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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 16 avril 2008

1ère séance
Séance de 15 heures
144ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

MOUVEMENT DANS LES LYCÉES

M. Régis Juanico – Monsieur le ministre de l’éducation nationale, quand allez-vous vous ressaisir (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ? Quand prendrez-vous la mesure du mécontentement que vous suscitez ?

Pour la sixième fois en quatre semaines, lycéens, parents d'élèves, enseignants du premier et du second degré étaient hier dans la rue, toujours plus nombreux malgré les vacances scolaires, pour protester contre vos projets de nouveaux programmes dans le primaire, la généralisation du bac professionnel en trois ans et la suppression de milliers de postes d'enseignants et de personnels administratifs. Deux nouvelles journées d'action sont déjà prévues, les 15 et 24 mai. En quelques mois, vous avez réussi l'exploit de créer un climat de défiance au sein de la communauté éducative (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Contrairement à vos affirmations répétées, le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite – 85 000 d'ici à 2012, qui s'ajoutent au 30 000 postes déjà supprimés – a des conséquences dramatiques. Dans le département de la Loire, le projet de carte scolaire pour 2008 prévoit la suppression de 44 postes dans les collèges, qui accueilleront pourtant 230 élèves supplémentaires ! Le non-remplacement signifie des classes surchargées, une dégradation des conditions de travail pour les enseignants – parfois contraints d'exercer dans deux ou trois établissements – la remise en cause de projets d'intégration des élèves handicapés, comme c'est le cas dans un des collèges de ma circonscription.

Vous ne réformez pas l'éducation nationale, vous travaillez à sa liquidation progressive (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Vous ne défendez pas le système éducatif, vous passez votre temps à le dénigrer !

Monsieur le ministre, allez-vous enfin entendre raison ? Reviendrez-vous sur vos mesures de restrictions budgétaires et de suppressions de postes, et sur des projets éducatifs dont les Français ne veulent pas (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) ?

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Vous venez de prononcer un énième réquisitoire, qui n’en devient pas pour autant une vérité. Surtout, vous ne dites jamais ce que nous aurions fait de ces milliers de postes si nous les avions conservés.

M. Patrick Roy – Nous vous l’avons dit !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Aurions-nous amélioré le taux d’encadrement ? Il sera le même à la rentrée 2008 qu’en septembre 2007. Aurions-nous fait progresser le système éducatif ? J’en doute, puisque la seule recette à l’œuvre depuis trente ans est d’augmenter les moyens, alors que notre pays ne cesse de descendre dans les classements internationaux. Aurions-nous offert de nouveaux services ? Le budget voté par la majorité permet d’offrir aux élèves des collèges – et bientôt des écoles en zone d’éducation prioritaire – des études surveillées, ainsi que des stages aux élèves de CM1 et de CM2 en difficulté. Je m’étonne, au passage, que lorsque l’on se réclame d’un idéal social, on puisse se permettre de critiquer cette mesure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Plus d’un professeur sur trois accepte de faire les heures supplémentaires nécessaires.

C’est toujours la même chanson : moratoire, suspension, conservation.

Un député du groupe SRC – Démission !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Je vous réponds réforme, audace, changement. Le progrès social n’a que faire d’un moratoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

AGRO-CARBURANTS

Mme Martine Billard – Si les prix agricoles flambent – provoquant dans notre pays une baisse du pouvoir d’achat et dans les pays du Sud, des émeutes de la faim – c’est qu’une concurrence s’exerce sur les terres cultivables. La filière des agro-carburants, favorisée par les politiques publiques d’aides à la substitution du pétrole, est source de grands profits, et attire les fonds de pension, qui se sont désengagés du marché immobilier nord-américain.

Aux États-Unis, où la production d'éthanol de maïs – dont le rendement énergétique est très faible – est soutenue, le cours du maïs a grimpé de 33 % à la Bourse de Chicago en 2007. Dans le même temps, les cours du blé et du soja ont doublé.

La flambée du prix du blé tient aussi au faible niveau du stock mondial. Fin 2006, celui-ci atteignait 120 millions de tonnes. Quand on sait que les agro-carburants consomment 100 millions de tonnes de céréales, il y aurait de quoi satisfaire la hausse de la demande, due notamment aux nouvelles habitudes alimentaires des pays émergents comme la Chine, l'Inde et le Brésil.

Hormis le carburant tiré de la canne à sucre, les agro-carburants de première génération ont un rendement énergétique dérisoire : ils ne sont donc une solution ni à la raréfaction du pétrole, ni à la lutte contre les gaz à effet de serre. Leur production sert à limiter les prix de l'essence dans nos pays riches, en retirant le pain de la bouche des pays pauvres !

Un député du groupe UMP – D’où l’utilité des OGM !

Mme Martine Billard – Rouler au Nord ou manger au Sud, il faudra choisir ! Il convient de cesser toute aide publique à cette politique criminelle.

Madame la ministre de l’économie, entendez-vous mettre fin aux exonérations fiscales dont bénéficie la production d'agro carburants, ainsi que je l'avais proposé lors du débat sur le pouvoir d'achat ? Entendez-vous agir pour que l’Union européenne abandonne l'objectif d'utilisation de 5,75 % d'agro carburants dans les moteurs d'ici à 2010, tant que ne sera pas mis au point le procédé dit « de seconde génération », à base de résidus végétaux et non plus de céréales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Les gouvernements précédents ont mis en place un dispositif pour les bio-carburants, se fondant sur la construction d’usines par les coopératives agricoles ou par les groupes industriels. Parallèlement, le Parlement a voté des mesures fiscales et des mesures incitatives. La France s’est fixé un objectif d’utilisation des bio-carburants supérieur à celui de l’Union européenne.

Que se passe-t-il aujourd’hui ? Tout d’abord, le Grenelle de l’environnement a donné une vision différente de ces bio-carburants.

Ensuite, au regard de ce qui se pratique outre-mer, il semble que l’on puisse utiliser toute la plante s’agissant de la canne à sucre et obtenir donc de meilleurs rendements. Enfin, devant l’augmentation effrénée du prix des céréales, un choix s’impose aujourd’hui entre leur usage alimentaire et leur usage industriel.

Le Gouvernement a décidé de mener à son terme le programme en cours. Les usines en cours de construction seront achevées (Interruptions sur certains bancs du groupe GDR), y compris celle qui doit l’être dans ma région avec le soutien du conseil régional présidé par Mme Royal qui a personnellement tenu à investir dans ce secteur. Jean-Louis Borloo a ensuite décidé que nous ferions le point sur les biocarburants de deuxième génération et, comme il en a été convenu lors du Grenelle de l’environnement, nous allons mettre le paquet sur la recherche pour des biocarburants de deuxième génération les plus respectueux de l’environnement et répondant mieux aux attentes de notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONTRATS AIDÉS DANS LES ASSOCIATIONS

M. Rudy Salles – Ma question s’adresse au ministre du travail. Notre pays compte plus d’un million d’associations qui constituent un levier d’activité économique et un outil indispensable de lien social. 170 000 d’entre elles salarient entre 1,5 et 1,9 millions de personnes. Si l’investissement associatif résulte d’abord d’un engagement humaniste, il est clair que les associations ne peuvent pas vivre seulement d’amour et d’eau fraîche.

Soucieuse de leur situation, la représentation nationale a récemment adopté une proposition de loi portant le plafond du chèque emploi associatif de trois à neuf équivalents temps plein. De nombreux contrats d’accompagnement vers l’emploi ont également été signés pour pallier le manque de moyens des associations, en même temps qu’ils favorisent l’insertion professionnelle de publics en difficulté. Or, les associations s’inquiètent aujourd’hui de la réduction du nombre et du non-renouvellement de ces contrats.

Le groupe Nouveau Centre soutient la démarche lancée lors du Grenelle de l’insertion visant à instituer un contrat unique d’insertion. Quelles garanties pouvez-vous apporter aujourd’hui aux associations, nombreuses à dépendre de ces contrats aidés et qui s’inquiètent de la diminution de leur nombre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi – Notre approche des contrats aidés est double (Interruptions sur les bancs du groupe SRC). Ces contrats permettent d’une part à des jeunes dont la formation est insuffisante d’acquérir une première expérience professionnelle et à des publics en difficulté de trouver un moyen d’insertion, d’autre part de fournir des moyens humains à des associations, notamment dans le domaine de l’insertion. Le Gouvernement entend maintenir ces contrats (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) auxquels il va consacrer plus de deux milliards d’euros. Plus de 70 000 contrats nouveaux seront signés cette année.

Vous avez évoqué à juste titre, Monsieur le député, le travail conduit dans le cadre du Grenelle de l’insertion. Je dois le dire, même si cela déplaît sur certains bancs, la situation de l’emploi dans notre pays est aujourd’hui la meilleure depuis vingt ans (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Dans ce contexte, nous souhaitons que les contrats aidés soient effectivement réservés aux personnes qui en ont le plus besoin et que leur signature soit l’occasion d’un engagement réciproque entre l’État, l’association qui les utilise et la personne qui en bénéficie. Alors, non, nous ne remettons pas en cause les contrats aidés. Nous cherchons simplement à les rendre plus justes et plus efficaces (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MINI-MOTOS ET QUADS

M. Patrice Calméjane – Lundi, un jeune homme de 17 ans a trouvé la mort en perdant le contrôle de sa mini-moto à Bagneux et un enfant de 12 ans s’est tué dans l’Aveyron alors qu’il conduisait un quad dans la ferme familiale. Ces cas tragiques ne sont hélas pas isolés et ces engins prolifèrent, à la ville comme à la campagne. Aux accidents qui suscitent légitimement notre émotion s’ajoutent les nuisances insupportables que subissent des milliers de familles du fait de ces engins.

La législation actuelle qui interdit l’usage des mini-motos sur la voie publique n’est pas adaptée. Conscient de l’urgence et après la constitution d’un groupe de travail sur le sujet à la demande de Jean-François Copé, j’ai déposé avec mes collègues Maurer, Gaudron et Huyghe, une proposition de loi relative à la commercialisation et à l’utilisation de certains engins motorisés. L’objectif en était de protéger les mineurs et d’encadrer strictement l’acquisition et l’utilisation des mini-motos. Cette proposition de loi a été votée en première lecture à l’Assemblée le 5 février dernier puis au Sénat la semaine dernière, à l’unanimité. Sur tous les bancs, nous souhaitons que ce texte soit rapidement appliqué car il y a urgence.

Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, comment le Gouvernement entend-il s’appuyer sur ce texte pour protéger nos concitoyens de la prolifération de ces mini-motos ? Dans quel délai cette proposition de loi sera-t-elle de nouveau inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – Je souhaiterais tout d’abord rendre hommage à Cédric Belbezet, âgé de 12 ans, qui s’est tué sur son quad dans une ferme de l’Aveyron et à Lassana Sima, âgé de 17 ans, qui a lui aussi trouvé la mort sur une pocket-bike, une mini-moto, lundi à Bagneux, et avoir une pensée affectueuse pour leurs proches.

Ces deux accidents tragiques démontrent que la législation actuelle est insuffisante et qu’il est trop facile pour les jeunes de se procurer et d’utiliser ces engins. À la suite d’un groupe de travail formé à la demande de Jean-François Copé, les parlementaires de la majorité ont déposé une proposition de loi sur le sujet, venant s’ajouter à celle qu’avait déposée de son côté Mme Guigou. Ce texte a été adopté en première lecture à l’Assemblée puis au Sénat, dans les deux cas à l’unanimité. Il aurait pu permettre d’éviter les deux drames que nous venons d’évoquer. Il vise à responsabiliser les professionnels en encadrant mieux la vente de ces engins, qui serait interdite aux mineurs, et en exigeant le respect d’une charte qualité.

Il s’agit également de responsabiliser les utilisateurs, en interdisant ces engins aux jeunes de moins de 14 ans, sauf dans le cadre d’une pratique sportive, et en imposant qu’ils portent un numéro d’identification bien visible.

Cette proposition de loi permettra une avancée significative et le Gouvernement s’engage à l’inscrire à l’ordre du jour dans le courant du mois de mai (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ENGAGEMENTS DU CANDIDAT SARKOZY

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Monsieur le Premier Ministre, un an après l'élection présidentielle, Je souhaiterais vous interroger sur trois engagements importants du candidat Sarkozy.

D’abord, en faveur du développement durable. Le Grenelle de l'environnement a bien eu lieu mais, lors de la discussion du projet sur les OGM, le lobbying des semenciers a mis à mal les bonnes résolutions : autoriser la culture des OGM à proximité met fin de façon irréversible à l'agriculture bio et de qualité.

Il nous assurait ensuite qu'il ne passerait « jamais sous silence les atteintes au droit de l'homme au nom de nos intérêts économiques ». Or, la cacophonie règne au Gouvernement sur la question tibétaine alors que la chancelière allemande et le Parlement Européen ont condamné la répression chinoise.

Enfin, chacun se souvient du « Je serai le Président du pouvoir d'achat » ou du « J'irai chercher la croissance avec les dents ». Mais aujourd'hui les plus modestes peinent à boucler leurs fins de mois et hésitent à se soigner du fait de la franchise médicale, des honoraires de certains spécialistes, du déremboursement de médicaments et des frais d'optique. Ils subissent une nouvelle augmentation des prix du gaz de 5,5 %, après celle de 4 % en janvier, sans parler de celle des prix alimentaires et de l’inflation galopante.

Sur ces trois engagements prioritaires du candidat Sarkozy, non seulement rien n'a été fait, mais votre seule réponse consiste à la mise en place d'un plan de rigueur sans précédent.

Quelles mesures votre Gouvernement va-t-il enfin prendre pour tenir compte des conclusions du Grenelle de l'environnement ? Vous engagez-vous à maintenir en deuxième lecture l'amendement 252 dit amendement Chassaigne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC) Et allez-vous afficher enfin une position claire sur les droits de l'homme et apporter une vraie réponse au pouvoir d'achat des Français les plus modestes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi Le moins qu’on puisse dire est que vous balayez large ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

S’agissant du développement durable, le projet de loi est en deuxième lecture au Sénat et reviendra devant vous. Il vous appartiendra d’exprimer vos positions à cette occasion.

Concernant les droits de l’homme en Chine et au Tibet, le Gouvernement, sous l’autorité de François Fillon, a exprimé à de nombreuses reprises sa position : la fermeté et le dialogue pour faire respecter les droits de l’homme (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

En ce qui concerne le pouvoir d’achat, en 2007 l’inflation a été de 1,7 %, l’augmentation du pouvoir d’achat de 3,2 % (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Regardez les chiffres qui sont publiés. Pour 2008, nous prévoyons une inflation de 2,2 %. L’augmentation du pouvoir d’achat se fera par plusieurs mesures. D’abord, de façon automatique, le SMIC augmentera le 1er mai de 2,3 %. Ensuite, il y a une série de mesures d’urgence : l’aide à la cuve, dont 650 000 foyers ont bénéficié, l’indexation des hausses de loyer sur les prix à la consommation, le rachat des RTT et la libération de la participation. Enfin, il y a trois mesures de fond. C’est d’abord la lutte contre le chômage, qui n’a jamais été aussi bas depuis 1983, nous le répéterons que cela vous plaise ou non (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C’est ensuite la négociation annuelle des salaires à laquelle nous encourageons les entreprises. C’est, enfin, plus de concurrence, grâce à la loi de modernisation de l’économie dont vous débattrez le 13 mai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

De nombreux députés du groupe SRC – Tout va très bien, madame la marquise !

NICHES FISCALES

Mme Chantal Brunel – Ma question s’adresse à la ministre de l’économie.

Dans une conjoncture difficile où des efforts sont demandés aux Français, il est anormal que les plus hauts revenus échappent, grâce aux niches fiscales, à une juste contribution par le biais de l'impôt sur le revenu (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Des améliorations fiscales ont été apportées aux bénéficiaires de revenus élevés,…

M. Jean Glavany – Il ne fallait pas les voter !

Mme Chantal Brunel – …telles que le bouclier fiscal et diverses mesures destinées à (Mêmes mouvements) maintenir l'emploi et l'investissement dans notre pays (Rires sur les mêmes bancs).

Un rapport de l'Inspection générale des finances a montré certaines dérives de ces niches fiscales. Un nouveau rapport est en attente, mais il semble urgent d'agir. Trois solutions s’offrent à nous : on peut plafonner les niches les plus inéquitables (Acclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) qui sont parfois très coûteuses pour la collectivité et peuvent aboutir à exonérer totalement d'impôt des contribuables fortunés (Acclamations sur les mêmes bancs). La deuxième solution serait un plafonnement global des niches (Applaudissements sur les mêmes bancs). La troisième serait un impôt minimum qui s'appliquerait aux contribuables dont les revenus atteignent, hors impact des réductions, les deux dernières tranches du barème (Mêmes mouvements).

Nous, parlementaires UMP, sommes très attachés à la justice fiscale (Mêmes mouvements) et sommes désireux de voir cette question aboutir. Pouvez-vous nous dire ce que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP ; Mmes et MM. les députés du groupe SRC et du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Je suis heureuse que, sur une question aussi technique (Éclats de rire sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. François Hollande – C’est une blague !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie ...nous soyons, une fois n’est pas coutume, si agréablement rassemblés. J’ajoute que c’est nous tous ici, ensemble, qui votons les niches fiscales ! (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Henri Emmanuelli – Vous mentez ! Nous n’avons pas voté le budget !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Il existe aujourd’hui 359 niches fiscales : l’actuelle opposition aurait pu, lorsqu’elle était au pouvoir, en supprimer ou tout au moins ne pas en créer !

Plusieurs députés du groupe SRC – Vous êtes au pouvoir depuis six ans !

MM. Maxime Gremetz et André Chassaigne – Répondez à la question !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Sous la précédente législature, la majorité a soutenu l’excellente initiative de M. Copé de plafonner les niches fiscales. Malheureusement, cette proposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, que la gauche avait saisi.

M. Jean-François Copé – Eh oui ! Assumez vos responsabilités !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Nous avons relancé ce débat lors de l’examen de la loi TEPA et, à l’initiative de MM. Carrez et Méhaignerie, la discussion s’est poursuivie lors de l’examen de la loi de finances pour 2008. J’avais alors proposé la création d’un impôt minimal, qui s’est avéré soit trop complexe, soit injuste dans son application. Dès lors, où allons-nous ?

M. Jean Glavany – Dans le mur !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Le Gouvernement approuve votre point de vue, Madame Brunel. Il est en effet injuste que certains contribuables profitent des niches fiscales pour s’exonérer de l’impôt.

Plusieurs députés du groupe SRC – Et le bouclier ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie Nous allons donc examiner chacune des 359 niches fiscales afin d’empêcher tout abus. Je remettrai sous quinzaine au Parlement un rapport de l’Inspection générale des finances afin que nous puissions mieux décider de leur sort, qu’il faille les supprimer ou les plafonner (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

IMPACT DU BONUS-MALUS SUR LES VÉHICULES POUR LES FAMILLES NOMBREUSES

M. Marc Le Fur – La création d’un système de bonus-malus sur les véhicules automobiles, conséquence du Grenelle de l’environnement, affecte directement les familles. Avec trois enfants ou plus, celles-ci doivent en effet acquérir un véhicule plus grand, donc plus polluant, ce qui déclenche le malus – de l’ordre de 750 euros pour une Kangoo et de 1 600 euros pour une Espace de gamme moyenne. Pour les familles, ils ne s’agit de rien moins qu’un impôt sur les enfants (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Bruno Le Roux – Que fait le Gouvernement ?

M. Marc Le Fur – Certes, l’achat d’une Smart est assorti d’un bonus, mais qui pourrait faire entrer sa famille dans une si petite voiture ? MM. Mariton, Bouvard, Chartier, de Courson et moi-même vous avons déjà alerté sur cette question, Monsieur le ministre. Comment gommerez-vous l’impact négatif de cette mesure ? En effet, les familles françaises s’interrogent.

Plusieurs députés du groupe SRC – Et elles souffrent !

M. Marc Le Fur – Après le rapport Attali, le débat sur la carte familles nombreuses et la majoration des allocations familiales, peut-on mettre un terme à ces excès en matière de malus ? Nous attendons des mesures concrètes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Le Gouvernement partage votre préoccupation en faveur des familles, auxquelles le dispositif du bonus-malus ne doit pas nuire. C’est pourtant un succès : au premier trimestre 2008, dans un marché en croissance de 2 %, les ventes de véhicules émettant moins de 130 grammes de dioxyde de carbone ont progressé de 35 %, contre une baisse de plus de 40 % des voitures polluantes.

Pour autant, vous avez raison : les familles nombreuses ne peuvent se contenter d’une Smart, ou d’une Fiat 500, ou même d’une « Deux-chevaux », dont nous fêtons le soixantième anniversaire. Cela dit, la plupart des constructeurs, y compris Renault, Peugeot et Citroën, proposent des véhicules familiaux exemptés de malus.

Le Gouvernement est très attaché à la protection des ressources des familles. Qu’il s’agisse de la carte familles nombreuses – débat tranché par le Président de la République et par le Premier ministre – ou des transports, nous ferons tout pour les garantir ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

ÉMEUTES DE LA FAIM

Mme George Pau-Langevin – Depuis plusieurs jours, de nombreux pays sont secoués par des émeutes de la faim, du Maghreb à l’Égypte, du Sénégal à la Côte d’Ivoire. En tant que président du groupe d’amitié avec Haïti, j’appelle votre attention sur les graves troubles qui s’y sont déroulés : il y aurait déjà plusieurs morts et des centaines de blessés. La protestation, ayant gagné la capitale, a fait tomber le Gouvernement.

Ces événements se répèteront ailleurs, car l’envolée des prix des denrées de base n’épargne personne. Ces trois dernières années, le prix des céréales a augmenté de 42 %, celui du blé de 77 % et celui des produits laitiers de 80 % ! C’est d’autant plus insupportable pour les catégories les plus pauvres, qui consacrent l’essentiel de leurs ressources à l’alimentation. Le pillage des zones de pêche par des navires étrangers ne fait qu’aggraver ce déséquilibre, et la tendance ne saurait s’améliorer, compte tenu de la hausse du prix du pétrole et du réchauffement climatique. Rappelons également la responsabilité qui incombe aux pays de l’OCDE : en subventionnant leurs produits à l’exportation, ils détruisent les cultures vivrières du Sud, poussant tous les jours davantage de paysans pauvres à l’émigration.

M. Barnier a annoncé qu’il saisirait ses partenaires européens. Que compte faire la France pour lutter contre le « tsunami silencieux » ? Va-t-elle respecter ses engagements internationaux en matière d’aide publique au développement, laquelle ne cesse de diminuer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Vous avez entièrement raison et nous nous inquiétons tous de la dégradation brutale, bien qu’attendue, de la situation. En ce qui concerne Haïti, nous avons réagi au mieux – ce qui reste insuffisant – en envoyant immédiatement un million d’euros, dont huit cent mille d’aide alimentaire. Mais il ne faut pas en rester à des actions d’urgence : il faut des réformes de fond.

D’abord, il faut réagir, au niveau mondial, contre la spéculation effrénée qui a cours sur les produits alimentaires.

M. Maxime Gremetz – De la part de qui ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères  Le conseil de sécurité des Nations unies doit s’y atteler en urgence. Le Programme alimentaire mondial et la FAO doivent être considérablement renforcés. Les fonds souverains doivent être employés de manière différente, et permettre la constitution d’un fonds de réserve pour le développement de l’agriculture. Il faut aussi nous interroger sur la PAC elle-même : certes, le déséquilibre avec d’autres agricultures est grand, mais ce n’est pas en nous pénalisant nous-mêmes que nous pourrons venir en aide aux autres ! En revanche, il faut étendre nos cultures vivrières et reconsidérer, peut-être, l’importance des surfaces consacrées aux biocarburants. Surtout, il faut développer, en particulier en Afrique, les aides aux cultures vivrières, pour satisfaire les besoins de la population. N’oublions pas qu’en Haïti, l’un des pays les plus pauvres du monde, les deux tiers de la population vivent avec moins de deux dollars par jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉFORME DE LA RECHERCHE

Mme Isabelle Vasseur – Au printemps 2004, plus de deux mille directeurs de laboratoires et membres d'instances scientifiques avaient solennellement remis leur démission pour protester contre les coupes budgétaires infligées à la recherche publique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Des états généraux de la recherche avaient alors été lancés, qui ont abouti en octobre 2004 aux Assises de la recherche de Grenoble et à la remise d'un rapport final au Gouvernement. Quelles réponses ont-elles été apportées depuis lors aux attentes des chercheurs ?

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Aucune !

Mme Isabelle Vasseur – Comment comptez-vous attirer les jeunes vers la recherche et rendre les carrières plus attrayantes ? Comment pensez-vous améliorer l’efficacité de notre système, et avec quels moyens ? Où en est-on de la réforme de l’INSERM et du CNRS ? La recherche est le moteur de la croissance et de l'emploi. Une recherche d'excellence est aujourd'hui une nécessité absolue pour notre pays, qui doit retrouver une économie d'innovation dans une société mondiale de la connaissance (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – Le Président de la République a fait de la recherche une priorité absolue pour notre pays (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Depuis 2005 et la création de l’Agence nationale de la recherche, les crédits des laboratoires ont augmenté en moyenne de 25 % et 6 000 emplois ont été créés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). Dès son arrivée à la présidence, Nicolas Sarkozy a décidé d’augmenter de 40 % le budget de la recherche et de 50 % celui des universités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Il a annoncé une dotation exceptionnelle de 5 milliards pour la rénovation des campus.

Pour obtenir une recherche d’excellence, nous devons remplir trois obligations. La première est la débureaucratisation : certaines unités de recherche ont cinq tutelles ! Soit cinq systèmes comptables, cinq sources de financement, cinq types de gestion des ressources humaines… Le mandat de gestion unique pour tous les laboratoires, proposition phare du rapport que vient de me remettre François d’Aubert, est notre objectif d’ici à trois ans (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Deuxième obligation : mieux évaluer, pour mieux dépenser. Une agence d’évaluation indépendante, faisant appel à des experts internationaux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) examinera tous nos organismes de recherche afin que l’argent public aille là où il est le plus utile.

M. Maxime Gremetz – Encore de la bureaucratisation !

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur – Troisième obligation : attirer les meilleurs, pour relever le défi du départ à la retraite de 30 % de nos chercheurs d’ici à cinq ans. Nous avons déjà commencé en augmentant de 16 % les allocations de recherche des doctorants, et nous allons continuer. C’est l’objet des rapports que me rendront la commission Schwartz et l’Académie des sciences.

Un engagement financier sans précédent (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR), une réorganisation profonde de l’université et de la recherche, une culture d’excellence : voilà, ne vous en déplaise, ce que nous sommes en train de construire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

FRAUDE FISCALE

M. Jean-Marc Roubaud – Le ministre du budget et des comptes publics s’est engagé, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, à évaluer la dépense publique.

M. Patrick Roy – Austérité austérité !

M. Jean-Marc Roubaud – L’objectif n’étant évidemment pas de préparer un désengagement de l’État mais d’assurer un service public de qualité aux contribuables. Dans cette optique, les fraudes fiscales et sociales sont un problème important, autant pour notre économie que du point de vue de l’égalité entre les citoyens. La fraude s’élève dans notre pays à trente ou quarante milliards.

M. Maxime Gremetz – Allez voir du côté de Bouygues !

M. Jean-Marc Roubaud – Or, le déficit de la nation est d’environ cinquante milliards et celui de la sécurité sociale se situe aux alentours de 10 milliards par an.

Il est donc urgent de rétablir la situation, avec de nouveaux contrôles et de nouvelles sanctions. La loi de finances rectificative pour 2007 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ont déjà ouvert des pistes, mais il faut aller plus loin. Les fraudes aux prélèvements obligatoires et sociaux, le travail dissimulé, la fraude à la TVA et les divers abus doivent être réprimés fermement. Sans compter les exemples récents d’évasion de capitaux vers des paradis fiscaux.

Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe GDR – Ah !

M. Jean-Marc Roubaud – Quelles mesures comptez-vous prendre pour endiguer cette fraude, qui a atteint un niveau insupportable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le mouvement de réforme sans précédent que nous avons engagé ne saurait se concevoir sans une lutte contre les fraudes, impératif national. Un consensus devrait se manifester sur ces bancs pour s’en donner les moyens car frauder, c’est voler les Français.

Comment faire ? Il faut d’abord mieux connaître le périmètre de la fraude, que le Conseil des prélèvements obligatoires évalue entre 10 et 20 milliards pour la fraude aux prélèvements, à laquelle il faut ajouter la fraude aux prestations. Il faut ensuite vérifier la bonne application les décisions très fortes que nous avons prises à la fin de l’année dernière, notamment en matière de flagrance fiscale, de carrousel TVA, de prestations sociales ou de travail illégal. Nous devons coordonner le travail de l’ensemble des acteurs ; à cette fin nous avons créé ce matin en conseil des ministres une délégation nationale de lutte contre la fraude, composée d’une quinzaine de personnes, qui aura à inventer des outils et à favoriser les rapprochements de fichiers. C’est une affaire de morale, et nous irons jusqu’au bout (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE CULTURELLE

Mme Pascale Crozon – Madame la ministre de la culture, l’austérité budgétaire inquiète tous les professionnels. En Rhône-Alpes, la baisse de 4 à 6 % qui touche les compagnies conduit les petites scènes et les festivals à retarder la publication de leurs programmes et menace de disparition les compagnies indépendantes. Pour les actions culturelles en faveur du monde rural et des quartiers de nos villes, qui sont pourtant un élément essentiel du lien social, les réductions atteignent 35 à 56 %. L’État va-t-il de plus en plus se défausser sur les collectivités territoriales, qui pourtant assument déjà largement leurs responsabilités en matière culturelle ?

Le fait d’enlever des moyens financiers à votre ministère ne va guère modifier notre déficit, mais il aura de graves conséquences sur l’aménagement de notre territoire. La démocratisation de la culture, première priorité de votre lettre de mission, devient la première victime de vos choix budgétaires. Quels engagements financiers pouvez-vous prendre pour garantir la pérennité des diverses structures qui y participent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – Je crois que nous ne parlons pas du même pays… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) L’offre culturelle demeure très soutenue. Le spectacle vivant bénéficie de 640 millions ; les crédits ont augmenté de plus de 40 % au cours des dix dernières années, et le dégel qui est intervenu a permis de conforter, en particulier en Rhône-Alpes, les moyens de l’immense majorité des compagnies. Toute l’Europe envie notre système.

En ce qui concerne le programme « transmission », l’accent a été mis sur l’éducation artistique ; les DRAC et les recteurs vont recevoir une circulaire que j’ai cosignée avec Xavier Darcos à ce sujet.

Il n’y a pas de désengagement, mais en revanche une réflexion d’ensemble, bien légitime cinquante ans après la création du ministère, sur le sens de l’action de l’État, la nature de l’offre culturelle et le type de partenariat qu’il convient d’avoir avec les collectivités. Soyez sûr de notre volonté politique, qui se traduit aussi dans le domaine du livre, du cinéma – dont les crédits ont augmenté de 4,5 % – ou des industries musicales, et qui ne fera pas défaut (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LIGNE B DU RER

M. Yves Albarello – La ligne B du RER est régulièrement, pour ne pas dire quotidiennement, affectée par de graves dysfonctionnements, malgré la fin des mouvements sociaux de l’automne dernier. C’est un gâchis considérable à tous égards, un axe crucial pour l’Île-de-France, qui dessert les aéroports d’Orly et de Roissy, étant ainsi paralysé.

L’une des causes majeures de cette situation résulte du partage de la ligne entre la RATP et la SNCF. Les désordres étant essentiellement localisés sur la fraction SNCF, le Gouvernement envisage-t-il de confier prochainement à la RATP la gestion de la totalité de la ligne ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports – Je vous prie d’excuser l’absence de Jean-Louis Borloo, retenu au Sénat par le texte important que vous savez.

Le tronçon Sud de la ligne B du RER, qui est l’ancienne ligne de Sceaux, exploitée par la RATP, ne pose pas de problème particulier. L’incongruité, c’est qu’au niveau de l’interconnexion, le conducteur de la RATP soit remplacé par un conducteur de la SNCF : il y sera mis fin dans les mois qui viennent. Par ailleurs, sur la partie Nord, gérée par la SNCF, des aménagements sont en cours pour augmenter la fréquence des RER. De plus, la modernisation de ce tronçon va être facilitée par le projet de ligne CDG express destinée aux usagers et au personnel de Roissy (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance est reprise à 16 heures 15 sous la présidence de Mme Génisson.

PRÉSIDENCE de Mme Catherine GÉNISSON
vice-présidente

MODERNISATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL - SUITE

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant modernisation du marché du travail.

ART. 2 (SUITE)

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – L’amendement 7 est rédactionnel.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 45, 46, 47 et 48 sont retirés.

Mme la Présidente – L’adoption de l’amendement 6 fait tomber l’amendement 108, de même que l’amendement 121.

M. Roland Muzeau – L’amendement 101 est en quelque sorte un amendement de précision : il propose simplement de prendre acte de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui juge abusive toute résiliation du contrat de travail au cours de la période d’essai pour des motifs non inhérents à la personne du salarié. Si la période d’essai, loin de se réduire à une simple validation économique ou de tenir lieu de contrat précaire – contrairement à ce que suggèrent les pratiques abusives qui consistent à la renouveler indéfiniment –, vise bien à évaluer les seules compétences du salarié, il est nécessaire de donner force de loi à cette jurisprudence.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Nous en avons déjà discuté hier soir, à propos d’un amendement similaire.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Même avis.

L'amendement 101, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur – L’amendement 8 est rédactionnel.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – Aux termes de l’alinéa 18 de l’article 2, la durée du stage est déduite de la période d’essai, mais seulement pour moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables. Par l’amendement 49, nous proposons de supprimer la fin de cet alinéa afin que les stages intégrés à un cursus pédagogique et réalisés durant la dernière année d’études soient entièrement inclus dans la période d’essai.

En effet, ces stages, généralement de longue durée, ne relèvent pas de la formation professionnelle et concernent le plus souvent des cadres ; si l’employeur propose au stagiaire de l’embaucher, c’est qu’il a jugé l’expérience concluante. Dès lors, pourquoi imposer une période d’essai à l’issue du stage ?

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Je comprends vos raisons, mais ce ne sont pas là les termes de l’ANI.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Thierry Mariani – L’amendement 80 rejoint en partie l’amendement que Mme Billard vient de défendre. Plusieurs cursus universitaires s’achèvent par des stages de longue durée – six à douze mois au total pour les étudiants en master professionnel dans les IEP, plusieurs mois pour les élèves des écoles de journalisme ou de commerce –, qui s’inscrivent dans un parcours d’orientation individualisé couronnant lui-même quatre à cinq ans d’apprentissage théorique.

Ces stages permettent à l’étudiant de découvrir un monde professionnel qu’il connaît peu ou pas du tout, de compléter ses connaissances par l’acquisition des savoir-faire qu’exige le monde du travail, enfin d’apprendre un métier et de vérifier ses choix d’orientation. Quant à l’employeur, il peut ainsi former et mettre à l’épreuve un salarié potentiel. Ainsi les étudiants stagiaires occupent-ils souvent à temps complet des postes à responsabilité, qui peuvent déboucher sur un emploi dans la structure d’accueil – ce qui profite tant à l’employeur, qui connaît professionnellement et personnellement l’individu qu’il embauche, qu’à l’étudiant, qui accède ainsi dès la fin de sa formation à un poste qu’il s’est déjà montré capable d’occuper.

En cas de stage longue durée, c’est-à-dire de plus de six mois, l’amendement propose donc de déduire de la période d’essai toute la période de stage, qu’il serait absurde de ne pas prendre en considération. Après le système d’indemnisation des stages instauré lors de la précédente législature, notre majorité pourrait s’honorer de cette nouvelle mesure.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Même si l’amendement, comme le précédent, est généreux…

Mme Martine Billard – Non, ils sont réalistes !

M. Dominique Dord, rapporteur – …l’ANI a clairement écarté cette possibilité. L’évolution de la réglementation des stages, entamée il y a à peine deux ans, devrait néanmoins vous satisfaire ; en attendant, tenons-nous en à l’ANI, qui représente une première étape non négligeable.

M. Pierre Forgues – Mais que fait la loi ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis. Si je comprends les raisons de M. Mariani, l’on ne saurait toutefois aller plus loin que l’accord signé par les partenaires sociaux. S’agissant des stages, dont nous avons discuté la nuit dernière, les dispositions de la loi relative à l’égalité des chances présentée en 2006 par Mme Pecresse ont été complétées par un décret qui encadre la rémunération des stagiaires – à laquelle je n’ignore pas que plusieurs parlementaires, notamment Frédéric Lefebvre, sont très attentifs. Mais nous restons contraints par la loi, et les mesures que vous proposez échappent au cadre de ce texte ; j’en suis désolé.

M. Roland Muzeau – Ce n’est jamais le bon moment !

M. Jean-Patrick Gille – Sans reprendre notre échange de la nuit dernière sur la gratification des stages des étudiants de l’IRTS, est-ce à dire, Monsieur le ministre, que vous vous engagez à ouvrir de nouvelles discussions, voire à proposer une nouvelle loi ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Monsieur Gille, ce que je viens de dire n’ajoute strictement rien à ce que j’ai dit la nuit dernière.

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Tian – L’amendement 154 vise à préciser les intentions du législateur à des fins de sécurité juridique. Selon l’alinéa 23 de l’article 2, la période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance. Or, selon la jurisprudence actuelle – notamment celle de la Cour de cassation –, la durée du préavis est fixe et doit inclure le début du délai de prévenance. Faut-il comprendre que, selon le législateur, la durée du préavis de rupture devrait désormais être incluse dans la période d’essai ?

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Vous l’avez dit, l’ANI est extrêmement clair sur ce point : la période d’essai ne saurait être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance. Qu’en est-il lorsque celui-ci débute peu avant la fin de la période d’essai ? À cette question pertinente, votre amendement offre une réponse radicale, qui garantirait la sécurité juridique, mais en remettant en cause l’ANI.

Peut-être M. le ministre pourra-t-il éclairer la jurisprudence future sur ce point. Mais le juge accorderait probablement au salarié concerné des dommages et intérêts calculés en fonction de la fraction de la période d’essai qu’il n’aurait pu effectuer.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – L’actuelle rédaction de l’article L. 1221-24 satisfait votre souhait. En outre, la jurisprudence, constante, précise que c’est l’envoi et non la réception de la notification qui fixe la date de l’expression de la volonté de rupture.

L'amendement 154 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Tian – Une autre possibilité consisterait à préciser que le salarié respecte un délai de prévenance de 48 heures au cours du premier mois de présence et qu’au-delà d’un mois de présence, le préavis est d’une semaine par mois de présence. Tel est l’objet de l’amendement 155 rectifié.

M. Dominique Dord, rapporteur L’ANI ne laisse aucun doute en fixant à 48 heures le délai de prévenance, quelle que soit la durée de la période d’essai. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

L'amendement 155 rectifié mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 50 vise à supprimer l’alinéa 25 qui prévoit que les accords de branche conclus avant la loi et fixant des durées d’essai plus courtes que celles fixées par l’article L. 1221-19 doivent être renégociés d’ici le 30 juin 2009.

Alors qu’il prévoit que les accords de branche qui ont fixé une durée plus longue sont maintenus, l’ANI reste muet sur ceux qui ont fixé des durées d’essai plus courtes. Mais dans la mesure où l’ANI fixe des maxima, il est normal que des accords puissent prévoir des durées en deçà. Le rapporteur, d’ailleurs, reconnaît que le projet de loi n’ayant repris que les durées plafond, ce principe de caducité n’est pas évident, alors qu’il avait un sens dans l’accord, qui fixe à la fois des plafonds et des planchers.

En outre, le rapporteur explique qu’une majorité d’organisations signataires – dont la liste n’est pas précisée – souhaite une remise à plat des conventions de branche existantes. C’est tout à fait leur droit, mais dans ce cas, c’est à elles qu’il revient d’ouvrir la renégociation et non pas aux parlementaires – à qui l’on a interdit de toucher à la moindre virgule du sacro-saint accord – d’entériner une disposition qui n’y figurait pas !

L’adoption de l’alinéa 25 laisse à penser que l’objectif est bien de remonter les durées de période d’essai au maximum de chaque catégorie.

M. Roland Muzeau – L’amendement 103 est identique. Monsieur le rapporteur, vous vous interrogiez hier sur les motifs d’inconstitutionnalité fondant la motion d’irrecevabilité : il ne fait aucun doute que l’article 2 pourrait être attaqué devant le Conseil constitutionnel pour rupture du principe d’égalité contractuelle.

En effet, il dispose que les durées des périodes d’essai prévues par la loi s’imposent aux stipulations des accords de branche plus favorables mais nullement aux accords de branche prévoyant des durées plus longues. Vous proposez de fait, de traiter différemment les conventions en fonction de leur contenu, ce qui est inacceptable sur la forme, comme sur le fond.

M. Francis Vercamer – L’amendement 135 est identique, mais n’y voyez aucune collusion entre le groupe Nouveau Centre et le groupe GDR (Sourires). Je ne vois pas pourquoi l’alinéa 25 viendrait modifier un accord que l’on demande par ailleurs aux parlementaires de préserver, au motif qu’il est issu du dialogue social. La disposition n’y figurant pas, il n’y a pas lieu de l’inclure dans la loi.

Par ailleurs, j’aurais pu comprendre que les accords de branche ayant fixé des périodes d’essai plus longues soient visés par une telle disposition, mais il s’agit là de durées plus favorables aux salariés. L’alinéa 25 n’a ni fondement juridique ni fondement moral.

M. Alain Vidalies – Très bien !

M. Dominique Dord, rapporteur Avis défavorable. Il est vrai que nous avons répété depuis hier que ce qui n’était pas prévu dans l’ANI devait être rejeté, et qu’il ne prévoit pas expressément (Rires sur les bancs du groupe GDR) les dispositions de l’alinéa 25. En revanche il dit assez précisément ce qu’il entend maintenir, et cela n’inclut par les dispositions des accords de branche antérieurs prévoyant des périodes d’essai plus courtes.

L’ANI explique précisément qu’il souhaite le maintien des conventions de branche antérieures prévoyant des périodes d’essai plus longues que les nouveaux maxima, et par ailleurs la fixation de périodes plus courtes dans les contrats de travail. A contrario , nous estimons que son silence sur les accords de branche prévoyant des périodes d’essai plus courtes signifie que l’ANI ne souhaite pas que ces accords soient maintenus.

Je crois pouvoir dire que les partenaires sociaux signataires de l’ANI sont plutôt d’accord sur la formulation de l’alinéa 25. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Pour la signature de l’ANI, mais aussi pour la rédaction de ce projet de loi, il a fallu trouver un équilibre. L’alinéa 25 respecte le principe constitutionnel de liberté contractuelle en permettant de prolonger jusqu’au 30 juin 2009 les accords de branche prévoyant des périodes d’essai plus courtes. Ce délai devrait permettre aux partenaires sociaux de négocier de nouveaux accords prévoyant, le cas échéant, des durées plus courtes.

Supprimer cet alinéa reviendrait par ailleurs à rendre immédiatement caduques les dispositions contenues dans les accords visés.

M. Alain Vidalies – Le rapporteur et le ministre se sont livrés à un travail de dentelle... proprement incompréhensible. Selon eux, l’ANI a prévu que les périodes plus courtes figurant dans les contrats de travail individuel devaient subsister, nonobstant la nouvelle disposition législative et que par ailleurs, les accords de branche ayant fixé des périodes d’essai plus longues devaient être maintenus. Mais l’ANI ne s’étant pas exprimé sur les périodes plus courtes prévues par les conventions collectives, ils en tirent la conséquence qu’il est possible de les remettre en cause.

Vous savez très bien que cette disposition est celle qui pose aux signataires le plus de difficulté d’interprétation. Jusqu’à présent, seul le principe de la période d’essai figurait dans la loi ; toutes les dispositions les concernant figuraient dans les conventions collectives. L’idée de ce projet de loi n’est certainement pas de remettre en cause la négociation collective ! Elle est de fixer un cadre de droit commun, libre ensuite aux partenaires sociaux, s’ils le veulent, de négocier pour s’accorder sur une autre solution. Or, en l’espèce, il se trouve qu’ils ont déjà négocié. Comment le législateur pourrait-il aujourd’hui leur dire qu’ils sont allés trop loin dans cette négociation ? La démarche ne serait pas cohérente. Les explications apportées par le rapporteur sur le plan juridique ne nous ont pas convaincus. La sagesse serait de respecter la liberté de négociation entre partenaires, même si, en l’espèce, elle a été utilisée antérieurement à la loi. Voilà pourquoi nous soutiendrons ces amendements.

Mme Martine Billard – On ne peut déroger au principe de faveur non plus qu’à la hiérarchie des normes. Dès lors qu’une durée de période d’essai plus favorable est fixée dans la loi, c’est elle qui prévaut, fût-ce sur un accord national interprofessionnel. Vous ne pouvez pas soutenir pour les articles de l’accord qui auront été transposés dans la loi, que c’est l’accord qui continue de s’appliquer. Ce sera bel et bien la loi. J’appelle tous nos collègues à se prononcer en leur âme et conscience sur ces amendements.

M. Francis Vercamer – Je ne comprends décidément pas le sens de cet alinéa 25. Libre aux partenaires sociaux de modifier, s’ils le veulent, les accords de branche. La voie contractuelle y suffit. Pourquoi passer par la loi ? C’est dénaturer l’ANI qui n’a pas prévu ce point. J’ai d’ailleurs rencontré des syndicats signataires de l’accord qui désapprouvaient les dispositions de cet alinéa 25. Ce serait une erreur politique que de le conserver.

M. Dominique Tian – Il ne faut pas s’étonner que la loi comporte des incertitudes juridiques dès lors qu’on la laisse écrire par des centrales syndicales !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Nous souhaitions ménager les accords de branche existants que l’ANI ne saurait avoir vocation à faire disparaître. Il fallait préciser ce qu’il adviendrait des périodes d’essai conventionnelles plus courtes. Toutes les organisations signataires de l’accord vous diront qu’elles sont d’accord avec la rédaction proposée.

Pour le reste, il est vrai que ce n’est pas le point qui a été le plus simple à transposer. Mais n’oublions jamais qu’avec ce texte de loi, nous innovons en nous situant dans le cadre de la loi du 31 janvier 2007. Ce sont les parlementaires qui ont décidé de permettre cette nouvelle méthode de travail.

Les amendements identiques 50, 103 et 135, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Daniel Paul – L’article 3 facilite l’accès à certains droits subordonnés à une condition d’ancienneté. La condition exigée pour bénéficier de l’indemnisation conventionnelle de la maladie est ainsi ramenée de trois ans à un an. Une fois n’est pas coutume, nous ne contesterons pas cette disposition, d’autant plus bienvenue qu’avec l’instauration des franchises médicales, lesquelles s’appliquent même aux victimes d’accidents du travail, le budget des salariés est toujours plus sollicité pour leur santé.

Vous auriez pu prendre de telles dispositions favorables dans d’autres domaines comme l’orientation professionnelle, l’entrée des jeunes dans la vie active, l’accès au droit, le développement des compétences et des qualifications, la mobilité professionnelle et géographique, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Tous ces thèmes figuraient dans une proposition de loi que j’avais eu l’honneur de défendre ici même en novembre 2003 visant à lutter contre la précarité de l’emploi. Votre prédécesseur à l’époque, Monsieur le ministre, qui était M. Fillon, avait reconnu la cohérence de notre proposition mais indiqué ne pas partager nos valeurs. J’ai le sentiment que le Gouvernement ne les partage toujours pas ! Les ministres du travail se suivent et, hélas, se ressemblent ! Comme atteints de psittacisme, ils nous répètent toujours la même chose…

M. Franck Gilard – C’est vous le perroquet !

M. Daniel Paul – … et nous font toujours les mêmes réponses. De manière obsessionnelle, vous nous répétez que ce qui ne figure pas dans l’accord ne peut pas figurer dans le texte de loi, mais tout ce qui figure dans l’accord ne peut pas non plus systématiquement figurer dans le texte de loi ! Où est la logique ?

Nous ne voterons pas ce projet de loi mais nous voterons l’article 3, qui est pratiquement le seul à contenir des dispositions allant dans le bon sens.

Mme Martine Billard – L’accord prévoyait dans son article 5 que « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d’un contrat de travail, sont prises en compte pour l’appréciation de l’ancienneté requise pour le bénéfice des indemnités conventionnelles de maladie (…) ». Si les partenaires sociaux l’ont précisé, c’est que l’élément est d’importance. Prendre en compte « toutes les périodes de travail », c’est prendre en compte par exemple un CCD accompli avant un CDI. Or, le texte de loi n’est pas aussi précis. L’amendement 52 vise à y remédier en reprenant tout simplement la formulation de l’accord.

M. Dominique Dord, rapporteur – Selon M. Paul, le projet ne reprend pas tout l’accord car nous choisirions ce qui nous arrange. Mais dans les dispositions finales, les partenaires sociaux ne demandent pas de tout transcrire dans la loi. Ils savent que tout n’en relève pas. L’accord renvoie ainsi à une nouvelle négociation interprofessionnelle sur une bonne dizaine de points. Il renvoie aussi aux négociations de branche, et enfin au législateur. Mais en complément de la loi, il y a quatre décrets et surtout l’arrêté d’extension. C’est celui-ci qui donnera force à la demande de Mme Billard, dont la commission a, par conséquent, repoussé l’amendement 52.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

L’amendement 53 est retiré.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – À l’unanimité.

ART. 4

M. Dominique Tian – Le salarié donne reçu à l’employeur de son solde de tout compte. Dans l’accord, ce reçu a valeur libératoire, alors que, selon la jurisprudence actuelle, il n’est que la reconnaissance des sommes perçues, mais pas un accord sur leur détail. Un salarié bien conseillé aurait intérêt à ne pas signer ce reçu, et il n’y aurait pas d’effet libératoire. Si l’on ne veut pas encombrer inutilement les tribunaux de prud’hommes, il faut mieux encadrer le texte.

M. Daniel Paul – Dans cet article, pour rassurer quelques syndicats, vous réaffirmez que tout licenciement personnel est motivé, et vous évoquez « une cause réelle et sérieuse ». Cependant, on ne mentionne plus la « motivation », mais désormais la « justification », ce qui n’est pas une notion du droit du travail. En outre, on laisse entendre que les motifs indiqués dans une lettre de licenciement pourraient être flous et qu’il pourrait ne pas être motivé par une cause réelle et sérieuse. Étant donné la précipitation avec laquelle vous réformez, on peut craindre de nouvelles attaques, prochainement, contre le code du travail.

Sur le solde de tout compte, l’article 4 revient au système d’avant 2002 et ne pose pas les règles minimales de validité du solde, qu’impose une importante jurisprudence. Il faudrait les préciser dans la loi, et aussi préciser la portée de ce reçu, et par exemple le fait qu’il ne doit être signé qu’une fois le contrat de travail terminé et donc le lien de subordination aboli. Le reçu doit aussi préciser les raisons pour lesquelles les sommes sont dues et préciser le délai de contestation du solde de tout compte. Sur tous ces points, il faut compléter le texte.

L’amendement 54 est retiré.

M. Roland Muzeau – Nos amendements 104 et 105 substituent au mot « justifié » le mot « motivé ». Ne va-t-on pas en effet vers la suppression de la cause réelle et sérieuse du licenciement ? Déclarer d’application directe l’article 158 de la convention de l’OIT interdit toute abrogation pure et simple, puisqu’elle exige un motif valable. Mais on s’y attaque de façon indirecte et, dans le projet comme dans l’accord, de façon très créative. L’accord allonge la période d’essai : cela allonge d’autant l’ancienneté nécessaire pour bénéficier de la clause de la cause réelle et sérieuse. Il introduit un nouveau cas de recours au CDD, avec le contrat de mission ; il plafonne la sanction en cas d’absence de cause réelle et sérieuse ; il permettra enfin de déguiser la plupart des licenciements en ruptures conventionnelles.

Les employeurs ont ainsi à leur disposition un nouvel arsenal juridique pour contourner la cause réelle et sérieuse. De plus, remplacer « motivé » par « justifié » ôte de sa portée à la jurisprudence selon laquelle l’insuffisance de motifs dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de cause réelle et sérieuse. Nous craignons qu’un employeur puisse se contenter de mentionner une « faute », sans grief précis. Il sera toujours temps de trouver un motif plus sérieux devant le juge, avec l’assistance d’un avocat inventif.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements. L’article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement doit être « justifié », et non « motivé ».

M. Maxime Gremetz – Mais poursuivez la lecture !

M. Dominique Dord, rapporteur – L’article ne dit que cela. Par ailleurs, il nous a paru meilleur de différencier ce qui relève de la forme, à quoi renvoie « motivé », et ce qui relève du fond, à quoi renvoie « justifié ». Cette distinction est conforme à l’esprit de l’accord.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Effectivement, la motivation est une simple exigence de forme – l’employeur doit indiquer au salarié les raisons du licenciement – tandis que la justification est une exigence de fond. Cette distinction bien connue des juristes est une garantie pour les salariés. Il n’est pas question d’atténuer la portée de la clause réelle et sérieuse. Avis défavorable.

M. Maxime Gremetz – Vous ne lisez qu’une partie du code du travail. Qu’est-ce, en droit, qu’un licenciement « justifié » ? Par qui et par quoi ? Le code du travail ajoute qu’il doit être motivé. On ne peut pas, comme vous vouliez le faire avec le CPE, supprimer toute obligation de l’employeur qui licencie.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Vous êtes motivé, mais ce que vous dites n’est pas justifié…

M. Maxime Gremetz – Je vous répète que le code du travail emploie les deux termes. C’est une question de bon sens. Il faut respecter ces formulations. À défaut, les procédures de contestation se multiplieront. Vous ne viendrez pas alors vous plaindre que les tribunaux de prud’hommes sont surchargés !

M. Roland Muzeau – Les arguments du ministre et du rapporteur ne sont pas recevables. Que faites-vous de la jurisprudence récente sur l’absence de motivation ?

Les amendements 104 et 105, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz – L’amendement 126 vise à préciser à l’alinéa 7 que la notion de cause économique réelle et sérieuse est définie à l’article L. 1233-3 du code du travail. C’est une précision nécessaire, car elle évite toute interprétation abusive. Songez au cas de Flodor, dans la Somme, mise en faillite par la maison mère, Unichips. Celle-ci a prétendu qu’elle ne pouvait reclasser aucun salarié et qu’elle n’accorderait même pas de prime de licenciement. Elle se désolidarisait complètement de sa succursale – au point d’en changer le nom. Les salariés ont donc contesté cette procédure en justice. Or, pour la première fois, le tribunal a condamné le groupe Unichips, jugé responsable de l’ensemble de ses filiales et, dès lors, contraint d’appliquer le droit du pays dans lequel elles sont implantées, à proposer un reclassement aux salariés licenciés et à leur accorder une prime calculée non plus par rapport au chiffre d’affaires de la seule filiale, mais à l’ensemble des actifs du groupe. Ainsi, après deux ans et demi de procédure, les salariés ont perçu une prime de 65 000 euros chacun ! Autre exemple : le groupe allemand propriétaire d’Abelia Décors, dans la Somme également, a liquidé tous ses sites un à un. La justice a néanmoins exigé de ce groupe, qui n’existe plus aujourd’hui, de réparer les licenciements abusifs auxquels il avait procédé peu avant sa disparition en versant une prime de plus de 60 000 euros aux salariés.

Il ne s’agit pas de faire partir les entreprises, mais de les dissuader d’adopter des pratiques abusives. La jurisprudence montre qu’un groupe étranger en France ne doit pas se croire intouchable. M. Dord, n’étant pas picard, ne connaît sans doute pas les exemples que j’ai évoqués, mais M. le ministre, lui, les connaît sans aucun doute ! Il ne pourra donc qu’accepter cet amendement, qui permet à ces groupes de ne pas déroger au droit, à moins peut-être qu’il ne veuille vraiment beaucoup de mal au Premier ministre…

M. Dominique Dord, rapporteur – Pardonnez-moi de ne pas être picard, Monsieur Gremetz : je ne suis que savoyard. Pour autant, la commission a repoussé votre amendement, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec la vieille argumentation que vous venez de nous proposer. Nous en avons déjà débattu lors de la suspension de la loi de modernisation sociale puis de nouveau, souvenez-vous, lorsque nous étions tous deux à l’UDF (Sourires), et enfin lors du débat sur la loi de cohésion sociale.

M. Maxime Gremetz – C’est vous qui êtes vieux !

M. Dominique Dord, rapporteur – En l’occurrence, vous ne souhaitez rien d’autre que la réécriture de l’article L. 1233-3. Pourquoi ne pas en débattre à l’occasion d’une loi sur le licenciement économique ? Ici, quoi qu’il en soit, vous êtes hors sujet.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Même avis.

M. Francis Vercamer – Je ne voterai pas non plus cet amendement, car l’alinéa 7 est très important tel quel : il satisfait enfin une demande que je ne cesse de réitérer depuis des années, afin d’éviter aux petites entreprises une double peine en matière de licenciement économique. En effet, lorsque l’une d’entre elles commet une erreur dans cette procédure complexe, le licenciement économique est requalifié en licenciement abusif. Dès lors, l’entreprise doit non seulement payer pour l’erreur de procédure, mais aussi pour le licenciement abusif. Bien des entreprises ne s’en sont pas remises. Avec cet alinéa qui précise que le licenciement économique est un motif réel et sérieux, et qu’il ne faut surtout pas changer, ces entreprises ne paieront désormais que pour la simple erreur de procédure.

M. Maxime Gremetz – M. Vercamer dit tout haut ce que le Gouvernement pense tout bas : en repoussant mon amendement, vous dispenserez le licenciement d’un motif réel et sérieux et, ainsi, on évitera tout risque de contestation. Le licenciement n’en sera que plus facile !

M. Francis Vercamer – Mais non !

M. Maxime Gremetz – Je tiens donc beaucoup à cet amendement pour lequel je souhaiterais un scrutin public.

Mme la Présidente – Vous n’avez pas la délégation nécessaire.

M. Roland Muzeau – Si, nous l’avons pour plusieurs jours.

Mme la Présidente – Vous n’avez pas demandé le scrutin public suffisamment tôt.

M. Maxime Gremetz – Nous n’avions pas à le demander plus tôt ! C’est en entendant les réponses du Gouvernement qu’on prend sa décision.

L'amendement 126, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – Vous voulez éviter de gêner votre groupe, Madame la présidente, je connais vos habitudes ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

Mme la Présidente – Monsieur Gremetz, je vous demande de retirer ces propos qui sont une insulte à la présidence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard – Il existe deux sortes de licenciement : pour motif personnel ou pour motif économique. Dans les deux cas, il faut compter deux années d’ancienneté dans l’entreprise pour avoir droit à des indemnités de licenciement. L’alinéa 9 réduit cette durée à un an, ce dont on ne peut que se féliciter. En revanche, l’alinéa 10 supprime une simple phrase disant que « le taux de cette indemnité est différent suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel ». Or, si, à l’heure actuelle, les indemnités sont de un cinquième de mois par année – soit 2 000 euros pour dix ans d’ancienneté lorsqu’on est rémunéré au SMIC, ce qui est bien loin des fantasmes entretenus par quelques affaires retentissantes dans les médias – il existe aussi une majoration, pour les seuls licenciements économiques, pour les salariés qui comptent plus de dix ans de présence dans l’entreprise. L’alinéa 10 pourrait avoir pour conséquence de supprimer cette majoration. Ainsi, un salarié de trente ans d’ancienneté et qui gagnerait 2 000 euros par mois aurait aujourd’hui droit à une indemnité de 17 300 euros, mais de seulement 12 000 avec la nouvelle formulation, soit 30 % de moins. L’amendement 57 précise donc que le taux de l’indemnité est identique suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel pour les salariés ayant moins de dix ans d'ancienneté, mais qu’il peut être plus élevé en cas de licenciement pour motif économique si le salarié a plus de dix ans d'ancienneté. Ce sera ensuite aux partenaires sociaux de renégocier, s’ils le souhaitent, cette majoration.

Vous allez me répondre que cette disposition ne figure pas dans l’accord, mais vous mésestimez la réaction des salariés lorsqu’ils apprendront que certaines indemnités de licenciement vont être réduites d’un tiers. Les licenciements pour motif économique se multiplient et on sait que les salariés, comme ceux de Moulinex par exemple, ont beaucoup de mal à retrouver un emploi – et encore ont-ils pu se battre pour obtenir de meilleures indemnités : dans les petites entreprises, où la lutte est moins forte, la perte sera considérable. Il est incroyable que la conséquence de cette disposition n’ait pas été remarquée. En tout cas, je ne pense pas que les salariés soient prêts, au nom de la modernisation du marché du travail, à être les dindons de la farce.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable, certes parce que cette proposition ne reprend pas les termes de l’accord national interprofessionnel, mais surtout parce qu’elle est du domaine réglementaire.

M. Maxime Gremetz – Et voilà !

M. Dominique Dord, rapporteur – En l’état actuel, l’articulation entre les dispositifs de licenciement économique et pour motif personnel n’est pas très claire du point de vue de l’indemnisation. C’est lors de l’élaboration du décret que la question sera traitée avec les partenaires sociaux et que votre proposition pourra être évoquée.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Tous les décrets que nous avons rédigés ont été transmis aux présidents des groupes, au rapporteur et au président de la commission, car vous savez que je souhaite travailler dans la plus complète transparence. Reste un seul décret, justement celui-ci, car les partenaires sociaux doivent déterminer ensemble le montant qui doit être retenu. Sitôt qu’ils auront trouvé un point d’accord, je vous le ferai savoir, mais il n’est pas possible de légiférer à leur place aujourd’hui.

M. Alain Vidalies – Aujourd’hui, l’indemnité de licenciement de droit commun est d’un dixième du salaire mensuel par année de présence, et d’un cinquième pour le licenciement économique. Le projet de loi veut aligner l’indemnité de droit commun sur le licenciement économique, ce qui représente une amélioration. Sauf qu’il existe aujourd’hui une majoration spécifique, dans la partie réglementaire du code du travail, pour les salariés victimes d’un licenciement économique qui ont plus de dix ans d’ancienneté. Le ministre peut-il nous dire si l’exemple donné par Mme Billard est juste ? Je pensais pour ma part que le texte ne changeait rien au décret qui majore les indemnités pour les victimes d’un licenciement économique, et que la question était plutôt de savoir si l’alignement prévu dans l’accord entraînait l’extension de la majoration aux licenciés de droit commun. Mais si le Gouvernement ne peut pas affirmer que cet exemple est faux et que certains salariés ne perdront pas 30 % de leur indemnité, la question devient cruciale !

M. Maxime Gremetz – Comment comptez-vous que nous votions ce projet de loi sans connaître le montant des indemnités de licenciement ? C’est extraordinaire ! Nous votons d’abord, et le décret réduira demain les indemnisations comme bon lui semblera ? On doit laisser cette question au fait du prince ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Et qui est le prince, en l’occurrence ?

M. Maxime Gremetz – C’est vous ! Petit prince, prince de Picardie, mais prince tout de même !

Vous pourriez me répondre que, selon l’accord, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, et que celle-ci ne peut pas être inférieure à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Mais certains salariés qui perçoivent bien plus dans le système actuel y perdront beaucoup ! Je ne peux pas voter une telle disposition. Si je proposais qu’un décret fixe le montant des indemnités des députés, vous ne seriez pas d’accord. Et pourtant, c’est par nous que le Gouvernement devrait commencer, plutôt que de mettre en cause les allocations familiales et le remboursement des lunettes ! Ce que vous refuseriez pour vous, vous ne pouvez pas l’accepter pour les salariés. Je soutiens donc l’amendement 57.

Mme Martine Billard – L’actuel article L. 1234-9 précise dans son deuxième alinéa, supprimé par le projet, que le taux de l’indemnité est « différent suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel », la fixation de ce taux étant ensuite renvoyée au décret. Mon amendement vise simplement à rétablir la possibilité d’une différence en fonction de l’ancienneté.

M. Jean-Patrick Gille – Nous aurons besoin d’une suspension de séance, Madame la présidente.

Mme la Présidente – Elle sera de droit.

M. Maxime Gremetz – Rappel au règlement !

M. Roland Muzeau – Emmanuel Dockès, professeur à l’université de Lyon II, donne l’exemple d’un salarié ayant 25 ans d’ancienneté, qui perdrait en indemnités l’équivalent de deux mois de salaire : on ne peut pas laisser faire ce mauvais coup !

Mme Marisol Touraine – Nous n’étions pas prêts à voter l’amendement de Martine Billard, considérant que son interprétation n’était pas la bonne, mais on nous répond sur un autre terrain, sans lever le doute sur la possibilité ou non, pour un salarié licencié après plus de dix ans d’ancienneté, de bénéficier d’une indemnité majorée. Ce n’est pas une petite chose, et cela peut changer considérablement notre analyse de ce texte… Aucune des organisations syndicales que nous avons consultées ne nous avait alertés sur ce sujet ; on peut donc faire l’hypothèse que leur interprétation n’était pas celle de Mme Billard mais, Monsieur le ministre, nous avons besoin de votre réponse, qui est susceptible de peser sur notre vote.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Il faut respecter les articles 34 et 37 de la Constitution : vous nous proposez d’écrire dans la loi ce qui relève du domaine réglementaire, Madame Billard.

Les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté, licenciés pour motif économique, pourraient-ils subir une perte en termes d’indemnités ? Ce sujet n’a pas encore été tranché par les partenaires sociaux. C’est la raison pour laquelle le décret sur ce point ne fait pas partie de ceux qui vous ont été transmis, mais nous serons particulièrement attentifs à leurs discussions.

Mme la Présidente – Je fais droit à la demande de suspension de séance du groupe socialiste.

M. Maxime Gremetz – Je demande la parole pour un rappel au Règlement !

Mme la Présidente – Je vous la donnerai après.

La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures 10.

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement. Mme Billard vient d’attirer notre attention sur un problème que les travaux et auditions préparatoires ne nous avaient pas permis d’identifier : l’ANI conduirait à remettre en cause les dispositions réglementaires assurant une majoration de l’indemnité de licenciement aux salariés bénéficiant de plus de dix ans d’ancienneté et licenciés pour motif économique. Ces salariés pourraient ainsi voir le montant de leur indemnité réduit de 30 %. Or le rapprochement entre indemnité de licenciement économique et indemnité de licenciement de droit commun, prévu par le texte, pouvait éventuellement conduire à étendre la majoration aux salariés victimes d’un licenciement de droit commun – sous réserve d’une discussion avec les partenaires sociaux –, mais en aucun cas à en priver les salariés évoqués par Mme Billard !

Monsieur le ministre, il est essentiel que vous nous répondiez sur ce point précis.

Mme la Présidente – Sur le vote de l’amendement 57, je suis saisie par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz – Et mon rappel au Règlement ?

Mme la Présidente – Vous aurez la parole après M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Je rappelle que la fixation du montant de l’indemnité de licenciement relève du seul domaine réglementaire, et non de la loi ; un décret en Conseil d’État y pourvoira donc, une fois closes les discussions entre les partenaires sociaux. Or il n’est évidemment pas question de signer un décret qui entraînerait une réduction de l’indemnité à laquelle les salariés licenciés ont droit. S’agissant du cas précis des salariés bénéficiant d’une ancienneté de plus de dix ans et licenciés pour motif économique, les discussions entre partenaires sociaux se poursuivent depuis la signature de l’accord, mais la position du Gouvernement est quant à elle parfaitement claire ; je dirais même qu’elle se rapproche de la vôtre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz – Rappel au Règlement ! Aux termes de celui-ci, « les demandes de scrutin public déposées par un président de groupe n’ont d’effet que si la présence est constatée en séance au moment où est mis aux voix le texte » et « la même obligation de présence personnelle est exigée du membre du groupe à qui le président a délégué son droit de demander le scrutin ».

Si cet amendement devait être retiré, nous le reprendrions et nous attendons naturellement qu’il soit soumis à scrutin public. Ancien délégué du personnel, l’imprécision me rend méfiant et je sais d’expérience que les engagements, fussent-ils donnés par le Premier ministre, ne sont pas toujours suivis d’effet. Je vois bien la finalité de ce projet et je ne veux pas être exposé, demain, à une cruelle déconvenue.

M. Roland Muzeau – J’ai pris bonne note de votre engagement, Monsieur le ministre. Mais je vous ai également entendu vous en remettre à la négociation entre partenaires sociaux – ce que vous faites à chaque fois que vous voulez nous empêcher de modifier le texte. Or j’estime qu’il est de la responsabilité du Parlement de poser des garde-fous afin d’éviter que ces droits puissent être revus à la baisse lors d’une nouvelle négociation.

Par ailleurs, vous avez usé de l’argument selon lequel cette disposition relevait du domaine réglementaire. Mais vous avez bien fait entrer dans la loi des dispositions qui étaient de l’ordre du contrat !

M. Alain Vidalies – Absolument !

M. Roland Muzeau – Pourquoi n’acceptez-vous pas que nous pratiquions la même entorse à la règle pour empêcher que la négociation réduise ces droits acquis ?

Mme Martine Billard – Je maintiens cet amendement, qui démontre que l’accord interprofessionnel a laissé quelques problèmes résiduels. J’ai bien compris, Monsieur le ministre, ce qui est du domaine de la loi et ce qui relève du règlement, et c’est bien la raison pour laquelle l’amendement ne visait pas à inscrire dans la loi le montant de l’indemnité à verser aux salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté, mais seulement la possibilité qu’il y ait une différence – possibilité qui figurait jusqu’ici dans le code.

Le montant des indemnités pourrait être augmenté – je n’en demande pas tant –, mais il pourrait aussi être réduit – c’est ce que demande le MEDEF. Je prends acte de votre engagement, Monsieur le ministre, mais le Parlement ne peut pas se contenter de laisser se dérouler la négociation. Si, par malheur, elle aboutissait à un accord réduisant ces indemnités, que feriez-vous ? Refuseriez-vous de transposer cet accord ?

M. Jean-Frédéric Poisson – Nous comprenons le sens de l’intervention de nos collègues, et nous partageons leur souci. Mais nous faisons confiance à la parole du ministre. Si un accord devait être défavorable aux salariés sur ce sujet, je lui demande par avance de faire exception au principe qu’il a énoncé hier et de refuser d’en prendre acte. Le groupe UMP votera contre cet amendement.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Arrêtons de théoriser ! Comme l’a expliqué le rapporteur, il existe des dispositions transposables directement à partir de cette loi, d’autres figureront dans un décret, d’autres encore feront l’objet d’accords complémentaires. Mais vous ne pouvez pas imaginer un seul instant que les partenaires sociaux acceptent une diminution de ces indemnités ! Il ne s’agit pas d’introduire une exception. Il s’agit d’un accord de progrès social et économique, qui exclut toute régression des droits.

M. Roland Muzeau – Alors, acceptez l’amendement !

M. Daniel Paul – Monsieur le ministre, vous déclarez que vous ne signerez pas le décret si les salariés devaient se retrouver lésés à l’issue des négociations, tout en affirmant que les partenaires sociaux n’accepteront jamais une telle diminution des droits des salariés. Mais les juristes ont démontré que l’ANI désavantageait les salariés – Mme Billard a cité les chiffres. De fait, nous savons bien quelles pressions ont pu s’exercer lors de la négociation de cet accord et l’on peut imaginer qu’elles continueront dans les prochaines semaines.

Confirmez-vous que vous refuseriez, au nom du Gouvernement, de signer le décret correspondant si les négociations aboutissaient à un recul des droits des salariés ?

M. Alain Vidalies – N’oublions pas que nous sommes en train de discuter des conséquences d’une amélioration non négligeable pour l’ensemble des salariés, puisqu’elle entraîne le doublement des indemnités de droit commun !

Un autre point était de savoir, comme l’a demandé Mme Billard, si dans le cas d’un salarié licencié pour motif économique et ayant plus de dix ans d’ancienneté, ses indemnités pourraient se trouver réduites. Le ministre a répondu non. Nous en prenons acte.

En réalité, la question qui reste à discuter entre les partenaires sociaux est de savoir si le salarié licencié de droit commun pourra aussi prétendre à une majoration au bout de dix ans. Vu les engagements pris par le Gouvernement et étant donné qu’on voit mal les organisations syndicales signer un texte entérinant une régression, la seule négociation possible porte en effet sur le cumul du doublement de l’indemnité et de sa majoration après dix ans d’ancienneté.

À la majorité de 45 voix contre 12 sur 57 votants et 57 suffrages exprimés, l’amendement 57 n’est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur – L’amendement 9 est rédactionnel.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 58 vise à supprimer les alinéas 11 à 13 qui disposent notamment que le solde de tout compte sera désormais libératoire au bout de six mois. Ces nouvelles dispositions risquent d’être préjudiciables aux salariés licenciés économiques qui, bénéficiant d’une priorité de réembauche pendant un an en cas de reprise de l’activité, ne contesteront pas la validité de leur solde de tout compte pendant ces six premiers mois, s’ils ont le moindre espoir d’être réembauchés.

En outre, beaucoup de salariés ne connaissent pas ou connaissent mal leurs droits, en particulier dans les PME dépourvues de syndicats. Réduire le délai de recours de cinq ans à six mois leur est vraiment défavorable.

Je n’aurais sans doute pas eu la même appréciation si le caractère libératoire du solde de tout compte avait été fixé à un terme plus éloigné mais, à six mois, le danger est vraiment trop grand !

M. Roland Muzeau – L’amendement 106 est identique. Le caractère libératoire du solde de tout compte avait été supprimé en 2002. Aujourd’hui, la signature par le salarié de ce reçu, qui récapitule l’ensemble des sommes versées par l’employeur, ne l’empêche pas d’en contester le montant après son départ. Désormais, le solde de tout compte ne pourra plus être contesté après six mois. On revient donc à la situation d’avant 2002, si ce n’est pis, le projet de loi n’intégrant pas les nombreuses améliorations apportées par la jurisprudence. Sans aucune précaution, le texte réduit de cinq ans à six mois le délai de contestation. Voilà une nouvelle atteinte au droit de recours des salariés qui n’est pas sans rappeler, dans son esprit et sa portée, la proposition de loi qui vise à ramener de trente à cinq ans le délai de prescription en matière civile, notamment dans les cas de discrimination au travail. Le Gouvernement ne s’est, hélas, pas engagé à retirer de l’agenda parlementaire cette proposition de loi adoptée au Sénat le 21 novembre dernier.

Pour l’heure, nous ne pouvons que vous inviter à supprimer ces dispositions improvisées et aux conséquences incertaines.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé ces amendements. Si le précédent soulevait un réel problème juridique auquel le ministre a pu apporter une réponse claire, il n’en va pas du tout de même de ceux-là. L’article 11 de l’ANI est parfaitement clair sur ce point : le solde de tout compte sera libératoire au bout de six mois. Il n’y a absolument pas lieu de supprimer cette disposition.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

Les amendements 58 et 106, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Françoise Hostalier – L’amendement 141 précise les formalités à observer pour la signature du reçu pour solde de tout compte. Cette précision ne fait que reprendre les termes de l’article L. 122-17 du code du travail tels qu’ils existaient avant la loi de modernisation sociale.

M. Dominique Dord, rapporteur La commission a repoussé cet amendement qui relève du domaine réglementaire. Cette précision s’insérerait parfaitement après les articles D. 1234-8 ou D. 1234-7 qui régissent aujourd’hui le reçu pour solde de tout compte.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Cette disposition est en effet de nature réglementaire. Au surplus, elle ne paraît pas indispensable. Je serais donc tenté de suivre l’avis de la commission…

L'amendement 141 est retiré.

Mme Françoise Hostalier – L’amendement 140 précise que le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé « de manière écrite et motivée » dans les six mois qui suivent sa signature. Cet ajout ne fait que reprendre lui aussi les termes de l’article L. 122-17 du code du travail tels qu’ils existaient avant la loi de modernisation sociale. Il paraît normal que le salarié explique pourquoi il dénonce ce solde. Contrairement à ce qui a été dit en commission, une telle référence n’existe pas dans le domaine réglementaire.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, considérant qu’il relevait du domaine réglementaire. Le ministre pourra sans doute compléter cette réponse.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – L’amendement est satisfait par l’article L. 1234-8 du code du travail qui exige déjà une dénonciation par lettre recommandée. La jurisprudence intervenue avant la loi de 2002 exigeait également un écrit.

L'amendement 140, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz – Eh bien, nous l’avons emporté !

M. Dominique Tian – En l’état actuel de la jurisprudence, une insuffisance dans l’énonciation des motifs du licenciement est assimilée à une absence de cause réelle et sérieuse. L’amendement 83 complète donc l’article en disposant que, « dans le cas où l’employeur n’a pas invoqué de motifs ou s’ils sont insuffisants, le juge recherche la cause du licenciement et statue sur son caractère réel et sérieux. » Ce point a été mentionné à l’article 11 de l’ANI et doit être repris dans la loi, afin de clarifier le rôle du juge.

M. Dominique Dord, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement non pour des raisons de fond, mais parce que les partenaires sociaux avaient renvoyé cette question à une discussion ultérieure.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – C’est en effet un point sur lequel les partenaires sociaux ont demandé la constitution d’un groupe de travail tripartite. Une première réunion de ce groupe a eu lieu le 31 mars au ministère du travail, une autre est programmée pour la fin mai. Je m’engage à vous tenir informés de l’évolution des discussions. Adopter un tel amendement aujourd’hui réduirait à néant le travail engagé.

M. Francis Vercamer – Il faut laisser se dérouler le dialogue social. Si le législateur dit d’emblée que, lorsque le motif de licenciement n’est pas précisé, le juge sera chargé de le rechercher, on risque d‘avoir un grand nombre de lettres de licenciement sans motif ! Il faut respecter la convention 158 de l’OIT qui oblige à motiver le licenciement et permettre au salarié de savoir pourquoi il y a rupture de contrat. Cet amendement n’est donc pas très heureux.

M. Maxime Gremetz – Si je comprends bien, quand l’employeur est incapable de démontrer qu’il y a une cause sérieuse de licenciement, le juge devra faire le travail à sa place ! C’est proprement extraordinaire, Monsieur Tian ! Vous donnez aux employeurs un sacré coup de main.

M. Dominique Tian – Lisez l’article 11 de l’accord. Les partenaires sociaux ont discuté longuement de ce qui est un problème de forme. La lettre de licenciement est précédée d’une lettre de convocation et d’un entretien, et le salarié est assisté. Mais je retire volontiers l’amendement 83.

L’amendement 83 est retiré.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Daniel Paul – Selon certains, la rupture conventionnelle serait l'équivalent du divorce par consentement mutuel, et éviterait les conflits. Pourtant, il existe déjà une possibilité de rupture amiable, ou de départ volontaire. Que cache donc ce qu’on nous présente comme une rupture « de gré à gré » ?

Pour l'employeur, cette rupture conventionnelle constitue un cadre légal avantageux pour des démissions déguisées. En effet, il n’aura pas à justifier de cause réelle et sérieuse, comme pour un licenciement. Et l’employé, qu’il était difficile de faire partir à l’amiable car il y perdait le droit à l’indemnité de licenciement, cédera plus facilement, puisque la rupture conventionnelle lui ouvre ce droit.

En revanche, si la demande de rupture conventionnelle émane du salarié, quel intérêt un employeur aura-t-il à l’accepter, sachant qu’il peut toujours forcer le salarié à la démission ?

Quant au droit à l'indemnité de licenciement et aux indemnités de chômage acquis en cas de rupture conventionnelle, quels salariés en bénéficieront vraiment ? Aujourd'hui, la plupart de ceux qui quittent leur emploi le font soit parce qu'ils y sont poussés par l'employeur, soir parce qu'ils ont trouvé un nouvel emploi. Dans le premier cas, l'indemnisation était déjà due. Dans le second, elle est inutile. Les seuls véritables bénéficiaires de l'accord seront les salariés qui quitteront volontairement leur emploi, sans avoir subi de pressions, mais sans non plus avoir de perspective de réembauche. Y en aura-t-il beaucoup, alors que le chômage est élevé et que l’ANPE procède à des radiations ?

C’est pour l'employeur, dispensé de procédures « rigides », que le bénéfice est certain : licencier un salarié dans les deux premières années ne coûte quasiment rien ; 800 000 à 900 000 salariés en font l’expérience chaque année, et dans neuf cas sur dix, à l'exception des licenciements économiques, les procédures sont extrêmement simples : entretien puis envoi d'une lettre précisant les motifs. On est loin de la rigidité tant décriée...

Enfin, comment contrôler la réalité du « consentement mutuel » ? Le syndicat des avocats de France et la fondation Copernic soulignent que la procédure ne sera soumise qu'au contrôle des directeurs départementaux du travail. Compte tenu de leurs moyens de plus en plus restreints, à quoi se réduira-t-il ? En outre, le syndicat des avocats relève que la validation administrative posera problème : quelle juridiction pourra alors saisir un salarié qui mettrait en avant les pressions exercées afin de lui faire signer la rupture du contrat : le juge prud’homal ou la juridiction administrative ?

M. Jean-Frédéric Poisson – Pour ma part, j’apprécie que les partenaires sociaux aient essayé de sortir d’une logique de conflit à ce moment compliqué qu’est la rupture de contrat. Dans l’article 12 de l’accord, ils affichent clairement leur volonté de minimiser les sources de contentieux.

Mais la rupture conventionnelle pose trois questions ; relatives à la liberté de consentement du salarié, à l’équilibre de la négociation et à l’ouverture des droits aux allocations de chômage – la position de la commission ayant évolué au fil du temps sur ce dernier point.

S’agissant du consentement, le dispositif de l’accord me semble équilibré, avec plusieurs entretiens, un délai de rétractation, l’homologation par la direction départementale du travail, et l’existence d’un formulaire type.

En ce qui concerne l’équilibre de la négociation, comme il s’agit essentiellement, à ce stade, de négocier le montant des indemnités de départ, je comprends que l’ordre des avocats se soucie de savoir si le salarié sera bien préparé et bien défendu pour le faire. Je souligne que c’est si le salarié demande à être assisté que l’employeur peut à son tour le faire. Je crois vraiment que le représentant du personnel ou le délégué syndical peut alerter le salarié sur les points auxquels il doit être attentif au cours de l’entretien. De toute façon, ce n’est pas à ce moment-là qu’il signera et il pourra se rétracter. Donc, si je comprends le souci, légitime bien sûr, des avocats, d’assurer la « défense » des salariés, l’UMP ne votera pas les amendements prévoyant la présence de l’avocat lors de l’entretien.

Enfin, l’accord interprofessionnel, en son article 12, est très clair sur l’accès aux allocations de chômage et indemnités de licenciement en cas de rupture conventionnelle, une fois celle-ci homologuée. Reste toutefois la question épineuse du calendrier : que se passera-t-il entre l’entrée en vigueur du présent texte et la conclusion de l’accord de l’UNEDIC qui prévoirait une indemnisation ?

Enfin, nous serons très attentifs à la question des droits ASSEDIC : ils doivent être ouverts, car la rupture conventionnelle ne peut pas être considérée comme étant à l’initiative du salarié.

M. Jean-Patrick Gille – L’article 5 introduit une nouveauté dans notre code du travail. Jusqu’alors, un contrat de travail pouvait être rompu soit par licenciement, soit par démission. Désormais, une troisième voie sera ouverte : la rupture conventionnelle qui, au fond, ne fait qu’encadrer une pratique déjà existante. Certains estiment qu’elle permettra de contourner la motivation de licenciement ; d’autres craignent qu’elle n’offre un cadre légal à des démissions qui ne disent pas leur nom. En fait, personne ne peut dire aujourd’hui l’usage que feront les acteurs sociaux de cette nouvelle formule. En l’état, la démarche est pourtant bien balisée, avec ses quatre phases : l’élaboration de la convention d’abord, pour laquelle se posera la question de l’assistance du salarié ; la possibilité de rétractation pendant quinze jours ensuite ; puis l’homologation par les directions du travail après envoi de ladite convention par la partie la plus diligente, quoiqu’il faille, comme notre héroïne du jour, Mme Brunel, s’interroger sur ce qui se passera si personne n’effectue cette transmission ; enfin, le renvoi éventuel devant les prud’hommes.

Mme Parisot aime à comparer cette procédure à celle du divorce par consentement mutuel. C’est pourtant bien différent : un divorce est prononcé par un juge, alors que la rupture conventionnelle sera homologuée par l’autorité administrative. À moins, peut-être, que Mme Parisot n’anticipe sur les vœux de certains de confier cette homologation au notaire… Quoi qu’il en soit, il serait plus juste de comparer cette nouvelle procédure à un constat à l’amiable partagé.

N’ayons pas pour autant la naïveté de croire que les employeurs n’exerceront aucune pression sur les salariés, comme certains le font d’ailleurs déjà, les forçant à démissionner afin d’éviter l’ouverture des droits de chômage. L’essentiel est ceci : il faut, pour la rupture conventionnelle, ouvrir les droits à l’assurance chômage dans les conditions du droit commun. L’accord le stipule : pourquoi n’est-ce pas dans la loi ? La commission a d’ailleurs adopté un amendement, après l’avoir d’abord refusé, reprenant le texte de l’accord.

L’ouverture ou non de ces droits changera radicalement la nature de la rupture conventionnelle. On m’opposera qu’il vaut mieux renvoyer à la négociation de l’assurance chômage : ce serait d’autant plus inquiétant que le Gouvernement vient de proposer de sanctionner les chômeurs ayant refusé deux offres d’emploi successives. Pourquoi certains n’essaieraient-ils pas, plus tard, de faire de même avec les salariés engagés dans une rupture conventionnelle ? D’autres vont contester que ceux-ci puissent bénéficier du même taux d’assurance chômage qu’un salarié licencié. Et pour cause : ils s’inquiètent de l’impact financier de la rupture conventionnelle sur l’UNEDIC, dont ils voudraient bien récupérer les excédents afin de combler les déficits des comptes sociaux !

Quant à nous, nous faisons de l’ouverture, dans la rupture conventionnelle, des droits à l’assurance chômage dans les conditions du droit commun une question de principe. La refuser reviendrait non seulement à trahir l’accord, mais aussi à revenir sur le paritarisme de l’UNEDIC.

M. Jean Mallot – Espérons que la rupture conventionnelle ne devienne pas la concrétisation, même négociée, de la notion chère à Mme Parisot de « séparabilité à l’amiable ». Je m’interroge d’ailleurs sur le titre de votre projet de loi : sur tout marché, les transactions se font d’égal à égal. Or, le « marché du travail » que vous prétendez moderniser repose précisément sur une relation inégale entre employeurs et salariés. L’égalité est en effet essentielle, mais le « commun accord » évoqué dans l’article ne suffit pas à remédier au déséquilibre, en l’état, de la rupture conventionnelle. Il va de soi, en effet, que les salariés n’ont aucun moyen de pression, alors que les employeurs, eux, n’en manquent pas – songez par exemple à l’indemnité de rupture.

C’est d’autant plus inquiétant que le Président de la République vient de proposer de sanctionner tout demandeur d’emploi refusant deux offres. Souvenez-vous de ce que l’on entendait lors de la suppression de l’autorité administrative de licenciement. L’assouplissement de la procédure créera un appel d’air en faveur de l’embauche, disait-on.

M. Marc Dolez – Certains évoquaient même la création de 400 000 emplois !

M. Jean Mallot – En effet. Or, il n’en a rien été ! Espérons que la rupture conventionnelle aura de meilleurs effets.

Je remarque que vous réintroduisez l’intervention d’une autorité administrative dans ce dispositif. La désormais célèbre Mme Brunel vous a interrogé en commission sur ce sujet : de quels moyens les directions du travail disposeront-elles pour instruire ces dossiers ? La question est d’autant plus sérieuse que le Gouvernement « dégraisse » la fonction publique.

M. Jean-Frédéric Poisson – Et c’est tant mieux !

M. Jean Mallot – Chacun est libre de ses opinions… S’agissant de l’application de ce dispositif, je tiens à remercier M. le ministre de nous avoir informés sur l’état d’avancement d’un décret relatif à la conciliation aux prud’hommes. Reste à nous préciser le contenu du décret concernant les indemnités de rupture, qui ne sauraient être inférieures aux indemnités de licenciement.

Un autre point me préoccupe : il est prévu que le salarié puisse se faire assister lors des entretiens préalables à la rupture conventionnelle. Mais cela suppose une vie syndicale ! On ne peut envisager que l’accord signé par toutes les centrales syndicales, dont l’UPA, ne s’applique pas dans les petites entreprises.

Mme la Présidente – Monsieur Mallot, vous en êtes à plus de six minutes…

M. Jean Mallot – Or, le ministre a fait un lien entre l’effectivité de l’accord et la position de l’UPA sur la question de la représentativité. Je ne parlerai pas de chantage, mais c’est quelque peu inquiétant… Mme Parisot a beau estimer que le syndicalisme n’est pas qu’une question de financement, c’est tout de même le nerf de la guerre, et je ne pense pas que la lourdeur des charges qui pèsent sur les entreprises soit un argument recevable. La position à géométrie variable du Gouvernement sur les accords qui ont été négociés est donc très inquiétante.

M. Marc Dolez – La rupture conventionnelle, qui est souvent présentée comme la mesure phare de cet accord, constitue de mon point de vue un recul considérable. Cette mesure, qui reprend la revendication patronale de la séparabilité à l’amiable, vise à créer une nouvelle catégorie de rupture du contrat de travail, une rupture de gré à gré, qui postule donc l’égalité des parties. Or, le salarié est vis-à-vis de l’employeur dans un lien de subordination juridique permanent. Cette mesure est en fait un puissant moyen d’écarter le droit du licenciement, puisque l’employeur ne sera plus obligé d’invoquer une cause réelle et sérieuse – ce qui contredit d’ailleurs la convention 158 de l’OIT. Il lui suffira d’obtenir le consentement du salarié : avec l’assurance des indemnités de licenciement et de chômage, il est fort à parier que cela lui sera facile. Le risque est que la plupart des licenciements sans cause réelle et sérieuse soient ainsi déguisés en rupture conventionnelle. Et le déséquilibre au bénéfice de l’employeur est flagrant, puisque le salarié n’a quasiment aucune possibilité de le conduire à accepter la rupture conventionnelle plutôt que la démission, alors que lui ne manque pas de moyens de faire accepter la rupture au lieu du licenciement.

Le texte ne comprend aucune garantie sérieuse au profit des salariés. Les nouvelles garanties procédurales qui sont mises en avant, telles que le droit de rétractation dans les quinze jours ou l’homologation par l’autorité administrative, sont de bien peu de poids par rapport aux obligations du droit du licenciement. L’homologation, présentée comme l’ultime protection du salarié, sera réputée acquise au bout d’un délai de quinze jours jugé absolument dérisoire par les inspecteurs du travail. J’espère donc la suppression de cet article, sans quoi je défendrai des amendements visant à préciser notamment qui est à l’initiative de la rupture et à imposer une motivation.

Mme Martine Billard – Je ne suis pas opposée par principe à la rupture conventionnelle. Au début des années 1970, lorsqu’il était facile de retrouver un emploi, elle n’aurait pas posé problème. Mais aujourd’hui, dans un contexte de chômage, de précarité et de bas salaires, la rupture conventionnelle prend un autre aspect. Un de vos arguments est que les employeurs peuvent toujours forcer un employé à démissionner : c’est vrai, mais la rupture conventionnelle n’y changera pas grand-chose puisque le chef d’entreprise pourra la refuser au salarié, pour le forcer à démissionner ! Cela étant, une rupture de ce type peut répondre à un besoin réel. Un système analogue fonctionne d’ailleurs aujourd’hui, même s’il n’est pas très légal et que les ASSEDIC protestent énergiquement : l’employeur demande en fait au salarié de déclarer par écrit que c’est lui qui a demandé la rupture et qu’il ne poursuivra pas l’entreprise devant les prud’hommes…

Mais si la rupture conventionnelle peut être parfois une solution, je m’inquiète de ce qui peut se passer dans les cas de harcèlement et de discrimination. Dans de telles situations, les salariés sont souvent poussés vers la sortie, ce qui peut conduire à des dépressions et à des arrêts maladie, et l’on peut donc penser que la rupture conventionnelle serait une bonne solution pour eux. Sauf qu’il arrive déjà aujourd’hui qu’ils proposent eux-mêmes à leur patron de se mettre d’accord sur leur départ et que le patron refuse, pour ne rien avoir à payer ! Je ne suis pas convaincue que la rupture conventionnelle réglera ces situations. Par ailleurs, dans le droit actuel, le salarié a la possibilité d’aller en justice pour obtenir réparation. Il n’y a aucune garantie qu’il puisse continuer à le faire dès lors qu’il aura accepté une rupture conventionnelle.

Enfin, les droits à indemnités ASSEDIC doivent faire l’objet de négociations qui s’ouvriront mi-mai. Je défendrai un amendement pour garantir que l’article 5 n’entrera en vigueur qu’une fois la convention UNEDIC modifiée, sans quoi les salariés pourraient se voir refuser ces indemnités, sur lesquelles nous sommes pourtant tous d’accord, parce qu’aucune disposition ne les prévoirait en l’état.

M. Maxime Gremetz – Je suis un peu surpris que cette disposition soit présentée comme si tout allait bien dans les entreprises. Comme si les rapports humains étaient excellents…

Plusieurs députés du groupe UMP – Eh oui !

M. Maxime Gremetz – …et s’il n’y avait pas de suicides dans les entreprises, y compris chez les cadres. Songez à Renault, aux cheminots…

M. Lionel Tardy – Vous ne pensez qu’aux grands groupes !

M. Maxime Gremetz – Cela vous fait sourire. On voit que ce n’est pas vous qui faites le travail. Et je ne parle même pas des caissières, des entreprises à main-d’œuvre féminine, des conditions de travail qui se dégradent – voyez Goodyear : ils n’ont plus que huit week-ends dans l’année pour la famille, les 4x8 bouleversent tout, au travail et en famille ! Je ne parle pas non plus du harcèlement moral qui n’a jamais été aussi important. Mais tout va bien !

Combien de salariés demandent tranquillement à partir de leur entreprise ? Pas un seul, à cause du chômage, qui touche même les diplômés ! Moi, ce que les gens viennent me demander, c’est du travail !

M. Lionel Tardy – En Haute-Savoie, ils en trouveront sans problème !

M. Maxime Gremetz – La flexicurité à la française, qu’est-ce que c’est ? La possibilité pour les employeurs de « virer » les gens quand ils le veulent. Finies les longues procédures ! On nous parle de « rupture conventionnelle », mais pas un seul salarié n’en prendra l’initiative ! Les licenciements négociés, cela existe déjà : c’est donc vraiment un recul. Plutôt que de « modernisation du marché du travail », il s’agit avec ce texte de « casse du code du travail » ! Quelle fête pour le MEDEF !

M. Daniel Paul – Notre amendement 107 vise à supprimer cet article, qui met à bas quarante ans de construction des protections contre le licenciement arbitraire. On ne reconnaît plus le caractère fondamentalement inégalitaire de la relation contractuelle entre l’employeur et le salarié : oui vraiment, quel recul !

Nombreuses sont les voix qui se sont élevées pour dénoncer le contenu de l’accord du 11 janvier, et en particulier l’institution de cette « rupture conventionnelle ». L’employeur n’aura aucun mal à obtenir la signature du salarié, simplement en abusant de son habitude d’obéissance, ou bien en le menaçant de licenciement pour faute grave. Le délai de rétractation et l’homologation par le directeur départemental du travail, généralement tacite, sont de bien maigres garde-fous… Quant au juge, son pouvoir se trouve terriblement affaibli. Nous ne saurions donc accepter une telle régression.

M. Dominique Dord, rapporteur  Rejet. Les propos que nous entendons sont insultants pour les quatre organisations syndicales de salariés qui ont signé l’accord ! Les responsables syndicaux seraient-ils en fait des irresponsables qui n’auraient rien compris ? Dites-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC, protestations sur les bancs du groupe GDR)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail Voilà ce qui s’appelle remettre les pendules à l’heure. Même avis.

M. Daniel Paul – Je n’accepte pas votre réaction, Monsieur le rapporteur. On sait bien que l’objectif, que certains d’entre vous ne cachent pas, est de remettre en cause les droits acquis par les salariés et d’adapter notre pays aux exigences du capitalisme financier (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cela s’appelle tout simplement la lutte des classes !

Qu’appelle-t-on négociations entre « partenaires sociaux » – expression que je n’aime pas ? Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre du travail font comprendre auxdits partenaires qu’il faut aboutir à un accord conforme aux objectifs affichés pendant la campagne électorale, faute de quoi le Gouvernement présenterait un texte beaucoup plus dur. Bien évidemment, cela pousse au compromis… La cerise sur le gâteau, c’est l’interdiction faite aux parlementaires de toucher au contenu de l’accord : non contents de ficeler les mains des partenaires sociaux, vous nous empêchez d’intervenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ne nous faites donc pas dire que les organisations syndicales ne seraient pas responsables…

M. Dominique Dord, rapporteur – C’est ce que vous avez dit ! (Approbation sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel – Votre mauvaise foi est imbattable !

M. Daniel Paul – Pour obtenir leur signature, vous avez menacé certaines d’entre elles d’un texte gouvernemental plus dur !

M. Francis Vercamer – Je serai bref. Je suis surpris d’entendre parler de lutte des classes – après Zola, invoqué hier par M. Muzeau… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel – C’est son fonds de commerce !

M. Francis Vercamer – N’oublions pas que quatre organisations syndicales sur cinq ont signé l’ANI, transcrivant ainsi des pratiques déjà en vigueur. En effet, de telles conventions sont régulièrement conclues par l’intermédiaire des prud’hommes, comme j’ai pu le constater lorsque j’étais conseiller prud’homal ; simplement, en les encadrant ainsi, on évitera qu’elles ne nuisent aux salariés. Sans abdiquer toute vigilance, sans renoncer à demander au Gouvernement d’apporter le cas échéant les précisions nécessaires, évitons ces excès de langage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe GDR)

M. Maxime Gremetz – Permettez-moi de vous citer un cas dont la presse vient de faire état. La société GT Logistics vient d’être condamnée pour atteinte manifeste au droit de grève. L’auriez-vous encouragée, Monsieur le ministre ? Toujours est-il que, le 12 février, après deux débrayages consécutifs à l'échec de négociations salariales, le président de la société, Éric Sarrat, a fait à son personnel basé à Tarnos une offre inhabituelle : chaque salarié qui s’engagerait à « maintenir la permanence de sa prestation » recevrait une « avance permanente » de 1 000 euros, remboursable en cas de non-respect du « deal ». Cet accord avait été formalisé dans un « contrat de garantie » – analogue à celui que vous nous proposez –, signé par une quarantaine de personnes, d'après Pierre Prat, de la CFDT, et par une soixantaine de salariés, selon la direction.

Estimant que leur employeur cherchait ainsi à leur racheter leur droit de grève, une partie des salariés ont saisi la justice. Dans une ordonnance rendue le 1er avril, le TGI de Dax a jugé que l'initiative de la société « équivaut à exercer une menace ou une pression sur chaque salarié », et constitue même « une atteinte manifeste au droit de grève », car elle fait dépendre le maintien du versement des 1 000 euros du renoncement à toute absence, notamment en vue d’une grève ou d’un débrayage. Le juge a donc ordonné l'annulation du « contrat de garantie ». Et ce sont ces contrats que vous cherchez à généraliser !

L'amendement 107, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur – L’amendement 159 est un amendement de coordination.

L'amendement 159, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Daniel Paul – L’amendement 109 rectifié vise à compléter l’article en demandant que la rupture soit obligatoirement motivée. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de précision, car il ne constitue qu’un simple rappel. En effet, selon la convention 158 de l'OIT, qui définit les grands principes juridiques régissant le licenciement, « le terme de licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur ». La rupture conventionnelle du contrat de travail, lorsqu'elle découle de l’initiative de l'employeur, doit donc obéir à la convention, sauf à considérer, selon un usage en réalité prohibé, que la convention de rupture entraînerait un renoncement anticipé au droit du licenciement.

Du reste, selon un arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 mars dernier, dans le cas d’une convention de reclassement personnalisé, « une rupture réputée d’un commun accord ne prive pas le salarié de la possibilité d’en contester le motif économique ».

En somme, le rejet de notre amendement exposerait le texte au risque d’inconstitutionnalité.

M. Dominique Dord, rapporteur – Avis défavorable. Monsieur Paul, vous refusez le principe même de cet article, celui d’une rupture conventionnelle (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) qui, dès lors qu’elle intervient d’un commun accord, n’a pas à être motivée. Les garanties que vous appelez de vos vœux figurent déjà dans le texte : il s’agit des règles de procédure que constituent l’assistance d’un tiers, le délai de rétractation et l’homologation administrative. En outre, la voie du recours contentieux reste ouverte, qui permet au juge de sanctionner d’éventuels détournements de la procédure une fois apprécié le libre consentement des parties. La rigueur avec laquelle la Cour de cassation s’assure de la volonté « claire et non équivoque » des deux parties en cas de rupture négociée devrait apaiser vos inquiétudes : abus de faiblesse et pressions continueront d’être systématiquement sanctionnés.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Même avis.

L'amendement 109 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 19 est retiré.

M. Jean Mallot – Je défends l’amendement 31 rectifié, dont M. Gille a souligné tout à l’heure le caractère décisif : si la rupture conventionnelle devait conduire à priver le salarié du bénéfice de l’assurance chômage, nous reverrions notre position. Nous proposons donc que les salariés dont le contrat de travail cesse en vertu d’une rupture conventionnelle « bénéficient du versement des allocations d’assurance chômage dans des conditions de droit commun, dès lors que la rupture conventionnelle a été homologuée par l’autorité administrative compétente ». Ce sont là les termes exacts de l’ANI.

Cette précision est indispensable : selon les dispositions générales relatives à l’indemnisation, seuls les travailleurs involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi ont droit à un revenu de remplacement ; or on ne saurait considérer les salariés dont le contrat de travail a été rompu d’un commun accord comme involontairement privés d’emploi, sous peine d’une contradiction.

Refuser cet amendement – dont je rappelle qu’il a été adopté par la commission – reviendrait à trahir l’ANI. De fait, on ne saurait opposer, à l’instar de plusieurs membres UMP de la commission, le fait que le succès du dispositif risque de coûter cher à l’UNEDIC : si l’on instaure la rupture conventionnelle, il faut en assumer les conséquences, fussent-elles défavorables aux employeurs !

M. Dominique Dord, rapporteur – Cet amendement a suscité de longs débats en commission : si tous s’accordaient sur le principe du droit à l’indemnisation, certains jugeaient que cette dernière ne relevait pas du domaine législatif, auquel échappe de toute façon la fixation de ses modalités, renvoyée à la convention ; en outre, la période intermédiaire posait problème. Quoi qu’il en soit, la commission a finalement adopté l’amendement ; le Gouvernement pourrait faire de même.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Aux yeux du Gouvernement, il a toujours été clair que la rupture conventionnelle ouvrait droit à l’indemnisation du chômage. Voilà du reste pourquoi le président de la commission s’est enquis des conséquences de la mesure sur les comptes de l’assurance chômage et de l’UNEDIC. Si la transposition de l’ANI ne le précise pas, c’est uniquement afin de ne pas empiéter sur les responsabilités des partenaires sociaux, appelés à renégocier sur ces points.

Du reste, Monsieur Gille, sans vouloir être cruel (Rires), votre amendement ne contredit-il pas votre éloquent plaidoyer en faveur du paritarisme ?

M. Jean Mallot – Pas du tout !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Vous demandez au législateur d’empiéter sur le domaine de compétence des responsables paritaires de l’assurance chômage !

M. Jean Mallot – Parce que cela figure dans l’accord !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Justement !

Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), au nom du respect dû aux partenaires sociaux, et parce que tous ici – notamment, au sein de l’UMP, MM. Poisson et Lefebvre – souhaitent que la lumière soit faite sur ce point.

L'amendement 31 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – À l’unanimité !

M. Maxime Gremetz – Formidable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Daniel Paul – L’amendement 130 vise à offrir aux salariés la possibilité de se faire assister d’un conseil extérieur à l’entreprise lors des entretiens prévus à l’article L. 1237-12. L’enjeu de cet amendement a été souligné par le Conseil national des barreaux.

L’article L. 1237-12 dispose que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. Il s’agit d’une simple transposition de la disposition concernant l’entretien préalable au licenciement, alors que les deux situations sont différentes. Le rôle de l’assistant est en effet beaucoup plus important lorsqu’il s’agit de conseiller le salarié sur le principe, les incidences et les modalités de la rupture, d’autant que, dans le cas d’une rupture conventionnelle, les différends ne manqueront pas d’apparaître sur les conditions dans lesquelles pourrait intervenir cette rupture. Or l’avocat présente toutes les aptitudes et compétences nécessaires.

M. Dominique Dord, rapporteurCe n’est pas moi qui contesterai l’intérêt de recourir aux avocats, mais la commission a repoussé cet amendement – auquel Maxime Gremetz s’est opposé, au motif qu’il introduisait une forme de défiance vis-à-vis des représentants des salariés.

Les signataires de l’ANI ont débattu de cette question, pour finalement décider de « calquer » la disposition prévue pour l’entretien préalable au licenciement. Notons que la Cour de cassation, dans un souci d’équité, applique la même restriction aux employeurs.

Nous savons que l’ordre des avocats aimerait entrer dans cette procédure. Mais il nous a semblé raisonnable de nous en tenir aux dispositions existantes.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail – Nous reviendrons sur ce sujet ce soir, mais une chose est certaine : apporter une modification changerait la nature de l’accord. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante et tend à préserver l’équilibre entre les deux parties.

M. Maxime Gremetz – Comme je l’ai dit en commission, je suis contre cet amendement. Au moment où l’on remet en cause le pouvoir des représentants du personnel, des délégués du personnel et des comités d’entreprise et où les délégués aux prud’hommes sont désignés, il est regrettable de dévaloriser encore leur fonction en laissant planer le doute sur leur compétence ou sur leur connaissance du code du travail.

J’ai reçu la même lettre que vous sans doute : renseignements pris, elle provient de quelqu’un qui considère que les avocats manquent de clients. Tenons-nous en à cette disposition qui, en outre, coûtera moins cher aux salariés.

M. Alain Vidalies – Qu’un avocat intervienne sur cette question pourrait déclencher la suspicion. Mais il me semble qu’en s’inspirant d’une disposition qui prévoit la présence d’un délégué syndical ou d’un conseiller du salarié à l’entretien préalable au licenciement, les partenaires sociaux sont allés un peu vite en besogne.

Ce qui est en jeu lors de l’entretien préalable, c’est de tenter d’éviter le licenciement. Lors de la rupture conventionnelle, il s’agira d’organiser les conditions de la séparation et la présence d’un professionnel extérieur – y compris pour l’employeur – pourra représenter un avantage. C’est une possibilité, une liberté supplémentaire, et non une obligation que prévoit l’amendement.

Notons aussi que les organisations syndicales ou les délégués syndicaux ne se privent pas de faire appel à des avocats.

L'amendement 120, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteurL’amendement 10 est rédactionnel.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30

La séance est levée à 20 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Le compte rendu analytique des questions au Gouvernement
est également disponible, sur Internet et sous la forme d’un fascicule spécial,
dès dix-huit heures

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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