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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 17 janvier 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
102ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

RETOUR À L’ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de MM. François Sauvadet et Charles de Courson et de plusieurs de leurs collègues, relative au retour à l'équilibre des finances publiques.

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des lois – La dégradation continue, depuis vingt-huit ans, du déficit des administrations publiques françaises – essentiellement de l’État et de la sécurité sociale – nous place dans une situation budgétaire et financière d’autant plus délicate que l’adoption de l’euro nous oblige désormais à respecter les critères du pacte de stabilité et de croissance de 1997, qui ont succédé aux critères de convergence fixés par le traité de Maastricht en 1992.

Ainsi, notre dette publique a plus que triplé depuis 1980, passant de 21 % à 64,2 % du PIB, et est devenue en 2006, alors que seules celles du Luxembourg et de la Suède lui étaient inférieures en 1995, la sixième de la zone euro. De fait, le déficit public a toujours atteint au moins 1,5 % du PIB depuis 1981, ce qui signifie que les périodes de plus forte croissance – de 1988 à 1990 ou de 1998 à 2000 – n'ont pas été mises à profit pour nous désendetter, et cette progression des dépenses publiques plus rapide que celle de la production nationale, loin de servir une politique dynamique d'investissement public, a résulté de l’augmentation des dépenses de fonctionnement – ainsi le nombre de fonctionnaires a-t-il progressé de 23,7 % entre 1982 et 2003.

Cette évolution est d’autant moins tenable à long terme que la charge des intérêts de la dette est passée, entre 1978 et 2006, de 1 % à 2,6 % du PIB et que les taux d'intérêt sont désormais en hausse. En 2006, le seul paiement de ces intérêts a absorbé près de 80 % du produit de l'impôt sur le revenu !

Ainsi, nous peinons à respecter le pacte de stabilité et de croissance conclu en 1997 – notre dette publique excédant désormais le plafond de 60 % du PIB. En outre, en différant les efforts structurels accomplis par nos partenaires, nous risquons d’être progressivement isolés en Europe. Selon le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques en 2007, notre pays fait partie des rares États membres dont le déficit reste supérieur à 2 % du PIB en termes structurels. Dans ces conditions, et dans la mesure où la Commission européenne a ramené de 2,4 % à 1,9 % son estimation de croissance pour la France en 2007, le respect de la programmation pluriannuelle des finances publiques, qui doit nous permettre de ramener notre dette publique à moins de 60 % du PIB en 2012 au plus tard, pourrait se révéler beaucoup plus difficile que prévu.

Après être longtemps demeurés relativement indifférents à ces problèmes, les Français s’y sont vivement intéressés lors des échéances électorales du printemps 2007, se prononçant sans ambiguïté en faveur des engagements très clairs pris par le Président de la République et par sa majorité parlementaire : un programme de retour à l'équilibre de nos administrations publiques et l'inscription dans la Constitution d'une « règle d'or » empêchant tout recours au déficit pour financer des dépenses improductives telles les dépenses de fonctionnement de l'État.

La présente proposition de loi constitutionnelle vise à satisfaire à ces engagements en modifiant les articles 47 et 47–1 de la Constitution, afin d’interdire la présentation et l’adoption de lois de finances dont la section de fonctionnement serait déficitaire, ainsi que celles des projets de lois de financement de la sécurité sociale ne réalisant pas l’équilibre général. Au nom du pragmatisme et de la cohérence avec la démarche graduelle de retour à l'équilibre engagée par le Gouvernement, cette interdiction n'aurait cours qu'à compter de 2012.

Cette initiative du Nouveau centre s’explique tout d’abord par un principe de bonne gouvernance.

M. François Sauvadet – Oui !

M. Charles de Courson, rapporteur – En effet, l'État et la sécurité sociale ne sauraient s'exonérer plus longtemps des principes de régulation budgétaire qui s’imposent aux entreprises privées et, depuis la décentralisation, aux collectivités locales.

M. François Sauvadet – Voilà !

M. François Goulard – C’est tout à fait pertinent.

M. Charles de Courson, rapporteur – La loi oblige ces dernières à voter leur budget en « équilibre réel » : cet équilibre, reposant sur des évaluations sincères, doit être atteint dans la section de fonctionnement afin de dégager un excédent permettant de couvrir le montant du capital de leur dette. Les collectivités locales sont donc tenues de rembourser leur dette sur leurs recettes propres. À défaut, ou en cas de dérapage apparu en cours d'exercice, la chambre régionale des comptes est saisie par le préfet, qui peut être chargé de mettre lui-même en œuvre des mesures de redressement afin de régler le budget et de le rendre exécutoire.

Quant aux entreprises, aucune ne pourrait accuser depuis vingt-huit ans un déficit d’exploitation, puisque le code de commerce oblige toute société commerciale ayant perdu plus de la moitié de son capital à déposer le bilan.

M. François Sauvadet – Absolument !

M. Charles de Courson, rapporteur – Pourquoi donc l’État échapperait-il à des règles qu’il impose à juste titre aux entreprises concurrentielles et aux collectivités territoriales ?

M. François Goulard – Qui sont infiniment mieux gérées !

M. Charles de Courson, rapporteur – D’autre part, d’un point de vue économique, tout endettement public qui ne résulte pas de dépenses d'investissement entraîne, par définition, un effet d'éviction de l'épargne de l'économie productive vers le fonctionnement de structures non créatrices de valeur ajoutée pour la production nationale. Et l’on ne saurait en invoquer l'effet redistributif dans une économie ouverte et peu compétitive où une bonne part des revenus censés profiter à l'économie nationale bénéficient en réalité aux économies étrangères, via la consommation de produits importés. Enfin, l’expérience montre que les pays qui ont considérablement réduit leurs dépenses publiques au cours des dix ou quinze dernières années – la Suède, la Finlande, l'Espagne, le Canada et la Belgique – ont connu une croissance de leur PIB supérieure à celle de la France – de 1 à 3,5 % en 2006.

M. François Goulard – Très vrai !

M. Charles de Courson, rapporteur – La voie de la relance de la croissance est donc toute tracée.

Le troisième motif est d’ordre moral. Les déficits structurels, en creusant la dette, reportent sur les générations futures la charge des dépenses que nous ne sommes pas en mesure d'assumer aujourd'hui – démarche profondément injuste qui revient à faire doublement payer les Français de demain en ajoutant nos dépenses aux leurs. Ainsi, s’agissant de la dette de la sécurité sociale, si 107,6 milliards sont gérés par la caisse d'amortissement de la dette sociale – la CADES –, chargée de les rembourser progressivement jusqu'en 2020, 38,5 autres milliards – essentiellement imputables, depuis 2005, à l'assurance maladie – n'ont pas été affectés à la CADES parce que les modalités de leur compensation n’ont pas été arrêtées. Cette situation inacceptable justifie des mesures plus contraignantes que la loi organique du 2 août 2005 relative au financement de la sécurité sociale ou que l’amendement Warsmann, qui visait à empêcher le Gouvernement de transférer de nouvelles dettes à la CADES sans augmenter la CRDS.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois – Absolument.

M. François Goulard – Amendement remarquable !

M. Charles de Courson, rapporteur – Enfin, d’un point de vue politique, la majorité doit montrer aux Français qu'elle entend respecter la promesse faite par le Président de la République lors de sa campagne : « Il sera interdit de recourir à la dette pour financer les dépenses quotidiennes ; la dette sera ramenée à moins de 60 % du PIB avant 2012 et une "règle d'or" inscrite dans la Constitution (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-Luc Préel – Très bien !

M. Charles de Courson, rapporteur – …prohibera tout déficit budgétaire, sauf pour des dépenses d'investissement ». Appliquer cette feuille de route avec pragmatisme, tel est le sens de notre proposition de loi constitutionnelle.

Quant à la méthode, la révision constitutionnelle semble la plus judicieuse, puisqu’il s’agit d’assurer la pérennité des piliers régalien et social de notre République en définissant les principes cardinaux du fonctionnement de l'État et de la sécurité sociale. Cette voie a en outre l’avantage d’obliger, à l'issue de la phase parlementaire, à consulter les Français sur un choix de société qui permettra de dynamiser notre économie et de recentrer nos administrations publiques sur l'essentiel de leur mission.

Voilà pourquoi je vous invite à approuver les objectifs de cette proposition de loi constitutionnelle…

M. Frédéric Lefebvre – Nous les approuvons !

M. Charles de Courson, rapporteur – …comme l’a fait hier matin la commission des lois (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – La présente proposition de loi vise à modifier notre Constitution, texte fondateur de notre pacte républicain et socle du fonctionnement de nos institutions. Or – vous le savez – un projet de loi constitutionnelle qui vous sera soumis au printemps devrait donner un nouveau souffle à nos institutions et renforcer vos moyens de contrôle sur l'action du Gouvernement.

Cette proposition de loi se caractérise par son objectif – le retour à l'équilibre des finances publiques – et par sa méthode – l'inscription de cet objectif dans la Constitution. Je comprends et partage entièrement le premier (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP), car la « règle d'or » que vous proposez a le mérite de nous contraindre à ajuster le niveau des dépenses de fonctionnement de l'État à celui de ses recettes courantes, en réservant l'emprunt au financement de l'investissement, et à rechercher l'équilibre, sans cesse reporté, du régime général de la sécurité sociale, dont dépend notre politique de solidarité nationale. Il y va de notre responsabilité morale et de l’équité envers les jeunes générations, sur lesquelles nous ne saurions faire peser plus longtemps une dette qui résulte de l'échec de l’ensemble des politiques passées. Il y va également de notre responsabilité politique envers nos électeurs, puisque notre stratégie en matière de finances publiques, voulue par le Président de la République et appliquée par le Gouvernement, consiste d’abord à engager des réformes structurelles pour libérer notre potentiel de croissance, ensuite à baisser les impôts pour relancer cette croissance et à réhabiliter la valeur travail, enfin à réduire la dette par un effort de maîtrise de la dépense – c’est le triangle d’or de l’équilibre de nos finances publiques.

Cette politique de responsabilité trouve sa traduction dans les objectifs de la majorité pour la période 2008-2012, ainsi que dans les moyens et la détermination que nous y consacrons. Si la proposition de loi entend fixer des règles à partir de 2012, il faut en effet dès à présent donner corps à la priorité de retour à l’équilibre des finances publiques. Le Président de la République s’y est engagé vis-à-vis du pays et de nos partenaires européens ; cet engagement a été inscrit dans le programme de stabilité transmis à la Commission en décembre 2007, prévoyant un équilibre de la section de fonctionnement en 2012.

Il ne faudrait donc pas se tromper de débat : ce qu’il faut avant tout, c’est le courage de mener les réformes de fond qui nous permettront de parvenir à l’équilibre. Poser des règles n’est pas difficile ; ce qui l’est, c’est de parvenir concrètement à empêcher la dérive des finances publiques.

M. François Goulard – Les règles ne peuvent pas faire de mal !

M. Éric Woerth, ministre du budget Pour cela, il faut tout d’abord se doter d’une stratégie claire. Notre ambition est de diviser par deux le rythme de progression de la dépense, pour passer de 2 ou 2,2 % en moyenne ces dix dernières années à 1 ou 1,1 %. Cela demande une extraordinaire discipline et beaucoup de courage.

M. Gilles Carrez – Nous n’en manquons pas !

M. Éric Woerth, ministre du budget Il faut en outre une méthode efficace. Je ne crois pas aux méthodes brutales, au recours à la hache pratiqué à certaines époques. Notre méthode, c’est donc la révision générale des politiques publiques, qui doit permettre de définir les réformes nécessaires pour faire mieux à moindre coût. C’est une démarche négociée et documentée.

Enfin, il convient de nous appuyer sur une stratégie budgétaire pluriannuelle, qui sera définie cet été pour la période 2009-2011. Les lois de finances s’inscriront dans le cadre de cette programmation. La stratégie sera intégrée dans le document que le Gouvernement présentera au Parlement à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, et si le calendrier le permet, comme je l’espère, elle figurera dans une loi de programmation pour les finances publiques – ce serait une grande nouveauté. Le Parlement pourra ainsi débattre de nos efforts et mesurer le courage qu’ils appellent.

Faut-il, pour nous aider à atteindre ces objectifs, inscrire dans la Constitution les règles que vous proposez, Monsieur de Courson ? Cela mériterait un plus ample débat, car ces règles, certes de bon sens, suscitent des interrogations.

Les conditions de leur mise en œuvre, tout d’abord, doivent être définies avec précision. L’interdiction de tout déficit de fonctionnement doit être accompagnée d’une définition stricte de l’investissement, afin d’éviter toute tentative de détournement de la règle. Quel traitement accorder aux dépenses d’équipement militaire, par exemple ? De même, quelle notion d’investissement comptable retenir : dépenses d’investissement brutes, les seules aujourd’hui retracées dans notre comptabilité budgétaire, ou dépenses nettes d’amortissement, sur lesquelles repose la règle d’or actuellement applicable aux collectivités territoriales ?

Il faut également tenir compte de la sensibilité des finances publiques à la conjoncture économique. Les déficits pourraient être acceptables en période de faible activité, à condition que les périodes de vaches grasses soient mises à profit pour constituer des excédents, ce qui n’a jamais été fait par le passé. À défaut, les gouvernements pourraient être amenés à conduire des politiques pro-cycliques, en augmentant les prélèvements en phase haute pour les diminuer en phase basse, ce qui serait une erreur. Nous pourrions concevoir, pour répondre à cette difficulté, de définir des règles d’équilibre structurel ou d’apprécier l’équilibre sur la durée du cycle économique, mais de tels concepts posent eux-mêmes de redoutables difficultés de définition.

Au-delà de ces considérations techniques, l’adoption de telles règles soulève des interrogations de fond. Avec la règle d’or, ne risque-t-on pas de privilégier certaines dépenses plutôt que d’autres, l’investissement physique plutôt que la recherche, par exemple ? Le Royaume-Uni s’est doté de cette règle alors qu’il souffrait d’un retard considérable en matière d’investissements dans les services publics. La France, quant à elle, n’a pas nécessairement besoin de plus d’investissement, mais d’un meilleur investissement, par la sélection rigoureuse des projets, en vue de tirer le meilleur parti de chaque euro dépensé.

Privilégier les dépenses d’investissement pose également une question au regard de la liberté de gestion inscrite dans la LOLF. En outre, la règle d’or ne garantit pas à elle seule la « soutenabilité » des finances publiques, l’élément crucial à cet égard étant l’impact des investissements financés.

M. Olivier Carré – La règle d’or est souhaitable, mais pas suffisante !

M. Éric Woerth, ministre du budget Le Royaume-Uni a ainsi assorti la règle d’or d’un plafond de dette publique à 40 %. Quant à l’Allemagne, qui a été le premier pays à adopter cette règle et l’a inscrite dans sa loi fondamentale, elle s’interroge aujourd’hui, et envisage de modifier son droit.

M. François Goulard – L’Allemagne a pourtant réussi à redresser ses finances publiques !

M. Éric Woerth, ministre du budget Si l’Allemagne a réussi, ce n’est pas tant parce qu’elle avait fixé cette règle que parce qu’elle s’est attaquée aux dépenses publiques.

M. Gilles Carrez – Exactement !

M. Éric Woerth, ministre du budget Ces deux exemples expliquent pourquoi la Commission a renoncé, en 2004, à imposer aux États membres l’obligation d’adopter cette règle d’or.

M. René Dosière – Je résume : c’est très compliqué, tout cela, et il faut donc attendre ! (Sourires)

M. Éric Woerth, ministre du budget Si je partage donc la philosophie du texte et suis résolu à ce que nous atteignions l’équilibre des finances publiques en 2012, il faut bien voir que la pente est rude. Nous ne pourrons atteindre nos objectifs sans un engagement tout aussi fort du Parlement.

M. Jean-Luc Préel – Tout à fait !

M. Éric Woerth, ministre du budget Nous entendons privilégier les dépenses d’avenir, avec une exigence d’efficacité. Or l’investissement n’est pas nécessairement efficace par nature. Je note d’ailleurs que, dans le débat budgétaire, les amendements de la majorité portent plus souvent sur des dépenses de fonctionnement que sur celles d’investissement. Cette exigence d’efficacité, c’est en revanche l’esprit de la LOLF et de la révision générale des politiques publiques.

Nous sommes convaincus que des règles de gouvernance sont utiles, et même nécessaires, dans le cadre d’une norme qui fasse autorité. Il faut donc se demander quelles sont les règles les plus pertinentes, et cela mérite un débat plus approfondi que ce que nous permet cette séance. Il faut également mener les consultations nécessaires, dont celle des commissions des finances du Parlement.

Au-delà des règles que vous proposez, il convient de débattre de l’ensemble des règles envisageables pour la gouvernance de nos finances publiques, comme celles relatives aux soldes de la sécurité sociale et de l’État, sans remettre en cause la norme de dépenses, au cœur de notre politique budgétaire. Le volume des dépenses, indépendamment de leur affectation, est quelque chose que l’on peut piloter.

Vous vous prononcerez tout à l’heure sur le renvoi en commission de ce texte. Il me semble nécessaire : je vous propose en effet de tenir ce débat de fond dans un cadre plus large, qui pourrait être celui de la Conférence nationale des finances publiques ou du Conseil d'orientation des finances publiques, et d’en tirer les conséquences dans la révision constitutionnelle ou dans un autre cadre normatif.

Je suis heureux que vous ayez suscité ce débat. Ne plaquons cependant pas de règles artificielles sur la réalité. Je ne sous-estime pas la portée des règles – Charles de Courson le sait – mais il me semble surtout important que nous prenions collectivement l’engagement de tenir la norme de dépenses. Le thermomètre ne provoque ni la fièvre, ni la guérison : c’est au mal qu’il faut s’attaquer – je pense notamment à une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques et à la révision de la norme de dépenses. Réfléchissons-y. Ce texte nous permet de lancer un débat utile à la majorité. Ceux qui sont ici n’ont certes pas besoin d’être convaincus. Ce sont tous les autres que nous devons convaincre de défendre non seulement la réforme, mais aussi l’idée qu’elle ne peut être durable que si elle se fonde sur des finances publiques saines (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. François Sauvadet – Cette proposition de loi, la première que défend le groupe du Nouveau centre, porte sur un sujet qui a été au cœur de la campagne présidentielle et qui demeure une préoccupation pour l'ensemble des Français : celui de la dette et du déficit public. Cette préoccupation n’est d’ailleurs pas nouvelle : nous l’avons exprimée à maintes reprises – notamment par la voix de Charles de Courson – sous la précédente législature ; avec Michel Hunault, nous avions même déposé une proposition de loi cosignée par 150 parlementaires.

M. François Goulard – Et non des moindres !

M. François Sauvadet – Je regrette d’ailleurs l’absence de la gauche – à l’exception de M. Dosière – ce matin. Il est vrai qu’elle ne s’est jamais beaucoup engagée – y compris lorsqu’elle était au pouvoir – sur cette question.

M. François Goulard – C’est une litote.

M. François Sauvadet – L’ambition de parvenir à un équilibre de nos finances publiques en fonctionnement est cependant largement partagée sur les bancs de notre Assemblée, puisque la commission des lois a adopté ce texte. Vous ne pouvez donc balayer ce vote d'un revers de main, Monsieur le ministre ! Beaucoup de discours sur la réduction de la dette ont été tenus ici, mais nous n’avons pas voté un seul budget équilibré en fonctionnement depuis vingt-huit ans ! Nous devons aujourd’hui en prendre l’engagement devant les Français, car le poids de la dette est devenu insupportable.

On parle beaucoup du pouvoir d’achat. Mais savez-vous que la quasi-totalité de l'impôt sur le revenu prélevé sur les Français va au service de la dette ? La question de la réduction du déficit est donc essentielle pour un pays moderne qui entend se maintenir dans la compétition mondiale. Je ne doute pas de votre volonté de maîtriser la dépense, Monsieur le ministre. Mais l’expérience me conduit à penser qu’il faut une règle constitutionnelle pour affirmer l’objectif qui est le nôtre : parvenir à l’équilibre en fonctionnement en 2012. C’est du reste un engagement que la France a pris envers l’Eurogroupe et les pays qui ont déjà fait cet effort.

Vous invoquez la difficulté de définir l’investissement, Monsieur le ministre. Mais les collectivités territoriales ne se préoccupent pas de classer les dépenses en fonctionnement ou en investissement. Je suis maire de ma commune : la question de la répartition entre investissement et fonctionnement n’est pas majeure pour l’équilibre de son budget. Comme les conseils généraux et les conseils régionaux, les communes sont contraintes – et c’est heureux – de présenter un budget en équilibre. Vous savez d’autre part que nous avons cédé des actifs pour financer des travaux dans les universités, ce qui montre que le niveau de la dette handicape notre capacité à réorienter la dépense publique vers l’innovation, la recherche ou l’éducation.

Cette situation n'est plus acceptable. Il faut rompre avec les pratiques du passé si nous voulons être au rendez-vous de l’équilibre en 2012, comme ce doit être notre objectif. Nous l’avons dit aux Français, nous devons tenir cet engagement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP)

Il y a actuellement un débat sur la croissance. Mais pour être au rendez-vous de la croissance, il faut d’abord que nous réorientions nos dépenses ! Ce n’est pas le problème de la ressource qui est posé – comme semblent le dire les socialistes lorsqu’ils parlent de « cadeau fiscal » à propos des mesures prises cet été – mais celui du prélèvement. Je rappelle que la part des dépenses publiques dans le PIB s’élève à 53,9 % en France, contre 47,5 % en moyenne en Europe. Ces six points de différence représentent 110 milliards d'euros de plus prélevés sur notre économie.

M. François Goulard – Notre problème est là.

M. François Sauvadet – Pour augmenter le pouvoir d’achat des Français,...

M. Frédéric Lefebvre – Il faut diminuer les dépenses publiques !

M. François Sauvadet – …il faut en priorité s’attaquer aux dépenses publiques. J’ai le sentiment que nous courons après le pouvoir d'achat et la croissance avec deux boulets aux pieds, le déficit et la dette ! Pour retrouver des marges de manœuvre, nous devons impérativement maîtriser la dépense publique, en la réorientant vers la recherche, l'innovation et l'éducation. Christian Blanc a fait des propositions en ce sens – je pense aux pôles de compétitivité.

Pour le Nouveau centre, la réduction de notre endettement public est la priorité des priorités. Je l’ai certes entendu bien des fois à cette tribune et, je le répète, Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre volonté en la matière. Mais il faut que nous nous fixions cet objectif en nous imposant une norme incontestable. C’est d’abord une exigence morale envers les générations futures, qui n’ont pas à supporter les conséquences de notre incurie. C’est aussi une exigence économique : prélever sur notre épargne nationale pour financer des dépenses de fonctionnement, c’est appauvrir le pays…

M. le Président – Il faut conclure (Protestations sur les bancs du groupe NC).

M. François Sauvadet – …car on affaiblit la croissance économique et on accroît le chômage. C’est enfin une exigence politique, celle du respect des engagements pris devant les Français. Le Président de la République l’a dit ; le Premier ministre a répété lors de ses vœux que c’était le « fil rouge » de sa politique. Pourquoi ne pas affirmer dans la Constitution que nous entendons souscrire à l’objectif fixé devant le peuple ? Certes, c’est difficile. Mais si nous ne le faisons pas, je crains que le problème soit toujours le même dans quatre ou cinq ans.

La nécessité de ce retour à l’équilibre est donc le « fil rouge » de notre engagement politique. Nous proposons de le graver dans le marbre de la Constitution. Je vous demande de prendre l’engagement de réfléchir au moyen de le fixer dans une norme impérative d’ici la réforme constitutionnelle, Monsieur le ministre.

Si vous renvoyez cette proposition aux oubliettes, nous tiendrons nos engagements pris devant le Peuple français et nous la déposerons à nouveau. Est-il possible de parvenir à l’équilibre à l’horizon 2012 ?

M. Frédéric Lefebvre – Bien sûr, et il faudra le faire.

M. François Sauvadet – Est-ce un frein pour l’économie ? Non, si l’on en juge par l’exemple de l’Allemagne : la compétitivité des PME outre-Rhin montre que c’est au contraire un accélérateur de croissance.

M. François Goulard – – Absolument !

M. François Sauvadet – Bien sûr, cela doit s’accompagner d’une stratégie pour la croissance et l’emploi. Bien sûr, nous devons être courageux et mener à bien la réforme des retraites, de l’assurance-maladie et de l’État. Nous devons aussi aller plus loin et conclure un pacte national de maîtrise de la dépense publique, engageant les collectivités locales, à l’image de celui qui est à l’œuvre en Allemagne.

Le groupe Nouveau centre participe à la majorité présidentielle, avec l’ardent souhait d’être utile à la France, ce qui passe par la maîtrise des dépenses de fonctionnement. Le Parlement est dans son rôle en affichant, dans le cadre de l’équilibre des institutions, cette volonté politique (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Frédéric Lefebvre – Je veux d’abord remercier le groupe Nouveau centre de s’être saisi de cette question essentielle. S’il est un sujet sur lequel l’UMP et le Nouveau centre sont en accord parfait, c’est l’objectif de maîtrise des dépenses publiques. Mais nous devons encore débattre des conditions permettant d’y parvenir. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de la défense de ma motion de renvoi en commission.

Nous devons définir ensemble une obligation de résultats. D’autres candidats à l’élection présidentielle – je pense à François Bayrou et à Ségolène Royal – ont défendu le même objectif que Nicolas Sarkozy. Cela suppose d’abord de différencier les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement, l’une des difficultés qui, comme vous l’avez dit, Monsieur le ministre, se posent à nous.

Dès mon élection, j’ai écrit à M. Balladur pour lui proposer d’inscrire dans la Constitution l’obligation de présenter devant le Parlement des lois de finances en équilibre, une question essentielle pour notre pays qui, depuis vingt-cinq ans, vit au-dessus de ses moyens. Nous avons débattu avec vous de cette question, Monsieur le ministre, lors de votre audition sur le projet de loi de finances pour 2008. Convenant qu’il s’agissait là d’une bonne idée, vous vous êtes néanmoins interrogé sur les marges de manœuvre dont pourrait disposer le Gouvernement en cas de renversement de tendance et d’aléas économiques imprévus.

Avec Pierre Méhaignerie, qui mène ce combat depuis longtemps,…

Plusieurs députés du groupe NC – C’est vrai !

M. Frédéric Lefebvre – …nous avons estimé qu’une règle supérieure devait contraindre les gouvernements à respecter l’objectif d’équilibre des finances (Applaudissements sur les bancs du groupe NC). Nous avons rédigé une proposition de loi, pour finalement la transformer en amendement.

La commission des lois a adopté la proposition de loi du groupe Nouveau Centre ainsi que notre amendement, preuve s’il en est qu’elle entend bien que cet objectif soit atteint. Nous différons sur les moyens d’y parvenir : cette règle d’or doit-elle être inscrite dans la constitution ou dans la loi organique ? Une chose est certaine : nous devons en finir avec la pratique, qui, depuis vingt-cinq ans, fait que, pressés par leurs collègues du Gouvernement ou par des groupes d’intérêts, les ministres du budget sont contraints de présenter des comptes en déficit.

Pourtant, les rapports de la Cour des comptes sont nombreux qui donnent des pistes pour réaliser des économies. L’une des solutions consiste à mieux évaluer les dépenses, et c’est dans ce sens que Gaëtan Gorce et moi-même avons déposé un important amendement. De la même façon, la revue générale des politiques publiques, menée avec détermination, permet de faire la chasse aux dépenses improductives ; avec la réduction du nombre de fonctionnaires, elle est de nature à nous rassurer sur la volonté du Gouvernement d’atteindre cet objectif d’équilibre.

La LOLF – à laquelle ont travaillé Didier Migaud, Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez, Michel Bouvard et les sénateurs Philippe Marini et Alain Lambert – a profondément changé la logique de la loi de finances, en permettant de mieux contrôler la dépense publique, regroupée en missions.

Ce n’est pas pour faire plaisir à l’Europe que nous voulons rétablir l’équilibre budgétaire ! C’est parce que nous voulons que notre pays ne soit plus celui où l’impôt et les charges sont les plus lourds ; c’est parce que nous voulons rompre avec la fatalité qui veut que, depuis 1981, et avec toujours plus d’impudence, les gouvernements présentent des lois de finances affichant un déficit ; c’est parce que nous trouvons choquant qu’au moment même où nous discutons des déficits, onze États membres de l’UE débattent de la distribution de leurs excédents budgétaires.

Ne serait-il pas naturel que l’État commence par s’imposer à lui-même la règle qu’il impose aux collectivités locales ?

M. René Dosière – Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Lefebvre – Il est pour le moins paradoxal que ce soit l’État, par l’intermédiaire du préfet, qui se substitue aux collectivités locales lorsqu’elles présentent un budget en déséquilibre !

Tout en regrettant l’absence de la gauche dans un débat pourtant si essentiel, je veux dire à l’ensemble des parlementaires qu’il est temps de nous imposer une obligation de résultats.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre – J’y viens, Monsieur le Président, mais puisque vous avez été généreux avec d’autres orateurs, je me permettrai de prolonger mon propos. Le ministre semble être prêt à travailler avec la majorité et les commissions – je sais combien M. Warsmann, notamment, tient à faire avancer ce dossier – pour élaborer de nouvelles règles de gouvernance, et nous sommes nous-mêmes ouverts à la discussion sur la méthode – modification de la Constitution, loi organique ou loi ordinaire. L’essentiel est de produire une véritable rupture dans notre méthode de gestion et de s’imposer une obligation de résultat. La règle est importante : sans elle, on trouvera toujours une bonne raison de ne pas garder le cap.

Si le Gouvernement accepte de travailler avec nous en ce sens, je n’en défendrai qu’avec plus de plaisir une motion de renvoi en commission que nous pourrons tous adopter, Nouveau centre compris.

Pour autant, il faudra que ce travail s’effectue dans les délais les plus brefs, et notamment avant la révision constitutionnelle.

M. François Sauvadet – Absolument !

M. Frédéric Lefebvre – La majorité, soudée, est déterminée à établir de nouvelles règles de gouvernance. Si le Gouvernement convient qu’il faut y travailler au plus vite, nous pourrons voter le renvoi en commission et préparer d’autant mieux le rendez-vous de l’équilibre des finances publiques pour 2012 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. René Dosière – On ne cesse de dire la nécessité de réhabiliter le rôle du Parlement et le rapport de la commission Balladur a encore souligné à quel point l’examen des projets qui nous sont soumis pouvait être précipité et les travaux préparatoires des commission hâtifs. Or, nous débattons aujourd’hui d’un texte déposé le 9 janvier mais mis en distribution le 16 seulement, et discuté en commission tout aussitôt. Le rapport était disponible en ligne ce même jour à 18 heures 15, et sur papier le lendemain matin, c’est-à-dire aujourd’hui, jour de l’examen en séance publique.

M. Régis Juanico – Hallucinant !

M. René Dosière – C’est la caricature de ce qu’il ne faut pas faire ! La commission Balladur a proposé d’instaurer un délai de deux mois entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance (Mouvements d’approbation sur les bancs du groupe UMP). On ne peut donc pas vouloir réhabiliter le Parlement tout en persévérant dans des pratiques qui, hélas, deviennent une habitude au Nouveau centre – je songe à cette proposition de loi qu’il déposa il y a peu et que le Gouvernement s’empressa d’inscrire à l’ordre du jour avant de l’enterrer aussitôt, comme il s’apprête semble-t-il à le faire du présent texte.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois – Je me réjouis que le groupe socialiste s’engage à s’appliquer à lui-même cette règle des deux mois de délai lorsque l’ordre du jour lui sera confié !

M. René Dosière – On invoque l’urgence. Urgence toute relative, puisque ce texte ne s’appliquera pas avant 2012 et que son adoption suppose un référendum !

M. Marc Dolez – Très bonne idée !

M. François Rochebloine – Nous ne sommes pas en Suisse !

M. René Dosière – Autre chose : je rappelle que ce débat a déjà eu lieu, M. de Courson s’en souvient, lors de l’examen – minutieux, celui-là – de la proposition de loi de M. Migaud visant à instaurer une nouvelle constitution financière, qui fut adoptée de manière très consensuelle. En effet, MM. Auberger et de Courson posaient déjà à l’époque la question de l’équilibre des finances, mais une telle « règle d’or » fut repoussée. Reportons-nous au compte rendu de la séance du 7 novembre 2001 : M. Migaud expliquait que l’idée, qui l’avait d’abord séduit, soulevait plusieurs problèmes. On ne pouvait, disait-il, comparer le budget de l’État à celui des collectivités locales, et l’on ne pouvait distinguer à coup sûr entre investissement et fonctionnement – pour certains postes tels que l’éducation ou la recherche, il est en effet difficile de trancher. L’État, ajoutait-il, fait face à des risques conjoncturels auxquels échappent les collectivités et un équilibre financier fixé par la loi pourrait devenir dangereux en cas de retournement de tendance. Mme Parly, secrétaire d’État de l’époque, avait approuvé ces arguments en ajoutant qu’une telle contrainte empêcherait l’État de mener la politique économique qui est de son ressort. C’est peu ou prou ce que le ministre a dit lui-même aujourd’hui. M. Lambert, alors rapporteur général du Sénat, avait beau juger que la « règle d’or » de l’équilibre de fonctionnement était une saine pratique, il estimait que son inscription dans la loi n’était pas souhaitable car, trop rigide et incompatible avec le principe de fongibilité des crédits, elle serait un jour ou l’autre inévitablement transgressée.

Le débat a donc eu lieu. L’État, Monsieur Lefebvre, n’est pas une collectivité locale.

M. Frédéric Lefebvre – Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. René Dosière – Il doit mener des politiques économiques et sociales, des politiques de défense qui dépassent largement le cadre de ce dont s’occupent les collectivités. Certes, le cumul des mandats peut amener certains à effectuer des transferts de conception, mais la comparaison n’est pas viable.

M. Jean-Luc Préel – Le Parti socialiste souhaite-t-il donc aggraver le déficit ?

M. René Dosière – Saluons au passage la saine gestion des collectivités locales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Pas toujours !

M. René Dosière – Je rappelle ainsi, dans l’ouvrage que M. Carrez apprécie tant et que je suis en train de réécrire, que les communes et intercommunalités ont augmenté leurs impôts de 45 % entre 2001 et 2007. C’est ainsi qu’elles ont pu financer leurs investissements tout en restant viables et autonomes.

L’affaire est donc entendue.

Il y a d’ailleurs une sensible divergence idéologique entre la droite et la gauche quant au rôle de l’État et, à cet égard, on pourrait croire que cette proposition de loi a été rédigée par l’association Contribuables associés, tant la pétition actuellement diffusée par celle-ci en est proche : l’idée dans les deux cas, c’est que moins il y a de fonctionnaires et moins il y a d’impôts, mieux c’est ! C’est un raisonnement libéral, que l’on a trouvé aussi sous la plume de M. Mariton lorsqu’il était rapporteur de la commission sur la fiscalité locale. On s’apercevrait sans doute, cependant, que ceux qui défendent ces positions ici n’agissent pas toujours dans cet esprit en tant qu’élus locaux…

Pour ma part, je ne dis pas qu’il faut toujours plus de fonctionnaires et plus d’impôts : je n’ai jamais été un partisan de l’économie administrée ; mais je considère qu’il faut avoir une fonction publique de qualité. C’est un gage de développement, comme j’ai eu l’occasion de le constater en étudiant la situation de pays africains ou de l’ex-URSS ; et dans un pays comme la France, c’est un moyen de favoriser la cohésion et la paix sociales – que, certes, le PIB ne mesure pas. J’ai donc plutôt tendance à dire « Vive l’impôt ! ». L’impôt est en effet utile, comme le disait très bien en 1882 un auteur de neuf ans qui s’exprimait ainsi : « Nous avons beaucoup de devoirs à remplir envers notre patrie. Le premier, celui que nous pouvons tous remplir dès à présent, c’est celui d’aller à l’école. Le second, celui que nous remplirons quand nous serons plus forts, est celui d’être soldats. Pour entretenir l’armée, pour payer les magistrats, les fonctionnaires de toutes espèces dont elle a besoin, où la patrie prendra-t-elle de l’argent ? Elle n’en demandera qu’à ceux qui profitent de tout cela, c’est-à-dire aux citoyens. C’est pourquoi il faut payer l’impôt sans murmurer. » Ce jeune écolier, c’était Charles Péguy, qui en septembre 1914 donnera sa vie pour la patrie, après avoir eu la carrière que l’on connaît.

Oui, l’impôt sert à faire fonctionner notre pays, à financer des services rendus à la population. Il sert aussi à assurer une redistribution, sociale mais aussi économique : les transferts sociaux réduisent les inégalités, et les dépenses qu’ils engendrent font vivre nos entreprises. Ceux qui connaissent la société américaine – c’est un peu mon cas, mes petits-fils ayant hérité de leur mère la nationalité américaine – savent que les inégalités y sont très profondes ; ma belle-fille a d’ailleurs préféré vivre en France afin de bénéficier, en matière de santé et d’éducation, de services qui aux États-Unis sont réservés à ceux qui ont de très gros revenus.

Bien entendu, comme M. de Courson, M. Méhaignerie et bien d’autres ici, je soutiens le combat pour la transparence dans l’utilisation de l’argent public, qui est l’argent des Français. C’est d’ailleurs ce qui m’avait conduit à stigmatiser, en son temps, l’augmentation du budget de la Présidence de la République.

Je suis également d’accord avec M. de Courson sur le fait que la situation financière de la France n’est pas brillante, comme son rapport rempli de chiffres en témoigne. Moi qui ne suis pas issu de la Cour des comptes, je fais de simples constats : en 2006, tout s’est passé comme si, du 7 novembre au 31 décembre, l’État empruntait chaque jour 720 millions pour finir l’année. Bien sûr, cela nous conduit à verser des intérêts aux riches étrangers qui nous prêtent de l’argent ; ils atteignent 40 milliards – à comparer aux 13 milliards de crédits de l’enseignement supérieur, aux 16 milliards de la police et de la gendarmerie, aux 7 milliards de la justice : on imagine ce qu’on pourrait faire si on dépensait ces 40 milliards chez nous ! Si on ajoute le déficit de la sécurité sociale, notre endettement revient à ce que chaque ménage doive 44 000 euros – soit deux années de salaire moyen dans le secteur privé.

Cette situation ne peut donc pas durer. Le rapport de M. Pébereau, il y a plus de deux ans, avait d’ailleurs fait à ce sujet des recommandations. La première était de réduire la dette ; la deuxième était de ne pas réduire les impôts. Il y avait un lien entre les deux, mais qu’a fait la majorité dès le mois de juillet dernier ? Au passage, je souligne que la seule période où la dette publique a diminué, c’est sous le gouvernement Jospin : entre 1993 et 1997, elle avait augmenté de 13 points de PIB ; entre 1997 et 2001, elle a diminué de deux points ! Et entre 2002 et 2007, elle a augmenté de 8 points… Pourquoi a-t-elle ainsi pu diminuer à un moment ? Tout simplement, parce que le déficit a lui aussi diminué : de 4,1 % du PIB en 1996, il a été ramené à 1,5 % en 2001. Entre 2002 et 2005, il a à nouveau oscillé entre 3 et 4 %, et depuis il oscille entre 2,5 et 3 %...

M. Éric Woerth, ministre du budget C’est un résultat purement mécanique !

M. Jacques Alain Benisti – Vous avez bénéficié de la croissance mondiale !

M. René Dosière – Notre croissance était forte, supérieure à celle de la zone euro, mais la croissance mondiale n’était pas plus forte que durant la période précédente, bien au contraire ; ces résultats ont été obtenus malgré le ralentissement de la croissance mondiale. Peut-être, donc, pourriez-vous vous inspirer de la politique menée par M. Jospin…

En juillet dernier, disais-je, qu’avez-vous fait ? Vous avez aggravé le déficit en diminuant les impôts – que néanmoins vous n’avez pas diminués pour tout le monde. Je vous concède, Monsieur le ministre, que sur les 14 ou 15 milliards – le chiffre est d’ailleurs assez incertain –, une grosse partie concerne les heures supplémentaires.

M. Jacques Alain Benisti – Il est important de le dire.

M. René Dosière – En revanche, à qui bénéficie la suppression des droits de succession entre conjoints ? Déjà, 85 % de Français n’en payaient pas ; on a donc exonéré les 15 % restants, soit environ 75 000 personnes. Parmi elles, un tiers vont économiser en moyenne 322 euros ; un quart vont économiser 658 euros ; un cinquième vont économiser 1 930 euros. On aurait pu obtenir le même résultat en relevant les abattements. En décidant au contraire de supprimer les droits dans tous les cas, on a fait bénéficier de cette suppression 1 % de Français du haut de l’échelle : 778 personnes peuvent économiser en moyenne 190 000 euros ; parmi elles, 230 économiseront 343 000 euros en moyenne, 56 économiseront 571 428 euros en moyenne. Était-il vraiment moral de faire faire cette économie à l’État ?

Quant au bouclier fiscal, une idée qui peut certes paraître sympathique au premier abord, il ne concerne en fait qu’1 % des ménages, soit 234 000 personnes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Je comprends que cela vous gêne, mais ce sont les chiffres officiels du ministère.

M. Jean-Luc Préel – Mais qu’est-ce que cela a à voir avec le vote en équilibre du budget ?

M. René Dosière – Vous réclamez un vote en équilibre, mais votre premier geste a été d’aggraver le déficit ! Il est bon de souligner la cohérence et la sincérité de votre politique.

Parmi ces ménages donc, la plupart vont recevoir quelques centaines d’euros. Mais mille foyers vont bénéficier d’une restitution de 251 000 euros ! Seize années de SMIC ! Et c’est pour cela que vous aggravez le déficit.

M. François Sauvadet – Les déficits sont d’abord dus à des dépenses !

M. René Dosière – Alors, que faire ?

M. le Président – S’acheminer vers sa conclusion, par exemple

M. René Dosière – Il ne sert à rien de s’en remettre à de simples méthodes comptables : il faut une véritable politique. D’abord, il ne faut pas réduire les impôts avant que le problème du déficit soit réglé. Il ne faut ensuite pas oublier que beaucoup se joue au niveau européen. La règle des 3 % du PIB est sujette à discussion : quels types de dépenses sont prises en considération ? Y a-t-il une automaticité ? Il faut donc engager les discussions pour que cette règle soit assouplie et adaptée aux réalités. Il faut enfin réformer l’État, mais par une évaluation sérieuse plutôt que par une suppression mécanique des postes. Ainsi, la décentralisation a multiplié par deux le nombre de fonctionnaires, puisque ce sont dorénavant les collectivités qui agissent, mais les fonctionnaires d’État qui remplissaient ces taches n’ont pas disparu. Il en est de même pour les intercommunalités.

M. le Président – Monsieur Dosière, il faut vraiment conclure.

M. René Dosière – Il faut donc tout mieux contrôler et évaluer. De ce point de vue, j’ai été stupéfait d’apprendre que vous alliez mandater un cabinet privé pour noter – pardon : « évaluer » – les ministres. C’est au Parlement d’évaluer les ministres ! Nous disposons maintenant d’une constitution financière, dont c’est le principe de base. Il suffit de nous donner les moyens de l’appliquer, notamment en allongeant le temps d’examen de la loi de règlement. Qu’est-ce que c’est que ce Gouvernement qui néglige complètement le rôle du Parlement ?

Vous vous moquez souvent, à juste titre, des divisions du parti socialiste, et il est vrai qu’il y a toujours eu des points de vue différents chez les socialistes. Mais chez vous, entre l’aile populiste et frontiste, l’aile cléricale, l’aile libérale et l’aile prétendument gaulliste, favorable à l’intervention de l’État, à la laïcité et au respect de la séparation entre vie publique et vie privée, on s’y perd un peu ! D’autant plus que le Président de la République emprunte chaque jour à un courant différent… Lorsque vous ferez preuve d’un peu plus de cohérence, nous pourrons enfin débattre de ces sujets (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Luc Préel – Je suis très heureux de défendre cette proposition de loi du Nouveau centre. Je regrette simplement que nos amis communistes et verts soient absents, et que M. Dosière nous ait expliqué qu’un budget en déséquilibre était tout à fait souhaitable.

M. René Dosière – J’ai simplement relevé l’incohérence de votre politique.

M. Jean-Luc Préel – Cette proposition de loi a pour but de mettre en œuvre une promesse du Président de la République, une promesse majeure pour l’avenir du pays : mettre fin à la fuite en avant des déficits et voter, comme d’autres le font, des budgets en équilibre – certains pays ont même aujourd’hui des budgets excédentaires. Nous en sommes loin, mais j’espère que nous allons en prendre le chemin.

M. René Dosière – C’est mal parti.

M. Jean-Luc Préel – L’endettement de l’État atteint aujourd’hui 1 200 milliards et il s’alourdit chaque année de près de 50 milliards.

M. René Dosière – Surtout lorsque la droite est au pouvoir.

M. Jean-Luc Préel – Vous y avez votre part et je ne parle pas des 35 heures.

Cette promesse ne sera pas facile à tenir, mais elle doit l’être d’ici 2012. Il faut inscrire cet objectif fondamental, qui se formule très simplement, dans la Constitution. Mais la même volonté doit s’appliquer aussi aux comptes sociaux, qui sont en fort déséquilibre, pour éviter de reporter le financement de nos propres dépenses sur les générations futures. L’ordonnance d’Alain Juppé du 24 janvier 1996 avait créé la Caisse d’amortissement de la dette sociale pour amortir les 44 milliards de déficits antérieurs en treize années, grâce à la CRDS et à un versement de l’État de 1,9 milliard par an. En 1998, Martine Aubry a demandé à la CADES de reprendre les déficits de 1996, 1997 et 1998. Comme elle était courageuse et pas du tout démagogue, elle a choisi de prolonger la durée de vie de la CADES jusqu’en 2014, plutôt que d’augmenter les prélèvements. C’était tellement facile ! La réforme de l’assurance maladie de 2004 a enfin transféré à la CADES les déficits de 2003 à 2006 – partant de l’idée que l’équilibre serait obtenu en 2007 – toujours sans augmenter la CRDS.

Si l’on continue ainsi, nos enfants, mais aussi nos petits-enfants auront de bonnes raisons de se souvenir de nous ! Depuis l’origine, nous avons en effet confié 107 milliards à la CADES. Or, la CRDS rapportera 6 milliards en 2008… Au rythme actuel, il reste vingt-trois années d’amortissement – pour les déficits jusqu’à 2006. Malheureusement, les réformes des retraites de 2003 et de l’assurance maladie de 2004 n’ont pas permis d’atteindre l’équilibre et le déficit des deux années 2007 et 2008 sera de 25 milliards au minimum… Il faut savoir que la loi de financement de la sécurité sociale a prévu une autorisation d’emprunt de 47 milliards ! Enfin, la loi de financement 2008 prévoit – mais en se basant sur des hypothèses économiques très optimistes – un déficit cumulé supplémentaire en 2012 de 42 milliards pour le régime général et 15,8 pour le FFIPSA.

Il y a vraiment le feu au lac. Heureusement, le financement de la protection sociale doit être revu en 2008. Mais il est nécessaire d’inscrire dans la Constitution le principe du vote des comptes sociaux en équilibre : il appartient à chaque génération de financer ses propres dépenses.

M. François Sauvadet – Très bien !

M. Jean-Luc Préel – Nous proposons un délai de cinq ans, ce qui signifie qu’il faudra financer les déficits de 2007 à 2012, très probablement par une augmentation de la CRDS car il ne serait pas convenable de prolonger encore la durée de vie de la CADES.

Cet objectif ne sera pas atteint si l’on ne parvient pas à équilibrer les régimes des retraites et à rendre l’assurance maladie efficiente, en veillant à ce que chaque euro soit dépensé à bon escient. Pour cela, il faut responsabiliser les acteurs à tous les niveaux, améliorer la formation, évaluer réellement les pratiques et coordonner les soins. Pour la retraite, nous défendons le principe d’un régime de base unique, géré par les partenaires sociaux et fonctionnant par points.

M. François Goulard – Très bien.

M. Jean-Luc Préel – Les partenaires sociaux décideraient chaque année des valeurs d’achat et de liquidation du point, ce qui assurerait chaque année l’équilibre du régime. Les partenaires sociaux retrouveraient ainsi une véritable responsabilité.

Cet objectif ne sera pas facile à atteindre, mais il faut faire preuve de volontarisme. Nous devons donc voter le principe, puis nous donner les moyens de l’appliquer. Il n’est que temps de mettre en oeuvre cette promesse du Président de la République : il y va de notre crédibilité, et surtout de notre honneur. Si nous ne voulons pas laisser toutes ces dettes à nos enfants, il nous faut faire preuve de responsabilité. Merci, Monsieur le ministre, de vous engager dans cette dure épreuve… (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et certains bancs du groupe UMP)

M. Gilles Carrez – M. le président de la commission des finances, retenu en province, m’a prié d’excuser son absence ce matin.

La présente proposition de loi a l’immense mérite de rappeler la nécessité de redresser nos finances publiques…

M. François Rochebloine – Très bien !

M. Gilles Carrez – …en insistant sur le déficit de l’État et celui, inacceptable, de la sécurité sociale. Le premier représente à lui seul 80 % de notre dette, laquelle s’élève à 1 200 milliards ; les intérêts de la dette – près de 41 milliards – absorberont en 2008 les trois quarts de l’impôt sur le revenu ; enfin, les dépenses de fonctionnement ont progressivement évincé les dépenses d’investissement.

M. Michel Bouvard – C’est exact.

M. Gilles Carrez – Celles-ci qui sont tombées à 8 % du budget de l’État, contre 15 % il y a vingt ans.

Réserver l’emprunt au seul financement des dépenses d’investissement obligerait à financer les dépenses de fonctionnement par des recettes courantes et à consacrer aux dépenses d’investissement les marges de manœuvre – de plus en plus réduites – dégagées par de nouveaux emprunts. Toutefois, en dépit de la rigueur et du bon sens qui l’inspirent, la mesure ne saurait suffire à garantir le retour à l’équilibre des finances publiques, comme en témoigne l’exemple de l’Allemagne, qui applique la « règle d’or » depuis 1969 – j’y reviendrai –, ou du Royaume-Uni, qui l’a plus récemment adoptée.

N’oublions pas que la priorité, c’est la maîtrise de la dépense (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) – la dépense de l’État, la dépense sociale, mais aussi la dépense locale, qui augmente, depuis vingt ans, de 4 ou 5 % par an ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. François Goulard – Très bien !

M. Gilles Carrez – Si cette règle nouvelle est bienvenue, ayons d’abord le courage d’appliquer rigoureusement les règles déjà en vigueur !

M. René Dosière – Très bien !

M. Gilles Carrez – S’agissant du déficit de l’État, si nous avons étendu en 2008 aux prélèvements sur recettes la norme de dépense – qui exige que la dépense de l’État n’augmente pas plus vite que l’inflation –, la dépense fiscale ne cesse de croître…

M. Michel Bouvard – Eh oui !

M. Gilles Carrez – …Elle a augmenté à un rythme cinq fois plus élevé que les crédits budgétaires entre 2006 et 2008 ! Cela ne peut plus continuer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP) Afin de garantir une vision d’ensemble consolidée, les dépenses fiscales et les exonérations sociales doivent être réservées aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale (Même mouvement), car leur éparpillement creuse le déficit. En 2007, pour la première fois en dix ans, la prévision révisée de l’impôt sur le revenu dépasse l’exécution. Voilà ce qui arrive lorsqu’on ne cesse de créer des niches fiscales : dans l’impôt sur le revenu, comme dans le gruyère, il n’y aura bientôt plus que des trous ! (Même mouvement)

MM. René Dosière et Régis Juanico – La faute à qui ?

M. Gilles Carrez – Ainsi, les dépenses fiscales en matière de logement atteindront 2,4 milliards en 2008, contre 900 millions en 2006, sans que leur efficacité ait été le moins du monde évaluée !

Monsieur le ministre, voici trois propositions qui devraient s’appliquer, sans attendre 2012, dès le prochain débat d’orientation budgétaire : étendre dès que possible la norme de dépense à la dépense fiscale ; procéder à une programmation pluriannuelle – pour trois ans – des dépenses ; enfin, subordonner la baisse de l’impôt au redressement des finances publiques. Il y a quelques jours, alors même que l’Allemagne a entièrement résorbé ses déficits publics en 2007, Angela Merkel déclarait à ses ministres que l’impôt ne pourrait diminuer que lorsque les finances publiques seraient excédentaires ! Mais nous, dont le déficit public atteint 2,5 %, nous consentirions de nouvelles baisses d’impôt ?

M. René Dosière – Le bouclier fiscal !

M. Gilles Carrez – D’autre part, malgré son apparente simplicité, la présente proposition de loi pose plusieurs problèmes qu’a évoqués M. le ministre.

M. François Goulard – Il ne s’agit que de problèmes techniques !

M. Gilles Carrez – En outre, Monsieur Goulard, toute dépense d’investissement n’est pas vertueuse.

M. François Goulard – Nous le savons bien !

M. Gilles Carrez – Ainsi, les collectivités locales procèdent-elles parfois à des dépenses d’investissement inutiles ou excessives ; en outre, ces dépenses entraînent souvent des dépenses de fonctionnement.

M. Pierre Méhaignerie – Très juste.

M. Gilles Carrez – D’autre part, la « règle d’or », si excellente soit-elle, demeure trop rigide pour épouser le rythme des cycles économiques. Voilà du reste pourquoi son adoption en Allemagne a été assortie de la possibilité de s’y soustraire en cas de « perturbation de l’équilibre macroéconomique », possibilité maintes fois utilisée depuis 1969. De fait, cette règle n’a pas empêché la dette allemande de dépasser 70 % du PIB et le pays ne doit la résorption de son déficit qu’aux critères de Maastricht...

M. François Goulard – Cela prouve que les règles sont efficaces !

M. Gilles Carrez – …À cet égard, il faut rappeler que les 3 % sont un maximum, en cas de récession, et que la véritable règle, c’est l’absence de déficit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

En somme – à condition de procéder à des études poussées sur un certain nombre d’aspects techniques – cette proposition de loi a toute sa place au sein des règles de bonne gouvernance des finances publiques dont nous devons nous doter. Mais s’imposer la règle d’or pour 2012 ne doit pas nous exonérer de nos responsabilités présentes ! En effet, non seulement l’excédent primaire n’est pas assuré en 2008, mais notre déficit, qui atteint 42 milliards, continue de s’aggraver. Nous n’assainirons nos finances en 2012 qu’à condition de faire preuve de rigueur à court terme (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. René Dosière – Quel réquisitoire !

M. Charles de Courson, rapporteur – Monsieur le ministre, les membres de la commission des finances issus de la majorité – voire ceux de l’opposition ! – sont d’accord avec vous : le déficit public résulte essentiellement d’une dépense excessive. Mais la règle d’or vous permettra de maîtriser celle-ci en obligeant les autres ministres à résorber en quatre ans les 22 milliards de déficit de fonctionnement inscrits au PLF pour 2008.

Permettez-moi d’autre part de juger plutôt faibles vos arguments contre cette règle
– sensiblement identiques à ceux de M. Dosière, auquel je répondrai donc par la même occasion, et à ceux que Mme Parly et M. Lambert avaient déjà opposés à l’un de mes amendements. À vous croire, il serait difficile de distinguer dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement – argument caractéristique de la haute fonction publique et qui ne saurait être pris au sérieux…

M. François Sauvadet – Bien sûr !

M. Charles de Courson, rapporteur. – Cette distinction est de nature comptable et, sauf exception, elle est facile à établir. Il était spécieux, Monsieur Dosière, de soutenir que les dépenses d’éducation constituent des dépenses d’investissement.

M. Michel Bouvard – Naturellement !

M. Charles de Courson – Des règles comptables s’imposent en la matière – même si tel ou tel ministre peut tenter de les contourner –, comme le savent bien les élus locaux, qui y sont régulièrement confrontés.

Ensuite, il y a l’argument conjoncturel. Mais si l’on parvient à l’équilibre au cours d’un cycle de cinq ou six ans, on dégagera une marge non négligeable – sans compter la réserve conjoncturelle, qui atteint cette année 5 ou 7 milliards.

Monsieur Dosière, vous avez crié « Vive l’impôt ! » en citant Péguy, oubliant qu’à l’époque, le taux de prélèvements obligatoires ne dépassait pas 10 ou 11 %…

M. René Dosière – Mais il n’y avait pas de retraites !

M. Charles de Courson – Si : la retraite des fonctionnaires existait déjà. Quoi qu’il en soit, c’est un aveu : vous prônez la dépense publique.

M. René Dosière – J’ai cité l’exemple américain !

M. Charles de Courson – Vous oubliez également qu’au cours des trois périodes de cinq ans où vous avez gouverné, le déficit, qui était nul en 1980, a atteint 3,1 % en 1986 (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). Puis il est passé de 1,7 % en 1989 à 5,9 % en 1993 – record historique depuis la guerre…

M. René Dosière – Seule année où le PIB a chuté !

M. Charles de Courson – Enfin, de 1997 à 2002, le déficit est passé de 3 % à 3,2 %. Mais entre temps, vous aviez gâché les atouts que donnait la conjoncture (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Voilà l’histoire budgétaire de ces dernières années :

M. René Dosière – Soigneusement revisitée.

M. Charles de Courson, rapporteur – Chaque fois, nous avons été obligés de redresser la barre !

Monsieur le ministre, vous nous proposez de réfléchir à une intégration de notre proposition dans la révision constitutionnelle de juin. Pourquoi pas ? Mais il faudrait préciser dans quel cadre. Sera-ce au sein d’une commission spéciale réunissant la commission des finances et celle des affaires sociales ? En tout cas, avec de nombreux collègues de la majorité, mais aussi – comme ils l’avouent en privé – de l’opposition, je pense que la règle d’or est bonne et qu’il faut l’inscrire dans notre droit constitutionnel.

Monsieur Lefebvre, je vous remercie de soutenir ce texte et d’inviter le Gouvernement à un geste d’ouverture.

Monsieur Dosière, je suis triste que la gauche ne dise rien.

M. Michel Bouvard – Heureusement, encore, que M. Dosière est là !

M. Charles de Courson, rapporteur – La vérité, c’est que vous êtes des conservateurs et ne voulez rien changer (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). En privé, vous reconnaissez pourtant que la situation est difficile, et nous souhaiterions donc entendre la position du parti socialiste. Mais vous refusez d’exprimer une position sur le financement par l’emprunt des déficits de fonctionnement.

M. René Dosière – Ce n’est pas la question !

M. Charles de Courson, rapporteur  Sur cette question, vous faites de la tactique, vous ne voulez pas affronter le problème.

M. François Goulard – Comme sur l’Europe !

M. Charles de Courson, rapporteur – Enfin, M. Préel a rappelé à juste titre que la proposition contenait un article 2 concernant la loi de financement de la sécurité sociale, et M. Sauvadet a rappelé notre position dans ce débat.

Comme M. Carrez le répète à temps et à contretemps, et pas toujours avec le succès que l’on espérerait, il faut arrêter de faire croire aux Français que la dépense publique a fortement ralenti. Car la vraie norme de dépense est la dépense brute majorée des dépenses fiscales. Or, la dépense continue de croître plus vite que la richesse nationale. La facilité de la dépense fiscale à court terme dissimule cette réalité. Avec M. Carrez, nous demandons de considérer la norme totale, avec ses trois composantes. Monsieur le ministre, vous avez déjà consenti un effort ; il faut poursuivre. La règle d’or, à cet égard, est le minimum minimorum, car, comme le Président de la République s’y était engagé devant l’eurogroupe, il faut parvenir à l’équilibre total. Notre proposition est donc en deçà.

Nous pensons qu’une norme pluriannuelle serait en effet une bonne chose ; comme il nous arrive de voter des lois qui ne coûtent rien la première année et font exploser les dépenses les années suivantes, il est préférable de pouvoir apprécier les conséquences de nos décisions.

Enfin, subordonner les baisses d’impôts au redressement du déficit, c’est ce que nous demandons depuis des années, sans être malheureusement écoutés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC)

M. René Dosière – C’est un prêche dans le désert !

M. Éric Woerth, ministre du budget Nous avons tous la volonté de parvenir à l’équilibre de nos finances publiques. J’ajouterai même que toute réforme doit être conduite en gardant cette pensée, car aucune réforme, aucune « politique de civilisation » ne peut être durable sans des finances publiques assainies. Il n’est donc pas nécessaire de pousser le Gouvernement dans cette direction ; il se pousse tout seul, et de manière énergique ! (Murmures sur quelques bancs du groupe NC et du groupe UMP)

Or, la trajectoire est difficile. Nous ne sommes pas dans un jeu vidéo ; derrière la dépense publique, il y a la réalité, des gens qui en bénéficient, des politiques publiques qui s’expriment. Pour résorber un déficit de 40 milliards, il faut conduire des réformes en profondeur. Tel est le but de la révision générale : il s’agit de mettre en face de chaque politique des moyens, de les mesurer, de définir des critères du service public qui soient compatibles avec les objectifs. Il s’agit également de hiérarchiser les priorités, dès 2008, dans une vision non pas comptable, mais politique.

Avant tout, nous voulons faire partager une culture de norme de dépenses et de croissance durable, à partir de deux piliers : des réformes véritablement structurelles en vue de la croissance et de la maîtrise de la dépense publique. Dans ce cadre, il faut évidemment des règles, mais poser les règles avant le fond ne me paraît pas une bonne chose.

M. François Goulard – Est-ce que l’existence précède l’essence ? (Sourires)

M. Éric Woerth, ministre du budget Car il ne faudrait pas se donner bonne conscience avec des règles, pour se permettre de ne rien faire ! C’est un combat quotidien à mener. Si nous sommes d’accord sur cette prémisse, alors oui, posons des règles. Je souhaite, pour ma part, être en situation d’initiative, sans être ballotté par les événements, et montrer que l’équilibre ne repose pas sur une vision comptable des choses, que c’est au contraire une œuvre fondatrice pour toutes les réformes que nous voulons mener.

Je suis prêt à installer à Bercy, dès la semaine prochaine, avec tous les parlementaires qui le souhaitent, un groupe de travail pour discuter, d’ici à la révision constitutionnelle du printemps, des règles dont nous pourrions nous doter, afin de nous encadrer dans cette conquête progressive de l’équilibre (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et quelques bancs du groupe UMP).

Ces règles pourraient être constitutionnalisées, même si d’autres pays ont montré la limite de la chose. Elles pourraient en tout cas entrer dans notre constitution financière.

M Gilles Carrez – Nous l’avions proposé en 2000 !

M. François Goulard – En oubliant les comptes sociaux.

M. Éric Woerth, ministre du budget Ce travail pourra être mené, je l’espère, concomitamment à la préparation d’une loi de programmation pour les finances publiques. Je souhaite, en effet, que nous puissions programmer la dépense, et je m’efforcerai de démontrer que c’est de bonne méthode. Car enfin, comment se doter d’une programmation militaire, de sécurité, ou autre, si nous n’avons pas une vision à long terme de la dépense publique ? Nous avons besoin, dans ce cadre, de règles de gestion supplémentaires, et je vous invite donc à participer à ce travail à Bercy (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et plusieurs bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-François Copé et des membres du groupe UMP une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Frédéric Lefebvre – Je suis très heureux de la manière dont évolue ce débat. Le Nouveau centre a fait œuvre utile en déposant cette proposition de loi constitutionnelle. J’en ai déposé une autre avec Pierre Méhaignerie au nom du groupe UMP : elle a le même objet que celle du groupe Nouveau centre, mais s’en distingue sur la forme – c’est pourquoi je défends cette motion de renvoi en commission.

Le retour à l’équilibre des finances publiques est une priorité pour la majorité et pour notre Assemblée, puisque la commission des lois a adopté ce texte, avec l’amendement que nous avions déposé qui reprend notre propre proposition de loi. Nous aurions donc pu pousser les feux pour essayer d’aboutir dès aujourd’hui. Les arguments développés par M. le ministre – qui a pris un engagement au nom du Gouvernement – et par notre collègue Carrez nous ont dissuadés de le faire. C’est ensemble que nous devons construire des règles qui nous donnent une obligation de résultat – Gilles Carrez citait tout à l’heure un certain nombre de pistes. Qu’il me soit permis de le rassurer : dans notre proposition de loi comme dans celle du Nouveau centre, 2012 est évidemment le point d’arrivée. Pour parvenir à l’équilibre en 2012, il faut faire des efforts dès aujourd’hui !

M. Gilles Carrez – Très bien.

M. Frédéric Lefebvre – C’est bien ce que suggère le Gouvernement en nous proposant de constituer un groupe de travail dès la semaine prochaine. N’est-ce pas le résultat auquel nous voulions aboutir ?

Il va donc falloir nous mettre au travail pour construire cette règle et de nouvelles méthodes. Le débat d’orientation budgétaire peut être l’occasion d’instaurer de nouveaux rendez-vous. Nous avons proposé avec Gaëtan Gorce, lors du débat sur le budget de l’emploi, de faire un effort sans précédent sur l’évaluation. J’aimerais faire quelques propositions en la matière. Vous avez engagé, Monsieur le ministre, une révision générale des politiques publiques qui va nous permettre de nous attaquer aux dépenses publiques improductives. C’est dans cet esprit que nous avions lancé l’idée du « bonus-malus », qui consiste à lier les exonérations de charges des entreprises aux efforts consentis sur les salaires.

Les socialistes ont fait croire aux Français que les 35 heures et les exonérations de charges consenties en contrepartie allaient créer des centaines de milliers d’emplois…

M. Régis Juanico – 400 000 !

M. Frédéric Lefebvre – Soit. Mais chacun sait que nombre de ces emplois auraient de toute façon été créés et que les effets d’aubaine ont joué à plein. Or, les exonérations de charges représentent tout de même 27 milliards d’euros par an !

Le déficit de l’État s’élève à 42 milliards, dont près de 20 correspondent à des dépenses d’investissement et le reste à des dépenses de fonctionnement. Les seules exonérations de charges couvrent donc largement le déficit. Il ne s’agit pas de les supprimer brutalement, mais de montrer que l’on peut obtenir en France ce qui a été obtenu dans onze pays européens : il n’y a pas de fatalité ! Derrière tout cela, il y a un enjeu prioritaire : celui du pouvoir d’achat.

Je reviens sur l’évaluation pour vous faire une proposition, Monsieur le ministre : pourquoi ne pas dédier un pôle de compétitivité à l’évaluation des politiques publiques, pour former les statisticiens et les chercheurs dont notre pays manque ? Nous romprions ainsi avec la pratique de l’évaluation « au doigt mouillé » si courante dans l’administration. Nous devons être en mesure d’avoir de vrais chiffres sur toutes les dépenses publiques. Le Parlement pourra ainsi prendre toute sa part dans la chasse aux dépenses publiques improductives. Je vais oser un gros mot : cet outil d’évaluation de l’État, il faudra que le Parlement puisse le saisir quand, par exemple, la commission des finances débusque une dépense inutile.

M. Michel Bouvard – Dans l’esprit de la loi organique, c’est le Parlement qui doit évaluer !

M. Frédéric Lefebvre – D’autre part, on veut rendre des pouvoirs au Conseil économique et social : pourquoi ne pourrait-il pas saisir lui aussi cet outil d’évaluation dans ses domaines de compétence ? Pour faire de vraies réformes structurelles dans notre pays, il faut qu’elles soient partagées. Tant de rapports de la Cour des comptes n’ont jamais été suivis d’effets… Changer de culture d’évaluation, c’est nous donner les moyens d’atteindre l’objectif d’un équilibre de nos finances publiques en 2012. Il faut pour cela que nous définissions ensemble de nouvelles règles et de nouvelles procédures.

Derrière tout cela, c’est le pouvoir d’achat qui est en jeu. Beaucoup de commentateurs se sont trompés en croyant que le Président de la République avait abandonné le thème du pouvoir d’achat lors de sa conférence de presse. Lorsqu’il a dit que les caisses étaient vides, il n’a pas dit que nous renoncions à trouver des solutions, mais qu’il n’ y avait pas de marges de manœuvre pour continuer à faire sans cesse de la dépense publique. Les propositions du parti socialiste en faveur du pouvoir d’achat se résument, comme toujours, à accroître la dépense publique. Nous, nous voulons faire des dépenses productives !

M. René Dosière – En baissant les impôts des riches :

M. Frédéric Lefebvre – C’est le cas lorsque l’État prend en charge les charges sociales sur les heures supplémentaires : quand l’État met 20 %, l’entreprise met les 80 % restants. C’est ainsi que l’on donnera davantage de pouvoir d’achat aux Français, et pas en augmentant le SMIC, la PPE ou les minima sociaux...

M. René Dosière – Il faut créer des emplois, comme sous Jospin !

M. Frédéric Lefebvre – Cela, on ne peut se le permettre que lorsque l’on a un excédent budgétaire. Vous mettez comme d’habitude la charrue avant les bœufs ! On connaît la suite : les 35 heures ont abouti à une baisse de pouvoir d’achat pour les Français.

Je déposerai tout à l’heure une proposition de loi qui vise à accroître le pouvoir d’achat en dépensant le moins possible d’argent public. J’ai débattu sur une grande radio avec M. Rochefort, président du CREDOC. Il nous a confirmé que le pouvoir d’achat avait bien augmenté dans notre pays. Le vrai problème, c’est que de nouveaux besoins se font jour en même temps. Il y a 52 millions de téléphones portables dans notre pays, d’où résulte une dépense moyenne de 327 euros par an et par abonné ; 15 millions de foyers sont abonnés à internet, et il en coûte en moyenne 245 euros par an. Tout cela pèse sur le budget des ménages. Notre administration n’en a pas tenu compte. Or, les nouvelles technologies ont considérablement modifié les habitudes des Français, et notamment leurs habitudes de travail : le téléphone portable et internet sont devenus des outils de travail. Je propose donc que les entreprises puissent prendre les abonnements en charge – comme elles le font déjà pour les cadres – dès lors, bien sûr, qu’il y a un lien avec leur objet social. Cela relancera du même coup les nouvelles technologies, secteur sur lequel nous sommes en retard.

M. Copé nous a demandé, à mon collègue Chartier et à moi-même, de constituer un groupe sur le pouvoir d’achat ; trente députés UMP feront des propositions concrètes en la matière. Nous nous sommes fait le serment qu’elles devraient coûter le moins cher possible en termes de dépenses publiques et permettre de changer de logique économique. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Les Français doivent comprendre que leur pouvoir d’achat est directement lié aux dépenses publiques. On ne pourra pas décréter, d’un coup de baguette magique, son augmentation : c’est en libérant le travail, en baissant les charges qui pèsent sur les entreprises et sur les salariés que l’on pourra augmenter les salaires.

Même si nous ne poursuivons pas cet objectif par souci d’être dans les clous européens, l’engagement que le Président de la République a pris devant les Français est devenu celui de la France devant l’Union, au moment même où elle s’apprête à en assurer la présidence.

Monsieur le ministre, vous avez pu constater notre détermination à obtenir du Gouvernement la possibilité de travailler sur de nouvelles règles. Le Nouveau centre, M. Pierre Méhaignerie et moi-même avons pensé que l’objectif pouvait être inscrit dans la Constitution ; M. Carrez s’était prononcé pour une inscription dans la loi organique. Mais nous pouvons trouver d’autres moyens législatifs : créer un rendez-vous spécifique lors du débat d’orientation budgétaire ; mettre en place des mécanismes d’évaluation des dépenses dans nos commissions.

L’essentiel est de définir une obligation de résultats. Car, quelle que soit la détermination des ministres du budget – et je ne doute pas de la vôtre – il est difficile de parvenir à un tel objectif sans qu’aucune règle ait été fixée. Vous vous êtes engagé à ce que nous y travaillions dès la semaine prochaine. Cela, je crois, devrait convaincre l’ensemble des députés de voter cette motion de renvoi en commission. Pour une fois, cette procédure aura été utilisée, non pas pour retarder les débats ou augmenter son temps de parole, mais pour gagner du temps en effectuant un travail de fond (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote sur la motion.

M. François Sauvadet – Le Nouveau centre a voulu ce débat, car la maîtrise des dépenses publiques représente une exigence morale et un engagement politique pris devant les Français et nos partenaires européens.

Nos prélèvements obligatoires ont atteint des records. Contrairement à ce que M. Dosière a affirmé, ils ne constituent pas la clé du règlement de nos difficultés : ils nuisent à la compétitivité de nos entreprises, à l’investissement et au pouvoir d’achat. Il n’y aura pas de progression du pouvoir d’achat si notre dépense publique n’est pas contenue et réorientée vers des dépenses de croissance comme la recherche ou l’innovation.

Monsieur le ministre, vous ne vous êtes pas prononcé sur un pacte national qui engagerait l’État et les collectivités locales, comme en Allemagne. Nous ne pouvons continuer ce jeu de défausse permanent, où les collectivités profitent du désengagement de l’État pour augmenter leurs prélèvements et leurs dépenses.

C’est au niveau constitutionnel qu’il convient de fixer cette règle. D’ailleurs, nous estimons qu’un référendum devrait être organisé, afin que le peuple s’engage à nos côtés.

MM. François Goulard et François Rochebloine – Très bien.

M. François Sauvadet – La spirale de l’endettement doit cesser et nous devons agir dès aujourd’hui pour que l’objectif soit atteint en 2012. C’est un combat que nous menons depuis le début de cette législature : nous avons dénoncé le cumul des niches fiscales et soutenu l’idée d’un impôt minimum. 

M. René Dosière – C’est bien la raison pour laquelle vous avez voté contre la loi de finances !

M. François Sauvadet – Monsieur Dosière, je vous ai trouvé curieusement absent sur les propositions. Vous avez botté en touche en évoquant les difficultés de la majorité, mais ce sont les difficultés du pays auxquelles nous sommes confrontés.

M. le Président – Je vous prie de conclure.

M. François Sauvadet – Nous proposons qu’à l’image de l’Allemagne ou de la Grande Bretagne, la France inscrive dans la norme supérieure l’objectif de maîtrise, et ce, d’autant que les difficultés seront accrues par le contexte économique. Monsieur le ministre, j’ai pris bonne note de votre proposition, qui me semble intelligente. Parlementaires, nous nous sentons co-responsables à l’égard de l’avenir : le groupe NC ne renoncera pas à cet objectif (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et quelques bancs du groupe UMP).

M. René Dosière – La meilleure manière de maîtriser la dépense publique et de parvenir à un équilibre est de faire en sorte que le Parlement exerce pleinement son rôle et ses responsabilités. Cela passe par l’application de notre nouvelle constitution financière, qui vise précisément à évaluer les politiques publiques. Certes, la première analyse des résultats de la LOLF s’est faite à l’été 2007, ce qui n’était certainement pas la meilleure période pour juger du bien-fondé de cette réforme, qui implique que l’on passe moins de temps à discuter qu’à évaluer.

D’ailleurs, Monsieur le ministre, je suis profondément choqué de voir le Gouvernement confier à un cabinet d’études privé le soin d’évaluer les politiques des ministres. C’est au Parlement, dans une démocratie moderne, que devrait revenir ce rôle.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. François Goulard – Il est seul, mais il a raison !

M. René Dosière – Aucune mesure technique ne parviendra à régler le déficit des dépenses publiques. C’est dans le cadre d’une politique globale, comme celle qu’a menée Lionel Jospin – qui incluait les 35 heures et qui a créé des emplois – que l’on pourra obtenir des résultats.

M. Michel Bouvard – Et le FOREC ?

M. René Dosière – S’agissant du pouvoir d’achat, nos opinions divergent. Pour l’augmenter, la majorité veut baisser les impôts : elle s’y est d’ailleurs employée en réduisant les impôts de 1 000 personnes de 251 000 euros – dans le cadre de la suppression des droits de succession – et en remboursant 343 000 euros à 230 personnes – dans le cadre du bouclier fiscal. Ces dispositions sont inutiles à l’économie, elles ne sont que la contrepartie de services rendus.

Les gens que je rencontre dans ma permanence, Monsieur Lefebvre, ne se soucient guère du prix du téléphone portable, mais s’inquiètent du prix du pain, du lait, des fruits et des légumes. Là-dessus, vous n’apportez aucune réponse.

Si votre budget et la politique que vous menez étaient en cohérence avec vos paroles, vos discours ne seraient pas aussi vains. Mais cette discussion n’est en réalité qu’un affichage, qui plus est précipité, qui ne parvient pas à masquer les divergences de la majorité.

M. Frédéric Lefebvre – Nous visons tous le même objectif !

M. René Dosière – Quant à la motion de renvoi en commission, c’est un enterrement de première classe, et nous vous laissons le soin d’en régler les détails.

M. Pierre Méhaignerie – Je me réjouis de cette double initiative, et je constate qu’il existe un noyau de députés convaincus. Il nous reste cependant beaucoup d’efforts à faire : lors de la préparation du dernier budget, beaucoup de ministres se réjouissaient de l’augmentation quantitative de leurs missions, sans aborder la question de l’évaluation et de l’efficacité de la dépense publique. Beaucoup de parlementaires aussi, continuent de faire appel à L’État à la moindre difficulté. C’est une maladie ressentie par les observateurs extérieurs. 

M. Jean-Pierre Soisson – Très bien !

M. Pierre Méhaignerie – Je souhaite que le Gouvernement prenne les deux initiatives qu’a mentionnées M. Carrez. Si nous avons voté cet été un bouclier fiscal, nous ne devons pas oublier nos devoirs en matière de justice fiscale : il faut réexaminer les niches et instaurer un impôt minimal alternatif pour les plus hauts revenus (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC). Comment faire comprendre à nos compatriotes que les plus fortunés ne participent pas à l’effort fiscal collectif ? (Même mouvement)

M. Gilles Carrez – Très bien !

M. Pierre Méhaignerie – D’autre part, il faut cesser de récompenser la dépense ! Les collectivités locales vertueuses sont pénalisées, et les plus dépensières sont récompensées au point que plus l’on dépense, plus les aides sont nombreuses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) ! Il n’y aura pas de maîtrise de la dépense publique sans maîtrise de la dépense locale !

M. Pierre Lequiller – Très bien !

M. Pierre Méhaignerie – Hélas, celle-ci reste électoralement payante. Ne pourrions-nous pas instaurer un droit au déficit opposable, à l’image du droit au logement opposable ? Il y va de notre responsabilité à l’égard des générations futures ! J’espère, à ce titre, que le débat que nous avons eu aujourd’hui ne restera pas sans conséquences concrètes au cours des prochains mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, est adoptée.

M. le Président – Il appartiendra à la Conférence des présidents de fixer les conditions de la suite de la discussion.

Prochaine séance, cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 20.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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