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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 3 avril 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
130ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

FONCTIONNEMENT DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer complétant l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois – Le Président de l’Assemblée a proposé à très juste titre que nous nous penchions sur le fonctionnement des commissions d’enquête. Celles-ci se trouvent aux avant-postes de la revalorisation du rôle du Parlement, car elles sont aujourd’hui l’un des vecteurs privilégiés de la fonction de contrôle, comme l’a montré l’affaire d’Outreau. Cette fonction tend à prendre une part de plus en plus grande dans nos travaux et doit participer au rééquilibrage des pouvoirs publics souhaité par le Président de la République.

Le mode de travail des commissions d’enquête a fait l’objet de nombreuses expérimentations et évolutions au fil du temps : notre ancien président Jean-Louis Debré avait ainsi pris l’initiative de partager les responsabilités entre la majorité et l'opposition, l'une exerçant la présidence, l’autre la fonction de rapporteur. À cela s’ajoutent la publicité des auditions et l’élargissement de notre champ d’intervention, comme ce fut notamment le cas avec l’affaire des infirmières bulgares.

Du fait de ces évolutions, les témoins entendus par les commissions d’enquête sont aujourd’hui exposés à une visibilité particulière. Plusieurs questions se sont posées : celle du témoignage sous contrainte, mais aussi celle de la publicité donnée aux auditions, qui peut avoir des conséquences dommageables. Le constat est simple : nous avons besoin de protéger les témoins entendus par les commissions d’enquête.

Depuis près d’un siècle, un dispositif complet a été élaboré en vue de contraindre des témoins à prêter leur concours aux commissions d’enquête : obligation de comparaître - garantie si besoin par le recours au procureur, à la gendarmerie ou à la police –, prestation de serment et levée du secret professionnel. Les sanctions encourues s’élèvent à 7 500 euros en cas de refus de déposer et à 100 000 euros pour un témoignage mensonger aggravé ; les peines prononcées peuvent également aller jusqu’à deux ans de prison pour refus de comparaître, et sept ans pour un témoignage mensonger aggravé, avec éventuellement une privation des droits civiques.

En contrepartie, nous devons nous interroger sur la protection offerte aux témoins requis de participer à la manifestation de la vérité. L’obligation qui pèse sur eux pouvait s’exercer sans conséquences dommageables lorsque les travaux se déroulaient à huis clos, mais la situation a évolué : les auditions et les comptes rendus revêtent désormais un caractère public. Depuis la loi de juillet 1991, la publicité est devenue la règle, et le huis clos l'exception. Par ailleurs, un arrêt rendu en 2004 par la Cour de cassation a soumis sans ambiguïté toute personne appelée à témoigner devant une commission d'enquête au droit commun de la diffamation, écartant toute assimilation de son témoignage avec celui qui est effectué devant un tribunal ; seul ce dernier est protégé des actions en diffamation.

Le contexte technique a également changé avec la retransmission fréquente des auditions sur la chaîne parlementaire, souvent reprises par d’autres médias, mais aussi avec la mise en ligne des comptes rendus. Le contexte social a également évolué : il y a aujourd’hui un appétit croissant pour la transparence et un désir toujours plus grand d’obtenir des images, si possible en temps réel.

Tout cela n’est pas resté sans conséquences : certains témoins ont été menacés d’actions en diffamation pour les dissuader d’apporter leur témoignage ou bien pour obtenir, à peu de frais, une couverture médiatique. Les témoins sont donc parfois tiraillés entre leur obligation légale de témoigner devant les commissions d'enquête et les risques contentieux que leurs propos, bien que tenus en toute bonne foi, peuvent leur faire courir. Tout cela n’est bien sûr pas favorable au bon travail des commissions d’enquête, pour lesquelles les témoignages sont une source d’information essentielle.

Le souhait de renforcer la protection des témoins va donc dans le bon sens, mais à condition de trouver un équilibre entre l’obtention d’informations sensibles et la publicité des débats, comme entre l’obligation de comparaître et la protection des témoins. Il nous faut concilier des droits garantis par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la Convention européenne des droits de l’homme – la liberté d’expression, la protection de la réputation et des droits d'autrui, ou encore le droit à un recours effectif – avec l’exercice de la mission de contrôle qui revient au Parlement.

À cette fin, il vous est proposé d’instaurer une immunité relative qui tend à protéger les propos tenus par les témoins contre les actions en diffamation, pour outrage ou injure, afin de libérer la parole et de faciliter la manifestation de la vérité. Le modèle retenu s’inspire de la protection accordée aux témoins devant les instances judiciaires, avec cette différence que les médias retransmettent souvent en direct les travaux des commissions d’enquête. Une immunité relative protègerait également les comptes rendus faits de bonne foi, qu’il s’agisse des comptes rendus publiés en annexe des rapports, des diffusions télévisées ou de la reprise de certains propos dans différents médias.

L’immunité ne doit en aucun cas être absolue, car le témoin ne doit pas pouvoir dire n'importe quoi devant les commissions d’enquête, et il faut bien préserver les droits des tiers. Seraient donc exclues du champ de la protection les fautes disciplinaires, les infractions graves visées à l'article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, notamment les provocations à commettre des atteintes volontaires à la vie, des agressions sexuelles, des vols ou des actes terroristes, les appels à la haine raciste, mais aussi l’apologie des crimes, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. La commission des lois a souhaité que l’immunité relative ne couvre pas non plus les propos étrangers à l'objet de l'enquête.

S’agissant des comptes rendus, il est prévu de leur appliquer la notion de bonne foi. Je rappelle qu’en matière de diffamation, il existe aujourd’hui une présomption de mauvaise foi ; pour s’en exonérer, il faut démontrer que l’on a rempli quatre critères cumulatifs : l'objectivité, la prudence, l'absence d'animosité personnelle et la légitimité du but visé. J’ajoute que la reproduction d'une information issue d'une dépêche d'agence de presse n'exonère pas les journalistes de leur responsabilité, puisqu'ils sont tenus de vérifier l'exactitude de ce qu'ils publient. De la même façon, un reportage ne présentant que la version des faits proposée à une commission d'enquête par un témoin imprudent, voire mal intentionné, pourrait aujourd’hui être considéré comme tendancieux, et sa bonne foi ne serait pas automatiquement établie.

Compte tenu des évolutions que j’ai rappelées, ce texte me semble de bon aloi, mais il exigera une rigueur encore plus grande de notre part. En protégeant les témoins, nous nous assurons de pouvoir travailler dans de meilleures conditions, mais cela renforce également les risques d’instrumentalisation des commissions d’enquête. Certains témoins pourraient tenter de les utiliser comme une tribune afin de régler des comptes personnels. Le président et le rapporteur auront le devoir de ne pas laisser un témoin porter des accusations sans l’interrompre et sans lui demander de se justifier. Il faudra également se rappeler qu’en dépit de l’appétit du public pour la transparence, le travail à huis clos reste possible : il est parfois légitime que l’on entende les témoins sans que la presse assiste aux travaux, que ce soit pour éviter une instrumentalisation des débats ou bien pour garantir une plus grande liberté de ton.

Nous disposons enfin de l’incrimination pour faux témoignage : si une commission d’enquête est instrumentalisée abusivement par un témoin, il ne faudra pas hésiter à saisir le parquet et à demander des poursuites.

Nous vous invitons donc à voter ce texte qui permettra de renforcer la légitimité des commissions d’enquête et d’améliorer l’équilibre entre leurs impératifs de publicité et d’efficacité. La solution proposée par le président de notre assemblée, et amendée par la commission des lois, garantit cet équilibre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Cette proposition de loi a beau se résumer à un article, elle présente une importance particulière puisqu’elle tend à assurer le bon fonctionnement d’une institution indispensable à la vie de notre démocratie.

À l’heure où le Gouvernement travaille à une réforme des institutions et au renforcement des prérogatives du Parlement, je me réjouis que nous débattions aujourd’hui, à l’initiative du président Accoyer, des moyens d’assurer aux commissions d’enquête leur pleine effectivité, et à nos concitoyens qui sont conduits à participer à leurs travaux, une pleine protection. Il est en effet de notre devoir de faire en sorte que ces commissions demeurent un instrument efficace du contrôle parlementaire, d’autant que leur rôle s’est renforcé grâce à l’élargissement de leurs moyens d’investigation et à la publicité de leurs auditions depuis 1991. Les travaux de plusieurs commissions, notamment celle consacrée à l’affaire d’Outreau, ont démontré qu’elles constituaient de véritables « caisses de résonance » pour le débat démocratique.

La publicité donnée à leurs travaux a donc valorisé le travail parlementaire, mais elle a aussi fait naître des difficultés nouvelles. La menace de poursuites judiciaires en raison des témoignages faits de bonne foi devant une commission d’enquête constitue ainsi une pression réelle, qui peut entraver l’apparition de la vérité. Des affaires récentes ont mis en évidence la fragilité de la situation juridique des personnes appelées à témoigner, qui ont pu faire l’objet de poursuites pour diffamation. Il n’est pas admissible que leur liberté de parole soit entravée par la crainte de telles poursuites. Comment les commissions d’enquête pourraient-elles remplir leur rôle si elles ne peuvent recueillir des témoignages libres de toute pression ?

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Je tiens donc à remercier le président Accoyer d’avoir pris l’initiative de renforcer la protection des témoins entendus par les commissions d’enquête. La situation actuelle est en effet paradoxale, comme le montre le président Warsmann dans son remarquable rapport (Assentiment sur les bancs du groupe UMP). Toute personne convoquée par une commission d’enquête parlementaire est tenue, en vertu de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de comparaître et de déposer sous serment, son refus ou son faux témoignage pouvant entraîner des poursuites pénales. En revanche, elle ne bénéficie d’aucune protection légale pour les propos qu’elle tient devant la commission.

Les immunités politiques prévues par l’article 26 de la Constitution et l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui couvrent les propos tenus par les parlementaires dans l’exercice de leurs fonctions, les discours tenus au Parlement, les rapports des assemblées et les comptes rendus des séances faits de bonne foi, ne s’appliquent pas dans cette hypothèse. Il en est de même pour les immunités judiciaires également prévues par l’article 41 de la loi de 1881, qui interdisent toute action en diffamation, injure ou outrage pour les propos tenus par un intervenant à un procès judiciaire. Si quelques décisions de justice ont accordé une immunité aux témoins devant les commissions d’enquête, la jurisprudence va désormais dans le sens contraire et ils peuvent être poursuivis pour les propos tenus lors de leurs auditions devant les commissions d’enquête.

Pour combler cette lacune, ce texte institue une immunité partielle pour les personnes déposant devant une commission d’enquête, qui ne pourront plus être poursuivies pour diffamation, injure ou outrage pour les propos qu’elles auront tenus ou les écrits qu’elles auront produits. La même immunité s’applique pour les comptes rendus faits de bonne foi des séances publiques de ces commissions.

La proposition de loi instaure ainsi une immunité similaire – c’est-à-dire encadrée, justifiée et nécessaire – à celle qui existe pour les témoins en justice. Elle est donc pleinement justifiée, et je remercie le président Accoyer de l’avoir déposée, soucieux qu’il est de permettre au Parlement de jouer tout son rôle. C’est donc tout naturellement que je vous invite à l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Permettez-moi pour commencer de citer M. Roulet, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – MIVILUDES –, qui écrivait en introduction de son rapport d’activité pour 2005 : « Pendant les dix années écoulées, le gouvernement français a considéré de son devoir de garantir la sûreté des citoyens en faisant preuve d’une grande vigilance, en alertant le public sur les risques sectaires et en luttant contre les agissements délictueux. Le Parlement s’est montré extrêmement attentif à ces questions, et cela de manière très consensuelle. » Je regrette à cet égard l’absence de notre collègue Georges Fenech, dont l’élection a été invalidée par le Conseil constitutionnel, et qui a fait montre d’une grande efficacité sur le sujet.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Jean-Pierre Brard – « Le vif intérêt manifesté en ce domaine par la représentation nationale, poursuivait M. Roulet, a toujours constitué pour les gouvernements successifs à la fois un encouragement et un signe fort de la légitimité de son action contre les dérives sectaires et les atteintes inacceptables aux droits de l’Homme qu’elles induisent. »

Le phénomène sectaire interpelle donc les pouvoirs publics au plus haut niveau de leurs responsabilités. C’est encore le cas aujourd’hui avec cette proposition de loi dont l’initiative revient au président de notre Assemblée. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à cette réaction exceptionnelle qui illustre l’engagement des parlementaires de toutes sensibilités dans la défense des libertés individuelles et collectives, dès lors que certains mouvements pseudo-religieux utilisent la liberté pour faire progresser l’obscurantisme et bafouer nos libertés.

Les immunités des parlementaires ne sont pas aussi larges que vous l’avez laissé entendre, Monsieur le ministre : nous pouvons être poursuivis pour des propos tenus dans l’exercice de notre travail parlementaire, puisque le champ de notre immunité a été réduit par le Conseil constitutionnel – à une époque, soit dit en passant, où l’un de ses membres s’était laissé aller à produire des textes au bénéfice de la scientologie.

M. Alain Gest – C’est tout à fait exact.

M. Jean-Pierre Brard – Les mouvements sectaires exploitent à leur profit les vides de notre société, l’absence de lisibilité, l’effondrement des grands systèmes idéologiques, la peur de l’avenir, la difficulté de comprendre ce qui nous arrive. Ils menacent l’ordre public lorsqu’ils se radicalisent : combien de personnes abusées et spoliées, de couples brisés, de parents accablés, de vies mises en danger ? À cela s’ajoute un activisme procédurier déployé par des mouvements comme la scientologie ou les témoins de Jéhovah – qui n’ont pas acquitté, à ma connaissance, leur dette au Trésor public. Là encore, ces organisations agissent en exploitant les failles de notre système juridique : elles assaillent de procès les ex-adeptes qui osent témoigner publiquement ou harcèlent juridiquement les journalistes ou les parlementaires susceptibles de mettre au jour la dangerosité de leurs activités. Les associations de défense des victimes de sectes constatent donc qu’il est rare que les ex-adeptes trouvent l’argent et la force nécessaires pour entamer de longues procédures face à des groupes qui sont prêts à une guerre à outrance.

Cette réalité n’est hélas pas nouvelle. Dès 1997, l’Observatoire interministériel sur les sectes constatait dans son rapport annuel l’utilisation pléthorique des procédures administratives et judiciaires : « Au cours des deux dernières années, les associations répertoriées comme ayant un caractère sectaire dans le dernier rapport parlementaire ont multiplié les actions judiciaires à l’encontre des personnes, élus ou spécialistes, et des associations engagées dans la lutte contre les dérives sectaires, sur le fondement de la diffamation, de l’injure raciale ou religieuse ou encore de la discrimination. Sans pour autant renoncer à ce type de comportement, certaines de ces associations privilégient aujourd’hui la saisine des tribunaux administratifs, en vue de gagner une reconnaissance sociale et d’obtenir des avantages identiques à ceux consentis aux religions traditionnelles. La multiplication des requêtes devant les juridictions administratives visant notamment à obtenir la communication des dossiers constitués au ministère de l’intérieur et sollicités, dans un premier temps, par l’intermédiaire de la CNIL ou de la CADA, témoigne de cette préoccupation. Mais c’est surtout une organisation en particulier qui, désireuse de convaincre de l’insertion de ses membres dans la société, s’attache le plus à créer une jurisprudence en sa faveur. Attaquant en justice les municipalités qui s’opposent à l’implantation de ses lieux de culte, cette association a également engagé plus de 400 procédures devant les juridictions administratives, afin de bénéficier des exemptions fiscales réservées aux seules associations cultuelles régies par la loi de 1905. Au-delà de l’enjeu financier non négligeable, il s’agit pour cette association d’essayer d’obtenir le statut d’association cultuelle. »

La proposition de loi qui nous est soumise est un excellent rempart contre cet acharnement procédurier, qui porte atteinte à la libre parole devant les commissions d’enquête.

Il nous appartient de prendre le temps d’établir un véritable état des lieux quant aux conséquences de l’influence des sectes sur leurs victimes et aux moyens dont nous disposons pour prévenir, mais aussi sanctionner ces dérives. Pour mener à bien ce travail, le législateur a besoin d’entendre des témoins dans un cadre juridique qui les sécurise. La commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau a siégé publiquement et multiplié les auditions télévisées. Je rends hommage à ce propos à l’excellent travail mené par certains médias, particulièrement la chaîne parlementaire. Si cette transparence, cette possibilité de pédagogie profitent à la démocratie, elles ouvrent aussi la porte aux dérives procédurières.

C'est pourquoi, je partage le point de vue du président de notre assemblée : les personnes entendues sous serment devant les commissions parlementaires doivent pouvoir s'exprimer sans crainte et il n'est pas admissible que le simple fait de rapporter ce que l'on a vécu puisse exposer à des poursuites. Sinon, plus personne n'acceptera de témoigner.

Faire taire les témoins, faire taire ceux qui se battent sans relâche pour les libertés, voilà le combat mené par les sectes sur le terrain judiciaire. Mais quand elles évoquent la liberté de conscience, c’est pour mieux asseoir leur emprise sur leurs adeptes.

La liberté de conscience, nous y sommes tous profondément attachés, nous l'avons rappelé avec force à l'occasion du centenaire la loi de 1905. Et c'est parce que nous voulons continuer de défendre les libertés et nous donner les moyens de rappeler les règles de la République que nous voterons cette proposition de loi (Applaudissements sur presque tous les bancs).

M. Michel Hunault – Le groupe du Nouveau Centre soutient l’heureuse initiative prise par le président de l’Assemblée. Chacun s’accorde sur la revalorisation du rôle du Parlement, et les commissions d’enquête y contribuent grandement. Celle concernant l’affaire d’Outreau a connu, grâce à la chaîne parlementaire, un très large écho dans le pays.

Ces commissions concourent également à la recherche de la vérité. Elles auditionnent pour cela des témoins, et l’objectif de la proposition est de protéger ces derniers. Elle le fait en préservant un juste équilibre, puisqu’elle ne leur accorde pas l’immunité totale des parlementaires.

M. Jacques Myard – Les parlementaires n’ont pas une immunité totale.

M. Jean-Pierre Brard – Surtout quand il s’agit de sectes.

M. Michel Hunault – Je souligne simplement que les témoins n’ont pas les mêmes droits et prérogatives que les parlementaires.

Mais nous devons également prendre garde de ne pas figer le déroulement des commissions d’enquête. En fonction du sujet, de l’actualité et surtout des décisions de son président, la commission doit pouvoir décider de l’organisation des travaux. Il faut enquêter dans la transparence, et je me suis battu pour que la chaîne parlementaire et les journalistes aient accès aux séances de la commission dite d’Outreau. Mais dans certains cas, le huis clos est une façon de protéger les témoins, et cela vaut aussi pour les comptes rendus des travaux.

Le Nouveau Centre votera donc cette proposition, en souhaitant que l’on n’encadre pas trop les travaux des commissions d’enquête. Elles abordent souvent des sujets difficiles, et pour la protection des témoins comme pour la recherche de la vérité, nous devons faire preuve de cohésion et de solidarité (Applaudissements sur bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Très bien.

M. Alain Gest – Ce texte participe de la nécessaire adaptation du fonctionnement des institutions aux évolutions de la société et concourt à la revalorisation du rôle du Parlement. Le renforcement de ses pouvoirs de contrôle en est un élément essentiel. C’est pourquoi le comité de réflexion présidé par M. Balladur a examiné la possibilité d'étendre le champ d'application des commissions d'enquête et leurs prérogatives.

Les commissions d'enquête sont déjà un instrument de contrôle important. Elles ont produit ces dernières années des travaux significatifs sur de grands sujets de société. Mais leurs modalités de fonctionnement sont perfectibles. C’est le cas en particulier pour la protection des témoins, comme on l’a constaté à l’occasion de la commission d'enquête sur l'influence des sectes. Certains ont en effet été poursuivis en diffamation. Dès 1995, j’ai pu constater que les responsables des mouvements sectaires, qui disposent souvent de moyens financiers importants, ont fait de l'acharnement procédurier une arme de dissuasion et d'intimidation à l’encontre des témoins qui les gênent.

M. Jacques Myard – Exact !

M. Alain Gest – Lors de la commission d'enquête consacrée aux mineurs victimes des sectes en 2006, sept ont fait l'objet de plaintes déposées contre eux par deux organisations sectaires coutumières de telles procédures.

M. Jean-Pierre Brard – Nommez-les.

M. Alain Gest – Si la liberté de parole n’est plus assurée, la commission d’enquête perd de sa portée. Ce qui met les témoins en difficulté c’est qu’ils ont obligation de témoigner et qu’en même temps la publicité des débats est à la fois facilitée par la technique et demandée par l’opinion. Cependant, tant que le secret des débats était la règle – le secret effectif, j’y reviendrai – et la publicité l'exception, cette obligation de témoigner n'appelait pas de protection particulière. Or, depuis la loi du 20 juillet 1991, la publicité est devenue la règle et les auditions sont désormais largement diffusées.

Il apparaît donc nécessaire de prémunir les témoins contre un recours abusif à des actions en justice au titre de la diffamation, de l'injure et de l'outrage. Il y a là une exigence morale à leur égard, mais c’est aussi une nécessité si l’on veut que le travail de la commission soit efficace. Avec la réforme des institutions, les commissions d'enquête se saisiront certainement de questions faisant l'objet de procédures judiciaires. Il est dès lors inconcevable que les témoins ne puissent pas bénéficier de la même protection que celle octroyée par les tribunaux.

La présente proposition offre une solution équilibrée qui respecte les droits des tiers. Au Royaume-Uni, on a étendu aux témoins l'immunité dont bénéficient les élus en raison de leur participation à des travaux de nature parlementaire. Cette solution n'est pas conforme à notre tradition juridique qui donne à l'immunité des parlementaires un caractère exceptionnel. D’autre part, la notion de travaux parlementaires n’est pas non plus extensive. Au passage, je regrette que, pour un parlementaire, l'immunité « dans l'exercice de ses fonctions » ne représente qu’une protection toute relative, si j'en juge par le harcèlement judiciaire dont certains d’entre nous sont l’objet de la part de mouvements sectaires,

Quant à réinstaurer le secret et l'anonymat par le huis clos et la publication des témoignages sous X, ce ne serait pas une solution satisfaisante dans la mesure où la publicité des auditions participe du retentissement des travaux et permet l'appropriation du débat par nos compatriotes.

En outre, c’est un euphémisme de dire, comme l’a fait le rapporteur, que le filtre du huis clos devenait de plus en plus mince. En 1995, en qualité de président de la commission d'enquête sur les sectes, j’ai été confronté au caractère tout relatif du secret des débats. Avant même la fin des auditions, qui se déroulaient à huis clos, j’ai appris que la liste des personnes entendues et le contenu des auditions avaient été évoqués à l'occasion d'un colloque d’organisations sectaires ! Cette découverte a provoqué une grande émotion – la plainte déposée à l’époque par le président de l'Assemblée nationale n'a malheureusement pas permis de déterminer les origines des fuites – mais a surtout démontré la totale inefficacité du recours au secret des débats face à certains mouvements sectaires. Une ancienne adepte venue témoigner devant la commission d'enquête s'était d’ailleurs retrouvée entraînée dans une procédure judiciaire.

Le présent texte propose donc une solution médiane, qui permet de concilier efficacité et publicité des débats : une immunité partielle de nature législative, similaire à celle octroyée aux témoins judiciaires par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette immunité est partielle dans la mesure ou elle préserve les droits des tiers, et protège d’actions en diffamation, injure ou outrage. Cependant, tout ne peut être dit devant une commission d'enquête, et les propos mensongers demeurent sanctionnables par la loi. En outre, l’immunité, qui s'applique également aux publications parlementaires et à leurs auteurs, est circonscrite par la bonne foi – définie par quatre critères cumulatifs : l'objectivité, la prudence, l'absence d'animosité personnelle et la légitimité du but. Un amendement adopté en commission a de surcroît exclu de l’immunité les propos qui n'ont pas de lien avec l'objet de l'enquête et les faits examinés par la commission. J’espère qu’il ne donnera pas lieu à une interprétation trop extensive.

Il faut remercier le président Accoyer d’avoir su trouver une réponse équilibrée, qui sécurise les témoins tout en posant des garde-fous pour préserver les droits des tiers. Les missions du Parlement s’en trouveront confortées. C’est pourquoi le groupe UMP vous invite à adopter la présente proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Très bien.

M. Jean-Jacques Urvoas – Cette initiative est parfaitement justifiée : l’Assemblée doit tenir compte de la multiplication des recours en justice qui visent des témoins entendus par les commissions d'enquête parlementaire et qui émanent souvent, force est de le constater, de mouvements enclins à la manipulation des foules, qui veulent ainsi décrédibiliser les individus et organisations qui les dénoncent.

L’arrêt du 23 novembre 2004 de la Cour de cassation, qui a rappelé que le droit commun de la diffamation s'applique à tout individu auditionné par une commission d'enquête parlementaire, permet en effet à tout groupement malintentionné d'exercer d'inadmissibles pressions sur les témoins. Si cette logique d'intimidation atteignait son but, c'est le pouvoir de contrôle du Parlement lui-même, fondement de la République, qui s'en trouverait altéré. Il faut remédier à ces graves dysfonctionnements qui portent atteinte à notre démocratie. En revanche il nous apparaît que la solution préconisée tient du remède de cheval et risque plutôt d’aggraver la situation. Les chemins tortueux qu’elle emprunte pourraient se voir interdits par le juge constitutionnel s’il était saisi, ce que nous ne ferons pas pour notre part et, pour tout dire, cette proposition ne nous semble pas aussi équilibrée que cela a été dit.

Plusieurs difficultés se posent sur le plan du droit. D’abord, une loi ordinaire étend aux témoins des commissions d'enquête le principe constitutionnel de l'immunité parlementaire. Il n’est pas question pour nous, dans un réflexe corporatiste, d’en réclamer la jouissance exclusive : l’immunité parlementaire n’est pas un privilège, mais un moyen de placer le pouvoir législatif à l'abri des atteintes de l’exécutif. Mais le législateur doit rester prudent. Ainsi, par une décision du 7 novembre 1989, le Conseil constitutionnel a estimé qu’un parlementaire en mission ne pouvait être exonéré de façon absolue de toute responsabilité pénale et civile, ses actes étant alors distincts de ceux accomplis dans l'exercice de ses fonctions. On voit mal pourquoi ce qui a été refusé pour un parlementaire en mission serait admis pour un simple témoin.

M. Jacques Myard – Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Jacques Urvoas – Au demeurant, si la Cour de cassation, développe une interprétation très stricte de l'immunité parlementaire, c'est bien parce que celle-ci ne peut être autorisée que par la Constitution.

M. Henri Emmanuelli – La Cour de cassation a tort !

M. Jean-Jacques Urvoas – Cette proposition de loi pourrait également, en dernière analyse, porter atteinte au droit constitutionnel au recours. En effet, un tiers attaqué par un témoin devant une de nos commissions d'enquête, sur un sujet directement lié à l’enquête, se trouvera privé du droit élémentaire d'ester en justice. Voulant protéger, à juste titre, une liberté, on porte atteinte à un principe tout aussi important – je vous rappelle que je me situe exclusivement au niveau du droit.

Enfin, ce texte peut être perçu comme contraire à l'égalité devant la loi et la justice. Dans sa décision du 7 novembre 1989, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que la mise en œuvre, au profit de quiconque, d'une exonération de responsabilité à caractère absolu portait atteinte au principe d'égalité devant la loi.

M. Jean-Pierre Brard – Juridisme ! Ce n’est pas le Conseil constitutionnel qui fait la loi.

M. Jean-Jacques Urvoas – J’ai bien dit que je restais sur le plan du droit.

M. Henri Emmanuelli – Summum jus…

M. Jean-Pierre Brard – Le droit doit aller de pair avec la morale.

M. Jean-Jacques Urvoas – Je ne suis pas hostile au texte, mais je soulève quelques interrogations.

Les propos du président Warsmann, équilibrés pour le coup, ont fait apparaître le risque d’instrumentalisation, de la part des témoins, des commissions d’enquête. C’est pourquoi il a appelé à la réserve de ceux qui seront appelés à les présider. Il faut tout faire pour que ces commissions, qui ont démontré toute leur utilité, disposent d’un véritable pouvoir d’investigation et pour que des propos tenus à la demande de l'Assemblée nationale ne puissent faire tort à ceux qui les tiennent. Toutefois, je demeure convaincu que la solution retenue pose des problèmes de droit.

Je le confesse : je n'ai jamais été associé à une commission d'enquête (Murmures). J’imagine néanmoins que leur souplesse de fonctionnement devrait permettre de parvenir au but par des moyens qui ne soient pas juridiquement discutables. Certes, depuis 1991, l'audition publique est devenue la règle mais l'ordonnance de 1958 prévoit un mécanisme de huis clos afin de protéger certains témoins. Rien n'interdit d’user davantage de cette méthode.

M. Alain Gest – Je vous ai démontré que cela ne servait à rien !

M. Jean-Jacques Urvoas – Je propose aussi d’informer très clairement les témoins, dès le lancement de la procédure, que leurs propos lors d’une audition publique sont susceptibles de donner lieu à des poursuites. Dire la vérité n’implique pas de faire des déclarations injustifiées et condamnables. On pourrait aussi, pour garantir la protection des personnes auditionnées, recourir aux témoignages sous X ou leur demander des écrits qui seraient repris dans le rapport sans que leur nom soit cité. Je n’ignore pas ce que cette justification du secret peut avoir d'anachronique et de politiquement incorrect en ces temps où la transparence ne semble admettre aucune entrave, mais il me semble que, comme l'excès de silence, l'excès de transparence peut nuire à la justice et à la démocratie. Il serait sans doute préférable de répondre au problème par une meilleure application des possibilités de l’ordonnance de 1958.

M. Marcel Rogemont – Très bien.

M. Jacques Myard – Le phénomène sectaire existe, n’en déplaise à certains conseillers politiques. Trois commissions d’enquête en ont mis les dérives au jour, et il est indispensable que l’Assemblée puisse continuer à le faire. De nombreux progrès ont été réalisés dans la lutte contre les mouvements sectaires, notamment avec la loi About-Picard de 2001, la création de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, ou la circulaire aux préfets du ministre de l’intérieur.

Il ne s’agit pas de juger ce qu’est une religion. Reprocher aux commissions d’enquête d’être antireligieuses est infondé : nous sommes tous tenus par la liberté religieuse consacrée par la Constitution. On peut parfaitement croire que le grand chêne fait bénéficier chacun d’entre nous de ses influences cosmiques bénéfiques. Mais si certains, lorsqu’ils se réunissent sous le grand chêne, assoient leurs enfants sur ses branches afin qu’il leur enseigne la vérité, tout en leur interdisant d’aller à l’école, alors l’État doit intervenir.

En vertu du principe de laïcité, nous ne pouvons nous prononcer sur ce qu’est une religion…

M. Jean-Pierre Brard – Très bien !

M. Jacques Myard – L’État constate qu’il y a des religions, mais ne peut pas définir ce qu’est une religion. Ce sont les dérives sectaires qui sont en cause : l’abus de faiblesse, le harcèlement, la séquestration, les mauvais traitements, l’exercice illégal de la médecine… Ces agissements sont la réalité au quotidien ! J’ai d’ailleurs demandé la création d’une commission d’enquête sur les dérives sectaires en matière médicale et paramédicale, domaine où règnent les pseudo-médecins, gourous et charlatans ; j’espère qu’elle sera constituée.

Face à ces faits répréhensibles, il est impérieux de protéger les témoins. Sans eux, comment faire la lumière sur de tels agissements ? Ils sont harcelés par les gourous et les membres de la secte, qui veulent les faire rentrer dans le rang. Nous avons tous reçu des témoins qui avaient été menacés s’ils parlaient. C’est pourquoi j’approuve sans réserve la présente proposition de loi.

La question de l’immunité parlementaire a également été évoquée : aujourd’hui, si nous citons, dans les médias, des propos consignés dans le rapport d’une commission d’enquête, nous pouvons faire l’objet d’actions en justice. Cela a été le cas à la suite de la commission présidée par M. Gest. L'Assemblée nationale a pris en charge les frais d’avocats pour défendre les parlementaires, mais il n’en reste pas moins que ceux-ci ont été attaqués pour des propos tenus à l’Assemblée. Les sectes ont parfois des moyens colossaux, qui leur permettent de harceler ceux qui entendent dénoncer leurs agissements. Il faudra donc à l’avenir affiner également l’immunité parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard – Très bien.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Je remercie les parlementaires qui ont exprimé leur accord, et parfois leurs doutes, sur cette proposition de loi. Le texte, qui me paraît équilibré, offre une immunité partielle aux témoins des commissions d’enquête, qui n’est pas l’immunité générale des parlementaires, mais s’appuie sur la formule bien connue qui s’applique à la protection des témoins entendus lors de procès.

J’ai bien entendu les propos de MM. Brard, Gest et Myard concernant l’immunité parlementaire, notamment en cas de recours, et j’ai demandé à M. Warsmann de faire des propositions à ce sujet.

MM. Jean-Pierre Brard et Alain Gest – Très bien !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Je partage avec M. Hunault la conviction que les commissions d’enquête doivent conserver la maîtrise de leurs travaux, notamment en matière de publicité. MM. Brard et Gest ont rappelé que les témoins, et même les parlementaires, pouvaient subir des pressions ; celles-ci sont inadmissibles. M. Gest a insisté sur le fait que les commissions d’enquête contribuaient à la revalorisation du Parlement ; je partage ce point de vue : ces commissions donnent aux assemblées les moyens d’exercer leur mission de contrôle, qui va, je l’espère, se renforcer avec la réforme des institutions.

M. Urvoas considère que la solution apportée à la dérive que représentent les actions menées contre des témoins n’est pas adaptée. Je ne partage pas ses craintes. Comme je l’ai dit, l’immunité accordée aux témoins n’est pas générale ; il s’agit de l’application de l’article 41 de la loi de 1881 protégeant les témoins en justice, qui n’entre pas dans le cadre de l’article 26 de la Constitution relatif aux immunités parlementaires.

La situation des parlementaires doit également être prise en considération. Je souhaite qu’une réflexion approfondie soit menée sur cette question, avec le président Warsmann, afin que les parlementaires ne soient pas mis en cause.

MM. Alain Gest et Jacques Myard – Très bien !

La discussion générale est close.

ARTICLE UNIQUE

M. Jean-Jacques Urvoas – Je suis un peu gêné par cette focalisation sur la commission d’enquête relative aux sectes ; il me semble que nous ne devrions pas travailler en ayant une seule situation à l’esprit.

L’ordonnance de 1958 offre certaines possibilités pour la protection des témoins, et l’amendement 1 vise à substituer aux alinéas 2 et 3 de l’article unique un paragraphe soulignant les possibilités de huis clos.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Avis défavorable. Il est préférable de laisser aux commissions d’enquête la liberté d’organiser leurs travaux de la façon qui leur semble la plus efficace.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État Je souhaiterais vraiment que M. Urvoas accepte de retirer son amendement, car il introduit un dispositif très différent de celui proposé par le président Accoyer et ne permet pas forcément d’atteindre le but recherché. Son dispositif ne protégerait pas les témoins intervenant dans le cadre de travaux retransmis en direct. Ensuite, les commissions d’enquête doivent pouvoir choisir librement de divulguer ou non le nom de témoins, ne serait-ce que parce que cette divulgation peut conférer du crédit aux rapports qu’elles publient.

M. Jean-Jacques Urvoas – Comment ne pas accéder à une requête aussi intelligemment présentée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 1 est retiré.

L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité (Applaudissements sur tous les bancs).

La séance, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures 10.

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS (suite)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Yves Cochet – Le « libre choix de produire et de consommer sans OGM », qui a fait consensus au Grenelle de l’environnement, doit être un droit reconnu pour tous, par tous et défendu par l’État contre toute atteinte portée par des intérêts privés.

Que signifie « sans OGM » ? Nous savons que les seuils de détection scientifique ne correspondent pas au seuil européen d’étiquetage de 0,9 %. Par ailleurs, nous estimons que si les champs sont volontairement semés en OGM, il n’existe pas de dissémination « involontaire » et donc pas de présence « fortuite » !

Une anecdote : lorsque le groupe de travail OGM du Grenelle a remis en cause le seuil de 0,9 %, le Groupement national interprofessionnel des semences et plants – le GNIS – s’est empressé d’indiquer qu’il était impossible de le faire au niveau français. J’en conclus que, pour les promoteurs des OGM, un seuil de contamination « fortuite » revient à porter atteinte à leur liberté de produire des OGM.

La liberté de produire sans OGM ne peut dépendre que de la conservation des activités préexistantes, parmi lesquelles l’agriculture sans OGM. Le « sans OGM » doit être reconnu et garanti et les filières nommées, pour ne pas exister par défaut. C’est le sens de l’amendement 199.

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. Le sujet a déjà été abordé dans des termes proches – vous parliez de filière commerciale hier, de filière économique aujourd’hui. Je m’étonne même que cet amendement ne soit pas tombé.

M. le Président – En effet, il est redondant. Nous pouvons donc considérer qu’il tombe.

M. François de Rugy – L’amendement 201 vise à traduire en droit interne l’article 26 bis de la directive de 2001 qui autorise les États membres à prendre les mesures nécessaires pour éviter la dissémination d’OGM dans d’autres produits. Le droit à produire sans OGM doit être respecté. Répétons-le : c’est le seuil de détectabilité scientifique, soit moins de 0,1%, qui doit être retenu, et non le seuil d’étiquetage de 0,9%, qui ouvrirait la voie à la dissémination des OGM. C’est la seule manière de garantir le droit de produire et de consommer sans OGM.

M. Yves Cochet – Très bien.

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. Le haut conseil des biotechnologies, qui viendra en discussion aux articles suivants, mènera ces discussions.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire  Même avis.

L'amendement 201, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – L’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Or, en ouvrant la possibilité de cultiver des parcelles d’OGM, on menace la liberté d’autrui à produire sans OGM – un engagement pourtant pris lors du Grenelle de l’environnement. Le droit d’entreprendre a valeur constitutionnelle, et il concerne les agriculteurs. Je note au passage que la contamination ne peut se produire que dans un seul sens – des parcelles OGM aux parcelles conventionnelles – et qu’elle est inéluctable, comme le montrent les statistiques américaines ou argentines. Dès lors, ce nouveau type d’agriculture, qui n’est pas d’intérêt général, porte atteinte aux cultures conventionnelles, biologiques et autres activités dites durables.

M. François Brottes – Raisonnées ?

M. Yves Cochet – Non, voilà un terme qu’emploie la FNSEA pour désigner des activités à fort usage de pesticides.

M. Michel Piron – C’est un terme pour gens raisonnables !

M. Yves Cochet – Par ailleurs, au-delà du coût à supporter en cas de contamination avérée, les producteurs d’OGM ne peuvent laisser aux exploitants traditionnels la charge des mesures de protection et de traçabilité qu’ils leur imposent. C’est porter atteinte à leur liberté de produire sans OGM, ainsi qu’à celle des apiculteurs, sur le cas spécifique desquels nous aurons à revenir. Le récent arrêt de la cour d’appel d’Agen démontre que le droit positif n’a pas encore intégré les contaminations inopinées mais incontrôlables. L’objet de l’amendement 202 est précisément de combler cette lacune.

M. Antoine Herth – Même avis qu’à l’amendement précédent : ces sujets seront évoqués par le haut conseil des biotechnologies. Je ne puis imaginer qu’il fasse abstraction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie – Même avis.

M. le Président – Bien que je ne sois pas obligé de vous donner la parole, Monsieur Gaubert, je le fais.

M. Jean Gaubert – Je ne le prends pas comme une faveur, mais comme l’application du règlement.

Cela dit, il me semblait pourtant que la majorité était favorable à la liberté d’entreprendre. Or, nous savons tous qu’un problème de coexistence va se poser – M. Borloo a lui-même reconnu, à la radio, que l’on ne dresserait pas de barrière entre les deux types de cultures. C’est avouer que la coexistence n’aura pas lieu ! Dans le même temps, les agriculteurs, eux, s’inquiètent de la contamination possible de certaines cultures, notamment biologiques. Éclairez-nous donc, puisqu’au fond le débat n’est pas de permettre la culture des OGM, mais de préserver la possibilité d’une culture sans OGM.

L'amendement 202, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bertrand Pancher – L’atelier du Grenelle de l’environnement consacré aux OGM a abouti au consensus sur plusieurs sujets, dont l’information du public. L’amendement 100 s’inspire de ses conclusions en la matière, conformément à la convention d’Åarhus et à la directive de 2001. Il vise à intégrer la notion de transparence à l’alinéa 3 de l’article, car l’information des citoyens est essentielle.

M. André Chassaigne – En effet, le principe de transparence a fait l’objet comme plusieurs autres d’un consensus lors du Grenelle de l’environnement. Dès lors, il est indispensable de l’inscrire à l’article premier.

La convention d’Åarhus est d’ailleurs très claire sur l’accès du public à l’information, sur la participation à la prise de décision et sur l’accès à la justice en matière environnementale.

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission avait émis un avis défavorable, au vu de l’amendement ultérieur 170 déposé par MM. Jacob et Debré, qui reprend cette exigence dans une perspective plus large. Toutefois, nous devons faire preuve de la plus grande clarté vis-à-vis de l’opinion publique, qui ne comprend plus rien à la question des OGM. Aussi conviendrait-il sans doute d’intégrer cette notion de transparence dès cet alinéa.

Pour ce qui est de la correction grammaticale de l’ensemble, la navette nous donnera l’occasion d’y revenir plus tard.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – D’accord !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Avis favorable.

Mme Delphine Batho – Je me félicite de la position adoptée par la commission. Le Sénat avait déjà amélioré le texte en précisant que l’évaluation devait être indépendante ; il s’agit maintenant de la rendre publique. N’oublions pas que la question de la transparence a été au cœur du Grenelle de l’environnement.

S’agissant de la grammaire, j’indique que nous défendrons tout à l’heure un amendement formulé de façon plus claire…

Les amendements 100 et 254 identiques, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – A l’unanimité !

M. Germinal Peiro - L’amendement 232 tend à ce que l’évaluation préalable porte également sur les risques encourus par les cultures conventionnelles. En effet, la liberté de produire sans OGM sera bafouée par le droit de les utiliser : jamais la coexistence entre les cultures ne sera possible ; la dissémination ne manquera pas de se généraliser. Il faut donc protéger les cultures conventionnelles. Nous avions d’ailleurs compris que telle était une des conclusions du Grenelle de l’environnement.

Il faut répondre à l’attente de ces milliers d’agriculteurs qui ne veulent pas que leurs champs soient pollués par les OGM. Seule la filière des grands céréaliers souhaite imposer les OGM. Tous ceux qui pratiquent la polyculture, qui produisent sous label ou sous indication géographique protégée savent que la présence des OGM portera atteinte à la crédibilité de leurs produits. La plus-value de l’agriculture française, ce sont les productions de qualité...

M. Yves Cochet – Très bien !

M. Germinal Peiro – Le législateur doit défendre la très grande majorité des agriculteurs de notre pays.

M. Antoine Herth, rapporteur – La question est intéressante, mais la commission a émis un avis défavorable. En effet, cet alinéa retranscrit mot à mot la directive européenne. En y introduisant des considérants différents, nous risquerions d’adresser un message bien confus à Bruxelles.

Je précise également que votre demande pourra être satisfaite plus loin dans le texte : les commissions de surveillance biologique du territoire ont pour vocation de se pencher sur l’ensemble des techniques agricoles. Le Haut conseil des biotechnologies pourra ensuite se saisir de leurs rapports.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même position.

Mme Frédérique Massat – L’évaluation est essentielle si nous ne voulons pas mettre nos systèmes agricoles sous liberté conditionnelle face aux OGM. L’agriculture conventionnelle doit être protégée. Voyez ce qui a déjà été planté ! (Mme Massat déploie une carte). Nous devons prendre en considération les cultures, labellisées ou non, qui s’imposent des contraintes de qualité. Je pense notamment à l’agriculture de montagne. N’oublions pas les cultures conventionnelles.

L'amendement 232, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 255 est satisfait.

L’amendement 255 est retiré.

M. Christian Jacob – L’amendement 170 vise à compléter la notion d’indépendance de l’expertise en faisant référence aux principes de compétence, de pluralité, de transparence et d’impartialité, comme nous l’avons déjà fait au sujet de certaines agences, notamment l’AFSSA.

Compte tenu des propos qui ont été tenus ces derniers jours, je crois que nous devons éviter autant que possible les ambiguïtés…

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission est favorable à cet amendement, qui précise utilement les qualités que doit présenter toute évaluation.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Avis favorable. Cet amendement est essentiel, car il faut sortir du manichéisme. Aucun texte n’interdira jamais tous les OGM – le droit communautaire ne le permet pas, et je ne suis d’ailleurs pas sûr que notre assemblée le souhaiterait. Nous devons en revanche protéger le plus faible : celui qui est exposé à la dissémination des OGM. Pour cela, nous avons besoin d’expertise au niveau français et communautaire.

Je me félicite que cet amendement mentionne notamment la notion de pluralité, car il faut éviter qu’une discipline scientifique s’approprie les sujets. C’est pourquoi le Gouvernement est très favorable à cet amendement.

M. Jean-Yves Le Déaut – Nous sommes d’accord sur le fond. Cela étant, nous avons déposé plus loin un amendement mieux rédigé. À quoi sert de préciser que les experts devront être compétents ? Cela devrait aller de soi…

Mieux vaudrait indiquer que l’expertise doit être publique, collective, transparente et contradictoire. C’est ce dernier point qui fait défaut dans l’amendement 170 : tous les experts ne sont pas forcément du même avis.

L'amendement 170, mis aux voix, est adopté.

Mme Annick Le Loch – L’amendement 233 tend à rendre publiques les évaluations préalables aux décisions d’autorisation, conformément à l’article 7 de la Charte de l’environnement et à l’esprit du Grenelle de l’environnement, dont la transparence et le rétablissement de la confiance ont constitué une préoccupation majeure, mais aussi pour répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens.

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission est défavorable à cet amendement, non sur le fond…

M. François Brottes – Il est mieux rédigé que le précédent !

M. Antoine Herth, rapporteur – Vous l’avez déposé pour insister à nouveau sur ce point et fixer un certain nombre de principes, soit. Mais l’article 2 dispose – dans son alinéa 7 – que le Haut conseil « rend publics ses avis et recommandations ». La commission a également adopté un amendement 20 qui permet de poser cette obligation de publication – qui va de soi – dès le début de l’article. Je vous invite donc à retirer le vôtre pour vous rallier le moment venu à l’amendement 20.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat – Même avis.

M. le Président – La parole est à M. Mamère (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

M. Germinal Peiro – J’avais demandé la parole !

M. Henri Emmanuelli – On ne peut même pas répondre à la commission et au Gouvernement ! C’est toujours la même chose !

M. le Président – Je donne normalement la parole à un orateur pour l’amendement et à un orateur contre. M. Mamère a demandé la parole pour répondre à la commission et au Gouvernement : je la lui donne.

M. Noël Mamère – Suivant mon habitude, je vais essayer d’apaiser un peu ce débat (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP). C’est du reste ce que nous cherchons, contrairement à l’autre côté de l’hémicycle… (Mêmes mouvements)

Je soutiens l’amendement de nos collègues du groupe SRC. L’article premier, qui tord le cou au principe fixé par le Grenelle de l’environnement – la possibilité de produire et de consommer sans OGM – est l’article fondateur du texte. Nous opposer que la publicité des expertises figurera à l’article 2, c’est donc en quelque sorte détourner l’esprit du Grenelle. Vous avez déjà refusé de prévoir que ces expertises seraient contradictoires comme le demandait notre collègue Le Déaut. C’est pourtant une garantie de leur validité et de leur sincérité ! Notre pays a déjà mis beaucoup de temps à financer des expertises indépendantes, puis contradictoires. Ce sont elles qui ont permis de mettre au jour des conséquences sanitaires et environnementales des OGM qui nous avaient été cachées jusque-là. Vous ne pouvez vous réclamer de la transparence et refuser en même temps de poser dès l’article premier ce principe de publicité.

Le Président de la République a parlé de « maïs pesticide ». Ce maïs est-il évalué selon les mêmes critères que le pesticide fabriqué par les mêmes sociétés ? Non ! Faut-il vous rappeler qu’il a fallu saisir les tribunaux pour obtenir les résultats des études qui ont été faites sur les rats – et qui ont mis en évidence des anomalies sur leur foie et leurs reins – pour passer outre l’argument du secret industriel brandi par la société Monsanto ? On est encore loin de la transparence ! C’est pourquoi nous demanderons encore, chaque fois que nous en aurons l’occasion, que les expertises soient indépendantes, contradictoires et rendues publiques. Nous y reviendrons notamment à propos de la Haute autorité – devenue un Haut conseil dont M. Grosdidier a parfaitement analysé les carences dans la lettre qu’il a adressée à ses collègues de l’UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Germinal Peiro – C’est évidemment dès l’article premier que l’on doit préciser que les évaluations préalables aux décisions d’autorisation sont rendues publiques. Vous savez à quel point le doute habite nos concitoyens, et même l’ensemble de nos collègues. M. le Déaut a déjà demandé que les évaluations soient contradictoires. C’est indispensable pour éclairer le public et ceux qui auront la responsabilité de prendre les décisions d’autorisation. Posons des principes clairs pour que nos concitoyens puissent avoir confiance ! Nous avons certes une divergence fondamentale, mais il me semble que ce point au moins devrait faire l’unanimité.

L'amendement 233, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Jacob – L’amendement 16 rectifié de la commission s’inscrit dans la même logique de transparence que celui que nous avons adopté tout à l’heure sur le caractère indépendant de l’expertise. J’ai donc été particulièrement étonné que les députés verts s’y opposent en commission. Cet amendement prévoit que « les études et les tests sur lesquels se fonde cette évaluation en vue des autorisations sont réalisés dans des laboratoires agréés par les pouvoirs publics. » Faut-il rappeler que ces études sont aujourd’hui réalisées chez les obtenteurs de semences ? C’est donc un geste fort que vous propose le groupe UMP ! L’amendement dit d’autre part que « les conclusions de toutes les études et tests réalisés dans ces laboratoires sont mises à la disposition du public, sans nuire à la protection de la propriété intellectuelle ».

M. Yves Cochet – Nous avons voté votre amendement de tout à l’heure !

M. Christian Jacob – Mais vous aviez voté contre en commission ! Ceux qui sont contre la transparence et l’indépendance sont dans votre camp ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

Bref, c’est une amélioration importante que vous propose le groupe UMP (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission a adopté cet amendement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Favorable.

Mme Delphine Batho – Nous avons voté un amendement sur la transparence des évaluations préalables aux décisions d’autorisation. Notre amendement 233, qui a été repoussé, proposait que les évaluations soient rendues publiques. Tout autre est le contenu de celui-ci, qui n’instaure qu’un ersatz de transparence, puisque celle-ci ne doit pas « nuire à la protection de la propriété intellectuelle ». Or toutes les demandes d’autorisation d’OGM sont liées à des brevets. Cet argument sera donc systématiquement invoqué par les semenciers pour refuser la publicité des études et des tests préalables aux autorisations. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. Christian Jacob – Quel est l’avis de M. Brottes, qui a voté pour l’amendement en commission ?

M. Noël Mamère – Monsieur Jacob, vous prenez un malin plaisir à transformer les Verts en boucs émissaires. Nous ne sommes pas les ennemis des agriculteurs. (Ah ? sur les bancs du groupe UMP) Nous sommes les amis d’une agriculture de qualité, qui renonce aux pratiques intensives, d’une agriculture paysanne, contre les dérives d’une agriculture productiviste qui menace l’environnement et peut-être la santé. Vous qui avez présidé une organisation syndicale agricole, vous savez qu’en Bretagne, il faut acheter de l’eau minérale tellement les nappes phréatiques sont polluées par les nitrates ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jacques Le Guen – Ce n’est pas vrai !

M. Noël Mamère – En Aquitaine, les tumeurs au cerveau sont trois fois plus nombreuses que la moyenne nationale à cause de cette agriculture intensive.

Votre amendement est un leurre. Vous nous prenez pour des imbéciles heureux. Son deuxième alinéa est un monument d’hypocrisie, puisque les conclusions de toutes les études sont mises à disposition du public… « sans nuire à la protection des intérêts énumérés aux I de l’article L 124-4 et II de l’article L 124-5 et à la protection de la propriété intellectuelle ».

Sans relancer la polémique (Rires sur les bancs du groupe UMP) vous montrez votre soumission intellectuelle aux grands semenciers. Dans ce débat, seul M. Cochet a insisté sur le dépôt de brevet et la propriété que s’arroge les semenciers sur certains gènes, allant jusqu’à la biopiraterie au Brésil ou au Venezuela. Heureusement, aujourd’hui des populations résistent. Mais vouloir nous faire croire que vous et vos amis – pas tous – veulent améliorer la transparence grâce à cet amendement, c’est nous prendre pour des imbéciles.

M. Yves cochet – Très bien.

M. François Brottes – Rappel au règlement !

M. le Président – Vous le ferez après le vote. Je suis saisi par M. Chassaigne d’un sous-amendement 481.

M. André Chassaigne – Mon sous-amendement 481 tend à compléter l’alinéa 2 en indiquant que les études et tests sont réalisés « par des instituts de recherche publique et, à défaut, » dans ces laboratoires agréés par les pouvoirs publics.

M. Antoine Herth, rapporteur  La commission n’a pas examiné cet amendement. La notion d’agrément est importante. Je me demande si ce sous-amendement ne va pas déséquilibrer le texte. Il faut y regarder de plus près.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat – Préciser comme le fait l’amendement que les études seront effectuées dans des laboratoires agréés par les pouvoirs publics est déjà une amélioration. Sans avoir de position a priori sur le sous-amendement, je préfère qu’on modifie le texte, éventuellement, au cours de la navette.

M. Christian Jacob – Je préfère également qu’on y revienne au cours de la navette. Sur le fond, je partage l’idée de M. Chassaigne. Simplement, je crains que les entreprises privées qui, aujourd’hui, financent ces recherches, en transfèrent le coût sur les laboratoires publics.

M. Henri Emmanuelli – On paiera ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob – C’est celui qui demande l’autorisation qui doit financer l’évaluation.

M. André Chassaigne – Monsanto utilise ses propres laboratoires, et on voit le résultat !

M. Christian Jacob – Nous disons la même chose. Aujourd’hui, les semenciers font les tests dans leurs propres laboratoires, et je propose qu’ils se fassent dans des laboratoires agréés. Mais revoyons les choses pendant la navette pour ne pas, par votre sous-amendement, faire payer à l’INRA les recherches de Monsanto.

M. André Chassaigne – Et d’ailleurs, y a-t-il des laboratoires non agréés ? C’est curieux.

M. Christian Jacob – L’INRA n’a pas à financer les recherches américaines. C’est un souci légitime.

Mme Marylise Lebranchu – Dans l’exposé sommaire de l’amendement 16 rectifié, vous semblez dire qu’il s’agit ici d’OGM expérimentés en milieu ouvert sur lesquels la recherche se poursuit ailleurs, puisque vous avez peur que la publicité donnée à ces études ne soit utilisée par ces autres laboratoires privés. Donc on est encore dans la phase de demande de brevet, sans qu’il y ait eu d’expérimentation publique. Il y a là quelque chose qui ne va pas. La loi sur la propriété intellectuelle s’applique de toute façon, ce n’est pas la peine de le répéter ici. Le faire, c’est un acte politique plutôt que juridique. Vous donnez, dans certains cas, l’autorisation de ne pas publier une étude d’expérimentation. Je vous rappelle que lorsque, il y a quelques années, nous avions décidé de mettre tous les avis en ligne pour que le public y ait accès, on y a opposé la protection de la propriété intellectuelle.

M. le Président – Je vais mettre aux voix le sous-amendement 481, mais il est de mon rôle de préciser que je doute de sa recevabilité.

Le sous-amendement 481, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 16 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Monsieur Brottes, faites votre rappel au règlement.

M. François Brottes – J’aurais souhaité le faire avant le vote, mais vous en avez décidé autrement.

M. le Président – C’est le règlement.

M. François Brottes – Je ne mets pas en cause votre présidence. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux. M. Jacob a fait allusion aux travaux en commission. Nous avons effectivement considéré que renvoyer les tests à des laboratoires publics était une avancée. Mais nous avions des doutes sur le deuxième alinéa. Écrire que les dispositions sur la propriété intellectuelle s’appliquent est superflu, puisque c’est déjà la loi. L’écrire est une sorte de détournement de la loi…

M. le Président – Ce n’est pas un rappel au règlement, vous faites un détournement de procédure.

M. François Brottes – En réalité, c’est le principe même de la réalisation des tests qui est mis en cause, et pas seulement la communication des résultats. C’est pourquoi en commission, nous avions émis un avis favorable sur la première partie de l’amendement, mais des doutes sur la deuxième partie ; ces doutes étaient fondés : il s’agit d’un refus de transparence.

M. André Chassaigne – Je voudrais faire un rappel au Règlement. Il semblerait que le Gouvernement veuille, en application de l’article 101 du Règlement, revenir sur l’adoption hier par l’Assemblée d’un de nos amendements. Pour assurer la transparence et le bon déroulement de nos débats, je voudrais savoir si les ministres en ont réellement l’intention. Ce serait un véritable déni de démocratie et je demande une réponse claire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Ce n’était pas plus un rappel au Règlement que les autres. Nous en venons à l’amendement 203 (Protestations sur les bancs du groupe SRC).

Plusieurs députés du groupe SRC – Le ministre doit répondre !

M. André Chassaigne – Tout cela est d’une extrême gravité, il nous faut une réponse.

M. Germinal Peiro – Cette discussion se déroule dans un malaise certain. Certains députés de l’UMP se permettent de dire que le président est bien aimable de nous donner la parole. Mais nous sommes les représentants du peuple et prendre la parole est notre droit. Nous n’en demandons pas plus, mais il doit être respecté. Or la question de M. Chassaigne est d’une extrême gravité, puisqu’il s’agit de revenir sur le vote des députés. Si nous n’avons pas de réponse, je dois réunir mon groupe et je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 12 h 20, est reprise à 12 h 24.

M. François de Rugy – Je voudrais faire un rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58 aliéna 1. C’est pour le bon déroulement de nos travaux que nous demandons au Gouvernement de prendre clairement position. Nous ne pouvons pas rester dans l’ambiguïté s’agissant d’un amendement voté non seulement par les députés de l’opposition, mais aussi des membres de la majorité et qui protège les produits du terroir, les labels et les appellations d’origine contrôlée. Les Français doivent savoir ce qu’il en est. Le Gouvernement va-t-il demander une deuxième délibération, ou revenir sur cet amendement au Sénat ? Nous ne pouvons pas poursuivre nos débats sans réponse.

M. le Président – De tels éléments ne peuvent pas fonder un rappel au Règlement. Veuillez défendre votre amendement.

M. Noël Mamère – Il nous faut une réponse. Je demande une suspension de séance.

M. le Président – Vous l’aurez après l’amendement 203.

M. Noël Mamère – La suspension est de droit.

La séance, suspendue à 12 h 25, est reprise à 12 h 28.

M. François de Rugy – Il est tout de même dommage de ne pas obtenir de réponse alors que nous sommes honorés de la présence du ministre d’État, de Mme la ministre et même du ministre chargé des relations avec le Parlement ! La moindre des choses serait que ce dernier nous éclaire sur la suite de la procédure.

M. François Brottes – Très bien !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – La seule instruction que j’ai reçue du Premier ministre, c’est de lever l’urgence, pour qu’il y ait quatre lectures. Ne me demandez pas ce qui se passera au Sénat, car je n’ai aucune instruction à ce sujet.

M. Germinal Peiro – Vous avez peut-être un avis !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – En ce qui concerne le déroulement du débat, il existe un Règlement, et nous l’appliquons. Vous n’allez quand même pas me demander toutes les demi-heures ce que je vais faire dans la suite de la discussion ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; applaudissements sur quelques bancs de l’UMP).

M. Noël Mamère – Ce n’est pas une réponse.

M. François de Rugy – Je n’ai jamais fait, depuis que je suis député, d’obstruction ; cela n’est pas notre logique. Nous nous situons dans la perspective d’un débat transparent, et il est normal que nous posions des questions, puisque nous constatons qu’il existe des divergences importantes au sein de la majorité.

Ce texte reconnaît les grands principes, dont la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM, et je veux bien croire à la sincérité du Gouvernement. En revanche, je doute davantage de celle de la majorité, constatant qu’elle refuse toutes nos tentatives en vue de préciser les choses.

M. Jacob nous a tout à l’heure pris de haut lorsque M. Mamère s’est exprimé sur la situation de l’agriculture en Bretagne. Je peux vous dire, en tant qu’élu breton, que les agriculteurs de ma circonscription ne peuvent plus utiliser l’eau des forages tellement ceux-ci sont pollués.

M. Jacques Le Guen – C’est faux !

M. François de Rugy – Nous souhaitons, avec l’amendement 203, apporter des précisions, notamment pour permettre aux apiculteurs de continuer à produire du miel dans de bonnes conditions. La pollinisation des plantes passe par les abeilles. Si, demain, en raison de la nécessité d’un espacement avec les cultures OGM, on les empêche d’installer leurs ruches, ils ne pourront plus travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. C’est un débat que nous avons déjà eu sur la notion « avec ou sans OGM ».

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargé de l’écologie – Même avis. Le Sénat a répondu à cette préoccupation concernant l’apiculture : relisez le texte. En outre, les principes de précaution, de prévention, d’information, de participation et de responsabilité ayant été constitutionnalisés dans la Charte de l’environnement – que n’a pas votée tout le monde à gauche ! –, ils s’appliquent à toutes les lois, sans qu’il y ait lieu de les réaffirmer à chaque fois.

M. Jacques Le Guen – Je voterai contre l’amendement. À notre collègue M. de Rugy, qui accuse les agriculteurs bretons d’avoir pollué les terres, je souhaite dire que la profession déploie, depuis des années, de grands efforts pour reconquérir la qualité de l’eau. Là où je réside, nous cherchons l’eau dans les forages destinés aux élevages. Alors que 36 bassins versants n’étaient pas aux normes, il n’en reste plus que neuf aujourd’hui. Nous sommes sur la bonne voie. Un peu de respect pour ces gens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Germinal Peiro – Si nous souhaitons que le principe de précaution figure dans cette loi, c’est parce que nous ne voulons pas que celle-ci soit inconstitutionnelle.

Nous ne montrons personne du doigt. C’est au contraire la loi qui va faire des boucs émissaires des agriculteurs, qui seront accusés de polluer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Indéniablement, la France a eu recours à des pratiques agricoles polluantes, de sorte que 70 % de nos masses d’eau sont aujourd’hui polluées. Nous n’avons ainsi plus le droit de pécher l’omble chevalier dans les lacs d’Annecy, du Léman ou du Bourget, pollués par les PCB.

M. Jean-Charles Taugourdeau – Quel est le rapport avec les OGM ?

M. Philippe Martin – Les PCB, c’est Monsanto !

M. Germinal Peiro – L’usage en avait bien été légalisé. Souffrez par conséquent que nous appelions à la prudence ! Nous défendons, nous aussi, les agriculteurs, mais on ne peut pas dire que la qualité de l’eau soit irréprochable en Bretagne. Chacun sait que la directive européenne qui nous impose un bon état de l’eau d’ici à 2015 ne sera pas respectée. Pour ne pas commettre les mêmes erreurs, votons cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

L'amendement 203, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – Arrêtez de faire passer les députés Verts pour des ennemis des agriculteurs. Ce que nous dénonçons, ce sont les pratiques agricoles auxquelles on les a contraints de recourir pour développer une agriculture productiviste (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC). Nous voulons les aider à sortir de la dépendance des pesticides et autres poisons. Il n’y a pas que les marées noires : 80 % de la pollution des océans provient des pratiques agricoles, par le biais des rivières. Ce n’est pas un hasard, Monsieur Le Guen, si sont nés en Bretagne, à l’instigation du militant chrétien Bernard Lambert, les paysans-travailleurs, qui avaient compris, il y a quarante ans déjà, les dérives auxquelles conduirait l’agriculture productiviste.

L’amendement 204 propose de revenir au Grenelle de l’environnement, à savoir à la possibilité de produire et de manger sans OGM. Le Grenelle n’est pas, que je sache, une coquetterie du Gouvernement ; il s’agissait de la volonté politique de réunir autour d’une table des personnes qui s’ignoraient ou bien s’invectivaient. Des centaines de personnes ont ainsi travaillé des mois durant, croyant à la sincérité du Gouvernement, pour demander notamment une agriculture qui ne rende pas les agriculteurs dépendants des semenciers et de cette iniquité qu’est le brevetage du vivant.

Cette attente de la société a été trahie par le Sénat, ainsi que par le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée qui s’en rendent complices. Car ce texte légalise une coexistence impossible entre deux libertés inconciliables. La Charte de l’environnement, qu’évoquait Mme la secrétaire d’État, dispose que l’environnement est une propriété collective, un bien commun. Nous pouvons à présent définir juridiquement ce bien commun et dire, sans passer pour un provocateur, que ceux qui portent atteinte à l’environnement volent la propriété des autres, que ce sont eux les délinquants, et non les « faucheurs volontaires », qui défendent l’intérêt général.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Noël Mamère – Vous ne pouvez pas escamoter ce débat, Monsieur le Président. Nous souhaitons voir respecter un certain équilibre… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Si l’équilibre n’est pas respecté, ce n’est certainement pas parce que je laisserais davantage la parole à la majorité.

M. Bernard Debré – Ça suffit !

(M. le Président coupe le micro auquel s’exprime M. Mamère)

M. Noël Mamère – C’est de la censure !

M. Bernard Debré – Non ! C’est le Règlement.

Mme Corinne Erhel – La proposition 136 du Grenelle de l’environnement visait à garantir « le libre choix de produire et de consommer sans OGM ». La rédaction de l’alinéa 4 tourne le dos au principe de précaution, et, mettant sur un pied d’égalité le « avec » et le « sans », permet la coexistence des cultures. Elle entre en contradiction avec l’affirmation du rapporteur, à la page 16 de son rapport, selon laquelle « la mise en culture (d’une PGM) a un impact concret sur le milieu environnant et la production qui en découle est susceptible d’entrer dans la chaîne alimentaire ». Vous-même, Monsieur le ministre, avez affirmé sur France Inter que l’on ne pouvait pas dresser de barrières.

La coexistence supprime la liberté de produire sans OGM. L’amendement 234 vise à la rétablir. Je vous demande de la respecter et de ne pas aller à l’encontre des préconisations du Grenelle (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) !

M. André Chassaigne – Je partage les propos de M. Mamère et de Mme Erhel. Je veux lancer un appel solennel : Monsieur le ministre d’État, Madame la ministre, vous avez présenté le Grenelle comme une formidable aventure, provoquant l’enthousiasme dans le pays et suscitant de grandes attentes. C’est la crédibilité du monde politique et de sa parole que vous jouez désormais.

L’intergroupe sur les OGM a proposé de garantir « le libre choix de produire (règles de coexistence) et de consommer (traçabilité, étiquetage, seuil de contamination) sans OGM ». Pourquoi avez-vous fait évoluer le texte dans ce sens ? Revenez aux termes du Grenelle (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC) !

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. J’ai déjà rappelé ma position. Ce texte est l’interprétation qu’a faite le Président de la République du Grenelle de l’environnement, et nous l’assumons. Je veux par ailleurs remercier Mme Erhel de m’avoir fait l’honneur de citer mon rapport.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Le Grenelle est un compromis, et par nature, compliqué. Que demande-t-il ? L’activation de la clause de sauvegarde, en l’état des informations dont nous disposons sur la dissémination ; la réévaluation du niveau d’expertise européen ; un texte sur les OGM et les biotechnologies garantissant la transparence, la responsabilité et l’expertise plurielle.

Le texte exact, voté à l’unanimité, mentionne bien « les règles de coexistence ». Respectons scrupuleusement ce compromis, même s’il existe des points sur lesquels nous pouvons être en désaccord, comme le débat au Sénat l’a démontré.

M. le président – Sur les amendements 204, 234 et 257 identiques, je suis saisi d’une demande de scrutin public.

M. Jean Lassalle – Je voterai l’amendement de M. Mamère car, comme il l’a dit, on ne peut concilier deux choses par nature inconciliables.

Je suis conscient des efforts que déploient M. le ministre d’État et Mme la ministre, mais j’estime que nous n’avons pas respecté la bonne chronologie. Nous aurions dû discuter d’une loi cadre sur l’avenir de l’agriculture française, ce qui aurait apaisé d’autant le débat sur les OGM. Quel dommage !

Je constate que le nombre des exploitations agricoles diminue chaque jour et que la pluriactivité, socle de notre agriculture, est en train de disparaître. Pour ma part, je ne voterai pas ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Germinal Peiro – Nous considérons que l’autorisation de produire avec des OGM aura des conséquences économiques graves sur l’agriculture conventionnelle et sur les labels de qualité et des conséquences environnementales irréversibles (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) ! Lorsque seront autorisées les cultures de PGM à grande échelle, la contamination se généralisera. Tout le monde en est convaincu !

L’article premier porte atteinte à notre devise républicaine. Si la France occupe cette place dans le monde, c’est parce que nous avons été capables de porter des valeurs universelles – parmi lesquelles la liberté – et que des hommes et des femmes se sont battus et sont morts pour leur défense (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Cet article bafoue la liberté d’une grande partie des Français et des collectivités territoriales – je rappelle que 238 régions européennes ont adopté des motions visant à interdire la culture d’OGM. 

Voilà les libertés et les principes constitutionnels auxquels tout républicain est profondément attaché que vous allez bafouer ! Réfléchissez donc avant d’agir ! Quelle urgence y a-t-il à légiférer ? Croyez-vous vraiment que la pyrale menace l’économie mondiale ? Soyons sérieux : vous avez, Monsieur le ministre, utilisé la clause de sauvegarde ; continuez sur la voie de la prudence et décrétez le moratoire, au lieu de nous engager dans un processus irréversible ! L’un des fondements de notre République est la liberté, et nul ne peut la bafouer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

À la majorité de 58 voix contre 43 sur 101 votants et 101 suffrages exprimés, les amendements identiques 204, 234 et 257 ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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