complète le statut de la société coopérative européenne afin d'organiser les modalités d'implication des travailleurs dans sa gestion, c'est-à-dire les procédures d'information et de consultation des salariés, mais aussi l'éventuelle participation de leurs représentants aux organes dirigeants. Ce texte donne la priorité au dialogue social, puisqu'il dispose que les dirigeants de la coopérative négocient avec les représentants des salariés les modalités de leur implication dans la SCE. Il protège par diverses règles les formes de représentation des salariés préexistant à la constitution de la SCE.

En votant ce projet, nous allons faciliter le développement des coopératives à l'échelle européenne. Non seulement nous allons permettre aux coopératives françaises de développer leurs activités transnationales, mais nous allons encourager l’implantation dans notre pays de structures fondées sur des valeurs auxquelles nous tenons – la solidarité, la proximité et l'égalité.

La seconde directive vise à mieux garantir le paiement aux salariés de leurs salaires et indemnités lorsque l'employeur, installé dans un autre État membre, est devenu insolvable. En France, l'institution chargée d'apporter cette garantie est l'AGS, créée dès 1974 : notre pays a été une fois de plus à l'avant-garde de l'Europe sociale. La directive nous met dans l'obligation de préciser que les salariés d’une entreprise située à l'étranger n'ayant pas d'établissement en France voient leurs salaires garantis par l'AGS, dont le projet souligne également les obligations en matière d'échanges d'information. Étant donné les méandres administratifs dans lesquels se retrouvaient les salariés concernés par des faillites transfrontalières, c’est un progrès non négligeable.

En apportant des garanties supplémentaires aux salariés, ce texte va favoriser leur mobilité. C'est avec conviction que le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jérôme Lambert – Après les discussions qui ont animé notre assemblée sur la future organisation des institutions européennes, celle de ce soir nous rappelle que l'Europe existe aussi dans le quotidien de nos concitoyens.

C’est avant tout à travers cette réalité des politiques européennes qu’ils jugent l'Europe : c’est dire combien il nous faut être vigilants. Il nous faut aussi être très attentifs au respect de la subsidiarité, en exigeant le cas échéant, sur certains sujets, que des dispositions nationales mieux adaptées soient préférées aux réglementations européennes.

Sur les deux sujets dont il est question ce soir, le niveau européen s'impose.

La première directive, qui concerne la société coopérative européenne, date du 22 juillet 2003 et aurait dû être transposée avant le 18 août 2006. Ce retard n'est malheureusement pas un cas unique et nous devons, à la veille de la présidence française, avoir le souci de remédier à cette situation.

La création d'une nouvelle forme de société coopérative au niveau européen est indéniablement un progrès. Comme souvent, cette directive est le fruit de compromis ; elle est articulée autour de deux principes : éviter que la forme européenne d'entreprise coopérative soit privilégiée dans le but d'échapper à des règles nationales trop contraignantes, et ne pas imposer aux États des règles incompatibles avec leur système de relations du travail. Ce même souci avait déjà prévalu au sujet de la société à statut européen, pour laquelle la transposition dans notre droit interne a été faite il y a plus de dix ans. Il s'agit ici d'adopter des dispositions permettant d'impliquer les salariés dans le comité de la société coopérative européenne, à l’instar de ce qui avait été fait pour le comité d'entreprise européen en 1996.

Le fait que ces textes soient des compromis peut provoquer certaines difficultés dans leur mise en œuvre, soulignées par la Confédération européenne des Syndicats – réunions trop peu nombreuses des comités, manque de ressources endémique, défaut d'information préalable des délégués salariés… Une consultation des partenaires sociaux européens devrait en conséquence avoir lieu pour réviser la directive sur les comités d'entreprises européennes, malgré l'opposition de l’UNICE, organisme représentatif du patronat européen présidé par M. Seillières.

Le texte que nous examinons ce soir reprend les dispositions relatives aux comités d'entreprises européennes en matière de représentation des travailleurs et de dialogue social, à la satisfaction des organisations patronales et dans l'attente, pour les organisations de salariés, de dispositions plus favorables. Elles reposent sur trois piliers : l'information des salariés ; leur consultation, afin qu'ils puissent exprimer un avis ; enfin, leur participation à la désignation de certains membres des organes de surveillance ou d'administration de la société, selon des modalités propres à chaque État.

Ce texte concerne donc les sociétés coopératives européennes qui ont leur siège social ou alors des filiales en France. Les modalités d'information, de consultation et de participation des salariés seront définies par accord entre les dirigeants et les représentants des salariés. Alors que notre droit prévoit généralement des procédures beaucoup plus précises, c’est un de ces compromis a minima chers à un certain patronat : les négociateurs auront toute latitude pour fixer les règles, qui pourront être sensiblement différentes d'une entreprise à l'autre. Pour constituer cet accord d'entreprise, un groupe spécial de négociation doit être institué « dès que possible » – une notion floue qui laisse la porte ouverte aux abus. D’autres modalités sont assez contestables, et la protection des salariés est moins bien assurée que dans notre droit actuel. Toutefois, ces dispositions ne s'appliqueraient qu’à des structures nouvelles : l’accord conclu dans une coopérative existante, simplement transformée en société coopérative européenne, ne pourra prévoir un niveau d'information, de consultation et de participation inférieur à l'existant. Enfin, à défaut d'accord, un comité pourra être créé, sur le modèle de l’entreprise européenne, et en cas d'échec répété des négociations c’est la réglementation en vigueur dans l’État qui s’appliquera. Tout ceci est assez compliqué : on voit bien que le droit social reste le parent pauvre de la construction européenne.

La seconde directive est relative à la protection des salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Elle date de 2002 et aurait dû être transposée dans notre droit positif depuis octobre 2005. Cette directive complète des dispositions adoptées dès 1980 et inspirées par le droit français, à une époque ou notre influence était plus importante qu’elle ne l’est devenue. Elle traite des situations transnationales telles que celle des salariés travaillant dans un État pour une entreprise dont le siège social est situé dans un autre État. C’est ainsi le lieu d'exercice de l'activité qui déterminera l'institution de garantie des salaires compétente, et non le lieu du siège social de l'entreprise. Cette solution avait déjà été retenue par la Cour de justice des communautés européennes et par la Cour de cassation et la transposition ne fait que conforter cette jurisprudence, mais elle présente tout de même l’intérêt de renforcer les obligations incombant à l'organisme de garantie. La garantie s'appliquera de plein droit aux travailleurs transfrontaliers, dans des conditions semblables à celles qui s’appliquent aux entreprises domiciliées en France. Des délais de versement des indemnités de licenciement et des modalités simplifiées sont aussi prévus. Au total, ces dispositions sont favorables, mais elles étaient déjà appliquées. L'apport du texte sera donc extrêmement limité.

Rien de vraiment négatif donc dans ce qui nous est proposé, mais rien non plus de fantastique pour la protection des travailleurs. C’est souvent cela l'Europe : de petits pas, tout petits... Alors le groupe SRC prononce un petit oui, sans désespérer d’avancées sociales plus réelles, pour lesquelles il va continuer à se battre aux côtés de la confédération syndicale européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Fasquelle, rapporteur – Ne boudons pas notre plaisir : ce texte représente tout de même trois progrès sensibles. D’abord, il crée dans le droit des sociétés une troisième forme sociale européenne, ce qui n’est pas rien. Ensuite, il n’existe que peu de textes en matière de procédures collectives et cette transposition représente donc une avancée sensible pour la protection des salariés. Enfin, du point de vue de l’Europe sociale, c’est peut-être un petit pas, mais néanmoins important.

Il est vrai que ces textes ne sont pas parfaits. D’abord, ils sont trop complexes. Il faudra sans doute les revoir, sous peine que la société coopérative européenne ne connaisse pas plus de succès que la société européenne, créée il y a quelques années… et qui ne compte qu’un exemple en Europe ! Il faudra aussi étoffer le droit européen des procédures collectives, car si les textes foisonnent quand il s’agit de créer ou de faire fonctionner les sociétés, ils font défaut dès lors qu’elles rencontrent des difficultés. La France, lors de sa présidence, devra s’emparer du sujet. Quant à la dimension sociale de ces textes, la directive de 2002 représente certes une avancée sensible, mais qui n’est pas encore suffisante. En effet, elle aboutit à ce que des salariés de la même entreprise ne soient pas tous indemnisés de la même façon, puisque c’est la garantie du pays dans lequel ils travaillent qui s’appliquera. Par ailleurs, le fonds de garantie français, par exemple, ne pourra pas s’adresser au fonds de garantie anglais pour obtenir le remboursement des sommes avancées aux salariés d’une entreprise anglaise. Mais ces deux points ne peuvent être réglés au plan national. Il faudra y revenir au niveau communautaire.

Nous avons transposé ces textes du mieux que nous pouvions. Ils représentent une avancée sensible, même s’ils ne sont pas parfaits. La délégation pour l’Union européenne devra, peut-être à l’occasion de la présidence de la France, veiller à ce que d’autres progrès suivent dans la construction de l’Europe que nous souhaitons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Je voudrais d’abord remercier le rapporteur pour son travail remarquable. Il est vrai que ces textes communautaires sont complexes, du fait des compromis qui ont été réalisés, mais ils faciliteront les procédures. Cette nouvelle forme de société devrait se développer, car elle apporte une possibilité nouvelle aux 288 000 entreprises coopératives d’Europe. Quant aux créances salariales, le fait de savoir où s’adresser pour obtenir son dû est une avancée importante.

Ainsi, par exemple, un salarié travaillant dans la succursale française d’une entreprise anglaise mise en liquidation judiciaire et qui se révèle insolvable bénéficiera de la garantie des salaires. La directive oblige à un échange d’informations entre les acteurs de la procédure collective. Le syndic étranger transmettra le montant des créances dues au salarié à l’agence de garantie des salaires, qui paiera le salarié. Les créances garanties sont les mêmes que celles des salariés d’une entreprise française. Le salarié travaillant en Allemagne pour la succursale d’une entreprise française bénéficiera de dispositions symétriques qui obligeront le liquidateur français à transmettre toute information pertinente à l’institution de garantie des salaires allemande – l’AGS ne jouant ici aucun rôle.

Ainsi que l’a souligné M. Vampa, ce dispositif permettra la négociation, l’information et la consultation des salariés. Démocratie, responsabilité, solidarité et équité ont été les valeurs promues par la France. Mme Brunel a raison de souligner l’importance, pour le salarié, de l’échange d’information. C’est un progrès pour l’Europe sociale. M. Lambert, lui, a évoqué le principe de subsidiarité : il est vrai que ce texte met en évidence la valeur ajoutée du niveau européen. Il a souligné les carences des directives en matière d’information et de consultation des salariés : il aurait pu les faire remarquer à M. Jospin, qui était Premier ministre lorsque celles-ci ont été adoptées. Toutefois, je le remercie d’avoir pris en considération les progrès que ce texte apporte et de bien vouloir le soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

Mme la Présidente – J’appelle les articles dans le texte du Sénat.

ART. PREMIER À 8

Les articles premier à 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L’ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – À l’unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Prochaine séance demain, jeudi 17 janvier, à 9 heures 30.

La séance est levée à 22 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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