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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 1er avril 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
125ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉMISSION D’UN DÉPUTÉ

M. le Président – M. le président de l’Assemblée a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel communication d’une décision déclarant, en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral, M. Georges Fenech inéligible pendant un an à compter du 27 mars 2008 et, en conséquence, démissionnaire d’office.

LOGEMENT ADAPTÉ À CHACUN ET ABORDABLE À TOUS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Yves Le Bouillonnec et plusieurs de ses collègues visant à donner un logement adapté à chacun et abordable à tous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des affaires économiques – Cette proposition du groupe SRC s'inscrit dans le prolongement de l'important travail que les groupes socialistes de l’Assemblée et du Sénat ont effectué lors de la précédente législature, et de la réflexion conduite par les socialistes lors des débats électoraux successifs. Son objet, c'est la crise du logement, d'une gravité comparable à celle qui a sévi au début des années 1950. Elle se caractérise par la progression des dépenses liées au logement dans le budget de tous les ménages, l'augmentation insupportable des loyers et des charges et par les expulsions qui en découlent, l'inadaptation des logements aux besoins des familles, l'insuffisance de la construction de logement sociaux, l'augmentation du nombre de logements insalubres, le mal logement de catégories entières de la population, la persistance d'un habitat insalubre, la multiplication des marchands de sommeil, l'accroissement du nombre des sans logis et le blocage des dispositifs d'hébergement.

Cette crise, qui pèse sur la vie d'un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens, des plus pauvres aux classes moyennes, constitue une rupture du pacte républicain, et les nombreux textes votés par la majorité depuis bientôt six ans n'ont réussi ni à en éviter l'aggravation ni, donc, à atteindre l'objectif fondamental que se fixe la présente proposition : donner un logement adapté à chacun et abordable à tous.

Ce qui est critiquable, dans les dispositifs votés par la majorité, quelle que soit l'intention de leurs auteurs, c'est leur inspiration fondamentalement libérale.

M. Jérôme Lambert – C’est exact.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur – C'est cette politique là qui doit cesser. En appréhendant le logement comme une marchandise ordinaire, en feignant de croire que les lois du marché viendraient réguler l'offre et la demande, en favorisant l'investissement spéculatif pour n'avoir pas subordonné les avantages fiscaux à des contreparties sociales, en proclamant l'accession à la propriété comme un objectif intangible sans définir une stratégie réelle d'accession sociale, la majorité a manqué à l'obligation constitutionnelle qui incombe à l'État d'être le garant d'un droit au logement et au parcours résidentiel sur tout le territoire.

La flambée des prix de l'immobilier, des loyers, du foncier et des charges, les investissements prédateurs que sont les ventes à la découpe, l'exclusion des centres villes, les rénovations urbaines clientélistes entraînent les prémices d'une ségrégation urbaine, d'une ghettoïsation qui remet directement en cause la cohésion sociale et sociétale.

Le logement est aussi un enjeu majeur, si ce n'est l'enjeu principal du pouvoir d'achat. Or, étant donné la pénurie de l'offre, l’écart n'a cessé de se creuser entre les ménages les plus riches et les ménages les plus modestes, dont le pouvoir d'achat est anéanti par le poids du loyer et des charges locatives. C’est ainsi qu’en 2006, les 20 % de ménages ayant le niveau de vie le plus faible consacraient près de 25 % de leurs dépenses au logement, contre 10,8 % pour les 20 % des ménages les plus aisés. C’est que, au cours de la dernière décennie, les loyers ont connu une évolution sans précédent, cependant que les prix de l'immobilier doublaient. Dans le même temps, les aides au logement n'ont pas été revalorisées comme elles l’auraient dû, et certains dispositifs, tel l'amortissement Robien, ont montré leurs effets pervers - ce mécanisme tient en effet davantage du produit d'investissement que d’un véritable outil de relance de la construction de logements à des loyers abordables. Quant à la politique menée par le Gouvernement en faveur de l'accession à la propriété, elle n'a pas été ciblée sur les ménages les plus modestes, puisque l’éligibilité au prêt à taux zéro a été considérablement élargie par la loi de finances pour 2005 et que le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt a été ouvert à tous les ménages et non aux seuls primo-accédants.

C'est pourquoi le groupe socialiste propose un véritable changement de cap permettant d'offrir un logement adapté et abordable à tous et non aux seuls ménages les plus aisés. Notre proposition comprend trois volets : la relance du pouvoir d'achat des ménages modestes par la baisse des dépenses de logement et la protection des locataires ; la réforme des dispositifs fiscaux en faveur du logement ; le soutien à la construction de logements sociaux, notamment par le renforcement de l'article 55 de la loi SRU.

Le logement constitue le premier poste de dépenses des ménages les plus modestes, ce qui n'est pas acceptable. Nous proposons donc de limiter les hausses de loyer à la relocation. Nous proposons aussi de revaloriser les aides au logement pour tenir compte de l'inflation enregistrée depuis 2002, et de supprimer le mois de carence ainsi que le seuil de quinze euros en deçà duquel elles ne sont pas versées. Le groupe socialiste - et il n’est pas le seul - n'a cessé de le répéter : ce seuil n’a aucune justification autre que le souci du Gouvernement de faire des économies budgétaires au détriment des ménages modestes.

Nous vous proposons également de revenir à une gestion du fonds de solidarité logement à parité entre l'État et le département. Le texte comporte en outre des dispositions propres à sécuriser les rapports locatifs avec la création d'un fonds de garantie des impayés universel et mutualiste, ce qui entraînerait, en corollaire, la suppression du cautionnement solidaire. Le dispositif proposé améliore aussi les conditions de la restitution du dépôt de garantie au locataire par le propriétaire, qui devra justifier les retenues effectuées.

La proposition envisage le poids du logement pour ce qui concerne le loyer mais aussi les charges locatives et les charges supportées par les propriétaires bailleurs qui investissent dans des travaux d'amélioration profitant au locataire occupant. Enfin, ce volet du texte vise à sécuriser les accédants à la propriété victimes d'accidents de la vie.

Le deuxième volet de la proposition concerne le financement de la construction de logements sociaux. Il tend notamment à renforcer le livret A en augmentant le plafond des dépôts. Le livret A doit demeurer l'instrument majeur de financement du logement social (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Par ailleurs, les analyses économiques illustrent à quel point « l'amortissement Robien » est mal calibré. C’est un produit de défiscalisation attrayant pour les investisseurs, mais ce n’est pas un outil réel de relance de la construction servant l'offre de logement abordable à tous. Nous proposons donc la suppression de ce dispositif.

M. Michel Delebarre – Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur – De même, les politiques publiques favorisant l'accession doivent être ciblées sur les ménages les plus modestes, ce qui permettrait d’accroître l'aide que leur apporte l'État. En outre, dans le contexte de la mise en œuvre du droit au logement opposable - le DALO - tous les maillons de la chaîne du logement doivent participer à l'effort de logement des populations en difficulté. Autant dire qu’elle ne peut reposer sur le seul parc social, et que le parc privé doit aussi être mobilisé. Nous proposons donc l’exonération fiscale des revenus locatifs des propriétaires bailleurs accueillant des ménages qui bénéficient de l’exercice de ce droit. Il apparaît d’autre part que les propriétaires ignorent souvent l'existence de dispositifs de conventionnement, notamment le conventionnement ANAH sans travaux. Nous proposons donc d'améliorer l'information des investisseurs souhaitant effectuer un placement locatif en acceptant les loyers maîtrisés.

Le dernier volet de notre proposition tend à relancer la construction de logements sociaux en favorisant une offre adaptée aux besoins. Les dispositifs existants, en particulier l'article 55 de la loi SRU, doivent être précisés pour éviter les inacceptables dérives constatées, qu’il s’agisse de communes préférant payer une pénalité plutôt que de participer à l'effort national de construction de logements sociaux ou de celles qui se limitent à construire des logements de type PLS, aux loyers beaucoup trop élevés pour les ménages modestes. J'ai délibérément évoqué le terme de « clientélisme » pour stigmatiser de tels agissements, (Protestations sur les bancs du groupe UMP) auxquels nous voulons mettre un terme en quintuplant les pénalités, visant ainsi au rééquilibrage de l'offre de logements sociaux. Ces mesures sont indispensables pour atteindre les objectifs de la loi DALO. L'État pourra en outre disposer d'un droit de préemption dans les communes ne respectant pas leurs obligations légales au titre de l'article 55 de la loi SRU, et il devra veiller à répartir au mieux l'effort des différentes collectivités. Il est en effet inéquitable que seules les communes disposant d'un nombre important de logements sociaux fassent un effort en faveur du droit au logement opposable, alors qu’il s'agit d'une question de solidarité nationale.

Outre les modifications de l'article 55 de la SRU, il vous est proposé de modifier le droit de l'urbanisme pour combatte la rétention foncière et aussi pour permettre aux communes de récupérer une partie de la plus-value procurée par le classement d'un terrain en zone urbaine. Nous proposons aussi de soutenir l'effort financier des collectivités locales qui construisent des logements sociaux en augmentant leurs dotations. Dans un autre domaine, puisque les intercommunalités établissent les programmes locaux de l'habitat, il paraît indispensable que le contingent préfectoral ne puisse être délégué qu'aux présidents de structures intercommunales, Enfin, il est nécessaire que l'État contribue par tous les moyens possibles à l'effort financier en faveur de la création de logements. Aussi, nous vous proposons de prévoir qu'il doit vendre ses terrains et ses immeubles à des prix inférieurs à leur valeur vénale s’ils sont consacrés à la construction de logements, notamment sociaux. Ce qui, dans un premier temps, peut sembler être une dépense pour l'État constitue en fait un investissement sinon une économie.

Telles sont les mesures que nous vous proposons d'adopter. Elles imprimeront le changement de cap nécessaire pour que chacun puisse disposer d'un logement adapté à ses besoins, et à un prix abordable (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville – Nous voici rassemblés à l'occasion du dépôt, par la gauche, d'une proposition de loi sur le logement. Il est bon que cette discussion ait lieu, car les problèmes de logement sont réels en France, mais je répondrai aux propositions par des commentaires fondés sur la réalité et non sur l'anathème (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). La question, grave, doit être abordée dans un esprit de responsabilité.

Aujourd'hui, toute la chaîne du logement est bloquée. Dans certaines zones, les prix sont exorbitants, l'offre ne correspond plus aux besoins, et les Français sont de plus en plus inégaux devant le logement. Les plus pauvres ne s'en sortent plus et, même si les difficultés sont d'intensité très variable selon les territoires, beaucoup d'hommes, de femmes et d'enfants vivent dans des conditions indignes d'un pays comme la France. Les élus sont en première ligne sur ce front : leurs permanences sont assaillies de ménages à la recherche d’un logement. Ils savent mieux que quiconque combien les territoires pâtissent de cette crise qui diminue leur attractivité.

Cette situation tient au fait que pendant vingt ans, notre pays a construit deux fois moins de logements qu’il n’en fallait. Et il me faut là beaucoup de mansuétude pour ne pas citer ceux qui en portent la responsabilité. Je me contenterai de dire que l’on n’a pas assez tenu compte du dynamisme démographique de la France, du vieillissement de notre parc de logements, de la multiplication du nombre des foyers sous l’effet du développement du célibat et de la décohabitation, du vieillissement de la population et de la recherche d’un meilleur confort. À la sous-estimation par l’INSEE de ces besoins en logements, s’ajoute le rattrapage nécessaire au titre des années antérieures qui peut être estimé à 600 000 logements. Au total, ainsi que l’avait annoncé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale de juillet dernier, les besoins réels s’élèvent actuellement à 500 000 logements neufs par an.

Depuis six ans, nous avons pris le problème à bras le corps, comme nul ne l’avait fait avant nous. En 2007, 435 000 logements ont été mis en chantier contre 310 000 en 2000 et 108 000 logements sociaux financés contre 42 000 en 2000 (« Faux ! » sur les bancs du groupe SRC), dont 14 000 PLAI contre 5 000 en 2000. Quant aux logements à loyer maîtrisé dans le parc privé, par le biais de l’ANAH, leur nombre est de 33 000 contre 10 000 en 2000. Toutes les courbes sont reparties à la hausse (Interruptions sur les bancs du groupe SRC) comme en atteste ce document qui compare les chiffres de 2002 et de 2007 (Mme la ministre brandit un document).

M. Marcel Rogemont – Ce ne sont que des logements pour les familles friquées !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Je préfère sourire quand je lis dans l’exposé des motifs de la présente proposition de loi que le bilan de la droite en matière de logement est « sans appel ». Il faut tout de même avoir un certain toupet, Monsieur le rapporteur, pour écrire cela. Car ce bilan est en effet « sans appel » (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). J’aurais aimé plus de sérieux dans les critiques car au-delà des batailles de chiffres, n’oublions jamais qu’il s’agit du sort d’hommes, de femmes et d’enfants.

La bataille du logement ne se gagnera certes pas en un an, ni même en deux. Elle se gagnera en maintenant un haut degré de mobilisation. C’est pourquoi le Président de la République, après s’être longuement exprimé sur cette question durant sa campagne, a tenu à réaffirmer ses objectifs lors de son discours de Vandoeuvre-les-Nancy, le 11 décembre dernier. Quels sont-ils ? Produire 500 000 logements neufs chaque année, dont 120 000 logements sociaux ; bâtir une France de propriétaires parce que la propriété constitue une sécurité face aux aléas de la vie en même temps qu’un capital à transmettre à ses enfants, et parce qu’il n’y a aucune raison qu’elle soit un luxe réservé aux riches.

M. Marcel Rogemont – Paroles !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Troisième objectif : mettre pleinement en œuvre le droit au logement opposable, dont j’ai eu l’honneur d’être la rapporteure dans cette enceinte.

M. Marcel Rogemont – Mais il y a toujours des gens à la rue !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Tous les habitants de ce pays doivent pouvoir bénéficier d’un toit. Tel est le véritable sens de la loi sur le droit au logement opposable, votée à l’unanimité des présents au Parlement.

Pour ce qui est de la construction, le préalable était de restaurer la confiance entre tous les acteurs du logement afin que les progrès voulus soient obtenus dans des délais courts. C’est ce que j’ai fait en septembre dernier en décentralisant mon ministère à Lyon pour une opération marathon réunissant toutes les parties prenantes pour engager le chantier national pour le logement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC). Arrêtez de rire ! En deux semaines à Lyon, nous avons fait avancer les choses comme jamais nous n’aurions pu le faire en dix-huit mois sans cette opération (Mêmes mouvements). La relance de la construction n’a été possible qu’en redonnant confiance aux professionnels, aux promoteurs, mais aussi aux accédants à la propriété et aux investisseurs. Le développement du logement social, quant à lui, s’est consolidé parallèlement sur la lancée du plan de cohésion sociale. C’est la majorité actuelle qui, la première, s’est engagée aussi fortement dans la durée.

S’agissant de l’accès à la propriété, nous avons adopté l’été dernier la déduction des intérêts d’emprunt pour l’habitation principale…

M. Marcel Rogemont – Que Juppé avait supprimée !

Mme Christine Boutin, ministre du logement En décembre, conformément aux objectifs du Président de la République, j’ai signé avec l’Union sociale pour l’habitat, un accord permettant de vendre 40 000 logements HLM par an à leurs occupants. J’ai même dépassé cet objectif en signant un accord analogue avec les sociétés d’économie mixte concernant la vente annuelle de 3 000 logements.

Avec le projet de primo-accession d’une « maison pour 15 euros par jour », nous allons apporter la preuve qu’un couple avec deux enfants ou plus, qui gagne de 1 500 à 2 000 euros par mois, peut construire la maison de ses rêves et transmettre un patrimoine à ses enfants. Le rêve de propriété doit être accessible à tous : c’est notre volonté et c’est le chemin que nous empruntons avec cette nouvelle offre.

S’agissant du droit au logement opposable, les commissions de médiation DALO ont été mises en place sans difficulté – en dépit des Cassandre ! Il ressort de leurs premiers travaux que 75 % des demandes sont franciliennes, dont une bonne moitié émane de la seule ville de Paris. Je souhaite rassurer les élus dont la commune compte un fort pourcentage de logement sociaux…

M. Marcel Rogemont – Neuilly-sur-Seine par exemple !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – …et qui craignent que ces populations ne viennent se concentrer sur leur territoire : toutes les mesures seront prises pour qu’il n’en soit pas ainsi.

Je travaille naturellement activement à la prise en charge le plus en amont possible des personnes et à la prévention, notamment grâce à une lutte renforcée contre l’habitat indigne. J’ai demandé à tous les préfets, par circulaire du 14 novembre dernier, la mise en œuvre d’un plan d’urgence contre les marchands de sommeil axé sur l’exécution de travaux d’office.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Nous n’avons rien vu sur le terrain.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – C’est fort dommage car les résultats sont déjà tangibles (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Jamais la lutte contre l’habitat indigne n’a autant progressé que par les deux ordonnances majeures du 15 décembre 2005 et du 11 janvier 2007. La circulaire que j’ai envoyée ainsi que celle du Premier ministre en date du 22 février 2008 ont permis de mobiliser l’ensemble des acteurs publics. D’ores et déjà, les condamnations de marchands de sommeil se multiplient.

En ce qui concerne l'amélioration du parc privé, l'ANAH est passée d'une logique de guichet à une logique de projet, devenant un véritable partenaire local.

M. Alain Néri – Des mots, des mots !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – 560 millions d'euros sont engagés sur l’ensemble du territoire national avec un effort renforcé dans 560 opérations programmées dans 22 500 communes. En 2007, l'ANAH est intervenue dans le traitement de plus de 7 000 logements indignes.

Pour prolonger la mise en œuvre du plan d'action renforcé en direction des sans-abri, le Gouvernement a missionné le député Etienne Pinte, dont le rapport…

M. Marcel Rogemont – L’excellent rapport !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – …constitue un document de référence pour notre action. 250 millions d'euros supplémentaires ont été mobilisés.

Le DALO sera bientôt regardé pour ce qu'il est, à savoir un formidable levier pour relancer l'amélioration de l'habitat et augmenter la construction dans notre pays sur toute la chaîne du logement.

Je veux aussi évoquer le programme national de rénovation urbaine qui se prolongera jusqu'en 2013, sous la conduite de l’ANRU et de Gérard Hamel. À cette date, 530 quartiers répartis dans la France entière, seront rénovés, améliorant le cadre de vie de près de quatre millions d'habitants. Cela représente 12 milliards d'euros d'aides de l'État et du 1 % logement.

En ce qui concerne enfin le pouvoir d'achat, qui est au cœur du programme présidentiel, nous avons apporté des réponses fortes et lisibles (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Les aides personnelles au logement ont été indexées sur l'indice de révision des loyers – IRL –. Les barèmes des aides ont ainsi pu être revalorisés de 2,76 % au 1er janvier 2008. Par ailleurs, la loi TEPA de l’été dernier a lié l’évolution de l'IRL à celle de l'indice des prix à la consommation. Nous avons à la même occasion pris une autre mesure dont les locataires nous savent gré, la réduction à un mois de loyer au maximum du montant du dépôt de garantie. Nous sommes même allés plus loin en décidant avec les organismes du 1 % logement la généralisation à tout public de l’avance Loca-Pass. Je salue à cet égard le travail de Frédéric Lefebvre et de l’ensemble du groupe de la majorité sur ces questions.

Toutes ces mesures ont permis une avancée unique de la politique du logement dans notre pays. Nous nous mobilisons, sans relâche, sur tous les fronts car le logement est un tout : On ne peut se limiter à une catégorie précise, si digne d'intérêt soit-elle, car ce qui est fait pour l'une a des conséquences directes sur l'autre. C'est l'ensemble de la chaîne du logement qu'il faut redynamiser.

Pour autant, nous ne relèverons pas le défi du logement par je ne sais quel miracle institutionnel qui nous éloignerait de l'effort que nous avons tous à fournir. Le Gouvernement et le Président de la République donnent l'impulsion, mais ils sont là aussi, pour rappeler chacun à ses devoirs et à ses responsabilités. Les élus locaux, les maires et les présidents d'EPCI ont un rôle éminent à jouer. Construire 500 000 logements est à la portée d'un pays comme le nôtre à la condition que tous les maires, tous les Français, tous les acteurs du logement se mobilisent et que chacun comprenne qu’il doit agir pour l'intérêt général (« Merci pour la leçon ! » sur les bancs du groupe GDR). Il s’agit là d’une obligation morale. Construire, construire, et encore construire, tel doit être notre leitmotiv.

M. Marcel Rogemont – Avec quel argent ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Quelques commentaires maintenant sur le contenu de la présente proposition de loi. Certaines de ses propositions arrivent un peu tard, le Gouvernement ayant déjà agi. Beaucoup d'autres sont peu novatrices, irréalistes, voire coûteuses et dangereuses. Certaines en revanche sont intéressantes (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC).

En ce qui concerne la demande de logement, la copie doit être totalement revue. L'article premier donne le ton en proposant de limiter les hausses de loyer – vieille antienne des nostalgiques de l'économie administrée. Cette mesure dangereuse aurait des effets inverses à ceux recherchés (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). S'il est souhaitable d'assurer une protection des locataires une fois qu'ils sont installés, nous devons en tout état de cause laisser une liberté contractuelle au moment de la relocation. Sinon les propriétaires soustrairont leurs biens du marché et l'offre sera encore plus tendue qu'aujourd’hui. Les propriétaires ont besoin de locataires mais les locataires ont aussi besoin de propriétaires.

L’article 2 propose de revaloriser les aides au logement. J'ai déjà dit tout ce que nous avions fait dans ce domaine.

S’agissant du FSL, je ne crois pas qu'il faille revenir en arrière et remettre en question sa décentralisation. Avec le transfert, les départements ont développé des dynamiques partenariales locales qu’il ne faut pas casser.

La suppression des dispositifs d'investissement de Robien et Borloo, demandée par certains bien-pensants et préconisée à l’article 20, casserait l'élan de la construction. Sans doute faut-il faire évoluer le dispositif, mais certainement pas y mettre fin, car il permet d’augmenter l’offre de 60 000 logements par an. Ce serait aggraver la pénurie responsable de la flambée des prix.

M. Marcel Rogemont – Vous consacrez plus d’argent au dispositif Robien qu’au PLUS !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Mais cela coûte moins cher à l’État ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Pierre Gosnat – Et les 15 milliards ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement – S’agissant de la loi SRU, j’applique dans toute sa rigueur l’article 55 relatif aux 20 % de logements sociaux. J’ai envoyé en janvier une instruction aux préfets de dresser le constat de carence pour les communes déficitaires qui ne suivent pas le rythme de construction prévu. Ces mesures doivent inciter les maires à construire.

Un député du groupe SRC – Et Neuilly ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement Neuilly a fait un effort aussi (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Je crois plus à l’incitation qu’à la punition en la matière. C’est la philosophie du comité interministériel de l’offre de logements du 28 mars dernier. Une nouvelle politique, fondée sur des contrats de mixité sociale permettra un rattrapage en utilisant, où il en existe, les terrains publics disponibles. Nous en discuterons lorsque je présenterai, prochainement, la loi de mobilisation sur le logement.

La réforme du livret A, annoncée par le Président de la République, sera inscrite dans le projet de loi de modernisation de l’économie. Les parlementaires souhaitent qu’il continue à financer le logement social. C’est également ce que je veux : utiliser le livret A et le livret de développement durable comme ressources, avec un taux de centralisation de 70 % et une garantie de couverture des besoins de financement du logement social. Votre proposition d’augmenter le plafond du livret A, à l’article 17, est donc inadaptée.

Mais certaines de vos mesures sont intéressantes et méritent d’être approfondies.

Plusieurs députés du groupe SRC – Quand même !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Pour construire, nous devons mobiliser du foncier. S’agissant du droit de préemption du préfet, notre réflexion sera enrichie par le rapport du Conseil d’État qui fera l’objet d’une discussion publique en mai.

Aux articles 30 et 33, vous proposez d’aller plus loin dans la taxation des terrains et le partage de la plus-value foncière. Il est en effet utile d’aborder cette question. À l’article 39, vous abordez le sujet de la décote lors de la vente des terrains de l’État pour construire des logements sociaux. Lors du dernier comité interministériel de développement de l’offre de logement, l’État s’est engagé comme jamais en approuvant un programme ambitieux de mobilisation des terrains publics pour construire 70 000 logements, dont 40 % de logements sociaux, sur la période 2008-2012. Une des premières retombées des états généraux du logement que j’ai mis en place sous l’égide du préfet de région Pierre Mutz sera la construction de 42 000 logements en Île-de-France. Par ailleurs, on valorisera de façon plus juste le prix des terrains destinés à construire des logements sociaux, en complément de la décote de 25 % ou 35 % introduite par la loi portant engagement national pour le logement.

Je partage votre volonté d’encourager l’investissement privé en faveur du logement des personnes défavorisées, comme le demande le Président de la République. Mais il faut revoir les modalités que vous proposez. Je m’étonne d’ailleurs que vous n’ayez pas fait preuve de plus d’audace et que vous n’ayez pas suggéré que les personnes assujetties à l’ISF bénéficient d’allégement en cas d’investissement dans le logement social (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Je suis également très attentive à votre proposition de TVA à 5,5 % sous condition de ressources, afin de favoriser l’accession sociale et de parvenir à 70 % de propriétaires, ce qui est l’objectif fixé par le Président de la République.

Mais en dépit de ces quelques aspects positifs, le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition, d’autant qu’un projet de loi de mobilisation pour le logement est en préparation.

M. Marcel Rogemont – Reportons encore à demain !

Mme Christine Boutin, ministre du logement Je souhaite vous le présenter dans les meilleurs délais. Je salue les travaux du conseil national de l’habitat présidé par M. Piron, qui serviront à son élaboration.

Le logement est un impératif pour la croissance, l’emploi, l’innovation. Il ne doit pas être un enjeu idéologique, mais s’inscrire dans une chaîne de solidarité humaine. Ce texte est un patchwork sans grande cohérence. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’examen de ses articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Monsieur Le Bouillonnec, dans votre passion, vous avez oublié de dire l’essentiel : la commission des affaires économiques a rejeté cette proposition et refusé de passer à la discussion des articles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Je reconnais tout à fait votre compétence, et nous pouvons être d’accord sur le constat, mais pas sur les arguments que vous développez à l’appui de cette proposition. Mme Boutin l’a déjà expliqué avec beaucoup de talent.

Pour ma part, je vous appelle à plus d’humilité. Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Le problème ne tient pas à la politique menée aujourd’hui, mais au retard accumulé pendant vingt ans, et en particulier à votre gestion de 1997 à 2002, quand le gouvernement Jospin avait l’ambition de construire 200 000 logements par an et seulement 40 000 logements sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ayez donc plus d’humilité face à une majorité qui a agi depuis la loi Borloo et qui, avec Mme Boutin, a pour objectif de construire 500 000 logements par an dont 120 000 logements sociaux. Vous devriez reconnaître vos responsabilités et soutenir ce programme plutôt que de l’attaquer comme vous le faites.

De toute façon, cette proposition ne répond pas aux attentes puisque, selon la vielle antienne socialiste et communiste, votre seule réponse est d’augmenter les charges de façon considérable.

M. Alain Néri – Et le dispositif Robien ?

M. Patrick Ollier, président de la commission - Enfin, vos mesures sont dissuasives pour les propriétaires. Au lieu d’augmenter l’offre, elles risquent d’encourager la vacance des logements. J’aurais aimé que vous insistiez plus sur l’accession sociale à la propriété. Mais lorsque j’avais déposé des amendements en ce sens, la majorité dont vous faisiez partie les avait rejetés. Donc, nous n’avons pas de leçon à recevoir.

Quant au dispositif Robien, nous l’avons corrigé dans la loi ENL. Il a le mérite d’avoir été un des éléments de la relance du logement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et nous n’avons pas à en rougir.

Nous partageons un constat sur le logement, et il faut prendre des dispositions complémentaires. La ministre va proposer un projet, et nous la soutiendrons. Certaines mesures qui figurent dans votre texte peuvent y être intégrées. Mais si vous voulez engager ce partenariat, cessez de vous comporter en potaches et acceptez de discuter du fond.

M. Philippe Martin – Un peu d’humilité !

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est à vous d’en faire montre ! Je demande donc à la majorité de rejeter le passage aux articles et d’attendre avec confiance le projet de Mme Boutin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault – Rappel au règlement sur l’organisation de nos travaux. Monsieur le président de la commission, ce matin nous examinons une proposition de loi déposée par le groupe SRC. Pourquoi adoptez-vous ce ton d’invective ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Après ce type de propos, comment croire à votre sincérité quand vous dites que vous voulez, dans la réforme de la Constitution, donner plus de droits au Parlement ? L’opposition en a déjà, et peut défendre des propositions. Mais vous en faites fi ! Cessez de diaboliser nos propositions, et examinez sérieusement le travail que nous avons fait. Mais vous refusez de passer à l’examen des articles et de les amender.

Si vous étiez vraiment sincères, vous exprimeriez sur chaque article votre désaccord, votre volonté d’amender l’article, de le supprimer ou de le remplacer par une autre proposition ! C’est cela, un véritable débat parlementaire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Comment pouvez-vous espérer que nous nous soumettrons à vos injonctions en votant une réforme de la Constitution censée nous donner de nouveaux droits, alors que vous méprisez ceux dont nous disposons déjà ? (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Vous parlez d’humilité, mais l’humiliation n’est pas de mise dans un débat démocratique. Vous prétendez que les socialistes ne proposent rien, mais lorsque nous formulons des propositions, vous vous contentez de les critiquer ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Bourragué – C’est excessif !

M. Jean-Marc Ayrault – Respectez l’opposition, forte de la légitimité démocratique que lui assure le vote d’une partie du peuple français ! Le comportement brutal de la majorité et du Gouvernement (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP) appelait cette mise en garde préalable à la discussion générale (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Frédéric Lefebvre – Rappel au Règlement. Si le président Ayrault avait été là pour écouter Mme la ministre… (« Oh, ça va ! » sur les bancs du groupe SRC)

M. Philippe Martin – Arrête de faire ton numéro !

M. Jean-Frédéric Poisson – Calmez-vous !

M. Frédéric Lefebvre – …il aurait constaté que les vœux qu’il vient d’exprimer étaient déjà exaucés : après l’intervention de M. Le Bouillonnec, Mme la ministre a indiqué, à propos de chacune des mesures que vous proposez, celles que le Gouvernement avait déjà entreprises, celles qu’il désapprouvait et celles auxquelles il était favorable. Si vous aviez été là, monsieur Ayrault, vous auriez constaté que pour notre part, nous avons attentivement écouté le rapporteur (Protestations sur les bancs du groupe SRC), dont nous approuvons certaines propositions…

M. Pierre Gosnat – Il faut donc les voter !

M. Frédéric Lefebvre – ...et que nous étions d’accord pour nous montrer ouverts à vos suggestions lors de l’examen du projet de loi qu’a évoqué M. Ollier. Ne nous donnez donc pas de grandes leçons sur l’organisation des travaux parlementaires ou sur la prétendue surdité de la majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault – Monsieur le président, je pourrais demander une suspension de séance pour réunir mon groupe, mais je me contenterai d’une brève réponse. Monsieur Lefebvre, de votre part, les leçons n’étonnent personne.

M. Henri Emmanuelli – Nous choisissons nos maîtres !

M. Jean-Marc Ayrault – Vous jouez votre rôle habituel de voltigeur de pointe, au service d’une majorité occupée à chercher ses mots pour avouer aux Français mécontents que l’austérité règne !

Voulez-vous cesser de débattre après la discussion générale ou passer à l’examen des articles ? Il faut choisir ! (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC) Si la majorité est prête à examiner les articles et à les amender, qu’elle demande une suspension de séance pour en décider ; mais je ne doute pas que vous persisterez dans votre sectarisme (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur quelques bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous passons à la discussion générale ; je prie les orateurs de veiller à respecter leur temps de parole.

Un député du groupe SRC – M. Lefebvre ne reste pas pour écouter M. Goldberg…

M. Daniel Goldberg – Cette proposition de loi invite à modifier profondément la politique publique en matière de logement, car le libre jeu du marché a échoué à réguler la demande de logements et, faute de logements abordables, de nombreuses familles n'ont pas les moyens de se loger dignement.

Construire des logements adaptés aux revenus des familles et équitablement répartis sur l’ensemble du territoire doit constituer une priorité, en particulier en Île-de-France, très inégalement dotée, si bien que près de 400 000 foyers y attendent un logement social.

M. Michel Piron – C’est vrai !

M. Daniel Goldberg  Chacun doit donc assumer ses responsabilités : ceux qui se refusent à appliquer la loi, notamment l'article 55 de la loi SRU, doivent être durement sanctionnés.

M. Jean-Frédéric Poisson – Très bien !

M. Daniel Goldberg – Si cette préoccupation n’est pas l’apanage des seuls députés de gauche, la situation est favorisée, au niveau local, par les calculs égoïstes et à courte vue des élus qui préfèrent le repli sur soi à l’ouverture à la diversité sociale.

Or les déséquilibres sociaux et spatiaux affectent le dynamisme des aires urbaines : La Défense ne se développera pas sans que Clichy-sous-bois ou La Courneuve y trouvent leur compte ! En outre, dans un contexte de compétition mondiale, mais aussi européenne, entre les territoires, les faiblesses structurelles de nos quartiers populaires pèsent sur l'ensemble des agglomérations, y compris les zones les plus prospères.

Ainsi, au-delà de la justice sociale, il y va de la capacité de l'action et de la dépense publiques à développer le territoire de manière efficace et harmonieuse. Tel est le sens des mesures dissuasives que nous proposons, afin de contraindre ceux qui s’y refusent à prendre leur part de la solidarité nationale, comme l’exige la loi : réserver la dotation de solidarité urbaine aux seules communes qui en ont besoin ; multiplier par cinq les sanctions applicables aux villes qui ne cherchent pas à approcher les 20 % de logements sociaux prévus par la loi SRU ; doubler les pénalités l'année où le constat de carence est prononcé par le préfet ; empêcher les communes concernées de transférer ces pénalités, fût-ce partiellement, aux intercommunalités ; identifier le type de logement social construit – PLUS, PLAI, PLS, résidences sociales ou étudiantes – afin d’éviter que les constructions ne se limitent aux PLS, auxquels les familles à revenus modestes n'ont pas accès ; obliger les communes déficitaires à consacrer à du logement social 30 % de la surface de tout programme ; pour celles qui ont fait l’objet d’un constat de carence, ne pas autoriser la construction de PLS et ouvrir un droit de préemption urbain prioritaire à l'État, qui pourra ainsi se substituer aux maires délibérément réfractaires. En outre, les relogements décidés par les préfets au titre de la loi DALO ne sauraient concerner les communes qui comptent déjà plus de 50 % de logements sociaux.

Enfin, puisque le seuil de 20 % de logements sociaux est nécessaire, mais non suffisant, l'État et les intercommunalités doivent récompenser, mais aussi encourager les maires bâtisseurs, en dotant leurs communes de services aux personnes et d’équipements publics propres à accueillir les nouveaux habitants. Nous proposons donc d’intégrer une part « logement social » supplémentaire à la dotation forfaitaire versée aux communes, de pondérer en conséquence les dotations de base des EPCI, de plus en plus responsables du logement, et de subordonner à ce critère leurs dotations aux communes. On ne pourra plus reprocher aux députés de gauche de ne formuler aucune proposition !

Madame la ministre, puisque vous affirmez vouloir faire strictement respecter la loi SRU, acceptez un dispositif qui en facilite l’application, non par la contrainte, mais en dissuadant les récalcitrants, afin d’éviter la constitution de ghettos urbains non par le bas, mais par le haut des revenus. À en croire la presse, la loi que vous préparez résoudrait les problèmes d'accès au logement social en faisant disparaître les demandeurs : vous envisageriez d’abaisser fortement le plafond d'accès au logement social. Mais le logement social ne doit pas être réservé aux plus modestes, et, loin de toute tentation de repli sur soi, l'effort de construction doit être partagé par tous, afin de permettre à tous de se loger dignement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Pierre Gosnat – Lors de l’examen du texte en commission, les députés de la majorité se sont étonnés d’une proposition de loi dont il était pourtant urgent de débattre, étant donné la situation dramatique rappelée par le rapporteur, et en se fondant sur l’expérience concrète sans attendre les décisions inquiétantes que le Gouvernement prépare en secret.

Dans ma circonscription du Val de Marne – non loin de celle de M. Le Bouillonnec –, qui compte près de 9 000 demandeurs de logements, vous avez installé à Ivry, sans consulter les élus locaux, un centre d'accueil pour SDF prévu initialement pour un an et dont je viens d’apprendre qu'il serait pérennisé pour 5 ans !

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Vous voulez parlez du village de l’espoir ?

M. Pierre Gosnat – C’est là prendre acte d’une situation tragique sur laquelle M. Hirsch était plus disert avant de devenir ministre…

Il suffit également de consulter ceux qui sont directement engagés dans la réflexion et l'action pour le droit au logement : selon le rapport 2008 de la Fondation de l'Abbé Pierre, il y aurait en France 3,2 millions de mal logés, 100 000 SDF, 150 000 personnes vivant chez un tiers – sans compter les jeunes qui ne peuvent quitter le foyer familial. Le logement est devenu une source d'appauvrissement et 6 millions de personnes seraient en situation de réelle fragilité.

Alors qu’en 1979, avant l’application de la réforme Barre, la part du budget que les foyers consacraient au logement avoisinait les 12 à 15 %, elle se situe aujourd'hui autour de 25 à 30 %, atteignant parfois 50 % – comme l'indique la proposition de loi –, non seulement parmi les catégories les plus démunies, mais aussi parmi les couches moyennes ou intermédiaires. Or les futures mesures relatives aux plafonds de ressources et au surloyer en HLM risquent de les priver du logement social, au mépris de la mixité.

En outre, le coût du logement – loyers et charges – a littéralement explosé au cours de ces dernières décennies et les disparités de loyers entre le secteur privé et le logement HLM continuent d’atteindre 150 % en région parisienne. S’agit-il de faire du logement une marchandise comme une autre, en contradiction avec le droit au logement inscrit dans la Constitution ?

La part de l’État dans le financement du logement social ne cesse de décliner, n’excédant pas aujourd'hui les 8 %. Et si le 1 % payé par les salariés – appelé à tort 1 % patronal –, si les collectivités territoriales, ainsi que les organismes, avec leurs fonds propres ne compensaient pas cette défaillance, il ne se construirait quasiment plus de logements sociaux dans notre pays et on ne pourrait engager des opérations de réhabilitations du parc social, voire du parc privé. La part consacrée au logement par l'État, exprimée en pourcentage du PIB, est la plus faible depuis 30 ans, alors que ce secteur économique lui rapporte – sans compter son racket systématique dans les caisses du 1 % logement et dans les réserves du Livret A !

À ce propos, nous réprouvons la décision annoncée hier par le Gouvernement – et prise sur injonction de Bruxelles – d’ouvrir la gestion des livrets A aux banques privées, au mépris de l’épargne populaire. Vous offrez ainsi une manne considérable aux spéculateurs et menacez le système de financement du logement social. Au fond, votre politique se résume à prendre plus pour donner moins.

Voilà pourquoi nous approuvons pour l’essentiel cette proposition de loi. Certes, l’augmentation du pouvoir d’achat passe avant tout par la revalorisation des salaires et des retraites, mais la réduction des dépenses de logement est aussi un facteur important. À cet égard, le présent texte rappelle qu’il est indispensable de faire appliquer la loi SRU sur l’ensemble du territoire, y compris dans la ville de M. Sarkozy où elle ne l’est pas du tout.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – C’est faux !

M. Pierre Gosnat – Une réserve, toutefois : l’article 31 portant à 50 % le seuil de logements locatifs dans certaines communes risque de pénaliser les villes déjà engagées dans une politique sociale et de dédouaner les délinquants de la loi SRU. Cela étant, les élus du groupe GDR ont, lors de la campagne municipale, défendu pour l’essentiel les mêmes propositions que nos collègues socialistes. Le verdict des urnes devrait vous inciter à vous en inspirer davantage, Madame la ministre ! Pourquoi ne pas, par exemple, réserver la moitié des 500 000 logements visés aux loyers réglementés ? Songez que jusqu’en l’an 2000, près de 70 % de la construction étaient réservés aux deux tiers les plus modestes des ménages, contre 40 % seulement en 2005 ; et en 2006, les trois quarts des nouveaux logements étaient même attribués au tiers le plus aisé des ménages ! Voilà qui illustre bien votre politique de marchandisation du logement. Au contraire, nous proposons la création d’un grand service public du logement comme il en existe un pour l’éducation ou pour la santé.

Par ailleurs, l’article 2 de la proposition prévoit une indispensable hausse des aides au logement, que le gouvernement de M. Raffarin avait bloquées et qui n’ont jamais été revalorisées davantage que l’augmentation générale des prix. Toutes les organisations de locataires revendiquent cette revalorisation. Comme la conférence générale du logement, nous réclamons même une augmentation immédiate de 20 % : voilà de quoi redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens !

Et encore cette revalorisation ne serait-elle efficace qu’assortie d’un gel général des loyers pour une durée de trois à cinq ans et d’une cessation des expulsions locatives. Il faut aussi mener une action spécifique en faveur des jeunes, car la réhabilitation ou la construction des cités universitaires est loin de suffire à l’heure ou le logement étudiant s’ouvre à la spéculation immobilière. Enfin, il faut pour les jeunes travailleurs construire des logements sociaux ou spécifiques et augmenter les aides.

En somme, nous voterons cette proposition de loi qui ouvre la voie à une autre politique qui donnera un logement adapté à chacun et abordable pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Philippe Folliot – Cette proposition de loi illustre le consensus qui règne sur nos bancs : nous partageons tous la conviction que le logement pour tous doit être une priorité de l’action politique. Le débat est d’autant plus souhaitable que le sujet est crucial mais délicat. D’emblée, le texte de nos collègues socialistes a de quoi réjouir, puisqu’il rappelle à juste titre que le logement, cette dépense contrainte, est l’une des principales entraves à l’augmentation du pouvoir d’achat, au point qu’il dépasse en 2007 21 % des dépenses pré-engagées des ménages. C’est déjà trop, mais que dire alors lorsque cette proportion atteint 75 % chez les ménages les plus modestes ! Après déduction des aides au logement, c’est près de la moitié du budget d’une personne touchant le SMIC qui est consacrée au loyer dans le parc privé, contre 28,5 % dans le parc public – de quoi se convaincre que le développement du logement social est une priorité. Dans le Tarn, 70 % de la population y est éligible : tous, nous devons nous mobiliser pour améliorer la perception du logement social, mais aussi augmenter les moyens qui lui sont consacrés.

Nos collègues socialistes proposent de changer de cap en adoptant des mesures dont certaines, il est vrai, sont intéressantes. Le Nouveau Centre, quant à lui, croit plutôt à l’approfondissement de la réforme entamée il y a six ans. Le présent texte est certes une louable initiative, mais il a trop l’allure d’un inventaire à la Prévert où les bonnes idées se perdent comme dans une mosaïque, où les jeunes et les étudiants sont par ailleurs oubliés. Dès lors, la cohérence de l’ensemble pose problème. Comment, par exemple, agir efficacement sur l’offre et la demande de logement sans rétablir l’équilibre de la loi de juillet 1989 ? D’autre part, je suis très attaché au rôle du 1 % logement dans le cadre d’un schéma de solidarité professionnelle où le paritarisme et le dialogue social seraient renforcés.

Pour autant, nos collègues ont tâché d’organiser leur texte autour de trois grands thèmes : le pouvoir d’achat et la protection des locataires les plus modestes, la construction de logements sociaux et leur financement. D’autres idées sont évoquées, que nous soutenons, telles que l’amélioration de l’accompagnement des élus bâtisseurs ou la mobilisation du parc privé. Ajoutons-y la réhabilitation des logements existants, notamment dans les communes très peuplées qui ne respectent pas l’article 55 de la loi SRU.

Le secteur du logement peut parfois faire vaciller l’économie tout entière, comme l’illustre la crise des crédits hypothécaires. Pour préserver son fragile équilibre, notre action doit être prompte, mais surtout cohérente, afin de répondre à l’infinie diversité des situations à travers le territoire. Quoi de commun, en effet, entre la région parisienne, la montagne, le littoral, les quartiers périurbains ou encore les zones de revitalisation rurale ?

Or, près de trois Français sur quatre souhaitent posséder une maison individuelle. Aujourd’hui, 57,5 % de nos concitoyens sont propriétaires, contre 84 % en Espagne ; en Europe, seuls l’Allemagne, les Pays-bas et la Finlande ont un taux plus faible encore. Certes, la progression de l’accession en France est régulière, mais il faut la stimuler davantage. Hélas, la pénurie de logements favorise la hausse des prix, que le prêt à taux zéro ne peut compenser seul, bien qu’il soit un succès. Faut-il pour autant le majorer, comme le propose le présent texte ? Nous préférons défendre l’effort de construction et d’augmentation de l’offre, grâce auquel le nombre de mises en chantier est passé de 310 000 en 2000 à 435 000 l’an dernier. Quant au dispositif de garantie du risque locatif, nous y sommes très attachés et attendons le rapport du Gouvernement sur le sujet. Par ailleurs, la loi du 8 février dernier sur le pouvoir d’achat améliore la situation des locataires en indexant l’évolution des loyers des contrats signés après le 10 février 2008 sur l’indice des prix, et en ramenant à un mois de loyer le dépôt de garantie. Enfin, le projet de mobilisation pour le logement, que le Gouvernement nous soumettra prochainement, sera essentiel.

Le groupe Nouveau Centre tient beaucoup au respect de la règle des 20 % de logements sociaux. Les sanctions en cas de carence doivent être précisées, mais la prime aux maires bâtisseurs reste le plus sûr moyen de favoriser le logement social. D’autre part, s’agissant de la cession du foncier destiné à la construction de logements sociaux, l’État doit se montrer exemplaire : 40 % des 70 000 logements qui seront construits d’ici à 2012 sur des terrains qui lui appartenaient doivent être sociaux. Ensuite, il faut multiplier les outils d’accession à la propriété. À cet égard, je suis un fervent partisan du dispositif de location-attribution qui a déjà fait ses preuves. Enfin, il faudra bien un jour ouvrir le vaste débat de l’équilibre entre l’aide à la personne, très budgétivore, et l’aide à la pierre que l’on a trop délaissée ces dernières années.

Plusieurs députés du groupe SRC – C’est peu de le dire !

M. Philippe Folliot – Les chantiers ambitieux ne manquent donc pas. Le débat doit nous permettre d’agir tous ensemble dans une direction commune qui permettra d’augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Le Nouveau Centre salue le travail que nos collègues nous soumettent et se félicite que le débat ait lieu, mais le caractère inflationniste des mesures proposées ne ferait qu’aggraver la hausse du coût du foncier, plutôt que de s’attaquer aux vraies blocages qui pèsent sur l’offre de logement. Nous voterons donc contre cette proposition.

M. Michel Piron – Pourquoi utiliser cette niche parlementaire pour présenter une telle proposition alors que le Gouvernement prépare actuellement plusieurs textes sur le logement afin, par exemple, de reprendre les conclusions du Grenelle de l’environnement ou d’instaurer une garantie du risque locatif ?

D’autres l’ont dit : la crise du logement vient de loin.

Nous avons atteint 435 000 mises en chantier l’an dernier, contre 300 000 dans les années 2000.

M. Alain Cacheux – Et pourtant, la crise s’aggrave.

M. Michel Piron – Mais non ! Il y a toujours un déficit, que l’on peut chiffrer à environ 800 000 logements, mais la construction progresse…

M. Marcel Rogemont – Pas celle de logements pour tout le monde !

M. Michel Piron – On n’a jamais autant fait pour relancer la construction qu’au cours des six dernières années. C’était une nécessité, car nous souffrons d’un déficit d’offre. La loi de Robien, si critiquée par certains, est parfois responsable d’une offre surabondante, mais le nombre de cas ne dépasse pas 5 à 10 % du total des constructions. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ! Grâce à la majorité des logements construits avec l’aide de ce dispositif, nous avons efficacement influé sur les marchés et contribué à la baisse des loyers dans certaines zones (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

Beaucoup a été fait depuis six ans, et nous n’avons pas oublié les logements sociaux, contrairement à ce que certains prétendent : en 2000, seuls 40 000 logements sociaux avaient été financés ; nous en sommes aujourd’hui à plus du double. Nous sommes ainsi passés de 5 000 à 14 000 PLAI.

Quel est aujourd’hui le défi ? C’est de faire augmenter durablement l’offre là où elle est particulièrement insuffisante. Souvenons-nous que la politique du logement est territorialisée et que la situation est hétérogène. Trois régions sont particulièrement touchées : la région parisienne, la région Rhône-Alpes et la région PACA.

Grâce au re-ciblage de la loi de Robien, grâce à l’instauration du dispositif « Borloo populaire » et enfin grâce à la loi dite « ENL », nous avons engrangé des résultats. Toutefois, la simple adoption de bonnes lois ne suffit pas, notamment du fait des capacités de production : il a fallu remettre en route la filière de production, et cela ne se fait pas en un an, ni même en deux. Pour redresser la situation, il faut agir avec les collectivités territoriales, la délégation de l’aide à la pierre, mais aussi avec les professionnels du bâtiment.

La politique du logement doit également s’inscrire dans la durée. Les résultats actuels - 435 000 logements construits en 2007, 98 000 logements sociaux financés - ne sont pas le fruit d’une politique décidée hier ou avant-hier, mais il y a quatre ou cinq ans. De même, les décisions que nous pourrions prendre aujourd’hui ne produiront d’effet que dans le même délai.

J’insiste sur l’importance de la stabilité des règles. Nous sommes loin d’avoir dressé le bilan des mesures déjà adoptées ; il nous faudra encore du temps pour évaluer leurs conséquences. Il y a eu des réussites incontestables, comme le PTZ, dont le volume total a triplé. En revanche, les effets d’autres dispositifs, comme le « Pass foncier », restent plus incertains.

Dans ce patchwork de quarante articles, il y a certes quelques dispositions justes et nouvelles, mais je crains que la plupart des mesures nouvelles ne soient pas justes, et que les mesures justes ne soient pas nouvelles…

M. Marcel Rogemont – Votez au moins celles qui vous paraissent justes !

M. Michel Piron – L’article 5 risque d’effrayer les banques, déjà très frileuses, ce qui gèlerait davantage le crédit. Par ailleurs, est-ce bien le moment d’accentuer les contraintes pesant sur les propriétaires, comme tend à le faire l’article premier ? Pourquoi décourager les investisseurs alors qu’il faudrait les inciter ? Quant à l’article 6, relatif au FSL, il me semble contraire à l’esprit de la décentralisation. L’article 16 veut également lier le PTZ à des critères environnementaux, alors que le processus du Grenelle de l’environnement est en cours, et l’article 19 voudrait assouplir les critères sociaux pour cibler davantage le PTZ - il faudrait choisir !

À cela s’ajoutent des mesures justes qui n’ont rien de nouveau, notamment les articles 14 et 15, relatifs à l’environnement, ou encore les dispositions relatives au partage de la plus-value, notion introduite par la loi ENL. Tout cela est juste, mais ce n’est pas nouveau !

Au total, cette proposition de loi risque de renforcer la complexité des dispositifs, d’imposer des contraintes supplémentaires là où il vaudrait mieux recourir à des incitations, et enfin d’accroître les charges actuelles - je pense notamment à la suppression du mois de carence et du seuil de 15 euros… Les mesures qui nous sont proposées ne répondent pas aux défis actuels.

Dans l’attente des textes que Mme la ministre est en train de préparer, mais aussi du rapport sur la garantie des risques locatifs, il ne me semble pas nécessaire de passer à l’examen des articles (Exclamations sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Cacheux – Depuis un an que vous êtes en charge du logement, Madame la Ministre, on continue à s'interroger sur votre politique alors que la crise ne cesse de s’aggraver.

En rappelant la nécessité de construire avant de démolir, vous aviez laissé présager un effort accru en faveur de l’offre de logements sociaux. On se souvient également de vos interrogations sur le dispositif d'amortissement fiscal de « Robien », qui favorise une offre de logements inadaptés aux moyens financiers de la grande majorité des Français, incite les promoteurs privés et les bailleurs sociaux à se livrer à une surenchère financière autour du foncier, et conduit les entreprises du bâtiment à privilégier la construction privée, ce qui rend infructueux la plupart des appels d’offre.

Mais vous n’avez donné aucune suite à ces premières déclarations, hormis quelques mesures ponctuelles. Nous avons ensuite compris la nature de votre politique. La déduction des intérêts d'emprunt pour l'accession à la propriété a tout juste permis de contrebalancer la remontée des taux d'intérêt, alors qu'il aurait fallu concentrer les moyens sur l'accession sociale. De même, les pressions exercées pour que les bailleurs de HLM vendent une part significative de leur parc ne pourront que restreindre l'offre de logements locatifs sociaux, qu’il faudrait au contraire l’accroître.

Nous nous inquiétons également des projets que nous avons appris par voie de presse : en abaissant très significativement les plafonds de ressources des HLM et en relevant le montant des surloyers, vous risquez d'accroître les charges sociales pesant sur le parc HLM, tout en rendant son accès impossible aux salariés modestes et en incitant au départ ceux qui contribuent encore à un minimum de diversité sociale.

La paupérisation du parc HLM se poursuit pourtant depuis 20 ans sans que le plafond de ressources ait été modifié. Instrument de promotion sociale pendant des décennies, le logement social est devenu, dans de très nombreuses résidences, un lieu de relégation. Or, vous allez accentuer cette tendance. Comme l’un de vos prédécesseurs, entendez-vous donc laisser au parc HLM le soin de loger les pauvres, les démunis et les exclus, à charge pour le secteur privé de s’occuper des autres ?

Si l'on veut lutter contre la crise du logement, il faut relancer plus énergiquement les production de logements locatifs sociaux. L’augmentation dont vous vous targuez est largement optique, car elle repose pour l'essentiel sur la production de PLS, c’est-à-dire des logements intermédiaires. Dans le même temps, la production de PLUS n'a progressé que faiblement et celle des logements très sociaux PLAI a été sensiblement réduite.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – C’est faux !

M. Alain Cacheux – Pour relancer la production, nous devons modifier radicalement le dispositif Robien, dont l’utilité sociale reste à démontrer. Il faut d’autre part maintenir le dispositif de financement du logement social – livret A et centralisation de la collecte par la Caisse des Dépôts. Pourquoi, sur ce point, aller au-delà de ce que réclame la Commission européenne ? Il faut aussi relancer l'aide à la pierre sur crédits d'État, devenue symbolique – de l’ordre de 3 000 euros par logement PLUS – au point d’être inférieure aux montants de la TVA à taux réduit à acquitter pour construire ces logements. Je n’inclus évidemment pas dans l'aide de l'État l’application de ce taux réduit : le logement étant un bien de première nécessité, il faut lui appliquer la TVA des biens de première nécessité. Ne pas relancer l'aide à la pierre, c'est renvoyer aux collectivités locales la charge de financements complémentaires, devenus en fait les principaux.

Madame la ministre, nous avons besoin d’une véritable politique du logement qui réponde aux attentes de nos concitoyens. C'est bien à quoi tendent les propositions que vous font les socialistes et qu’ils souhaitent voir discuter au fond (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Mme Sylvie Andrieux – Cette proposition de loi est attendue par des millions de Français, tant la situation est grave : les difficultés de logement ne touchent plus seulement les plus modestes, mais aussi un grand nombre de ménages aux revenus moyens.

Voilà donc le résultat de la politique libérale menée par la droite depuis six ans : hausse insupportable des loyers pour les plus modestes et cadeaux fiscaux pour quelques nantis !

Il manque aujourd’hui en France 800 000 logements. Plus grave, le principe même du financement de l'habitat social est remis en cause par les menaces qui pèsent sur le livret A, même si vous vous êtes voulue rassurante sur ce point, Madame la ministre.

En six ans, les loyers ont augmenté de 28,8 % cependant que les aides au logement baissaient de 10 %. À Marseille, les prix de l’immobilier ont connu une hausse de près de 70 % en quatre ans ; plus de 30 000 demandes de logement social ne sont pas satisfaites ; alors que le plan local d’habitat 2006-2011 fixe pour objectif de construire 5 000 logements par an dont 1 000 logements sociaux, 3 000 seulement sortent de terre chaque année. Et, après avoir bradé le patrimoine de la ville au profit de la spéculation, voici que la municipalité découvre le problème quand plus de 80 % des Marseillais peuvent prétendre à un logement social !

Le logement est désormais la première cause de la perte de pouvoir d'achat de nos compatriotes. Les 15 milliards d'euros du paquet fiscal auraient pu être consacrés à un doublement des aides au logement et à l’accélération de la construction de logements à loyer abordable. Les dispositifs Robien et Borloo sont, hélas, la preuve flagrante de votre échec : aubaines fiscales pour les plus riches, ils ne font que permettre aux investisseurs de payer moins d'impôts sans atténuer en rien la pénurie de logement à loyers maîtrisés. J’arrêterai là ce constat, préférant consacrer le temps qui m’est imparti à faire de vraies propositions aux Français : il est urgent de réconcilier pouvoir d'achat et logement.

Bâtir des logements à prix abordable, réhabiliter l'habitat dégradé, augmenter les aides au logement des plus modestes, apporter un soutien au financement de la caution : voilà ce que font les élus socialistes dans leurs collectivités locales. Alors qu'il devrait être le garant du droit au logement, l'État, lui, se désengage.

Pour protéger nos concitoyens, les élus socialistes ont donc engagé la bataille du logement, des plus petits villages jusqu'à Paris.

M. Jean-François Lamour – Ah bon ? À Paris ?

Mme Sylvie Andrieux – Ils savent qu’il faut agir à tous les étages de l'édifice, de l'hébergement d'urgence au parc privé en passant par les HLM, l’accession à la propriété ou les résidences pour personnes âgées.

Nous avançons donc plusieurs propositions : instauration d'un « bouclier logement » pour que les locataires à revenus modestes ou victimes de difficultés financières, professionnelles ou familiales ne dépensent pas plus de 20 % de leur revenu pour leur logement ; gel des loyers pendant un an ; indexation des loyers sur les prix pendant la durée du bail, mais aussi pour les nouveaux locataires, sauf en cas de gros travaux.

Il faut rendre possible l'accession à la propriété. Or les prix de l’immobilier neuf ne permettent plus d’acheter un logement sans apport. Les élus socialistes ont donc lancé des politiques volontaristes. À Nantes, un prêt à taux zéro distribué par sept banques facilite l'accès à la propriété en réduisant le coût de l'emprunt. Il est complété par un dispositif entre les communes de Nantes Métropole et les promoteurs visant à prévenir les flambées spéculatives et à garantir le maintien de logements neufs à des prix abordables.

Le prix des logements doit être maîtrisé. L’accroissement de la population rend nécessaire la construction de 120 000 logements sociaux par an. Malgré le désengagement de l’État, les élus socialistes continuent donc de lancer et de soutenir des programmes de construction de logements HLM. Certaines collectivités versent en outre une aide financière aux organismes HLM intervenant sur leur territoire. D’autres rachètent des logements du parc privé pour les réhabiliter et les louer à un prix maîtrisé. Je pourrais aussi citer l’exemple du bel outil qu’est l’Établissement public foncier régional en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Il existe donc bien des solutions pour construire et proposer des logements abordables pour tous. Il suffit d’en avoir la volonté politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

La séance, suspendue à 11 heures 5, est reprise à 11 heures 10.

M. Jean-François Lamour – Je pense sincèrement que vous faites fausse route, Monsieur le rapporteur. Vous nous proposez ce matin des dispositifs particulièrement lourds et complexes. Je ne dis pas que vous découvrez la question du logement (Protestations sur les bancs du groupe SRC) - ce serait vous faire injure -, mais je constate que ce n’est qu’aujourd’hui que vous faites des propositions pour permettre aux Français de mieux se loger…

M. Daniel Mach – Enfin !

M. Jean-François Lamour – …d’accéder plus facilement à la propriété et de retrouver un système sécurisé de location.

À entendre le président Ayrault et M. Le Bouillonnec, nous ferions preuve de sectarisme alors que nous n’aurions rien fait. Nous ne vous avons pourtant pas attendus – ne vous en déplaise – pour prendre ce dossier à bras-le-corps !

Vous nous reprochez donc d'être passés en sept ans de 310 000 à 435 000 mises en chantier par an ; d'avoir financé plus de 108 000 logements sociaux en 2007, alors que vous en aviez financé seulement 42 000 en 2000 ; d'avoir créé l'Agence nationale de rénovation urbaine qui permettra la rénovation de 530 quartiers difficiles d’ici à 2013 ; d'avoir plus que triplé le nombre de logements à loyer maîtrisé grâce à l'ANAH. Vous nous reprochez enfin d'avoir lancé il y a quelques jours un grand programme de mobilisation des terrains publics pour la construction de plus de 70 000 logements, dont 40 % de logements sociaux.

Voilà donc votre stratégie d'opposition !

L'État est responsable de tous les maux quand cela vous arrange, et vous oubliez bien vite l'action du Gouvernement quand elle est bonne !

Vous nous parlez des zones urbaines denses, où la situation du logement est très tendue. Parlons donc de Paris et de ses 110 000 demandeurs de logement. Vous souhaitez renforcer les sanctions à l’encontre des communes qui ne respectent pas le seuil de logements sociaux. Que ne demandez-vous à vos collègues élus de la capitale, aux affaires depuis sept ans, pourquoi ils ont attendu si longtemps avant de se sentir concernés par ce sujet ? Ils ne parlent que de financement de logements sans jamais parler de constructions – alors que c’est là que le bât blesse ! Si constructions il y avait, l’État serait partenaire, ce que vous semblez oublier. Vous évoquez aussi les logements intermédiaires ; demandez donc à vos amis élus parisiens pourquoi de plus en plus nombreuses les familles aux revenus intermédiaires quittent la capitale, où elles ne peuvent plus se loger, en direction des communes limitrophes ! Il aura fallu attendre le début de sa seconde mandature pour entendre le maire de Paris annoncer qu'un tiers des logements prévus seraient des logements intermédiaires ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. Frédéric Cuvillier – Il suffit ! Nous ne sommes pas au conseil municipal de Paris !

M. Jean-François Lamour – Vous nous parlez encore d'améliorer les conditions dans lesquelles le parc privé peut être mobilisé pour les demandeurs prioritaires au sens de la loi DALO, oubliant que la mesure existe déjà, puisque Philippe Goujon et moi-même avons obtenu l’adoption d’un amendement en ce sens.

Vous nous parlez enfin de renforcer et de protéger l'accession à la propriété des ménages. Accordez-vous ! N’avons-nous pas entendu M. Caresche exposer que les habitants de Paris ont vocation à rester locataires ?

Comme d’habitude, vos propos et vos actes sont incohérents (Protestations sur les bancs du groupe SRC). L’heure n’est pas à présenter un nouveau catalogue de propositions et à empiler de nouveaux dispositifs sans avoir évalué ce qui fonctionne : ce qu’il faut, c’est appliquer un plan logement de long terme en confortant l’existant. C'est ce que le Gouvernement s'emploie à faire sans relâche depuis des mois. Croyez, Madame la ministre, que nous vous soutenons avec force et que nous continuerons de le faire, car votre action va dans le bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri – La crise du logement ne peut laisser personne indifférent, et il n’y a pas lieu de caricaturer notre proposition en la décrivant comme un inventaire ou un catalogue…

M. Daniel Mach – C’est pourtant ce qu’elle est !

M. Alain Néri – Que de mauvais esprit sur un sujet qui mériterait une réflexion sérieuse ! Je suis surpris de constater que le seul objectif de la majorité est d’éviter le débat, comme en témoigne la décision prise par la commission de ne pas passer à l’examen des articles. Mme la ministre est certes venue nous dire sa position ; je ne souhaite pas lui être désagréable, mais cela ne suffit pas. Sur pareil sujet, un débat parlementaire complet s’impose, et j’espère que la majorité se ressaisira.

Comment ne pas traiter au fond de l’indispensable réforme du Fonds de solidarité pour le logement, qui ne remplit pas son office ? L’article 6 de la proposition rétablit donc à juste titre un financement de ce fonds à parité par l’État et par les départements afin de le rendre véritablement universel, comme l’est l’APA – mais nous serons vigilants afin que l’État ne se désengage pas du logement social comme il l’a fait pour l’APA ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin – Quel exemple mal choisi, venant de vos bancs ! Il fallait oser !

M. Alain Néri – D’autre part, lors de l’examen de la loi DALO, j’avais proposé un amendement tendant à la création d’un Fonds national de garantie des loyers. Vous aviez, Madame la ministre, jugé l’idée « intéressante », mais vous entendez répondre à ce besoin par la « garantie du risque locatif » et nous ne voyons rien venir.

Mme Christine Boutin, ministre du logement – Attendez, attendez, nous y travaillons.

M. Alain Néri – Pour notre part, nous proposons, à l’article 8 du texte, la création d’un fonds de garantie universel et mutualiste contre les risques locatifs. La proposition peut être jugée trop ambitieuse - mais qu’au moins on en discute sans attendre ! Un tel dispositif permettrait de remettre immédiatement sur le marché d’innombrables logements que les propriétaires laissent vacants par peur de ne pas percevoir les loyers. Dans ma seule circonscription, ce sont 300 familles qui retrouveraient ainsi des conditions de vie décentes. Collègues de la majorité, il en va de la dignité des personnes. Passons à la discussion des articles, et agissons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Joël Giraud – Les récentes échéances électorales ont permis aux citoyens d'exprimer leur impatience face à la politique conduite par le Gouvernement. Au cours des réunions publiques, nous avons tous entendu des témoignages bouleversants, par dizaines, qui montrent que le logement est au nombre des principales préoccupations de tous nos citoyens. Je ne pense pas que seuls les élus de gauche les aient entendus, mais nos collègues de la majorité ont parfois l'écoute sélective. Notre proposition est ambitieuse, généreuse et réaliste. Ambitieuse car elle appréhende le problème du logement dans sa globalité ; généreuse car elle accroît l'aide apportée aux ménages les plus modestes ; réaliste car elle garantit les moyens attribués au logement social, notamment par le livret A.

La majorité est manifestement plus sensible aux chuchotements des bénéficiaires des cadeaux fiscaux de l'été 2007 qu'aux protestations véhémentes des ménages qui peinent à payer leur loyer. Pourtant, la flambée de l'immobilier qui dure depuis près de dix ans touche toutes les catégories de population et tous les territoires – et non Paris, Lyon et Marseille uniquement ! En particulier, nous sommes nombreux à nous inquiéter de la maîtrise du foncier dans les territoires de montagne, que ce soit au sein de l'Association nationale des élus de la montagne ou du Conseil national de la montagne – que le Gouvernement a jugé bon de mettre en sommeil.

À la montagne se conjuguent aux effets de la stagnation du pouvoir d’achat ceux d’une spéculation exacerbée par l'internationalisation du tourisme, de la rareté de l'espace et des enjeux environnementaux. Ainsi, en 2004, dans les Hautes-Alpes, le revenu moyen par ménage et par an était de 2 000 euros inférieur à la moyenne nationale, mais le prix moyen du mètre carré loué y était de 200 euros supérieur à la moyenne nationale. En résumé, les revenus sont les plus faibles dans une zone où les loyers sont les plus élevés. Depuis, l’écart n’a cessé de se creuser, et les derniers programmes immobiliers lancés à Briançon par des investisseurs britanniques, dont j’ai bien compris qu’il ne faut pas les décourager, aboutissent à proposer des logements à 6 500 euros le mètre carré - excusez du peu !

Outre les résidents permanents, les travailleurs du tourisme souffrent particulièrement des effets croisés de la spéculation immobilière et d’un faible pouvoir d'achat. Il y a là un triple enjeu – social, économique et territorial – qui demande un engagement fort de l'État. Enjeu social d’abord car, comme dans les grandes villes, le manque de logements conduit à l'exclusion. Au mieux, le travailleur saisonnier se logera, à l’ubac, dans des logements exigus, des recoins aveugles, des habitations insalubres où il subira une cohabitation forcée, et parfois même dans des camions usagés, voire des camions frigorifiques dont on a bricolé l’inversion du système de chauffage, cependant que les meilleurs emplacements, en adret, sont réservés à des résidences secondaires occupées deux ou trois semaines par an et dont le prix d'acquisition élevé permet aux promoteurs de prospérer.

Cette situation indigne ne doit pas perdurer. L’article 3 de la proposition, en supprimant le mois de carence préalable au versement de l’aide au logement – cette si étrange sanction pécuniaire à la mobilité professionnelle ! – rétablit une certaine justice.

Par ailleurs, en montagne, le chauffage représente un poste budgétaire si important que le montant des charges est souvent aussi important que le loyer, sinon davantage. Or ces dépenses ne font l’objet d'aucune aide au logement, celles-ci étant calculées sur le seul montant des loyers. Comme le prévoit l’article 4 de la proposition, le seuil plancher doit être supprimé.

Les mesures figurant aux articles 8, 9 et 10 relatifs aux cautions faciliteraient également l’accès des saisonniers à un logement.

Il y a également là un enjeu économique car sans logement décent, il est difficile de fidéliser les travailleurs, ainsi qu’un enjeu territorial qui intéresse directement l’État. En effet, les équilibres territoriaux sont menacés du fait que ces travailleurs ne peuvent vivre sur place. Les collectivités les plus éloignées et les moins aisées doivent alors réaliser des investissements structurants sans les aides de l’État auxquelles elles devraient avoir droit car l’État, il faut le savoir, ne subventionne plus le logement des saisonniers.

Face à cette situation, il faut rompre avec le laisser-faire. Depuis 2002, la spéculation foncière rapporte plus à l’État qu’elle ne lui coûte, mais rien de ces profits n’a été redistribué ni aux ménages ni aux territoires. La maîtrise du foncier est un enjeu majeur pour notre pays, encore plus pour nos zones de montagne. La présente proposition de loi comporte des mesures concrètes permettant de l’assurer. C’est pourquoi je demande à tous mes collègues des zones touristiques et de montagne, bien au-delà du groupe SRC, de la voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Étienne Pinte – La proposition de loi de nos collègues socialistes vient à point nommé pour alimenter et enrichir notre réflexion sur le logement social (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Depuis la loi Solidarité et renouvellement urbain de 2000 et son application à partir de 2002, la majorité actuelle a beaucoup légiféré en matière de logement pour rattraper une trentaine d'années de retard. Certes, la loi d'orientation pour la ville de 1990 présentée par Louis Besson, alors ministre du logement, avait introduit l’exigence de 20 % de logements sociaux, mais en donnant de ceux-ci une définition si souple que beaucoup de communes, dont la mienne, atteignaient ces fameux 20 %. En 1996, sous le gouvernement d’Alain Juppé, la majorité de l'époque, considérant que la loi précédente n'avait pas été assez incitative, a modifié la définition du logement social, ce qui a accru le nombre de communes n'atteignant pas le seuil de 20 %. Mais la nouvelle loi était encore insuffisante puisqu'elle ne prévoyait aucune pénalité en cas de carence. C'est la loi Solidarité et renouvellement urbain qui a encore revu la définition du logement social et, cette fois, édicté des pénalités pour les communes réticentes à réaliser des logements sociaux.

La succession de ces lois, encore suivies d’autres, démontre que nous n'avons pas su répondre aux besoins exprimés par les Français. Nous avons tous – je dis bien tous – été imprévoyants. Nous avons de surcroît perturbé la production de logements sociaux car on ne change pas la règle du jeu à chaque changement de majorité, sachant qu'une politique de construction se conduit sur le long terme.

Il a fallu les cris de l'Abbé Pierre, les tentes des Enfants de Don Quichotte pour nous rappeler qu'un toit pour chacun est la condition d'une vie harmonieuse, d'une formation sereine pour les enfants, d'une sécurité pour le lendemain et d'un avenir professionnel stable pour les adultes. Ces piqûres de rappel ont été salutaires. Elles doivent être notre vade-mecum, notre feuille de route permanente.

La présente proposition de loi est une contribution à notre travail à tous. Elle participe d’une nouvelle étape de notre action en matière de logement. Le Premier ministre m'a confié la mission d'approfondir notre réflexion sur l'hébergement d'urgence, l'accès au logement social et l'application de la loi DALO. Je lui ai remis en urgence, en janvier, mes premières propositions, que la ministre du logement et de la ville, le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et lui-même ont faites leurs.

Je propose trois grandes orientations. La première est de ne plus alimenter la rue en sans-domicile-fixe ; la deuxième de reconquérir la rue pour ceux qui y ont élu domicile, la troisième enfin de se donner les moyens d'accroître le nombre de logements sociaux pour pouvoir appliquer la loi DALO d'ici à la fin de l'année. Le Premier ministre a débloqué pour ce faire 250 millions d'euros supplémentaires. À ceux qui estiment que ce n'est pas suffisant, je réponds : « Dépensons d'abord les 950 millions d'euros votés dans le cadre de la loi de finances pour 2008 auxquels s’ajoutent ces 250 millions, soit 1,2 milliard, avant de demander plus », d’autant que le Premier ministre a assuré qu’il abonderait les crédits si ceux-ci se révélaient insuffisants d'ici à la fin de l'année.

Pour autant, des lois et des règlements ne suffisent pas à construire des logements (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). C'est l'affaire de tous, des collectivités locales, des bailleurs sociaux, des promoteurs, des associations et, en définitive, de chaque citoyen. Une volonté politique est indispensable à tous les niveaux. Nous devons absolument convaincre ceux de nos concitoyens qui y sont hostiles qu'il est impératif d'augmenter la production de logements sociaux, surtout très sociaux, et ce dans tous les quartiers (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC). Il n'est pas normal que 30 % des personnes actuellement hébergées en CHRS soient des travailleurs pauvres, qui ne gagnent pas assez pour trouver un logement très social.

Il faut également accroître l'offre d'hébergement et de logements de transition pour tous ceux qui vivent aujourd'hui dans la précarité ou dans la rue. Il faut développer les maisons-relais, sorte de pensions de famille qui sont des lieux de vie remarquables pour accueillir les personnes fragiles qui ne peuvent vivre seules et doivent être accompagnées sur le plan social.

Les élus locaux ont une responsabilité primordiale en matière de logement social et chacun d’entre eux doit se sentir concerné. Pour les plus récalcitrants, il faudra probablement durcir les pénalités et rendre obligatoire la présence de 20 % de logements sociaux dans toute nouvelle opération immobilière.

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Très bien !

M. Étienne Pinte – Trop de communes se défaussent sur leurs voisines de la structure intercommunale ou s’abritent derrière l'opposition de certains de leurs habitants. Trop de bailleurs sociaux privilégient les logements sociaux intermédiaires au prétexte qu'ils sont destinés à des locataires plus solvables. Trop peu de promoteurs incluent dans tout programme d'au moins dix logements au moins deux logements sociaux. Trop de nos concitoyens engagent des recours devant les tribunaux pour s'opposer à de l'habitat social alors qu'ils en auront besoin un jour ou l'autre pour leur famille, pour les auxiliaires de vie qui prendront soin d'eux ou les personnes qui garderont leurs enfants.

Telles sont les orientations du rapport que je remettrai au Premier ministre d'ici à la fin du mois de juin et qui devrait contribuer à l'élaboration du projet de loi que la ministre du logement et de la ville prépare à la demande du Premier ministre.

Comme la formation, l’emploi et la santé, le logement doit être un chantier national prioritaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de très nombreux bancs du groupe SRC)

M. Marcel Rogemont – Remarquable intervention à laquelle il ne manque qu’une conclusion !

M. Marc Goua – S’agissant de la comparaison entre le nombre de logements sociaux entre 2000 et 2007, il me semble que l’on confond le nombre de logements construits en 2000 et le nombre de logements financés en 2007. Or, si mes informations sont exactes, on sera plus près de 50 000 que de 100 000 logements construits en 2007. Il y a donc un abus de langage.

Mme Christine Boutin, ministre du logement  – Pas du tout.

M. Marc Goua – Si, d’autant que les préfets ont financé des programmes pour ainsi dire hors sol, c’est-à-dire pour lesquels les terrains ne sont pas encore trouvés.

Pour ce qui est de Paris, alors qu’avant 2001 la capitale avait perdu 150 000 habitants, elle en a regagné depuis entre 22 000 et 40 000 et 35 000 logements sociaux ont été construits depuis lors. Le bilan est donc plutôt positif.

Nos concitoyens connaissent de graves difficultés : leur pouvoir d’achat est érodé par la hausse des produits de première nécessité et de l’énergie – dont témoigne une inflation qui s’établit à 3,5 % en mars, calculée sur les douze derniers mois –, conjuguée à une revalorisation insuffisante des salaires et des retraites. À cela s’ajoute la hausse des loyers et des charges consécutive notamment à un doublement en dix ans du coût de la construction.

La crise du logement ne touche plus uniquement les plus modestes ni les grandes métropoles. Dans la communauté d’agglomération que je préside en Anjou, on dénombre 12 000 demandes de logement social non satisfaites… Le constat est alarmant, et la politique menée depuis 2002 a contribué à aggraver la situation. Et ce n’est pas votre arrivée aux responsabilités en 2007, Madame la ministre, qui a permis de renverser la tendance, en dépit de l’annonce d’un projet de loi qui était d’ailleurs prévu en avril et ne sera au mieux présenté qu’à partir de juillet.

À l’opposé de l’illusoire et hypothétique droit au logement opposable institué en 2007, dont vous ne cessez de vous féliciter alors qu’il est vide de sens, nous examinons aujourd’hui des mesures concrètes, permettant d’aller vers un droit au logement effectif. Il faut sortir de l’impasse dans laquelle vous nous conduisez en réduisant votre politique du logement à la seule accession à la propriété. Vous vous bornez à appeler de vos vœux une France de propriétaires, en négligeant les locataires qui peinent à faire face à des dépenses de plus en plus lourdes.

Le logement est le premier poste de dépense des ménages, et donc la première raison de l’érosion de leur pouvoir d’achat. L’augmentation des loyers a été sans précédent, atteignant 28,8 % en six ans, de même que celle des charges – 44 % entre 1995 et 2005 et 40 % pour l’énergie et l’eau sur la même période. Il n’est pas rare désormais que le loyer absorbe 40 %, 50 %, voire 70 %, des revenus d’un ménage !

Depuis 2002, votre majorité a refusé toute revalorisation substantielle des aides personnelles au logement, n’acceptant finalement, sous la pression des socialistes, que d’inscrire dans la loi le principe de leur indexation sur l’indice de référence des loyers. Or, ces aides, qui bénéficient à plus de six millions d’allocataires et pour les trois quarts à des ménages dont les revenus sont inférieurs au SMIC, contribuent fortement à la solvabilisation des locataires et à la prévention des exclusions. Le Gouvernement aurait dû compenser la hausse effrénée des loyers en les revalorisant. À cet égard, la stagnation des crédits inscrits à cet effet dans la dernière loi de finances est proprement incompréhensible : en effet, 300 000 nouveaux ménages arrivent chaque année sur le marché du logement, dont la moitié peuvent prétendre à une aide.

Alors que de plus en plus de ménages sont en difficulté, vous avez au contraire durci les critères d’accès aux aides. La Confédération nationale du logement estime que les APL devraient être augmentées d’au moins 20 % vu le retard accumulé depuis des années. Puisque nous partageons tous le constat, je ne comprends pas que nous n’arrivions pas à la même conclusion…

Notre proposition d’un bouclier logement plafonnant cette dépense à 25 % des revenus pour les ménages en deçà d’un certain seuil de revenus prend dans ce contexte une acuité particulière.

Nous vous demandons donc, en attendant une grande réforme, d’augmenter le montant de l’APL. Dans notre texte, nous proposons de le faire en proportion de la diminution du pouvoir d’achat subie par les allocataires entre 2000 et 2007. Nous proposons aussi de supprimer le plancher de 15 euros en deçà duquel l’APL n’est pas versée, et, pour diminuer le coût administratif, de payer l’aide une fois par trimestre. L’effet serait immédiat et permettrait d’éviter cette accélération considérable des expulsions que je constate depuis le 20 mars dernier.

Les caisses sont vides, a déclaré le Président. C’est lui qui les a vidées en déversant sur les plus nantis 15 milliards qui auraient pu servir à augmenter l’APL. Cette proposition vise à redonner du pouvoir d’achat aux plus modestes et à mieux protéger les locataires tout en soutenant la construction de logements sociaux. L’adopter permettrait de répondre à la situation indigne que nous connaissons, avec tant de mal logés et de plus en plus d’expulsions. Nous sommes d’accord sur le constat. Décidons ensemble les mesures d’urgence attendues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Olivier Carré – Le logement est cher. Il pèse sur le budget des ménages déjà malmené par les hausses de l’essence, du chauffage, de l’alimentation. Le logement est en crise. Mais il y a comme une habileté à présenter dans l’urgence un certain nombre de mesures comme si rien n’avait été fait ces dernières années.

Depuis le vote de la loi SRU, les trois étapes majeures de la politique du logement ont été la création de l’ANRU, puis la délégation des aides à la pierre, la loi ENL et le plan de cohésion sociale, et enfin la reconnaissance du droit opposable au logement. En quelques années, les financements les plus nécessaires, ceux du renouvellement urbain, ont été sanctuarisés à une hauteur inégalée depuis 40 ans. La politique de l’habitat a été déléguée au plus près du terrain, et le droit opposable au logement inscrit dans la loi et mis en œuvre depuis le 1er janvier.

Cette véritable révolution n’est pas pour rien dans la hausse de 40 % des mises en chantier de 2000 à 2007 et dans le quasi-doublement des permis de construire attribués aux bailleurs sociaux depuis cinq ans. Ainsi près d’un million de logements ont été construits ou livrés depuis 2006. Nous n’avions pas connu une telle situation depuis trente ans !

Cependant, la crise immobilière venue des États-Unis risque d’aggraver la crise du logement en freinant les mises en chantier et la libération du foncier, asséchant l’offre nouvelle à terme. Dans les années 1990, une telle crise avait abouti à une forte baisse de la construction entre 1997 et 2002, que le gouvernement de l’époque n’avait pas su anticiper. Nous devons, nous, nous en prémunir, et nous le pouvons, en nous appuyant sur le réseau d’acteurs locaux, intercommunalités et départements, qui mènent leur propre politique de l’habitat, dans le cadre de contrats avec l’État. Il faut surtout éviter que ne soit remis en cause le redressement de la construction qui est en cours. Deux mesures y aideront.

D’abord, il faut décider si les aides à la pierre, actuellement partagées, reviendront à l’État ou aux collectivités territoriales. Ces dernières connaissent mieux le terrain. En quelques années, Nantes, Bordeaux, Marseille, Rennes, ont montré leur efficacité dans ce domaine. Pour éviter que la crise immobilière ne se transforme en crise du logement, il faut donner aux collectivités le statut de véritables autorités organisatrices de l’habitat, dotées des pouvoirs et des moyens financiers nécessaires.

En second lieu, il faut donner aux bailleurs sociaux le moyen de mieux gérer leur patrimoine, par exemple en passant plus vite qu’aujourd’hui des contrats de construction avec des opérateurs privés, en utilisant la vente en état futur d’achèvement et les partenariats public-privé. Il faut quatre à cinq ans entre la décision de construire et l’installation des premiers locataires. Cette durée pourrait être réduite de moitié. Il faut que ces organismes soient prêts à saisir les occasions sur le marché de l’immobilier quand celui-ci sera redevenu accessible, au bénéfice de leurs futurs locataires.

Conforter le rôle des collectivités et des bailleurs sociaux n’a rien de technocratique. En effet, au-delà de l’urgence, il faut nous demander pourquoi nous sommes l’un des pays qui a à la fois le plus de logements sociaux et le plus de mal logés, pourquoi il est si difficile, chez nous, d’avoir un parcours résidentiel correct. Ces quelques mesures ne résoudront pas le problème. Mais une politique du logement a besoin de temps et de stabilité juridique. Les mesures importantes de ces dernières années portent leurs fruits. Si l’État manifeste qu’il a confiance en eux, les acteurs du logement se mobiliseront et nous permettront de traverser la crise immobilière qui est inéluctable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur – Madame la ministre, vous m’avez reproché de jeter l’anathème, et je dois dire que vous n’êtes pas la première ministre du logement à le faire depuis sept ans. C’est injuste. Vous-même, et la grande majorité de nos collègues ont partagé le constat que j’ai dressé.

En second lieu, Monsieur Lamour, je n’ai jamais dit que rien n’avait été fait, même si je n’ai pas eu le temps d’évoquer les mesures prises. Simplement, les trois gouvernements qui viennent de se succéder se sont donné des instruments de nature libérale pour agir. C’est tout le problème : cette stratégie libérale se solde par un échec.

Pourquoi avons-nous présenté cette proposition ? Depuis sept ans, nous participons très sérieusement à tous les débats sur le logement et déposons des amendements raisonnables (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), dont quelques-uns ont d’ailleurs été retenus, ce dont je me réjouis. Or, Madame la ministre, vous avez dit à plusieurs reprises en commission que vous ne déposeriez pas de projet de loi. C’est pourquoi nous avons repris dans cette proposition l’ensemble des mesures que nous souhaitions voir appliquer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Christine Boutin, ministre du logement Je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs pour la qualité de ce débat. Il était nécessaire et a été mené de façon responsable. Nous sommes tous parvenus à la même conclusion : il existe une crise du logement (Exclamations et quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et il convient d’y répondre.

Monsieur Goldberg, dans mon discours, j’ai répondu pour l’essentiel aux questions que vous avez soulevées. En outre, un nouveau pacte social est proposé, fondé sur une convention d’utilité sociale ; en abaissant le plancher, on reviendrait à la situation antérieure aux 35 heures et à la revalorisation mécanique du SMIC, dont nul n’ignore les conséquences désastreuses.

Monsieur Gosnat, je regrette que vous ayez critiqué le Village de l’espoir, dispositif appelé à s’étendre, car il offre aux personnes désocialisées un espace de transition préparant le retour au logement classique. Il ne s’agit pas d’un dépotoir ! Quant au livret A et au « 1 % logement », soyez sans crainte : je veille à la préservation des intérêts du logement. Mais, même si je ne doute pas que nous pourrons tomber d’accord sur certains points lors de l’examen du futur projet de loi, il est parfaitement irréaliste de proposer de revaloriser de 20 % les aides au logement et de geler les loyers.

S’agissant du logement étudiant – dont je n’ai pas parlé tout à l’heure parce que la proposition de loi n’en traite pas –, Mme Pécresse et moi-même nous appuierons sur le travail de M. Anciaux pour formuler des propositions concrètes.

Monsieur Folliot, vous avez insisté à juste titre, comme plusieurs autres orateurs, sur les disparités territoriales. Quant au développement du dispositif efficace que constitue la garantie du risque locatif, le Président de la République le souhaite, car il devrait faire diminuer le nombre d’expulsions, voire faire disparaître celles-ci.

Pour ce qui est des orientations du futur projet de loi, le Gouvernement souhaite encourager les maires bâtisseurs, notamment grâce à la convention de mixité sociale décidée lors du dernier CIDOL, et permettre la cession de terrains par l’État – mesure que j’aurais aimé entendre saluer, car il en était question depuis des années.

Monsieur Piron, votre connaissance approfondie des enjeux, issue d’un long travail auprès des élus, des associations et des professionnels de l’immobilier, nourrit votre juste analyse des disparités entre territoires et de la saturation de certaines régions – Île-de-France, PACA, Rhône-Alpes et Nord-Pas de Calais. Pour résoudre ces problèmes, il faut nouer des partenariats avec les collectivités locales et procéder à des délégations s’agissant des politiques déterritorialisées. Enfin, je ne désespère pas de vous convaincre de l’efficacité du « pass » foncier !

Monsieur Cacheux, à l’époque où M. Jospin était au pouvoir, vous avez montré dans un excellent rapport que l’on ne construisait pas assez de logements sociaux. Or c’est la majorité actuelle qui, traduisant ce constat en actes, a fortement développé le logement social en se fondant sur la première loi de programmation dans le secteur du logement. De fait, pour résoudre ce problème que tous s’accordent à reconnaître, il faut du temps ; mais reconnaissez que la majorité a relevé votre défi.

Madame Andrieux, vous avez insisté sur la nécessité de développer les politiques locales par le partenariat, rejoignant ainsi M. Piron ; or c’est précisément ce que nous faisons, notamment grâce aux délégations d’aides à la pierre, qui concernent plus de 50 % du territoire.

Monsieur Lamour, je vous remercie d’avoir rappelé avec précision le travail fourni par le Gouvernement en la matière et de l’avoir soutenu, fort de votre connaissance du dossier, par l’amendement « Goujon-Lamour », qui permet aux personnes désocialisées de se loger. Merci, Messieurs !

Monsieur Néri, vous avez évoqué le Fonds de solidarité pour le logement et la garantie des risques locatifs. Je vous sais gré d’avoir insisté sur la relation entre locataires et propriétaires : nous devons cesser d’opposer les premiers aux seconds, ou le public au privé, car la chaîne du logement est une chaîne de solidarité qui risque d’être tout entière brisée si un maillon vient à se rompre. Quant à la garantie des risques locatifs, qui existe depuis 2007, nous devons en améliorer le fonctionnement et en étendre le bénéfice.

Monsieur Giraud, merci d’avoir évoqué un problème grave sur lequel le texte n’est pas explicite ; le projet de loi que nous vous présenterons consacrera à la montagne des mesures spécifiques.

Monsieur Pinte, vous avez évoqué avec votre pertinence habituelle l’action en faveur des plus fragiles, à propos de laquelle le Premier ministre et moi-même vous avons confié une mission, et l’application stricte de la loi SRU. Votre admirable combat politique contre l’égoïsme me fournit l’occasion de souligner, après d’autres orateurs, que le problème du logement concerne chaque citoyen. Je condamne donc les abus de certaines associations de défense qui opposent des recours à tous les projets immobiliers de certains élus.

Monsieur Goua, votre discours était si éloigné de la réalité qu’il semblait sacrifier à la tradition du poisson d’avril ! Les chiffres que j’ai annoncés concernent bien les mises en chantier et sont donc comparables aux chiffres de 2000.

Monsieur Carré, vous avez diagnostiqué à juste titre, sans complaisance, la crise immobilière.

Enfin, si je remercie M. Le Bouillonnec et l’ensemble de la gauche d’avoir permis ce débat, qui était nécessaire, la mobilisation en faveur du logement exige un texte cohérent. Je confirme donc que je ne souhaite pas que nous passions à l’examen des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Concernant le vote sur le passage à la discussion des articles, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public. Nous en venons aux explications de vote.

M. Michel Piron – La question du logement est non seulement importante, mais primordiale : nous en sommes tous d’accord. Elle mérite d’être débattue, et c’est ce que nous faisons, semaine après semaine, au sein des instances nationales comme au niveau local. Faut-il pour autant improviser de nouveaux textes, après la loi ENL, la loi sur la cohésion sociale et la loi DALO, sans parler de l’ANRU ? L’essentiel n’est-il pas de construire ?

Si certaines règles doivent être améliorées, notamment s’agissant de l’offre foncière, des risques locatifs ou des économies d’énergie, plusieurs études et évaluations s’y consacrent déjà, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Le moment est mal choisi pour créer de nouvelles charges non évaluées ; la politique du logement est de celles qui demandent du temps. Voilà pourquoi nous ne saurions examiner les articles de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marcel Rogemont – Pour les familles auxquelles un logement décent et abordable fait défaut, il y a urgence. Tous le reconnaissent, au moins dans leurs discours – même vous, Madame la ministre. Il y a urgence pour les sans-logis et les mal logés. Il y a urgence face à l’augmentation redoutable du coût de l'immobilier, à l’achat comme à la location, qui repousse les couches populaires et intermédiaires sans cesse plus loin des villes – ce qui les contraints à des déplacements coûteux. Il y a urgence enfin parce que le logement absorbe jusqu’à 50 % du budget des ménages.

Face à cette situation intolérable, les socialistes, dans le droit fil des lois Quilliot, Mermaz, Besson ou SRU, proposent des mesures claires et efficaces : limitation de la hausse des loyers ; revalorisation des aides au logement afin de préserver le pouvoir d'achat des ménages ; aide aux accédants à la propriété ; réforme du FSL ; couverture du risque locatif ; majoration du prêt à taux zéro ; consolidation du financement du logement social par le relèvement du plafond du livret A ; soutien à la construction de logements sociaux, en sanctionnant les communes qui ne respectent pas le seuil de 20 %, en les forçant le cas échéant à construire par une action publique de substitution et en partageant la plus-value foncière liée au caractère constructible d'un terrain.

En somme, nous sommes prêts à débattre, à voter, à agir, mais vous ne nous opposez que palabres ! Pour vous, il est urgent d’attendre ! Mais qui décide de l'ordre du jour du Parlement, sinon vous ? Qui bénéficie des services de l'administration ? Qui dispose donc, depuis plusieurs mois, de la possibilité de traduire cette urgence en loi ? Et pourtant, ce sont les socialistes qui font des propositions concrètes ! Vous avez tous les moyens d’agir mais, une fois de plus, vous choisissez d’attendre et meublez le temps qui passe en invoquant des statistiques incomplètes afin de faire porter à d’autres la responsabilité de votre inaction. Ainsi, le nombre de logements construits a certes augmenté d’environ 100 000 unités entre 2000 et 2006 mais, dans le même temps, le nombre de logements sociaux, ne passant que de 35 802 à 37 945, stagnait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) En outre, M. Pinte l’a rappelé à juste titre, ce sont les collectivités territoriales qui fournissent le gros de l’effort. Ainsi, l’agglomération rennaise consacre quarante millions au logement, et le conseil général d’Ille-et-Vilaine dépense onze millions pour la construction de logements sociaux, alors que l’État, lui, n’en consent que cinq dans ce département ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Pire encore, vous utilisez des informations lapidaires pour laisser croire que les familles aisées qui occupent des HLM sont responsables des listes d’attente et de la pénurie. N’a-t-on pas déjà entendu ce discours de votre part, lorsque vous accusez les chômeurs de refuser du travail pour profiter des allocations et, ainsi, entretenir le taux de chômage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ? De telles accusations sont intolérables !

Aujourd’hui, il y a urgence. C’est le rôle du Parlement, de l’opposition, de l’ensemble des députés que de proposer, de débattre et de voter. J’appelle l’ensemble des mes collègues à poursuivre l’examen de l’excellente proposition de loi que nous a présentée M. Le Bouillonnec, à qui je tiens ici à rendre hommage. Faisons notre travail d’élus de la nation avec humilité, ferveur et disponibilité, discutons et décidons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est décidé : ce sera non !

M. Philippe Folliot – La question du logement, parce qu’elle affecte la vie quotidienne de nos concitoyens, est essentielle, et la présence de tant de parlementaires dans l’hémicycle en témoigne.

Mme la ministre nous a apporté plusieurs précisions très utiles lors de son intervention. Depuis plusieurs décennies, nous adoptons chaque année ou presque des textes relatifs au logement : certains sont utiles, voire indispensables, d’autres redondants ou lacunaires. La lisibilité d’ensemble de notre action s’en ressent. Nos collègues socialistes invoquent l’urgence : certes, elle existe, mais ne vaut-il mieux pas privilégier la cohérence et travailler davantage afin d’améliorer le texte qu’ils nous présentent et qui, en l’état, n’est qu’un patchwork de mesures inégales, tantôt bienvenues, tantôt inutiles ? Il serait préférable de mener une action plus en phase avec les grandes orientations du Gouvernement. C’est pourquoi les élus du Nouveau Centre voteront contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François de Rugy – Les députés verts, eux, soutiennent le texte que nous a brillamment présenté M. Le Bouillonnec. C’est le rôle de l'Assemblée nationale que de débattre et de voter, a fortiori sur des sujets aussi cruciaux que le logement. Nous recevons tous dans nos circonscriptions des gens qui n’en peuvent plus d’attendre un logement. Qu’attend le Gouvernement pour agir, alors que sa politique vient d’être clairement désavouée par les urnes ? Que ne tirez-vous les leçons de cet échec ? Pourquoi systématiquement refuser nos propositions, qui sont pourtant bonnes ? Cessez donc de vous faire hara-kiri, vous voyez où cela vous mène ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Votre passivité en matière de logement social est douloureusement ressentie par nos concitoyens, qui attendent des mesures concrètes afin de rendre le logement abordable pour tous et de favoriser l’accession des classes moyennes à la propriété. Débat après débat, nous avons multiplié les propositions, en matière énergétique notamment, mais vous les avez toujours refusées. Pourtant, elles nous éviteraient non seulement de perdre un temps précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais augmenteraient aussi le pouvoir d’achat des Français, amputé par les dépenses de logement. Voilà pourquoi le groupe GDR votera en faveur de l’examen de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. le Président – La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3, du Règlement, est invitée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi. Je précise que j’ai été saisi d’un certain nombre de délégations de vote.

À la majorité de 245 voix contre 187 sur 432 votants et 432 suffrages exprimés, l’Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.

M. le Président – En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Prochaine séance : cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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