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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 3 avril 2008

2ème séance
Séance de 15 heures
131ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

DÉPÔT D’UNE MOTION DE CENSURE

M. le Président – M. le président de l’Assemblée nationale a reçu à 13 heures une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et 226 autres membres de l’Assemblée en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution.

Conformément à l’article 153, alinéa 4, du Règlement, je donne lecture de ce document :

« Au-delà des enjeux locaux, les Français ont adressé un message clair à l’occasion des élections des 9 et 16 mars derniers. Ils ont censuré une politique économique et sociale qui a conduit à la détérioration de leurs conditions de vie. »

M. Germinal Peiro – C’est exact.

M. le Président – « Ils ont censuré le creusement des inégalités symbolisé par le gaspillage des 15 milliards d’euros du paquet fiscal en faveur des plus fortunés. »

M. André Chassaigne – Très bien !

M. le Président – « Ils ont censuré l’avalanche de promesses non tenues … »

M. Jean-Pierre Brard – Une logorrhée !

M. le Président – « …depuis dix mois par le Président de la République et le Gouvernement en matière de pouvoir d’achat, de protection sociale, d’environnement ou de logement. Ils n’ont pas été entendus.

Le chef de l’État, relayé par ses ministres, n’a eu de cesse de confirmer ses orientations et de minimiser sa responsabilité dans la crise de confiance que traverse le pays. Le plan d’austérité qui se met en place par touches successives, via notamment l’annulation massive de crédits publics et la remise en cause de réformes sociales, aurait suffi à justifier cette motion de censure. »

M. Germinal Peiro – En effet !

M. le Président – « Mais nous voulons aujourd’hui éclairer les Français sur la dangereuse rupture que sont en train d’opérer le Président de la République et son Gouvernement avec le consensus national qui prévalait sur les principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays. »

M. Germinal Peiro – Très bien !

M. le Président – « L’ouverture de négociations sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, la compréhension affichée envers la funeste intervention américaine en Irak, le discours prononcé par le chef de l’État devant le Congrès américain, ont posé les jalons d’un alignement atlantiste global dont nous récusons la pertinence et l’opportunité pour notre pays. »

M. André Chassaigne – Très juste !

M. le Président – « Cet alignement se confirme dans la décision présidentielle d’accéder à la demande de l’administration américaine de renforcer l’effort de guerre de la France en Afghanistan. Ce conflit était, au lendemain des attentats du 11 septembre, un acte de légitime défense collective, reconnu par la charte des Nations unies, pour empêcher un conflit de civilisations et mettre fin aux activités d’une organisation terroriste. Aujourd’hui, faute d’avoir su réussir la stabilisation et le développement de l’Afghanistan, la logique militaire a montré ses limites. Le salut de l’Afghanistan passe par une évaluation et par une complète réorientation de la stratégie politique, diplomatique et militaire de la coalition. L’intérêt de la France n’est pas d’ajouter la guerre à la guerre. Il est d’aider à un règlement global.

« Nous nous opposons en premier lieu à la décision présidentielle parce que nous refusons un enlisement dans une guerre sans but et sans fin. Nous refusons d’exposer inutilement la vie des soldats français tant que les leçons de l’échec de la coalition n’auront pas été tirées. Nous refusons que la France supporte en Afghanistan le fardeau de la guerre américaine en Irak alors même qu’elle avait été la première à en dénoncer la nocivité.

« Nous nous opposons en second lieu à cette décision parce qu’elle a peu à voir avec l’Afghanistan et beaucoup avec l’obsession atlantiste du Président de la République … »

M. Jean-Pierre Brard – Exactement ! Excellente formule !

M. le Président – « …et son projet de réintégrer la France dans le commandement de l’OTAN. En abdiquant son autonomie de décision militaire et stratégique dont tous les présidents de la Ve République ont été les gardiens,… »

M. André Chassaigne – Absolument !

M. le Président – « …en abandonnant son combat pour le multilatéralisme, en oubliant ses ambitions d’un pilier européen de défense, la France perdrait sa liberté de choix dans le monde. Elle se retrouverait liée à une doctrine des blocs qu’elle a toujours récusée.

« Nous nous opposons enfin à cette décision parce qu’elle est le fait d’un homme seul. En annonçant sa décision devant le Parlement britannique alors même que la représentation nationale n’en avait jamais été informée, en refusant aux parlementaires le droit de se prononcer par un vote,… »

M. Germinal Peiro - Quel mépris du Parlement !

M. le Président - « …le chef de l’État et le Gouvernement ont humilié le Parlement et révélé leur conception de la démocratie : un exécutif, des exécutants. »

M. François Brottes – Absolument !

M. le Président – « Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et le groupe de la gauche démocrate et républicaine… »

M. Christian Jacob – Tout cela ne fait pas une majorité !

M. le Président – « …demandent à l’Assemblée nationale de censurer le Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Brottes – Cette lecture aurait eu plus de sel si elle avait été faite par M. Laffineur… (Sourires)

M. le Président – Suivent les noms des 228 signataires.

Cette motion de censure sera notifiée au Gouvernement et affichée. Conformément à l’article 153, alinéa premier du Règlement, l’Assemblée prend acte de ce dépôt. La conférence des présidents a fixé la discussion et le vote sur cette motion au mardi 8 avril à 15 heures, la séance de questions au Gouvernement étant supprimée.

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. François Grosdidier – Au moment de défendre l’amendement 112, je constate qu’il est décidément difficile d’échapper à la caricature, en politique étrangère comme en matière d’organismes génétiquement modifiés. Je souhaite vivement que nous revenions à l'esprit qui a présidé aux travaux du Grenelle de l’environnement, au cours duquel Jean-François Le Grand, auquel je rends hommage, a tout fait pour nous tirer de ce travers. Je regrette que nous y soyons retombés dès l’article premier du texte.

Vous le savez, je suis plus opposé à une rapide mise en culture d'OGM que beaucoup de députés de l'opposition qui, au sein de la mission d'information, défendaient le seuil de 0,9 % ou minimisaient les risques. J'ai entendu, dans le groupe socialiste, des scientistes et des productivistes s'exprimer autrement que dans ce débat où ils adoptent une posture politique plus facile… Je rappelle aussi que les membres socialistes de la mission n'avaient pas eu la liberté de voter contre les conclusions, alors que cette liberté a prévalu au sein du groupe UMP, ce dont Mme Kosciusko-Morizet et moi avons usé.

J'en reviens à l'esprit du Grenelle de l’environnement et, dans cet esprit, je reste favorable à la formule « avec ou sans OGM ». Il est vrai que, dans l'absolu, ce n'est pas possible. Mais l'absolu n'est pas de ce monde, sauf dans l'esprit des intégristes de tous bords. Même si nous le votions aujourd'hui, le « sans OGM » absolu en France ne peut plus être, puisqu’il en existe ailleurs dans le monde. Alors ?

Alors, sortir de la théologie, c'est préférer un « avec ou sans OGM » relatif et effectif à un « sans OGM » absolu et virtuel, car c’est mieux que rien. Cherchons à concilier le souhaitable et le possible en précisant que la liberté de consommer et de produire « avec ou sans OGM » s'exerce « sans que cela nuise à l'intégrité de l'environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité »…

M. Germinal Peiro – Mais c’est impossible !

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques Je vous répondrai de la manière la plus neutre qui soit, car je conçois mon rôle de rapporteur comme celui d’un rassembleur. Comme tous les amendements déposés par des députés non membres de la commission des affaires économiques, le vôtre a été examiné dans un deuxième temps, et n’a sans doute pas fait l’objet d’un débat aussi approfondi que ceux des membres. La commission a rendu un avis négatif. Mais l’exposé que vous venez de faire était très convaincant et j’ai le sentiment que votre proposition nous rapprocherait de l’équilibre que nous recherchons tous. À titre personnel, je souhaite donc que l’amendement soit adopté.

M. François Brottes – Ah… le Gouvernement se trouve embarrassé…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Nullement, car l’amendement respecte exactement l’esprit du texte. La liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM doit en effet s'exercer sans que cela nuise à l'intégrité de l'environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité. Le Gouvernement est favorable à l’amendement, qui permet le compromis souhaité.

M. Yves Cochet – Je tiens à donner un exemple historique de ce que l’on peut appeler l’intégrité de l’environnement et la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité. Le 21 novembre 2001, la revue scientifique Nature a publié une étude très remarquée sur le maïs mexicain traditionnel – le criollo de l’État d’Oaxaca –, démontrant qu’il était contaminé par les gènes du Bt. Et cela était d’autant plus étonnant que, contrairement à ce que dit M. Bernard Debré, le Mexique a déclaré en 1998 un moratoire sur les cultures de maïs transgénique, en vue de préserver l’extraordinaire biodiversité de cette céréale dont le pays est le berceau. Une légende indienne ne prétend-elle pas que les dieux ont créé l’homme à partir d’un épi de maïs jaune et blanc ?

Cette contamination est directement imputable à l’accord ALENA conclu en 1992 avec les États-Unis et le Canada : le Mexique n’a pu s’opposer à des importations massives de maïs largement subventionnées par l’administration de Washington. Cette évolution menace la production locale, le maïs importé étant vendu deux fois moins cher, et on peut estimer qu’entre 1992 et 2002, le prix du maïs mexicain traditionnel a chuté de 44 %, ce qui a contraint nombre de petits paysans à prendre la route des bidonvilles.

C’est pourquoi nous soutenons l’amendement de M. Grosdidier.

Mme Annick Le Loch – Nous partageons l’avis de M. Cochet et nous allons voter l’amendement de M. Grosdidier car il complète l’amendement 252 qui a été adopté hier soir. Nous aurions bien entendu préféré des cultures sans OGM et l’orientation que prend notre pays nous préoccupe grandement. Compte tenu des risques encourus, nous devons prendre mille précautions. Je n’en évoque que quelques-uns : dissémination incontrôlable des gènes introduits, résistance accrue des plantes concurrentielles, apparition de phénomènes de résistance d’insectes ravageurs, transfert de la toxine Bt au sein de la chaîne alimentaire – dont témoignent les phénomènes observés sur les coccinelles –, modification durable de la flore microbienne du sol du fait des insecticides, concentration et rémanence de pesticides dangereux et de toxines toxiques dans les sols, pollutions multiples dues aux résidus d’herbicides, résistance aux antibiotiques marqueurs de gènes – laquelle pourrait conduire à des épidémies incontrôlables –, perte de la biodiversité et des écosystèmes, etc. La liste des risques est très longue et ce sera donc un moindre mal que d’accepter cet amendement 112, complémentaire du 252.

M. Bernard Debré – Les citations de M. Cochet sont intéressantes, mais incomplètes : s’agissant du maïs d’Oaxaca, l’émoi suscité par l’étude de 2001 a conduit à la réalisation d’études complémentaires jusqu’en 2004, sous l’égide d’agences internationales indépendantes. Sur les 153 750 grains examinés, aucun n’avait été contaminé par un OGM et la revue Nature a par conséquent retiré sa première publication (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet – Je pourrais vous répondre !

L'amendement 112, mis aux voix, est adopté.

M. André Chassaigne – Le quatrième alinéa de l’article premier garantit le respect des principes de précaution, de prévention, d’information et de responsabilité, dans le cadre de la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM. Notre amendement 256 vise à élargir la portée du texte aux conséquences de la culture d’OGM, notamment pour ce qui concerne le respect de l’environnement et de la santé publique. Il est donc proposé de faire référence au titre III du livre V du code de l’environnement, ainsi qu’aux dispositions relatives aux OGM contenues dans les livres II et VI du code rural, de sorte que l’ensemble du champ soit couvert.

M. Antoine Herth, rapporteurCet amendement a été repoussé par la commission, même si je concède qu’il s’inscrit dans le droit fil des réflexions que nous menons depuis quelques heures sur l’article premier. Je vous invite à le retirer.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie – Avis défavorable. Par définition, la Charte de l’environnement s’applique à tous les textes, dont le code de l’environnement dans son ensemble et le code rural. La formulation proposée est donc redondante et peu utile.

M. Jean-Pierre Brard – « Peu utile » mais donc peut-être pas complètement inutile… Je regrette aussi que notre rapporteur n’ait pas argumenté – sans doute par souci de discrétion –, d’autant qu’il a démontré à l’occasion de l’examen de l’amendement précédent qu’il était parfois capable d’avoir des opinions personnelles. Pourquoi refuser à notre excellent collègue Chassaigne ce qu’on a accordé à M. Grosdidier ? L’explication tient peut-être au fait que ce matin, M. Copé a réuni les députés de l’UMP pour que l’ordre règne…

M. Christian Jacob – Vous y étiez ?

M. Jean-Pierre Brard – Non, mais j’ai dans votre groupe d’excellents amis qui me renseignent… (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Pour que l’ordre règne à l’UMP, vous voulez donner le change aux médias et à l’opinion en faisant croire qu’un vrai débat s’instaure dans vos rangs et que votre parti est enfin réceptif aux arguments des esprits éclairés comme MM. Grosdidier et Le Grand…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Il faudra lui expliquer le sujet !

M. Jean-Pierre Brard – Si c’est de moi que vous parlez, je suis prêt à tenir avec vous une conférence particulière.

Si le rapporteur et le Gouvernement souhaitent que le débat se poursuive dans de bonnes conditions, il faut qu’ils se montrent ouverts aux amendements de l’opposition, surtout lorsque ceux-ci tendent à prévenir des difficultés d’interprétation. Mieux vaut être redondant qu’insuffisant.

M. François Brottes – Cet amendement porte sur les garanties posées par le texte. Mme Le Loch a indiqué que nous votions l’amendement Grosdidier parce qu’il était complémentaire de l’amendement 252 adopté hier. Il doit cependant être bien clair qu’il ne pourra en aucun cas se substituer à l’amendement 252 : en effet, celui-ci permet de faire en sorte que les OGM ne s’entremêlent pas avec les autres cultures sur toute une partie du territoire – en particulier les parcs naturels ou les zones d’AOC –, et il vise tout à la fois la production, la culture et la commercialisation, alors que celui de M. Grosdidier ne vise pas la commercialisation (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 256, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Frédérique Massat – L’amendement 235 est l’un des rares amendements de l’opposition que la commission a bien voulu accepter ! Il demande que le mot « participation » figure dans le quatrième alinéa de l’article premier, par référence à l’article 7 de la Charte de l’environnement et à la Convention d’Åarhus.

Conformément à la modification intervenue en décembre 2006, pour ce qui concerne les OGM, la participation du public doit être effective et précoce. À ce titre, il est inquiétant que la notion de participation ne figure ni dans le texte initial du Gouvernement ni dans celui qui nous revient du Sénat. Cela augure mal des textes qui découleront des travaux du Grenelle de l’environnement. La « démocratie écologique » y trouvera-t-elle son compte ? Rien n’est moins sûr ! En tout cas, il est urgent de corriger cette erreur.

M. Antoine Herth, rapporteur – Je confirme que la commission a accepté cet amendement et adopté un amendement 17 identique. Il s’agit en effet de réparer un oubli. D’ailleurs, dans le projet de loi débattu en 2006 figurait bien le terme « participation, dans le droit fil de la directive européenne 2001-18, laquelle a été transposée par voie de décret.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Avis favorable. Je m’en veux même que le texte déposé par le Gouvernement ne comporte pas ce terme de « participation ».

Les amendements 17 et 235, mis aux voix, sont adoptés.

M. Germinal Peiro – L’amendement 236 vise à insérer les mots « développement durable » dans l’alinéa 4. Le respect du développement durable, principe constitutionnel désormais énoncé à l’article 6 de la Charte de l’environnement, s’impose en effet en matière d’OGM. Nous craignons que la culture de ces organismes à grande échelle n’ait de dramatiques conséquences économiques et sociales dans notre pays, notamment pour l’agriculture conventionnelle, sous label et biologique. Toute une partie des habitants de notre territoire sera lésée. Voilà pourquoi il nous paraît indispensable d’en appeler au respect de ce principe.

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. En effet, les principes constitutionnels s’imposent à toute notre législation : il n’est donc pas utile de les rappeler dans ce texte, d’autant que, pour donner suite au Grenelle de l’environnement, le Gouvernement travaille à un autre projet de loi, plus général, où pourra être rappelée cette nécessité de rechercher le développement durable. Je vous suggère donc de retirer l’amendement. J’y serai, à défaut, défavorable.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Avis défavorable. Nous n’allons pas recopier la Charte de l’environnement dans ce projet de loi relatif aux OGM. Cette précision alourdirait inutilement le texte.

L'amendement 236, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 344 est de même nature que celui adopté tout à l’heure, avec l’avis favorable de la commission et du Gouvernement. Il vise à substituer dans l’alinéa 4 le mot « réparation » au mot « responsabilité ». En cas de préjudice, il est facile de trouver un responsable. Ce qu’il faut garantir, c’est que le préjudice sera effectivement réparé. Si cet amendement devait être repoussé, ce serait laisser entendre –j’en fais le procès d’intention au rapporteur et à la ministre, à eux de me démontrer qu’il n’en est rien –, qu’en matière d’OGM, la réparation n’est pas possible.

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission a jugé cet amendement inopportun à cet endroit du texte. Les règles régissant la réparation d’éventuels préjudices sont d’ailleurs précisées dans un amendement ultérieur de la commission.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Je ne comprends pas le point de vue des auteurs de l’amendement. Évoquer la responsabilité est beaucoup plus fort que de parler simplement de réparation. L’une des critiques souvent entendues était précisément qu’en matière d’OGM n’avait pas été posé de principe de responsabilité.

M. Yves Cochet – Lors du débat sur la Charte de l’environnement, on nous avait dit que mieux valait faire figurer dans la Charte le principe de réparation plutôt que celui de pollueur-payeur, qui avait pourtant l’avantage d’être plus clair et plus protecteur en incluant une idée de proportionnalité dans la réparation du dommage créé. Voilà que maintenant on nous dit, s’agissant des OGM, que mieux vaut parler de responsabilité que de réparation, ce qui est pourtant encore plus vague.

La ministre nous invite à ne pas recopier la Charte de l’environnement dans le projet. Celui-ci en reprend pourtant plusieurs des principes énoncés dans la Charte. Pourquoi pas celui de réparation ?

M. Jean-Pierre Brard – Madame la ministre, je vous ai cru hier devenue indocile. Cette indocilité n’aura, hélas, été qu’éphémère – je vois d’ailleurs M. Debré qui opine… Vous avez une parfaite maîtrise de notre langue et n’ignorez donc pas que « responsabilité » est beaucoup plus imprécis que « réparation ». Réparer une chose, c’est la remettre en état autant que faire se peut. Nos grands-mères qui réparaient nos chaussettes le savaient mieux que personne…

Vous voilà donc, Madame la ministre, prise en flagrant délit de mauvaise foi. Votre indocilité d’hier vous a valu quelques réprimandes et, après avoir été reprise en main lors de la réunion de ce matin, vous voilà rentrée dans le rang. C’est une raison supplémentaire de voter cet amendement, indispensable pour que le texte ne se réduise pas à un chapelet de bonnes intentions, mais comporte des dispositions concrètes et précises.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public sur le vote de l’amendement 344.

M. François Brottes – Notre collègue Brard a peut-être eu des mots un peu durs à l’égard de la ministre… Pour ma part, je veux bien être constructif. (Sourires)

Aux termes du code civil, tout fait qui cause un dommage engage la responsabilité de celui qui l’a causé. Mais cela ne signifie pas que la personne responsable soit tenue de réparer le dommage.

Puisque la ministre ne souhaite pas voir disparaître la référence au concept de responsabilité, je propose de rectifier l’amendement 344 : au lieu de remplacer la notion de responsabilité par celle de réparation, nous pourrions ajouter l’une à l’autre. Veillons à ce que celui qui a commis une erreur la répare, comme le demande d’ailleurs la Charte de l’environnement.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Ce texte est déjà bien compliqué, n’en rajoutons pas. La responsabilité induit la réparation, notion qui figure explicitement à l’article 5. Il n’est pas nécessaire de faire figurer cette disposition plus haut dans le texte. Evitons les redondances !

Nous aussi, nous voulons établir les responsabilités et garantir qu’il y aura réparation si nécessaire. Je le répète : la notion de responsabilité figure déjà dans le projet de loi, de même que le principe de réparation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. François Brottes – Vous êtes donc d’accord avec nous !

M. Germinal Peiro – Les propos du président de la commission doivent naturellement nous inciter à voter cet amendement... (Sourires) La réparation va de pair avec la responsabilité, c’est vrai, mais cela va mieux en le disant. Faisons-le dès l’article premier, qui a pour objet d’établir les principes de base. Chacun sait qu’il y a des cas où l’on peut être responsable sans être contraint pour autant à réparation. L’un peut aller sans l’autre.

À la majorité de 64 voix contre 40 sur 104 votants et 104 suffrages exprimés, l'amendement 344 rectifié n'est pas adopté.

M. Antoine Herth, rapporteur L’amendement 18 est rédactionnel.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Grosdidier – L’amendement 113 précise que les principes du développement durable doivent s’appliquer sous leurs trois aspects aux OGM : les problèmes posés par la contamination des cultures doivent s’analyser au regard des conditions environnementales, sanitaires, mais aussi socio-économiques. N’oublions pas que la valeur ajoutée de notre agriculture résulte aussi de sa diversité.

M. Yves Cochet – L’amendement 205 est identique.

Permettez-moi de répondre à ce que disait notre collègue Bernard Debré au sujet de la revue Nature. Comment expliquer un tel désaveu éditorial ? C’est que Monsanto a exercé des pressions phénoménales. Le financement de la revue dépend des petites annonces de recrutement, payées pour l’essentiel par des firmes scientifiques, notamment celles qui opèrent dans le secteur des biotechnologies… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission – Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Antoine Herth, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Après l’adoption de la Charte de l’environnement, il est bien évident que les principes du développement durable sont gravés dans le marbre. Il serait redondant de les rappeler ici.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État – Vous avez raison : le regard scientifique ne saurait épuiser le sujet des OGM. Conformément aux conclusions du Grenelle de l’environnement et compte tenu des reproches formulés à l’égard de la commission du génie biomoléculaire, nous avons donc souhaité instaurer un comité représentant la société civile.

Cela étant, mon avis est défavorable : je pense que la meilleure façon de procéder n’est pas d’ajouter une mention supplémentaire à ce texte, mais bien plutôt de prêter garde à la composition et au fonctionnement du Haut conseil.

M. Noël Mamère – J’informe M. Debré qu’outre que Monsanto est actionnaire de la revue Nature, la société Axa est actionnaire du groupe Monsanto. Peut-être devriez-vous vous demander pourquoi elle refuse – à l’instar des autres sociétés d’assurance françaises – de couvrir les risques de contamination liés aux OGM.

J’ai bien entendu ce que vous avez dit sur le Haut conseil, Madame la ministre. Mais s’il n’appartient pas aux seuls scientifiques de décider, pourquoi choisir obligatoirement son président parmi eux ?

Permettez-moi enfin de revenir – puisque nous parlons de contamination – sur cette affaire qui a éclaté, non pas de l’autre côté de l’Atlantique, mais en France, dans les Deux-Sèvres, où des producteurs de maïs biologique ont vu celui-ci contaminé par une parcelle de maïs transgénique située à 25 kilomètres de distance – soit bien au-delà de ce que vous considérez comme suffisant pour écarter ce risque dans le projet de loi ! Ils sont allés devant la justice avec la région Poitou-Charentes, qui s’est portée partie civile. Nous avons donc raison d’être aussi attentifs sur ce point de la responsabilité. M. Badinter, fin connaisseur du droit et de l’article 1382 du code civil, sait fort bien que la responsabilité n’entraîne pas toujours la réparation. C’est ainsi qu’il a fallu une loi pour lier la réparation automatique du dommage provoqué à la responsabilité, en cas d’accident automobile.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État Il était opposé à la Charte de l’environnement ! Curieuse référence !

M. Bernard Debré – Il y a deux niveaux de lecture, Monsieur Cochet. Le premier est scientifique. Il y a eu deux études : la première a été retirée, la seconde a été publiée par de nombreux organismes scientifiques. Elle est donc incontestable. Pour la refuser – parce que ses résultats vous gênent –, vous prétextez que Monsanto finance la revue ! Nature est la revue mondiale de référence de tous les scientifiques, et quand cela vous arrange, vous la mettez en cause ! C’est une manipulation ! Je puis vous assurer que pour être publié dans Nature, un article doit être au-dessus de tout soupçon. C’était le cas en l’espèce. Vous préférez donc nous servir des arguties qui vont jeter l’opprobre sur cette revue qui est la première au monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements 113 et 205, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Antoine Herth, rapporteur – L’amendement 19 est rédactionnel.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État Avis favorable.

Mme Delphine Batho – Je veux bien admettre que la différence entre le mot « prescriptions » et le mot « dispositions » est d’ordre rédactionnel, mais je m’interroge sur le sens de cette référence aux dispositions communautaires dans cet alinéa, puisque la loi dans son ensemble assure la transposition de la directive. L’ajout des mots « dans le respect des prescriptions communautaires » par le Sénat a donc un sens implicite. Nous sommes ici dans l’alinéa qui définit la liberté de cultiver et de produire avec ou sans OGM. N’a-t-on pas voulu définir le « sans OGM » en se référant au règlement européen qui fixe un seuil pour l’étiquetage – 0,9% d’OGM ? J’aimerais que vous nous éclairiez sur ce point.

M. Antoine Herth, rapporteur – Je vous confirme qu’il s’agit bien d’un amendement rédactionnel. Nous nous plaçons comme le Sénat dans le cadre du droit européen, qui s’impose à tous les États membres de l’Union.

M. Noël Mamère – Pas du tout.

M. Antoine Herth, rapporteur – Nous ne modifions donc pas le sens du texte.

Mme Martine Billard – Mais la prescription communautaire, ce n’est pas la liberté de produire en respectant un seuil de 0,9% ! Ce seuil est uniquement pour l’étiquetage : il ne porte ni sur les semences ni sur les récoltes. Votre amendement ne change rien : c’est dès le départ que cette disposition n’est pas recevable.

L'amendement 19, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère – Mme Billard reviendra sur ce point tout à l’heure : la référence aux normes européennes ne vaut rien, puisqu’il n’existe pas de prescriptions particulières. Vous confondez en fait seuil d’étiquetage et seuil de détection. J’observe en outre que la Commission européenne ne voit pas d’un mauvais œil l’application du principe de subsidiarité s’agissant du seuil de détection – nous le verrons avec l’exemple de l’Allemagne.

L’amendement 206 est très important. Il fait référence au considérant 4 de la directive du 12 mars 2001 que nous devons transposer, qui précise bien qu’il peut y avoir des contaminations à caractère irréversible. Cela, votre texte ne le dit à aucun moment. Nous en avons pourtant des preuves ! Déjà, il n’est plus possible de cultiver du colza conventionnel ou biologique au Canada ou du soja biologique dans certaines régions d’Argentine ? Contrairement à ce que dit M. Debré, plusieurs variétés traditionnelles de maïs mexicain sont contaminées de manière irréversible. Il y a aussi des États où l’agriculture intensive est imposée de manière brutale sous la pression de régimes policiers – je pense au Paraguay. Des hommes déjà victimes de l’injustice sociale se retrouvent ainsi condamnés à une terrible injustice environnementale. C’est la menace de cette double peine que fait planer votre projet de loi. Je regrette donc l’absence du ministre de l’agriculture : il nous doit des réponses sur ce sujet qui concerne autant l’avenir des agriculteurs que celui de l’agriculture. Car c’est notre société qui est en danger. Est-ce la société qui décide de son avenir, ou quelques semenciers à la recherche du seul profit ?

Cet amendement vise donc à introduire dans le texte la notion de l’irréversibilité – derrière laquelle se profilent celle de la responsabilité et celle de la réparation. Ce projet va en effet légaliser une coexistence qui n’est pas possible. C’est pourquoi nous nous réjouissons que le Bureau de l’Assemblée ait accepté un vote solennel : chacun prendra ainsi ses responsabilités sur ce texte qui va apporter la misère à nos paysans (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et porter préjudice à une agriculture de qualité qui est l’une des forces de notre pays ! Posez la question à votre président, M. Sarkozy, qui veut inscrire la gastronomie française au patrimoine de l’humanité ! Comment le pourrait-on quand on prend le risque de polluer l’ensemble de notre agriculture ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

M. Antoine Herth, rapporteur – Nous aurons tout le temps de revenir sur ces sujets dans la suite de la discussion. J’ai lu et relu les nombreux considérants de la directive européenne : on y trouve à boire et à manger, et chacun peut leur faire dire ce qui lui plaît. Mais cela ne leur donne pas de valeur juridique et il ne convient pas d’en tirer des conclusions dans une législation nationale. Avis défavorable.

M. Bernard Debré – Nous venons d’entendre deux choses totalement inacceptables dans la bouche de M. Mamère. La première est qu’un certain nombre de politiques sont payés par Monsanto.

M. Noël Mamère – Non !

M. Bernard Debré – Sous leur dépendance. Nous serions leurs stipendiés. C’est tout simplement outrageant. On ne peut tout simplement pas avoir une opinion contraire à la vôtre sans être payé par quelqu’un. Voilà qui rappelle furieusement l’URSS ! (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Par ailleurs, je suis profondément choqué, en tant que citoyen, d’entendre M. Mamère dire « votre président ». C’est aussi le sien, à moins qu’il n’ait décidé de changer de nationalité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes – Il me semble que le rapporteur se montre quelque peu trivial en déclarant qu’il y a à boire et à manger dans cette directive, et je ne me permettrai certes pas la même chose à propos de son rapport. C’est pourquoi je me permets de rappeler qu’il y affirme bel et bien que l’absence de réversibilité pose problème. Refuser de le préciser dans le texte est cependant très cohérent avec son refus de tout à l’heure d’imposer la réparation comme principe de base. Les parlementaires doivent prendre conscience de ce que le Gouvernement les invite à penser.

M. Noël Mamère – Je veux rappeler ce qu’a exactement dit le sénateur Le Grand au journal Sud-Ouest : il a parlé de parlementaires « actionnés », ce qui, a-t-il précisé, ne veut pas dire qu’ils avaient été soudoyés mais qu’ils avaient suivi le seul avis des lobbyistes pro-OGM, qui étaient intervenus massivement, privilégiant une approche économique de court terme sur les intérêts de la société. Luc Esprit, coordinateur d’ORAMA, l’association des grandes cultures, a qualifié les déclarations de M. Le Grand d’« opération d’intoxication », ajoutant que ces actions relevaient d’un lobbying actif certes, mais traditionnel, bien éloigné de la pression terrifiante exercée par les ONG écologistes.

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est vrai !

M. Jean-François Copé – Voilà qu’on nous ressert M. Le Grand ! Je suis profondément choqué par les propos qu’a tenus ce sénateur et je regrette que M. Mamère les reprenne à son compte. Le sujet mérite sérénité et respect mutuel. Le seul fait de soupçonner les députés de pouvoir être « actionnés » est profondément choquant. Le Gouvernement a le courage d’aborder, pour la première fois, ce débat essentiel. Il le fait dans la clarté, en ayant à cœur d’entendre chacune des parties en présence. Par ailleurs, je n’accepte pas qu’on nous fasse le procès de ne pas vouloir appliquer pleinement le principe de précaution. Notre vocation est tout naturellement de veiller à la sécurité, à la santé et à la protection de nos concitoyens et nous en avons fait la démonstration avec la décision que nous avons prise concernant le maïs Monsanto. Enfin, il est de notre responsabilité de préparer l’avenir.

Plusieurs députés du groupe SRC – Justement !

M. Jean-François Copé – Mais la question doit être considérée sous toutes ses formes. Si nous demandons à des chercheurs de travailler sur des OGM, ce n’est pas pour empoisonner les gens (Protestations sur les bancs du groupe SRC) mais pour préparer l’avenir face à la raréfaction de l’eau dans les pays du sud (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous devons être au croisement de la communauté scientifique et de ceux qui travaillent pour la protection et la santé de nos concitoyens. Je regrette donc que M. Mamère ait repris ces propos indignes du débat démocratique de haut niveau qu’il est de notre responsabilité de mener.

M. Germinal Peiro – Je voudrais faire un rappel au Règlement. Il est clair que nous avons des désaccords profonds, mais il faut essayer de se respecter les uns les autres. Chacun ici a le droit d’exprimer son opinion.

Plusieurs députés du groupe UMP – Merci !

M. Germinal Peiro – Mais personne ne doit vouloir dicter son opinion aux autres. Or voici que M. Copé arrive et assène des « Je n’accepte pas ». Mais il n’a pas à se faire juge ! Il doit se comporter comme chacun d’entre nous. Ce n’est pas le président de groupe, c’est le collègue Copé qui doit intervenir aujourd’hui.

M. Jean-François Copé – Ce que je n’accepte pas, ce sont les procès d’intention !

M. Germinal Peiro – Nous défendrons toujours le droit, mais aussi la liberté de s’exprimer. Là est toute la différence entre la démocratie et les autres régimes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L'amendement 206, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – Il est facile de donner des leçons de morale lorsqu’on vient de démontrer que les parlementaires opposés au texte sont contre les chercheurs ! Nous sommes opposés aux cultures OGM en plein champ, mais absolument pas en milieu confiné. Or, vous faites systématiquement l’amalgame. C’est vous qui jouez sur les peurs de la population.

L’alinéa 4 de l’article évoque la liberté de produire et de consommer. Or la directive européenne ne parle que du taux pour l’étiquetage, et aucun texte ne fixe un taux pour la semence ou les produits eux-mêmes. L’intergroupe du Grenelle a d’ailleurs précisé que le seuil de 0,9 % pour l’étiquetage des produits n’avait pas de fondement scientifique – il date d’une époque où l’on ne savait pas détecter un taux inférieur – et qu’il y avait accord pour que ce seuil ne s’applique pas aux semences, mais débat pour savoir s’il fallait l’appliquer aux récoltes. Il y a donc trois sujets différents. L’amendement 207 vise à préciser que, pour ce qui est de la production, le taux est celui retenu par la DGCCRF dans sa note 2004-113. Ainsi que le fait en effet remarquer le rapport, la réglementation communautaire reste lacunaire et certains États membres ont pris l’initiative de fixer des seuils transitoires bien inférieurs. Rien ne nous empêche donc aujourd’hui de fixer un seuil en dessous de 0,9 %. Le fait de vouloir à tout prix maintenir ce seuil et l’étendre aux semences et aux produits est une façon de permettre l’introduction les OGM sur l’ensemble du territoire national. Il est vrai qu’on a déjà entendu ici que des OGM, il y en a partout et qu’on n’a plus qu’à en prendre acte. Et quand une pollution survient, on en prend acte, aussi ?

De fait, « produire sans OGM » signifie produire avec 0,9 % d’OGM. Et lorsque ce seuil aura été dépassé dans certaines régions du monde, on le relèvera. Il vaut mieux prévenir cette dérive et abaisser ce seuil, en se référant à la DGCCRF.

M. Antoine Herth, rapporteurL’exposé des motifs de Mme Billard a le mérite de la clarté. Mais les deux sujets qu’elle évoque, s’ils sont voisins, relèvent de compétences européennes différentes. 0,9 % est un taux qui a été mûrement réfléchi (Protestation sur les bancs du groupe GDR) et fixé par convention après des débats nourris au Parlement. Il s’agissait de se mettre d’accord sur un taux qui permette d’avertir le consommateur européen.

Il me semble que nos entreprises agroalimentaires et la filière agricole en général ont tout intérêt, pour accéder au marché unique, à ce que des règles communes soient établies. Fixer un seuil différent est certes permis par la subsidiarité, mais celui-ci ne pourra être opposable à un tiers. L’esprit et la lettre du droit européen sont clairs sur ce point.

Par ailleurs, la tendance actuelle est au développement de l’agriculture bio, que ce soit au travers des filières courtes – AMAP, marchés du samedi – ou des filières longues – restauration collective. Si nous voulons soutenir cette dynamique, il ne faut pas commencer par nous tirer une balle dans le pied en imposant au bio des contrôles extrêmement stricts quand nos voisins se satisferaient d’un taux de 0,9 % !

Mon avis personnel est qu’il existe, effectivement, un décalage entre l’opinion publique et le droit communautaire. Mais nous ne pouvons pas résoudre le problème dans cet hémicycle, à Paris. Il nous faudra avoir ce débat lors de la prochaine campagne européenne. Gageons que le Parlement européen – qui sera doté d’un pouvoir de codécision plus important grâce au Traité de Lisbonne – pourra faire pression sur la Commission afin de faire évoluer ce droit vieux de plus de 10 ans.

M. Philippe Tourtelier – Effectivement, il faut faire évoluer le droit européen : adopter cet amendement serait un signal fort. La question du seuil est essentielle, car l’étiquetage permet d’informer le consommateur sur le risque sanitaire qu’il encourt.

Le seuil de 0,9 % ne facilitera pas le travail des instituteurs, quand ils auront à faire la différence entre « sans » et « avec ». « Sans » hier, signifiait qu’il n’y avait pas d’OGM ; aujourd’hui, qu’il y en a un peu ; demain, qu’il y en aura 0,8 %. Et quand les enfants leur demanderont ce que veut dire 0 %, ils devront leur répondre : « Mes pauvres petits, ça n’existe plus ! » (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Noël Mamère – M. le rapporteur a proféré quelques contrevérités. L’Allemagne a fixé le seuil de détection à 0,1 % sans que la Commission l’ait pour autant rappelée à l’ordre. Le seuil de 0,9 %, issu d’un compromis politique, n’est jamais qu’un seuil d’étiquetage. Il ne correspond en rien au seuil de détection, fixé par la DGCCRF à 0,01 % !

Conserver un seuil de 0,9 % vide de sens le concept de contamination fortuite et aura des conséquences très importantes en matière de responsabilité et de réparation du préjudice.

Ce débat aurait pu être l’occasion de soulever la question de la criminalité écologique, mais nous en sommes loin. Pourtant, à l’occasion du procès de l’Erika, les juges ont ouvert une porte en donnant une valeur juridique à la notion de préjudice écologique.

Ce seuil n’a qu’une vertu : faire plaisir aux semenciers. N’en déplaise à Christian Jacob, les délinquants ne sont pas toujours du côté que l’on croit (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Les vrais voyous sont ceux qui prennent des décisions irréversibles ; les justes sont ceux qui les empêchent de faire (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP) !

M. Christian Jacob – Pour ce qui est des voyous, vous les connaissez parfaitement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Bernard Debré – Vous utilisez, Monsieur Mamère, une dialectique épouvantable (Protestations sur les bancs du groupe GDR) en usant à dessein de termes tels que « dissémination » ou « contamination » pour donner à penser que nous serions des criminels écologiques. Mais enfin ! L’Organisation mondiale de la santé, qui analyse les effets des OGM depuis onze ans, n’a jamais décelé aucune pathologie liée à leur consommation !

M. Noël Mamère – Oh, l’OMS…

M. Bernard Debré – Bien sûr, vous allez maintenant nous expliquer que l’OMS est payée par Monsanto ! Finissez-en ! Cessez de qualifier en termes inacceptables les quelque vingt millions d’agriculteurs qui, de par le monde, ont cultivé 680 millions d’hectares en OGM depuis douze ans, en faisant accroire que ce sont autant de criminels ! Le principe de précaution a du bon, mais combien de temps faudra-t-il attendre encore ? Au bout de douze ans, un bilan est nécessaire, l’OMS l’a fait et en a tiré les conclusions que l’on sait. Pourtant, à cause de votre dialectique, nous recevons des courriers électroniques dont les auteurs nous rendent responsables du cancer ! Arrêtez de prétendre que nous serions des criminels et vous des anges !

M. Noël Mamère – C’est bien cela : pesticides, amiante, circulez, il n’y a rien à voir ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Debré – Mais il n’y a aucune relation !

L'amendement 207, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement, qui porte sur le déroulement de nos travaux. Lors de son passage éclair dans l’hémicycle, M. Copé, dans son rôle de serre-file de la majorité, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) s’est livré à une intervention de caractère général qui n’avait rien à voir avec l’amendement en discussion (Protestations sur les mêmes bancs). Mais, pas davantage que le Gouvernement, il n’a répondu à la question de fond : pourquoi débattre des OGM, dans le sens que vous souhaitez, alors que nous n’en avons pas besoin pour satisfaire les besoins de la planète ? Stigmatiser, diaboliser, invectiver ne sert à rien – et ce n’est pas manquer d’audace que de nous culpabiliser pour les besoins d’une démonstration alors qu’une part des difficultés des pays du sud découle du pillage de leurs ressources par United Food et d’autres grands groupes !

Le rapporteur l’a dit, il y a décalage entre l’opinion publique et le droit européen. Et si nous écoutions l’opinion publique ? À Valmy, nous étions seuls contre l’Europe coalisée…

M. François Grosdidier – Il y était ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Être seul contre tous n’est pas une tare rédhibitoire, et nous nous grandirions en disant à nos partenaires européens « Faisons marche arrière, car le débat public a progressé et l’on ne peut construire l’Europe sans l’adhésion de ses citoyens ».

M. le Président – M. le président de l’Assemblée me fait savoir qu’il convoque la conférence des présidents à 17 heures.

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures 25.

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président – J’informe l’Assemblée que suite à la réunion de la Conférence des présidents l’ordre du jour prioritaire est ainsi modifié : les séances du vendredi 4 avril sont supprimées et la discussion du projet de loi relatif aux OGM se poursuivra le lundi 7 avril à 16 heures et à 21 heures 30.

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS (suite)

ARTICLE PREMIER (suite)

M. le Président – Sur le vote de l’amendement 476, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Yves Cochet – La directive 2001/18 instaure une sorte d’obligation d’étiquetage pour les OGM : lorsqu’ils sont présents dans une proportion supérieure à 0,9 %, il faut indiquer que le produit est «avec OGM ». Reste à savoir ce qu’est un produit « sans OGM » car la directive ne dit rien à ce sujet. Pour y remédier, la DGCCRF a publié en 2004 une note d’information tentant, en deux pages assez techniques et compliquées, de donner une définition des produits sans OGM. Par l’amendement 476, nous proposons de reprendre dans le présent texte les principaux éléments de cette définition car ce n’est pas à l’administration d’écrire la loi : le droit s’écrit ici, et d’une main tremblante ! Il faut savoir de quoi l’on parle avant d’alléguer qu’un produit est sans OGM. Notre amendement vise à rendre la définition de ces produits plus claire et juridiquement plus solide, en complétant l’article premier de six alinéas. Comme l’a très bien dit M. Tourtelier, un produit sans OGM ne doit pas comporter d’OGM : il ne faut pas induire les gens en erreur. Le seuil de la détectabilité scientifique doit être respecté, comme cela est déjà prévu dans la loi allemande.

M. Antoine Herth, rapporteurCet amendement n’a pas été examiné en commission. Il traite d’un sujet extrêmement intéressant et pourrait servir de base à une réflexion équilibrée sur la définition des produits « non OGM » – plutôt que sans OGM. À titre personnel, j’y suis cependant défavorable et je m’appuie pour cela sur les propos de M. Mamère, qui nous reprochait tout à l’heure de vouloir fixer un taux dans la loi française, par référence à la réglementation communautaire. Non, Monsieur Mamère, et c’est bien là notre différence, nous ne fixons pas un taux.

Il ne nous appartient pas ici de fixer de seuil. Nous ne le pourrions d’ailleurs pas valablement. En effet, une sérieuse expertise est préalablement nécessaire, et la question sera posée au futur Haut conseil des biotechnologies. Il faut aussi prendre l’avis des associations de consommateurs et agir en toute transparence à leur égard. Le Conseil national de la consommation a été chargé d’une réflexion sur le sujet. Attendons les propositions qui y seront faites.

Vous avez évoqué la situation allemande, Monsieur Cochet. Mais savez-vous qu’il suffit en Allemagne pour qu’une viande de bœuf soit étiquetée « sans OGM » que l’animal dont elle provient n’en ait pas consommé durant les trois mois avant son abattage, lequel intervient à l’âge de 5 ans ?

Pour toutes ces raisons, avis défavorable à l’amendement.

M. Yves Cochet – On ne peut pas voter la loi sans définir la notion de « sans OGM » !

M. André Chassaigne – Pourquoi s’accroche-t-on à ce taux de 0,9 % ? Tout simplement, parce que si ce verrou saute, il n’y a plus de coexistence possible des cultures conventionnelles et des cultures OGM. L’étude d’un chercheur de l’INRA sur la possibilité de la coexistence concernant le maïs, menée dans le cadre du projet européen Sigmea, l’établit parfaitement. « Les différents résultats obtenus montrent que les risques sont gradués suivant le contexte cultural et surtout le seuil de présence d’OGM toléré. Dans de nombreuses situations, et tant que l’adoption des OGM reste limitée, la coexistence est techniquement possible pour satisfaire des seuils même inférieurs au seuil réglementaire de 0,9 % en adoptant des mesures comme le décalage des semis ou des distances d’isolement limitées, nous dit-il. Mais en cas de très grande densité de maïs, la mise en œuvre de distances d’isolement, même faibles, n’est pas facile et la séparation géographique entre cultures OGM et cultures conventionnelles apparaît comme la solution techniquement et économiquement raisonnable. Enfin, poursuit l’auteur de l’étude, pour les filières comme l’agriculture biologique ou des usages spécifiques comme la semoulerie qui revendiquent une quasi-absence ou une absence totale d’OGM dans leurs produits, la coexistence à l’échelle locale est en revanche techniquement impossible. »

M. Jean-Yves Le Déaut – Il a raison.

M. André Chassaigne – Il faut savoir que lors d’un vote consultatif le 29 mars 2007, le Parlement européen a d’ailleurs, à la majorité, demandé que le seuil d’OGM dans les produits issus de l’agriculture biologique soit abaissé à 0,1 %, seuil de détectabilité.

Notre amendement 258 a pour objet que ne puissent être étiquetés « sans OGM » que les produits dans lesquels aucune trace d’OGM ne peut être détectée.

Mme Delphine Batho – Il faut prendre acte de ce qu’a dit le rapporteur et de la volonté politique, insidieuse, du Sénat de définir le « sans OGM » comme avec moins de 0,9 % d’OGM, en se référant au seuil réglementaire européen. Dans le même temps où cet article premier proclame la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM, il dit le contraire et assassine en catimini l’agriculture biologique.

Le rapporteur n’a pas répondu aux questions, nombreuses, de nos collègues sur les seuils. Il nous dit qu’il faut consulter les associations de consommateurs et attendre leurs conclusions. En attendant, cet article, si nos amendements ne sont pas adoptés, inscrira dans le droit français qu’un produit peut être étiqueté « sans OGM » tout en en contenant. Mardi soir, la ministre nous a pourtant dit que le Sénat n’avait pas épuisé le débat sur les seuils d’étiquetage et que l’Assemblée était fondée à revoir la rédaction du texte.

La réglementation européenne oblige à étiqueter les produits comportant des OGM. Ce n’est pour ainsi dire que par défaut qu’en dessous de 0,9 % d’OGM, il n’y a pas d’obligation d’étiquetage. Cela ne signifie nullement qu’avec 0,5 % ou 0,2 % d’OGM, un produit peut se prévaloir d’être « sans OGM ».

Je souhaiterais donner lecture de cette fameuse note de la DGCCRF qui n’est pas du tout contradictoire, Monsieur le rapporteur, avec la réglementation européenne. « Lorsqu’un opérateur indique qu’un produit destiné au consommateur ou à l’utilisateur final ne contient pas d’OGM aux moyens de mentions comme « sans OGM », « PCR négatif » (…), sa démarche doit répondre à plusieurs exigences. Premièrement, la trace de toute présence d’OGM doit être exclue. En d’autres termes, le seuil à retenir dans ce cas est la limite de détection à l’analyse, et nullement la limite de quantification ou le seuil de présence fortuite de 0,9 % (…) ». C’est en vertu de cette note que lorsque deux agriculteurs des Deux-Sèvres ont eu leur maïs contaminé à 0,8 % par des OGM, ils ont vu leur récolte perdre le label bio, et subi un important préjudice moral et financier.

Si nous n’inscrivons pas dans la loi la définition du « sans OGM », d’une part, on trompera les consommateurs puisque des produits pourront être étiquetés « sans OGM » tout en en comportant, d’autre part, on ne pourra pas indemniser les agriculteurs biologiques victimes d’une contamination de leur récolte. D’où notre amendement 237 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. le Président – Je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public sur cet amendement.

M. Jean Gaubert – Je défends l’amendement 425, lequel n’aurait pas dû être en discussion commune avec les précédents, car c’est un amendement de repli, au cas où le 237 ne serait pas adopté. Il vise à aligner notre législation sur la législation allemande qui contraint à l’étiquetage au-dessus du seuil de 0,9 % et fixe le seuil autorisant l’étiquetage « sans OGM » à 0,1 %, seuil de détection actuel.

Je souhaiterais revenir un instant sur une affirmation du professeur Debré tout à l’heure. Il nous a dit qu’après onze ans, aucune pathologie n’avait été constatée. Tout autre que lui qui aurait utilisé cet argument aurait pu être taxé d’ignorance.

M. Bernard Debré – Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’OMS.

M. Jean Gaubert – Dois-je lui rappeler que l’amiante était utilisée au moins depuis les années quarante et qu’au début des années quatre-vingt, on ne parlait même pas des pathologies liées à ce matériau…

M. Marc Laffineur – Mais si !

M. Jean Gaubert – On sait aujourd’hui ce qu’il en est. Pour ce qui est des pesticides, qui ont commencé d’être utilisés dans les années cinquante-soixante, il a fallu attendre les années quatre-vingt pour en mesurer les dégâts sanitaires. On pourrait de même parler des PCB…

M. Antoine Herth, rapporteur – La dissémination peut très bien varier selon le type d’OGM concerné. Nous avons donc besoin de nous appuyer sur une expertise transparente et indépendante. C’est pour cela que nous instaurons le Haut conseil.

S’agissant de l’étiquetage, la DGCCRF a examiné la question sous un angle qui lui est propre, et qui n’est pas celui du code rural ou du code de l’environnement mais du code de la consommation. Elle a retenu un seuil prudent correspondant aux capacités scientifiques de détection des traces d’OGM.

Si je vous demande de repousser ces amendements, c’est parce que nous avons besoin de poursuivre le débat « à ciel ouvert » avec l’ensemble des parties prenantes.

Mme Delphine Batho – Que faites-vous du Grenelle de l’environnement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – La DGCCRF s’est prononcée sur la seule question de l’étiquetage, et elle l’a fait en s’appuyant sur le droit en vigueur. Par ailleurs, nous avons saisi le Conseil national de la consommation, autorité indépendante et plurielle qui doit rendre un avis, puis le Haut conseil des biotechnologies aura pour mission de se prononcer au cas par cas. Il faudra sans doute prendre en considération non seulement les taux d’OGM, mais aussi les cahiers des charges.

Pour le moment, la loi ne fige rien : elle se contente de nous donner un instrument qui nous fournira un avis éclairé. Puisque vous appelez de vos vœux la création d’autorités indépendantes, laissez-les donc se prononcer…

M. Bernard Debré – Quand vous citez une étude, Monsieur Chassaigne, il faut aller jusqu’au bout de la démonstration : s’il y a 25 millions de gamètes dans un épi de maïs pollué, il n’en reste plus qu’un par mètre carré 50 mètres plus loin. C’est ce qui explique la dis tance qui a été retenue.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre les produits minéraux et les polypeptides qui, eux, sont inoffensifs lors de la digestion. Je n’ai rien contre les leçons de sciences naturelles, mais ne mélangeons pas tout (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Déaut – Pourquoi se limiter à la dissémination volontaire des OGM ? Ce qui intéresse nos concitoyens, c’est de savoir s’ils en consomment ou non. Nous avons donc besoin d’indicateurs fiables. Vous avez retenu un seuil « politique » de 0,9%, qui ne correspond pas à une indication de toxicité. Mais il faut être clair : si c’est votre définition d’un produit « sans OGM », il faut le dire !

Par ailleurs, pourquoi se retrancher derrière l’avis du Haut conseil ? Le projet de loi ne lui donne pas compétence pour définir ce qu’est un produit « sans OGM ». Il est regrettable que vous bottiez en touche en vous abritant derrière une commission.

Comme l’indique la note de la DGCCRF, il n’y a pas aujourd’hui de dispositions communautaires réglementant la mention « sans OGM ». Nous avons pourtant besoin de définir ce que cela signifie ! D’après la DGCCRF, il faudrait qu’aucun OGM ou produit obtenu par leur intermédiaire ne soit utilisé à un quelconque stade de la production. Or, comment fabrique-t-on le fromage aujourd’hui ? On a remplacé la caillette de veau par de la chymosine produite grâce à des microorganismes génétiquement modifiés. Si l’on suivait la DGCCRF, plus aucun fromage ne pourrait donc être considéré comme biologique…

Il serait aberrant que l’administration définisse le seuil d’étiquetage sans que la représentation nationale se prononce. Je pense que nous pouvons nous mettre d’accord, y compris sur le taux de 0,9%, mais à condition de définir ce qu’est un produit « sans OGM ». C’est à nous d’en débattre.

J’ajoute que notre collègue Debré se trompe : d’après l’étude SIGMEA, on trouve 0,01% des gamètes à 100 mètres, soit 2 500 s’il y en a 25 millions par épi.

M. Yves Cochet – Ce n’est pas à la DGCCRF de faire la loi et de définir ce que veut dire « sans OGM ». C’est notre responsabilité. J’observe également que les propos tenus par le ministre sont en contradiction avec la note interne de la DGCCRF.

Cette note est-elle encore d’actualité ou non ? Il faut nous le dire ! Je propose pour ma part d’en reprendre le meilleur dans la loi.

Ce texte a pour ambition de garantir la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM. Nous disposons pour définir le « avec OGM » de la réglementation européenne sur l’étiquetage : au-delà de 0,9 %, on est sûr de la présence d’OGM. C’est un commencement de définition. Mais nous n’en avons aucune pour le « sans OGM ». J’en propose donc une, étant entendu qu’elle ne se fonde pas sur un seuil mais sur une méthode de détection scientifique.

M. Jean Gaubert – Je n’ai pas voulu donner un cours de sciences naturelles ou de chimie, Monsieur Debré. Je me suis simplement mis dans la peau d’un citoyen qui a vu bien des innovations dites fantastiques sur le moment se révéler dangereuses des années plus tard. Je pense à l’amiante, aux pesticides, aux PCB… Je pense aussi aux antibiotiques, longtemps utilisés dans les élevages avant qu’on ne découvre l’antibiorésistance. En tant que citoyen, je me dis donc qu’il convient d’être plus prudent aujourd’hui.

M. Bernard Debré – Ce sont des amalgames !

M. Jean Gaubert – Quant à vous, Monsieur le ministre, je me demande si vous ne seriez pas ministre des sports plutôt que de l’environnement : votre propension à botter en touche fait merveille ! La seule différence est qu’au rugby, on botte en touche pour progresser, tandis qu’ici vous le faites pour régresser… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission – Ces considérations sportives ne s’imposent pas dans ce débat, que nous souhaitons courtois et serein.

Je voudrais répondre à M. Le Déaut sur les compétences du Haut conseil. Ce texte entend répondre à un certain nombre d’exigences que nous partageons – doute, questionnement, interrogation, évaluation. Vous dites que le Haut conseil ne répond pas à ce que nous en attendons, mais votre démonstration se fonde sur le seul alinéa qui énonce ses compétences – à savoir l’alinéa 2 de l’article 2. Je vous le relis : « Le Haut conseil des biotechnologies a pour missions d’éclairer le Gouvernement sur toutes les questions intéressant les organismes génétiquement modifiés et de formuler des avis en matière d’évaluation des risques et des bénéfices pour l’environnement et la santé publique en cas d’utilisation confinée ou de dissémination volontaire… » Plus loin, l’alinéa 4 prévoit qu’il « peut se saisir d’office ou à la demande des associations de défense des consommateurs… »

M. Jean-Yves Le Déaut – « …de toute question intéressant son domaine de compétence » !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Nous venons de voir que celui-ci est extrêmement large. Le Haut conseil peut en outre « proposer toutes mesures de nature à préserver l’environnement et la santé publique en cas de risque. » Ne laissons pas penser qu’il ne répond pas à toutes nos interrogations.

M. André Chassaigne – Ce n’est pas son rôle !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Bien sûr que si, et c’est nous qui le lui assignons en tant que législateur. Poursuivons donc le débat pour mieux le préciser si nécessaire.

M. François Brottes – Le président de la commission a certes un rôle éminent, mais sa parole vaudra moins pour le juge qui aura demain à appliquer la loi que celle du ministre d’État. Ni le Gouvernement ni le rapporteur ne sont favorables à ces amendements et nous le regrettons, car il importe d’éviter toute confusion. Je souhaite donc, Monsieur le ministre, que vous nous disiez clairement qu’en aucun cas, ce texte ne considère que tout ce qui est en dessous de 0,9% est sans OGM.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Il me semble que l’on fait dire des choses inexactes à la DGCCRF. Que nous dit en effet sa note ? Que le seuil à retenir est la limite de détection à l’analyse, et non la limite de quantification ou le seuil de présence fortuite de 0,9%. Elle ouvre ainsi un débat. Qu’est-ce qui est « avec OGM » ? Qu’est-ce que la détection fortuite ou occasionnelle ? Quel est le seuil de détection à apprécier produit par produit ? Le texte ne prend pas position sur ce point. Nous avons saisi le Conseil national de la consommation, qui est une autorité indépendante. Le sujet est des plus complexes. La DGCCRF elle-même parle de « trace ». Comment définir cette trace ? C’est une autre question.

M. Jean-Yves Le Déaut – Qui va légiférer ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Suivant l’avis du Haut conseil, l’exécutif décidera ou non de saisir le Parlement. Le texte donne la méthode. Ce qui est certain, c’est que le Haut conseil sera saisi sur ce point dès son installation et qu’il disposera pour se prononcer du rapport du CNC. On ne peut être plus clair ni plus prudent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

À la majorité de 68 voix contre 2 sur 81 votants et 70 suffrages exprimés, l’amendement 476 n’est pas adopté.

L'amendement 258, mis aux voix, n'est pas adopté.

À la majorité de 66 voix contre 30 sur 96 votants et 96 suffrages exprimés, l’amendement 237 n’est pas adopté.

L'amendement 425, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 342 vise, une fois n’est pas coutume, à rendre service au Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard – C’est l’ouverture !

M. François Brottes – L’article premier évoque la commercialisation des produits, laquelle peut résulter des importations de produits OGM – des semences par exemple. Nous proposons donc de permettre au Gouvernement, par un décret en Conseil d’État, de soumettre à des conditions spécifiques, de restreindre ou d’interdire tout ou partie des importations d’OGM destinés à la commercialisation dans notre pays. Il est dans la droite ligne des dispositions qui précèdent et sans lui, le Gouvernement sera dépourvu de moyens d’action pour mettre en œuvre ces restrictions.

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. Les décisions se prennent sur la base de considérations liées à la santé et à l’environnement. Nous n’avons pas à nous prononcer sur le sujet.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Je dois avouer que je vois mal comment cette proposition s’insère dans le dispositif communautaire. Je comprends comment on peut faire valoir son opinion auprès du Conseil européen ou de la Commission, je vois comment on peut travailler sur le seuil de détection, mais pas comment un décret en Conseil d’État pourrait avoir la moindre influence dans ce domaine.

M. Bernard Debré – Hier, M. Chassaigne expliquait qu’il y a 100 % de soja OGM en Argentine – tous les agriculteurs sont donc des criminels là-bas – et qu’il faut stopper les importations de ce soja, pour les pousser à revenir à la culture du soja naturel.

M. André Chassaigne – Vous mélangez tout !

M. Bernard Debré – Il y a donc une réversibilité des cultures.

M. André Chassaigne – Vous connaissez bien la médecine, mais pas l’agriculture. La réversibilité des cultures est une chose, les conséquences sur l’environnement en sont une autre.

M. Bernard Debré – Donc la réversibilité existe… Il y a pour le moins une ambiguïté dans votre propos. En tous les cas, je suis contre cet amendement.

M. Philippe Martin – Hier, l’Assemblée a adopté un amendement 252 selon lequel les plantes transgéniques ne peuvent être cultivées que dans le respect des filières de production qualifiées sans OGM. Nous avons demandé au ministre s’il comptait revenir sur ce vote parfaitement démocratique, sans obtenir de réponse. Mais le président de l’AGPM, Christophe Terrain, a déclaré que cet amendement pouvait donner lieu à des restrictions ou des interdictions de production commerciales OGM dans toutes les zones AOC et qu’il allait demander aux sénateurs de modifier le texte en deuxième lecture pour revenir à la rédaction initiale ! Les sénateurs font-ils donc vraiment leur travail en toute liberté, ou les responsables d’associations tiennent-ils leur plume ?

M. Bernard Debré – Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Philippe Martin – Nous allons donc constituer un comité de défense, mobiliser tous les responsables d’AOC, tous les chefs de cuisine et tous ceux qui veulent conserver des produits de qualité dans notre pays pour que le Parlement ne revienne pas sur le vote de cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Bernard Debré – Ce faisant, vous restreignez la liberté du Parlement !

M. Patrick Ollier, président de la commission Il me semble que les parlementaires sont censés s’exprimer sur le point qui est en discussion.

L'amendement 342, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Germinal Peiro – L’amendement 345 autorise la vente des semences de variétés végétales dont la consommation est autorisée entre agriculteurs ou à des amateurs sans qu’elles doivent être inscrites dans un catalogue ou registre officiel, du moment qu’elles ne sont pas des variétés hybrides ou génétiquement modifiées. Il s’agit d’éviter que ces produits ne tombent sous la coupe de ces firmes qui veulent à toute force percevoir des royalties. Souvenez-vous de cette situation incroyable lorsque le purin d’orties, utilisé dans l’agriculture biologique, s’était trouvé interdit à la vente ! Ces semences ne doivent pas être obligées de figurer dans un catalogue, c’est-à-dire d’être brevetées et de donner lieu au paiement de royalties.

M. Antoine Herth, rapporteur – Avis défavorable. L’objet de cet amendement est beaucoup plus large que celui du présent texte. Par ailleurs, il est extrêmement technique et il n’est pas du domaine de la loi de se pencher, par exemple, sur le trait génétique.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat – La réglementation actuelle prévoit que les semences doivent appartenir à une variété inscrite à un catalogue, ce qui permet d’en identifier les caractéristiques et de protéger les utilisateurs contre des allégations de qualité non fondées et la transmission de parasites ou de maladies des plantes. Quant aux variétés anciennes destinées aux jardiniers amateurs, la réglementation communautaire en cours de publication reprend le dispositif français, qui prévoit des conditions d’inscription allégées. Cet amendement me paraît donc superfétatoire.

M. André Chassaigne – Langue de bois…

M. Noël Mamère – Cet amendement veut défendre les semences fermières alors que des associations, des paysans ont été lourdement condamnés par les tribunaux pour les avoir utilisées. L’idée est de permettre l’échange de ces semences fermières qui contribuent à la biodiversité et s’opposent au monopole des semences génétiques, qui s’appuient sur le brevetage et entraînent donc le paiement d’une redevance. Il me semble que Kokopelli, par exemple, devrait être félicitée pour sa contribution à la biodiversité. Au lieu de cela, vous refusez de reconnaître l’intérêt de ces semences. Il est intéressant de constater qu’au même moment, la Norvège construit un bunker destiné à conserver sur plusieurs dizaines d’années toutes les semences qui risquent de disparaître, menacées, notamment, par les OGM…

Germinal Peiro a eu raison d’évoquer le précédent du purin d’ortie, où l’on a vu le Conseil d’État et le tribunal administratif finir par reculer. Le Gouvernement doit reconnaître qu’il y a une impasse, celle dans laquelle se trouve Kokopelli et, puisqu’il prône l’idée de coexistence, aider ceux qui défendent les semences fermières.

M. Jean-Charles Taugourdeau – Je suis plutôt pour les semences fermières. Mais il est bon qu’elles figurent au catalogue officiel et soient ainsi soumises aux contrôles et aux circuits obligés. Les viroses et les bactérioses sont en effet trop nombreuses et potentiellement bien plus graves qu’une contamination par les OGM (Protestations sur les bancs du groupe GDR).

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Vous évoquez en fait deux sujets, qui sont liés : le coût de l’inscription au catalogue, sans doute trop élevé ; la nécessité, peut-être, d’un régime intermédiaire entre celui des échanges commerciaux et celui des échanges de moins de 50 grammes, qui sont libres. Nathalie Kosciusko-Morizet a indiqué au Sénat que le Gouvernement explorerait ces pistes de réflexion.

L'amendement 345, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ARTICLE PREMIER

M. François Grosdidier – L’amendement 116 vise à préciser que l’État encourage, organise et assure le financement de la recherche scientifique fondamentale en ce qui concerne notamment le fonctionnement des écosystèmes, l’écotoxicologie, l’épidémiologie. Cela doit permettre de nous éclairer sur les grands enjeux et représente une garantie indispensable de la sécurité sanitaire environnementale en matière d’OGM.

M. Antoine Herth, rapporteur – Le Sénat a tenu à renforcer le texte sur ce sujet. J’ai moi-même cherché un dispositif – alternatif à celui proposé par le sénateur Jean Bizet – pour permettre aux chercheurs de poursuivre leur travail en toute indépendance. La commission a adopté mon amendement à l’article 11 bis, ainsi qu’un amendement de Jean-Yves Le Déaut, concernant le financement de la recherche publique.

Les chercheurs de l’Institut biomoléculaire des plantes de Strasbourg que j’ai rencontrés m’ont confirmé que la carrière d’un chercheur choisissant de se consacrer à l’expertise et, par conséquent, de ne pas publier, avance moins vite. Or nous avons besoin d’experts. Comment valoriser cette fonction et comment en garantir l’indépendance ? Nous en débattrons ultérieurement. Au bénéfice de ces observations, je vous demande de retirer votre amendement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Les conclusions du Grenelle précisent les domaines dans lesquels il convient de soutenir la recherche. Par ailleurs, une mission permanente sur la recherche a été créée dans mon ministère, ce qui est nouveau. Enfin, des engagements budgétaires ont été pris. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Jean-Yves Le Déaut – Cet amendement va dans le bon sens et complète – je le dis sans vanité – notre amendement à l’article 11 bis. Peut-être serait-il judicieux de le placer au même endroit ? Le choix de l’article L. 531-5 du code de l’environnement ne semble pas pertinent. Comme l’a dit M. le ministre d’État, un comité permanent « environnement-recherche » – dont j’ai l’honneur d’être membre – a été mis en place après le Grenelle.

Par ailleurs, je trouve regrettable que Mme Pecresse soit la grande absente de ce débat.

M. Noël Mamère – Avec M. Barnier !

M. Jean-Yves Le Déaut – Le texte sur les OGM de 2006 avait été défendu par le ministre de la recherche de l’époque. Il est certes logique que ce soit le ministre de l’écologie qui porte ce projet de loi, mais le silence de Mme Pecresse n’en demeure pas moins paradoxal, dans la mesure où beaucoup de parlementaires, sur tous les bancs, se sont exprimés pour défendre la recherche fondamentale sur ces sujets.

L'amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Delphine Batho – La France – beaucoup de nos collègues l’ont souligné – a tardé à transcrire la directive de 2001. Dans l’intervalle, se sont développés sur notre territoire des actes de fauchage volontaires, qui sont des délits.

M. Bernard Debré – Du vandalisme !

Mme Delphine Batho – Les personnes en cause ont d’ailleurs déclaré qu’elles étaient conscientes de commettre un délit mais qu’elles considéraient qu’il s’agissait d’un acte politique.

M. Pierre Cardo – C’est ce que disent les voyous dans les cités !

Mme Delphine Batho – Pour sa part, le groupe SRC distingue les actes de fauchage commis contre des cultures commerciales, qui comportent des risques, et ceux commis contre des cultures de recherche.

Il est indéniable que ces campagnes de fauchage ont contribué à alerter la société et à attirer l’attention des pouvoirs publics sur une situation de dissémination et de risques potentiels. Ceux-ci ont d’ailleurs été reconnus par l’État puisque le Gouvernement a activé la clause de sauvegarde.

Compte tenu du fait que ces actions ont été commises en l’absence d’un cadre juridique, nous considérons qu’il faut éteindre les procédures – une vingtaine – actuellement en cours.

M. Christian Jacob – Certainement pas !

Mme Delphine Batho – Il me semble d’autre part extrêmement curieux que des poursuites rigoureuses soient engagées contre les faucheurs volontaires, mais que des saccages de préfecture, une certaine mise à sac d’abattoir – dont le préfet a pris la reconstruction en charge – et certains actes qui ont entraîné cinq blessés parmi les CRS n’aient, eux, jamais donné lieu à poursuites judiciaires. Vraiment, cette politique du « deux poids, deux mesures » a quelque chose d’étrange et, au regard du texte que nous examinons aujourd’hui, il me semblerait fondé de décider l’extinction des poursuites en cours.

M. Germinal Peiro – Très bien.

M. Christian Jacob – C’est inacceptable.

M. Antoine Herth, rapporteur – Je vous remercie, Madame Batho, du ton posé avec lequel vous avez défendu un amendement qui, s’il avait été autrement présenté, aurait pu paraître provocateur, notamment à l’Alsacien légitimiste que je suis, qui a été profondément choqué par les fauchages volontaires. La commission a exprimé un avis défavorable à l’amendement. Il serait en effet incohérent de trancher ce point alors que nous sommes loin d’avoir examiné le texte dans son ensemble. Un Haut Conseil sera créé, qui dira les conditions scientifiques de la coexistence entre les diverses cultures et les sanctions attachées au non respect des règles, à la fois par les exploitants et par les « manifestants » qui voudraient éventuellement exprimer leur opinion en détruisant des parcelles cultivées. Voyons cela, s’il le faut, de manière globale, après avoir examiné l’ensemble du dispositif.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Je partage le point de vue de votre rapporteur. Diverses considérations entrent en jeu, qui vont de l’honneur de l’action militante à l’opportunité des poursuites et aux projets d’amnistie dont le Parlement peut être périodiquement saisi, dans la sérénité… En l’état, ce n’est pas la position du président de la République, vous le savez, mais le débat peut être posé de manière globale, comme l’a souligné M. Herth. Avis défavorable.

M. Noël Mamère – Pour dire, sur un ton aussi calme que celui de Mme Batho, pourquoi je soutiens l’amendement, je prendrai la parole en ma qualité d’élu du peuple et non en tant que faucheur volontaire, un faucheur volontaire qui a pris ses responsabilités en agissant « à mains nues » et au grand jour…

M. Richard Mallié – Vous avez l’habitude de l’illégalité !

M. Noël Mamère – Comme d’autres, j’ai été lourdement condamné par une justice qui cherche à criminaliser l’action de militants qui veulent alerter sur les dangers de cultures souvent clandestines et qui sont à l’origine de la contamination parfois irréversible d’autres parcelles. Plutôt que les condamner et les traiter de voyous, il faudrait les remercier (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) car, depuis 1996, ils n’ont cessé d’alerter sur le vide juridique auquel le ministre d’État a lui-même fait allusion. Si ces Justes modernes n’avaient pas agi… (Mêmes mouvements)

M. Pierre Cardo – Quelle modestie !

M. Christian Jacob – Cette comparaison est odieuse !

M. Noël Mamère – …bien plus nombreux seraient les hectares cultivés en OGM. Mieux : si nous n’avions cessé d’alerter sur ces dérives scientistes, il n’est pas certain que le Grenelle de l’environnement aurait eu lieu (Exclamations sur les mêmes bancs). Nous avons joué un rôle de lanceurs d’alerte.

M. Christian Jacob – C’est le Président de la République qui en a décidé !

M. Richard Mallié – Si M. Mamère n’existait pas, il faudrait l’inventer !

M. Noël Mamère – J’observe par ailleurs que les juges ont commencé d’évoluer ; or ce sont eux qui fixent le droit… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission Non, c’est nous ! Eux l’appliquent.

M. Noël Mamère – Sauf, Monsieur le président de la commission, lorsqu’ils créent le droit par la jurisprudence, et c’est ce dont je parle. Il se trouve que, par deux fois, des tribunaux ont refusé de juger des faucheurs volontaires, parce que les juges avaient un doute, et parce que l’on était à la veille du Grenelle de l’environnement. Et puis, parmi ces faucheurs volontaires, il en est un qui a créé l’association des faucheurs volontaires et qui a été reçu en cette qualité par Mme Kosciusko-Morizet, ce qui vaut reconnaissance par l’exécutif. José Bové a été convoqué, mais la ministre de la justice a fait injonction au Parquet de ne pas le poursuivre, parce qu’on était à la veille du Grenelle de l’environnement.

Je rappelle une nouvelle fois qu’à l’occasion du procès de l’Erika, les juges ont reconnu le « préjudice écologique ». Il est grand temps que soient créées dans notre droit les incriminations de « délinquance écologique » « et de « crime écologique » pour sanctionner certaines destructions environnementales qui dépassent la gravité d’une simple « infraction ».

Je ne veux pas souffler sur les braises en parlant d’indignation sélective, mais enfin ! Nous avons connu des gros bras de certain syndicat, qui ne sont pas limités à porter atteinte à la propriété privée. Que dire, par exemple des auteurs des douze millions de déprédations commises à Fougères, que certains, sur les bancs d’en face, ont défendu ici même ? (Protestations sur certains bancs du groupe UMP) Que dire des gros bras de la FNSEA qui se sont permis de venir saccager le bureau d’une ministre de la République, Dominique Voynet, et qui n’ont jamais été poursuivis ? (M. Christian Jacob proteste) Nous demandons l’amnistie pour ceux qui appliquent la Constitution (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et singulièrement l’article premier de la Charte de l’environnement, qui dispose que tous les Français ont droit à un environnement sain. Cet environnement sain, nous voulons le défendre car c’est un bien commun. Les voyous sont ceux qui l’empoisonnent et qui ne devraient pas être amnistiés, au contraire de nous, qui devrions l’être. (Mêmes mouvements)

M. Philippe Martin – Dans le Gers, bien des maires ne savaient que répondre à leurs administrés qui leur demandaient si des parcelles d’OGM étaient cultivées dans le département. J’ai eu connaissance de ces violences que sont les contaminations de parcelles biologiques par des OGM disséminés – car ce sont aussi des violences – et je connaissais la menace de fauchage, que je n’approuvais pas. J’ai alors cherché comment favoriser l’expression démocratique. Quand, sur les 170 000 habitants du département, 16 000 ont signé une pétition demandant l’organisation d’un referendum citoyen sur la question des OGM, j’ai souhaité l’organiser. Mais, depuis cinq ans, nous allons de tribunal en cour d’appel et au Conseil d’État, sans y réussir. Force est de reconnaître que l’État empêche l’expression démocratique des citoyens.

M. Germinal Peiro – C’est vrai.

M. Philippe Martin – Cela n’excuse pas le fauchage volontaire mais cela peut l’expliquer, car qui n’a pas de moyens légaux d’expression en cherche d’autres. J’observe par ailleurs que la plupart de ces interventions ont été faites par des gens sincères, qui ont pris des risques et qui ont été condamnés à payer des amendes et des réparations importantes au regard de leur revenu. Avant d’être parlementaire, j’étais préfet, et j’ai vu certains de vos amis, collègues de la majorité, se livrer à des déprédations qui sont restées sans suites judiciaires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob – Et M. Mamère vient plaider ici en faveur d’une auto-amnistie ? C’est honteux !

M. Philippe Martin – S’agissant des faucheurs volontaires, il me paraîtrait bon que, dans un souci d’apaisement, le Gouvernement prenne, de quelque manière, l’initiative de ramener la sérénité.

M. Bernard Debré – « Lanceur d’alerte » : je trouve que ce mot est inadéquat. Et je veux dire en toute sérénité à M. Mamère que j’ai trouvé ses mots un peu durs. En outre, il est un peu choquant que vous ayez plaidé pour votre autoamnistie. Nous eussions préféré que quelqu’un d’autre parle à votre place. Cela aurait été plus digne. Mais il est vrai qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même…

M. Noël Mamère – En tant que dangereux délinquant, j’ai payé ma dette !

M. Bernard Debré – Puis-je vous lire quelques extraits des textes d’une violence inouïe que nous recevons ? Je cite : « Je vous souhaite de découvrir que votre cancer a été provoqué par des OGM et d’en souffrir longtemps. » Voilà ce que je reçois pour avoir osé m’opposer aux Verts et aux faucheurs volontaires ! Ou encore : « Je voudrais savoir combien Monsanto vous a payé pour votre intervention d’hier à l’Assemblée »…

MM. Noël Mamère et Germinal Peiro – Nous recevons les mêmes dans l’autre sens !

M. Bernard Debré – « Nous connaissons la faiblesse du porte-monnaie et vous êtes un escroc immoral, avide de fric ».

Vous prétendez aussi que les faucheurs volontaires n’ont pas eu d’effet : puis-je simplement rappeler que toute cette agitation mal fondée – puisque vous reconnaissez vous-même qu’il n’y a pas de cas connu de maladie provoquée par les OGM – (M. Noël Mamère fait un signe de dénégation) a entraîné le suicide d’agriculteurs…

Une voix – C’est faux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Un député du groupe UMP – Qui parle ? Il faut faire évacuer la tribune.

M. Bernard Debré – Voyez, Monsieur Mamère, les dégâts que vous êtes en train de faire. Sur la base d’arguments faux, vous prenez le risque d’attiser la haine. Et vous osez dire qu’il n’y a pas de lobby anti-OGM ! Nous sommes sous une pression terrifiante, comme nous venons encore de le voir… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Et vous voudriez ensuite que, dans un grand élan de générosité, nous prononcions votre amnistie, alors que vous avez été l’un des instigateurs de cette haine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère – Mais je ne demande rien pour moi.

L'amendement 380, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut – S’agissant de l’amendement 381, je serai bref car nous avons déjà eu la discussion. Il a trait à la définition du seuil « sans OGM ». Il est évident que c’était une provocation : je voulais que le ministre repousse cet amendement, pour lui indiquer ensuite que telle était l’interprétation de la DGCCRF, qui, du reste, fait du bon travail ! J’estime cependant qu’elle a outrepassé ses pouvoirs en posant sa propre définition du sans OGM. Mais puisque nous en avons déjà parlé, je retire mon amendement.

L'amendement 381 est retiré.

AVANT L'ART. 2

M. André Chassaigne – L’amendement 259 vise à modifier l’intitulé du Haut conseil en « Haut conseil sur le développement des biotechnologies ». Compte tenu de la rapidité avec laquelle se diffusent les innovations techniques dans le domaine des biotechnologies, cette instance va jouer un rôle d’expertise essentiel. Il importe que son intitulé rende compte de l’étendue du champ couvert.

M. Antoine Herth, rapporteurDéfavorable, dans la mesure où il faut veiller à ne pas mettre en cause l’indépendance du Haut conseil des biotechnologies. Faire référence au développement tend déjà à indiquer une direction. Or l’instance doit pouvoir statuer en toute liberté, plutôt que d’émettre un avis à la demande du Gouvernement.

L'amendement 259, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut – L’amendement 382 tend à rétablir l’appellation initiale de Haute autorité des biotechnologies, en vue de conforter l’instance. Il n’est pas souhaitable que le domaine des biotechnologies soit le seul où, à l’inverse de la sûreté nucléaire, ce ne serait pas une autorité mais un conseil qui serait responsable. Et ce d’autant plus que MM. Borloo et Ollier ont indiqué tout à l’heure qu’ils souhaitaient donner beaucoup de force à la structure.

Mme Delphine Batho – Tout à fait.

M. Antoine Hert, rapporteur – Avis défavorable. Nous avons souhaité conserver l’appellation retenue au Sénat.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Il est exact que le Gouvernement avait initialement retenu l’intitulé de Haute autorité. Puis le débat au Sénat a eu lieu, et l’on nous a fait observer que le Grenelle avait affirmé la nécessité, sur de tels sujets, de laisser la responsabilité à l’autorité politique. Il ne faut pas laisser entendre que l’on souhaite créer une Haute autorité juridictionnelle vouée à se substituer à la décision politique. Le Haut conseil sera indépendant, mais il ne se verra pas déléguer une autorité politique. Il est donc plus raisonnable de s’en tenir à l’intitulé adopté par le Sénat.

M. Jean-Yves Le Déaut – Monsieur le ministre, je comprends votre argumentation et il n’est pas dans nos intentions de créer une autorité indépendante en ce domaine où les décisions relèvent du domaine régalien de l’État. Ayant eu l’honneur de préparer la loi sur la sûreté nucléaire, je rappelle que l’Autorité de sûreté nucléaire n’exerce pas des fonctions régaliennes…

M. Patrick Ollier, président de la commission – Si !

M. Jean-Yves Le Déaut – Bien que l’on se soit doté d’une autorité, les décisions essentielles restent du domaine de l’État. On aurait donc pu faire de même pour les biotechnologies sans que la puissance publique renonce à ses prérogatives.

M. Noël Mamère – J’espère pouvoir encore m’exprimer dans cet hémicycle sans susciter la haine. Les arguments de M. Debré m’ont semblé indignes. Nous sommes tous exposés, et, quoi que nous fassions, nous recevons des lettres d’une grande violence. Quant à l’amnistie, je ne l’ai jamais demandée pour moi mais pour les faucheurs volontaires. J’assume pleinement mes responsabilités de représentant du peuple désobéissant.

S’agissant de la Haute autorité, il ne s’agit pas simplement d’un changement de nom comme a tenté de l’expliquer le ministre d’État. Et il ne s’agit pas non plus de coller au Grenelle de l’environnement. La notion d’autorité emporte un certain nombre de conséquences et vous la refusez car vous voulez restreindre le pouvoir de l’instance. C’est bien au périmètre du Haut conseil qu’il faudra donc être attentif. Votre objectif est en effet de limiter la part de la société civile, afin qu’elle ne puisse donner que des recommandations, sans voix délibérative. Vous prétendez aussi que le conseil devra être présidé par un scientifique, ce qui est contradictoire avec les propos de Mme la secrétaire d’État selon lesquels il ne revient pas aux scientifiques de décider mais au politique. Le Sénat a voulu reculer et nous avons besoin, Monsieur le ministre d’État, de toute votre autorité pour redonner plus de poids à la Haute autorité, laquelle doit s’occuper de l’ensemble des biotechnologies.

M. Patrick Ollier, président de la commission  Sur ce point, je suis en partie responsable de ce qui est arrivé. Avant d’aborder ce texte, nous avons discuté avec nos collègues sénateurs dans un esprit constructif. Le Grenelle de l’environnement nous a notamment enseigné que la loi doit correspondre à la vocation des instruments que l’on crée. En l’espèce, le Grenelle souhaite que l’institution en charge des biotechnologies émette des avis et des recommandations, sans transfert d’autorité de l’État. Cela la distingue fondamentalement des AAI telles que l’ARCEP ou l’AMF. Dès lors, l’appellation de Haut conseil me semble la mieux adaptée, sa vocation étant de conseiller et non de décider.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Le sujet n’est pas anodin. Pour que nous disposions d’avis pluriels, sérieux et responsables, portés en toute liberté par ce Haut conseil des biotechnologies, il importe de bien les distinguer de toute décision politique. Il est d’ailleurs expressément indiqué dans les conclusions du Grenelle de l’environnement que cette instance sera appelée à « donner des avis sans se substituer à la décision politique. » La précision est essentielle et c’est ce qui justifie que nous préférions « conseil » à « autorité ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 382, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. Noël Mamère – Nous espérons que les amendements que nous avons déposés à cet article seront acceptés par le Gouvernement, et pas combattus par la majorité.

Nous déplorons l’affaiblissement du rôle de la Haute autorité initialement prévue, devenue un simple Haut conseil des biotechnologies, qui n’aura plus de pouvoir décisionnel mais seulement consultatif. Dans le projet initial, la Haute autorité comportait un « comité scientifique », et un « comité économique, éthique et social » tandis qu’un collège réunissait les présidents de ces deux comités et le président de la Haute autorité. Le comité économique, éthique et social, rebaptisé comité de la société civile, a vu ses attributions restreintes. En effet, alors qu’il était prévu qu’il puisse rendre des avis au même titre que le comité scientifique, il ne pourra plus formuler désormais que des recommandations. Par ailleurs, le Haut conseil ne sera plus compétent pour élaborer les méthodes d’évaluation des risques environnementaux des PGM. Ses modalités de saisine ont par ailleurs été restreintes. Il était initialement prévu que tout citoyen puisse saisir la Haute autorité tandis que le Haut conseil ne pourra plus l’être que par des associations de consommateurs ou de protection de l’environnement, ou certains syndicats. Nous ne pouvons que regretter cette restriction tout comme nous souhaiterions que le Conseil constitutionnel puisse être saisi par tout Français –nous aurons l’occasion de défendre cette proposition lors du débat sur la réforme institutionnelle.

Le Sénat a par ailleurs placé la surveillance des PGM hors du champ de compétences du Haut conseil en créant un comité de surveillance biologique du territoire en remplacement du comité de biovigilance créé en 1998, lequel était censé être l’organe officiel de surveillance des cultures transgéniques. On a vu ce qu’il en a été…, ce qui n’est pas étonnant étant donné que les décrets d’application fixant son organisation et ses modalités d’intervention n’ont jamais été publiés. Les faucheurs volontaires ont bien eu raison d’agir comme ils l’ont fait pour alerter l’opinion et éveiller les consciences, les pouvoirs publics ne s’étant pas organisés pour encadrer les cultures d’OGM en plein champ. Il s’agit donc bien de justes, et non de voyous.

Sur proposition du rapporteur au Sénat, M. Bizet, un amendement a été adopté qui établit une hiérarchie entre les avis du comité scientifique et les simples recommandations du comité de la société civile, « les deux n’ayant pas la même légitimité », précise M. Bizet. Propos incroyables de la part d’un représentant du peuple ! Un autre amendement dispose que le président du Haut conseil sera un scientifique choisi en fonction de ses compétences. C’est, contrairement à ce qu’affirmait la secrétaire d’État, donner la prééminence aux scientifiques par rapport à la société civile. Nous nous battrons donc sur cet article pour redonner tout leur rôle aux citoyens et donc toute sa place à la démocratie participative sur un sujet très important qui engage l’avenir de nos enfants.

M. François Grosdidier – Ne nous battons pas pour des questions de sémantique. Une Haute autorité a certes un pouvoir réglementaire tandis qu’un Haut conseil n’a qu’un pouvoir consultatif, ce qui doit être le cas ici. Mais l’important n’est pas la dénomination de cette instance : ce sont ses moyens, sa représentativité, la garantie de son indépendance, la transparence de ses décisions…

Autant j’avais accueilli avec enthousiasme le projet initial du Gouvernement, autant je regrette le virage pris au Sénat. Je serai donc particulièrement attentif à nos débats et aux amendements qui seront adoptés ou non pour savoir si, moi qui ai voté l’article premier, pourrai voter cet article 2.

Je ne vois ainsi pas pourquoi les modalités de saisine ont été restreintes, pourquoi un cloisonnement aussi net a été établi entre le comité des scientifiques et celui de la société civile, pourquoi la nomination du président du Haut conseil a été subordonnée à l’avis des commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat – pourquoi pas à la commission qui traite de la recherche et de la santé, en attendant peut-être la création d’une commission de l’environnement ? On nous a déjà assez intenté de procès dans ce débat sur les influences que nous aurions subies. Nous en subissons tous de la part des intérêts économiques – auxquels, le premier, je ne suis pas insensible dans ma circonscription. Il n’empêche que nous devons essayer d’en faire abstraction pour légiférer. Ces intérêts s’expriment en premier lieu, comme il est normal, dans les commissions des affaires économiques. La disposition introduite par le Sénat n’est donc vraiment pas souhaitable et ne peut en tout cas qu’entretenir la suspicion dommageable que nous souhaiterions tous lever. De même, pourquoi subordonner la communication opérée par les membres du Haut conseil à l’aval du président de ce Haut conseil ? Pourquoi ce filtre alors qu’on prône la transparence ? Il est important que tous les éléments pouvant faire controverse puissent être versées au débat public. Je souhaite donc que nous revenions le plus possible au texte initial du Gouvernement.

Mme Jacqueline Fraysse – Cet article pose la question de la finalité des OGM et de leur contrôle démocratique. L’homme a toujours cherché à améliorer les semences et les plantes en accompagnant la nature. Avec les OGM, en touchant à ce que les plantes et les animaux ont de plus intime, à savoir leur patrimoine génétique, il ne s’agit plus seulement d’accompagner la nature mais de forcer son évolution. Ce saut qualitatif, qui aura des conséquences essentielles pour l’humanité tout entière dans des domaines aussi divers que l’alimentation, la santé, l’environnement, les rapports socio-économiques… pose un véritable problème de société.

Comme toute avancée scientifique, la transgénèse peut être utilisée pour le meilleur et pour le pire. Elle peut être la source de véritables progrès, comme c’est déjà le cas en matière pharmaceutique, mais aussi de désastres d’autant plus graves qu’ils seront irréparables.

Certaines grandes firmes internationales dont le seul objectif est de dégager un profit maximal sans autre perspective que le court terme, à l’image de Monsanto, ont déjà fait la preuve que la manipulation génétique des plantes peut être un facteur de domination économique, de pollution environnementale et de dévoiement de la nature.

À tout moment, nous devons nous interroger : pourquoi produire les OGM ? Au service de qui ? Et surtout, il faut se demander qui répond à ces questions. Quel est le contrôle exercé par les citoyens ? À cause de notre déficit de connaissance et en l’absence de tout contrôle civique, nous produisons massivement des OGM qui ne sont pas nécessaires pour l’instant. En aurons-nous besoin demain, lorsque la planète comptera 9 milliards d’habitants ? Faudra-t-il améliorer les qualités nutritionnelles des produits et développer l’agriculture dans les milieux hostiles ? Nous n’en savons rien.

Tout en refusant la dissémination des OGM, nous devons continuer la recherche afin de mieux connaître leurs effets sur la santé des animaux et sur celle des hommes. Nous éviterons ainsi d’hypothéquer l’avenir et nous pourrons compléter l’expertise privée par une expertise publique et indépendante. La recherche fondamentale sur les OGM doit être préservée et même encouragée, à condition qu’elle soit publique et que, loin de viser à enrichir les actionnaires de quelques grands groupes privés, elle soit menée au nom des générations futures.

Si nous voulons des choix conformes à l’intérêt général, nous devons nous attacher à instaurer un véritable contrôle démocratique. C’est notre meilleur garde-fou contre d’éventuelles dérives. C’est pour cette raison que nous avons déposé plusieurs amendements tendant à élargir la saisine du Haut conseil des biotechnologies, à renforcer son indépendance, à limiter le caractère arbitraire de la nomination de ses membres et à refuser tout assujettissement de la société civile à l’égard des scientifiques.

Le sort qui sera réservé à ces amendements sera un bon indicateur du rôle que vous comptez accorder aux citoyens dans la maîtrise de leur avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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