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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 2 avril 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
129ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

ARTICLE PREMIER (SUITE)

M. Yanick Paternotte – Je voudrais dire à nos collègues de l’opposition que, sur ce projet de loi, nous ne sommes pas drapés dans nos certitudes.

Le mot que je retiens de l’article premier, c’est celui de « liberté » ; c’est lui qui sous-tend l’article et l’ensemble du projet de loi. Au fond, je ne suis pas surpris de la démonstration de certains, qui consiste à dire que puisque nous n’avons aucune preuve de l’innocuité des OGM, il faut refuser toute culture en plein champ. Or l’axiome est faux. On pourrait dire, à l’inverse, que puisqu’il n’y a pas de risque avéré, les cultures en plein champ ne posent pas problème. Chers collègues, ce n’est pas parce que le bulletin météorologique du lendemain m’annonce qu’il n’y aura pas averse que j’en conclus qu’il fera beau temps.

M. Germinal Peiro – Très bien !

M. Yanick Paternotte – Un tel syllogisme ne peut servir à défendre une quelconque position.

Sachons faire la part des choses ; dans ce débat, qui est plus sociétal que scientifique, ne tombons pas dans une nouvelle controverse de Valladolid. Puisque, tout à l’heure, M. Debré évoquait le possible usage médicamenteux des OGM, je souhaite vous rapporter une controverse qu’a connue la profession de pharmacien. Pendant longtemps, l’humanité s’est servie de médicaments issus de la nature ; on se transmettait les remèdes de grand-mères de génération en génération, et les sorciers qui en connaissaient l’usage étaient en même temps les chefs du village. Puis, il y a un siècle, sont apparus des médicaments issus de la recherche, et la controverse a éclaté : ces médicaments chimiques étaient-ils dangereux ou non ? Fallait-il s’abandonner au modernisme en utilisant des molécules de synthèse ou rester dans le cadre de la pure chimie végétale ? Notre débat me fait furieusement penser à cette controverse. Je vous invite à ne pas céder au catastrophisme, à être optimistes et à adopter cet article, dont le maître mot est « liberté » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Folliot – Je ne suis moi non plus pas exempt de doute, et nous avons besoin, sur un sujet aussi essentiel, de recul. Personnellement, je préfère adopter cet article, somme toute équilibré, pour en finir avec l’hypocrisie. En 2006, 10 000 hectares de plantes génétiquement modifiées étaient cultivées dans notre pays ; ne faisons pas comme si rien ne s’était passé ! Adopter des garde-fous est au contraire nécessaire.

Sans vouloir revenir sur ce qu’un certain sénateur a pu affirmer, qu’il me soit cependant permis de souligner que les uns et les autres nous exprimons en notre âme et conscience ; nous ne pouvons laisser dire qu’à partir du moment où nous défendrions certaines positions, nous serions sous l’influence de multinationales américaines. Cela d’autant plus qu’un enjeu de ce texte est justement l’avenir de la filière semencière française ! Et je préfère un système dans lequel nos agriculteurs aient le choix entre des entreprises américaines et françaises plutôt qu’un autre où seules les dernières existeraient. Si nous ne faisons rien, le choix risque, à terme, de n’être plus possible. Hier, notre collègue du Puy-de-Dôme exprimait ses craintes quant à la délocalisation possible d’un groupe comme Limagrain ; cela n’est pas une bonne nouvelle !

Je voudrais revenir sur la question de la faim dans les pays en voie de développement. Sachez qu’il existe 1,100 milliard d’agriculteurs pour seulement 29 millions de tracteurs. Le modèle agricole des pays du Nord n’est pas transposable au Sud.

Nous avons été un certain nombre de membres de la mission parlementaire sur les OGM à nous rendre en 2005 aux États-Unis, où nous avons pu visiter le Donald Danforth Plant Science Center, une organisation non gouvernementale dont le but est de développer la recherche afin que des plantes génétiquement modifiées puissent fixer l’azote, résister au stress climatique et aux maladies. Il est essentiel de poursuivre la recherche dans cette direction.

M. François Brottes – M. Paternotte parle de liberté. Mais la liberté de fabriquer des OGM détruit la liberté de produire sans OGM ! Je voudrais faire un rappel au Règlement, Monsieur le Président. Vous venez de nous indiquer que l’urgence avait été déclarée sur ce texte. Or M. le rapporteur a affirmé qu’il n’était pas dans l’intention du Gouvernement de le discuter selon cette procédure. Pouvons-nous avoir un engagement du ministre en ce sens ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Je vous confirme que la CMP ne sera pas convoquée et que la navette suivra son cours. Le Premier ministre s’y est engagé ; sa parole est d’or.

M. André Chassaigne – M. Grosdidier a indiqué que voter le premier article ne lui poserait pas de problème. Je ne suis pas loin de partager son avis. Cet article est purement et simplement un acte de foi (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Mais il comporte deux défauts : le péché originel et l’acte de contrition (sourires).

Le péché originel niche dans le deuxième alinéa. Vous avez mangé les fruits de l’arbre de la connaissance, Monsieur le ministre, en définissant ce qui doit conditionner la culture, la commercialisation et l’utilisation des OGM. Mais vous avez occulté la dimension de la production agricole et de son organisation économique. En effet, l’approche de la question diffère selon qu’il s’agit de petites parcelles – 0,5 hectare en moyenne dans ma circonscription – ou de grandes exploitations de plusieurs dizaines d’hectares. Louis Giscard d’Estaing a repris, en ce sens, l’un de nos amendements. De la même manière, en garantissant les filières spécifiques telles que l’agriculture bio ou les AOC, vous oubliez toutes les autres. Monsieur Grosdidier, vous n’avez pas vu, dans votre élan religieux, la faille contenue dans ce premier article.

M. François Grosdidier – Le Diable est dans les détails !

M. André Chassaigne – Vous faites acte de contrition, Monsieur le ministre, en rappelant les grands principes au quatrième alinéa. Prenons le principe d’information. La France a adhéré le 25 juin 1998 à la convention d’Åarhus, qui est entrée dans le droit communautaire par la directive du 26 mai 2003, laquelle prévoit notamment la participation du public aux procédures environnementales. Vous faites de grands moulinets, tout en sachant que ce principe ne sera pas respecté dans les articles suivants.

M. Jean-Pierre Brard – Si j’entends bien les termes de ce débat, l’alternative serait le retour à l’état de nature ou la modernité dans la consommation d’OGM.

M. Christian Jacob – Vous venez d’arriver, cela se voit !

M. Jean-Pierre Brard – J’ai assisté aux débats dès hier, à des moments où vous-même étiez absent.

L’article premier garantit la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM. Pensez-vous que le choix figurera à la carte des restaurants ? C’est un peu comme si l’on vous donnait la liberté de choisir entre habiter une masure et résider dans un hôtel particulier, passer vos vacances chez vous ou au bord de la mer – pour certains sur un yacht –, vous soigner ou pas, vous instruire ou demeurer inculte !

S’il est vrai que nous devons favoriser la recherche, force est de reconnaître que le recul dont nous disposons est faible. Nous savons que, pour le moment, nous n’avons pas besoin d’OGM pour nourrir l’ensemble de la population mondiale. En revanche, en nous engageant dans la production d’OGM, nous risquons de créer des déséquilibres, des inégalités sociales qui renvoient à la domination économique puisque ces OGM sont contrôlés par Monsanto ou Limagrain.

Ne déléguons pas notre responsabilité, Monsieur Proriol. Nous sommes placés devant un choix éthique, qui ne doit pas hypothéquer l’avenir. Il nous faut poursuivre la recherche, car nous ne savons pas quelle sera la situation dans trente ans, sans pour autant développer la culture des OGM en plein champ.

Ne vous cachez pas derrière la notion de « liberté », qui n’est pour vous, comme toujours d’ailleurs, qu’un alibi. Nous devons faire un choix qui n’hypothèque pas définitivement l’avenir de la planète. Et, je le répète, nous n’avons pas besoin aujourd’hui des OGM pour satisfaire les besoins alimentaires de l’humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

Mme Delphine Batho – M. Folliot nous a parlé d’une plante génétiquement modifiée qui pourrait fixer l’azote, d’autres de plantes qui pourraient être de la même manière rendues résistantes à la sécheresse ou à la salinité. Mais de ces utopies on entend parler depuis quarante ans ! Un chercheur de Monsanto avoue lui-même que quand le génie génétique est devenu opérationnel dans les années 70, on a immédiatement pensé à améliorer la fixation de l’azote par les plantes, « sans que nul ne sache comment on pourrait s’y prendre, sans parler d’y arriver effectivement » et reconnaît que « ce processus mobilise tant de gènes qu’on ne peut rien faire ». Un de ses collègues ajoute que beaucoup de chercheurs aux États-Unis ont réussi à mobiliser des fonds en vendant cette idée de la fixation de l’azote.

Pour ma part, je crois à la recherche et je ne crois pas interdit de continuer à rechercher la plante aux œufs d’or, si je puis m’exprimer ainsi. Mais je sais aussi que les firmes semencières ne sont pas philanthropes et qu’elles cherchent d’abord à fabriquer des OGM pour vendre des pesticides, et non pour résoudre le problème de la faim dans le monde. Voilà pourquoi il ne me paraît pas inutile de rappeler leurs vaines promesses depuis plus de quarante ans.

Preuve s’il en est d’ailleurs de leur attachement à la lutte contre la faim dans le monde, les semenciers viennent de se retirer de l’IAASTD, programme international d’évaluation des sciences et technologies agricoles en faveur du développement, lancé par l’ONU et la Banque mondiale dans le but de réduire la faim et la pauvreté dans le monde. Et ce parce que le prochain rapport de ce programme qui doit paraître en avril rendra publics les travaux de plus de quatre mille chercheurs de par le monde sur les OGM, lesquels démontrent que les rendements de ceux-ci ne sont pas supérieurs à terme, décroissant même à partir de la sixième année. M. le ministre a d’ailleurs lui-même cité ce rapport dans une émission radiophonique.

Avant de prétendre que les OGM permettront de résoudre le problème de la faim dans le monde, il faut donc y regarder à deux fois (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Germinal Peiro – Nos concitoyens partagent le doute du ministre concernant les OGM. Vous, députés de l’UMP, êtes en total décalage avec l’opinion sur le sujet. Nos concitoyens doutent car ils savent que certains qui se sont servis de la science à des fins mercantiles leur ont menti. On leur a menti sur l’amiante, sur les dioxines, sur les PCB…, en leur garantissant que ces produits ne présentaient pas de danger. Et je ne parle pas de la vache folle…

M. André Chassaigne – Ni de Tchernobyl !

M. Germinal Peiro – En effet. Comment, après tous ces scandales, nos concitoyens pourraient-ils ne pas douter quant aux OGM ?

De plus, chacun a compris que les multinationales recherchaient avant tout leur profit, fût-ce au détriment de l’environnement ou de la santé publique. Nos concitoyens le savent, surtout ceux qui en ont été marqués dans leur chair et dans leur sang, que certaines grandes entreprises ont fait travailler dans des conditions innommables et qui meurent aujourd’hui de cancer.

Même si nous avons été jusqu’à présent relativement épargnés, moins de 1 % de notre territoire comptant des cultures OGM, les interrogations sont multiples. Soyons conscients que la décision que nous prendrons sur ce texte marquera l’histoire de notre pays. Même les plus farouches défenseurs des OGM doutent au fond d’eux-mêmes. Ils n’ignorent pas que les pesticides seront le problème majeur de santé publique dans les années à venir. D’ores et déjà, les viticulteurs de Gironde ont trois fois plus de tumeurs du cerveau que les autres Girondins. Les arboriculteurs sont de même plus fréquemment touchés.

Mme Claude Greff – Quel est le rapport avec le sujet ?

M. Germinal Peiro – Le rapport est que la seule plante génétiquement modifiée autorisée dans notre pays est une plante pesticide, qui contient une substance contre la pyrale. Et nul ne connaît les effets de cette substance sur la santé animale et humaine.

Nul ne peut affirmer non plus que les OGM ne font pas courir de danger pour l’environnement. Tous les agriculteurs savent qu’un champ d’OGM nécessairement contaminera les champs voisins.

Adopter cet article premier disposant que l’on peut cultiver et consommer « avec ou sans OGM », c’est accepter l’idée que notre territoire soit à terme envahi d’OGM (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Ce n’est pas vrai.

M. Germinal Peiro – Nous en reparlerons dans quelques années. Il sera, hélas, trop tard.

M. Yves Cochet – Afin de lever toute ambiguïté, je tiens à dire que nous ne parlons pas ici des OGM fabriqués en milieu confiné en laboratoire à des fins thérapeutiques, sur lesquels la recherche doit bien entendu continuer, mais des cultures de plantes génétiquement modifiées.

Écoutons donc ce que disent depuis des décennies les citoyens européens et français s’agissant des OGM. Selon l’Eurobaromètre, 58 % des Européens y sont hostiles. 82 % des Slovènes, 77 % des Grecs, 71 % des Allemands et 70 % des Français disent non aux OGM dans leur assiette.

Une fois sortis du laboratoire, ces OGM, que vous prétendez disséminer de par tout le territoire, ne sont plus des objets de science, mais des objets « sociaux » qui se mélangent au reste du vivant, contrairement à une molécule de synthèse. Le génie génétique joue avec le vivant en fabriquant une nouvelle nature rêvée meilleure, mais avec des organismes dont on ignore tout de ce qu’ils peuvent devenir. En effet, une plante génétiquement modifiée se croisera nécessairement avec d’autres plantes, sans que l’on ne sache rien des incidences de ce croisement ni sur l’environnement ni sur la santé humaine. D’où notre amendement 197 disposant toute simplement que « les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Antoine Herth, rapporteur – Je tiens à rassurer M. Brottes : je n’ai pas de doutes. Je suis d’abord votre serviteur à tous. Ma mission est d’exposer non pas mes vues personnelles, mais ce que j’ai entendu au cours des auditions sur le sujet et ce qui en ressort.

M. Christian Jacob – Le rapporteur, lui au moins, est objectif.

M. Antoine Herth, rapporteur À l’issue des travaux préparatoires, j’ai plus de certitudes que de doutes sur le sujet des OGM.

M. Julien Dray – Le contraire serait meilleur…

M. Antoine Herth, rapporteur – Mme Batho a raison de rappeler que les OGM ne règleront pas tous les problèmes du monde, notamment la famine. Je ne disais pas autre chose dans un rapport que j’écrivis pour le Conseil économique et social en 1995 : il n’y a pas de solution miracle à un problème aussi complexe que la faim. Pour autant, s’agissant des OGM, j’ai bien plus de certitudes que de doutes, croyez-le bien.

Je suis désolé d’entendre M. Cochet défendre un tel amendement, lui qui soulignait hier encore l’importance du Grenelle de l’environnement. Que dit précisément le Grenelle ? Qu’il faut une loi.

M. Yves Cochet – Une loi, oui, mais pas celle-ci !

M. Antoine Herth, rapporteur – À quoi bon une loi dès lors que vous rejetez catégoriquement les OGM et tout débat du même coup ? Au contraire, j’ai la certitude que le moment est venu de légiférer et de soutenir la démarche du Gouvernement, fidèle à l’esprit du Grenelle. Il s’agit là d’un texte de gouvernance. Ce n’est pas à nous de dire si les OGM sont nocifs ou non ; mais nous devons créer les outils nécessaires à l’adaptation de notre pays en mettant notamment sur pied des instances de contrôle efficaces et transparentes. La commission, naturellement, est donc très défavorable à votre amendement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Ce texte vise à strictement transposer une directive de 2001. À cette époque, Monsieur Cochet, vous étiez ministre de l’environnement, et vous l’avez soutenue. Que disait-elle ? Chaque État doit définir les conditions de son accord ou de son désaccord avec la Commission européenne concernant l’autorisation des OGM. Ainsi, cette directive, soutenue par la gauche française, prévoit la coexistence des OGM et des cultures classiques.

M. Germinal Peiro – C’était il y a sept ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État En effet, le temps a passé, et chacun a laissé son successeur récupérer la patate chaude. Quoi qu’il en soit, votre amendement, Monsieur Cochet, est contraire à la directive que, ministre de la République, vous souteniez autrefois. L’interdiction de l’ensemble des OGM n’est ni légale au regard du droit européen, ni possible, ni même souhaitable.

M. Germinal Peiro – Et la clause de sauvegarde ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État La vraie question qui se pose à nous est de savoir comment appliquer le principe de précaution et soutenir notre recherche. Dès lors, le Gouvernement, constatant qu’il existe un problème de dissémination, que les positions de nos partenaires européens divergent, et que les expertises françaises et européennes, trop concentrées sur une seule science, doivent évoluer, a pris ses responsabilités. Il a décidé, conformément à la directive de 2001, de faire jouer la clause de sauvegarde dans des conditions juridiques plus complexes encore que celle que prévoit ladite directive, et ce après d’âpres négociations, afin qu’elle reste de la compétence de la commission de l’environnement. Il a exigé que l’on rehausse le niveau d’expertise. Et c’est parce que nous avons adopté des textes organisant le principe de précaution que nous avons une telle légitimité auprès de nos partenaires. La France, plus grande puissance agricole du continent, est le seul pays à avoir utilisé la clause de sauvegarde. Vous me demandiez vous-même, il y a sept semaines, Monsieur Cochet, pourquoi ne pas imiter les Allemands et faire jouer cette clause ? Je constate que nous l’avons fait, alors que les Allemands y ont vite renoncé.

Sur ce sujet si complexe, des groupes de travail ont planché pendant des centaines d’heures et réuni l’ensemble des acteurs concernés. Le monde ne se divise pas en gens raisonnables, qui souhaitent interdire les OGM, et défenseurs de Monsanto face à eux. À preuve, c’est notre majorité qui a porté l’un des plus grands coups à cette entreprise au point que celle-ci a envisagé de nous attaquer auprès de l’OMC avant d’y renoncer finalement. En outre, cessons de dire « les OGM » : il y a des OGM de toutes sortes. Il va de soi qu’il est hors de question de laisser le monopole à certaines compagnies, de même que nous devons être très prudents en matière de brevetabilité du vivant.

Ce projet de loi, certes imparfait, ne mérite en aucun cas la caricature que vous en faites. Conformément à une demande unanime, il crée une autorité qui regroupera l’ensemble des capacités d’analyse scientifique et sociétale afin de mieux éclairer l’opinion et les pouvoirs publics, OGM par OGM. Personne ne conteste le fait qu’en matière agricole, la coexistence pose problème. Néanmoins, ce texte n’ouvre pas comme vous le prétendez la porte aux OGM partout en France.

M. Germinal Peiro – Si, de fait !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Les principes de transparence, de précaution et de responsabilité s’appliqueront non seulement aux OGM à vocation agricole, mais aussi pharmaceutique, sous l’autorité de cette nouvelle instance que nous voulions pour la France et que nous appelons de nos vœux pour l’Europe.

Je regrette de vous voir défendre cet amendement d’appel médiatique qui est censé vous donner le beau rôle, Monsieur Cochet. Vous savez comme moi qu’il est illégal, irréaliste et non conforme aux intérêts de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

M. Philippe Folliot – L’amendement de M. Cochet, fidèle à sa logique, est toutefois incomplet : il omet de mentionner les importations. Sur le fond, M. le ministre d’État a parfaitement raison. J’ajoute une chose : votre exposé des motifs justifie le texte de l’amendement parce que l’opinion le soutiendrait – ce que vous interprétez à partir de résultats de sondages. Si nous légiférons avec des sondages, où va la démocratie ? Ces sondages, d’ailleurs, ne sont même pas seulement français, mais européens ! Et comment pouvez-vous les qualifier de « consultation massive des citoyens » : est-ce cela, un sondage ? Abandonnerions-nous les transports en commun si les sondages révélaient que les Français choisissent soudain le tout-voiture ? Ce n’est pas sérieux. Défendez vos idées, soit, mais n’utilisez pas les sondages comme argument. En vous réfugiant derrière une opinion virtuelle, vous faites l’aveu de votre propre faiblesse !

M. Noël Mamère – Les propos du ministre sont très intéressants. Lorsque l’on rencontre des difficultés dans son propre camp, on est souvent prompt à s’inventer des boucs émissaires. Il est trop facile de choisir les Verts pour ce rôle, alors que ce projet de loi s’éloigne de ce que vous souhaitiez, de ce Grenelle de l'environnement qui constitue le socle de votre politique. Vous avez rappelé que ce texte doit transposer la directive européenne, mais en glissant aussi quelques contrevérités. Ainsi, l’Allemagne n’a certes pas appliqué la clause de sauvegarde, mais c’est qu’elle a appliqué la directive de manière beaucoup plus stricte que nous.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Trois mois !

M. Noël Mamère – Elle a appliqué les dispositions concernant la dissémination et les seuils, alors que vous recourez à ce subterfuge de l’étiquetage à 0,9 % et adoptez une interprétation très extensive.

Pourquoi n’avez-vous pas tenu les engagements du Grenelle de l'environnement ? Pourquoi parlez-vous maintenant de production et consommation « avec » ou sans OGM ? C’est vous qui avez tordu le cou au Grenelle, bafoué les principes qui fondent votre action de ministre d’État. Il était normal, par cet amendement, de révéler cette imposture.

Enfin, les enquêtes d’opinion ne sont pas seulement une succession de sondages : lorsque plusieurs pays européens, lorsque la société donc exprime ses doutes de manière aussi massive, les politiques doivent en tenir compte. C’est une question de fond : avons-nous le droit de décider à sa place à propos d’une innovation qui peut bouleverser notre agriculture et notre environnement, affaiblir la biodiversité et la souveraineté alimentaire de certains pays, avoir des conséquences sur notre santé ? Est-ce aux semenciers – Monsanto certes, mais aussi Syngenta, Pioneer génétique ou Limagrain, notre indignation n’est pas sélective –, qui ont leurs profits pour seul objectif, de décider ? Vous nous dites, Monsieur le ministre d’État, que la France est devenue l’exemple à suivre, le phare de l’Europe – comme à l’époque de Tchernobyl – et que grâce à nous, Monsanto est affaibli. Mais ils viennent de doubler leurs bénéfices nets !

M. Christian Jacob – Votre attitude les conforte !

M. Noël Mamère – Un bénéfice net de 1,129 milliard de dollars… Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ! Et puisque nous sommes sur ce terrain, le rapporteur ne devrait pas parler des OGM comme étant bons ou mauvais. Nous ne sommes pas dans une guerre théologique ! La question est de savoir quel danger peuvent représenter les OGM et quel bénéfice ils peuvent apporter. C’est à l’ensemble de la société d’en décider, non à quelques semenciers, et jusqu’à maintenant le débat a été tronqué (Applaudissements bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. le Président – Par mansuétude, je vais laisser parler M. Chassaigne. Les autres pourront s’exprimer sur les amendements suivants.

M. André Chassaigne – C’est par honnêteté envers mes amis des Verts que j’ai insisté pour expliquer pourquoi je ne voterai pas cet amendement, dont je comprends toutefois qu’ils revête une dimension symbolique pour eux. Je m’exprime donc à titre purement personnel.

D’abord, cet amendement me semble inapplicable. Élu d’une région d’élevage, je sais qu’il faudra des années pour pouvoir, même avec le plan protéines, produire suffisamment de protéagineux et exclure toute importation de soja OGM – effort qui doit d’ailleurs s’accompagner d’accords de coopération avec des pays d’Amérique du sud notamment, pour les aider à sortir des griffes de Monsanto et à cultiver du soja naturel. Ensuite, l’utilisation des OGM est malheureusement entrée dans le quotidien. Ainsi, la quasi totalité de nos fromages utilisent un dérivé d’OGM pour remplacer la caillette animale. Son interdiction subite aurait des conséquences dramatiques pour les éleveurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ne m’applaudissez pas, je soutiendrai des dizaines d’autres amendements verts !

M. le Président – Dans ma naïveté, je pensais que vous alliez parler en faveur de l’amendement mais en l’occurrence, votre intervention est totalement contraire au Règlement. Je vous prie donc de conclure rapidement.

M. André Chassaigne – Dernière raison : s’il est bien évident que nous n’avons pas besoin de cultures OGM commerciales, je suis persuadé que dans certains cas, et selon un protocole extrêmement strict, les instituts de recherche publique devront, pour conserver une capacité d’expertise, mener des recherches limitées en plein champ (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – M. Cochet a la parole pour répondre au ministre.

M. Yves Cochet – Celui-ci m’a en effet nommément mis en cause. Je tiens d’abord à dire que je ne suis pas favorable à la démocratie d’opinion ni au gouvernement du hit parade, mais qu’il est indispensable de tenir compte de ce que pensent nos concitoyens, sans quoi on n’est pas non plus de bons démocrates. Ensuite, bien sûr qu’il faut transposer la directive 2001/18, mais pas avec ce texte-ci ! Laissez-nous vous aider, Monsieur le ministre, qui êtes en difficulté avec votre majorité. Laissez-nous vous aider à l’empêcher de détruire ce que vous aviez fait avec le Grenelle de l'environnement !

L'amendement 197, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Delphine Batho – Le ministre nous dit que ce texte transcrit strictement la directive européenne. C’est inexact, puisqu’elle laisse sur de nombreux points la possibilité aux États-membres de prendre des dispositions beaucoup plus restrictives, ce que certains ont d’ailleurs fait sans jamais être inquiétés.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Trois sur vingt-sept !

Mme Delphine Batho – Votre manière de vous abriter derrière cette directive pour justifier certaines dispositions de ce texte, Monsieur le ministre…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Votre directive !

Mme Delphine Batho – …ne rend pas service à l’Europe, comme ne lui rendent pas service les fermetures de services publics dont on dit qu’elles résultent de décisions prétendument européennes au lieu de les assumer. La directive permet de faire davantage, et l’absence de réponse du Gouvernement à ce sujet, lors de la discussion générale, me fait penser qu’il sera peut-être ouvert à l’amendement 230, qui tend à protéger les zones géographiques et les écosystèmes particuliers.

Je tiens à dire les choses clairement : nous sommes opposés aux cultures d’OGM en plein champ. Nous n’approuvons donc pas l’idée de définir des périmètres sans OGM, mais, puisque vous prenez la responsabilité d’organiser ces cultures, nous tenterons, par nos amendements, de limiter les dégâts pour protéger notre gastronomie, nos AOC et nos écosystèmes remarquables. Il faut donc définir dans l’article premier le cadre juridique qui le permettra. Sinon les amendements à venir, destinés à protéger les AOC ou les parcs naturels, manqueront d’un fondement juridique.

M. Antoine Herth, Rapporteur De longues discussions ont eu lieu à ce sujet en commission, auxquelles Mme Batho a participé bien qu’elle n’en soit pas membre, le président Ollier y étant très favorable…

Mme Delphine Batho – Et surtout le règlement de notre Assemblée…

M. Antoine Herth, Rapporteur Un dialogue a donc eu lieu, qui se poursuit, mais la commission a considéré qu’il fallait rester au plus près de la réglementation européenne, qui ne permet pas de définir des zones dans lesquelles on interdirait les OGM. Elle a donc exprimé un avis défavorable à l’amendement et en revanche adopté des amendements à l’article 3 qui tendent à protéger les zones d’AOC et les parcs naturels.

M. le Président – Je vois que M. Brottes et M. le président de la commission demandent la parole.

M. Patrick Ollier, président de la commission – J’aimerais intervenir juste avant M. Brottes.

M. François Brottes – Vous avez tous les droits, Monsieur le président (Sourires).

M. Patrick Ollier, président de la commission – Je vous remercie de les reconnaître. J’aimerais faire une mise au point. Nous défendons tous nos convictions avec sincérité, du moins j’ose l’espérer. Mais si nous sommes réunis ce soir, c’est parce que M. Yves Cochet, alors ministre de l’environnement…

M. Jean-Pierre Brard – Mais non ! Ce n’était pas lui ! (Sourires)

M. Patrick Ollier, président de la commission – …ministre, en tout cas, avec Mme Voynet, du Gouvernement Jospin, avait accepté cette directive, que nous devons maintenant transcrire en droit interne. Il me paraît donc un peu fort de café… (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Brottes – Il me semble que l’on sort du sujet.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Non ! À l’époque, M. Yves Cochet était ministre, et je ne sache pas qu’il ait démissionné de son ministère, non plus que M. Mamère, déjà député, de la députation. Que vous défendiez une autre opinion aujourd’hui, soit, mais acceptez au moins d’assumer vos responsabilités passées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Cette intervention ne m’a pas paru porter sur l’amendement 230…

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie Le débat sur ce point a eu lieu au Sénat, et il demeure ouvert. On peut en effet envisager d’exclure les cultures d’OGM des zones remarquables, mais de telles dispositions ont leur place à l’article 3 plus qu’à l’article premier. C’est ce qui explique l’avis défavorable du Gouvernement.

M. François Brottes – La définition du cadre juridique qui permettra les exceptions est nécessaire dès l’article premier. Voilà pourquoi l’amendement 230 doit être adopté.

M. Christian Jacob – Telle n’est pas sa signification !

Mme Delphine Batho – Les amendements défendus au Sénat, par M. Le Grand pour la plupart (Mouvements divers sur les bancs du groupe UMP), concernaient les écosystèmes régionaux, que la ministre a estimés mal définis. Dans cet amendement, nous reprenons mot pour mot les termes de la directive. Je n’ai d’ailleurs pas entendu le Gouvernement contester que la directive permettrait l’inscription de cette mesure dans la loi. À cet égard, je déplore que le texte de la directive n’ait pas été annexé au rapport. L’eût-il été que chacun aurait pu se faire une idée de la liste des dispositions possibles qui ne sont pas transcrites dans le projet.

L'amendement 230, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing – C’est en qualité d’ancien membre de la mission d’information que je propose l’amendement 180. Nombre d’entre nous, de tous bords, y participaient, mais pas M. Brard. Il faut dire qu’il vient d’être victime d’une sorte de fauchage involontaire dans sa ville de Montreuil (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; rires sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Arnaud Montebourg – Voilà ce que l’on appelle l’humour de Chanonat…

M. Louis Giscard d'Estaing – Monsieur Montebourg, rapporter des propos qui n’honorent pas leur auteur ne rehausse pas non plus celui qui s’en fait le petit rapporteur ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Je m’exprime donc en toute liberté sur un texte que nous, membres de la mission, attendions, car il dote la culture d’OGM d’un cadre juridique. À cet égard, il semble opportun de compléter l’alinéa 2 de l’article premier, même si cela peut sembler redondant par rapport à la directive ou, au contraire, incompatible avec elle. En tout état de cause, faisons preuve de responsabilité.

Un député du groupe UMP – Très bien !

M. Philippe Martin – Je faisais partie de cette mission et notre position rejoint celle de M. Giscard d’Estaing. De grâce, un peu de tendresse dans ce monde de violence ! (Exclamations et sourires) Si nous ne voulons pas en venir aux mains, reprenons le cours normal de nos débats. Tous ici, nous aimons notre pays, nos enfants et nos petits-enfants ; or les décisions que nous prenons ce soir engagent leur avenir.

En proposant, par l’amendement 231, d’ajouter à l’alinéa 2 – qui précise que les OGM ne peuvent être cultivés, consommés ou utilisés que dans le respect de l’environnement et de la santé publique – la mention des structures agricoles, des écosystèmes régionaux et des filières commerciales qualifiées « sans OGM », nous suivons les conclusions des ministres de l’environnement lors des conseils de l’Union européenne des 18 décembre 2006 et 20 février 2007 : « En évaluant les risques que présentent les OGM pour l’environnement, il faut tenir compte de manière plus systématique des différentes structures agricoles et des différentes caractéristiques écologiques régionales au sein de l’Union ». Ce faisant, Monsieur le ministre d’État, Madame la secrétaire d’État, nous nous inscrivons également dans le droit fil des conclusions du Grenelle de l’environnement, qui insistaient pour qu’on soit libre de produire et de consommer sans OGM – précision essentielle si l’on veut préserver les filières de qualité.

De fait, dans mon département du Gers, des producteurs de maïs transgénique fournissent l’alimentation des canards qui servent à la préparation du foie gras ! Cela peut suffire à mettre à bas toute une filière (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe GDR) qui nous est particulièrement chère : la reine d’Angleterre a banni le foie gras de sa table (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe UMP), mais, en représailles, le conseil général du Gers a fait de même pour les fish and chips et les tomato beans ! (Sourires) Ce département, l’un des premiers à expérimenter l’agroforesterie, compte 1 500 hectares de cultures OGM en plein champ alors même que 30 % de ses communes comportent au moins une exploitation d’agriculture biologique.

La décision que vous allez prendre est donc capitale. N’écoutez donc que votre liberté, ne vous préoccupez que de l’avenir de vos enfants, qui doit être sans OGM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur Giscard d’Estaing, j’apprécie les hommes d’esprit (Sourires). Mais, pour défendre cet amendement après avoir voté contre celui de Mme Batho, il faut être une sorte de Janus…

Quant aux faucheurs (Rires), j’ai en effet été victime il y a peu d’un accident agricole dû à un outil de contrebande qui tirait à droite (Rires) : seul le renfort de vos électeurs l’a rendu possible, Monsieur Giscard d’Estaing ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) Pour ma part, je n’ai jamais accepté de devoir la victoire à l’arme de l’adversaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Je vais en venir à l’amendement 252, et j’indique tout de suite que l’amendement 253 est un amendement de repli, comme l’a expliqué Mme Batho tout à l’heure. Mais je tiens à protester : il n’est pas juste de mettre en cause M. Cochet, qui n’a jamais renié ses convictions.

M. Yves Cochet – C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard – Ce n’était pas M. Cochet qui était ministre en 2001, à l’époque de la directive !

M. André Chassaigne – Mais qui était-ce donc ?

M. Alain Gest – Un faucheur ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard – Oui, qui était cette faucheuse (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC) qui n’a pas hésité, par amour du pouvoir, à faire fi de ses convictions ? (Rires)

Quoi qu’il en soit, votre texte, trop général, ne tient pas compte de la diversité des agricultures. Or – M. le rapporteur le sait bien – plus un texte est vague, plus il laisse le champ libre à la jurisprudence. Et M. Borloo, qui fut avocat dans une vie antérieure, ne l’ignore pas : l’imprécision des textes grossit les honoraires des avocats (Rires sur les bancs du groupe UMP) et se propage aux décisions judiciaires ! Voilà pourquoi nous vous proposons de préciser le texte par notre amendement 252 ; Madame la ministre, Monsieur le ministre, vous en serez d’accord si vous êtes de bonne foi (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Yves Cochet – J’oserai prendre la parole après M. Brard (Rires), d’abord pour préciser que la directive 2001-18 date du 21 mars 2001 – que chacun tire ses conclusions ! Quant à notre amendement 198, il se fonde sur la directive 2004-35 – que vous avez adoptée en Conseil des ministres européens et qui constitue le premier texte communautaire mettant en œuvre le principe pollueur-payeur –, ainsi que sur les recommandations émises par les ministres de l’environnement – dont vous-même, Monsieur le ministre d’État – lors des conseils des 18 décembre 2006 et 20 février 2007. En effet, un même OGM n’aura pas les mêmes effets sur les écosystèmes hongrois et français par exemple ; il faut donc prendre en compte la diversité des milieux.

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable à ces différents amendements. La directive est claire : la décision d’autoriser ou d’interdire un OGM se fonde sur une évaluation des risques que cette culture fait courir à la santé et à l’environnement. La formulation est suffisamment large pour apaiser vos inquiétudes.

Monsieur Giscard d’Estaing, je comprends vos préoccupations : la qualité et la richesse de l’agriculture française doivent beaucoup à votre département du Puy-de-Dôme.

M. Jean-Pierre Brard – On n’y trouve même plus de châtelains ! (Sourires)

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission s’y est elle aussi montrée attentive, comme en témoigne l’amendement, évoqué par Mme Batho, qui assure la contribution de l’Institut national de l’origine et de la qualité à la procédure d’évaluation des risques. C’est en effet à ce stade que ces préoccupations doivent être prises en compte, et non avant !

Monsieur Brard, vous trouverez satisfaction dans un restaurant situé à l’angle de la rue de Bourgogne et de la rue de Varenne, dont le maître d’hôtel accueille les clients en s’enquérant de leurs préférences et interdits alimentaires. Ce que vous préconisez se pratique déjà !

Enfin, Monsieur Cochet, la question des structures agricoles relève davantage du chapitre sur la coexistence entre cultures et le respect des écosystèmes régionaux est englobé dans le respect de l’environnement.

Pour toutes ces raisons, la commission demande à leurs auteurs de retirer leurs amendements ou émet à défaut un avis défavorable.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Le Gouvernement est assez sensible aux arguments développés notamment par M. Giscard d’Estaing (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), que nous savons attaché à son terroir, et émet un avis de sagesse.

MM. Jean-Pierre Brard et Louis Giscard d'Estaing – Très bien !

M. Germinal Peiro – Rappel au Règlement. Sur un sujet aussi fondamental, il faut que nous prenions notre temps.

Nous devons éviter, dans notre pays, la généralisation d’un mode de production et préserver la diversité de nos systèmes agricoles. Ce texte privilégie un certain modèle d’agriculture. Ce ne sont pas les gens de terroir, les détenteurs d’AOC, d’IGP, de labels, ce ne sont pas les éleveurs de poulets du Gers, les producteurs de foie gras du Périgord ou ceux de jambon de Lacaune qui demandent à utiliser des OGM. Non, ce sont les grands céréaliers, qui dominent depuis cinquante ans la politique agricole en France et dirigent le principal syndicat du secteur. Ce sont eux, les inspirateurs de ce texte ; s’il y a eu des pressions, elles sont à chercher de ce côté-là.

De même, nous devons préserver des écosystèmes régionaux – ce fut la raison d’être des parcs naturels –, et faire en sorte que des espaces du territoire restent hors OGM, comme le prévoit la directive. Enfin, il faut inscrire dans la loi une protection pour les filières sans OGM. Pour toutes ces raisons, afin de réunir le groupe SRC, je demande une suspension de séance.

M. le Président – Elle est de droit, pour cinq minutes.

La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 25.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe SRC et le groupe GDR d’une demande de scrutin public sur l’amendement 180.

Par ailleurs, je vous informe que, sur ce même amendement, je suis saisi d’un sous-amendement 480 de M. Chassaigne, qui tend à substituer au mot “régionaux”, dans “écosystèmes régionaux”, le mot “locaux” ».

M. André Chassaigne – L’amendement de M. Giscard d’Estaing est excellent et résulte, je crois, de l’entretien qu’il a eu samedi avec une délégation de manifestants du Puy-de-Dôme. Il a ainsi repris des propositions que mon groupe, mais aussi le groupe socialiste, avaient défendues en vain en commission. Simplement, il m’est apparu, entre-temps, que, par définition, un écosystème ne peut être régional. Par exemple, l’écosystème granitique de la circonscription de M. Giscard d’Estaing est très différent de l’écosystème de ma propre circonscription (Rires sur les bancs du groupe UMP). Le sous-amendement vise à corriger cette erreur.

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. Je réitère mon invitation amicale à M. Giscard d’Estaing pour qu’il retire son amendement.

La commission a adopté à l’article 3 un amendement qui précise que, dans l’intérêt de la protection des signes de valorisation de la qualité et de l’origine, l’Institut national de l’origine et de la qualité peut proposer à l’autorité administrative des prescriptions particulières concernant les OGM.

M. François Brottes – Cela ne sert à rien !

M. Antoine Herth, rapporteur – J’ai interrogé la Commission européenne. Dès lors que les conditions sont réunies, il est normal que l’organisme chargé de veiller à l’application des cahiers des charges d’une AOC ou d’un label apporte les éléments nécessaires au Haut conseil des biotechnologies afin que celui-ci puisse tenir compte des préoccupations qui y sont liées. Cet amendement, tout en nous permettant de rester dans le cadre de la réglementation européenne, apporte une réponse aux attentes de nos concitoyens.

M. Noël Mamère – Je suis satisfait de constater que certains de nos collègues de la majorité commencent à saisir l’esprit de ce que cherche à faire le Gouvernement. L’amendement proposé par Louis Giscard d’Estaing, sous-amendé par André Chassaigne, va dans le sens du souhait exprimé par le Président de la République de voir la gastronomie française inscrite au patrimoine de l’humanité, puisqu’il s’agit de protéger les territoires d’une éventuelle contamination et de conforter ce qui fait la force et la diversité de notre agriculture. Nous sommes tous attachés au maintien des labels de qualité, qui représentent un atout pour l’image de la France, un avantage pour les agriculteurs et un plus pour notre alimentation. Cet amendement devrait être adopté à l’unanimité.

Mme Delphine Batho – L’amendement 45 présenté par la commission ne répond pas du tout à la préoccupation exprimée par l’amendement de M. Giscard d’Estaing. Il vise à ce que l’autorité administrative puisse prendre, sur proposition de l’INAO, des prescriptions. Mais sur quel fondement ? Si nous n’inscrivons pas à l’article premier qu’il faut protéger les systèmes agricoles et les écosystèmes locaux particuliers – et je ne peux résister ici à l’évocation du chabichou du Poitou (Sourires) – cet amendement n’aura aucun sens. Les cahiers des charges des filières de qualité ne peuvent pas décider des cultures du voisin (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Jack Queyranne – Nous fixons des principes à l’article premier. Je veux remercier Madame la ministre d’avoir fait preuve d’ouverture dans la mesure où les questions de santé et d’environnement sont visées. Toutefois, les structures agricoles et les espaces que nous voulons protéger ne sont pas évoqués ici.

Il est important de savoir si nous sommes prêts à accepter que l’on cultive des OGM dans les parcs naturels régionaux. C’est une question de fond, qu’il nous faut poser maintenant !

M. le rapporteur nous renvoie à l’article 3, mais celui-ci figure dans un chapitre II intitulé « responsabilité et coexistence entre cultures ». Cela signifie que l’INAO ne pourra s’exprimer que par rapport à la coexistence des cultures. Nous pensons au contraire qu’il faut protéger les espaces et les filières. Que deviendront nos AOC, nos labels, nos indications géographiques protégées si les OGM se disséminent ? Nous sommes en train de condamner ce qui fait la qualité et la diversité de l’agriculture française.

Il est fondamental de placer des garde-fous à l’article premier afin de préserver le rayonnement de notre pays. Si nous rejetons cet amendement, comment pourrons-nous aller devant l’Unesco plaider pour que la gastronomie française soit reconnue patrimoine de l’humanité ? Je vous demande de réfléchir à l’importance que revêt le vote qui va venir (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Louis Giscard d'Estaing – Je suis sensible à l’argumentation d’André Chassaigne, qui a bien voulu faire la publicité des produits de notre terroir. Toutefois, son sous-amendement a l’inconvénient de rendre plus ardue l’interprétation du dispositif. M. le rapporteur m’a convaincu que c’était à l’article 3 que l’on pourra le mieux répondre à cette préoccupation.

M. Arnaud Montebourg – Chamalières vacille !

M. Louis Giscard d'Estaing – Je retire donc l’amendement 180 au bénéfice de l’amendement 45.

M. Jean-Pierre Brard – Il est repris.

M. Marc Laffineur – La commission a effectué un travail considérable afin d’équilibrer ce texte. Le problème soulevé par cet amendement est réglé par l’amendement à l’article 3 déposé par le rapporteur.

Plusieurs députés du groupe SRC – Pas du tout !

M. Marc Laffineur – Ne compliquons pas les choses et tentons de préserver l’équilibre trouvé en commission !

Le sous-amendement 480, mis aux voix, n'est pas adopté.

À raison de 56 voix contre 56 sur 117 votants et 112 suffrages exprimés, l’amendement 180 n’est pas adopté.

M. le Président – Je rappelle que l’égalité des suffrages vaut rejet.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement. Madame la ministre, vous vous êtes montrée sensible à nos arguments et il faut reconnaître que, malgré les pressions exercées par les productivistes archaïques, vous avez tenu bon ! Mais ce qui vient de se passer éclaire d’un jour cru le cynisme de nos collègues : ils font durer le débat, se prétendant attentifs aux préoccupations du « peuple » mais ce n’est qu’un faux-semblant ! C’est ainsi que M. Giscard d’Estaing, vrai Janus, a défendu un amendement… pour aussitôt se coucher devant ceux qui n’hésitent pas, eux, à défendre leurs positions jusqu’au bout.

Ce n’est certes pas la première fois que M. Giscard d’Estaing nous apporte la preuve de son talent dans le faux-semblant. Je tenais néanmoins à le souligner pour que tous ceux qui nous regardent en direct sur LCP-AN ou sur Internet mesurent la couardise de nos collègues de droite.

M. Richard Mallié – Cela suffit !

M. Marc Laffineur – Ces propos sont scandaleux et ne font pas honneur à notre Assemblée.

M. François Brottes – Au moment où nos débats s’enflamment, d’aucuns perdent leur sang-froid, comme M. Laffineur à l’instant (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le sujet est d’importance puisque nous posons les principes qui vaudront pour tout le texte. Alors que l’avis du Gouvernement est favorable, le rapporteur, comme en commission, s’obstine dans son opposition et essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Il ne s’agit pas là d’une opposition entre droite et gauche, comme le montre d’ailleurs le résultat du vote. Nous avons encore l’occasion, en nous prononçant sur l’amendement suivant, à suivre de faire sereinement œuvre utile pour l’éternité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

À la majorité de 58 voix contre 57 sur 118 votants et 115 suffrages exprimés, l’amendement 231 n’est pas adopté.

L'amendement 252, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 253 et 198 tombent, ainsi que les amendements 99 et 200.

La séance, suspendue à 23 heures 50, est reprise, le jeudi 3 avril, à 0 heure 15.

M. le Président – Comme nous en sommes convenus, je vais lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 3 avril, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 16.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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