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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 31 janvier 2008

Séance unique
Séance de 9 heures 30
114ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

CONVOCATION DU CONGRÈS DU PARLEMENT

M. le Président – J’ai reçu de M. le Président de la République un décret tendant à soumettre le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution au Parlement réuni en Congrès.

En voici le texte :

« Article 1er. – Le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 16 janvier 2008 et par le Sénat le 30 janvier 2008, dont le texte est annexé au présent décret, est soumis au Parlement convoqué en Congrès le 4 février 2008.

Article 2. – L’ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu’il suit :

– vote sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.

Article 3. – Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française. »

Il est pris acte de cette communication.

Le Congrès sera réuni à Versailles lundi 4 février à partir de 16 heures.

M. Marc-Philippe Daubresse remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE
vice-président

POUVOIR D’ACHAT (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le pouvoir d’achat.

M. Georges Colombier, rapporteur de la CMP – Le travail parlementaire a permis d’aboutir à un large accord sur le texte en faveur du pouvoir d’achat. La commission mixte paritaire vous propose de l’adopter tel que voté par le Sénat, qui l’a enrichi tout en en respectant l’esprit.

Ainsi, ce projet ouvre aux salariés, par dérogation, de nouvelles possibilités de renoncer à leurs journées de réduction du temps de travail en échange d’une majoration salariale. Le Sénat a décidé de prolonger l’application de ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2009. Le régime d’exonération de la loi TEPA s’appliquera aux sommes concernées. Le Sénat a également souhaité permettre aux salariés de renoncer à certains de leurs droits à congés rémunérés pour financer le congé d’autres salariés impliqués dans une action humanitaire ou caritative. Ces droits à congé seront monétisés au sein d’un fonds spécifique à l’entreprise. Le dispositif sera applicable jusqu’au 31 décembre 2010, mais la CMP n’a pu trouver de solution satisfaisante quant au régime fiscal qui lui sera applicable.

Le Sénat a adopté telle quelle l’initiative de M. Morange tendant à rendre obligatoire l’assurance des droits accumulés sur un compte épargne-temps non couverts par l’assurance pour la garantie des salaires. De même, il a voté sans modification la mesure proposée par M. Méhaignerie consistant, à titre expérimental, à permettre aux salariés qui le souhaitent de convertir un repos compensateur de remplacement en majoration salariale.

M. Jérôme Chartier – Excellente mesure !

M. Georges Colombier, rapporteur Par ailleurs, le texte autorise à titre dérogatoire les entreprises à procéder au déblocage immédiat des sommes attribuées aux salariés au titre des régimes de participation jusqu’au 31 décembre dernier. La version initiale du projet prévoyait qu’un accord collectif ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur suffise à permettre ce déblocage, mais le Sénat, jugeant cette solution paradoxale, a supprimé le recours à la décision de l’employeur.

La commission des finances du Sénat a proposé un article additionnel qui donne au Gouvernement un délai supplémentaire pour remettre au Parlement un rapport sur l’intéressement dans la fonction publique. Enfin, deux articles ont été adoptés sans modification : celui qui permet aux entreprises dépourvues de système de participation de décider, par accord collectif ou par référendum, de verser une prime exceptionnelle de mille euros par salarié d’ici au 30 juin 2008, et celui qui maintient le dégrèvement de 100 % de la redevance audiovisuelle pour les personnes de plus de 65 ans non soumises à l’impôt sur le revenu.

M. Roland Muzeau – Quoi de plus normal ? Vous avez fini par céder !

M. Georges Colombier, rapporteur – J’en viens aux deux mesures relatives au logement, dont je rappelle qu’il constitue le premier poste de dépense des Français. Tout d’abord, la révision annuelle des loyers dans le secteur locatif privé ne pourra dépasser la variation de l’indice des prix à la consommation hors loyers et tabac. L’inflation progressant moins vite que l’actuel indice de référence des loyers, la progression des loyers s’en trouvera ralentie. Ensuite, le montant maximum du dépôt de garantie exigible par le bailleur sera ramené de deux mois à un mois de loyer. L’Assemblée a également souhaité généraliser l’usage de l’avance Loca-pass, ce prêt accordé au locataire et remboursable en trois ans. Le Sénat a complété ces utiles dispositions en étendant le champ d’application du nouvel indice de référence des loyers aux bâtiments loués dans le cadre des baux ruraux, ainsi qu’aux loyers relevant de la location-accession à la propriété. Désormais, les bailleurs et les prêteurs percevront directement l’allocation de logement familial et celle de logement social et, comme c’est déjà le cas pour l’APL, pourront les déduire du loyer ou du remboursement d’emprunt.

Vous le voyez, le Parlement a œuvré à enrichir un projet de loi qui répond à la préoccupation principale des Français : leur pouvoir d’achat. J’invite naturellement l'Assemblée nationale à adopter le texte de la commission mixte paritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Fréderic Lefebvre – Je me félicite que nos collègues sénateurs aient souhaité prolonger jusqu’à la fin 2009 la possibilité pour les salariés de racheter des journées de RTT : c’est donner plus à ceux qui travaillent plus ! J’avais moi-même déposé un amendement rendant ce dispositif définitif, pour le retirer finalement puisque la négociation sociale est en cours. Le Sénat a été dans le sens que souhaite la majorité. Il va de soi que si les partenaires sociaux modifiaient l’équilibre actuel de l’accord sur le rachat des journées de RTT, nous aurions à adapter la loi à l’occasion d’un prochain projet, celui de modernisation de l’économie, par exemple. Quoi qu’il en soit, le Parlement a fait œuvre utile en la matière.

Le pouvoir d’achat est un véritable problème en France.

M. Roland Muzeau – Ce n’est pas nouveau !

M. Fréderic Lefebvre – En effet, et vous en portez la responsabilité : ce sont les trente-cinq heures qui ont freiné la progression des salaires, plus lente en France que chez nos voisins, particulièrement pour les ouvriers et les employés.

M. Roland Muzeau – Vous êtes au pouvoir depuis 2002 !

M. Gérard Bapt – Pourquoi ne pas remonter à Vercingétorix, tant qu’on y est ?

M. Fréderic Lefebvre – Le Gouvernement, lui, agit. Ainsi, le paquet fiscal, que vous n’avez cessé de caricaturer, et qui coûte 13,8 milliards et non quinze comme vous le prétendez, s’adresse pour l’essentiel aux Français les plus modestes. Seules les mesures concernant l’impôt sur la fortune et le bouclier fiscal, soit 5 % de l’ensemble, concernent les plus fortunés. Le reste correspond à notre engagement de permettre à ceux qui travaillent plus de gagner plus. Songez au dispositif concernant les heures supplémentaires, qui porte déjà ses fruits.

M. Roland Muzeau – Cela se voit dans les sondages !

M. Frédéric Lefebvre – La mesure relative aux heures supplémentaires, qui représente les deux tiers du paquet fiscal, profite d’abord aux ouvriers et aux petits employés. Il suffit d’aller dans les usines – mais vous en avez perdu l’habitude – pour constater que les ouvriers qui font des heures supplémentaires voient leur salaire augmenter de 100 à 150 euros en fin de mois. C’est ainsi que notre pays pourra rattraper les plus performants. Nous sommes aujourd’hui dans la moyenne – cela ne me suffit pas : un ouvrier français gagne aujourd’hui 44 % de moins qu’un ouvrier belge, allemand ou espagnol.

Vous avez beaucoup parlé du partage de la valeur ajoutée, mais quand il faut agir, il n’y a plus personne ! Nous, nous allons le faire !

En novembre, nous étions à 37,9 millions d’heures supplémentaires – qui profitent à 95 % aux ouvriers et aux petits employés, dans des secteurs comme le BTP, les transports, l’hôtellerie-restauration ou l’industrie mécanique. Entre 100 et 150 euros de plus par mois, c’est 2 000 euros de pouvoir d’achat supplémentaire par an. Nous faisons ce que vous n’avez pas fait. Avec les 35 heures, vous aviez au contraire bloqué les salaires : entre 1999 et 2000, on a assisté en moyenne à une baisse de 1 % des salaires dans le secteur privé ! On parle beaucoup des sondages actuellement. Voyons donc ce que les Français pensent des mesures sur le pouvoir d’achat. Le groupe de travail sur le pouvoir d’achat que j’anime avec Jérôme Chartier fera des propositions importantes sur l’intéressement et le partage de la valeur ajoutée dans les prochaines semaines. J’attends que le parti communiste, qui dit connaître les travailleurs, nous fasse des propositions.

62 % des Français sont favorables à l’encadrement des loyers, auquel la ministre du logement œuvre de manière remarquable. Le Gouvernement a mobilisé en faveur du logement des montants sans précédent. L’indexation des loyers, la division par deux du dépôt de garantie et son lissage sur la durée du bail représentent 2,5 milliards d’euros de pouvoir d’achat rendu aux locataires ! Le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et la mesure sur les droits de mutation, ce sont encore 2,5 milliards de pouvoir d’achat rendu aux propriétaires ! Au total, 5 milliards d’euros seront ainsi mobilisés en faveur du logement en 2008 ! Je rappelle que le logement représente 25 % du budget des ménages – et même 50 % pour les plus modestes.

Quand on agit en faveur du logement…

M. Roland Muzeau – Vous n’avez pas agi !

M. Frédéric Lefebvre – Je viens de donner des chiffres ! Mais comme d’habitude, vous aimez mieux parler qu’agir – vous êtes connu pour cela dans les Hauts-de-Seine.

56 % des Français jugent positive la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est une réforme fondamentale. Le pouvoir d’achat ne procède pas d’un coup de baguette magique – comme vous essayez de le faire croire – mais du travail !

Travailler plus pour gagner plus, disons-nous. Mais l’UMP ne veut pas que les retraités et les chômeurs restent à l’écart de cette politique. Les retraites ne sont rien d’autre que des revenus différés du travail. 2008 doit être, comme s’y sont engagés le Président de la République et le Gouvernement, l’année de la revalorisation des petites retraites. Il est normal que les Français qui ont travaillé plus gagnent plus. N’oublions pas que les retraités d’aujourd’hui n’ont pas bénéficié des 35 heures : ils ont travaillé 39 heures, 40 heures et souvent plus durant toute leur vie. Le rendez-vous de 2008 est donc très important. Le Président de la République s’exprimera dans quelques jours sur la protection sociale : je ne doute pas qu’il nous donnera les éléments de méthode et de calendrier qui nous permettront d’être au rendez-vous des engagements que nous avons pris devant les Français.

Les chômeurs qui voudraient travailler plus et font tout pour s’en sortir ne doivent pas non plus être exclus de cette politique. Je ne suis certes pas d’accord avec toutes les propositions du rapport Attali, mais le contrat d’évolution qui existe dans certains pays nordiques me semble intéressant. Payer un chômeur qui fait l’effort de suivre une formation pour s’en sortir, par exemple, s’inscrit tout à fait dans la logique du « travailler plus pour gagner plus ».

Pour 51 % des Français, le rachat des RTT est aussi une bonne mesure. Pourquoi donc ces sondages en baisse ? Tout simplement parce que les Français veulent des résultats – et ils ont raison. Encore faut-il que nos politiques commencent par s’appliquer ! Les heures supplémentaires, par exemple, ont le vent en poupe depuis le mois d’octobre. Ces sondages sont donc pour nous un encouragement à travailler plus pour gagner plus la confiance de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt – Nous sommes face à un paradoxe. Il y a un an, le candidat Sarkozy nous promettait d’être « le président de la hausse du pouvoir d'achat ». Le voici devenu celui de la baisse du pouvoir d'achat ! L'élaboration dans l'urgence de ce projet de loi dit pour le pouvoir d'achat, en réaction à l’annonce télévisée du Président de la République du 29 novembre, en est la démonstration.

Le Parlement avait en effet été convoqué en session extraordinaire il y a quelques mois pour adopter la loi TEPA, censée comporter des mesures favorables au pouvoir d'achat des ménages. Quel échec patent que de devoir y revenir six mois après ! M. Lefebvre tente de manipuler les chiffres des sondages pour nous démontrer que les Français attendent de nouvelles mesures. Le quotidien Les Échos publiait hier le dernier indice de conjoncture de l’INSEE : le moral des ménages est au plus bas depuis la création de l’indice en 1987 ! Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les termes que vous avez employés cet été en nous annonçant un choc de confiance, censé produire un choc de croissance : vous n'obtenez que défiance et ralentissement de la croissance. Cette dernière n’atteindra même pas 2 % pour l'année 2007, mais vous vous obstinez à prévoir 2,25 % pour 2008. Reconnaissez donc que cela n'est pas tenable au vu de la conjoncture actuelle, de la situation internationale et de l’échec de votre politique ! La commission européenne, le FMI, le gouvernement allemand, tous révisent leurs prévisions à la baisse, sauf vous !

Il n'est pas étonnant que le choc de croissance promis n'ait pas eu lieu : vous avez dilapidé 13,8 milliards d'euros au profit des plus favorisés. Comment croire un instant que l’exonération des droits de succession en ligne directe sur les plus grosses successions est destinée aux plus modestes, qui étaient déjà exonérés pour les trois quarts ?

M. Frédéric Lefebvre – Vous mentez ! C’est plafonné !

M. Gérard Bapt – Je ne mens pas, je regarde les chiffres : 75 % des ménages étaient exonérés en ligne directe ; ils sont maintenant plus de 80 %, et il ne s’agit pas que des plus modestes.

M. Frédéric Lefebvre – Il est indigne de mentir comme vous le faites !

M. Gérard Bapt – Vous alimentez non le travail, mais la rente.

Les mesures prises n’ont fait que réduire les marges de manœuvre de l’État. Vous aviez fait le choix de les exploiter au seul profit d’une catégorie ciblée de la population. Du reste, le ministre des comptes publics a dit avant-hier que les caisses étaient plus vides que vides !

En ce qui concerne le pouvoir d'achat, les statistiques confirment ce que les Français ressentent : l'inflation s’est accélérée à la fin de l'année 2007. L'INSEE a confirmé avant-hier que les revenus salariaux stagnent globalement, et régressent pour les employés et les ouvriers.

M. Frédéric Lefebvre – Ce sont les chiffres de 2006 !

M. Gérard Bapt – Oubliez-vous que le Président de la République était alors ministre de l’économie et des finances ?

Au vu de la dégradation de la situation, on peut légitimement s’attendre à l'élaboration d'un troisième texte au sujet du pouvoir d'achat dans les prochains mois !

M. Frédéric Lefebvre – Pourquoi pas ?

M. Gérard Bapt – Le débat parlementaire que nous réclamons sur l'avenir économique et financier du pays est une exigence démocratique à quelques semaines des élections locales.

La dégradation de l’inflation, du pouvoir d'achat, de la dette publique et du commerce rend vos prévisions budgétaires de décembre obsolètes. Ce dont il faut vous donner acte, c’est que Mme Lagarde avait bien raison : un plan de rigueur devient inévitable… Elle va le mener, mais après les élections municipales !

M. Fréderic Lefebvre – Vous dites n’importe quoi.

M. Gérard Bapt – Mais vous maintenez ce texte comme si de rien n'était, comme si les difficultés économiques internationales et les déboires de notre système bancaire devaient rester sans répercussion. Les Français sont las des promesses sans lendemain et des effets d'annonce. C'est de mesures concrètes qu’ils ont besoin, car c’est jour après jour que le prix des produits alimentaires et de première nécessité augmente, sans compter les prélèvements qui se multiplient pour financer des cadeaux à quelques privilégiés. Et voilà qu’un ministre évoque une augmentation de la TVA avant l'été pendant qu'un comité d'experts propose en plus d'augmenter la CSG, alors que les franchises médicales frappent déjà presque tous les Français… Voilà votre politique : réduire le pouvoir d'achat de la plupart des Français, oublier les chômeurs, ne pas se préoccuper de la précarité.

Pourtant, en décembre dernier, face à l'impuissance du Gouvernement, le groupe socialiste avait fait des propositions, telles que le doublement de la prime pour l’emploi, que M. Méhaignerie lui-même considère comme un instrument privilégié. Nous avions proposé aussi de revaloriser les petites retraites, de remédier au creusement des inégalités salariales, de répercuter vers les consommateurs les marges de la grande distribution, de généraliser le chèque transport, d’abaisser la TVA sur les produits de première nécessité… Mais pour cela, encore faudrait-il renoncer au bouclier fiscal, taxer les compagnies pétrolières sur leurs profits indécents, supprimer l'exonération de TIPP du transport aérien…

M. Fréderic Lefebvre – Vous pourriez déjà baisser la TIPP dans les régions socialistes !

M. Gérard Bapt – …supprimer le dispositif d'amortissement de Robien dans l'immobilier ou encore créer une véritable contribution sur les revenus des stock-options.

Ce texte de circonstance ne change rien aux problèmes cruciaux de nos concitoyens. La lecture au Sénat n’a fait que l’aggraver. Les dispositions de l'article 1er ne concernent toujours pas les salariés les plus précaires. Les chômeurs, les Rmistes, les retraités, les étudiants sont totalement ignorés. Pas plus que les mesures de défiscalisation des heures supplémentaires de la loi TEPA, les mesures de rachat des RTT n'incitent à la revalorisation des salaires. La prolongation de dix-huit mois de la possibilité de rachat n’améliore rien si elle n’est pas liée à des allégements de cotisations sociales. En outre, la lecture sénatoriale a institué deux régimes différents selon que les jours auront été acquis avant ou après le 1er janvier 2008, qui rendront le dispositif extrêmement complexe à appliquer. L'application de la majoration salariale au taux de la première heure supplémentaire sera également défavorable au salarié.

Par ailleurs, les mesures relatives au déblocage de la participation ne doivent pas être rendues permanentes. Elles ne font que redonner aux salariés de l’argent qui leur appartient déjà, sans augmenter les salaires, tout en grignotant leur épargne de précaution. La prime de mille euros pour les salariés non concernés par la participation, qui ne s’adresse qu’à une petite minorité de personnes, est une fois de plus laissée à la discrétion de l'employeur. Quant aux participations placées en actions, elles vont perdre de leur valeur avec la diminution des cours.

Enfin, l'esprit global du texte est en totale contradiction avec les règles de fonctionnement de notre démocratie sociale, sur lesquelles s’était engagé le Président de la République, qui veulent que les partenaires sociaux soient consultés sur les textes touchant à l'évolution du temps de travail. Vous détricotez encore un peu plus les accords relatifs aux 35 heures, que vous continuez à charger de tous les maux alors que vous n’avez pas eu le courage de revenir dessus. La possibilité de déroger à un accord collectif par assentiment entre salariés et chefs d'entreprises constitue une attaque de plus au droit du travail. Nous voterons contre ce texte qui n’améliore nullement le pouvoir d'achat des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Roland Muzeau – Le Président de la République nous avait déjà informés que les caisses étaient vides, et le Premier ministre que la France était en faillite. Mais avant-hier, le ministre du budget a ajouté que les caisses étaient « vides de vides ».

M. Fréderic Lefebvre – C’est vous qui les avez vidées !

M. Roland Muzeau – Mais depuis sept ans, vous ne les avez pas remplies. La crise internationale des subprimes prend de l'ampleur, mais, comme pour le nuage de Tchernobyl, la ministre de l'économie répète que la France est à l'abri et que ses fondamentaux sont bons. Bref, Français, ne vous préoccupez de rien !

Mais les réalités sont plus fortes que les belles paroles. Le moral des ménages a poursuivi sa chute en janvier, les perspectives d'évolution de notre niveau de vie n’ont jamais été aussi basses depuis 1987.

M. Fréderic Lefebvre – La seule chose que vous oubliez de mentionner, ce sont les chiffres du chômage !

M. Roland Muzeau – Or, l'économie française repose plus sur la demande intérieure que sur les exportations. En janvier, 52 % des Français, soit 8 pour cent de plus en un mois, estiment que l’action de Nicolas Sarkozy va dans le mauvais sens. Pourtant, vous continuez comme si de rien n'était. Le texte issu de la commission mixte paritaire n'a plus grand chose à voir avec la question du pouvoir d'achat : ce n’est qu'une usine à gaz de plus, dont l’objectif est de casser encore plus les droits des salariés, notamment les 35 heures et le droit au repos compensateur.

M. Fréderic Lefebvre – Quand je dis que vous n’allez plus dans les usines…

M. Roland Muzeau – Vous, vous allez plutôt à la Société générale !

L’article 1er bis A prévoit un renoncement du salarié aux RTT « afin de financer le maintien de la rémunération d'un ou plusieurs autres salariés » pour réaliser une activité désintéressée. L’action humanitaire d’autres salariés sert à justifier la casse sociale ! Quel rapport avec le pouvoir d'achat ?

Ce texte a été élaboré dans le mépris du dialogue social, contrevenant à l’obligation pour l’État de saisir les partenaires sociaux avant toute réforme touchant aux relations du travail. D'amendement en amendement, le dispositif de renoncement aux RTT, qui devait être expérimental et de courte durée, a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2009 et étendu aux entreprises de moins de 21 employés. Le dispositif de renoncement au repos compensateur est également prévu pour deux ans. Vous contournez le dialogue social et l’on se retrouve avec une loi inique, applicable au moins pour deux ans.

Vous accusez les 35 heures d'avoir plombé le pouvoir d'achat.

M. Fréderic Lefebvre – Ce sont les Français qui vous accusent.

M. Roland Muzeau – En disant que pour gagner plus, il faut travailler plus, vous sous-entendez que les Français sont des paresseux. Mais il y a cinq ans, chez Yoplait, au Mans, on produisait 100 000 tonnes de produits frais. On en produit aujourd’hui 160 000, avec deux cents personnes en moins… Tout augmente : la productivité, la charge de travail, le prix des produits et les bénéfices de l’entreprise… tout, sauf les salaires, qui restent d’environ 1 500 euros nets par mois.

Quant aux 35 heures, on ne sait même plus quelle est votre position. Un jour, vous annoncez leur suppression, voire celle de toute durée légale du travail. Un autre, vous vous rendez compte qu’en l’absence de durée légale, il n'y a plus d'heures supplémentaires ni de majoration salariale et c'est tout votre slogan du « travailler plus » qui s'effondre… Vous êtes coincés entre les demandes du MEDEF et vos promesses électorales. Depuis des mois, vous annoncez aux Français une augmentation de leur pouvoir d'achat, mais la plupart d’entre eux ne voient rien venir. Ce sont les plus riches qui bénéficient de la politique du « toujours plus pour ceux qui ont déjà beaucoup ». Ce n'est pas en travaillant plus que l'on s'enrichit dans la France de M. Sarkozy : c’est en profitant de son patrimoine, de ses relations et de ses amitiés… Nos grands patrons sont les mieux payés d'Europe, avec 6 millions environ par an, dont seulement 1,25 de salaire et le reste en stock-options. Mais il n’est jamais question de remettre en cause leur rémunération, ni de les rendre responsables des mauvais résultats de leur entreprise : ils partent plutôt avec une retraite chapeau…

Et la majorité de nos concitoyens doit payer les mesures de la loi TEPA en faveur des riches, tout en subissant la hausse des prix du logement, de l'énergie et des denrées alimentaires. Pendant que certains bénéficient de baisses d'impôts sans précédent, les autres souffrent des déremboursements de l'assurance-maladie et des nouvelles franchises médicales. La hausse du pouvoir d’achat n’a pas dépassé 1 % en 2003. Le taux s’est effondré en 2006 : 0,4 %. Et encore, selon l’INSEE, ces augmentations ne concernent que les cadres et professions intermédiaires. Si M. Lefebvre n’était pas parti, il aurait appris que le pouvoir d’achat des employés stagne et que pour les ouvriers, il baisse de 0,2 %. Quant aux 1,6 million de salariés employés par les particuliers, au titre des emplois d'aides à la personne que vous encouragez, il s'agit presque exclusivement de femmes qui sont obligées de courir entre plusieurs emplois pour gagner au final entre 6,2 et 9,4 euros nets de l'heure.

Les retraités aux petites pensions, touchés de plein fouet par les hausses de prix et la stagnation des aides sociales, sont également complètement oubliés par ce texte de loi. Il est vrai que votre idéologie n’envisage de gagner plus que si l’on travaille plus. Les personnes âgées et handicapées en sont par essence les premières victimes. En décembre, le Gouvernement a attendu la fin de la session parlementaire pour annoncer honteusement une revalorisation de 1,1 % au 1er janvier, alors que l’inflation a atteint 2,6 % en 2007. Ainsi, au pied du mur, le Gouvernement a explicitement entériné la baisse du pouvoir d'achat de millions de retraités. Mais, municipales approchant, il annonce vite fait un petit coup de pouce pour février… Ce n’est pas sérieux. Quant au minimum vieillesse, dont vivent 600 000 personnes, il s’élève à 628 euros par mois pour une personne seule et à 1 126 pour un couple.

Oubliés, les beaux discours de la campagne présidentielle selon lesquels les petites retraites seraient portées à 75 % du SMIC net ! Comment croire le Président de la République quand il annonce une augmentation du minimum vieillesse avant l'été ? Pourquoi, du reste, attendre l'été ? L'urgence de cette législature n'était-elle pas de redistribuer la richesse nationale plutôt que de faire 15 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches ?

Aujourd'hui, vous n'osez plus affirmer que la baisse du pouvoir d'achat est plus une impression qu'une réalité : si l'inflation moyenne reste en deçà de 3 %, c'est en raison de la baisse de certains produits manufacturés qui ne sont pas de première nécessité ; en revanche, les produits alimentaires, et particulièrement les produits frais, ont battu des records, sans parler du prix de l'énergie et du logement. Et dans ce dernier domaine, qu’a-t-on fait depuis six ans ? On a bloqué les APL… L’augmentation consentie en 2005 n’a pas rattrapé le retard accumulé pendant les trois années précédentes.

Vous prétendez que l'enrichissement des plus nantis permet mécaniquement à ceux qui ne le sont pas de s’enrichir : cette vieille recette néolibérale n'a jamais fonctionné que dans l'esprit obtus des droites les plus conservatrices. Les surplus financiers des plus riches ne font qu’alimenter la spéculation boursière, beaucoup plus rentable que les investissements productifs, ainsi que des consommations de luxe néfastes pour l'environnement ; le décalage est énorme entre le luxe ostentatoire exhibé par certains, à commencer par le Président de la République, et la vie quotidienne de nos compatriotes.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront donc contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jérôme Chartier – Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je serai bref, mais je ne peux laisser passer certaines énormités qui viennent d’être prononcées.

Il n’est pas contestable que les Français soutiennent les mesures prises en faveur du pouvoir d’achat. Le sondage paru dans Le Parisien le 28 janvier en témoigne : 70 % d’entre eux jugent efficace pour leur pouvoir d’achat la réduction du dépôt de garantie pour la location d’un logement, qui est l’une des mesures phares de ce texte ; 55 % jugent efficace la défiscalisation des heures supplémentaires – lesquelles, je tiens à le préciser, sont payées à ceux qui les font non pas à 125 %, mais à 152 % si l’on tient compte de la défiscalisation et de l’exonération de charges ; et 52 % jugent efficace le déblocage de la participation.

Et les mesures contenues dans ce texte viennent après de nombreuses autres. À ce sujet, je voudrais revenir sur la rengaine des 15 milliards qui auraient été donnés aux riches en juillet. Ceux qui nous répètent cela savent bien que ce n’est pas vrai. Pourquoi ? D’abord parce que sur cette somme, 5,5 milliards sont consacrés à encourager les heures supplémentaires, lesquelles ne sont pas destinées aux personnes les plus aisées. Ensuite parce que le bouclier fiscal – M. Bapt le saurait s’il avait lu le rapport de M. Carrez sur le projet de loi de finances – concerne 146 000 foyers fiscaux à faibles revenus, en particulier des personnes touchant une petite retraite mais qui sont assujetties à une taxe d’habitation et à une taxe foncière très élevées parce qu’elles ont gardé l’appartement de famille.

M. Gérard Bapt – Il aurait fallu plafonner le bénéfice du bouclier fiscal !

M. Jérôme Chartier – Enfin, la loi TEPA a accordé une réduction d’impôt à ceux qui acquièrent leur résidence principale ; là encore, Monsieur Bapt, je vous conseille de vous reporter aux chiffres indiqués par le rapporteur général. Cette mesure n’est évidemment pas destinée aux plus riches, mais à ceux qui ont besoin de cette aide pour pouvoir acheter leur logement.

La philosophie de l’ensemble de ces mesures, c’est l’encouragement à ceux qui veulent se donner du mal. Le revenu de solidarité active va dans le même sens ; il est destiné non seulement aux bénéficiaires du RMI, mais aussi aux travailleurs pauvres, qui pourront percevoir une rémunération complémentaire.

Bien entendu, nous prendrons d’autres mesures dans d’autres textes car le pouvoir d’achat, c’est la vie des Français. En ce qui concerne le minimum vieillesse, une augmentation de 25 % en cinq ans a été décidée ; le Premier ministre a annoncé une accélération du calendrier afin de tenir compte de l’inflation. Par ailleurs, comme l’a dit M. Martin Hirsch, il va falloir simplifier le dispositif du minimum vieillesse afin que tous ceux qui peuvent y prétendre le touchent réellement.

Voilà ce que fait notre majorité pour le pouvoir d’achat. Et pendant ce temps, les élus socialistes, communistes et verts augmentent de façon faramineuse les impôts locaux : la région Languedoc-Roussillon a atteint le record de 83,6 % d’augmentation en 4 ans ! C’est là toute la différence entre nous : nous donnons du pouvoir d’achat aux Français, vous leur en retirez ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains, applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Je remercie nos collègues des deux commissions qui ont participé à ce travail, et je voudrais rappeler quelques faits.

L’emploi n’est plus la priorité numéro un des Français, tout simplement parce qu’il va mieux : au cours de l’année 207, nous aurons créé plus de 250 000 emplois marchands.

La priorité est devenue le pouvoir d’achat. Mais que dit l’INSEE ? Les ressources des ménages après impôts, cotisations et prestations sociales a augmenté de 1,6 % en 2005, 2,4 % en 2006 et 3,3 % en 2007, ce dernier chiffre se situant parmi les plus élevés des vingt dernières années.

S’il y a une faiblesse française, elle vient de celle de nos marges budgétaires, mais aussi de celle de nos exportations, en raison d’un problème de compétitivité. Pour le coût horaire du travail, nous sommes au troisième rang des pays européens, tandis que nous sommes seulement au dixième ou onzième rang pour le salaire direct. Souvenons-nous donc, plutôt que de répéter des slogans, de ce que disait Jacques Delors dans la dernière étude du CERC : s’il y a un problème de pouvoir d’achat en France, c’est qu’au cours des quinze dernières années, l’accroissement du pouvoir d’achat s’est fait essentiellement par les prestations sociales, par le salaire différé plutôt que par le salaire direct.

Plusieurs députés du groupe UMP – Assistanat !

M. Gérard Bapt – Non, redistribution !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission  Évitons la caricature, restons-en aux faits ! Nous menons une politique de long terme pour répondre aux préoccupations de nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Ce texte traite de deux valeurs fondamentales qui permettent à tout homme d’être debout : le travail et le logement.

M. Bernard Deflesselles – Très bien !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Depuis le mois de mai, notre priorité, c’est le travail : la promotion du travail, la revalorisation du travail, le retour vers le travail. C’est un engagement qui a été porté durant toute la campagne présidentielle et auquel les Français ont pleinement souscrit. Je remercie les parlementaires, en associant à mes propos Mme Lagarde et M. Bertrand, pour le travail accompli en vue de répondre à une préoccupation majeure de nos concitoyens.

Valoriser le travail, c’est ce que nous avons fait avec le dispositif des heures supplémentaires adopté cet été et c’est ce que nous continuons de faire avec le présent projet, notamment avec la monétisation des jours de RTT. Mais valoriser le travail, c’est aussi redonner du travail, et les chiffres montrent que le chômage continue de reculer à des niveaux jamais atteints depuis longtemps ; je remercie M. Méhaignerie d’avoir souligné qu’il s’agissait là aussi de pouvoir d’achat.

Quand on donne aux entreprises et aux salariés les moyens de travailler, ça marche ! En novembre, 50 % des entreprises ont eu recours aux heures supplémentaires et bénéficié de la loi TEPA, contre 40 % en octobre. Le présent projet s’inscrit dans ce cadre, avec cinq mesures fortes et d’effet rapide.

La première permettra au salarié de choisir entre la prise d'un repos supplémentaire et une augmentation de pouvoir d'achat. Nous voulons permettre à tous les salariés qui ne veulent ou ne peuvent pas prendre leurs jours de RTT de les traduire par plus de travail, donc une plus forte rémunération. Quant aux employeurs, nous leur demandons de jouer le jeu, parce que nous n’avons pas inventé cette mesure dans nos bureaux ; c’est une proposition des entreprises. Actuellement, les entreprises provisionnent les sommes relevant d'un compte épargne-temps, nombre d'entre elles provisionnant en outre des jours de réduction du temps de travail. Nous leur offrons aussi une plus grande simplicité. Chacun – employeurs comme salariés – pourra faire référence à ce texte pour qu'il y ait au sein de l'entreprise un dialogue renforcé, au service de davantage de pouvoir d'achat.

Un ouvrier au SMIC monétisant 5 jours de RTT verra sa rémunération augmenter de 370 euros – 340 euros net – ; s’il monétise 10 jours de RTT, l’augmentation est de 740 euros. Un cadre payé 3 800 euros par mois monétisant 10 jours de RTT gagnera 1 950 euros en plus – soit près de 1 000 euros pour cinq jours. Excusez du peu ! Les interventions de MM. Lefebvre et Chartier, s’appuyant sur de récents sondages, montrent que les Français l’ont bien compris (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Pour l'employeur, les exonérations de cotisations patronales rendront le paiement d'un jour de RTT majoré moins cher qu'une journée normale. Pour un salarié payé deux fois le SMIC, une journée de RTT avec les charges sans les majorations coûte actuellement 170 euros à l'employeur ; elle coûtera, avec la majoration de 25 % et les exonérations prévues par ce texte, 148 euros.

Les jours de RTT concernent 38 % des salariés, soit près de 7 millions de Français ; les comptes épargne-temps, 6 % des salariés, soit plus d’un million de Français ; les forfaits-jours, près de 2 millions de nos concitoyens.

L'examen du texte à l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le dispositif, notamment en allongeant de six mois la période couverte par les possibilités de rachat de journées de RTT, et en supprimant le plafond de dix jours. Le Sénat a, quant à lui, proposé de prolonger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2009, ce qui a été retenu par votre CMP.

La deuxième mesure permettra aux salariés de profiter plus rapidement des sommes dont ils disposent au titre de la participation, et ce, qu'ils travaillent à temps complet ou partiel. Les sommes ainsi retirées sur la demande du salarié ne seront pas soumises aux cotisations sociales ni à l'impôt sur le revenu, seulement à la CSG et la CRDS. Pour préserver l'épargne salariale investie dans l'entreprise, le déblocage de cette épargne ne sera permis qu'après une négociation entre les partenaires sociaux au niveau des entreprises. Soucieux également de préserver les sommes investies en vue de la retraite, nous avons exclu les PERCO du dispositif. La moitié des salariés étant couverts par un accord de participation, cette mesure était très attendue.

Pour les entreprises qui ne sont pas soumises à un accord de participation obligatoire et leurs sept millions de salariés, nous prévoyons le versement d'une prime exceptionnelle d'un montant maximal de 1 000 euros. Cette prime sera soumise au régime fiscal de l'intéressement. Sa mise en place se fera dans le cadre du dialogue social, soit par accord collectif, soit par référendum d'entreprise. Cette prime ne se substitue pas à une augmentation de salaire et a vocation à être versée à tous les salariés, qu'ils soient à temps complet ou partiel.

Par ailleurs, vous avez fait le choix, partagé par le Gouvernement, de prolonger l'exonération totale de redevance audiovisuelle pour les foyers âgés qui ne paient pas l'impôt sur le revenu. Il s'agit là encore d'une mesure concrète en faveur du pouvoir d'achat.

M. Frédéric Lefebvre – Il est bon de le rappeler !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Je rappellerai à présent les dispositions concernant le logement. L'indexation des loyers sur le seul indice des prix à la consommation, au lieu de l'indice composite actuel, représentera 600 millions d’économies chaque année pour les locataires.

M. Louis Giscard d'Estaing – Tout à fait !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Ce nouvel indice s’appliquera également aux baux en cours, sans avenant. Un amendement du rapporteur précise que cet indice fera l'objet d'une évaluation dans un délai de trois ans.

Le dépôt de garantie est réduit à un mois, au lieu de deux, ce qui remettra également près de 600 millions en circulation pour le pouvoir d'achat. Le dispositif est à rapprocher de l'accord sur la généralisation de l'avance Loca-Pass à tous les locataires, que j'ai signé avec les partenaires sociaux le 21 décembre dernier et qui étend l'avance du dépôt de garantie à tous les locataires signant un bail et entrant dans un logement appartenant à un bailleur privé ou social.

M. Frédéric Lefebvre – C’est une très grande avancée !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Le dispositif repose sur le volontariat. Le dépôt de garantie peut être versé au bailleur par le locataire ou directement par un organisme 1 % logement, le locataire remboursant ensuite à l'organisme prêteur le montant avancé, sans intérêt, et sur trois ans au plus.

M. Jean-Frédéric Poisson – Il faut le dire à M. Attali !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Cette extension de l'avance Loca-Pass sera applicable dès la promulgation de la loi, et je veux tout particulièrement remercier MM. Chartier et Lefebvre pour leur amendement, dont la rédaction a été précisée par un sous-amendement gouvernemental, et qui dispose que le dépôt de garantie « est versé au bailleur directement par le locataire ou par l'intermédiaire d'un tiers ».

Je veux également saluer l'initiative du rapporteur du Sénat, M. About, de nature à rassurer les propriétaires privés. Il s'agit du nouvel article 6, généralisant le paiement en tiers payant pour l'allocation de logement, à l'instar de ce qui existe pour l'aide personnalisée au logement dans le parc social. Cette mesure permettra d'harmoniser les modalités de versement des aides personnelles au logement mais aussi de mieux garantir le caractère dédié des allocations au paiement des charges de loyer et au remboursement des prêts à l'accession et, par la même, de réduire les risques d'impayés. Elle est de nature à rassurer les propriétaires privés, qui hésitent parfois à se lancer dans la location « sociale ».

D'autres dispositifs sont à l'étude, et nous nous retrouverons à l'occasion d'un projet de loi sur le logement que le Gouvernement souhaite présenter au premier semestre 2008.

Ces mesures participent d’une évolution des rapports entre locataires et bailleurs. Il sera notamment question de la garantie généralisée des risques locatifs – l’une de nos priorités – qui permettra de trouver une alternative aux expulsions locatives.

Je remercie une nouvelle fois votre assemblée, en particulier la majorité, de la qualité de ses travaux. Ce projet répond largement aux attentes des Français ; dans les mois qui viennent, il sera complété par d’autres mesures, que j’espère, vous soutiendrez. Je ne doute pas que vous serez à ce rendez-vous, compte tenu de l’importance de cette question pour le pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 10 heures 45 est reprise à 10 heures 55.

RÉFORME DU SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi.

M. Dominique Tian, rapporteur de la commission mixte paritaire – Le Sénat, puis l'Assemblée nationale ont examiné le présent projet de loi avant qu'il ne soit soumis, hier, à une commission mixte paritaire. Avant d'évoquer l’accord obtenu, je souhaite rappeler les améliorations du texte apportées par notre assemblée.

À l'initiative de Mme Marie-Christine Dalloz, nous avons prévu que les maisons de l’emploi soient représentées au nouveau Conseil national de l'emploi et qu'elles donnent un avis sur la convention passée entre le préfet et le directeur régional de la nouvelle institution. À l'initiative de M. Jean-Paul Anciaux, leur existence a été consacrée par un amendement redéfinissant leurs missions.

M. Benoîst Apparu a présenté plusieurs amendements concernant l'insertion professionnelle des étudiants, l’un d’entre eux prévoyant une représentation des universités dans les conseils régionaux de l'emploi. Ils ont été adoptés.

Pour ce qui est des missions de la nouvelle institution, plusieurs ajustements du texte, en particulier à l'initiative du groupe socialiste, ont précisé les modalités de la sécurisation des parcours professionnels, des parcours d'insertion et la nécessité d'un suivi du ratio de demandeurs d'emplois par conseiller.

Afin de rassurer les partenaires sociaux et de garantir l'indépendance financière de l'UNEDIC, il a été spécifié que les fonds collectés pour son compte par les URSSAF lui remonteraient quotidiennement et que la gestion de l'AGS serait laissée à l'UNEDIC, alors que le projet initial la transférait à la nouvelle institution.

De nombreuses garanties complémentaires ont été apportées aux personnels. Ainsi a-t-il été décidé de conserver des commissions administratives paritaires, pour les ex-agents de l’ANPE qui conserveraient le statut public, et de permettre aux agents non statutaires de l’ANPE d’opter pour le futur statut commun. Nous avons également posé le principe d'une négociation sur le reclassement des ex-salariés des ASSEDIC chargés du recouvrement des cotisations et prévu que la future convention collective définissant le statut commun garantirait les avantages individuels acquis de l’ensemble de ces ex-salariés. Enfin, à l'initiative de notre collègue Yves Albarello, l’Assemblée a renvoyé à la négociation collective, dans le cadre du futur accord de méthode, la fixation de la date butoir pour la négociation de cette même convention collective.

Elle a par ailleurs décidé de prolonger jusqu'en décembre 2008 l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, afin d'assurer la continuité avec les mesures qui figureront dans la future convention d'assurance chômage. Elle a supprimé à l'unanimité la disposition par laquelle le Sénat excluait du bénéfice de l'assurance chômage les salariés ayant abandonné leur poste sans motif légitime. Cette question a en effet été traitée dans l'accord national interprofessionnel signé le 11 janvier et son éventuelle traduction législative figurera donc plus logiquement dans la loi qui transposera cet accord.

Afin de lutter contre les fraudes à l'assurance chômage, nous avons disposé que ceux qui les organisent seraient passibles des mêmes peines que ceux qui en bénéficient.

Enfin, bien qu'aucun amendement n'ait concrétisé ces débats, nous avons eu à l'Assemblée des échanges riches et passionnés sur le rôle des régions dans la nouvelle organisation. Des engagements ont été pris en faveur d'une expérimentation en ce domaine.

J'en viens à la commission mixte paritaire qui s’est tenue hier dans un excellent climat, je tiens à le souligner. Il est vrai que le Sénat, sous la houlette de la rapporteure de sa commission des affaires sociales, Catherine Procaccia, avait réalisé un excellent travail et que, pour l'essentiel, l'Assemblée avait confirmé et complété ses apports. Sur les quelques points de divergence qui subsistaient, nous avons eu hier des échanges courtois, dont je me bornerai à retracer les principales conclusions.

En premier lieu, après le débat particulièrement riche tenu à l’Assemblée sur ce point, la CMP a retenu le principe d'une expérimentation dans deux régions de la co-présidence du conseil régional de l'emploi par le préfet et par le président de région.

L'Assemblée avait eu à cœur de consacrer pleinement la place des maisons de l'emploi dans la nouvelle organisation. Elle avait notamment prévu qu’elles donnent leur avis sur la convention passée au niveau régional entre le préfet et le directeur régional de la nouvelle institution. Après un débat où plusieurs de ses membres se sont interrogés sur la lourdeur d’une telle procédure, la CMP a supprimé cet avis.

Elle a en revanche confirmé le choix fait à l'Assemblée de ne pas fixer dans la loi de date butoir pour la négociation de la nouvelle convention collective, et a renvoyé cette décision aux partenaires sociaux, via l'accord de méthode qu'ils passeront.

Elle a de même confirmé la suppression de l'article additionnel qui visait à écarter du bénéfice de l'assurance chômage les salariés ayant abandonné leur poste sans motif légitime.

Au moment de vous inviter à adopter les conclusions de la CMP, je tiens à remercier tous ceux qui ont animé nos débats, ainsi que Mme la ministre, dont l'ouverture aux propositions des parlementaires a permis d’enrichir ce projet de loi. Nous avons en particulier fortement renforcé les garanties données aux agents de l’ANPE et des ASSEDIC. En effet, cette grande réforme ne pourra porter tous ses fruits que s'ils y adhèrent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Monique Iborra – La CMP n’ayant rien changé quant à la substance du projet, vous ne serez pas étonnés que nous restions sur notre position. Si nous sommes favorables à la simplification et donc à l’institution d’un guichet unique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous jugeons en effet ce texte mauvais et dangereux.

Mauvais parce que, bâclé et éloigné des réalités du terrain, il ne pourra être efficace sur le fond. Mauvais parce que vous manquez une occasion unique de mettre en place un véritable service public de l’emploi, ambitieux et réaliste, garantissant de manière équilibrée les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi et rassemblant largement sur des objectifs d’intérêt général.

M. Yves Albarello – Que ne l’avez-vous donc fait plus tôt ?

Mme Monique Iborra – Ce texte est mauvais aussi parce que vous vous êtes obstinés à écarter les régions, pourtant chargées du développement économique et de la formation professionnelle, au point de ne pas même envisager une convention entre l’État et les conseils régionaux, ce qui témoigne bien de ce que, pour vous, la formation et la qualification des demandeurs d’emploi passent au second plan. Mais peut-être ignorez-vous que les régions sont devenues depuis 2005 les premiers financeurs des demandeurs d’emploi devant l’État et les ASSEDIC, dont la part n’est, respectivement, que de 29 et 9 %... Ce n’est pas l’amendement que vous avez accepté du bout des lèvres, devant l’insistance d’une partie de vos troupes qui connaissent, elles, les réalités de terrain, qui suffira à nous convaincre de votre bonne foi. Les régions ne demandent pas l’aumône. Elles ont des compétences reconnues par la loi en matière de formation professionnelle et ce n’est sans doute pas un hasard si, selon une étude qu’elles n’ont pourtant pas commanditée, les Français leur font aujourd’hui davantage confiance qu’à l’État en ce domaine.

Vous êtes partiaux…

M. Jean-Frédéric Poisson – Faux !

Mme Monique Iborra – …uniquement parce que les régions, à l’exception de deux d’entre elles, sont aujourd’hui dirigées par la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mauvais, votre texte est également dangereux.

M. Jean-Frédéric Poisson – Quelle modération dans le propos !

Mme Monique Iborra – Vous avez repoussé tous nos amendements qui étaient cohérents avec les accords signés concernant le marché du travail et qui, sans empêcher la flexibilité, auraient renforcé la sécurité des demandeurs d’emploi. Cela présage mal de ce qui va se passer sur le terrain ! Vous avez sciemment supprimé toute instance de recours pour un demandeur d’emploi victime d’une radiation ou d’une suspension de droits abusive – il en existe. C’est un déni de démocratie, mais il est vrai que vous n’êtes pas à cela près ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

En réalité, vous nous demandez au travers de ce texte flou et inachevé un chèque en blanc du Parlement. Comme nous l’avons constaté hier encore en CMP, un certain nombre de députés de la majorité partagent une partie de nos inquiétudes, s’agissant en particulier de la déclinaison locale et régionale des dispositions du texte. Mais vous persistez et signez, loin des réalités parce que votre analyse est d’abord technocratique et idéologique…

M. Jean-Frédéric Poisson – Parole d’expert !

Mme Monique Iborra – …car vous prenez votre inspiration du modèle anglo-américain. Sachez que les élus seront très attentifs à l’application de ce texte, laquelle ne pourra se faire sans eux… quoi que vous pensiez.

Nous voterons contre ce projet mauvais, dangereux, imprécis, qui cache vos intentions réelles et, alors même que vous prétendez simplifier, met en place une organisation encore plus complexe que la précédente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Roland Muzeau – Ce projet de loi réformant l'organisation du service public de l'emploi a été examiné dans l'urgence, comme si la précipitation était aux yeux du Gouvernement une garantie du débat démocratique. Le rapport de la CMP que nous examinons ce matin n’a été publié que dans la nuit. Bel exemple du respect des droits du Parlement !

Sur le fond, ce texte s'inscrit dans la continuité des réformes engagées depuis près d'une décennie, sous l’impulsion des organisations patronales. Il reflète une conception rétrograde du rôle et des missions de l'État comme des droits et des devoirs des personnes privées d'emploi. Au-delà de l'affichage d'objectifs de bon sens comme réduire sensiblement le taux de chômage ou simplifier les démarches des demandeurs d'emploi, il n’a d’autre but que de détourner le service public de l’emploi de ses missions initiales, de consacrer le désengagement de l'État de la politique de l'emploi, de faire peser unilatéralement de nouvelles procédures de contrôle sur les personnes privées d'emploi – au mépris de leur projet de vie, de leurs attentes et de la légitime reconnaissance de leur qualification ou de leur expérience professionnelle.

Ce texte ne se borne pas à instaurer un guichet unique dans le but de faciliter les démarches des demandeurs d'emploi, ni même de rapprocher l'ANPE du réseau des ASSEDIC pour améliorer la qualité de service. C’est avant tout un outil au service de ces « chercheurs d'emploi » que sont, nous dites-vous, les entreprises. Vous entendez par ce biais remédier à leurs difficultés de recrutement, fût-ce au risque de transformer le service public de l'emploi en fournisseur de main-d'oeuvre placée sous pression.

La fusion de l'ANPE et des ASSEDIC serait le moyen, dites-vous, Madame la ministre, de faciliter la rencontre de l'offre et de la demande de travail. Une offre que vous jugez pléthorique, en soulignant que des centaines de milliers d'offres d'emploi ne trouvent aujourd’hui pas preneurs. Votre objectif premier est de faire en sorte que ces offres soient satisfaites, mais vous vous gardez bien de préciser qu’il s’agit la plupart du temps d’emplois précaires et mal rémunérés, proposés par des entreprises peu regardantes sur les conditions de travail.

Nous aurions pu nourrir l'espoir que vous demandiez à ces entreprises d’améliorer leurs offres. Mais vous préférez demander aux agents du service public de l'emploi de « serrer la vis », de contraindre demain les demandeurs d'emploi à accepter ces offres, au motif qu’il faut se plier aux exigences du marché de l'emploi. À preuve la notion fumeuse « d’offre acceptable d'emploi », clé de voûte du futur dispositif.

Pour cela, il vous faut préalablement démanteler le service public de l'emploi, ce à quoi tend bien ce texte. La nouvelle institution que vous créez repose sur la confusion de deux activités : le placement et l'indemnisation. Cela va tout d'abord vous permettre des économies d'échelle. J’en veux pour preuve votre projet de ramener de 1 600 à 1 000 le nombre total de sites ANPE et ASSEDIC confondues, c’est-à-dire de fermer plus du tiers d’entre eux. Or ces fermetures ne manqueront pas de nuire à la qualité du service public. En outre, le renforcement du contrôle soumettra les demandeurs d’emploi à des pressions dangereuses, voire à un chantage à l’indemnisation, puisque les plus employables seront tenus de trouver rapidement un emploi au risque de perdre leurs indemnités tandis que les autres n’auront qu’à accepter le poste qu’on leur impose. Ce principe anglo-américain du workfare qui vous inspire vous conduit à déréguler davantage le marché du travail, à la grande satisfaction des organisations patronales mais au détriment des salariés privés d’emploi.

Ce n’est qu’à la lumière des réformes de la formation professionnelle et de l’assurance chômage que vous préparez que nous connaîtrons les tenants et les aboutissants de ce texte. Hélas, les politiques que vous menez depuis six ans laissent présager le pire. Précarité institutionnalisée, insécurité du travail, détricotage méthodique du droit du travail : votre héritage laisse les chômeurs français dans une des situations les moins enviables d’Europe où dix pays indemnisent davantage les demandeurs d’emploi. En France, plus d’un travailleur privé d’emploi sur deux n’est plus indemnisé et cesse même souvent d’apparaître dans les statistiques du chômage – dont il est d’autant plus facile d’affirmer qu’il baisse. Pourtant, vous enfoncez le clou en culpabilisant les chômeurs. Démagogie ! Mme Parisot prétend même que le chômage relève le plus souvent d’un « choix » : comment peut-on dire des choses pareilles ?

M. Jean-Frédéric Poisson – Mme Parisot n’est pas parlementaire !

M. Roland Muzeau – Non, mais elle a ici des représentants très efficaces ! Votre politique détruit les emplois en masse et encourage un capitalisme financier qui, chaque jour, confisque davantage la richesse créée au profit d’une poignée de mercenaires. Ayez au moins la décence de ne pas accuser les victimes de restructurations d’être des privilégiés adeptes du farniente ! Selon vous, tout demandeur d’emploi devrait se plier aux lois du marché, quitte à se résigner au déclassement, aux expédients, voire à renoncer à ses droits les plus élémentaires. Un demandeur d’emploi, pourtant, ne demande pas n’importe quoi : il lui faut un emploi apte à lui assurer un minimum de bien-être économique. Quoi de plus légitime ? Et chacun d’eux juge à raison que l’État doit exercer ses responsabilités et garantir le respect des droits et des devoirs de chacun !

Les agents du service public de l’emploi ont bien compris que vous souhaitiez leur assigner des objectifs de police. Ils refusent la remise en cause de leur statut, la perte de leur neutralité, la dégradation de leurs conditions de travail. Hélas, en confiant les clefs de la politique de l’emploi au MEDEF, via le conseil d’administration de la nouvelle institution, et en détournant les agents publics de leur mission, y compris ceux du Garp et de l’AFPA, vous inaugurez le règne des marchands de travail, comme il existe des marchands de sommeil.

Nous refusons de vous accompagner dans ce pas décisif vers le démantèlement du service public de l’emploi. Les rares améliorations apportées à ce texte sont bien insuffisantes, et nous voterons contre !

M. Francis Vercamer – La réorganisation du service public de l’emploi satisfait aux trois exigences que nous défendons : le respect du paritarisme, un meilleur accompagnement du demandeur d’emploi et la prise en compte de la dimension territoriale des politiques de l’emploi via les maisons de l’emploi. Nous nous réjouissons de votre refus de priver ces dernières des moyens qui leur sont nécessaires et de votre volonté d’honorer les engagements pris auprès de deux cents d’entre elles. De même, nous nous félicitons que l’émergence de ce nouveau service public de l’emploi ne remette pas en cause l’existence de plusieurs maisons de l’emploi conventionnées au sein d’un même bassin d’emploi. Cependant, nous regrettons que la CMP ait renoncé à soumettre l’établissement des conventions régionales annuelles à l’avis des maisons de l’emploi conventionnées, car cette expertise locale est une garantie d’efficacité. En revanche, nous accueillons avec intérêt l’amendement qui permettra d’expérimenter dans deux régions la coprésidence du service public de l’emploi par le représentant de l’État et le président du conseil régional : l’implication de la région est en effet essentielle à la réussite de la nouvelle institution.

Le groupe Nouveau centre s’est réjoui de l’adoption unanime de son amendement visant à inscrire la participation au parcours d’insertion sociale et professionnelle des personnes les plus éloignées de l’emploi au rang des missions de la nouvelle institution.

M. Roland Muzeau – Très bien !

M. Jean-Patrick Gille – Oui, mais avec quels moyens ?

M. Francis Vercamer – De même, vous envisagez à raison d’aborder la question de l’illettrisme et de sa détection dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle. En revanche, nous regrettons que vous n’ayez pas accepté de reconnaître aux salariés des ASSEDIC un droit d’option quant aux garanties sociales dont ils bénéficient dans le cadre de leur convention collective : notre groupe sera particulièrement vigilant sur ce point.

Il va de soi que la réforme du service public de l’emploi ne suffira pas à faire reculer le chômage, mais elle n’en est pas moins nécessaire. Cette fusion améliorera la qualité du service rendu au demandeur d’emploi, afin qu’il retrouve plus rapidement un poste. Nous serons très attentifs aux résultats concrets de cette réforme, et c’est dans cette perspective que nous allons voter ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Albarello – M. Tian ayant parfaitement rappelé les quelques points de divergence entre l’Assemblée et le Sénat, je me bornerai à quelques remarques essentielles. Le Parlement a abouti à une vision consensuelle de la réforme du service public de l’emploi, fondée sur le rapprochement de deux structures ayant depuis longtemps vocation à travailler ensemble, en dépit de leurs différences de statuts et de cultures. L’objectif du Gouvernement n’était pas d’en bouleverser la mission et le fonctionnement, mais de mettre en œuvre une réforme de progrès. Sans aucune arrière-pensée, il n’a pas, comme certains le lui ont reproché, cherché par là à régler quelque compte que ce soit.

En fusionnant les acteurs indispensables de la politique de l’emploi, cette réforme est un hommage rendu aux structures créées voici plusieurs décennies. Elles constituent l’ossature de la nouvelle institution, plus adaptée aux besoins du siècle et aux aléas économiques et financiers dont l’actualité nous rappelle l’importance. Le Gouvernement a fait le choix judicieux de réformer ce service public au moment le plus adapté, dans la foulée de la création des maisons de l’emploi et des lois sur le pouvoir d’achat, et en attendant d’autres textes à venir sur le marché de l’emploi.

Le cœur de la réforme, c’est la création de cette institution unique qui sera le nouveau bras séculier de la politique de l’emploi. Le Gouvernement nous a dit qu’il s’agirait d’un organisme sui generis, sans équivalent parmi les établissements publics existants. Tous les procès d’intention sur sa nature ont été déjoués : ce sera un établissement public administratif. On va même au-delà du système antérieur, puisque seule l’ANPE était dotée d’un statut public, les ASSEDIC relevant du droit privé.

La comptabilité, le statut des biens et celui du personnel n’en relèveront pas moins du droit privé. Le personnel sera régi par une convention collective de branche élaborée à partir de celle qui s’applique actuellement aux personnels des ASSEDIC. Avec l’article 6 voté par notre Assemblée, ces derniers se voient garantir l’ensemble de leurs avantages individuels acquis. Leur reconnaître un droit d’option aurait suscité des difficultés ; nous sommes arrivés à un résultat équivalent sans subir ces inconvénients. Les personnels des ASSEDIC comme ceux de l’ANPE pourront ainsi s’investir pleinement dans le nouveau rôle qui leur est assigné. Je ne doute pas que la nouvelle convention collective sera très favorable aux personnels de la nouvelle institution, si bien que ceux qui en bénéficient actuellement ne seront pas tentés par la conservation du statut public.

Nous avons voulu laisser aux partenaires sociaux la responsabilité de la mise en œuvre de la nouvelle organisation. Le Sénat avait fixé une date butoir – le 30 septembre 2010 – pour l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective. Nous avons préféré que les partenaires sociaux la fixent eux-mêmes dans l’accord préalable.

De nombreuses améliorations apportées par le Sénat ont été conservées. Je pense à certaines particularités de recouvrement des contributions, notamment en ce qui concerne les intermittents du spectacle. Nous n’avons cependant pas conservé l’article 8 ter, assimilant l’abandon de poste à une démission, car le sujet relève davantage d’une réforme du code du travail et fait par ailleurs l’objet d’une abondante jurisprudence.

Je n’entrerai pas dans le détail des autres modifications retenues. J’observe simplement que le Sénat s’est montré sensible aux améliorations que nous avions apportées au texte.

Nous attendons maintenant beaucoup de l’application de la réforme. Elle ne concerne certes qu’un outil de la politique de l’emploi, mais un outil privilégié, dont la modernisation doit permettre de continuer à progresser dans la voie de l’éradication du chômage. Je rappelle que l’objectif est de faire tomber le taux de chômage à 5 % et de porter le taux d’emploi à 70 % d’ici la fin de la législature. La réforme facilitera également la gestion des dossiers des demandeurs d’emploi. Je ne reviens pas sur les avantages du guichet unique. Notons simplement que les agents qui s’occupent des demandeurs d’emploi inscrits depuis plus de quatre mois ne devraient plus traiter que 60 dossiers – voire 30 pour les cas les plus difficiles – au lieu de 90 aujourd’hui.

Nous pouvons être fiers de cette réforme, en suspens depuis tant d’années. Certains estimaient que la démarche était vouée à l’échec par l’hostilité des personnels, des partenaires sociaux et des administrations et par sa complexité même. Et pourtant, voilà qui est fait. La concertation a eu lieu tout au long de l’automne, Mme Lagarde et ses collaborateurs ne ménageant pas leur peine pour expliquer et améliorer la réforme. Nous l’avons fait nous aussi, et je me réjouis personnellement d’avoir pu prendre en considération des aspects du projet essentiels pour les partenaires sociaux.

Ne nous y trompons cependant pas : la réforme n’est qu’une étape, et les résultats obtenus seront autant de jalons pour poursuivre dans la voie ainsi tracée. Je pense à la formation professionnelle et à d’autres activités complémentaires qui concourent au service public de l’emploi. Mais c’est là un autre débat, auquel nous reviendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Patrick Gille – Malgré le bref délai qui nous était imparti pour examiner ce texte – l’urgence, qui semble devenue la norme, n’était sans doute pas nécessaire en l’espèce –, malgré l’absence d’évaluation des dispositifs issus du plan de cohésion sociale, et malgré une certaine précipitation – vous bricolez une fusion des réseaux avant de définir clairement le contenu des politiques d'emploi –, nous avons travaillé dans un esprit constructif. Divers amendements ont d’ailleurs été adoptés au Sénat, à l'Assemblée nationale, et hier encore lors de la CMP.

Le groupe SRC a donc pu faire inscrire dans la loi le statut public de la nouvelle institution et ajouter à ses missions l'expertise sur l'évolution des emplois et des qualifications et la promotion professionnelle des salariés. Nous avons aussi défendu avec succès le principe selon lequel elle « participe aux parcours d'insertion sociale et professionnelle », ainsi que l’affiliation de ses agents à l’IRCANTEC pour leur régime de retraite complémentaire, ce qui nous a valu un désaveu de M. Sarkozy – non pas le Président de la République, mais son frère.

De même, nous avons voulu reconnaître les maisons de l'emploi comme parties prenantes du conseil national de l'emploi et des conseils régionaux de l'emploi, sans pour autant leur accorder une importance supérieure aux autres dispositifs pilotés par les collectivités locales.

Nous ne partageons cependant toujours pas la philosophie de votre démarche, qui relève d'une conception centralisatrice, répressive, administrative – bref, datée – du service public de l'emploi. Elle ne répond ni aux exigences d'un service de l'emploi efficace, ni aux évolutions du marché de l'emploi, ni aux attentes des salariés, ni même à celles des entreprises, grandes absentes de notre débat.

Le nouveau service public de l'emploi devrait être un véritable service public de sécurisation des parcours professionnels, et non un simple service de placement, d'indemnisation et de contrôle des demandeurs d'emplois. Bien que vous vous en défendiez, votre politique vise avant tout à exercer une pression sur ces derniers pour qu'ils acceptent l'offre d'emploi proposée… ou soient radiés. Vous ne faites là que vous aligner sur les standards anglo-saxons.

À terme, le contrôle de la recherche effective d'emploi ne sera donc plus exercé par des agents publics. D’ores et déjà, un demandeur d'emploi peut se voir suspendre automatiquement ses indemnités sans avoir été entendu : le texte amplifie ce mouvement en faisant glisser ces questions du domaine législatif au domaine réglementaire.

Le véritable objectif du Gouvernement est de disposer d'un outil à sa main pour faire baisser statistiquement le chômage par l'automatisation des sanctions, et de maîtriser les fonds de l'assurance chômage en vidant le paritarisme de sa substance au profit d'un tripartisme dans lequel le rôle des partenaires sociaux n’est pas clairement identifié.

Votre texte suscite donc encore des inquiétudes. La nouvelle institution est réputée publique, mais vous souhaitez que l'ensemble de son personnel relève à terme d'un contrat de droit privé et d'une nouvelle convention. Une autre inquiétude demeure sur le régime du patrimoine immobilier de ce monstre juridique à deux faces. Les personnels sont invités pour les uns à renoncer à leur statut public, pour les autres à perdre une convention collective à laquelle ils sont attachés. Le choix des directeurs régionaux – et les conceptions managériales qui en découleront – sont un autre motif d’inquiétude, qui n’a pas échappé au Président Méhaignerie.

Vous ne semblez d’autre part concevoir l’avenir des missions locales que dans le cadre des maisons de l’emploi – alors que la majorité d'entre elles sont autonomes – ou, comme cela a été suggéré en CMP, dans la perspective d’une absorption par le nouvel opérateur – grand rêve de l’ANPE.

Nous nous inquiétons aussi de l'avenir de l'AFPA : vous avez refusé de proroger d'un an le délai de sa soumission aux procédures de marché et envisagez son dépeçage.

Le transfert du recouvrement des contributions à l'URSSAF est un autre motif d’inquiétude, d’autant que rien n’est dit sur le destin des agents qui en étaient chargés, et que ceux du nouvel établissement perdront ainsi des informations de première main sur la réalité des entreprises.

Une autre inquiétude encore porte sur les moyens humains et financiers dont disposera la nouvelle institution, puisque vous n'avez donné aucune garantie sur l'apport de l'État. Vous avez aussi refusé d'inscrire dans la loi l’exigence d’avoir au moins une agence par bassin d'emploi et le principe du référent unique, alors que le maillage territorial et l’accompagnement des demandeurs d’emploi devraient être des priorités. Enfin, l’articulation entre le nouvel opérateur et les collectivités locales, qui sont de plus en plus impliquées dans la lutte pour l'emploi, reste floue. Les régions, compétentes en matière de développement économique et de formation professionnelle, et les départements, en charge de l'insertion et du RMI, sont absents du texte. Le conseil régional de l’emploi, qui fera doublon avec le service public régional de l’emploi et le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, risque de n'être qu’une instance fantôme, incapable de mobiliser l'ensemble des acteurs. Conscient de la difficulté, le Président Méhaignerie propose d’expérimenter dans deux régions une co-présidence : souhaitons que cela permette d'améliorer le dispositif. En outre, après avoir gelé leur développement, vous semblez renvoyer la charge de la coordination aux maisons de l'emploi, plus sous la pression du Parlement que par conviction. En fait, votre outil est à peine né qu’il est déjà dépassé. Il aurait convenu il y a quinze ans, mais l'économie de la connaissance que nous devons bâtir aujourd’hui réclame, plutôt qu’une simple mise en adéquation des compétences, une vision dynamique qui conjugue le potentiel de chacun avec les stratégies des territoires et des entreprises.

Préparé dans la précipitation, ce nouvel outil exclut d'emblée une série d'acteurs – l'AFPA, les conseils régionaux, les missions locales – alors que c’est vers une co-production de la politique de l'emploi qu'il faut tendre. Nous craignons que cette « arme nouvelle » ne crée plus de problèmes qu'elle n'en résout, voire ne se retourne contre les demandeurs d'emplois. Cette réforme bâtie à la hâte crée de l’insécurité pour tous, acteurs et bénéficiaires. La précarisation des emplois s'aggrave chaque jour. Les Français sont ceux qui, en Europe, redoutent le plus de perdre leur emploi, ceux qui appréhendent le plus les délocalisations. Dans une flexisécurité à la française, la mobilité doit être la contrepartie d'une meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, d’un droit à la formation tout au long de la vie et d'une sécurisation des transitions professionnelles négociée avec les partenaires sociaux et non imposée brutalement par l'État.

Je n’ai donc pas le sentiment que le nouvel opérateur aura à cœur de prendre en charge les personnes les plus en difficulté et de s'attaquer au noyau dur du chômage. Je crains même que cette réforme insuffisamment préparée ne favorise un marché du travail à deux vitesses, et donc la précarité. J'y vois pour tout dire une bureaucratisation de la gestion des compétences…

M. Charles de la Verpillière – Et c’est vous qui parlez de bureaucratisation !

Mme Monique Iborra – Vous le battez de très loin dans ce domaine.

M. Jean-Patrick Gille – J’y vois une gestion de plus en plus déshumanisée, déterminée par une vision à court terme de l'économie, contrôlée par la finance, plutôt que la nouvelle sécurité qui permettrait de travailler mieux en gagnant plus.

M. Charles de la Verpillière – Ne faisons rien ! Quels conservateurs…

M. Jean-Patrick Gille – C'est pourquoi le groupe socialiste, bien que n’étant pas hostile au rapprochement des réseaux ANPE et ASSEDIC…

Plusieurs députés du groupe UMP – Eh oui !

M. Charles de la Verpillière – Comme c’est gênant…

M. Jean-Patrick Gille – …votera contre ce projet de loi.

M. Jean-Frédéric Poisson – Je dois avouer publiquement mon dépit, après les interventions de nos collègues de l’opposition. M. Muzeau par exemple s’oppose à ce texte au prétexte que la vocation de l’État serait de garantir l’équilibre entre l’offre et la demande. Voilà une divergence entre nous qui n’est pas près d’être levée. On ne peut guère trouver trace d’une telle volonté dans ce texte, car ce n’est pas pour nous le rôle de l’État. Quant au groupe socialiste, je n’ai pas compté les noms d’oiseau qui ont été employés. Disons simplement qu’on a entendu des termes comme « culpabilisation », « flicage », « bricolage », « précipitation »…

Mme Monique Iborra – Bref, « mauvais » !

M. Jean-Frédéric Poisson – Mais il n’y a pas, d’un côté, ceux qui veulent se préoccuper du sort des chômeurs et, de l’autre, ceux qui les traitent comme de la viande. Il y a plutôt ceux qui pensent que la loi ne peut pas tout régler et doit laisser de l’espace à ceux qui doivent organiser le fonctionnement social et ceux qui pensent que la loi doit tout régler. Nous avons pris la première option. C’est pourquoi, tout en étant d’accord avec un certain nombre des amendements de l’opposition, nous ne les avons pas inscrits dans la loi. Nous allons demander aux partenaires sociaux de négocier une convention collective.

M. Jean-Patrick Gille – Il fallait attendre les résultats, avant de faire la loi !

M. Yves Albarello – Cela fait trente ans qu’on attend !

M. Jean-Frédéric Poisson – Nous souhaitons laisser toute sa place à la discussion. Nous avons précisé les missions de la direction générale. Nous nous sommes assurés que les demandeurs d’emploi seraient traités correctement, que le parcours d’insertion obéirait à des objectifs opérationnels et que les plus démunis seraient pris en compte, mais le détail ne peut pas relever de la loi. Pour le reste, le Parlement a formulé des souhaits dont il espère bien qu’ils seront traduits très précisément par la voie réglementaire.

Outre ce désaccord sur le rôle de la loi, il y en a un deuxième : celui qui oppose ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas – ou plutôt qui disent que cela ne va pas marcher. Comme le disait le grand physicien Niels Bohr, la prédiction est une chose difficile, surtout à propos du futur ! Vous pensez que c’est un mauvais texte parce qu’il ne marchera pas.

M. Roland Muzeau – Ah si, la chasse aux chômeurs, ça va marcher ! Les chômeurs seront bien pénalisés !

M. Jean-Frédéric Poisson – Nous voulons au contraire faire tout notre possible pour créer les conditions de la réussite.

Juste un mot sur l’article 8 ter, relatif au statut des démissionnaires, qui a suscité un débat très intéressant. J’avais plaidé pour sa suppression afin que les partenaires sociaux se saisissent du sujet, le Parlement ne devant en rediscuter qu’à défaut d’accord. Cette question est en effet épineuse, et il y a des deux côtés des profiteurs du système. Mais cet article a aussi mis en évidence la capacité du Gouvernement à entendre la représentation nationale. Pour avoir constaté l’enrichissement réel du texte, grâce au travail de nos deux rapporteurs et grâce à cette capacité d’écoute du Gouvernement, le groupe UMP sera ravi de voter le texte de la commission mixte paritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. le Président – La discussion générale est close.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi À ce stade, je suis partagée entre espoir et découragement. J’ai entendu Mme Iborra parler de mauvaise foi, de partialité et de déni de démocratie. Je ne pense pas vraiment que l’on n’accuse les autres que ce dont on est capable soi-même : je mets surtout ces commentaires sur le compte d’une idéologie plutôt rétrograde, d’une inaptitude au dialogue et d’une incompréhension de ce qu’est l’expérimentation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme Monique Iborra – C’est un peu léger.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Mais l’espoir persiste, alimenté en premier lieu par les chiffres : le chômage diminue, les créations d’emplois augmentent.

M. Bernard Deflesselles – On devrait s’en réjouir davantage !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Avec 312 000 créations d’emplois en 2007, 320 000 créations d’entreprises et moins de 1,9 million de demandeurs d’emplois, nous sommes sur la bonne voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Le nouvel opérateur qui va se constituer sera la charpente du service public de l’emploi, qui doit assurer un meilleur service tant aux demandeurs d’emplois qu’aux entreprises, avec pour unique objectif le plein emploi, c’est-à-dire 5 % de chômage et 70 % de taux d’emploi. Bien entendu, cette réforme ne suffira pas. Elle s’inscrit dans une politique globale. Les dispositions de cet été, on nous l’a suffisamment reproché, étaient destinées à encourager la demande, alors que certains n’auraient voulu œuvrer qu’en faveur de l’offre. Nous pouvons nous féliciter, alors que la situation internationale est très différente aujourd’hui, d’avoir fait ce choix. Nous avons aussi mené une politique d’encouragement à la croissance des emplois, en particulier grâce aux services à la personne, qui sont indispensables et non délocalisables.

M. Roland Muzeau – Mais sous-payés !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Cette réforme est équilibrée. Nous ne souhaitons pas du tout, Monsieur Muzeau, stigmatiser ou culpabiliser les chômeurs, mais parvenir à un équilibre entre les droits et les devoirs. Dans la réforme de la formation professionnelle, il nous faudra assurer un juste équilibre entre les ressources disponibles et les besoins ; et dans la réforme du marché du travail, chantier considérable, nous devons rechercher l’équilibre entre sécurité et flexibilité, entre les intérêts des employés et ceux des employeurs – les uns ayant besoin des autres.

La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC est le cœur de cette réforme du service public de l’emploi. Le chantier n’est pas achevé, et je pense aux agents de l’ANPE et aux salariés des ASSEDIC qui, après le vote de cette loi, vont inventer cette nouvelle institution au quotidien, la nommer, établir une convention collective, en ayant pour but d’apporter leurs services aux demandeurs d’emploi et aux entreprises. Cette mise en œuvre sera délicate, comme toutes les fusions ou rapprochements de ce genre ; la réforme, le changement, ce sont des efforts au quotidien.

Mme Monique Iborra – Pourquoi excluez-vous les régions ? Parce qu’elles sont à gauche ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie Ne me lancez pas sur ce sujet, nous avons fait preuve d’ouverture pour permettre une expérimentation !

L’élaboration de la convention tripartite sera un grand chantier. Il faudra préciser les objectifs assignés au nouvel opérateur, définir les publics prioritaires qui bénéficieront d’un accompagnement renforcé, préciser les modes d’intervention – directe, en sous-traitance, en co-traitance avec des opérateurs publics ou privés. Il faudra aussi réfléchir à la nature des services offerts, afin d’assurer le bon niveau d’accompagnement et des prestations de qualité, au bénéfice tant des demandeurs d’emploi indemnisés que de ceux qui ne le sont pas. Il faudra également définir les relations de l’opérateur avec les autres intervenants du service public de l’emploi – maisons de l’emploi, AFPA, APEC, missions locales, Cap emploi –, qui tous doivent travailler, de façon complémentaire, à un objectif commun : réduire le chômage et assurer l’intermédiation entre offres et demandes d’emploi.

Le vote de cette loi est donc bien loin de clore le chantier. Je veux rendre hommage aux rapporteurs pour le travail exemplaire qu’ils ont conduit, ainsi qu’aux partenaires sociaux pour la contribution qu’ils ont apportée à l’élaboration de ce texte. Ce n’est pas une surprise que celui-ci ne fasse pas la « une » des journaux : c’est tout simplement parce qu’il a fait l’objet d’une forte concertation avec l’ensemble des acteurs.

Je rends également hommage à vous tous qui avez participé aux travaux de jour et de nuit pour apporter à ce texte de nombreux enrichissements – notamment sur l’expérimentation avec les régions, à laquelle je serai très attentive, et sur les missions de la nouvelle institution. Même si les échanges ont parfois été vifs, l’objectif est toujours resté le même : apporter un meilleur service aux demandeurs d’emploi et aux entreprises. Dans cette entreprise, je souhaite bonne chance à tous les agents de l’ANPE, à tous les salariés des ASSEDIC et à tous ceux qui concourent au service public de l’emploi.

Concertation, amélioration du texte, expérimentation : voilà une façon moderne de faire de la politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Roland Muzeau – Madame la ministre, vous parlez d’équilibre entre droits et devoirs. Ce n’est pas sur ces mots que nous sommes en désaccord avec vous, mais sur leur contenu. Si certaines offres d’emploi ne trouvent pas preneurs, c’est parce qu’elles sont difficilement acceptables, en raison des conditions de travail ou des salaires de misère proposés. Il faut donc que le Gouvernement prenne enfin ses responsabilités pour imposer aux branches professionnelles de respecter la loi, notamment en matière de rémunération. C’est d’ailleurs parce que vous n’arrivez pas à convaincre nos concitoyens d’occuper certains emplois que vous êtes obligés d’aller chercher de la main-d’œuvre étrangère. Au demeurant, que veut dire la notion d’« offre d’emploi acceptable » mise en avant par Mme Parisot ? Je reprends volontiers la formule du Canard enchaîné : « Un emploi acceptable, c’est un emploi que vous refuseriez » !

M. Jean-Frédéric Poisson – Je lis dans un journal paraissant le matin, qui porte le nom d’un opéra célèbre (Sourires), des témoignages de demandeurs d’emploi qui contredisent vos propos et ceux de vos collègues socialistes, Monsieur Muzeau : ils disent que s’adresser à un seul endroit au lieu de deux, c’est plus facile, et que d’avoir un référent personnel qui les connaît, c’est une bonne chose… Si ce texte n’améliorait pas le sort des demandeurs d’emploi, nous aurions perdu notre temps, mais tel n’est pas le cas. J’invite nos collègues de l’opposition à venir visiter les agences unifiées pour constater ce qu’il en est…

M. Fréderic Lefebvre – Qu’ils viennent à Issy-les-Moulineaux !

M. Jean-Frédéric Poisson – Le groupe UMP votera ce texte avec joie et souhaite bonne chance aux équipes qui vont lui donner corps sur le terrain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Monique Iborra – Parce que nous ne sommes pas d’accord avec vous, vous nous dites que nous n’avons rien compris : l’argumentation est un peu légère…

M. Fréderic Lefebvre – Ce sont les chômeurs qui le disent !

Mme Monique Iborra – Tel que vous le soumettez, ce projet est mauvais. En ce qui concerne les régions, Madame la ministre, ne savez-vous pas que la loi de décentralisation a mis en place une commission coprésidée par le préfet et par le président de région pour définir la politique de la formation en lien avec l’emploi ? Nous proposer une coprésidence pour deux régions alors qu’elle existe dans toutes les régions, c’est se moquer du monde ! Madame la ministre, vous vous moquez des régions, et nous saurons vous le rappeler. Pour cette raison et pour toutes les autres, nous voterons en notre âme et conscience contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la CMP, est adopté.

Prochaine séance : le mardi 5 février à 9 heures 30.

La séance est levée à 12 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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