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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 25 mars 2008

2ème séance
Séance de 15 heures
122ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

HOMMAGES

M. le Président – Nous avons appris avec tristesse et émotion le décès de Lazare Ponticelli, dernier survivant des anciens combattants de la première guerre mondiale. L'Assemblée nationale s’associe naturellement à l’hommage qui lui a été rendu, et à travers lui, à tous les Poilus.

L'Assemblée nationale a également eu la grande tristesse de perdre l’un de ses membres, M. Michel Debet, député de la Dordogne. Je prononcerai l’éloge funèbre de notre regretté collègue le 29 avril prochain. Je vous invite à observer une minute de silence (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence).

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE NOUVELLE DÉPUTÉE

M. le Président – Je salue en votre nom Mme Colette Langlade, nouvelle députée de la troisième circonscription de la Dordogne (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CRISE FINANCIÈRE

M. André Chassaigne – Comme vous, Monsieur le Premier ministre, j’ai parcouru le pays ces dernières semaines et je n’ai rencontré personne qui ait déclaré voter à gauche afin que le Gouvernement accentue sa politique de droite. Vous êtes le seul à avoir croisé cette espèce rare d’électeur, au nom de laquelle vous imposez un nouveau train de réformes.

Les Français nous ont parlé des franchises médicales, qui les poussent à se priver de soins, de leurs salaires, qui ne suffisent pas à nourrir leurs enfants et payer leurs factures, de leurs insomnies, lorsque le petit dernier vivote grâce à l’intérim et aux CDD. Ils ne supportent plus de ne pas être écoutés.

Allez-vous enfin comprendre que l’on ne dirige pas un pays en sacrifiant les intérêts d’une immense majorité pour le bon plaisir de quelques-uns ? Notre pays ne peut pas continuer sur la voie que vous avez tracée.

Il faut en finir avec le dérèglement permanent du capitalisme financier, dont vous êtes l’insatiable défenseur. Nous ne sortirons pas de la crise financière et boursière sans nous attaquer à ces multinationales qui s’accaparent les richesses créées par le travail de nos compatriotes. Accepterez-vous enfin notre proposition d’organiser un débat sur la crise financière internationale et ses conséquences sur l’économie française ?

Après la sanction de ces dernières élections, allez-vous enfin entendre les Français et changer de cap (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC) ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi Vous pouvez compter sur les membres du Gouvernement, autour du Premier ministre et derrière le Président de la République, pour être à l’écoute de tous les Français.

Quelques chiffres : 320 000 emplois créés en 2007, 327 000 créations d’entreprises, cela est sans précédent depuis 2000. Le chômage, à 7,5 %, a atteint son taux le plus bas depuis 1983. Le nombre de érémistes a baissé de 8 %, tandis que le salaire moyen augmentait de 3,8 % et le pouvoir d’achat de 1,5 point (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

Certes, c’est encore insuffisant et nous devons faire mieux. Je sais pouvoir compter sur mes collègues du Gouvernement et sur la majorité pour améliorer encore ces performances, notamment lors du débat sur la modernisation de l’économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

DROITS DE L’HOMME AU TIBET

M. Michel Hunault – Les événements tragiques que connaît le Tibet interpellent la communauté internationale. La France, aux yeux du monde, représente l’idéal des droits de l’homme et chacun de nous, ici, est dépositaire des valeurs universelles de liberté et de démocratie qui y sont attachées.

Le Président de la République a fait part de son émotion et appelé à mettre fin aux violences par le dialogue. Dans quelques mois, la France présidera l’Union européenne : elle devra alors s’attacher à faire triompher les valeurs liées aux droits de l’homme.

Quelle initiative comptez-vous prendre, Monsieur le ministre des Affaires étrangères, pour contribuer à faire cesser les violences au Tibet (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe UMP) ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Vous avez raison de lier les Jeux olympiques et les droits de l’homme : l’olympisme, c’est avant tout la fraternité, le respect de l’autre et donc le respect des droits de l’homme.

Vous nous demandez ce que nous allons faire, puisque la présidence française débutera le 1er juillet. Mais nous n’avons pas attendu cette perspective pour nous manifester. Dès le 14 mars dernier, le Conseil européen a demandé l’arrêt des violences. Le mardi suivant, nous avons répété qu’il fallait que cessent les violences et que les journalistes soient autorisés à se rendre sur le terrain pour constater ce qui se passait. Nous avons entendu l’appel de Robert Ménard, qui n’a d’ailleurs pas demandé le boycott des Jeux olympiques – le Gouvernement non plus, c’est sa position officielle –, mais l’organisation de manifestations pendant l’ouverture des Jeux.

Que peut-on faire ? Il faut parler avec les Chinois et avec les Tibétains : comme l’indiquait hier le Président de la République, nous devons essayer de contribuer à ce dialogue si nécessaire. Mais je voudrais également dire à nos amis chinois que leur combat n’est pas bon : d’après nos connaissances, ils se trompent en pensant que le dalaï-lama menace leur intégrité territoriale. Et je serais surpris que 1,3 milliard de Chinois soient menacés par quelques millions de Tibétains…

M. Richard Mallié – Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères Ce qui est en jeu, ce sont les droits de l’homme, mais aussi et surtout une identité culturelle et religieuse que les Tibétains veulent vivre pleinement, et qui est très bien représentée par le dalaï-lama, l’un des plus grands apôtres du pacifisme : je peux me tromper, mais je ne pense pas qu’il ait jamais souhaité la violence. Pour notre part, nous ne cesserons pas de prôner la fin des violences actuelles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

POLITIQUE GÉNÉRALE

M. Jean-François Copé – Après les élections et avec la reprise des travaux parlementaires, nous entrons dans l’acte II du quinquennat de Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Un travail considérable a été accompli en seulement neuf mois. Nous devons maintenant reprendre la cordée en songeant au message adressé par les Français (« Ah ? » sur les bancs du groupe SRC). Ils nous ont parlé de courage, de clarté et de concertation : autant de mots qui sont la marque de fabrique de la politique que nous voulons appliquer.

En politique, la maîtrise du temps est essentielle. Or, nous avons devant nous deux années sans élections locales : c’est le moment de lancer les grands chantiers que les Français attendent : sauver nos retraites et notre protection sociale, moderniser l’État, œuvrer en faveur du travail, du pouvoir d’achat et de la compétitivité des entreprises, sans oublier la réforme institutionnelle et le Grenelle de l’environnement.

Les députés UMP souhaitent ouvrir ces chantiers dans les trois mois qui viennent, c’est-à-dire avant la présidence française de l’Union européenne. C’est maintenant qu’il faut y aller. Maintenant ou jamais !

Notre groupe est à vos côtés, Monsieur le Premier ministre, pour réussir ces réformes difficiles, qui demanderont que l’on consacre beaucoup de temps à réfléchir à leur conception – nous le ferons très en amont avec vous –, mais aussi à les expliquer et à dialoguer sur le terrain avec les Français.

Nous souhaitons donc que vous nous exposiez la feuille de route que nous allons suivre ensemble au service des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. François Fillon, Premier ministre  La majorité a déjà accompli un travail considérable de réforme. On parlait hier de réduction du temps de travail : le débat porte aujourd’hui sur les heures supplémentaires ; alors qu’il était hier question des régimes spéciaux de retraite, on parle aujourd’hui d’équité ; hier, les universités françaises étaient bloquées dans leur développement et elles sont aujourd’hui en marche vers l’autonomie. Hier, les Français devaient s’adapter aux grèves ; aujourd’hui ce sont les services publics qui doivent s’adapter aux Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Hier, on évoquait la fatalité de la délinquance, et aujourd’hui est venu le temps de la fermeté (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

Nous allons poursuivre notre effort de réforme et nous tiendrons tous les engagements qui ont été souscrits par le Président de la République et par la majorité devant les Français. Sans doute ces derniers nous ont-ils rappelé nos engagements à l’occasion des dernières élections : des emplois dignes pour tous ; une croissance durable, permettant de financer notre pacte social et d’améliorer les salaires des Français, notamment les plus modestes d’entre eux ; mais aussi des institutions plus modernes et plus démocratiques. Ces priorités vont structurer les travaux parlementaires qui reprennent aujourd’hui.

Vous débattrez ainsi du projet de loi de modernisation de l’économie, qui tendra à améliorer la compétitivité des PME et à renforcer la concurrence pour faire baisser les prix et augmenter le pouvoir d’achat des Français. Vous allez également débattre de la réforme du contrat de travail, telle qu’elle a été proposée par les partenaires sociaux, mais aussi de l’élargissement de l’intéressement et de la participation aux salariés des petites entreprises et de la conditionnalité des allégements de charge, qui nous donnera un levier sur la politique salariale. Vous débattrez aussi des suites du Grenelle de l’environnement, avec notamment un premier train de mesures concernant les transports publics.

À cela s’ajoute la réforme de nos institutions : le texte qui vous sera soumis au début du mois de juin sera un compromis entre les positions des uns et des autres. Pour l’essentiel, il s’agira d’accroître les pouvoirs du Parlement tout en accordant de nouveaux droits à nos concitoyens.

Vous participerez enfin à la maîtrise des dépenses publiques et à l’amélioration de la justice sociale à l’occasion des rendez-vous sur les retraites et sur la protection sociale qui ont été prévus, mais aussi grâce à la préparation du budget pour 2009 : ce sera une étape significative vers notre objectif de retour à l’équilibre en 2012, que nous réussirons notamment grâce à la réforme de l’État.

La France ne se gouverne pas à coups de sondages. On ne peut pas changer de cap tous les dix mois (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Avec le Président de la République, nous avons fait le choix de la vérité, du courage et de la continuité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

POLITIQUE GÉNÉRALE

M. Jean-Marc Ayrault – Ce ne sont pas les sondages qui ont parlé, mais les Français : ils viennent de vous adresser un message clair en sanctionnant votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Leurs inquiétudes sont nombreuses et légitimes. Elles se sont exprimées tout au long de la campagne. Nous leur devons – et vous leur devez – la vérité sur la crise économique et financière.

Depuis plus de deux mois, nous vous demandons d’organiser un débat mais vous vous dérobez. Après un premier refus, le 4 février, vous récidivez aujourd’hui par un courrier du 25 mars, que je veux porter à la connaissance de la représentation nationale tant il illustre votre imprévoyance. Je vous cite : « Si la situation financière internationale est naturellement préoccupante, rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que les objectifs du PLF pour 2008 ne sont plus valables. » Et d’ajouter : « Si nous sommes sensibles aux évolutions de la conjoncture, elles ne nous conduisent pas à remettre en cause notre politique. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Je suis stupéfait de votre obstination dans l’erreur ! Vous osez affirmer que la France est épargnée par la crise. Est-ce alors que tous les indicateurs sont déréglés depuis des mois ? Vous continuez d’afficher des prévisions de croissance supérieures à 2 % alors que le FMI, la Commission européenne et l’INSEE annoncent entre 1,5 et 1,7 %. Le doute sur votre politique grandit. Même votre ministre de l’économie a admis, la semaine dernière, que l’hypothèse de croissance devait être revue à la baisse (Mme Lagarde fait un geste de dénégation).

Monsieur le Premier ministre, le temps de l’esquive est révolu. C’est aux Français que vous devez répondre de vos erreurs de diagnostic et de politique car vous êtes responsables de la détérioration de la situation économique, financière et sociale. Ce débat n’est pas seulement comptable : il concerne la vie quotidienne des Français et témoigne des nouveaux sacrifices que vous allez leur demander. Nous vous avons proposé de débattre jeudi matin, le groupe SRC disposant ce jour-là d’un temps d’initiative parlementaire. Monsieur Fillon, serez-vous personnellement présent lors de ce rendez-vous avec l’opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Merci de conclure.

M. Jean-Marc Ayrault – Dans l’hypothèse où votre présence ne serait pas possible dès ce jeudi, à quelle date êtes-vous prêt à débattre avec nous ? (Même mouvement) Les Français ont droit au respect et à la vérité (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR).

M. François Fillon, Premier ministre  Monsieur le Président Ayrault, le parti socialiste réclame un débat sur la situation économique et sociale. C’est son droit. Je prends acte que vous en fixez la date et l’heure avant même d’avoir reçu une réponse du Gouvernement. Pourquoi tant de fébrilité ? Sans doute parce que vous n’avez cessé d’annoncer aux Français un plan de rigueur qui n’a pas plus de risque d’aboutir que l’augmentation de la TVA par vous annoncée durant la campagne des législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Nous sommes ouverts au débat tous les jours, dans cet hémicycle comme devant votre commission des finances, dont je rappelle qu’elle est présidée par l’un des vôtres. Nous sommes attentifs à la conjoncture internationale et nous avons déjà pris des initiatives pour améliorer la sécurité des systèmes financiers ainsi que la coopération européenne et internationale.

Nous tenons le cap que nous avons fixé avec les Français, et ce n’est pas au premier coup de vent que nous allons en changer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Ce cap, il est inscrit dans la loi de finances pour 2008. Il prévoit tout d’abord de maîtriser la dépense. Qu’est-ce que le parti socialiste propose d’autre ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP) Proposez-vous d’augmenter la dépense, au mépris de nos engagements européens ? Voulez-vous tirer de nouveaux chèques sur l’avenir de nos enfants en augmentant la dette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Aucune de ces solutions ne serait responsable.

Nous avons ensuite fixé le cap de la maîtrise des prélèvements obligatoires, car c’est la première condition pour défendre le pouvoir d’achat des Français. Avant de donner des leçons sur le pouvoir d’achat des Français, il faut commencer par accepter de diminuer les prélèvements obligatoires…

M. Bernard Roman – Mais vous faites l’inverse !

M. François Fillon, Premier ministre  J’espère que tout le monde partagera enfin cet objectif, et partout sur le territoire. On en jugera dans les prochaines semaines !

Enfin, c’est le cap de la croissance que nous suivons, car seule une politique de la croissance nous permettra de retrouver des marges de manœuvre. Nous avons commencé, avec les heures supplémentaires – qui touchent aujourd’hui 60 % de nos entreprises –, la réforme du crédit impôt-recherche et celle du service public de l’emploi. Et nous allons continuer, avec la loi de modernisation de l’économie. Je vous donne rendez-vous, Monsieur Ayrault, à l’occasion de ce débat, au cours duquel nous écouterons avec intérêt les propositions du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous poursuivrons, avec la réforme du marché du travail et avec celle du temps de travail. Cette politique, les Français l’ont validée à l’occasion des élections présidentielles et législatives et nous la mettrons en œuvre tout au long de la législature, car le retard de notre pays n’est pas dû à la crise financière mais à un mal dont votre fébrilité témoigne et qui consiste à piloter à vue, en fonction de la situation de court terme, alors qu’il faut fixer des objectifs durables et s’y tenir. C’est ce que nous faisons, et nous vous invitons à nous y aider ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC)

TIBET

M. Lionnel Luca – Ma question concerne les événements dramatiques survenus au Tibet. Je souhaite que nous puissions ici témoigner de notre soutien au peuple tibétain, victime de la répression. J’invite les élus de cet hémicycle à rejoindre le groupe Tibet, les maires à hisser un drapeau du Tibet dans leur commune jusqu’aux JO et nos concitoyens à afficher un autocollant pour exprimer que personne n’est dupe du fait que les prochains Jeux seront organisés dans la plus grande dictature du monde.

Je souhaite aussi, Monsieur le ministre des affaires étrangères, que vous relayiez le communiqué d’hier, par lequel l’Élysée indique pour la première fois qu’il est nécessaire de renouer le dialogue entre les représentants du dalaï-lama et les autorités chinoises. Le Président a également fait part de la spécificité des relations diplomatiques entre la France et la Chine, dans la mesure où les représentants tibétains attendent que nos bonnes relations avec la Chine ne servent pas à éteindre, mais au contraire à lancer le dialogue entre les autorités chinoises et eux. Le fait que le Président de la République se soit déclaré prêt à aider à la relance du dialogue me semble extrêmement important, indépendamment des discussions que nous aurons avec nos partenaires européens. Monsieur le ministre, de quelle manière entendez-vous relayer l’initiative du Président de la République ?

Un mot enfin pour dire que nous sommes un peu heurtés lorsque vous parlez de « nos amis chinois ». Nous, nous sommes les amis du peuple chinois, pas des dirigeants de la dictature (Applaudissements sur quelques bancs UMP et SRC).

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Nous disons « nos amis chinois » comme nous disons « nos amis américains » ou « nos amis anglais »… (Interruptions sur divers bancs) C’est une façon de s’exprimer qui peut convenir lorsque l’on a quelque chose à demander. Il faut aussi tenir compte du fait que le peuple chinois lui-même n’est pas bien informé.

Nous nous adressons aux dirigeants chinois pour leur demander de bien vouloir renouer le dialogue avec les Tibétains qui, depuis 2002, a échoué à six reprises. Comment y parvenir ? Pour dialoguer, il faut être deux. Les Tibétains y sont résolument prêts. Pour ce qui est des Chinois, je me suis entretenu hier pendant une heure et demie avec mon homologue chinois, lequel prétend que la « clique du dalaï-lama » les a attaqués. Tout d’abord, je lui ai fait valoir que ce n’était pas une façon de s’exprimer parlant du dalaï-lama – lequel est toujours le bienvenu en France et ne me semble pas être dans cet état d’esprit. Ensuite, je lui ai fait observer que le dalaï-lama assurant n’être pour rien dans les événements qui ont eu lieu au Tibet et n’avoir donné aucun ordre, il convenait de vérifier cela, et donc que la Chine accepte que des journalistes, sans doute aussi des diplomates et des parlementaires, se rendent sur place. Nous nous y employons. Si les vingt-sept ministres européens des affaires étrangères réunis à Lbubljana vendredi prochain parvenaient à adopter un texte commun redonnant espoir aux deux parties -il est certes difficile de considérer de la même façon toutes les victimes, mais toutes sont à déplorer, qu’elles soient tibétaines, chinoises, musulmanes…–, ce serait un atout pour la position que défend la France (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

FIN DE VIE ET SOINS PALLIATIFS

Mme Claude Greff – (s’exprimant sur fond de brouhaha) La question que je souhaite poser à Mme la ministre de la santé est d’une particulière gravité compte tenu de ses implications éthiques.

M. le Président – Mes chers collègues, nos compatriotes, que nous avons eu l’occasion de rencontrer longuement durant la suspension de nos travaux, nous ont dit combien ils aimeraient que nos travaux se déroulent dans la sérénité et l’attention réciproque. Je vous invite à écouter dans le calme la question de notre collègue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Greff – À 52 ans, Chantal Sébire souffrait d’une tumeur incurable, lui causant de telles souffrances qu’il ne lui a plus été possible de vivre. Alors qu’elle venait de se voir refuser par la justice une « aide à mourir », sa mort a relancé dans notre pays le débat sur la fin de vie. Après de longs débats, nous avions voté le 22 avril 2005 une loi visant à mieux encadrer la pratique des soins palliatifs. Il nous faut aujourd’hui envisager les situations insupportables n’entrant pas dans le cadre des soins palliatifs. Des pays européens comme la Belgique et les Pays-Bas autorisent déjà les médecins, dans certains cas extrêmes, à provoquer directement la mort d’un patient, après autorisation de plusieurs commissions et à la demande du malade et de sa famille. Notre collègue Jean Leonetti, rapporteur de la loi adoptée au printemps 2005, a déjà entamé la mission que lui a confiée le Premier ministre après la mort dramatique de Chantal Sébire.

Madame la ministre, notre droit actuel vous paraît-il adapté à de telles situations ? Comment répondre aux demandes exceptionnelles des patients atteints de maladies incurables si douloureuses qu’ils demandent aux médecins de les aider à abréger leurs souffrances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative  Votre question, d’une particulière gravité en effet, exige une réponse responsable. L’éthique et la morale imposent à chacun d’entre nous d’aider et d’accompagner tous ceux qui souffrent, exigence que les progrès de la médecine rendent encore plus aiguë pour la communauté soignante.

Vous avez, Madame la députée, salué à juste titre les travaux de Jean Leonetti. La loi dont il était le rapporteur, votée à l’unanimité à l'Assemblée nationale au printemps 2005, rappelle certains principes. Le premier, c’est qu’il doit être tenu compte de la volonté du malade et que tout acharnement thérapeutique doit être banni. Le second est que tout malade en phase particulièrement avancée ou terminale de sa maladie a droit à un accompagnement palliatif et au soulagement de sa douleur. Le troisième, irréfragable, est que donner la mort ne saurait relever d’un acte médical (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe NC). La survenue de la mort peut être l’aboutissement d’une démarche palliative mais ne saurait en aucun cas constituer un projet médical (Mêmes mouvements).

Trois ans après son adoption, la loi Leonetti est encore mal connue. Jean Leonetti lui-même a d’ailleurs regretté que cette méconnaissance de la culture palliative n’ait pas permis d’accompagner Mme Sébire, dont je salue ici la mémoire avec respect. C’est pourquoi le Premier ministre lui a confié un rapport d’évaluation sur l’application de cette loi, dont nous attendons beaucoup. C’est dans cet esprit qu’à l’issue de cette séance de questions au Gouvernement, je me rendrai avec lui dans une unité de soins palliatifs pour faire avec le personnel soignant le bilan de la démarche palliative dans notre pays. Soyez en tout cas assurée, Madame la députée, de ma détermination totale ainsi que de celle du Gouvernement à mener une véritable politique de prise en charge de la douleur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE

Mme Valérie Fourneyron – Monsieur le Premier ministre, en choisissant les 9 et 16 mars derniers de porter aux responsabilités des villes et départements de France, une majorité de candidats de gauche, les Français ont adressé un message clair au Gouvernement et aux élus. Que nous ont-ils dit durant ces mois de campagne ? Ils regrettent que le Président de la République qui se voulait celui du pouvoir d’achat n’ait pas tenu ses promesses sur la revalorisation du minimum vieillesse et des pensions de réversion, ou bien encore le coup de pouce promis aux revenus modestes ; ils désapprouvent l’instauration des franchises médicales, dont ils condamnent le principe injuste ; il ont toujours autant de mal à trouver un travail et un logement ; bref, les réformes engagées sont loin d’avoir répondu à leurs priorités (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Les Français se sont aussi exprimés sur la méthode, notamment le pilotage à vue du Gouvernement. Ils déplorent l’absence de concertation et la brutalité des réformes. L’écoute a été en revanche au cœur de la campagne électorale de nos candidats, car c’est la première demande des Français. Vous ne pouvez y rester sourds et votre méthode de gouvernement doit absolument évoluer.

Après des élections qui, de l’aveu même du président du groupe UMP à l’Assemblée, constituent une défaite pour la droite, écouterez-vous enfin ce que vous disent les Français ? Ce n’est pas un remaniement de portée infime (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui répondra à leur attente.

Les Français ont adressé un message à tous les élus, ceux de gauche en particulier. Ils nous ont fait confiance pour nous élever contre les mesures injustes, les réformes précipitées, une politique internationale sans ligne directrice (Mêmes mouvements). Nous continuerons à vous proposer des mesures concrètes.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

Mme Valérie Fourneyron – Mais jusqu’à présent, vous ne nous avez pas plus écoutés que vous n’écoutez les Français (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le Premier ministre, quelle réponse allez-vous apporter aux Français qui, dans les urnes et non dans les sondages, vous ont interpellé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – Je vous demande d’être moins bruyants, chers collègues, la confusion des débats ne rehausse pas l’image de l’Assemblée.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi Parmi les chiffres qui se succèdent, vous ne retenez que les mauvais, s’il y en a. Je souhaite les regarder tous, donc aussi lorsqu’ils sont bons (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Vous nous reprochez de ne pas écouter, écoutez-moi donc. C’est sur la réalité des chiffres qu’on juge la réussite d’une politique économique.

La crise financière qui vient des États-Unis est grave (Ah ! sur les bancs du groupe SRC). Elle entraîne un ralentissement de l’économie américaine qui, selon l’OCDE, connaîtrait aux premier et second trimestres 2008 une croissance d’abord nulle, puis de 0,1 %. Toujours selon l’OCDE, ces chiffres seraient respectivement de 0,5 % et 0,4 % pour l’Union européenne. La France n’est pas dans la situation des États-Unis, parce que vous avez voté cet été des mesures qui permettent d’amortir largement la crise et que notre système bancaire et financier est solide. Les prévisions pour notre pays sont de 0,4 % et 0,3 % (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Si l’on y ajoute l’acquis de croissance des troisièmes et quatrième trimestres 2007, nous en sommes déjà à 1,4 %.

Comptez sur nous pour accélérer la mise en œuvre de notre programme. Comme l’a indiqué le Premier ministre, nous allons poursuivre dans la voie de la modernisation de notre économie pour libérer la croissance, dans un régime convenablement régulé, un régime de mesure et de liberté (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DOCTRINE NUCLÉAIRE

M. Philippe Vitel – Vendredi dernier à Cherbourg, le Président de la République a assisté à la présentation de notre quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération, le Terrible.

Ce monstre d'acier de 138 mètres de long, déplaçant plus de 14 000 tonnes en plongée, sera équipé du nouveau missile balistique M51, conçu sous la maîtrise d'oeuvre d'EADS et de sa filiale ASTRIUM. Lorsqu'il intégrera dans deux ans la force océanique stratégique il sera alors le plus moderne, le plus discret, le plus puissant fer de lance de notre dissuasion et, pour reprendre l'expression du Président de la République, « l'assurance-vie de la France »

Saluons le savoir faire exceptionnel de l'entreprise DCNS, de ses partenaires et de ses sous-traitants. Ce sont 800 000 heures d'études, plus de 15 millions d'heures de travail qu’il a fallu à plus de 1 000 personnes à Cherbourg et à plusieurs centaines à Toulon pour relever ce formidable défi technologique.

A cette occasion, le chef de nos armées a rappelé son attachement à la dissuasion nucléaire et défini à quel niveau de stricte suffisance nous devions maintenir notre arsenal. Il a également lancé une initiative internationale pour le désarmement.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre de la défense, éclairer la représentation nationale sur l'évolution de notre doctrine en la matière ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Hervé Morin, ministre de la défense  En effet, la conception et la construction du Terrible ont été de formidables défis technologiques qu’ont su relever la DGA ainsi que DCNS et ses sous-traitants. Ce bijou technologique est le résultat de l’effort accompli par le pays depuis 50 ans et de la compétence, de la passion d’hommes et de femmes auxquels il faut rendre hommage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe NC)

Le Président de la République a rappelé les principes fondamentaux de notre politique nucléaire, qui demeurent inchangés. D’abord, la dissuasion, notre « assurance vie » est destinée à défendre nos intérêts vitaux. Donc, elle est défensive, non offensive. Le Président de la République a aussi réaffirmé son attachement aux deux composantes, l’une aéroportée, l’autre océanique – dont fait partie le Terrible, qui entrera en service en 2010.

Il a par ailleurs fait part d’un certain nombre d’adaptations de notre politique. Dès son entrée en fonction, il a souhaité réexaminer le principe de stricte suffisance. À ce titre, il a décidé de réduire de trois à deux escadrons la composante aéroportée assurée par les Mirage 2000N, qui seront remplacés en 2010 par le Rafale F3. Il a également invité nos partenaires européens qui le souhaiteraient à ouvrir un débat sur le rôle de notre dissuasion dans la sécurité de l’Europe. Enfin, il a invité l’ensemble des pays disposant de l’arme nucléaire à faire un grand effort vers le désarmement.

Maintenir la garde et œuvrer au désarmement, tels sont les deux grands principes du discours de Cherbourg. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC)

MESURES EN FAVEUR DES PME

M. Jean-Pierre Decool – La France compte aujourd'hui 2 600 000 entreprises, dont quelque 80 000 PME et deux millions de très petites entreprises – soit 64 % de l'emploi et 53 % de la valeur ajoutée produite dans notre pays. Les chefs de ces entreprises, artisans, commerçants et leurs salariés sont les acteurs essentiels du retour à la croissance.

Depuis un an, plusieurs mesures déterminantes ont été prises comme la suppression de l'impôt forfaitaire annuel dès 2009, la défiscalisation réussie des heures supplémentaires, le déblocage de la participation et de l'intéressement. Aujourd'hui il est nécessaire d'aller plus loin et, après avoir réhabilité le travail, de redonner à nos entreprises tous les moyens d'agir pour créer des richesses, permettre une augmentation du pouvoir d'achat de leurs salariés, et poursuivre la baisse du chômage.

Trois entrepreneurs sur quatre estiment que les deux principaux freins à l’emploi sont le poids des charges et la lourdeur des procédures administratives. Nombre d’entre eux souhaiteraient se développer en réalisant des investissements de croissance et en embauchant du personnel supplémentaire, mais la décision d’embauche est souvent retardée, voire annulée, faute de moyens pour recruter de la main-d’œuvre qualifiée,…

M. Maxime Gremetz – La Cour des comptes !

M. Jean-Pierre Decool – …mais aussi parce que les entreprises n’ont pas le temps de se lancer dans une gestion administrative contraignante. Le recours au CDD est alors fréquent, faute de visibilité et de confiance en l’avenir.

De même, la situation des entreprises naissantes est paradoxale : alors qu’elles mènent une activité trop importante pour une personne seule, l’embauche est trop coûteuse et mettrait en péril l’entreprise.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour libérer le potentiel de nos petites entreprises afin de leur permettre de grandir et de créer de l’emploi ?

M. Maxime Gremetz – Les TPE !

M. Jean-Pierre Decool – Quelles solutions peut-on envisager pour la réduction des charges et la simplification administrative ? Comment le Gouvernement envisage-t-il d’aider les créateurs d’entreprises, pour éviter qu’une entreprise sur deux ne meure au terme de sa première année d’existence ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi Merci de poser la question des petites et moyennes entreprises, qui sont le gisement des emplois de demain et des efforts de recherche et développement. Nous avons déjà pris des mesures, et vous avez évoqué la suppression de l’impôt forfaitaire annuel. J’y ajoute un crédit d’impôt recherche déplafonné et multiplié par trois, ainsi qu’une mesure dont la Commission européenne vient d’accepter qu’elle soit soustraite au de minimis : le fléchage de l’ISF vers les PME.

M. Maxime Gremetz – Quel charabia !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie – En outre, le projet de modernisation de l’économie qui vous sera soumis prochainement comporte un titre premier sur lequel M. Novelli a beaucoup travaillé et consulté, et qui déclinera différentes propositions, comme la réduction des délais de paiement, la simplification des formalités économiques ou encore la création d’un statut d’entrepreneur individuel – car de nombreux Français, même s’ils sont salariés ou retraités, souhaiteraient créer leur entreprise. Nous espérons que vous serez nombreux, tant dans la majorité que dans l’opposition, à voter cette loi, pour encourager la création d’entreprises et d’emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

FINANCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

M. Olivier Dussopt – Comme de nombreux collègues, je suis de retour dans cet hémicycle au lendemain des élections municipales, au cours desquelles les Français nous ont délivré un message. Comme vous ne l’avez pas assez entendu (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC), je vais le redire : les Français veulent vivre décemment du revenu de leur travail, et ils souhaitent un État fort, efficace, ainsi qu’un territoire marqué par la solidarité.

Le désengagement de l’État, notamment des territoires ruraux, conduit les Français à beaucoup attendre des collectivités territoriales, mais celles-ci ne peuvent pallier les insuffisances de l’État (Même mouvement). Dans le budget 2008, vous avez gelé 7 milliards, ce qui suscite des inquiétudes quant aux fonds d’investissement à disposition des collectivités, à leur nombre d’employés, à leurs dotations – lesquelles sont remises en cause, notamment avec la fin du contrat de croissance. Les collectivités devront soit faire peser sur leurs contribuables une fiscalité injuste, soit sabrer dans leurs priorités, ce qui créera une France à deux vitesses, dans laquelle les Français n’auront pas les mêmes droits ni les mêmes protections selon l’endroit où ils habitent !

Qui va payer, Monsieur le ministre ? Quelle réponse apporterez-vous au message des Français ? Au-delà d’un remaniement qui oscille entre tableau d’honneur et lots de consolation, comment répondrez-vous à leur demande de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Une critique récurrente dans cet hémicycle, c’est que l’État ne remplirait pas ses engagements financiers. Je rappelle pourtant que, depuis 2003, les transferts de l’État aux collectivités sont compensés à l’euro près ! (Vives exclamations et « Non ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) C’est dans la Constitution ; les parlementaires l’ont souhaité, le Gouvernement l’a fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Et je ne voudrais pas être cruel en rappelant, qu’entre 1997 et 2002, l’allocation personnalisée d’autonomie avait été transférée sans ressources correspondantes (Même mouvement). De même, vous avez supprimé 15 milliards de fiscalité locale sans vous préoccuper de savoir comment les collectivités allaient faire. Vous n’avez donc pas de leçons à nous donner !

D’autant que l’État va au-delà de ses responsabilités, puisque, par exemple, un effort supplémentaire de 2 milliards est consenti pour le RMI, avec la création du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La gestion du RMI est de la responsabilité des collectivités ; ce n’est pas un problème de transfert financier, mais de gestion des transferts de compétence (Même mouvement).

L’État a en outre transféré de la fiscalité. Les droits de mutation transférés ont doublé entre 2002 et 2008 ; c’est une ressource très dynamique. Votre question n’a donc pas lieu d’être posée. La vérité, c’est qu’il y a un partage des responsabilités dans le respect des compétences (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

RAPPORT COLOMBANI SUR L’ADOPTION

M. Yves Nicolin – Il y a trois ans, l’adoption internationale était à la hausse en France : 4 000 parents français pouvaient accueillir des enfants en provenance de l’étranger. En quelques mois, la situation s’est considérablement modifiée : de moins en moins d’enfants sont proposés à l’adoption, alors que de plus en plus de couples occidentaux souhaitent adopter.

Face à cette situation – et nous avons vu récemment que, sous prétexte de sentiments généreux, certains faisaient n’importe quoi –, nous avions proposé, en 2005, la création d’une agence qui a permis à 700 enfants d’être adoptés, au terme d’une année d’exercice. Mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont confié à M. Jean-Marie Colombani un rapport sur le sujet. Ce dernier vient de remettre son rapport, qui, selon moi, comporte à la fois de bonnes solutions et d’autres qui risquent d’être contre-productives. Madame la ministre, quelles propositions le Gouvernement reprendra-t-il, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille – En tant que président de l’Agence française de l’adoption, vous êtes bien placé pour savoir que la situation de l’adoption ne s’améliore pas dans notre pays.

Près de 30 000 familles attendent aujourd’hui de pouvoir accueillir un enfant, mais l’adoption internationale est en recul, certains pays d’origine ayant modifié leur dispositif de protection de l’enfance et préférant désormais favoriser l’adoption à l’intérieur de leurs frontières.

Cette situation a conduit le Président de la République et le Premier ministre à charger M. Colombani de dresser un constat et de proposer des pistes d’amélioration. Le rapport qu’il nous a remis comporte 32 propositions articulées autour de quatre axes : la mise en place d’une autorité centrale de coordination et de régulation, une plus grande attention portée à la situation des enfants français, l’expérimentation de nouvelles procédures d’agrément et le renforcement de l’accompagnement des familles. Nous étudierons toutes ces propositions avec mon collègue Xavier Bertrand, en associant à notre travail les ministères des affaires étrangères et de la justice, mais aussi les parlementaires compétents en la matière, afin d’améliorer au mieux notre dispositif (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

TIBET ET JEUX OLYMPIQUES DE PÉKIN

M. Jean-Pierre Kucheida – A la veille des Jeux Olympiques, la situation des droits de l'Homme en Chine et au Tibet nous interpelle cruellement. Des dizaines de morts, des centaines peut-être, des emprisonnements, des exécutions sommaires, une information totalement contrôlée, nous montrent que le processus espéré il y a sept ans par le CIO lorsqu’il a pris la décision politique de choisir Pékin, a fait long feu.

Alors que les chefs de gouvernements britannique et allemand ont réagi avec force, avec d'autres démocraties, les Français n’ont eu droit jusqu’à hier qu’au silence assourdissant et inhabituel du Président de la République. La France, pays des Droits de l'Homme, se déshonore. Les affaires passeraient-elles avant nos valeurs universelles ? Je le demande en particulier à M. Laporte.

Au delà du boycott des Jeux Olympiques, que nous ne souhaitons pas et qui ne peut être que l'arme suprême, quels gestes significatifs le Gouvernement entend-il faire ? Pensez-vous recevoir le dalaï-lama ? Ce serait mieux que M. Kadhafi ! Je vous suggère en tout cas au nom du groupe socialiste, Monsieur le Président Accoyer, de le faire ici, à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR) Pensez-vous demander avec force à la Chine de négocier l'autonomie culturelle de cette province annexée et assujettie? Pensez-vous vraiment qu’en l'état actuel des choses, la France – qui assumera en août la présidence de l'Union européenne – puisse être présente aux cérémonies des Jeux Olympiques? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Je comprends votre inquiétude, et même votre indignation…

M. Christian Paul – Partages-les plutôt !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – Je les partage. Mais enfin nous n’avons pas attendu dimanche pour réagir, ou alors c’était celui d’avant ! C’est même dès le vendredi que nous avons réagi avec l’Europe des 27 en condamnant les violences et en appelant à la négociation, et nous n’avons eu de cesse de réitérer notre position depuis. Rama Yade l’a fait hier ; tout à l’heure encore à Tarbes, alors que notre pays a toujours été favorable au maintien des Jeux Olympiques, le Président de la République a dit que toutes les options étaient ouvertes. Nous souhaitons que l’évolution pacifique et l’apaisement que nous appelons de nos vœux permettent aux Jeux Olympiques de se tenir, mais nous souhaitons aussi – et plus que tout – que les droits de l’Homme soient respectés (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

La séance est suspendue à 16 heures 5.

La séance est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Le Guen.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Marie LE GUEN
vice-président

DROIT COMMUNAUTAIRE ET LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité – Depuis les années 1970, l'Union européenne s'est dotée d'une législation abondante dans le domaine de la lutte contre les discriminations. En France, les textes communautaires ont notamment amené à la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Le présent projet de loi poursuit la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire sur ce sujet. Il transpose la directive du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services, et la fourniture de biens et services et complète la transposition – estimée insuffisante par la Commission – de trois autres directives communautaires relatives à l'égalité de traitement. Il sera ainsi mis fin à trois procédures d'action en manquement.

Les efforts engagés par le Gouvernement – dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne – pour réduire le retard de la France dans la transposition des directives commencent à porter leurs fruits : 1,1 % seulement des directives étaient en attente de transposition au 10 novembre 2007, ce qui nous permet de satisfaire, pour la troisième fois consécutive, l'exigence posée par le Conseil européen de Stockholm d'un taux inférieur à 1,5 %. Ainsi, après avoir longtemps été parmi les lanternes rouges de l'Europe, notre pays se situait, au second semestre de l'année 2007, au dixième rang des États membres.

L'adoption de ce projet de loi, qui participe de cet effort, anticipe aussi sur la transposition de la directive du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, dont nombre de dispositions sont ici introduites en droit français.

Ce projet précise aussi, à la demande de la Commission, un certain nombre de définitions : celle de la discrimination directe et indirecte, mais aussi celle des faits constitutifs de harcèlement, au sens civil et non pénal du terme. Il assimile par ailleurs à une discrimination le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination.

D’autre part, le texte affirme de manière explicite qu'un certain nombre de discriminations sont interdites, en reprenant précisément les termes des directives communautaires : discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ; discriminations fondées sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance – vraie ou supposée – à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions en matière de travail et d'emploi ; discriminations pratiquées en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu'il s'agisse d'en assurer la protection ; discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Tout en posant ces principes, le projet de loi précise les dérogations qui sont autorisées. Il en va ainsi des différences opérées pour répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

Enfin, le projet de loi renforce les garanties accordées aux victimes de discriminations. Il instaure ainsi une protection contre les rétorsions qui peuvent frapper les personnes qui témoignent d’une discrimination et aménage les règles de charge de la preuve au profit de celles qui engagent une action en justice.

Toutes ces dispositions seront d'application générale et immédiate. Elles s'imposeront aussi bien aux personnes privées qu'aux collectivités publiques et vaudront, en matière professionnelle, tant pour les personnes employées en vertu d’un contrat de droit privé que pour les fonctionnaires, y compris les magistrats, les militaires et les agents des assemblées parlementaires.

Le seul objet de ce texte est de transposer un certain nombre de dispositions communautaires. Le Gouvernement n'a pas choisi d’en faire un instrument d'approfondissement ou de réorientation de la politique de lutte contre les discriminations, car les échéances de la transposition et les procédures en cours ne nous en laissaient pas le temps : le champ concerné est immense et la matière supporte moins que toute autre l'approximation.

Toutefois, ce gouvernement entend continuer à mener le combat pour l'égalité des chances. Nous vous présenterons bientôt un projet de loi sur le statut des beaux-parents, ainsi qu’un projet sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dans le prolongement de la conférence organisée le 26 novembre dernier à la demande du Président de la République. Nous vous proposerons également de ratifier la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées. Nous veillerons enfin à la bonne application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Notre engagement en faveur de l'égalité des chances sera également au cœur de la présidence française de l'Union européenne. Nous nous sommes déjà mobilisés contre les discriminations en 2007, année européenne de l'égalité des chances, et nous ferons de même en 2008. Nous avons ainsi prévu d'organiser, à la fin de septembre, un sommet européen pour l'égalité des chances, qui fera écho à la manifestation du même type organisée en 2007. Nous apporterons également à la commission le soutien qu'elle peut attendre de la présidence en exercice pour la mise en œuvre des mesures qu'elle devrait proposer, au cours du second semestre 2008, dans une communication sur l'égalité des chances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Ce texte est avant tout pragmatique. La France a fait l'objet de procédures en manquement pour n'avoir pas suffisamment transposé trois directives européennes dans les délais impartis :celle du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; celle du 23 septembre 2002 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail ; celle enfin du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.

Le présent projet vise donc à compléter la transposition de ces trois textes. Afin de satisfaire pleinement à nos obligations communautaires, il s’agit également de transposer une partie de la directive du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, ainsi que les dispositions de la directive du 13 décembre 2004 relative à l’application de ce même principe en matière de biens et de services.

Ce projet de loi ajoutera ainsi une pierre à notre édifice juridique de lutte contre les discriminations, qui a évolué sous l’influence du droit international, et tout particulièrement du droit communautaire. Ce dernier a en effet souvent servi d'aiguillon dans notre pays, depuis que la lutte contre les discriminations est devenue une politique européenne autonome à la fin des années 1990, sous l’effet du traité d'Amsterdam. Un nouveau pas a été franchi en 2000 avec l'adoption de deux directives sur l'égalité de traitement visées par ce projet de loi.

En France, l’arsenal anti-discrimininations a été enrichi grâce à la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, à la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, à la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée, et enfin grâce à la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances. On peut naturellement voir dans tous ces textes l’influence du droit communautaire, même s’ils comprennent de nombreuses dispositions sans lien direct avec la législation européenne.

Je rappelle également que la loi n’est pas le seul instrument juridique en la matière : le 11 octobre 2006, les partenaires sociaux ont ainsi conclu un accord national interprofessionnel sur la diversité dans l’entreprise afin de promouvoir la non-discrimination et l'égalité de traitement en matière de recrutement, d'affectation, de rémunération, de formation professionnelle et de déroulement de carrière.

Le bilan régulièrement établi par la HALDE permet de prendre la mesure des discriminations dans notre pays. En dépit de réelles avancées législatives, celles-ci demeurent nombreuses et reposent sur des fondements divers. Plus de 50 % des réclamations enregistrées par la Haute autorité concernent ainsi l'emploi et 20 % d’entre elles les services publics, mais les biens et les services privés, l’éducation et le logement sont également en cause.

L’origine des personnes demeure le critère de discrimination le plus fréquent – 27,16 % des réclamations en 2007. Viennent ensuite, par ordre décroissa nt, la santé et le handicap, l'âge, l’activité syndicale, le sexe, la situation de famille, l'orientation sexuelle, l’apparence physique, la religion, les opinions politiques et les mœurs. Par rapport à 2006, on constate une augmentation de la proportion des discriminations pratiquées sur le fondement de la santé ou du handicap.

Selon une étude publiée en janvier dernier par l'agence de notation sociale Vigeo et réalisée pour le compte du Bureau international du travail, de plus grands efforts sont nécessaires en matière de non-discrimination et de diversité : dans 44 % des entreprises étudiées, les moyens mis en œuvre se limitent à l'information ; 32 % d’entre elles n’ont pas recours à des moyens spécifiques ; 20 % ont mobilisé des moyens significatifs et accompagnés de procédures actives ; seulement 4 % ont instauré des dispositifs avancés reposant sur des accords et soumis au contrôle des syndicats.

Toutes ces données démontrent que la lutte contre les discriminations est un objectif bien établi, mais encore largement à atteindre.

En assurant la transposition des directives européennes que j’ai évoquées, ce projet de loi prend en compte les différentes observations formulées par la Commission européenne à l’occasion des mises en demeure et des avis motivés dont la France a fait l’objet. Comme son intitulé l’indique, il ne s’agit pas d’un texte à vocation généraliste en matière de discriminations.

L'article premier du projet reprend les définitions communautaires des discriminations directe et indirecte, mais aussi du harcèlement. S’agissant des discriminations directes, le texte énonce clairement que les différences de traitement doivent être analysées au regard des situations passées, présentes ou à venir. La définition du harcèlement est en outre étendue aux cas où un seul agissement a eu lieu, ainsi qu’au cadre extraprofessionnel. Le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination est également assimilé à une discrimination.

L'article 2 précise le champ des discriminations conformément au droit communautaire applicable – réaffirmation de l'interdiction des discriminations fondées sur la race ou l’origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ; interdiction des discriminations en matière de travail et d'emploi, quels que soient le sexe, l’appartenance ou non, réelle ou supposée, à une ethnie ou à une race, la religion, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle ou les convictions en particulier.

Ce projet de loi interdit ainsi toute discrimination sur ces fondements en matière de travail indépendant, ainsi qu'en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale et professionnelle, y compris pour les non-salariés et pour les fonctionnaires.

Le texte pose également l'interdiction, de portée générale, de pratiquer des discriminations en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf pour en assurer la protection. Est également interdite toute discrimination fondée sur le sexe s’agissant de l’accès aux biens et services et de la fourniture de ces mêmes biens et services.

Les articles 2, 6 et 8 précisent les cas où ces principes ne font pas obstacle à des différences de traitement, et modifient la liste des discriminations qui ne font pas l'objet de sanctions pénales. S’agissant des différences de traitement en matière d'emploi, il faudra notamment que l’objectif à atteindre soit légitime et le moyen utilisé proportionné.

Les articles 3 et 4 permettent de renforcer les garanties dont bénéficient les victimes de discriminations, notamment pour ce qui est des témoignages et des actions en justice. Le projet de loi aménage ainsi la charge de la preuve en faveur de la victime. L'article 5 permettra d'assurer une application aussi large que possible du projet de loi, c’est-à-dire à l'ensemble des personnes de droit privé et de droit public.

L'article 9 dispose qu'aucune différence ne peut être fondée sur le sexe pour les cotisations et les prestations versées conformément aux dispositions du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale, sauf pour ce qui concerne l'attribution des prestations liées à la grossesse et à la maternité.

Réunie le 6 février dernier, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté un certain nombre d'amendements destinés à clarifier le dispositif proposé : il s'agit notamment de favoriser une transposition au plus près de la lettre des directives communautaires, tout en assurant une plus grande lisibilité du texte. La commission a ainsi tenu à préciser sans ambiguïté que l’injonction à discriminer « constitue » une discrimination.

La commission a en outre jugé que la transposition devait, dans la fidélité au texte communautaire, respecter les garanties déjà existantes pour les victimes de discriminations. Ainsi, elle a expressément rappelé que les conditions de travail et de promotion professionnelle ne sauraient donner lieu à des discriminations fondées sur le sexe, l’origine ethnique, la race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions.

La commission a également souhaité éviter toute formulation qui aurait pu apparaître restrictive en matière de protection contre les rétorsions, en visant les situations où un seul agissement discriminatoire est intervenu. Elle a enfin précisé qu'aucune discrimination ne saurait être effectuée en raison du congé de maternité.

Cela étant précisé, je ne peux que vous inviter, conformément aux conclusions de la commission, à adopter le présent projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Martine Pinville – Le présent projet nous rappelle à notre devoir d’adapter notre droit à la norme communautaire dans un domaine où, hélas, nous ne sommes pas prompts à agir. Toutes les transpositions auxquelles nous devons procéder doivent tendre à assurer une meilleure protection de nos concitoyens. La Commission européenne a engagé une procédure d’infraction à notre encontre, pour ne pas avoir transposé la directive du 27 novembre 2000 interdisant la discrimination en matière d’emploi et de travail fondée sur la religion, les croyances, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. Plus récemment, elle nous adressé un avis motivé et elle s’apprêtait à saisir la commission de la Cour de justice des communautés…

Les motifs pour lesquels nous sommes épinglés – définition incorrecte des discriminations et du harcèlement, caractère restrictif de l’interdiction de l’injonction à discriminer – doivent nous interpeller. Espérons en tout cas que nous ne serons plus ainsi montrés du doigt à l’avenir !

En transposant les directives 2000/43, 2000/78 et 2000/72 et en modifiant la loi du 30 décembre 2004, nous rendons notre droit conforme. Encore faut-il réussir cette adaptation, en n’hésitant pas à renforcer certains dispositifs. À ce titre, il faut savoir prendre le temps du débat. La France aime à se présenter comme la patrie des droits de l’homme et certains sont parfois tentés de donner des leçons au monde entier. Cependant, nous ne sommes pas capables d’organiser un véritable débat de fond sur un sujet aussi sensible que la lutte contre toutes les formes de discriminations. Il est même à craindre que sans la pression de la Commission européenne, nous en serions restés au statu quo !

De prime abord, le présent texte semble satisfaire à l'essentiel des directives européennes. En réalité, il comporte de graves insuffisances. La transposition a été faite a minima et, de lacunes en exceptions, ce sont – une fois de plus ! – des pans entiers de notre droit du travail qui sont mis en cause. Ainsi, le projet précise qu’en matière de travail, d'emploi, de formation professionnelle ou d'adhésion à une organisation syndicale, il ne doit pas être fait obstacle aux différences de traitement lorsque celles-ci répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. Qui ne voit que c'est la porte ouverte à tous les abus ?

Au surplus, le texte prévoit plusieurs exceptions au principe selon lequel « toute discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services ». C’est ainsi que ne sont pas interdites les différences de traitement si la fourniture de biens et services exclusivement – ou essentiellement – destinés aux personnes soit de sexe féminin, soit de sexe masculin est justifiée par un but légitime, et que les moyens de parvenir à ce but sont appropriés et nécessaires. Sont également admises les différences relatives au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance fondées sur la prise en compte du sexe, dans les conditions prévues dans l'article L. 111-7 du code des assurances.

Le projet de loi autorise également les différences dans le contenu des médias et de la publicité, au prétexte qu’il ne s’agissait par de l’accès aux biens et aux services, ni de la fourniture de biens et services à la disposition du public. Dans l'organisation des enseignements, il est également admis de regrouper les élèves en fonction de leur sexe. De telles exceptions ne sont pas acceptables, dans la mesure où les discriminations se nourrissent précisément de telles représentations, stéréotypées et parfois sexistes. En outre, ces dispositions se situent en retrait par rapport à l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004.

Autre ajout contestable : la notion de « bonne foi », introduite dans l’article 3 en vue de protéger de toutes représailles les personnes ayant témoigné en justice. Il est en effet patent que cela réduit la portée du texte, la reconnaissance de cette bonne foi suscitant immanquablement des contentieux au détriment de la bonne appréciation de la réalité des discriminations invoquées.

Dans l'article 4, le projet revient sur l'aménagement de la charge de la preuve de la discrimination. Là encore, il y a incohérence avec le texte existant – la loi de novembre 2001–, puisqu'on oblige la personne qui s'estime victime d'une discrimination à « établir » les faits devant le juge, au lieu de simplement les « présenter ». La coexistence de plusieurs régimes probatoires suivant le terrain – emploi ou accès aux biens – nous semble extrêmement regrettable.

Autre défaut, le texte « oublie » d'ouvrir aux associations de lutte contre les discriminations la possibilité d'agir devant les tribunaux si la victime est un agent de la fonction publique, alors même que la directive l’exige expressément. Si, à la demande des victimes, les associations peuvent agir au pénal ou devant les conseils de prud'hommes, elles ne le pourront pas devant la justice administrative ! Bien que la Commission européenne ait critiqué cette lacune de la législation française, rien n’est fait pour y remédier.

Une autre insuffisance du texte tient au fait qu'il rétablit une hiérarchie - que l'on croyait définitivement bannie du droit français - entre les discriminations, par une transposition aveugle de deux directives. En effet, si la directive 2000/78 traite de toutes les discriminations, mais dans le seul domaine de l'emploi et du travail, la directive 2000/43 ne traite que d'un seul motif, la « race » et l'origine ethnique, mais intervient dans tous les domaines, y compris l'éducation et le logement. À l’évidence, l'auteur du projet de loi a recopié de manière scolaire les définitions données par les deux directives, sans essayer de synthétiser…

S’agissant des discriminations racistes, le champ d'application est donc large, puisqu’il concerne tous les domaines de la vie courante ; par contre, pour ce qui concerne les autres discriminations – telles que l’homophobie ou l’handiphobie – il est limité aux domaines de l'emploi et du travail. Auriez-vous souhaité, Madame la ministre, hiérarchiser les victimes et encourager leur mise en concurrence que vous ne vous y seriez pas prise autrement !

À toutes ces insuffisances s'ajoute la proposition de loi déjà adoptée par les sénateurs pour ramener de trente à cinq ans le délai de prescription au-delà duquel nul ne peut plus faire valoir un droit ou réclamer la réparation d'un dommage. Actuellement, en matière sociale, les dommages et intérêts ne sont prescrits qu'au bout de trente ans, ce qui provoque régulièrement la colère du patronat… et le dépôt de propositions de loi. Surprise : en novembre dernier, profitant de la séance mensuelle consacrée aux propositions de loi, les sénateurs ont adopté la proposition de M. Hyest visant à ramener à cinq ans le délai de prescription de droit commun. Quant à la procédure parlementaire, elle a été exceptionnellement rapide, puisque la commission des lois du Sénat ne s'est réunie sur le sujet qu'une semaine avant le vote en séance publique !

Les termes de ce texte posent un problème certain quant à son application aux situations de discrimination au travail : d’abord, ils priveraient l'article L. 122-45 prohibant les discriminations d’une grande partie de sa portée ; en outre, ils posent un sérieux problème de compatibilité avec la norme européenne. Le délai de cinq ans apparaît en effet comme insuffisant pour caractériser la situation de discrimination comme pour en réparer les effets. Enfin, ramener le délai de prescription à cinq ans contrevient à la directive sur l'égalité des chances : d’abord parce que la réparation ne sera pas suffisante au regard du préjudice subi ; ensuite parce que les sanctions ne seront ni proportionnées, ni dissuasives. Il est donc à craindre que les victimes ne renoncent à faire valoir leurs droits, en considérant à juste titre que le jeu n'en vaut pas la chandelle.

En l'état, ce projet donne l'impression d'un travail inachevé, destiné prioritairement à satisfaire aux exigences de la Commission européenne plutôt qu’à garantir l'intérêt des victimes. Compte tenu du contexte économique actuel et des inquiétudes légitimes qui en découlent, il nous semble indispensable de renforcer les moyens de lutte contre toutes les formes de discrimination. Sans doute faut-il par conséquent aller plus loin, au nom des valeurs qui fondent notre République ; alors que la France ne se départit jamais de son discours moralisateur sur les droits de l’homme, saisissons l’occasion qui nous est donnée de rendre notre droit conforme à nos déclarations de principe ! Parallèlement, alors que notre pays - comme nombre d’États européens – connaît une période où s’exacerbent toutes les formes de discrimination – notamment d'origine ethnique et religieuse –, n'aurait-il pas été salutaire d'instaurer un vrai débat national sur le sujet ?

En définitive, le présent texte comporte des dispositions contraires au principe d'égalité inscrit dans notre Constitution. Ainsi, l’article 2 introduit une différence de traitement entre les discriminations qui va à l’encontre des orientations prises par le législateur français au cours des dernières années. En matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fournitures de biens et services, la loi ne retiendrait que les discriminations liées à l'appartenance – réelle ou supposée – à une ethnie ou une race, cependant qu’elle ignorerait les discriminations relatives à la religion, à l'âge, au handicap, à l'orientation sexuelle ou aux convictions. Une telle distinction entre discriminations introduirait une différence de traitement entre les victimes manifestement contraire au principe d'égalité.

C'est la raison pour laquelle je vous demande d’adopter l’exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

Mme George Pau-Langevin – La manière dont est introduit le présent débat témoigne du désintérêt du Gouvernement pour la lutte contre les discriminations. On ne peut que regretter la réticence avec laquelle est engagée cette discussion. Il est regrettable pour notre pays de donner le sentiment qu’on ne lutte contre les discriminations, qu’aiguillonné par l’Europe, sans véritable volonté du Gouvernement. Au moment où la cohésion sociale est mise à mal et où nombre de nos concitoyens jugent insuffisante la lutte contre les discriminations ethniques ou l’homophobie, nous pouvions attendre autre chose qu’un débat tronqué et sans envergure sur un texte qui ne répond d’ailleurs aux exigences ni de la Commission européenne ni de la Cour européenne de justice. Il aurait pourtant été urgent d’actualiser notre politique de lutte contre les discriminations et de définir plus clairement certains concepts, parfois utilisés sans toutes les précautions nécessaires. Il aurait de même fallu répondre aux interrogations des chercheurs sur la manière d’évaluer les discriminations. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera cette exception d’irrecevabilité.

M. Francis Vercamer – Sur le sujet grave de la lutte contre les discriminations, cette exception d’irrecevabilité est particulièrement malvenue. En effet, ce texte ne fait que transposer plusieurs directives, dont deux datent de 2000, et qui l’ont déjà été une première fois, mais de manière incorrecte. Cela fait donc huit ans que ces dispositions devraient figurer dans notre droit ! Ce n’est pas en retardant encore l’examen du texte que l’on fera avancer la lutte contre toutes les discriminations, laquelle relève d’abord d’un état d’esprit. Même si certains des problèmes soulevés par notre collègue dans sa motion sont pertinents et appellent des réponses de la part du Gouvernement – j’aurai l’occasion d’y revenir moi-même dans la discussion générale –, ce ne saurait être une raison par cette motion de repousser l’examen du texte aux calendes grecques. Le groupe Nouveau Centre ne votera donc pas cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Guénhaël Huet – Malvenue, cette exception d’irrecevabilité n’est pas non plus fondée. En effet, le projet ne fait que transposer en droit national des directives européennes.

Mme Pinville a dénoncé ce qui lui paraît des insuffisances dans ce texte. Pour ma part, je n’y vois que des progrès. La protection contre les rétorsions, de même que la création de pôles anti-discrimination auprès des 181 tribunaux de grande instance ou bien encore une définition plus précise de la discrimination, directe et indirecte, ainsi que du harcèlement moral et sexuel, constituent des avancées notables. C’est mauvaise foi que de différer les réponses à des problèmes concrets qui se posent quotidiennement, ne serait-ce que celui de l’égalité hommes-femmes dans les entreprises. Il est au contraire à l’honneur du Parlement d’adopter les dispositions de ce texte, conformes tant à notre Constitution qu’à notre tradition juridique. Le groupe UMP repoussera donc l’exception d’irrecevabilité.

Mme Martine Billard – Tout projet de loi est-il donc voué à être examiné à la va-vite et bâclé ? Si celui-ci nous est soumis aujourd’hui, c’est parce que notre pays a été mis en demeure par la Commission pour avoir transposé de manière incorrecte diverses directives de 2000. Il nous faut donc reprendre l’ouvrage pour l’améliorer, c’est indéniable, mais demeureront encore dans notre droit des définitions de la discrimination différentes d’un code à l’autre. Ce n’est pas là de bonne méthode. Ne pourrait-on, une fois pour toutes, aboutir à une seule et même définition, qui permette à nos concitoyens, qui ne sont pas tous d’éminents juristes, de s’y retrouver ? De même, ne pourrait-on, sur la base d’une définition unique, par exemple celle du code pénal ou toute autre sur laquelle nous nous mettrions d’accord, faire en sorte que toutes les discriminations soient traitées d’égale façon au lieu d’établir, comme le fait l’article 2, des différences de traitement selon leur nature – sans compter que cet article oublie la discrimination pour raisons de santé, pourtant de plus en plus souvent invoquée devant la HALDE. Le groupe GDR, convaincu de la nécessité d’élaborer des textes complets et univoques, qu’il ne soit pas nécessaire de modifier tous les quatre matins, et accessibles à tous nos concitoyens, votera l’exception d’irrecevabilité.

L'exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe GDR une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Martine Billard – Enfin nous est soumis ce texte de transposition de diverses dispositions européennes de lutte contre les discriminations ! La France a en effet fait l’objet de trois procédures d’action en manquement de la part de la Commission européenne pour transposition imparfaite des trois directives du 29 juin 2000 relative à l’égalité de traitement des personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et du 23 septembre 2002 modifiant la directive du 9 février 1976 relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’accès à l’emploi, à la formation et la promotion professionnelles, et de conditions de travail.

Manquent actuellement dans notre droit une définition des discriminations directes et indirectes, du harcèlement moral et du harcèlement sexuel, l’interdiction d’enjoindre à quelqu’un de pratiquer une discrimination, ainsi que des dispositions pour garantir les droits des victimes de discriminations, notamment contre la rétorsion. Deux actions en manquement de la part de la Commission ont donné lieu à l’envoi d’une mise en demeure et une troisième à l’émission d’un avis motivé. Dans sa mise en demeure du 21 mars 2007, la Commission estime que le droit français n’interdit pas la discrimination fondée sur la religion, les convictions, le handicap ou même l’orientation sexuelle pour les conditions d’accès au travail.

Il s’agit aussi par ce texte de commencer à transposer la directive du 13 décembre 2004 relative à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, ainsi que celle du 5 juillet 2006 relative à l’égalité des chances et à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

C’est bel et bien grâce à l’action de l’Union européenne qui, depuis la fin des années 90, met en œuvre une politique communautaire autonome en ce domaine que la France s’est attaquée à bras le corps à la lutte contre les discriminations, problème longtemps occulté dans notre pays. La place prise dans notre système juridique par le droit pénal qui donne la priorité à la dimension répressive rendait difficile la mise en évidence de cas concrets de discriminations, partant gardés dans le silence.

Sous l’impulsion de l’Union européenne, la France a commencé à partir de 2000 de passer de proclamations abstraites à l’adoption d’outils législatifs concrets, protecteurs et correcteurs, venus enrichir les premières lois votées dans les années 1970 et 1980 sur l’égalité de traitement entre femmes et hommes. C’est ainsi qu’ont été créés en 2000 le groupe d’études et de lutte contre les discriminations et en 2005 la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances, et qu’ont été adoptées la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations et celle du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

La loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE a permis aux associations de lutte contre les discriminations de se porter partie civile, sans leur donner pour autant un droit de réponse semblable à celui dont disposent les associations de lutte contre le racisme. D’autre part le Fonds d’action sociale a été transformé en Fonds d’aide et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations, puis intégré il y a deux ans dans l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Ce sont des progrès qu’il faut reconnaître.

Cependant, sur les 400 réclamations dont la HALDE est saisie chaque mois, 38 % concernaient l’an passé le service public, dont 18 % avaient trait à l’emploi public. Il importe donc de ne pas se borner à modifier le seul code du travail pour lutter contre les discriminations dans le secteur privé. Il faut aussi modifier la loi Le Pors de 1983 pour faire de même dans le secteur public. Or ce n’est pas prévu.

En 2006, 35 % des saisines portaient sur l’origine ; cette proportion était de 27 % en 2007, mais sur un nombre de plaintes plus élevé. En revanche, les saisines ayant trait à la santé et au handicap sont passées de 18,63 % à 21,7%. Dans ce domaine, les concepts sont en cours d’élaboration, comme celui de mesure appropriée pour l’aménagement d’un poste de travail en compensation du handicap, qui décline celui d’aménagement raisonnable inscrit dans le droit communautaire. Dans ce cas, c’est l’absence de mise en œuvre de mesures spécifiques qui constitue la discrimination.

Les autres motifs importants de saisine en 2007 étaient l’âge, le sexe et l’activité syndicale, assez peu l’orientation sexuelle.

Les discriminations restent nombreuses. Ainsi, environ une personne handicapée sur quatre est au chômage et le chômage est trois fois plus élevé chez les étrangers d’origine non communautaire. Sur un CV, le nom, la couleur de la peau sur la photo, voire l’adresse sont parfois des éléments de discrimination qu’il est ensuite difficile de prouver. Selon une étude de l’INSEE de février 2008, à travail égal, les femmes perçoivent un salaire inférieur de 26 % à celui des hommes et même de 31 % dans le privé. Cet écart atteint 29 % pour les cadres à temps complet dans le secteur privé et semi-public ; il est de 16 % dans la fonction publique d’État et de 27 % dans la fonction publique hospitalière. Selon SOS Homophobie et Sida Info Service, de nombreux homosexuels et séropositifs déclarent être victimes de discriminations, ce que confirme une très récente étude de la HALDE sur l’homophobie dans l’entreprise, réalisée auprès de 1 413 salariés.

Je souligne également l’importance des discriminations en raison de l’état de santé, bien au-delà de la séropositivité, d’autant que ce projet tend à réintroduire une hiérarchie entre les types et motifs de discriminations. Néanmoins, ce sujet reste tabou et les rapports d'activité de la Halde ne l’abordent pas.

Le développement récent de sanctions contre les pratiques discriminatoires n'est donc pas suffisant, alors même que nombre de victimes peinent à exposer en termes juridiques ces actes dont les motifs sont souvent « invisibles ». Ainsi en 2006, 30 % des saisines de la HALDE concernant l'emploi privé portaient sur l'embauche. Toutefois, la HALDE ne peut que rarement obtenir des preuves de pratiques discriminatoires plusieurs années après l'envoi de CV.

De même, des salariés qui perdent leur emploi ont souvent du mal à prouver la discrimination. Il est nécessaire d'inverser la charge de la preuve dans les affaires de sanctions ou de licenciement, sauf en matière pénale où l'on ne saurait déroger au principe constitutionnel de la présomption d'innocence. À ce titre, nous saluons l'article 4 du projet qui aménage les règles de charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. Nous verrons toutefois comment il sera appliqué.

Néanmoins, si ce projet est nécessaire pour remédier aux manquements de la France à l'égard de ses obligations communautaires, je regrette qu’il ait été élaboré dans l’urgence. Tous les acteurs n'y ont pas été associés. Et finalement, ce texte introduit une certaine confusion dans le droit français actuel et remet en cause certains acquis.

D’abord, il rétablit une hiérarchisation entre les discriminations, alors que, depuis la loi de novembre 2001 et celle du 30 décembre 2004, nous assistions à un mouvement d'uniformisation des dispositifs mettant au même niveau les peines encourues et les procédures à suivre, quel que soit le motif de la discrimination.

Au cours de la législature précédente, j'avais déposé une proposition de loi constitutionnelle co-signée par mes collègues Verts, pour introduire explicitement dans l'article 1er de la Constitution, concernant l'égalité de traitement devant la loi, l'énoncé de tous les motifs de discriminations reconnus dans le droit français.

Depuis 2001, le législateur a, de sa propre initiative, mené ce travail d'universalisation de la lutte contre toutes les discriminations, notamment en droit pénal. De même, sans qu’une directive européenne l’impose, la HALDE a été conçue sur un principe universel de lutte contre toutes les discriminations.

Lorsque nous transposons une directive européenne, nous devons avant tout penser à la défense des intérêts des victimes. Or, ce projet ne constitue qu’une transposition a minima, incomplète.

Ainsi, aux termes de l’alinéa 2 de l'article 2, en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services, la discrimination n'est interdite que si elle est fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie ou une race ! Quel recul inacceptable par rapport à l'énoncé des missions de la HALDE ou à l'article 225-1 du code pénal !

De même, l'alinéa 3 du même article, qui concerne l’engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, l'accès à l'emploi, l'emploi, la formation professionnelle et le travail ne couvre que huit motifs de discrimination alors que la liste énoncée à l'article 225-1 du code pénal est plus large. Pourquoi, par exemple, ne pas reprendre parmi les motifs des discriminations l'état de santé ?

Par ailleurs, pourquoi ne pas garder le même ordonnancement dans l’énonciation des motifs de discriminations, d'un article à l'autre ? Ce n’est pas seulement une question de rédaction, mais de facilité de lecture.

Aussi la refonte de l'article 2 s'impose-t-elle, afin de faire disparaître cette hiérarchie entre les discriminations.

En second lieu – je viens d’aborder ce point – le caractère parcellaire de la codification rend le texte peu lisible et difficile d'application. Et inscrire par amendement une liste de huit motifs de discriminations dès l'article premier ne suffit pas car la nouvelle définition ne recoupe pas entièrement les champs couverts par l'article 225-1 du code pénal.

Plutôt que d'élargir à l'article 225-3 du code pénal les dérogations au principe de non-discrimination, comme le prévoit l’article 8, pourquoi ne pas avoir inscrit directement le contenu de l'article premier, présentement non codifié, à l'article de référence 225-1 du code pénal ? De plus, cet article premier ayant assimilé sur un plan général le harcèlement et l'injonction à discrimination à une discrimination proprement dite, il convient de décliner cette disposition dans le code pénal, le code du travail et la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Par ailleurs, lorsque l’on veut couvrir tout le champ du travail, secteur public comme secteur privé, il ne faut pas seulement légiférer dans le code du travail, mais aussi modifier la loi de 1983 relative aux fonctionnaires.

Le code du travail dispose que les associations de lutte contre les discriminations peuvent assister en justice les personnes victimes de discriminations ; mais, contrairement à ce que prévoit la directive, les agents de la fonction publique ne pourront toujours pas recevoir l’assistance juridique de l’une de ces associations en cas de contentieux devant la juridiction administrative. J’espère, Madame la ministre, que vous accepterez de réparer cet oubli. Il y a en ce moment même le cas fameux d’un fonctionnaire du ministère des finances victime de discrimination en raison de son orientation sexuelle.

En outre, la définition actuelle du harcèlement ne recouvre pas toutes les formes possibles du phénomène. Elle ne le conçoit que comme un agissement à l’encontre d’une femme en particulier, sans prise en considération du harcèlement environnemental, c’est-à-dire d’un environnement de travail hostile à l’endroit des femmes en général. C’est malheureusement une réalité dans certaines entreprises, où il existe un climat de dénigrement des femmes. Dans la définition actuelle, le harcèlement n’est par ailleurs caractérisé que s’il y a eu intentionnalité de l’auteur « d’obtenir des faveurs de nature sexuelle », alors que le harcèlement peut obéir à d’autres motifs, comme celui d’humilier, par exemple. La notion reprise dans le projet de loi est insuffisante ; pourquoi le texte de la directive de 2002 n’a-t-il pas été plutôt repris directement ? Le projet réprime des « agissements », alors que la directive évoque des « comportements non désirés » ; il continue ainsi de donner une vision restrictive du phénomène.

Au-delà de ces limites, la raison pour laquelle je défends cette question préalable tient à l’existence d’un texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale et qui rend notre discussion artificielle : il s’agit de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 21 novembre et qui réduit de trente à cinq ans le délai de prescription des actions personnelles et mobilières. Comment discuter de la transposition sans connaître les conséquences de cette proposition ? Ne donnez-vous pas d’une main ce que vous vous apprêtez à reprendre de l’autre ?

Pendant longtemps, les représentants syndicaux ont été victimes de discriminations. La jurisprudence de la Cour de cassation – en particulier l’arrêt Clerc – a permis à la situation d’évoluer, et ces discriminations sont aujourd’hui indemnisées par les juridictions. Mais pour obtenir réparation, encore faut-il pouvoir établir l’existence d’une discrimination, ce qui suppose d’examiner le déroulement d’une carrière et de le comparer avec celui de personnes se trouvant dans une situation comparable. Avec un délai de prescription quinquennal, les actions en dommages et intérêts contre les discriminations ne pourront plus aboutir ! Car c’est l’existence d’une prescription trentenaire qui permet de parvenir, par la négociation dans les entreprises ou l’action en justice, à la juste indemnisation des personnes. La réduction du délai de prescription remet en cause l’ensemble de la construction jurisprudentielle, la plupart des praticiens du droit du travail estimant d’ailleurs qu’un délai de cinq ans n’est pas suffisant pour établir les faits.

Or, le délai de trente ans évite aussi que de tels faits se reproduisent. Sa limitation est un mauvais message adressé aux employeurs qui recourent à de telles pratiques. Vous les invitez à transgresser la loi, mais aussi à tourner le dos à la réparation négociée. Une fois de plus, vous donnez satisfaction aux revendications du Medef.

Cette réduction du délai de prescription n’est pas le seul élément inquiétant de cette proposition du Sénat, car le moment à partir duquel court le délai est également modifié. Désormais, le délai court à partir « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant » d’exercer un recours. Cela revient à modifier la charge de la preuve, qui incombera désormais au salarié. Cette rédaction sous-entend que des personnes subiraient volontairement une discrimination en vue de se constituer un pécule ; c’est indécent ! Cette proposition rend, au fond, la présente transposition factice. Le président de la HALDE s’est d’ailleurs exprimé contre la réduction du délai, et la Haute autorité elle-même a émis une recommandation à ce sujet.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR vous invite à adopter cette question préalable, afin que nous puissions examiner un texte dont nous soyons sûrs que son application ne sera pas rendue impossible (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Christophe Caresche – Le groupe socialiste votera cette question préalable. Certes, ce texte comporte des mesures importantes, et heureusement ! Car la Commission a mis la France en demeure. Mais le résultat de cette transposition n’est pas satisfaisant et laisse un sentiment d’inachevé ; on a l’impression que la France ne s’y résout que contrainte et forcée.

Tout d’abord, ce projet est mal écrit – d’où les nombreux amendements rédactionnels de la rapporteure. Pourquoi ne pas avoir repris directement le texte des directives, comme la procédure de transposition le permet ? Le projet est en outre imprécis sur de nombreux points et ne correspond parfois pas au contenu des directives. D’autre part, la volonté d’harmoniser notre législation est absente : certaines notions continuent de coexister, avec toutes les possibilités d’interprétation que cela suppose. Enfin, ce projet est incomplet, notamment eu égard à la capacité des associations de se porter partie civile.

C’est un travail surtout technique ; l’enjeu politique – dans le bon sens du terme – n’est pas pris en considération. Il s’agit pourtant d’une préoccupation extrêmement importante en France, pour des millions de personnes victimes quotidiennement de discriminations. Alors que des enquêtes comme celles du Bureau international du travail révèlent une situation inquiétante, la question est abordée de manière limitée et ne donne pas lieu au débat qu’elle mérite.

Mme Marie-George Buffet – Mme Billard a montré l’étendue des discriminations et la douleur quotidienne qu’elles représentent pour de nombreux Français. Lutter contre les discriminations appelle une véritable volonté politique, pour placer la loi à la hauteur des enjeux. Or, le présent projet n’est qu’une transposition a minima, de surcroît incohérente en maints endroits.

En outre, si la proposition de loi du Sénat est adoptée par l'Assemblée nationale, elle rendra inutile le vote d’aujourd’hui. Comme les différents syndicats l’ont signalé dans une déclaration commune, la réduction à cinq ans du délai de prescription rendrait inopérante la lutte contre les discriminations, et notre débat n’aurait servi à rien. Nous souhaitons l’assurance que le Gouvernement n’inscrira pas cette proposition à notre ordre du jour.

M. Guénhaël Huet – Aucun des arguments que nous avons entendus ne suffit à mon sens à justifier l’adoption de cette question préalable. Si brillants qu’ils soient, ceux de Mme Billard restent de pure forme. Franchement, je ne vois pas en quoi l’article 2 introduit une quelconque hiérarchie entre les discriminations. Vous semblez oublier que l’article 3 institue une réelle protection contre les rétorsions dont peuvent être victimes ceux qui témoignent de faits de discrimination. Vous oubliez de même largement l’avancée que constitue l’article 4, avec le renversement de la charge de la preuve.

Mme Martine Billard – Je l’ai saluée !

M. Guénhaël Huet – Sans doute, mais un peu rapidement…

Je ne vois pas davantage en quoi les fonctionnaires seraient exclus du champ d’application du texte : l’article 5 fait expressément référence à la loi du 13 juillet 1983.

J’en viens à la réduction du délai de prescription à cinq ans qui fait l’objet de la proposition de loi adoptée par le Sénat. Rappelons d’abord que la prescription de droit commun de trente ans ne s’applique pas toujours en matière sociale. Elle est ainsi réduite à cinq ans en ce qui concerne la répétition des salaires. Selon d’éminents juristes, notamment le professeur Langlois, il n’existerait donc a priori aucune raison de s’opposer à ce que la prescription soit la même en matière de discrimination qu’en matière de répétition de salaires, étant précisé qu’elle court à compter de la cessation de la relation de travail. Il existe par ailleurs en matière commerciale une prescription de dix ans, en application de la théorie dite de l’acte mixte. Or pour certains juristes, le contrat de travail est aussi un acte mixte – il est passé entre une société de droit commercial et une personne physique. La prescription trentenaire n’est donc pas gravée dans le marbre. Bref, l’inscription à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi adoptée par le Sénat ne remettrait pas en cause les possibilités qu’offre le présent texte de lutter contre des discriminations que nous avons hâte de voir disparaître. Le groupe UMP rejettera donc cette question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 18 heures.

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Francis Vercamer – Réunir les différences dans une même volonté de construire est l'essence même du projet européen et dès le traité de Rome, le principe d'égalité a été posé comme un principe fondamental de l’ordre juridique européen. « Unie dans la diversité », l’Union européenne se doit de se montrer à l’avant-garde de la lutte contre les discriminations : sa législation, de fait, incite les Etats à engager des politiques audacieuses et ambitieuses dans ce domaine. Le texte que nous examinons aujourd’hui nous rappelle cette exigence.

La Commission a estimé que le législateur français n'avait pas procédé à une transposition complète des dispositions européennes. C'est donc avec la perspective de voir des sanctions s'appliquer que nous entamons ce débat.

De manière générale, le groupe Nouveau Centre souhaite que l’administration mette un soin particulier à la transposition des directives, s’agissant du respect des délais comme du fond des dispositions. Certes, la délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne a souligné en 2006 les efforts déployés par la France pour rattraper son retard et se placer au dix-septième rang des vingt-cinq États alors membres de l’Union. Mais il est pour le moins paradoxal d’incriminer « la permanence du perfectionnisme juridique de notre administration », alors que nous devons aujourd’hui réexaminer des textes déjà transposés ! Une adaptation de notre droit plus conforme à l'esprit de la législation européenne permettrait d’éviter ce genre de situation, Madame la ministre, même si je sais que vous n’en êtes en rien responsable.

Le groupe Nouveau Centre proposera deux amendements à ce texte. À l'article 2, il s’agit d'harmoniser les motifs de discrimination : de manière surprenante, ceux qui sont susceptibles d’être évoqués dans le champ du travail et de l’emploi sont plus nombreux que ceux qui peuvent être constatés au quotidien, dans le domaine de la santé, de l'accès à la protection sociale, à l'éducation ou au logement. Cela ne correspond pas à la réalité vécue par nos concitoyens : le handicap ou l'orientation sexuelle peuvent être des facteurs discriminants aussi bien pour l'accès à certains biens ou services que dans le déroulement d’une carrière.

À l'article 4, qui porte sur la charge de la preuve, nous avons souhaité répondre aux inquiétudes exprimées par les associations : celles-ci craignent que la rédaction actuelle ne rende plus difficile l'exposé des faits commis à l’encontre de la personne victime de discrimination.

Par ailleurs, l'examen de ce texte doit être l’occasion de lever certaines craintes. Selon les associations qui nous ont contactés, l’article 35 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable permettrait au bailleur de demander au candidat à la location d’un logement adapté communication de son dossier médical personnel, ce qui semble contraire au caractère confidentiel de ce document. Nous souhaitons connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

De la même manière, nous souhaitons entendre la position du Gouvernement sur la question du délai de prescription des procédures civiles, qu’une proposition de loi sénatoriale tend à ramener de trente à cinq ans. Une telle disposition pourrait avoir un impact sur les poursuites pour faits de discrimination, notamment lorsqu'il est nécessaire de réunir, sur une longue période, les pièces nécessaires pour présenter les faits.

L'examen de ce texte est également l'occasion d'interroger le Gouvernement sur les actions qu'il entend mener contre les discriminations, notamment à l'embauche et dans l'emploi. Il est en effet impératif de briser le plafond de verre et l'état des lieux ne peut que nous convaincre de l’ampleur de la tâche.

Sur un peu plus de 4 000 réclamations adressées à la HALDE en 2006, près de 43 % touchaient au domaine de l'emploi. Si 35 % concernaient des discriminations liées à l'origine, plus de 18 % étaient liées à la santé et au handicap, et plus de 6 % à l’âge. S’agissant du déroulement de la carrière – question moins mise en avant mais tout aussi importante –, les réclamations représentent respectivement pour le secteur privé et pour le secteur public 18 % et 13 % des dossiers.

Lutter contre les discriminations, c'est agir sur les mentalités en combattant les préjugés – une action qui demande du temps. Raison de plus pour ne pas en perdre davantage ! Pour le groupe Nouveau Centre, il faut intensifier les politiques de lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi.

Sous la précédente législature, j'ai personnellement insisté pour que l'anonymat des curriculum vitae devienne une obligation légale. Cette disposition, inscrite à l’article 24 de la loi pour l’égalité des chances de 2006, pourrait contribuer au recul des inégalités. Mais, faute de décret d'application, elle est restée lettre morte. Le président de la HALDE lui même l’a regretté. Quel avenir le Gouvernement entend-il réserver au CV anonyme ?

Par ailleurs, nous souhaiterions connaître l’état de l’application de l’accord national interprofessionnel sur la diversité dans l'entreprise, conclu au mois d'octobre 2006. Parmi les domaines d'action librement définis par les partenaires sociaux sont évoquées la sensibilisation des salariés, la désignation de correspondants « égalité des chances » dans les entreprises, la formation de l'encadrement, l'égalité de traitement concernant l'accès à la formation professionnelle et l'expérimentation de l'anonymat des candidatures dans le cadre des recrutements.

Contrairement à ce que nous pourrions croire, des initiatives existent. Si elles concernent au premier chef l'embauche et l'emploi, elles s’étendent désormais aussi au logement, à l'éducation, à certains services touristiques ou culturels. Je pense notamment à l’action de collectivités locales pour favoriser l'accès au logement de personnes déficientes intellectuelles, à la formation des personnels des bailleurs sociaux chargés de l'accueil des demandeurs de logement, aux initiatives en faveur de l'accès des enfants handicapés à l'éducation, aux loisirs et aux vacances.

Je pense encore aux dispositifs d'alerte qui permettent aux victimes de discriminations de mieux faire valoir leurs droits, aux guides du recrutement élaborés dans certaines entreprises, aux mesures visant à mieux anticiper et prendre en compte l'allongement des carrières dans les politiques internes des ressources humaines.

Si ces innovations ne constituent jamais la réponse unique aux discriminations, elles montrent l’ampleur de la prise de conscience et sont le signe que les acteurs du monde du travail conviennent que chacun peut, à sa mesure, faire progresser l’égalité de traitement.

Une rencontre organisée il y a quelques jours aux archives du Monde du travail, à Roubaix, a permis aux partenaires sociaux engagés dans la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi de faire le point sur leur action. L’un des constats est que les discriminations liées à liées à l'âge, à l'orientation sexuelle et à l'état de santé se développent. Il y a donc urgence à diffuser largement les initiatives qui peuvent permettre de les contenir.

Xavier Bertrand a annoncé que le Gouvernement s’engagerait sur la question des discriminations, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. On mesure bien l’importance d’une telle annonce quand on sait le lien entre le projet européen et la promotion de l’égalité et de la diversité. Le Nouveau centre souhaiterait avoir des précisions sur les initiatives envisagées par le Gouvernement dans ce domaine.

C’est avec la volonté d’enrichir le débat au-delà de la simple transposition des dispositions communautaires que notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Guénhaël Huet – Ce texte résulte d’une nécessité : celle de transposer avec précision les directives européennes relatives aux discriminations de toutes natures. Dans le droit fil de notre tradition juridique et sans confondre l’égalité, si nécessaire, et l’égalitarisme, notion si funeste, nous allons réaliser une avancée considérable. Il s’agit en effet de définir clairement les discriminations directes et indirectes, de formaliser l’interdiction de toute injonction à pratiquer une discrimination, de bannir les pratiques de harcèlement sexuel ou moral, de protéger contre les mesures éventuelles de rétorsion et enfin de renverser la charge de la preuve en vue d’aider les victimes.

Comme l’a indiqué la rapporteure, ce texte vient compléter notre législation dans un domaine où la délégation aux droits des femmes, si chère à Marie-Jo Zimmermann, a déjà beaucoup travaillé : la lutte contre les discriminations, qui est un combat engagé de longue date, mais aussi une œuvre de longue haleine. Bien des progrès ont été réalisés, mais la route reste longue.

À cet égard, on ne saurait trop insister sur l'importance des efforts collectifs et sur la nécessité que ce sujet soit partagé par tous. En étendant les champs de lutte contre les discriminations à de nombreux domaines, ce texte nous en donne l’occasion.

Chacun sait que le rapport publié en 2004 par l'institut Montaigne sur « les oubliés de l'égalité des chances » a eu un retentissement très important. Quelques mois avant la création de la HALDE, ce rapport a fait prendre conscience à nombre de nos concitoyens que proclamer aux frontons de nos mairies l'égalité des droits ne suffit plus pour réaliser l'égalité des chances.

Ce rapport a mis en lumière que la mobilité sociale et la méritocratie républicaine n'opéraient plus : l'ascenseur social est en panne et la confiance dans les valeurs républicaines en pâtit. Il faut donc s’interroger sur la notion d’égalité dans une perspective non plus statique, mais dynamique.

Face à cela, il faut certes compléter notre droit, mais la délégation aux droits des femmes a bien montré que l'arsenal législatif ne suffit pas. Les discriminations ne sont pas toutes intentionnelles ou ouvertement racistes et sexistes ; les plus nombreuses et les plus sournoises d’entre elles résultent du système social et sont admises en tant que telles. De telles discriminations « systémiques » ne peuvent être corrigées que par des mesures inscrites dans la durée et destinées à faire évoluer les mentalités.

Je rappelle également que la question essentielle du respect des droits et des valeurs a été prise à bras-le-corps par notre majorité : nous avons ainsi instauré la HALDE et le gouvernement actuel poursuit les efforts par l’intermédiaire du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité et du secrétariat d’État chargé de la solidarité.

Comment faire pour sensibiliser les publics et supprimer les sources de discrimination ? En matière d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, on a depuis longtemps cherché à sensibiliser les entreprises sur leur rôle, même s’il y a peut-être un paradoxe à demander aux entreprises de régler un problème dont l’origine se trouve dans la sphère privée.

Pour de nombreuses femmes, le bilan reste négatif : double journée de travail, carrière bloquée, pas d'égalité salariale ; dans ce contexte, mais aussi compte tenu des difficultés économiques des années 1990, on a eu tendance à réhabiliter des mécanismes tendant à maintenir les femmes hors de la sphère professionnelle, notamment le salaire parental.

La question n’est pas tant l’égalité entre les hommes et les femmes, mais celle entre les femmes mères d’un côté et les autres femmes et les hommes de l’autre. Plus que le genre, c’est souvent la situation de famille qui compte. Les employeurs anticipent la charge qui en résulte pour les femmes et ces dernières l’intériorisent elles-mêmes en choisissant des postes moins exigeants en termes de présence ou de pression, ce qui signifie aussi moins de possibilités de progression.

Les sujets de réflexion sont immenses : que faire pour améliorer la garde d'enfants et quelle contribution les entreprises peuvent-elles apporter ? À cela s’ajoute la question du temps partiel, souvent présenté comme une forme de conciliation entre vie professionnelle et vie privée, mais au prix de conséquences irréparables pour les carrières et la progression salariale. Ce sont souvent les postes les moins intéressants et les plus vulnérables qui sont concernés.

Pour atteindre un taux d’activité de 70 %, comme la stratégie de Lisbonne nous y engage, il faudra se tourner vers les femmes, notamment celles dont le niveau d’éducation est le plus faible. Or, elles sont les principales victimes des difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. On se heurte à des obstacles essentiellement culturels : les dirigeants français travaillent souvent « à la sonnette », exigeant d’avoir en permanence sous la main leurs subordonnés, ce qui implique une disponibilité extrême des salariés et empêche toute prévisibilité.

Que ce texte vienne en débat mérite en soi un satisfecit, mais il ne faut pas oublier pour autant les nombreux chantiers que nous devons ouvrir de façon très pragmatique pour accomplir les changements sociaux nécessaires dans ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Caresche – Ce texte ne présente pas simplement un intérêt technique, car il porte sur un sujet d’une grande importance, les discriminations. Que ces dernières soient directes ou indirectes, elles recevront une définition juridique très utile.

Pour que nous débattions de ce texte, il a toutefois fallu que la Commission européenne fasse preuve d’une grande persévérance (Sourires) : deux mises en demeure et un avis motivé, ce n’est pas rien !

On peut d’ailleurs s’interroger sur les difficultés de transposition dans notre pays… À l’évidence, le problème n’est pas technique : une partie des dispositions en cause avait déjà été transposée par la France. Il y a bel et bien eu une controverse juridique avec la Commission. Les documents qu’elle a adressés au Gouvernement étant très clairs à ce sujet, il est dommage qu’ils ne figurent pas dans le rapport, non plus que les réponses des administrations françaises.

S’il y a eu controverse, c’est sans doute en raison de la difficulté d’intégrer les questions de discrimination dans notre droit, qui reste essentiellement individuel et fondé sur l’intention, ce qui pose problème en cas de discriminations systémiques. A cela s’ajoute notre conception universaliste de l’égalité, qui s’appuie sur un individu abstrait, détaché de ses racines et de tout ce qui fait parfois son identité.

Plus prosaïquement, une partie des milieux patronaux s’inquiète également des conséquences des mesures de lutte contre les discriminations. J’en veux pour preuve l’adoption, par le Sénat, d’une proposition de loi tendant à réduire les délais de prescription en matière de discriminations. Il s’agit naturellement de limiter les effets des dispositions législatives en la matière, et il va de soi que nous opposerions fermement à ce texte s’il venait en discussion devant notre assemblée.

Autre fait significatif, le décret relatif aux CV anonymes n’a toujours pas vu le jour, alors que nous nous sommes prononcés en 2006 sur ce sujet. Vous ne me ferez pas croire que cela pose des difficultés juridiques insurmontables !

Ces réticences sont d’autant plus inquiétantes que la situation de la France en matière de discriminations n’a rien de satisfaisant. Les trop rares études relatives aux discriminations à l’embauche sont accablantes. Elles montrent qu’est pratiquée dans notre pays une discrimination massive au recrutement, liée en particulier à des motifs ethniques ou raciaux. L’étude du BIT citée dans le rapport montre que seulement 11 % des entreprises testées recrutent selon des procédures strictement non discriminatoires. Cela signifie a contrario que près de neuf entreprises sur dix obéissent à des modalités qui peuvent être considérées comme discriminatoires !

Cette réalité extrêmement préoccupante a du reste été fortement dénoncée par le président Schweitzer, à l’occasion de la présentation de l’étude du cabinet Vigeo, laquelle démontre que les discriminations sont extrêmement nombreuses dans notre pays. M. Schweitzer a tiré la sonnette d’alarme et cela ne peut nous laisser insensibles. Il n’est que temps de prendre le problème à bras-le-corps.

C’est dans ce contexte que nous est soumis le présent projet de transposition. A cet égard, je salue le travail accompli depuis dix ans dans le cadre communautaire. Grâce au nouvel élan donné par le traité d’Amsterdam, les autorités européennes ont donné à la lutte contre les discriminations un cadre juridique très consistant.

La démarche de transposition doit être saluée en ce qu’elle introduit dans notre droit des notions positives, comme celles de discriminations directes et indirectes. Par contre, elle est confuse au plan juridique, peu explicite dans la traduction des directives et incomplète. Je pense en particulier à l’interdiction faite aux associations d’ester en justice, alors que la Commission européenne enjoignait expressément au Gouvernement français de l’autoriser. La Commission a tout aussi explicitement considéré que le délai de cinq ans pour agir en justice n’était pas pertinent. Je suis donc très surpris de constater que le présent texte ne reprend pas ces recommandations très claires de la Commission européenne.

Nous entendons mettre à profit ces quelques heures de débat pour améliorer le texte, en vue d’aboutir à une transposition beaucoup plus satisfaisante des directives dans notre droit (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Marie-George Buffet – On dit souvent qu’en France, depuis un bel été de 1789, l’égalité serait au cœur de toutes les passions républicaines et incarnerait un certain modèle français. Peut-être… Ce dont je suis certaine, c’est que c’est l’aspiration d’une majorité de nos concitoyens. Je vois cependant la réalité et les réticences. Je vois qu’en 2008, il est encore besoin des remontrances de l’Union européenne pour que la France consente à se mettre à niveau en matière de lutte contre les discriminations. Je vois qu’en 2008, notre pays reste incapable de se donner les moyens de réaliser concrètement l’égalité des droits proclamée il y a plus de deux siècles !

La France a déjà transposé une part des mesures anti-discriminatoires, dans une série de lois prises entre 2002 et 2006. La directive 2000/78 du 27 novembre 2000 donnait trois ans aux États membres pour transposer les outils juridiques proposés. En France, cette directive n’a été que partiellement transposée. C’est ce qui a conduit la Commission européenne à adresser récemment à la France – ainsi qu’à dix autres pays – un avis relevant les lacunes de transposition et lui donnant deux mois pour réagir. D’où le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis.

Se mettre en conformité avec le droit communautaire pour se prémunir de toute sanction, telle est l’ambition du Gouvernement ! J’eusse aimé un peu plus de chaleur, de passion et de volonté politique, pour en finir enfin avec ces discriminations qui sont autant de blessures quotidiennes pour des millions de nos concitoyens. Vous avez préféré le formalisme étroit d’une transposition purement juridique, en optant pour un texte de bon élève de la classe européenne, technique, froid, légaliste et minimal. L’appréciation que cela mérite est donc celle que portent de nombreux instits sur les élèves doués mais paresseux : « Peut mieux faire ». En effet, la France peut et doit être plus ambitieuse lorsqu’il s’agit de promouvoir l’égalité.

Ce souffle qui vous fait défaut, les associations auraient pu vous le transmettre, si vous aviez jugé bon de prendre le temps de les consulter, comme vous y engagent du reste les directives. Elles auraient notamment pu vous dire combien l’existence de situations de discriminations est souvent banalisée. Trop de ceux qui les subissent les intègrent comme une part de leur quotidien. C’est pourquoi il est urgent de se mobiliser pour affirmer l’égalité comme une exigence du vivre ensemble.

Las, votre politique divise et oppose : les femmes aux hommes, les jeunes aux vieux, les travailleurs aux chômeurs, les agents publics aux salariés du privé, les individus selon leurs origines… Il est patent que les discriminations sont aggravées par vos politiques libérales visant à mettre en cause les services publics et le droit du travail pour diffuser de l’insécurité sociale. Et je ne m’attarde pas sur les mesures inspirées par une idéologie du rejet sécuritaire qui tendent à stigmatiser en particulier les jeunes et les migrants.

En tant que présidente du groupe d’étude sur le sida de notre Assemblée, je puis témoigner que les discriminations que subissent les personnes porteuses du virus sont dramatiques, multiples et souvent combinées. Il en est ainsi de l’absence de CMU complémentaire pour les malades ne disposant que de l’AAH. Près de la moitié des personnes séropositives sont aujourd’hui privées d’emploi ; plus des deux tiers de ceux qui ont perdu leur emploi à la suite de la découverte de leur séropositivité souhaitent retravailler, mais leurs démarches n’aboutissent pas. Dans plus de la moitié des États membres de l’ONU, des mesures discriminatoires font obstacle à la liberté de circulation des personnes séropositives. Dans au moins onze pays, dont les États-Unis et la Russie, les séropositifs sont interdits d’entrée sur le territoire national, même en tant que touristes. Même au sein de l’UE, certains pays appliquent des mesures discriminatoires à l’endroit des séropositifs non communautaires.

D’autres discriminations, bien réelles mais plus insidieuses – « indirectes » selon la terminologie communautaire –, continuent de toucher les femmes au travail, dans la progression de leur carrière ou leur salaire. De même, nombre de jeunes filles sont entravées dans le choix de leur filière de formation ou privées de la pleine maîtrise de leur corps. L’amendement que propose Mme Vasseur en vue d’autoriser le regroupement des élèves en fonction de leur sexe ne laisse à cet égard de nous inquiéter : attention aux discriminations sexistes !

Les discriminations territoriales frappent les jeunes dans leur accès à l’emploi, aux loisirs et au logement. Quant aux discriminations liées à l’orientation sexuelle, elles n’ont pas disparu. Chaque jour, des millions d’hommes et de femmes souffrent et c’est en considération de ces blessures que j’eusse aimé un texte plus ambitieux.

Pourquoi la lutte contre toutes les formes de discrimination, qui doit être considérée comme une composante essentielle de tout combat humaniste, ne serait-elle pas déclarée grande cause nationale pour toute la durée de la législature ? Il faut en effet de la persévérance pour lutter durablement contre ce fléau.

Je formule quelques propositions : créer une délégation interministérielle de lutte contre les discriminations, renforcer les pouvoirs de la HALDE en la décentralisant, mettre en place un corps d’inspecteurs d’État contre les discriminations, recruter en nombre suffisant des inspecteurs du travail pour lutter plus efficacement contre la discrimination au travail. Nous pourrions ainsi poser des jalons solides pour inventer une société de partage, fondée sur une conception inédite du rapport à l’autre, une société riche de ses couleurs et de sa créativité. Hélas, nous n’en sommes pas là ! Tant qu’un homme ou une femme sera victime d’une discrimination, nous ne serons pas quittes ! Il faut renoncer aux logiques de domination, individuelles et collectives. Il nous faut trouver le chemin de la dignité, de la citoyenneté et de la démocratie.

J’appelle l’attention sur quelques points essentiels du présent texte. Alors qu’au cours des dernières années, le législateur a pris soin d’éliminer toute forme de hiérarchie entre les discriminations selon leur motif, l’article 2 rétablit deux niveaux d’interdiction et de discrimination, en matière de biens et services, de protection sociale, d’avantages sociaux, de santé et d’éducation ou en matière d’affiliation et d’engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle. Ainsi, selon le motif de discrimination, les victimes seront plus ou moins protégées : une telle régression n’est pas acceptable.

La Commission européenne reproche à la France de limiter l’action des associations auprès des victimes. En effet, alors qu’elles peuvent agir au pénal et devant les prud’hommes, elles ne le peuvent devant le tribunal administratif. Les associations sont ainsi privées de la possibilité d’ester en justice aux côtés des fonctionnaires victimes de discriminations. Le présent texte a omis de rectifier ce défaut de transposition et nous ne pouvons le tolérer.

Enfin, parce qu’il a été rédigé trop rapidement, le texte ne précise pas certaines notions juridiques dans les différents codes auxquels il renvoie et oublie d’intégrer dans le code pénal certaines avancées des directives. Il semble avoir été conçu dans le seul but de satisfaire aux exigences de la Commission européenne, plutôt que de créer un droit protecteur et lisible par tous.

Nous présenterons des amendements pour y remédier, car nous ne pouvons accepter que certains, dans notre pays, aient moins de droits que les autres.

Enfin, je ne veux pas que ce que nous votons aujourd’hui soit demain dépecé et que les grands discours qui résonnent ici soient demain oubliés. À cet égard, le Sénat vient de voter une proposition de loi apparemment anodine, présentée par M. Hyest et qui vise à réformer le droit commun de la prescription en matière civile. Au titre de la simplification, ce texte ramène de trente à cinq ans le délai de la prescription extinctive. Parmi les faits ne pouvant plus donner matière à poursuite au-delà de cinq ans, il y aurait les discriminations dans l’emploi, fondées sur le sexe, l’origine, l’appartenance syndicale ou l’orientation sexuelle. La réforme envisagée vient heurter de plein fouet les actions en dommages et intérêts, alors que l’expérience montre que seule la prescription trentenaire crée un rapport de force favorisant l’action juridique, par la négociation ou l’action en justice. Un délai de cinq ans n’est pas suffisant pour établir la réalité et l’effet d’une situation de discrimination, par nature opaque. Il n’est pas non plus suffisant pour permettre une réparation intégrale du préjudice subi. Si cette proposition de loi devait être adoptée par notre Assemblée, cela marquerait un recul considérable dans la lutte contre les discriminations. Le texte adopté par le Sénat ne doit pas être inscrit à notre ordre du jour, à moins d’être très substantiellement modifié. J’attends, Madame la ministre, une réponse claire du Gouvernement sur ce point. Si la réduction de la prescription à cinq ans devait être adoptée, le présent débat n’aurait été d’aucune utilité et la lutte contre les discriminations serait inopérante. C’est au regard de l’engagement du Gouvernement sur ce point et des avancées réelles qui auront pu être obtenues sur le présent texte que les députés GDR détermineront leur vote. En l’état actuel du texte, ils ne pourraient le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

Mme Marie-Jo Zimmermann – Ce projet de loi important transpose plusieurs directives relatives à la lutte contre les discriminations, domaine dans lequel la Délégation aux droits des femmes que je préside a beaucoup œuvré et continue d’œuvrer.

Les discriminations liées au sexe sont transversales. En effet, il arrive que des discriminations se renforcent les unes les autres. Une discrimination ethnique ou sociale pourra ainsi être aggravée par le genre de sa victime.

L’Union européenne a joué un rôle moteur en matière de lutte contre les discriminations, tout particulièrement les discriminations hommes-femmes. La réduction des écarts de salaires entre les hommes et les femmes fait depuis 1999 partie de la stratégie européenne pour l’emploi et la Commission mène une politique continue pour que l’égalité des sexes soit prise en compte dans les politiques de l’emploi.

En France, le défi demeure pourtant entier. Il nous faut perfectionner les outils juridiques qui permettront aux victimes de discrimination de faire valoir leurs droits mais aussi utiliser les outils existants, en agissant sur tous les fronts en même temps, tout d’abord auprès des employeurs mais aussi des syndicats de salariés qui ne se sont pas toujours pleinement saisis de l’enjeu de l’égalité professionnelle et en sanctionnant, le cas échéant, les discriminations salariales persistantes. La conférence sur l’égalité professionnelle réunie par Xavier Bertrand le 26 novembre dernier visait à relancer la négociation. Les entreprises doivent mettre en place d’ici au 31 décembre 2009 un mécanisme de résorption des écarts salariaux entre les hommes et les femmes. À défaut, des sanctions financières leur seront applicables dès le début 2010.

La non-discrimination, qui est un enjeu moral et éthique, est aussi un enjeu économique. Notre économie aura de plus en plus besoin de salariés qualifiés dans les secteurs en développement et devra nécessairement faire appel à tous, aux femmes comme aux hommes, dans les mêmes conditions, pour satisfaire les nouveaux besoins. Un autre argument, peut-être cynique mais réaliste, est que si les formations de haut niveau ne débouchent pas pour les femmes sur un métier auquel elles destinent, que les entreprises hésitent à embaucher une jeune femme qui risque d’avoir des enfants ou que les femmes elles-mêmes se détournent de métiers dits « masculins », l’investissement aura été perdu pour tous.

Par ailleurs, avec 1,7 million de familles monoparentales, dont 85 % avec une femme à leur tête, on ne peut plus raisonner comme si le salaire des femmes n’était qu’un salaire d’appoint. Pourtant, le salaire horaire moyen des femmes est de 19 % inférieur à celui des hommes, leur salaire moyen de 26 % inférieur – et même de 31 % dans le privé ! 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, dont 30 % ne l’ont pas choisi. Ces moyennes masquent certes des situations individuelles diverses mais lorsque sont concernées 13,5 millions de personnes, puisque près de la moitié des 27 millions d’actifs sont des femmes, il ne s’agit pas d’un problème marginal.

Il faut, disais-je, agir sur tous les fronts : auprès des services de l’emploi et des organismes de formation, auprès des salariés, des étudiants, des élèves, des professeurs, des parents, auprès des femmes elles-mêmes qu’il convient de sensibiliser et de mobiliser pour faire évoluer les mentalités. L’égalité professionnelle passe aussi par la diversification des choix de métiers, et donc la lutte contre les stéréotypes de genre. Les jeunes femmes ne doivent pas se cantonner, comme c’est trop souvent le cas, aux mêmes filières. Plus de la moitié des femmes travaillent aujourd’hui dans seulement dix des quatre-vingt-quatre groupes professionnels, alors même que le niveau de salaire dépend certes des tâches effectuées, mais aussi du secteur d’activité. La délégation aux droits des femmes travaille actuellement sur ce sujet.

Devant cette situation, illustrée par la faiblesse du nombre d’accords de rattrapage salarial signés – 125 seulement, tous dans des entreprises de plus de mille salariés ! –, il est important que les dispositifs anti-discrimination puissent jouer. Seulement 5 % des réclamations formulées devant la HALDE concernent des discriminations liées au sexe – 86 en 2005, 203 en 2006 et 366 en 2007. D’une part, les femmes n’ont pas nécessairement le sentiment d’être victimes de discrimination parce que « le système fonctionne ainsi » et parce qu’il n’est pas toujours facile d’exciper de sa qualité de femme pour faire valoir ce qui est pourtant un droit. D’autre part, toute la difficulté réside dans la distinction entre ce qui relève des facteurs évoqués ci-dessus et ce qui relève de la discrimination prohibée par les textes. En matière d’égalité salariale, la difficulté est encore accrue par l’individualisation des salaires, argument derrière lequel se retranchent souvent les employeurs mis en cause, selon les observations mêmes de la HALDE.

Les directives aujourd’hui transposées apportent des garanties supplémentaires aux témoins d’agissements discriminatoires comme aux victimes de ces agissements, grâce à la généralisation de l’aménagement de la charge de la preuve, à l’introduction d’une définition explicite de la discrimination indirecte, à l’élargissement de la définition du harcèlement moral et sexuel. Les directives assimilent ainsi harcèlement et discrimination. Le harcèlement sexuel y est considéré comme une discrimination fondée sur le sexe, pouvant résulter d’un agissement unique et non nécessairement limité au monde du travail. Cette nouvelle définition aura pour effet d’étendre la saisine de la HALDE aux cas de harcèlement.

Des garanties supplémentaires sont également apportées par l’interdiction générale des discriminations en raison de la grossesse et de la maternité. La commission propose de compléter utilement ces dispositions en inscrivant dans notre droit l’interdiction de toute discrimination en raison du congé de maternité. Son amendement à ce sujet s’inscrit dans la logique de la loi sur l’égalité salariale de mars 2006 qui fait bénéficier les salariées des augmentations de salaires intervenues dans l’entreprise pendant leur congé de maternité. Chacun le sait, les interruptions de carrière sont l’un des principaux éléments qui freinent l’évolution des femmes dans l’entreprise et leur accès à des postes de responsabilité. Une étude de l’INSEE de janvier 2008 montre une nouvelle fois combien l’activité professionnelle des femmes, contrairement à celle des hommes, est liée à leur nombre d’enfants, surtout à partir du deuxième. Avec trois enfants, seules deux femmes sur trois restent en activité. Alors que l’activité des hommes ne dépend guère de leur situation familiale, c’est l’inverse pour les femmes.

En conclusion, je salue l’examen de ce texte relatif à la lutte contre les discriminations en exprimant le souhait qu’on l’inscrive dans une approche globale de la question afin de faire évoluer les mentalités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Pascale Crozon – Je viens de lire dans Le Figaro un entretien avec notre Président, M. Accoyer, dans lequel celui-ci souligne la nécessité de « ne pas légiférer dans la précipitation ». C’est assez cocasse au vu de ce que nous avons fait depuis le début de la législature et faisons encore aujourd’hui avec ce texte examiné rapidement en urgence, au lendemain des élections municipales, sans qu’il n’y ait eu aucune concertation préalable ni avec les associations ni avec les syndicats. Ce texte bâclé aurait pourtant mérité mieux. J’espère que le Gouvernement saura entendre à l’avenir le souhait du Président de l'Assemblée nationale.

Selon l’exposé des motifs, les procédures engagées contre la France par la Commission européenne seraient la seule raison pour laquelle nous examinons ce texte aujourd’hui. Mais en réalité, ce projet de loi va au-delà des exigences posées par la Commission, notamment par ses articles 2 et 8 qui introduisent des limitations nouvelles au principe d’égalité de traitement. Cela est pourtant explicitement interdit par les directives elles-mêmes, dont la transposition ne peut « en aucun cas constituer un motif d’abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par certains États membres ». Je crains donc que vous ne cherchiez à faire porter à l’Europe le chapeau pour des dispositions que vous refusez d’assumer…

Ainsi, notre droit du travail, qui limite strictement les dérogations au principe d’égalité en matière d’embauche, est plus protecteur que les normes minimales que vous retenez de ces directives. Actuellement, le sexe n’est un critère pour l’emploi que pour des professions artistiques, les mannequins et les modèles, en vertu d’un accord entre les partenaires sociaux suite à la loi Roudy de 1983. En inscrivant à l’article 8 la possibilité de différenciations en matière d’embauche fondées sur le sexe, l’âge ou l’apparence physique, lorsqu’un tel motif constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, vous élargissez potentiellement la liste à l’ensemble des emplois, au gré de la jurisprudence.

Actuellement, la parité entre hommes et femmes n’existe que dans 2 % des professions. Les deux tiers des enseignants sont des femmes, les trois quarts des artisans sont des hommes. Les ouvriers de l’automobile sont presque tous des hommes, ceux du textile presque tous des femmes. Comment reconnaître ce qui relève du stéréotype sexuel et ce qui relèverait de qualités intrinsèques, féminines ou masculines ? Ce débat politique, avec votre projet, vous le renvoyez aux tribunaux, avec le risque de voir des employeurs se prévaloir du déterminisme statistique pour justifier que leur secrétaire de direction ne saurait être un homme, tandis que les chauffeurs de poids lourds ne pourraient, de toute évidence, pas être des femmes.

Peut-être l'importance de la génétique comme explication du monde aux yeux du Président de la République a-t-elle inspiré votre rédaction, et peut-être devrions-nous finalement admettre cette « réalité de bon sens » dans laquelle les hommes sont bons en maths et les femmes en lettres ? Si nous constatons effectivement un écart dans les résultats scolaires des garçons et des filles en France, il est moindre ailleurs. C'est que, plus que le sexe, la culture détermine les stéréotypes sexuels. Le système scolaire doit donc jouer un rôle primordial dans leur déconstruction.

Et de fait, le code de l'éducation établit que « les écoles, les collèges et les lycées contribuent à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d'orientation ». C’est, vous en conviendrez, difficilement compatible avec la ségrégation sexuelle à l'école, permise par l'article 2 de votre projet.

Jamais la Commission européenne ne vous a demandé de transposer cette disposition qui, de toute évidence, s'adresse aux États où la mixité scolaire n'est pas devenue la norme. Et je crains qu’elle soit davantage exploitée par les communautaristes, les intégristes et les réactionnaires les plus misogynes, que pour poursuivre de réels objectifs pédagogiques.

Le refus de toute discrimination n'est ni de gauche ni de droite. Il est une exigence républicaine, que les socialistes sont heureux de soutenir lorsqu'il s'agit de corriger les erreurs et les oublis du passé. Dans son état actuel, que je mettrai sur le compte de la précipitation, votre projet est un texte de régression qui porte de rudes coups à l'égalité des chances et à l'égalité entre les sexes.

C'est pourquoi je vous demande d’apprécier nos amendements pour ce qu'ils sont : une volonté de respecter tant l'esprit de notre tradition législative que celui du droit européen, pour parvenir sur ce sujet au nécessaire consensus républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Michel Clément – La Commission européenne ayant rappelé la France à ses obligations, vous proposez cette transposition tardive. Mais si la réforme de la prescription en matière civile, qui vient d'être examinée par le Sénat, devait rester en l'état, elle viderait de son sens votre texte en ce qui concerne la discrimination dans l'emploi.

En effet, le délai de cinq ans adopté au Sénat en lieu et place de la prescription trentenaire, deviendrait le délai de droit commun, et s'appliquerait dans les relations entre les salariés et les employeurs, telles que régies par le code du travail.

D’abord, ce délai de cinq ans ôterait à l'article L. 122-45 du code du travail une grande partie de sa portée. Pour caractériser la discrimination, il est nécessaire de disposer d'un certain recul et, pour la réparer, de considérer les effets qu'elle a produits ; et l'article L. 122-45, en prévoyant la nullité des actes discriminatoires, permet une réparation au plus juste. La Cour de cassation ne manque d’ailleurs pas de rappeler à chaque occasion que les dommages et intérêts octroyés relèvent de la prescription trentenaire. Ramener la prescription à cinq ans effacerait toutes les discriminations liées à l'évolution de carrière antérieure.

D’autre part, cette prescription quinquennale serait contraire à la directive « refonte » de 2006 sur l'égalité des chances et de traitement entre les hommes et femmes, en matière d'emploi et de travail. En effet, elle créerait un plafond maximal d'indemnité. La réparation ne serait pas « suffisante au regard du préjudice subi », et les sanctions ni « proportionnées », ni « dissuasives », eu égard à la faiblesse des indemnités par rapport à un préjudice réel qui serait supérieur.

Mais peut-être est-ce l'objectif recherché, puisqu’une proposition de loi déposée par M. Godfrain en 2003 visait « à réduire à cinq ans la prescription applicable aux actions en justice fondées sur une discrimination syndicale »…

Aussi, pour être en conformité avec le droit européen, et permettre un traitement juste des situations de discrimination, il est nécessaire d’écarter expressément la prescription civile extinctive de droit commun de cinq ans pour les discriminations visées à l'article L. 122-45 du code du travail. Le président de la HALDE, Monsieur Schweitzer, a d’ailleurs jugé que la diminution du délai de prescription ne se justifiait pas et le collège de la HALDE a demandé le maintien de la prescription trentenaire.

Le monde du travail et les associations qui luttent contre la discrimination attendent la position du Gouvernement sur ce sujet. Acceptez-vous que le texte débattu aujourd'hui soit balayé dans quelques semaines par une proposition de loi sur la prescription civile ? Les avancées dans lutte contre les discriminations seraient illusoires si, dans le même temps, nous ôtions toute portée aux actions judicaires menées contre les actes de discrimination (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Lionel Tardy – Discuter d’un tel texte en commission à la veille de la suspension des travaux, puis en séance publique le jour de la reprise est un peu expéditif. Je rejoins sur ce point Madame Crozon.

Pourtant il est nécessaire de lutter contre les discriminations pour appliquer la devise qui figure au fronton de nos bâtiments publics et affirmer l’Égalité.

Cependant, la tournure que prend la lutte contre les discriminations m’inquiète parfois. On accentue le dangereux pendant de notre société à donner une place centrale à la victime. Elle ne peut pas avoir tort, on sacralise sa parole. Dès lors, tous ceux qui revendiquent s’empressent de se présenter en victimes. C’est très malsain.

Je m’élève aussi contre le fait qu’au nom de la lutte contre les discriminations on favorise les revendications communautaires. Qu’en novembre 2007 le Consistoire central ait saisi la HALDE sur la situation des étudiants juifs pratiquants convoqués à des examens les samedis et jours de fêtes juives est révélateur.

Le citoyen ordinaire ne comprend pas certaines décisions des instances de lutte contre les discriminations. Or cette lutte passe par un changement de mentalité. Si les citoyens n’y adhèrent pas, on n’atteindra pas cet objectif, et on risque même de provoquer des réactions de rejet.

J’en prends pour exemple un courrier de l’Union départementale des associations familiales de Haute-Savoie, déroutée par les changements apportées aux conditions d’attribution de la médaille de la famille française. Au nom de la lutte contre les discriminations, on a d’abord supprimé la condition de nationalité, puis l’obligation d’être mariés. Bientôt, on supprimera l’obligation de lien biologique et la médaille de la famille française sera devenue la médaille de la parentalité en France !

Mme Marie-George Buffet – C’est pas vrai…

M. Lionel Tardy – Les premiers à blâmer sont les politiques, qui n’encadrent pas suffisamment ces évolutions. De ce fait, les structures chargées de lutter contre les discriminations, au premier rang desquelles la HALDE, sont allées dans le sens qu’elles voulaient. Il faut mettre fin à ces risques de dérives en indiquant clairement les limites et les directions de cette action.

Cela dit, ce texte est globalement positif et il ne contient pas de nouveauté qui risquerait de dérouter un peu plus nos concitoyens. Mais je regrette qu’on n’ait pas saisi cette occasion pour dresser un bilan de notre politique de lutte contre les discriminations (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Mme Françoise Imbert – Ce projet de loi vise à répondre à l'injonction de la Commission européenne demandant à la France de créer un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, et d'interdire toute discrimination fondée sur la race, la religion, les opinions politiques, les appartenances syndicales, l'orientation sexuelle, l'âge, l'état de santé ou le handicap.

Notre pays dispose déjà d’instruments de lutte contre les discriminations, comme la loi du 16 novembre 2001 ou celle du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE. Cette accumulation de textes ne constitue cependant pas une réponse entièrement satisfaisante face à un état d’esprit et à des pratiques somme toute peu sanctionnées. Les discriminations sont une violence inadmissible, car elles blessent et humilient quotidiennement ceux qui les subissent. Or, malgré tous les dispositifs en place, les discriminations subsistent dans de trop nombreux domaines ; la HALDE reçoit de nombreuses réclamations concernant l'emploi, les services publics, l'éducation, le logement. Si l'origine demeure le critère de discrimination le plus souvent évoqué, la santé ou le handicap précèdent de plus en plus l'âge, l'activité syndicale, la situation de famille, l'orientation sexuelle, les opinions politiques, la religion ou l'apparence physique.

Face à ce problème de société, le projet s’avère décevant. Si certaines dispositions sont transposées a minima, d'autres sont même en retrait par rapport aux mesures existantes dans notre pays : par exemple, l'article 2 introduit des différences de traitement des discriminations lorsqu'elles répondent « à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ». D'autres dispositions, enfin, sont traduites en termes peu appropriés : je pense au témoignage « de bonne foi » de l'article 3, qui risque de réduire la portée de la protection du témoignage dans les entreprises.

À l'égard des personnes handicapées, la société française est encore marquée par des dispositifs spécifiques au fond peu favorables à leur intégration et assimilant le handicap à une déficience. Notre société doit s'interroger sur la place qu'elle fait – ou plutôt ne fait pas ! – aux 3 millions de personnes porteuses de handicaps. Le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, dispose que « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Or, l'obligation d'employer 6 % de personnes handicapées dans les structures d'au moins vingt salariés, dans le secteur privé comme dans le secteur public, est fort peu respectée ! À compétences égales, le handicap constitue un frein pour le recrutement, comme pour la progression de carrière, d’ailleurs, ce dont témoigne le faible nombre de personnes handicapées ayant le statut de cadres.

L'État doit faire appliquer les principes fondateurs de notre République : l'égalité des citoyens, la lutte contre l'intolérance et les discriminations. La loi, quant à elle, se doit d'être cohérente et soucieuse de son application, afin de permettre aux citoyens de faire valoir leurs droits (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Sylvia Pinel – Les objectifs poursuivis par ce texte ne peuvent que recueillir le consensus de notre assemblée – du moins, je l'espère –, puisqu'il s'agit de renforcer notre arsenal juridique pour mieux lutter contre les discriminations. Ce doit être aussi pour nous l'occasion de réaffirmer les principes républicains d'égalité et de laïcité, auxquels les radicaux de gauche sont particulièrement attachés.

Pourtant, une fois encore, notre assemblée est amenée à légiférer dans l'urgence et sur la base d'un projet bâclé, car le Gouvernement a attendu d'être rappelé à l'ordre par la Commission européenne pour achever la transposition de trois directives.

La Commission a engagé contre la France une procédure d’infraction pour n’avoir pas pleinement transposé la directive du 27 novembre 2000, qui devait l’être au plus tard le 2 décembre 2003. Une seconde mise en demeure a été adressée à notre pays le 21 mars 2007 concernant la directive du 23 septembre 2002, laquelle devait être transposée au plus tard le 5 octobre 2005. Enfin, la France a reçu un avis motivé le 27 juin 2007 portant sur la directive du 29 juin 2000, dont le délai de transposition était fixé au 19 juillet 2003. Ces retards et lacunes motivaient une saisine de la Cour européenne. Si l’on comprend donc cette soudaine célérité pour transposer les directives, la précipitation reste injustifiée !

Tout d'abord, il est particulièrement surprenant que le projet de loi rétablisse une hiérarchie entre discriminations, alors que, depuis 2001, le législateur s'est attaché à uniformiser les dispositifs, aussi bien pour les peines encourues que pour les procédures. Ce texte introduit en effet deux niveaux de protection, puisque l'article 2 prévoit des protections nouvelles pour les victimes de discriminations raciales, dont les autres victimes ne bénéficieront pas. Il est permis de s'interroger sur la constitutionnalité d'une différence de traitement si manifestement contraire au principe d'égalité.

Ensuite, alors que la Commission reproche à la France de limiter l’action des associations, qui peuvent agir devant les juridictions pénales et les prud’hommes, mais non devant le juge administratif, les agents de la fonction publique étant ainsi privés de leur secours, le projet omet de corriger cette lacune. Vous maintenez donc la France en infraction sur ce point !

Enfin, il est regrettable que la codification avance si peu à l’occasion de ce texte, alors que notre droit est aujourd’hui éparpillé dans de multiples codes et qu’une codification systématique s’impose véritablement. Ce projet de loi donne l'impression d'exister d'abord pour satisfaire aux exigences communautaires, bien plus que pour rendre le droit accessible à tous.

C’est pourquoi, devant un texte rédigé dans la précipitation et inachevé, nous serons particulièrement attentifs à l'examen des amendements. Si la rédaction de certains articles n'était pas modifiée, les députés radicaux de gauche n'auraient d'autre choix que de s'abstenir.

La discussion générale est close.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État À quelques mois de la présidence française de l’Union européenne, il est plus qu’opportun de délibérer d’un texte qui nous permettra d’achever la transposition de directives concernant des sujets dont nous reconnaissons tous l’importance. Notre pays tiendra ainsi ses engagements devant ses partenaires ; le respect de la parole donnée justifie à soi seul la tenue de notre débat.

Ce projet de loi apporte des précisions importantes, concernant les notions de discrimination directe et indirecte, la protection des femmes, l’accès aux biens et services… Il faudra bien sûr aller plus loin, dans tous les domaines. Pas plus tard que ce matin, nous avons, avec le Président de la République, annoncé des mesures pour le handicap : augmentation de 5 % de l’allocation aux adultes handicapés, facilitation de l’accès à la scolarisation et à la formation. De même, dans le cadre de la Commission nationale contre les violences envers les femmes, nous ouvrirons un débat essentiel, notamment au sujet de l’articulation du civil et du pénal en matière de harcèlement. Le Gouvernement reste très engagé sur tous ces sujets, mais aujourd’hui il y a urgence vis-à-vis de nos engagements européens.

Mmes Billard, Pinville et Pinel ont évoqué le traitement hiérarchisé des discriminations. L’Europe a toujours procédé par étapes ; cette démarche n’a pas pour vocation de se substituer à l’arsenal juridique existant, mais à le compléter. Les victimes de discriminations ne sont pas toutes dans la même situation. Gardons-nous donc d’aller trop vite et de faire des amalgames qui pourraient leur nuire. Sur les inégalités entre hommes et femmes en matière de protection sociale, par exemple, nous voulons avancer en concertation avec nos partenaires européens.

Vous nous reprochez de transposer a minima. Il y a eu un débat sur la lutte contre les discriminations en 2006, à l’occasion du vote de la loi sur l’égalité des chances. Nous n’allons pas en faire un tous les ans ! Le droit doit être stable. Cela ne nous empêche pas de continuer à l’améliorer au fil des lois. S’agissant de l’égalité professionnelle ou du statut du beau-parent, le droit communautaire n’a pas vocation à se substituer au nôtre, mais à le compléter. Nous voulons donc continuer à progresser dans l’élaboration d’un droit communautaire de la lutte contre les discriminations.

Il ne s’agit pas pour nous de « résister à transposer », mais de corriger les erreurs de transposition qui ont été faites dans la loi du 16 novembre 2001 adoptée sous le gouvernement Jospin. Vous nous reprochez de nous contenter de recopier les directives de manière scolaire. Mais quand nous nous en éloignons, nous sommes attaqués devant la Cour de justice des Communautés européennes, comme en témoigne l’exemple précédent. Être scolaire, c’est ici respecter nos engagements européens !

Nous avons consulté pour l’élaboration de ce texte aussi bien la HALDE, porte-parole des victimes de discriminations, que les partenaires sociaux – Commission nationale de la négociation collective et Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.

La proposition de loi portant réforme de la prescription civile adoptée en première lecture par le Sénat, que nombre d’entre vous ont évoquée, n’a nullement pour objet de remettre en cause la protection des salariés victimes de discriminations. Il n’est pas question de limiter la réparation du préjudice aux cinq dernières années précédant l’action en justice. Du reste, ce texte n’est pour le moment pas inscrit à l’ordre du jour de votre Assemblée.

J’en viens maintenant aux femmes. Poser un principe de non-discrimination envers elles en matière de protection sociale et d’avantages sociaux empêcherait de prévoir des dispositions plus favorables en leur faveur, par exemple en matière de retraites. Le Gouvernement préfère agir dans le cadre fixé par la conférence sur l’égalité professionnelle du 26 novembre dernier : en matière d’égalité salariale, un rapport de situation comparée, mis en ligne, et un guide méthodologique élaboré avec les partenaires sociaux et des DRH ; des sanctions financières pour les entreprises applicables à compter du 31 décembre 2009 ; une table ronde sur le temps partiel mi-mai ; la mise en œuvre d’un droit opposable à la garde d’enfant, engagement du Président de la République ; relance de la convention égalité dans le système éducatif et rénovation des contrats mixité-égalité.

Le CV anonyme a été adopté en mars 2006 au moment où les partenaires sociaux négociaient l’accord national interprofessionnel sur la diversité qui devait être signé le 12 octobre 2006. L’expérimentation du dispositif d’anonymisation des candidatures devait donner lieu à un bilan au 31 décembre 2007. C’est sur lui que s’appuiera le Gouvernement pour élaborer les mesures d’application de l’article L. 121-6 du code du travail. S’agissant de l’accompagnement des entreprises en matière de diversité, le Gouvernement souhaite valoriser les nombreuses initiatives mises en œuvre par la création d’un label « diversité » qui sera décerné dès cet été.

Les associations constituées pour lutter contre les discriminations seront bien sûr autorisées à ester en justice pour le compte de victimes de discriminations. Ces dispositions étant de nature réglementaire, nous préparons un décret qui sera publié en même temps que la loi. Quant à la codification, elle est inutile puisque la loi sera d’application immédiate, générale et transversale. De même que le décret, elle bénéficiera donc aux fonctionnaires.

Enfin, des référents égalité professionnelle devraient très bientôt être désignés dans les services déconcentrés, où sera diffusée une information spécifique dès l’adoption de cette loi.

Nous nous bornons aujourd’hui à transposer une directive, mais ce n’est pas pour autant que le Gouvernement entend s’en tenir là. Au contraire, il en fera son cheval de bataille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Daubresse remplace M. Le Guen au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE
vice-président

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme George Pau-Langevin – Nous ne sommes convaincus ni par les orateurs de la majorité, ni par la réponse de Mme la ministre. Nous persistons donc à défendre le renvoi en commission de ce texte qui n’est pas à la hauteur du problème posé.

La question de l’égalité est fondamentale dans notre pays depuis la Révolution française. Les instances européennes ont repris le flambeau et reformulé cette exigence en termes de lutte contre la discrimination. Notre pays, précurseur en la matière, ne peut donc donner l’impression de manifester une quelconque réticence à s’engager dans cette lutte. Or la réponse que vous apportez aux trois procédures en manquement qui ont été intentées à la France est à la fois tardive et partielle. Certes, la transposition des directives communautaires est une discipline exigeante, mais il y a trop longtemps que la France s’exécute sans enthousiasme. Et c’est par un débat a minima, dans l’indifférence générale que vous remédiez aujourd’hui à cette situation, suivant une méthode ambiguë, sans même s’efforcer de respecter les obligations internationales de notre pays.

Le droit en vigueur doit être lisible pour les justiciables. L’est-il vraiment lorsque le texte comporte plusieurs définitions de la discrimination, qui ne correspondent ni à celles du code du travail, ni à celles du code pénal ?

La Commission européenne nous a mis en demeure de respecter le texte de la directive en ce qui concerne l’intervention des associations. Celui-ci prévoit expressément que les organisations ou les personnes morales peuvent engager toute procédure judiciaire pour le compte et à l’appui du plaignant. Votre texte exige qu’elles soient constituées depuis cinq ans. Vous nous promettez d’assurer leur droit d’agir en justice par décret. Mais la directive est expresse. De plus, les dispositions qu’il s’agit de modifier peuvent-elles l’être par décret ?

Ce texte nous semble également introduire une hiérarchie entre les discriminations. C’est inévitable dès lors que vous prévoyez une définition et un régime juridique propres à chaque discrimination. Là encore, le texte est illisible et insatisfait.

Enfin, le texte ne permet pas d’aménager la charge de la preuve dans le sens prévu par la directive. Il dispose en effet que la personne s’estimant victime d’une discrimination doit établir devant la juridiction compétente les faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination. Or le droit français actuel prévoit qu’en cas de litige, la personne présente les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, à charge pour le juge de faire procéder ensuite à des investigations supplémentaires. Votre texte est donc plus restrictif que le droit aujourd’hui en vigueur !

Les définitions successives retenues par le texte nous laissent d’autre part perplexes quant à votre conception de la discrimination. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales retient pour sa part une définition plus large que la directive : son article 14 prévoit que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Votre texte est beaucoup plus restrictif. N’était-ce pas l’occasion, comme l’a demandé la HALDE, d’intégrer des motifs comme le patronyme, l’état de santé, l’apparence physique, la situation familiale ou les mœurs ? Ces motifs figurent pourtant dans le droit français.

Par ailleurs, il nous faudrait tirer toutes les conséquences de la définition de la discrimination indirecte telle qu’elle résulte de la directive – « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence mais susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes » – dans notre pratique juridictionnelle et dans notre droit positif. Ainsi, appliquer les mêmes critères à des personnes placées dans des situations différentes pourrait constituer une discrimination ; je pense au cas, cité par un collègue, du non-respect du calendrier juif ou musulman. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans le cas Thlimmenos contre Grèce, le 6 avril 2000, qu’il pouvait être discriminatoire de traiter identiquement des gens dont les situations sont différentes.

Ceci met en jeu la question des actions positives, qu’il est courant de discréditer en les assimilant à la discrimination positive, que notre droit ne reconnaît pas. Je tiens pourtant qu’il faut les distinguer. S’y refuser est interpréter étroitement notre tradition juridique, et notamment la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Celui-ci a estimé dans sa décision du 15 novembre 2007 que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que dans l'un et l’autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». Il serait donc opportun de bien établir la distinction entre la discrimination positive et les actions positives. Or il me semble que cette question extrêmement importante, qui découle de l’idée de discrimination indirecte, a été évacuée de nos débats.

Par ailleurs, l’évaluation de la discrimination, notamment indirecte, n’a pas été abordée. On sait pourtant combien ce débat a mobilisé l’opinion, notamment lors de l’examen de l’amendement à la loi Hortefeux, relatif aux statistiques ethniques. Si celui-ci a été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il restreignait la question aux seuls immigrés, alors que l’ensemble de la population française est potentiellement concerné, la question demeure légitime.

D’autres questions méritent d'être débattues ici : quels outils mettre en oeuvre pour évaluer les discriminations ? Quelle place pour la recherche publique en matière de connaissance des discriminations, notamment celle fondée sur l'origine ethnique ? Comment agir sur les mentalités ? Faut-il donner plus de pouvoir à la HALDE ? On a mentionné le label « diversité » destiné à encourager les entreprises. A contrario, ne faut-il pas empêcher les entreprises sanctionnées pour discrimination de soumissionner pour les marchés publics ?

Ces sujets sensibles, ces problèmes ressentis parfois de façon aiguë par nos concitoyens méritaient davantage qu’un débat tronqué, conduit à contrecœur (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Nous devons mettre en œuvre une politique résolue en matière de lutte contre les discriminations : l’opinion le réclame, l’Europe nous enjoint de le faire.

Nous avons mis plus d’un an à nous mettre en conformité avec nos obligations européennes, nous pouvons prendre encore quelque temps pour examiner plus avant ce texte. La commission l’a examiné en vitesse avant la suspension de nos travaux, sans qu’aucune audition ne soit organisée. L’examen en séance a lieu le jour de la reprise. Renvoyer ce texte en commission nous permettrait d’éviter bien des mécomptes dans nos relations avec l’Union et, à la veille de la présidence française, démontrerait que nous prenons ces sujets à bras-le-corps.

Ce texte est une première étape ; il contient des éléments positifs. Mais accordons nous plus de temps et allons au fond de la question. Je vous demande de bien vouloir adopter cette motion.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Les questions que vous évoquez dépassent de loin la transposition de ces directives : beaucoup, en commission, ont estimé qu’elles méritaient un autre débat.

Il est faux d’affirmer que l’examen de ce texte a été bâclé. Le projet de loi a été déposé le 19 décembre, la première réunion de la commission s’est tenue le 6 février, le rapport a été diffusé dès le lendemain. La suspension des travaux parlementaires a fait que l’examen en séance de ce texte a lieu plus de six semaines après. Mais cela a certainement permis à chacun de prendre connaissance des principaux enjeux.

Ce matin, la commission a examiné 68 amendements et en a adopté 23, dont 5 émanant de l’opposition. Compte tenu de la nature de ce texte, une transposition, cela n’est pas négligeable ! Par ailleurs, Mme Vasseur a rapporté avec grand soin le résultat de ses auditions, notamment de la HALDE. En conséquence, il ne me semble pas opportun de renvoyer ce texte en commission. Je vous invite à ne pas adopter cette motion, d’autant que le texte – comme l’a souligné Mme Pau-Langevin – contient beaucoup d’éléments positifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

Mme Isabelle Vasseur, rapporteureL’amendement 1 vise à supprimer une disposition sans portée normative et quelque peu redondante.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État - Avis favorable.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté

Mme Martine Billard – Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer en défendant la question préalable, je m’étonne que ce texte ne reprenne pas la définition très large des discriminations donnée par l’article 225-1 du code pénal, récemment modifié par la loi du 23 mars 2006.

Aux termes de cet article, « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

La ministre a répondu tout à l’heure que l’Europe avait procédé par étapes en s’attaquant à différentes discriminations. C’est exact, et nous procédons d’ailleurs à la transposition de plusieurs directives distinctes. Mais cela ne signifie pas qu’à chaque discrimination doive correspondre un texte séparé.

Pourquoi donc ne pas en rester à une définition unique des discriminations ? La logique le veut, de même que l’impératif de stabilité du droit. Depuis que je siège sur ces bancs, je déplore que l’on revienne tous les six mois sur les mêmes lois, ce qui n’est pas sans poser des difficultés pour les principaux intéressés : ceux qui doivent les respecter et ceux qui doivent les faire appliquer.

La ministre a répondu qu’il ne fallait pas trop s’éloigner des directives, sous peine d’être rappelé à l’ordre par la Commission. Mais ce n’est le cas que si l’on ne transpose pas l’intégralité des directives. Si on les améliore sans les contredire, il n’y a pas de problème.

L’amendement 58 propose ainsi de reprendre l’ensemble des motifs de discriminations inscrits dans le code pénal.

Mme Martine Pinville – L’amendement 22 et le sous-amendement 54 ont le même objet. Pour que cette loi soit utile, elle doit être aussi lisible que possible.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure L’amendement 2 rectifié apporte une précision : il s’agit de clarifier la rédaction de l’article premier en supprimant le renvoi à l’article 2 et en énumérant expressément les motifs de discrimination concernés.

La commission a repoussé les amendements 58 et 22, ainsi que le sous-amendement 54, car ils ne correspondent pas à l’esprit du projet de loi, qui s’en tient à la stricte transposition des directives communautaires. L’extension des dispositions de l’article premier au-delà des 8 critères retenus par le droit communautaire n’est ni souhaitable, car elle brouille notre démarche, ni nécessaire : ces critères figurent déjà dans notre droit positif.

Mme Martine Billard – Justement !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – L’extension de la définition proposée par l’amendement 58 n’est pas nécessaire pour que nous nous acquittions de nos obligations communautaires. Les directives que nous transposons ne régissent que la matière civile et se limitent à huit critères : appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, religion, convictions, âge, orientation sexuelle ou sexe.

Le Gouvernement ne juge pas souhaitable d’aller au-delà de nos obligations communautaires sans consultation préalable de nos partenaires européens. Par conséquent, avis défavorable.

Même avis sur l’amendement 22 pour les mêmes raisons, ainsi que sur le sous-amendement 54.

En revanche, avis favorable à l’amendement 2 rectifié, qui ne modifie pas le fond du projet de loi. Il s’agit simplement de mentionner les motifs de discriminations sans opérer un renvoi à l’article 2.

Mme Martine Billard – Il y aura donc des différences entre les discriminations : certaines ne pourront être attaquées que devant le juge pénal, faute d’être reconnues par le droit civil, notamment pour ce qui est de la santé, de la situation de famille, ou du patronyme. Il sera donc plus difficile de saisir la justice dans certains cas, même si - en contrepartie – les conséquences symboliques seront plus lourdes pour la personne physique ou morale mise en cause.

Vous me permettrez de m’interroger sur ce choix, et de le mettre en parallèle avec la proposition de loi, adoptée au Sénat, tendant à modifiant les délais de recours devant le juge civil…

J’ajoute que nous sommes habitués à ce que le Gouvernement complète les lois de transposition par de nombreuses dispositions qui ne sont pas nécessaires au regard de nos obligations communautaires – nous l’avons bien vu en matière de temps de travail. Pourquoi ne pas agir de même ici ? Cela permettrait de mettre en cohérence notre droit civil et notre droit pénal.

Il faut bien prendre acte du choix du Gouvernement, mais je ne suis pas certaine que les associations de lutte contre les discriminations en seront très heureuses…

Les amendements 58 et 22, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – De façon similaire, il nous semblerait infiniment plus clair de reprendre la définition générique des discriminations indirectes qui figure dans la directive de juin 2000. Tel est l’objet des amendements 24 et 23. Tenons-nous en à la définition communautaire !

Mme Martine Billard – L’amendement 59 est défendu.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – En plus des arguments que je viens de développer, je note que les amendements 24 et 23 ne sont pas fidèles à la définition communautaire des discriminations indirectes qu’ils prétendent reprendre. Contrairement au projet de loi qui vous est soumis, ces amendements suppriment en effet toute référence à la notion de moyens nécessaires et appropriés qui est exigée pour réaliser des différences de traitement. Ces amendements sont moins protecteurs que le texte du Gouvernement. Avis défavorable au 59 pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Même avis.

L’amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 23 et 59.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 61 tend à tirer les conséquences de l’amendement 2 rectifié.

L'amendement 61, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 3 est rédactionnel.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 62 est de conséquence.

L'amendement 62, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

Mme Martine Billard – La discrimination pour état de santé n’étant pas retenue dans le texte du Gouvernement, les victimes devront plaider, non au civil, mais au pénal. Comme je l’ai indiqué, la procédure est plus lourde, mais les réparations seront également beaucoup plus faibles. Les personnes victimes de discriminations sur ce type de fondement seront donc moins bien loties. Nous introduisons des différences, qui me semblent bien peu constitutionnelles, entre les victimes de discriminations !

Or, on sait que de nombreuses personnes souffrant de problèmes de santé ne peuvent pas souscrire d’emprunts ou se heurtent à des difficultés en matière d’assurances. Vous négligez cette situation, qui est pourtant un cas de saisine de plus en plus fréquent de la HALDE.

Derrière ce choix, je ne peux voir que des raisons financières : certains lobbies ont en effet intérêt à ce que certaines discriminations ne soient pas attaquées au civil, mais au pénal, car les victimes hésiteront davantage avant de saisir la justice. À lui seul, ce point m’interdit de voter ce texte. Les amendements 16, 17 et surtout 60 ont pour objet de combattre cette hiérarchisation.

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 25 vise lui aussi à corriger l’anomalie incompréhensible qui conduirait à mener une politique différente en fonction de l’origine de la discrimination. Il convient d’unifier le régime de la lutte contre toutes les formes de discrimination afin de rendre cohérentes les actions menées.

M. Francis Vercamer – Une fois n’est pas coutume, je soutiens, avec l’amendement 20, une proposition quasiment identique à celle de Mme Billard. Même s’il ne faut pas exagérer le phénomène, les discriminations sont hélas relativement répandues et il est donc légitime de leur appliquer le même régime, qu’elles soient liées à la santé, à l’éducation, à la religion, au sexe, à l’âge, au handicap, à l’orientation sexuelle ou aux convictions. L’objectif doit être d’étendre la lutte à toutes les formes de discrimination car l’on sait bien que tout est lié : il y a de forts risques que ceux qui sont discriminés dans leur emploi le soient aussi dans leur accès au logement ou à l’éducation.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteureVos objectifs sont louables mais la rédaction de vos amendements n’est pas satisfaisante et la commission les a donc repoussés. S’agissant des discriminations liées au sexe, le septième alinéa de l’article deux satisfait vos préoccupations. Conformément aux directives, qui prennent soin de traiter les problèmes séparément, j’invite à une certaine prudence avant de croiser tous les domaines dans lesquels s’exercent des discriminations ainsi que leurs motifs. Je rappelle en outre que notre droit autorise de traiter de manière différenciée les situations, dans des cas spécifiques et rigoureusement encadrés. Je pense notamment aux différences de traitement liées au sexe en matière d’assurance. Enfin, une réflexion est actuellement engagée au plan communautaire sur l’ensemble de ces questions. Des annonces seront faites en juin prochain et il me semble donc préférable de ne pas légiférer avant d’en connaître la teneur.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État L’approche communautaire, qui consiste à poser des interdictions valables pour certains motifs et dans certains champs, est efficace. Il ne s’agit pas d’introduire des différences de traitement ou d’attenter de quelque manière que ce soit au principe d’égalité inscrit dans l’article premier de notre Constitution, mais bien d’affirmer un principe général d’interdiction de toutes les discriminations. Comme l’a indiqué votre rapporteure, la Commission européenne envisage de refondre l’ensemble des directives et il semble donc raisonnable de ne pas anticiper sur le résultat de ses travaux. Il convient, en toute hypothèse, de respecter la logique des textes communautaires, surtout dans une loi de transposition.

S’agissant des situations de discrimination liées au sexe, le septième alinéa de l’article deux apporte toutes les garanties nécessaires en prohibant formellement toutes les discriminations directes ou indirectes entrant dans ce champ. Aux termes de la directive 2004/113, l’éducation, la protection sociale, la santé et les avantages sociaux ne sont pas visés, dans la mesure où il est impératif d’éviter, au nom de la lutte contre les discriminations, de réduire les protections offertes à telle ou telle catégorie de la population. Ainsi, les amendement proposés tendraient à pénaliser les femmes par rapport au droit existant pour ce qui concerne le calcul de leurs pensions de retraite. De la même façon, il est inopportun de mettre le sexe au même rang que l’ethnie ou la race, au titre desquels est posé un principe d’interdiction générale de toute forme de traitement différencié.

En matière de discriminations liées à l’âge, au handicap, à l’orientation sexuelle ou aux convictions religieuses, j’ai déjà indiqué que la Commission projetait de combler les lacunes éventuelles du droit en vigueur. Dans le cadre de sa présidence de l’Union, la France sera très attentive à ces questions, inscrites dans le programme de travail de la Commission pour cette année, et soutiendra toute initiative visant à assurer le respect du principe d’égalité.

Pour ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements 16, 25, 60, 17 et 20.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 25, 60, 17 et 20.

Mme Martine Pinville – L’amendement 26 vise à reprendre dans la loi l’ensemble des motifs de discrimination, tels que les énumèrent les lois des 16 novembre 2001 et 17 janvier 2002 et auxquels la loi créant la HALDE fait implicitement référence.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteureAvis défavorable car il n’est ni souhaitable ni nécessaire d’adopter cette rédaction, pour les raisons que nous avons déjà évoquées.

L’amendement 4 rétablit l’ordre de la liste des motifs de discrimination, conformément à celui de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Le Gouvernement est défavorable à l’amendement 26 et favorable à l’amendement 4.

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteurePar l’amendement 5 sont reprises, dans la liste des matières dans lesquelles sont interdites les discriminations, les notions de conditions de travail et de promotion professionnelle, lesquelles figurent expressément dans la directive 2002/73. En effet, comme l’on prouvé notamment les études de la HALDE et du BIT, l’existence d’une réelle protection juridique n’empêche pas certaines situations discriminatoires de perdurer et cette précision est donc indispensable.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 27 tombe.

Mme Martine Pinville – L’amendement 28 est défendu.

L'amendement 28, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche – Grâce à un amendement de notre rapporteure, une exception bienvenue a été introduite pour renforcer les protections dues aux femmes en congé de maternité ; par notre amendement 29, nous souhaitons que ces dispositions soient étendues aux hommes bénéficiant d’un congé de paternité.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteureJe comprends votre préoccupation, mais la logique de la transposition commandait de prendre en compte prioritairement la situation des femmes placées en congé de maternité. La commission souhaite cependant connaître la position du Gouvernement sur ce point.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – L’adoption d’un tel amendement entraînerait de graves difficultés dans la mesure où il est naturel, en ces matières, de maintenir une asymétrie de traitement entre les femmes et les hommes. Il faut veiller à ne pas entamer les protections dues aux mères en mettant la paternité au même rang que la maternité au titre des situations pouvant générer des discriminations. En tout état de cause, l’article L. 122-45 du code du travail proscrit toute discrimination fondée sur la situation de famille. Dès lors, l’amendement proposé n’apporte rien pour ce qui est des congés de paternité.

L’amendement 29, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteureL’amendement 6 est de précision.

M. Christophe Caresche – Le sous-amendement 55 est défendu.

Le sous-amendement 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteureL’amendement 7 apporte une précision rédactionnelle en vue de rendre plus clair le régime des différences de traitement admises en matière d’accès aux biens et services et de fourniture de biens et services. Il supprime en outre une référence inutile.

Mme Pascale Crozon – Le sous-amendement 56 vise à supprimer l’alinéa 5 de cet amendement, qui serait particulièrement dangereux. La rédaction retenue reviendrait en effet à remettre en cause le principe de la mixité scolaire, consacré en France par une loi de 1975. Cet amendement offrirait, hélas, un formidable appui aux intégristes et réactionnaires les plus misogynes.

Mme Martine Billard – Le sous-amendement 65 est identique. Je ne suis pas sûre qu’il demeure beaucoup d’enseignements requérant une organisation non mixte, mais s’il en est, il importe de parler, non « des enseignements » mais « d’enseignements », de sorte qu’un enseignement spécifique puisse être organisé de manière non mixte, mais non tous les enseignements. Tel est l’objet du sous-amendement 66 – de repli si les 56 et 65 n’étaient pas adoptés. S’il n’y a derrière cet amendement qui ouvre la voie à une remise en cause de la mixité, aucune volonté politique et qu’il ne s’agit que d’une maladresse rédactionnelle, il faut lever toute ambiguïté en adoptant nos sous-amendements.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé ces sous-amendements 56 et 55. En effet, la disposition en question correspond à une exigence de la directive. Elle permet en outre de conserver la possibilité d’organiser distinctement certains enseignements pour les filles et les garçons comme l’éducation physique et sportive. Le sous-amendement 66, lui, n’a pas été examiné par la commission mais j’y suis favorable à titre personnel.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Même avis que la rapporteure.

Les sous-amendements 56 et 65, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 66, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 7 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 30 tombe.

Mme Pascale Crozon – L’amendement 31 vise à supprimer l’alinéa 11 de cet article. Le texte interdit les discriminations fondées sur le sexe en matière d’accès aux biens et services et de fourniture de biens et services. Il exclut toutefois les médias et la publicité de l’application de ces règles. Or, cette exception n’est pas concevable dans la mesure où ces derniers véhiculent des messages importants pour l’ensemble de la population, notamment les jeunes enfants.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – Cet alinéa ne fait que reprendre une exigence de la directive qui ne comprend pas le contenu des médias ni de la publicité dans son champ d’application. C’est une question de périmètre de transposition, non de principe.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Même avis. La dérogation prévue par la directive rend d’autant plus nécessaire de conduire un travail sur l’image de la femme dans les médias. Dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux femmes, nous avons installé une commission, présidée par Mme Reiser, qui devra faire des propositions concrètes pour améliorer la protection de l’image des femmes. Si des mesures législatives se révèlent nécessaires, le Gouvernement présentera un projet de loi.

L'amendement 31, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Christophe Caresche – L’article 3 apporte des garanties supplémentaires aux personnes qui témoignent en matière de discrimination et va donc dans le bon sens. Mais nous proposons par notre amendement 32 de supprimer la précision « de bonne foi » qui affaiblit la portée du texte et n’est pas conforme à l’article L. 122-45 du code du travail qui ne comporte pas cette limitation.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement. En effet, s’il n’est pas expressément précisé que la personne ayant témoigné d’agissements discriminatoires doit l’avoir fait « de bonne foi », le juge pourrait avoir à connaître de tous témoignages, même de mauvaise foi.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Même avis. La bonne foi est présumée dans les règles qui sont posées de manière affirmative, pas dans celles qui, comme en l’espèce, le sont de manière négative. Cette précision est donc nécessaire.

M. Christophe Caresche – Il est toujours possible à la victime d’un témoignage de mauvaise foi de porter plainte et de demander réparation pour dénonciation calomnieuse. Je ne comprends donc pas pourquoi il faudrait ici faire mention de la notion de « bonne foi » que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en ce domaine. Cela mettra les juges dans la difficulté, en les obligeant à se demander chaque fois si le témoignage qu’ils recueillent est ou non de bonne foi, et ce sera source d’innombrables contentieux.

Mme Martine Billard – Le faux témoignage est d’ores et déjà réprimé par notre droit. L’introduction de la notion de « bonne foi » n’est donc pas nécessaire, sans compter que cela faciliterait pour les personnes mises en cause la possibilité de se retourner contre la personne ayant témoigné contre elles, en prétendant notamment que son témoignage n’est pas de « bonne foi », ce qu’elles n’ont déjà que trop tendance à faire en matière de discrimination. Cela risque d’ouvrir la voie à des procédures sans fin.

Puisque dès le début de ce débat on nous renvoie à la directive, toute la directive et rien que la directive, j’aimerais bien savoir si celle-ci comporte cette notion de « bonne foi ». Si tel n’est pas le cas, tenons-nous en strictement, ici aussi, à la directive…

M. Francis Vercamer – Je suis favorable à cet amendement. Introduire cette précision dans le texte laisse sous-entendre que l’on peut témoigner de mauvaise foi, ce qui est passible de poursuites dans notre droit.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – L’objectif est de s’assurer de la bonne utilisation des procédures judiciaires.

M. Christophe Caresche – Si un juge accepte un témoignage qu’il pense de bonne foi mais qui se révèle fait de mauvaise foi, sa responsabilité sera-t-elle mise en cause ?

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 8 vise à étendre la protection contre les rétorsions en matière de discrimination aux cas où serait intervenue une seule discrimination. Il n’y a pas lieu en effet de restreindre cette protection au seul cas où seraient intervenus plusieurs agissements discriminatoires. Il est donc proposé dans l’alinéa 1 de substituer le singulier au pluriel.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Avis favorable.

Mme George Pau-Langevin – Je suis favorable à cet amendement mais je souligne qu’il n’est pas très cohérent avec l’introduction de la notion de « bonne foi », qui limite considérablement les possibilités de témoignage. De toutes les affaires portées devant la HALDE, un nombre infime aboutit, les preuves faisant défaut pour toutes les autres. Restreindre ainsi la possibilité de témoigner, c’est encore une façon de transposer a minima la directive, qui ne mentionne pas cette notion de « bonne foi ».

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 9 est rédactionnel.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 33 établit la supériorité de la protection contre les rétorsions sur l’astreinte au secret professionnel, pour éviter que certains n’hésitent à témoigner pour ce motif.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement. Il exprime une préoccupation légitime mais ne reprend pas assez fidèlement la formulation de la loi de 2004 sur la Halde, qui assure la protection des personnes astreintes au secret professionnel dans le seul champ pénal. Une expertise complémentaire est nécessaire pour améliorer cette proposition.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Même avis.

L'amendement 33, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Francis Vercamer – Mon amendement 21 remplace le terme « établit » par « présente », par cohérence avec le code du travail, où il est demandé à un salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. S’il doit établir ces faits, le juge attendra un dossier complet, ce qui est bien plus contraignant.

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 34 est identique. Si l’on change les termes figurant dans le code, ne serait-ce pas pour en restreindre la portée ? En l’occurrence, cela ne peut qu’affaiblir la lutte contre la discrimination. Si telle n’est pas votre volonté, et pour faciliter le travail du juge, il faut maintenir la terminologie existante.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a accepté ces amendements qui vont dans le sens qu’elle souhaite.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Sagesse.

Les amendements 21 et 34, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. Christophe Caresche – Dans son avis motivé, la Commission européenne estime nécessaire que des associations de lutte contre les discriminations puissent se porter partie civile pour les victimes. Une telle disposition existe dans le code du travail, mais dans un champ limité. Nous sommes surpris que le projet n’élargisse pas cette possibilité, comme le souhaite la Commission. D’autre part, la loi française précise que les associations doivent avoir cinq ans d’existence. La Commission considère que ce n’est ni pertinent ni proportionné. Faute de changement, elle serait sans doute en position de sanctionner la France. Par notre amendement 50, nous proposons que le délai de cinq ans soit maintenu, mais que la HALDE puisse habiliter des associations plus récentes à ester en justice. Ni Putes ni Soumises, dont nul ne conteste la compétence, est dans ce cas.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement. Selon les informations données par le Gouvernement, il s’agit de procédure juridictionnelle, qui relève du domaine réglementaire. Le décret est en préparation au ministère de la Justice et sera pris dès que la loi sera promulguée.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Même avis. Nous sommes conscients du rôle que peuvent jouer les associations aux côtés des victimes. Mais nous sommes là dans le domaine réglementaire, et nous nous engageons à prendre les décrets nécessaires dès la fin d’avril.

M. Christophe Caresche – Je reste très dubitatif. En effet, dans son rapport, Mme Vasseur oppose à l’avis de la Commission européenne la position de la France qui est que le délai de cinq ans doit être maintenu car il est gage de compétence.

Ensuite, dans le précis Dalloz de procédure civile, on mentionne clairement la nécessité d’une habilitation législative, notamment pour les syndicats, afin de défendre les salariés victimes de discrimination. Il en est de même pour les associations. Je conteste donc formellement qu’il s’agisse ici du champ réglementaire.

L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 5

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 10 rectifié est de précision.

L'amendement 10 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

Mme Martine Pinville – Notre amendement 35 supprime les alinéas 3 et 4 car les articles L. 122-45-3 et L. 122-45-4 du code du travail protègent mieux le principe d’égalité de traitement.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission l’a repoussé. Le droit existant ne suffit pas car la Commission européenne nous impose de subordonner la possibilité de différence de traitement non seulement à l’existence d’une exigence professionnelle déterminante mais aussi à un objectif légitime et à une exigence proportionnée.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Même avis.

L'amendement 35, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche – Notre amendement 36 est de coordination.

Je reviens sur les questions que j’ai posées, car elles sont restées sans réponse. Le Gouvernement maintient-il que le délai de cinq ans imposé aux associations pour ester en justice pour une victime est une garantie de leur compétence ? La Commission européenne remet en cause cette idée. En second lieu, je répète qu’il faut une habilitation législative pour que les syndicats ou associations puissent ester en justice. Contestez-vous cette interprétation ?

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Même avis.

Aucun texte ne prévoit de procédure d’habilitation par la HALDE. L’amendement 50 serait donc inapplicable. Le critère de cinq ans constitue une protection adéquate pour les victimes de discrimination qui souhaitent demander à une association d’ester en justice pour leur compte.

En outre, l’amendement n’est pas nécessaire dans la perspective de la transposition. Les dispositions de l’article L. 122-45-1 que vous proposez de modifier, concernent l’intérêt à agir des associations, et sont donc de nature réglementaire. Le Gouvernement procédera à leur déclassement lorsqu’il envisagera de les modifier.

M. Christophe Caresche – Permettez-moi de vous lire l’avis motivé de la Commission : « En reconnaissant un intérêt légitime pour exercer les droits reconnus à la partie civile dans les procédures auxquelles l’application de la directive donne lieu seulement aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits…, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent. » Vous êtes en train de nous dire que vous ne reviendrez pas sur ce critère bien qu’il fasse partie des griefs de la Commission. Vous prenez donc aujourd’hui le risque d’une sanction, au moment même où vous présentez un texte qui doit en prémunir la France.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Nous ne revenons pas sur les cinq ans ; la Commission nous a entendus sur ce point.

Mme George Pau-Langevin – Non !

M. Christophe Caresche – Je viens de vous lire son avis ! Le Gouvernement ne peut pas dire que la Commission est d’accord avec lui. Cela s’appelle un mensonge ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 36, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 37 apporte une précision rédactionnelle.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement paraît quelque peu restrictif. Contrairement à la lettre des directives, l’énumération du premier alinéa de l’article L. 122-45-3 ne doit pas êtrecomprise comme étant limitative. Avis défavorable.

L'amendement 37, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Pascale Crozon – L’amendement 38 rectifié vise à étendre l’obligation d’affichage des textes légaux, résultant de la directive 2000/78 et actuellement limitée à l’égalité entre les sexes, à l’ensemble des dispositions relatives à l’égalité de traitement.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – Je salue cette initiative pertinente. Avis favorable.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Sagesse.

L'amendement 38 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 11 est de coordination.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 39 est de précision.

L'amendement 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 12 est de coordination.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – Je m’étonne de la manière dont nous travaillons. Alors que l’interprétation du Gouvernement n’était pas conforme à celle de la Commission, il nous explique à présent qu’il va s’occuper de la question tout seul, par un décret. Je me demande donc à quoi sert le Parlement ! Le Gouvernement serait bien inspiré de traiter les parlementaires avec moins de désinvolture.

L’amendement 40 est défendu.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a rejeté l’amendement, avec les mêmes arguments que pour l’amendement 35.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Même avis. En ce qui concerne la position de la Commission, le projet de texte a été envoyé à celle-ci, qui lui a donné un avis favorable. Cet avis vous sera communiqué par écrit.

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 42 est de précision.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement a été repoussé pour les mêmes raisons que l’amendement 37.

L'amendement 42, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche – L’amendement 63 est défendu.

Suite à ce qu’a dit la ministre, je vous relis les griefs de la Commission. Dans la première mise en demeure, elle écrit : « La date de constitution des associations ne semble pas pertinente pour l’évaluation de l’intérêt légitime à agir et limiterait donc la possibilité pour certaines associations de bénéficier des droits que leur confère la directive ». Dans la seconde mise en demeure, elle écrit : « La condition de la loi française concernant la durée de leur personnalité juridique – aux associations – ne semble pas être conforme à la directive. » Enfin, l’avis motivé répète les termes de la seconde mise en demeure. Il s’agit donc d’un grief fort, qui n’est pas mentionné de manière fortuite. Et vous nous expliquez à présent que la Commission est d’accord avec vous ! J’ai bien du mal à vous suivre.

M. le Président – La ministre vous a fait savoir qu’elle vous communiquerait un document, Monsieur Caresche.

L'amendement 63, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 13 est de coordination.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Pascale Crozon – L’amendement 64 rectifié est défendu.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – Avis favorable, pour les mêmes raisons que pour l’amendement 38 rectifié.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Sagesse.

L'amendement 64 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 41 est de précision.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – Avis défavorable, avec les mêmes arguments que pour l’amendement 39.

L'amendement 41, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

Mme Martine Billard – L’amendement 57 est défendu.

L'amendement 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je suis saisi de deux amendements identiques 18 et 44.

Mme Martine Billard – Dans le droit actuel, les personnes qui intentent une action en justice pour discrimination peuvent bénéficier de l’aide d’une association. Cette possibilité n’est cependant pas ouverte aux agents de la fonction publique, en cas de contentieux devant la juridiction administrative. La Commission ayant enjoint à la France d’y remédier, c’est ce que propose l’amendement 18, puisque votre projet est muet sur ce point. Il serait étrange qu’au terme de notre débat, une telle différence subsiste entre le privé et le public ! Pour suivre de près le cas d’un fonctionnaire victime de discrimination en raison de son orientation sexuelle, je vois bien que le fait de ne pas être accompagné par une association l’affaiblit considérablement dans sa démarche.

Mme George Pau-Langevin – Il faut en effet que les employés du privé et du public soient traités de la même manière. Nous avons souhaité que les associations puissent soutenir les fonctionnaires dans leurs démarches. C’est indispensable si l’on veut que la lutte contre les discriminations soit vraiment efficace.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé ces amendements. Le texte comporte les définitions des discriminations directes ou indirectes, qui seront d’application générale, immédiate et transversale. Les répéter dans la loi de 1983 n’apportera aucune garantie supplémentaire aux fonctionnaires. La loi prévoit en outre des sanctions disciplinaires pour les faits qu’elle qualifie de harcèlement ou de discrimination. Or les sanctions disciplinaires ont le caractère de sanctions quasi pénales pour la Cour européenne des droits de l’homme. Elles n’ont donc pas vocation à être régies par les directives transposées. En outre, le régime des actions en justice concerne la procédure juridictionnelle, qui relève du domaine réglementaire. Ces dispositions seront donc transposées par un décret, qui est en préparation.

Les amendements 18 et 44, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard – Si j’ai bien compris, les fonctionnaires pourront être aidés par une association, mais cela relève du domaine réglementaire ?

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – Tout à fait.

Mme Martine Billard – L’assimilation du harcèlement à une discrimination dans certains cas n’est pas clairement explicitée en ce qui concerne les fonctionnaires. L’amendement 19 vise donc à le préciser.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 43 est identique.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé ces amendements. Les directives transposées n’ont pas vocation à régir la matière pénale, mais la seule matière civile. Or les assimilations proposées touchent directement ou indirectement la matière pénale, et contribuent à étendre le champ des incriminations prévues par notre droit. Elles sortent donc du cadre de la transposition. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire d’aligner la définition pénale des délits de harcèlement ou de discrimination sur leur définition civile.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Même avis.

Mme George Pau-Langevin – Vous nous dites que la transposition ne concerne pas les dispositions relevant du droit pénal. Où donc ce texte sera-t-il codifié ?

Je m’étonne d’autre part que la possibilité pour les associations d’intervenir au pénal devant les tribunaux relève du seul domaine réglementaire. Si tel est vraiment le cas, c’est récent : de nombreux articles de nos codes de procédure prévoient cette intervention des associations.

M. Christophe Caresche – Bien sûr !

Les amendements 19 et 43, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 8

Mme Martine Pinville – La rédaction actuelle du 3° de l’article 225-3 du code pénal assure une meilleure protection du principe d’égalité de traitement que celle qui nous est proposée, qui crée de nouvelles exceptions - non justifiées par la lutte contre les discriminations - à ce principe. D’où notre amendement 45.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement, qui supprime notamment la possibilité de procéder à des différenciations fondées sur le sexe en matière d’embauche, lorsque ce motif constitue une exigence professionnelle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. Il est donc contraire aux exigences communautaires.

L'amendement 45, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 14 est rédactionnel.

Mme Martine Pinville – Le 46 est identique.

Les amendements 14 et 46, mis aux voix, sont adoptés.

Mme George Pau-Langevin – Tout le problème vient de l’absence de définition claire de la discrimination. S’il était évident que la discrimination est une différenciation fondée sur des motifs illégitimes, nous saurions dans quels cas parler de différenciation et dans quels cas parler de discrimination. Substituer systématiquement le second terme au premier n’est pas satisfaisant : la différence entre ce qui est différenciation légitime et ce qui est discrimination - donc différenciation illégitime – n’est plus claire.

Mme Pascale Crozon – L’amendement 47 vise à supprimer l’alinéa 2 de l’article 8, l’apparence physique ne pouvant constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement. Le critère de l’apparence physique ne figurait pas dans le code pénal auparavant, mais il s’agit de permettre la prise en considération de situations où l’apparence physique constitue une exigence professionnelle déterminante.

L'amendement 47, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Françoise Imbert – L’amendement 48 vise à supprimer l’alinéa 4 de cet article, ces dispositions – qui concernent les emplois réservés dans la fonction publique – n’ayant pas vocation à être introduites dans le code pénal et relevant d’une réforme des dispositions statutaires.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement. L’alinéa 4 vise à favoriser la prise en compte des spécificités de la fonction publique française, dans le respect des exigences communautaires. Revenir sur l’équilibre qu’assurent ses dispositions pourrait remettre en cause le fonctionnement de nos services publics.

L'amendement 48, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

L'article 9, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 9

Mme Martine Pinville – L’amendement 53 vise à ne pas priver les salariés agricoles victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle d’un deuxième degré de juridiction, d’autant que cette impossibilité de faire appel des jugements de première instance lorsque le taux d’incapacité permanente fixé par la décision est inférieur à 10% n’existe plus dans le régime général.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement, qui constitue à mon sens un cavalier. Cette question du nombre de degrés de juridiction est au demeurant loin d’être anodine.

L'amendement 53, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 10

M. Christophe Caresche – L’amendement 49 vise à supprimer cet article.

L'amendement 49, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 10

M. Christophe Caresche – L’amendement 52 propose d’introduire dans notre droit des dispositions qui favorisent la négociation dans les entreprises afin de mieux lutter contre les discriminations. Mme la rapporteure va me dire que ce n’est pas dans le champ de la transposition. Sans doute, mais rien ne nous interdit de prévoir des dispositions complémentaires.

Nous vous proposerons dans un instant un autre amendement visant à introduire dans la loi les dispositions de l’accord national interprofessionnel sur la diversité signé en 2006.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – Je suis sensible à cet amendement qui tend à promouvoir le dialogue social afin de combattre les discriminations. La commission l’a cependant repoussé. Si l’accord national interprofessionnel de 2006 a montré l’importance de l’initiative des partenaires sociaux en la matière, il n’est pas nécessairement opportun de multiplier les obligations de négocier. Il est du reste préférable d’attendre le bilan de la mise en œuvre de l’accord, qui sera dressé en fin d’année.

L'amendement 51, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche – L’amendement 52 vise à introduire dans la loi, au mot près, les dispositions de l’article 10 de l’accord interprofessionnel relatives aux discriminations – ce qui permettrait de les consolider sur le plan juridique. Il prévoit donc qu’en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise organisant le dialogue sur la diversité, l’égalité des chances ou de traitement dans l’entreprise, le chef d’entreprise est tenu de présenter chaque année au comité d’entreprise les éléments permettant de faire le point en la matière. Il y aurait là un formidable levier pour favoriser le dialogue social sur ces questions dans l’entreprise.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État Même avis, d’autant que l’accord vient d’être étendu le 22 février.

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 11

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 15 est de précision.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 11

M. le Président – L’amendement 67 rectifié est recevable en application des deux derniers alinéas de l’article 99 de notre Règlement.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – L’amendement 67 rectifié, cosigné par le président de la commission, vise à imposer aux services publics et aux entreprises de cinquante salariés ou plus d'intégrer chaque année à leur bilan social un bilan de la diversité.

Le souci de prendre en compte la diversité dans l'entreprise n'est certes pas chose nouvelle : les partenaires sociaux ont, sur cette question, conclu un accord national interprofessionnel important fin 2006. Mais il est important d'aller plus loin : imposer aux entreprises de faire un bilan régulier de la diversité assurerait une appréciation globale plus systématique de celle-ci.

Il serait opportun que ce bilan social puisse être communiqué aux salariés, afin que chacun puisse être informé de l'état des lieux de la diversité dans son environnement professionnel. Les ministères en charge de l'économie, de l'emploi et des affaires sociales devront être destinataires de ce bilan, afin d’analyser les données ainsi recueillies et, le cas échéant, d’affiner les politiques publiques. Enfin, il est nécessaire d'associer la CNIL à la définition des modalités de ce bilan.

Par ailleurs, nous avons discuté en commission d’un amendement visant à subordonner l'accès aux marchés publics au respect de la diversité, appréciée en fonction de l'attribution d'un label diversité. Cet amendement a finalement été retiré, car la réflexion doit encore être approfondie.

Il serait intéressant que le gouvernement puisse informer la représentation nationale de l’évolution de la réflexion sur un label diversité. Est-il envisageable de concevoir des dispositifs favorisant les entreprises vertueuses dans la mise en œuvre de certaines politiques d'aides publiques, voire dans certains marchés publics ? Quelles leçons peut-on tirer des expériences étrangères menées en la matière ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État – Le Gouvernement partage l’objectif de cet amendement. L’article 10 de l’accord de 2006 prévoit qu’à défaut d’accord collectif de branche ou d’entreprise organisant un dialogue sur la diversité, le chef d’entreprise présentera au CE une fois par an des éléments permettant de faire le point sur la situation. Le Gouvernement préfère donc laisser jouer l’accord interprofessionnel, qui prévoit en outre un bilan au terme d’une période biennale d’application.

Nous serons bien sûr attentifs aux conclusions de ce bilan, qui nous permettront éventuellement d’aménager le contenu des bilans sociaux. Au bénéfice de cette explication, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Francis Vercamer – C’est un amendement louable, mais dont l’application me semble incertaine, dans la mesure où il est interdit d’user de certaines statistiques.

Mme George Pau-Langevin – Il est étonnant que Mme la rapporteure présente cet amendement – au demeurant fort intéressant – après nous avoir répondu qu’il fallait s’en tenir à la transposition des directives. Je note qu’en fin de discussion peuvent émerger des propositions intéressantes, après que les nôtres ont été écartées.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure – Compte tenu des explications de la ministre, je retire cet amendement.

M. Christophe Caresche – Il est repris.

L'amendement 67 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme George Pau-Langevin – Nous avions le sentiment qu’il s’agirait d’une transposition a minima. Les débats nous ont convaincus de la volonté manifeste du Gouvernement de ne pas avancer sur ce dossier. Entre le renvoi à des bilans hypothétiques, le retrait des propositions intéressantes et les sujets escamotés, la discussion a été tronquée. Nous regrettons particulièrement que ce texte fasse l’impasse sur une injonction clairement émise par la Commission. Nous aurions aimé voter ce texte pourtant nécessaire. Le groupe SRC, pourtant, s’abstiendra.

Mme Marie-George Buffet – Nous aurions pu nous retrouver face à ce fléau et construire ensemble une loi donnant aux victimes les moyens d’agir et permettant de faire reculer les inégalités. En réponse aux amendements de l’opposition, vous avez préféré renvoyer à plus tard, arguant qu’il fallait se limiter à la transposition des directives.

Madame la ministre, vous ne vous êtes pas davantage engagée contre l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée de la proposition de loi sénatoriale qui porte atteinte aux droits des victimes, en ce qu’elle ramène le délai de prescription à cinq ans.

Le groupe GDR, en conséquence, a le regret de s’abstenir sur ce texte.

M. Guénhaël Huet – L’opposition a usé d’arguments contradictoires, accusant ce texte de venir de manière tardive tout en demandant plus de temps pour son examen, reprochant son caractère partiel alors qu’il améliore très nettement le droit positif et permet de mieux définir certaines notions juridiques. Chacun aura pu constater que Mme la ministre s’est engagée à poursuivre les efforts déployés dans ce domaine. Le groupe UMP votera ce texte, à la fois juridiquement nécessaire et politiquement opportun.

M. Francis Vercamer – La lutte contre les discriminations n’est pas un long fleuve tranquille ! Il nous faut lutter contre ce fléau, pas seulement par la loi, mais aussi par la prévention. Ne nous y trompons pas, ce texte, qui vise à sanctionner les entreprises qui font de la discrimination un moyen de gestion des ressources humaines, ne révolutionnera pas les mentalités. Mais nous devons progresser pas à pas et aider à une prise de conscience progressive dans le pays des droits de l’homme qu’est la France.

Je regrette d’entendre que les groupes SRC et GDR s’abstiendront. Le groupe Nouveau Centre, lui, votera ce texte, en regrettant seulement que nous ne soyons pas allés plus vite dans la transposition de ces directives, afin de faire reculer plus rapidement les discriminations.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance : demain, mercredi 26 mars, à 15 heures.

La séance est levée à 21 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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