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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 17 avril 2008

Séance unique
Séance de 9 h 30
146ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à 9 heures 30.

DÉBAT SUR LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES

L'ordre du jour appelle le débat sur la révision générale des politiques publiques.

M. le Président – L’organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe UMP, la parole est au premier de ses orateurs inscrits.

M. Jean-François Copé – Le groupe UMP a décidé de mettre à l’ordre du jour un débat sur la révision générale des politiques publiques – RGPP –, pour témoigner de la volonté des parlementaires de se mêler pleinement de la réforme de l’État, d’abord parce que la RGPP concerne toute la nation et ne peut être réduite à un thème de colloques pour spécialistes, ensuite parce qu’elle n’est pas seulement un processus administratif, mais aussi un enjeu politique. Mettre la RGPP au cœur du débat démocratique, c’est rendre un grand service à la réforme de l’État, car c’est le meilleur moyen d’éviter deux écueils : celui qui consiste à aborder les différents aspects de la gestion publique sans dire à quelle vision de l’État on se réfère, celui qui consiste à s’affronter sur des conceptions idéologiques en oubliant de répondre à la question : qu’est-ce qu’un État efficace ? Nous voulons sortir de ce cercle vicieux, et c’est tout l’intérêt de la démarche engagée par le Gouvernement.

Nous ne nous trouvons pas devant une page blanche. En 2001 était adoptée la loi organique sur les lois de finances ; la gauche était au pouvoir et la droite dans l’opposition, mais elles s’étaient toutes deux retrouvées pour faire passer l’intérêt national avant les logiques partisanes. En 2008, c’est la droite qui est au pouvoir ; la gauche saura-t-elle retrouver l’esprit de la LOLF et nous rejoindre ? C’est un sujet qui appelle de la pédagogie, non de la démagogie.

La pédagogie, tout d’abord. Redire le sens et les objectifs de la RGPP est, non pas une perte de temps, mais une condition du succès. On ne conduit pas une RGPP par plaisir ou idéologie, mais parce que c’est indispensable. Nos finances publiques connaissent des difficultés structurelles depuis plus de vingt ans. L’État a pris la fâcheuse habitude de dépenser plus qu’il ne gagne, sans que les résultats soient au rendez-vous. La dette publique a quadruplé. Cela ne peut pas durer ; la stratégie confortable de la dette est extrêmement coûteuse à long terme.

Mais même si notre budget était excédentaire, la RGPP resterait nécessaire. Je la considère comme une hygiène de vie, de la même manière que l’on fait du sport pour garder la ligne, que l’on se forme pour rester en pointe dans son travail, que l’on s’entraîne pour battre des records. Cette démarche remet en permanence le citoyen au cœur du système. C’est ainsi que nous redonnons des perspectives et des marges de manœuvre aux fonctionnaires, qui sont les premières victimes de l’asphyxie de l’État. La RGPP est le meilleur moyen de préparer l’avenir. Il ne faut pas, dans ce domaine, avoir peur de mener des réformes structurelles.

La méthode, ensuite. La RGPP ne peut pas être une usine à gaz, un objet technocratique échappant au contrôle politique. Je salue le courage du Président de la République, comme celui du Premier ministre et du ministre du budget, qui s’engagent dans une démarche plus difficile que celle qui consiste à accorder de fausses prestations gratuites, qui doivent être payées un jour ou l’autre ; car il est plus courageux de dire qu’il faut dépenser mieux, donc dans certains cas dépenser moins, que d’offrir une semaine de congés payés gratuits ou bien, comme du temps de M. Jospin, une demi-journée payée supplémentaire, avec les 35 heures.

Cet engagement politique commande une méthodologie rigoureuse, une grille de lecture claire : quelles missions pour la RGPP ? Quels objectifs ? Comment l’administration s’y prend-elle pour les atteindre ? Avec quels résultats ? Les domaines de la formation professionnelle, de la prime pour l’emploi, des aides aux entreprises sont un champ majeur d’expérimentation.

M. Jean-Pierre Brard – Un champ de mines !

M. Jean-François Copé – Il faut impérativement regarder ce qui se fait à l’étranger, pour sortir de nos débats franco-français. Lorsque j’étais ministre en charge de la réforme de l’État…

M. Jean-Pierre Brard – Quel mauvais souvenir !

M. Jean-François Copé – …, je m’étais beaucoup inspiré de l’exemple canadien pour lancer les audits de modernisation, et nous avions imaginé le « service Canada », où chaque citoyen peut faire toutes ses démarches administratives par Internet et s’adresser à un guichet unique. Mais il n’y a pas que le Canada : les pays scandinaves, par exemple, ont su se doter d’un service public de qualité.

Enfin, la RGPP ne marchera que si la représentation nationale y est pleinement associée. Lorsque les députés ne sont ni informés, ni associés à la prise de décision, les projets ne suscitent pas toujours l’enthousiasme. Au contraire, lorsqu’ils sont informés, le projet est porté avec un enthousiasme parfois si contagieux que certains députés de l’opposition en sont pris.

M. Jean-Pierre Brard – Vous êtes informés, mais vous n’avez pas voix au chapitre !

M. Jean-François Copé – Parce que nous avons un ancrage local, nous devons être partie prenante des réformes qui touchent les territoires : pas question de créer un désert de services publics, l’aménagement du territoire doit être en première ligne. Parce que nous sommes au contact avec nos concitoyens, que nous avons vocation à les écouter et à leur expliquer les réformes, il nous faut être consultés et associés le plus en amont possible. Comment le faire sans rogner sur les prérogatives du Gouvernement ? Outre la participation du rapporteur général et du président de la commission des finances, il faut élargir les prochaines réunions en impliquant chaque fois un député spécialiste de la politique publique examinée. En outre, je souhaite la création d’un comité d’évaluation et de contrôle au sein de l’Assemblée, et j’espère que la révision institutionnelle sera l’occasion de faire avancer cette proposition.

Les temps ont changé. Les Français attendent les réformes qu’ils craignaient autrefois. Ils souhaitent préparer l’avenir de leurs enfants. Ils soutiendront les réformes à condition qu’elles soient justes, bien expliquées et qu’elles portent leurs fruits rapidement. Monsieur le Premier ministre, le groupe UMP sera très impliqué (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. François Fillon, Premier ministre  Depuis onze mois, avec le Président de la République, nous invitons notre pays à se moderniser et les Français à se retrousser les manches, à la conquête de la croissance et du plein emploi. La difficulté de notre tâche, mais aussi sa cohérence, est de devoir tout faire dans un même élan : libérer notre économie, reconstruire notre contrat social, remettre nos finances publiques à flot. C'est l'ensemble d'un modèle, largement issu des Trente glorieuses, qui est à renouveler.

Il faut rompre avec un système qui nous a conduits à travailler de moins en moins et sortir d'un cycle qui nous a amenés à nous endetter de plus en plus. Il s'agit d'augmenter nos capacités de production, qui n'ont cessé de se réduire, pour répondre à nos ambitions sociales, qui n'ont cessé de s'accroître. Il s'agit enfin, d'aller chercher d'une main la croissance, et, de l'autre, de tenir les dépenses.

Au cœur de tous ces défis, il y a l'État.

L’État qui arbitre, qui assure l’unité républicaine, qui garantit la cohésion sociale, qui investit sur les secteurs stratégiques. Je suis pour un État fort et respecté, et c’est la raison pour laquelle je suis contre un État mal administré, surpeuplé, endetté, donc paupérisé.

Ceux qui disent que la RGPP est un tournant politique ont à la fois tort et raison. Ils ont tort parce que nous avons lancé la réforme de l’État – promise pendant la campagne présidentielle – dès le 10 juillet 2007. La RGPP n’est donc pas une volte-face : c’est un engagement que nous avons pris et que nous tenons. Mais ils ont en même temps raison, car personne n’avait encore fait en France ce que nous sommes en train de faire. Après les deux conseils de modernisation qui se sont tenus autour du Président de la République le 12 décembre 2007 et le 4 avril dernier, et avant le prochain qui aura lieu en mai, nul ne doit douter de notre détermination. Nous refusons le fatalisme de l’État impuissant, le désenchantement de l’État immobile, le fossé entre une France des salariés et des entreprises constamment appelée à se remettre en cause et une France du service public exemptée de toute adaptation. Aujourd’hui, l’État gaspille ses ressources en poursuivant des politiques qui n’atteignent plus leurs objectifs ; il se disperse dans des structures qui ont été conçues avant l’informatique et la décentralisation. Ses agents – qui font sa force et sa richesse – continuent d’être gérés dans un système où prévalent la rigidité des frontières entre les corps et les ministères, l’automaticité des avancements, le refus de toute souplesse. L’idéal français, ce n’est pas un État qui accorde des aides sans distinction et qui est désarmé lorsque l’urgence devient réelle ; ce n’est pas un État qui entretient trente structures locales héritées du passé sans prendre en considération les nouveaux enjeux de notre époque ; ce n’est pas un État qui ne sait mener des politiques qu’en augmentant les moyens à structure constante quels que soient leurs résultats.

Quand le logement social peut bénéficier à 70 % de la population tandis qu'une majorité des plus démunis est contrainte de se loger dans le parc privé, nul ne peut nier que cette politique a au moins partiellement failli.

Quand les enjeux du développement durable sont partagés entre quatre ou cinq ministères et autant de directions locales, ils ne peuvent être efficacement appréhendés.

Quand les moyens du système éducatif ne cessent de croître depuis quarante ans et que ses résultats s'effritent d'année en année, c'est que son organisation et ses buts ne sont plus adaptés.

Quand les aides aux quartiers en difficultés sont dispersées sur tout le territoire, mais que les problèmes les plus lourds perdurent, c'est que les structures et les moyens ne sont pas efficacement agencés.

Quand le calcul et la perception de l'impôt sont partagés entre deux administrations et deux réseaux distincts, et que le service rendu au contribuable reste complexe et difficile d'accès, c'est qu'il y a des marges d'amélioration.

Quand l'État consacre plusieurs dizaines de milliards d'euros à aider les entreprises quels que soient leur taille, leurs résultats ou leur projet, et que dans le même temps, la position relative de la France à l'exportation se dégrade, on doit s'interroger sur l'allocation des ressources.

L'État ne peut rester efficace s'il ne se réforme pas en permanence. Pendant trente ans, nous l’avons oublié. Nous avons vécu sur notre héritage au lieu de regarder les réalités en face. « Toujours plus au lieu de toujours mieux » : telle a été notre devise.

Croit-on que l'État peut encore être efficace avec une dette publique qui croît sans cesse ?

M. Gérard Bapt – Très bien.

M. François Fillon, Premier ministre  Pense-t-on qu’il pourra aider ceux qui en ont vraiment besoin en cumulant pendant encore des années des déficits ? Avec le Président de la République, nous avons pris l'engagement de remettre nos finances publiques en ordre d'ici à 2012 : tout sera fait pour cela.

Ce n'est pas un objectif comptable, mais un objectif d'intérêt général. Un pays qui dépense plus qu'il ne gagne, qui vit artificiellement au dessus de ses moyens, est un pays moralement faible, économiquement vulnérable et socialement suicidaire.

Tous les pays qui ont su vaincre le chômage ont diminué le poids de leur dépense publique. Du début des années 1990 à aujourd'hui, il est passé de 52 % à 40 % du PIB au Canada, de 62 % à 56 % au Danemark, de 46 % à 38 % en Nouvelle-Zélande, de 56 % à 49 % aux Pays-Bas, de 73 % à 54 % en Suède. En France, les dépenses publiques ont connu une évolution inverse : en vingt-cinq ans, elles sont passées de 44 % à 54 % du PIB.

N’est-il pas temps de reconnaître que l’on ne peut continuer comme cela ?

Tous les pays qui se sont réformés ont modernisé et resserré leur fonction publique. Au début des années 1990, en trois à cinq ans, les effectifs des fonctionnaires d'État ont baissé de 22 % en Australie, de 20 % en Grande-Bretagne, de 17 % aux États-Unis, de 14 % en Espagne, de 38 % en Suède, de 7 % en Italie. La réduction du nombre des fonctionnaires n’est pas une réforme en soi, mais elle est nécessaire pour rationaliser les structures, optimiser leur fonctionnement, améliorer et mieux récompenser le travail des agents, et enfin dégager des marges de manœuvre financières. Car faute de réformes, celles-ci sont asphyxiées par le coût de fonctionnement de l'État et le remboursement de la dette, qui est désormais l'un des premiers postes budgétaires de la nation.

En France, l'État a aujourd'hui 300 000 fonctionnaires de plus qu'au début des années 1980, et cela malgré l'informatisation de nos administrations et la décentralisation. L'équilibre budgétaire n’a jamais été atteint depuis 1974. En 1980, notre dette publique représentait 20 % du PIB ; elle en représente aujourd’hui 64 %. Cet accroissement extraordinaire a-t-il fait de la France le pays à la plus forte croissance et au plus faible taux de chômage ?

M. Charles de Courson – C’est l’inverse.

M. François Fillon, Premier ministre  Jusqu'à quand cette hausse inexorable doit-elle perdurer ? Quand allons-nous, dans un sursaut trans-partisan, reconnaître collectivement la folie de cette évolution, son caractère insoutenable et dangereux ? Il faut ouvrir les yeux et avoir l’audace de reconnaître que nos partenaires ont été plus courageux et plus efficaces que nous, et qu'ils en tirent aujourd'hui les bénéfices.

Au Canada, en 1993, les finances publiques étaient dans une situation dramatique : le déficit public représentait 7 % du PIB et la dette publique 70 %. C'est le gouvernement de gauche dirigé par Jean Chrétien qui a lancé un réexamen complet des dépenses publiques, avec une méthode proche de notre RGPP. Des réformes profondes ont été menées dans un large consens national, qui a permis d'éviter tout conflit social majeur. Le résultat devrait nous faire réfléchir : un budget en excédent dès 1997, voté chaque année en équilibre depuis ; une dette ramenée en dix ans au niveau – stupéfiant pour nous – de 32 % du PIB ; une croissance moyenne du PIB qui est la plus forte du G7, avant les États-Unis ; un emploi qui a connu la progression annuelle la plus élevée du G7, avant les États-Unis ; un taux de chômage passé de 11 % à 6 % ; et malgré les baisses d'effectifs, une qualité des services publics en progression, comme en attestent toutes les enquêtes d'opinion.

En Nouvelle-Zélande, les réformes spectaculaires qui, à partir de 1984, ont transformé un pays exsangue en l'une des nations les plus prospères du monde, ont été lancées par un gouvernement travailliste. Les déséquilibres étaient considérables : la dette publique représentait 65 % du PIB, le déficit public 9 % ; le chômage atteignait 12 % de la population active. En dix ans, l'État a été totalement transformé. La dette publique est tombée à 30 % du PIB ; le déficit a laissé place à un excédent de 1 % ; le chômage a chuté à 5,5 % de la population active – 3,4 % aujourd'hui ; et la croissance s’est maintenue à plus de 3 % depuis cette date.

Les idéologues nous diront qu'il s'agit de pays à culture anglo-saxonne. Qu'ils regardent de l'autre côté des Alpes ! En Italie…

M. Jean-Pierre Brard – Oh ! Berlusconi !

M. François Fillon, Premier ministre  … en 1990, le déficit public atteignait 11 % du PIB, et la dette publique 125 %. Les Italiens ont mené une spectaculaire réforme de l'État. Alors que les socialistes français s'égaraient dans la réduction du temps de travail, Franco Bassanini, ministre du gouvernement Prodi de 1996 à 1998, conduisait une réforme historique de la fonction publique, instaurant la rémunération au mérite et amenant 80 % des fonctionnaires à passer volontairement sous un régime de droit privé. Résultat : un déficit public ramené à 1,7 % du PIB au début des années 2000 et une baisse de la dette de 20 points de PIB. Ces réformes qui nous paraissent impossibles ont été menées en Italie dans un large consensus politique.

En Nouvelle-Zélande, au Canada, en Suède, au Danemark, en Italie, au Portugal, en Espagne et partout ailleurs, on a compris que l'État devait se réformer pour rester utile à la nation. On a admis qu'un État trop lourd et mal géré était un frein à la prospérité. Dans tous ces pays, cette analyse de bon sens a rassemblé presque tous les partis politiques. Pourquoi n’en serions-nous pas capables en France ? (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP)

Chez nous, nous théorisons la réforme de l'État depuis longtemps et sur tous les bancs – et à la première action, nous nous divisons, nous hésitons, nous reculons. Des milliers de colloques, d’articles, de rapports et de conférences ont disserté sur le sujet. Tout cela pour esquiver les réalités. Certes, la réforme n'est pas facile. Personne ne dit qu'on peut trouver facilement 15 ou 20 milliards d’euros de dépenses inutiles ; personne ne dit que les économies ne demandent pas d'effort ni de remise en cause.

M. Jean-Pierre Brard – A qui ?

M. François Fillon, Premier ministre  Il est temps d'avoir le courage de le reconnaître. Il faut mener la réforme à bien. Cela se fera dans la concertation, la transparence, le dialogue, mais dans la plus grande détermination.

C'est bien pour cela que nous avons entrepris la RGPP. C'est une méthode nouvelle et efficace, qui a fait ses preuves ailleurs. Dans tous les secteurs, des équipes d'audit mixtes public-privé ont synthétisé les innombrables travaux existants. Elles se sont appuyées sur les rapports du Parlement et de la Cour des comptes, sur les audits de modernisation lancés par Jean-François Copé. Elles ont ainsi passé au crible toutes nos politiques publiques, en évaluant systématiquement leur légitimité, leur pertinence et leur efficience. Elles ont ensuite fait des propositions qui ont été discutées avec chaque ministère concerné, puis examinées par le comité de suivi de la RGPP.

Les deux conseils de modernisation ont permis de prendre les premières décisions de la RGPP. D'autres suivront le mois prochain. Ces décisions sont exceptionnellement riches. Celles du mois de décembre sont déjà largement appliquées. Elles font bouger les lignes et concrétisent un mouvement de réforme tous azimuts : les choses commencent à changer en profondeur.

L'organisation locale de l'État est en train d’amorcer une mutation historique : des administrations multiples vont être regroupées en pôles cohérents par grandes missions. Le travail avec les collectivités locales et le service aux administrés en seront améliorés.

Les administrations centrales sont réorganisées. De nombreuses directions sont rapprochées ou fusionnées : la quarantaine de directions du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire va être rassemblée en cinq grandes directions générales de métier.

La Direction générale des impôts et la Direction générale de la comptabilité publique ont été fusionnées avec succès, et la nouvelle structure a été inaugurée par le Président de la République le 4 avril.

Le rapprochement de la police et de la gendarmerie va permettre des synergies et une augmentation de notre potentiel opérationnel en faveur de la sécurité de nos concitoyens.

Les armées vont voir leurs fonctions de soutien transformées par une mutualisation des moyens. Nous allons créer de véritables « bases de défense », et les implantations de petite taille seront fermées après une discussion approfondie avec les collectivités territoriales concernées. Les économies ainsi dégagées seront réinvesties dans le fonctionnement et les équipements de nos forces armées.

La diplomatie va être réorganisée en l’adaptant aux nouvelles priorités stratégiques et géographiques : on ne peut accepter que des pays émergents n’aient pas une représentation à la hauteur des enjeux qu’ils représentent, alors que des moyens considérables continuent d’être affectés par tradition à d’autres. Notre politique du logement et la gestion du parc de logements sociaux vont être modernisées pour répondre aux besoins de nos concitoyens. De même, notre politique d'aide aux entreprises, tout comme celle de l'emploi et de la formation professionnelle seront adaptées pour concentrer nos efforts sur ceux qui en ont réellement besoin.

Les fonctions de gestion de l'État comme la paye, l'immobilier, les pensions, les achats, sont profondément réorganisées et modernisées. Des procédures inutiles, des doublons, des structures inefficaces sont supprimés. Partout, nous simplifions, nous adaptons, nous recentrons l'État sur ses missions prioritaires, nous le rendons plus accessible et plus proche des citoyens. Le visage de l'État change enfin !

La gauche dénonce une prétendue « logique quantitative », mais n’est-ce pas elle qui l’adopte quand elle fait croire que le service public a besoin de toujours plus de moyens ? Depuis 25 ans, on a recruté toujours plus de fonctionnaires, sans pour autant l’améliorer ! Il est temps de passer à une logique qualitative, en considérant la fonction publique comme une richesse humaine, non comme un contingent arithmétique et un corpus juridique.

Ceux qui sautent sur leur chaise comme des cabris en criant « la rigueur, la rigueur! » veulent-ils bien se souvenir de 1983, année de la première régulation budgétaire, avec son cortège de gels et d'annulations de crédit – 20 milliards ! –, du gel des prix et des salaires, du lancement de la désinflation compétitive ? Cette rigueur-là, la vraie, fut adoptée en catastrophe par un pouvoir socialiste aux abois, pour pallier les conséquences d'une politique extravagante qui menait la France au bord du gouffre, avec 13 % d’inflation en 1982. La méthode des socialistes au pouvoir, c'est d'abord le laxisme, ensuite la rigueur. Pour nous, ce ne sera ni l'un ni l'autre !

Quand elle ne précipite pas le pays dans l'impasse, la gauche s'évertue à dilapider les fruits de la croissance et à dépenser sans compter. C'est ce qu'elle a fait en 2000 en se prenant les pieds dans le tapis de la fameuse « cagnotte » : souvenons-nous du plan d'allégement d'impôts pour la période 2001-2003, annoncé en fanfare le 31 août 2000 : 20 milliards d’euros sur trois ans ! Conséquence de ce plan que les mêmes qualifieraient aujourd'hui d'ultra-libéral : une aggravation du déficit du fait du ralentissement de la croissance. Et l’on veut nous donner des leçons d'économie !

Qu'a fait la gauche pour réformer l'État quand elle a été au pouvoir ? Rien ! En revanche, elle s'est montrée d'une créativité sans limites pour désorganiser les administrations, pour accabler les fonctionnaires de règles incompréhensibles et démotivantes, pour semer le désordre et la consternation à l'hôpital avec les 35 heures obligatoires. Aujourd'hui, que nous propose-t-elle ? Sur les 8,6 milliards qu'elle voudrait récupérer en supprimant les dispositifs de la loi TEPA – à l'exception du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts –, une moitié, soit 4,3 milliards, irait à la réduction du déficit, et l'autre à diverses mesures… dont le coût total dépasse 10 milliards ! C’est le chiffre qu’on obtient quand on prend sa calculette…

Nous n'avons pas été élus pour gérer le déclin et faire subir aux Français la tyrannie du statu quo, mais pour transformer la France, pour la remettre au premier rang des nations les plus prospères d'Europe. Réformer l'État, ce n'est pas une aventure technocratique, mais une mission historique : c'est transformer le modèle français pour le prolonger, c'est surmonter nos habitudes et nos corporatismes. Réinventer l'État, c'est nous réinventer collectivement. Si c'était facile, ce serait déjà fait. Cela ne l’est pas, et c’est pourquoi nous avons été désignés par les Français pour agir. Je vous demande donc de soutenir la révision générale des politiques publiques, clé du progrès de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Pierre-Alain Muet – Je remercie le groupe UMP pour ce débat sur la politique de rigueur, qui nous a permis d’entendre le Premier ministre tenir un discours surréaliste. Où étiez-vous, Monsieur le Premier ministre, entre 2002 et 2007, quand la France a augmenté sa dette de dix points de PIB, quand nos déficits ont dépassé la norme de 3 % tandis que les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires augmentaient ? N’étiez-vous pas au Gouvernement ?

Vous avez parlé des gouvernements de gauche étrangers qui ont réduit la dette et les déficits, mais dans notre pays, il n’y a eu en vingt ans qu’une seule période où la dette a baissé : c’est entre 1997 et 2002, sous le gouvernement Jospin. Quant aux déficits publics, ils sont passés de 3,5 % en 1997 à 1,5 % fin 2001 ! Qu’a fait ensuite le gouvernement auquel vous participiez ? Il a laissé dériver la dette et les déficits.

Nous, non seulement nous avions su les réduire, mais nous avions relancé la croissance, sans nous contenter d’en bénéficier comme vous le prétendez : la croissance mondiale n’était que de 3% entre 1997 et 2002, alors qu’elle a été proche de 5 % dans les années qui ont suivi.

La révision générale des politiques publiques aurait pu être une réflexion intelligente s'appuyant sur les audits de modernisation pour dégager des économies dans certains secteurs et redéployer les crédits dans d’autres. Mais vous avez transformé cet exercice en un plan de rigueur aveugle et brutale, neuf mois après nous avoir proposé celui de la dépense injuste et désinvolte !

Ce plan répond tout d’abord à l’objectif de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, qui est absurde et insultant pour les fonctionnaires. Nous, nous sommes en faveur de l’intervention publique et de l’efficacité publique ; notre pays a une fonction publique particulièrement efficace, que beaucoup de pays européens nous envient.

Sa seconde raison, c'est la situation budgétaire que vous avez créée par une politique économique inconséquente et incohérente. La France est en train de glisser vers un déficit excessif : un scénario présenté par notre rapporteur général pendant le débat budgétaire montrait bien que si la croissance ne dépassait pas 2 % en 2007 et 2008, nous franchirions la barre des 3 %.

Pendant la campagne présidentielle, les trois principaux candidats s'accordaient à dire que notre pays avait trois problèmes à résoudre : réduire ses déficits, investir massivement dans l'éducation et la recherche, redonner du pouvoir d'achat. Or cet été, en dépit de l’augmentation des prix, vous avez refusé d’améliorer le pouvoir d’achat des plus modestes en augmentant le SMIC et la PPE, tout en dilapidant 15 milliards dans une politique aussi absurde qu’inefficace. Quant à l’effort d’investissement dans l’éducation et la recherche, vous l’avez renvoyé au budget de l’automne, mais nous n’avions plus les moyens ; et vous avez annulé 7 milliards de dépenses, c’est-à-dire le peu qu’il y avait dans ce budget !

En revanche, pour les 15 milliards, vous n’avez eu aucune hésitation. Pourtant, si vous aviez appliqué les principes d'une révision des politiques publiques au paquet fiscal, vous n’en auriez retenu aucune des mesures ! Quand M. Sarkozy était ministre des finances, ses services lui avaient dit, déjà, que le dispositif des heures supplémentaires était « une usine à gaz qui aurait des effets incertains sur l'emploi et sur le pouvoir d'achat, mais un coût exorbitant pour les finances publiques ». C’est ce que nous avons pu vérifier avec l’étude de notre collègue Migaud…

La RGPP, c’est en réalité une rigueur généralisée pour le peuple, mais pas pour les plus fortunés de nos concitoyens qui ont bénéficié des cadeaux de l’été ; et ce que vous avez produit en neuf mois de politique économique, c’est un effondrement de la confiance de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. François Fillon, Premier ministre  C’est l’avenir de notre pays qui est en cause, alors tentons de travailler sur des chiffres exacts. Je ne sais pas où vous avez trouvé les 7 milliards d’annulation de crédits que vous avez évoqués. En revanche, vous n’avez pas parlé des 1,8 milliards de crédits supplémentaires inscrits dans le budget 2008 pour la recherche et l’enseignement supérieur. Le débat public n’en sort pas grandi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard – Philippe Palat, directeur de la rédaction au Midi libre, a raison lorsqu’il parle de « Fillon le discret » – c’est bien à lui que nous avons à faire aujourd’hui – par opposition au vibrion qui préside aux destinées de l’État ; en revanche, il se trompe lorsqu’il écrit que le torchon brûle avec sa majesté le Président : la fumée sert tout au plus à masquer un premier ministre soutier, à l’œuvre contre le peuple.

M. Copé a évoqué le consensus qui existait autour de la LOLF. Mais vous êtes en train d’en détourner l’objet – vérifier la pertinence des dépenses publiques – pour en faire un instrument de régulation et d’appauvrissement.

Le mimétisme, Monsieur le Premier ministre, n’a jamais été une politique. Autrefois, c’était Moscou ; aujourd’hui, c’est Ottawa, Montréal, Copenhague…

M. François Fillon, Premier ministre  C’est plus sympathique (Sourire).

M. Jean-Pierre Brard – … mais vous oubliez de dire la vérité, ce qui risque de vous mener droit à confesse (Rires) : vous parlez de la flexicurité, en omettant de préciser que les chômeurs danois sont indemnisés à 90 % pendant trois ans !

Vous essayez de parer des plus beaux atours une politique de rigueur qui, ailleurs, à Berlin ou à Londres, conduit à une paupérisation massive. Les soupes populaires, les retraités placés à la réception des hôtels, est-ce cela votre objectif ?

À quel prix atteindrons-nous l’équilibre, et pour qui ? Pour vos amis Forgeard, Gauthier-Sauvagnac, Lagardère ? Pendant ce temps, des scandales éclatent, comme celui de la vente des biens immobiliers appartenant au ministère des affaires étrangères, turpitudes que l’on a demandé aux fonctionnaires de dissimuler.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – C’est faux.

M. Jean-Pierre Brard – Il y a eu des tripatouillages entre le Quai d’Orsay et les agents immobiliers, et tout cela grâce à l’argent des Français.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Vous ne pouvez pas dire cela.

M. Jean-Pierre Brard – Il est dommage que vous n’apportiez pas une réponse plus circonstanciée, au risque de contredire M. Kouchner, qui a avoué devant la mission d’évaluation et de contrôle… mais il est vrai que désormais, un couac, et c’est la porte (Rires) !

Vous nous faites débattre de la RGPP mais les Français ne sont pas dupes de cette agitation. Eux pensent « lunettes », « carte de famille nombreuse », « allocations familiales » – à ce sujet, Nadine Morano, qu’il est difficile de faire taire, s’est empressée de faire des déclarations contraires aussitôt sortie du conseil des ministres. Les Français ne sont pas des sots. Ils regardent avec attention les mesures que vous avez prises et leurs conséquences sur le niveau de vie. Méfiez-vous, car ils appartiennent au pays de l’émotion et des jacqueries.

Quelle est la réalité de la politique gouvernementale ? On ne sait plus trop. Il est vrai que le Président de la République ne respecte plus guère une Constitution tombée « en désuétude », selon les mots du Premier ministre lors du débat sur l’Afghanistan.

M. François Fillon, Premier ministre  C’est la déclaration de guerre qui est tombée en désuétude !

M. Jean-Pierre Brard – Pourtant, l’article 20 dispose que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». Alors, comment expliquer aux petits voyous la nécessité de respecter la loi lorsque le Président de la République la viole chaque jour, à la façon du 18 brumaire ?

M. Éric Woerth, ministre du budget – La comparaison est osée !

M. Jean-Pierre Brard – Ce même Président veut venir prononcer sa litanie devant un Parlement qui n’aura d’autre choix que de se taire et de s’esbaudir devant ses saintes paroles !

La miraculeuse cure d’amincissement que vous voulez nous administrer succède à d’autres tentatives de réforme brouillonnes : stratégie ministérielle de 2003, audits de modernisation lancés par M. Copé en 2005, mission Attali dont de nombreuses recommandations portent sur les politiques publiques. M. Woerth recherche aujourd’hui la « règle d’or des finances publiques » … autant réconcilier Faust et Méphistophélès.

Il n’est pas difficile de comprendre que la RGPP a pour but de trouver des économies – avant que la Commission et nos partenaires européens ne se fâchent – pour combler le trou béant de 15 milliards creusé, toutes affaires cessantes, par la loi intitulée d’une antiphrase : « Travail, emploi et pouvoir d’achat ». Ce péché originel de la mandature de Nicolas Sarkozy est révélateur des choix politiques qu’il opère en faveur des privilégiés, ses amis : Lagardère, Bouygues, sans oublier les brillants intellectuels que sont Doc Gyneco et Johnny Hallyday.

M. François Fillon, Premier ministre  Vous les mettriez au Goulag !

M. Jean-Pierre Brard – Je les désignerais au peuple, car ils sont coupables de s’être enrichis sur le dos des pauvres gens. Les Français ont besoin de savoir qui est responsable de leurs fins de mois difficiles, et étant leur représentant, héritier de la Révolution et de Jaurès, j’utilise cette tribune pour le leur dire. Vous, vous ne les entendez pas.

La suppression du paquet fiscal devient une nécessité de plus en plus évidente. Le récent rapport de la commission des finances sur l’inefficacité des dispositions d’exonération des heures supplémentaires en est une nouvelle illustration, après les chiffres scandaleux sur l’impact du bouclier fiscal – 17 000 euros en moyenne pour chaque contribuable en ayant bénéficié en 2007, lorsqu’il était encore plafonné à 60 % des revenus ! Mes chers collègues, n’avez-vous pas honte d’avoir voté ce texte qui permet à ceux qui en ont le moins besoin de recevoir un tel cadeau ?

Les consommateurs saisissent de plus en plus souvent la DGCCRF, tant les prix augmentent. Mme Lagarde a dit qu’elle allait faire quelque chose. On ne sait toujours pas quoi, à part recevoir les grands patrons à l’heure du thé. Pour agir, il faut vous appuyer sur les services publics, qui sont les mieux placés pour faire des propositions.

La combinaison de la RGPP et du rapport Attali va, selon l’intersyndicale – vous avez au moins réussi à faire l’unité syndicale ! – désorganiser en profondeur les services du ministère de l’Économie. Dans le domaine de la santé, votre objectif est de mieux différencier ce qui relève de la solidarité et ce qui relève de la responsabilité individuelle dans le financement. Vous annoncez aussi une réflexion sur les soins mal couverts par l'assurance maladie – optique, dentaire, médicaments remboursés à 35 %. Mais de cela, vous n’avez pas du tout parlé.

La principale économie proviendra du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, soit 35 000 postes à partir de 2009. La suppression de 11 000 postes dans les établissements scolaires a provoqué une mobilisation générale qui prouve bien les dangers d’une vision comptable de la gestion des ressources humaines. On en attend 7 milliards d’économies en 2011, mais le Président de la République a promis que la moitié serait redistribuée aux fonctionnaires. Cela ne fera donc que 3,5 milliards d’économies nettes, à comparer aux 15 milliards du paquet fiscal, et pour les fonctionnaires, sur une masse salariale de 120 milliards, une augmentation de 3 %. C’est une aumône.

Monsieur le Premier ministre, Il faut changer de logique. Il ne faut pas réduire les recettes à un moment où l'Etat doit développer des politiques de solidarité. Il faut au contraire augmenter les recettes en supprimant tous les cadeaux inutiles, dangereux, insupportables, que vous avez faits. Il faut avoir de l’audace, comme en a eu le Gouvernement Jospin qui, de 1997 à 2002, a réduit les déficits et le chômage et fait reculer la misère (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Charles de Courson – La RGPP vise à maîtriser et à rationaliser les dépenses de l'État tout en améliorant l'efficacité et la qualité des politiques publiques. L’analyse approfondie des missions et des actions de l'État précédera la réforme. En décembre 2007, le conseil de modernisation des politiques publiques a présenté de premières orientations. Après sa seconde réunion le 4 avril dernier, le ministre du Budget a publié un rapport qui doit se traduire par 7 milliards d'économie d'ici à 2011 – disons plutôt 5 milliards nets – et une troisième réunion aura lieu en mai.

Les mesures touchent l'ensemble des ministères, des sujets transversaux et des grandes politiques d'intervention. Le Nouveau Centre soutient cette volonté du Gouvernement de rendre nos politiques publiques économiquement plus efficaces, socialement plus justes et budgétairement moins coûteuses.

Cela contribuera à une prise de conscience collective. Certaines mesures sont intéressantes, telles que l’abaissement de 10 % du plafond de ressources pour avoir droit à un logement HLM, la rénovation du 1 % logement, l’expérimentation d'un loyer progressif en fonction des revenus dans le parc HLM, ou encore l'extinction progressive du dispositif de « surpensions » versées aux fonctionnaires prenant leur retraite outre-mer sans y avoir exercé.

M. Jean-Pierre Brard – Cela représente quelques dizaines de milliers d’euros.

M. Charles de Courson – Cependant, le Nouveau Centre souhaite appeler votre attention sur trois points : pour réussir, il faut améliorer la pédagogie de la réforme ; il faut rendre plus lisibles les mesures proposées ; il faut que les réformes soient socialement justes.

D’abord, il y a un déficit de pédagogie. C’était une erreur que de ne pas impliquer suffisamment les parlementaires, y compris l'opposition, en amont à cette revue générale des politiques publiques. Ils sont de bons relais de l’opinion et peuvent dire comment telle mesure sera perçue sur le terrain. Le Nouveau centre souhaite donc que les propositions de réforme liées à la RGPP soient soumises à l’avis d’un comité de parlementaires de toutes sensibilités. La réforme ne réussit que si l’opinion y adhère.

Par exemple, fusionner la direction générale des impôts et la direction générale des comptes publics est une avancée historique, bénéfique pour nos finances et satisfaisante pour le contribuable. Une longue maturation a permis d’aboutir à un assez large consensus. Mais, je m’adresse ici à la gauche, quand M. Sautter a essayé de faire cette réforme, vous l’en avez empêché, au point qu’il a dû quitter le gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard – Vous n’étiez pas à la commission des finances à l’époque.

M. Charles de Courson – J’y suis depuis 15 ans.

M. Jean-Pierre Brard – Alors vous êtes amnésique.

M. Charles de Courson – De même, la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC a le soutien de l’opinion. Mais combien de rapports la préconisaient depuis 25 ans ? À chaque fois, la gauche s’y est opposée, car certains personnels étaient régis par un statut et d’autres par une convention collective. Pourtant, presque partout en Europe, il y a un service unique. C’est fait désormais. Ces deux exemples réussis prouvent l’importance de la pédagogie.

À l’inverse, c’est faute de pédagogie qu’on n’a pas réussi à supprimer la carte familles nombreuses. Depuis sa création en 1921, elle illustre une tradition de la politique familiale qui consiste à ne pas lier certains avantages sociaux au revenu. La droite et le centre l’ont toujours soutenue, appuyés par le parti communiste – c’est grâce à lui que, alors dans l’opposition, nous avons battu les socialistes sur les allocations familiales.

M. Michel Bouvard – Grâce à eux, on a battu Mme Royal !

M. Charles de Courson – Si l’on avait associé les parlementaires à la réforme, ils auraient su dire qu’il ne fallait pas toucher à cette tradition.

De même, pourquoi laisser se développer un débat sur le revenu de solidarité active et son avenir ? L’expérimentation est en cours depuis six mois, dans mon département par exemple. Il faut la laisser se poursuivre au moins deux ans avant d’examiner si une généralisation est souhaitable. C’est du reste l’attitude sage qu’a prise, finalement, le Gouvernement.

En second lieu, présenter un train de 166 mesures nuit à la lisibilité de la démarche pour l’opinion. En outre, nombre de ces mesures restent imprécises. Par exemple, tous ceux qui connaissaient la question demandent depuis longtemps le recentrage de notre réseau diplomatique. Mais le Gouvernement n’aurait pas dû annoncer, dans son dossier, la transformation d'une trentaine d'ambassades en postes diplomatiques, même si c’est une mesure de bon sens. Il aurait fallu présenter la liste des postes, les critères de choix et avoir le soutien de la commission des affaires étrangères, pour bien faire comprendre qu’il y a des endroits où les hauts fonctionnaires sont sous-employés. De même, pour la simplification des minima sociaux, des travaux très intéressants ont été menés, mais il ne faut pas faire d’annonce avant d’avoir fait mûrir la question et d’avoir convaincu l’opinion.

Plutôt que de présenter une liste un peu fourre-tout, il serait préférable que les mesures portent sur des grandes masses financières et soient bien identifiées pour ne pas avoir l’air de faire de petites économies, utiles certes, mais qui ne méritent pas d’être mises en avant. Les 166 mesures sont en effet d’ampleur bien différente.

Le Nouveau Centre vous a déjà proposé des mesures d’économie. C’est tellement rare, de la part des parlementaires !

M. Jean-Pierre Brard – Ce n’est pas vrai !

M. Charles de Courson – Nous nous battons depuis des années pour la mise sous plafond des niches fiscales, et même nos collègues de gauche reconnaissent que nous avons raison. Nous avons travaillé ensemble, le rapport est presque terminé : j’espère que le Gouvernement va nous suivre et que toute l’opposition va nous appuyer – y compris nos collègues de l’outre-mer ! Ça va être difficile, mais c’est une réforme juste.

Quant aux exonérations de charges sociales patronales, le Gouvernement va dans la bonne direction. Arrêtons de dépenser des dizaines de milliards pour des très grandes entreprises dont toutes les études montrent qu’elles les gardent pour elles ! Ce sont des mesures lisibles pour l’opinion publique : plus de justice et d’efficacité, moins de déficits publics… Tout le monde est d’accord ! Si vous concentrez les aides sur les PME, vous aurez le soutien de l’opinion publique. Appuyez-vous sur les travaux des parlementaires pour avancer !

Mais les réformes ne pourront aller sans une grande exigence de justice sociale.

M. Jean-Pierre Brard – Un sujet que vous ne connaissez guère !

M. Charles de Courson – Si l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite, par exemple, qui est absolument indispensable, ne s’accompagne pas de la revalorisation de la retraite minimale et des pensions de réversion des veuves, entre autres, nous ne persuaderons pas les Français de sa légitimité. L’opinion publique, largement informée par le Conseil d’orientation des retraites notamment, a heureusement beaucoup mûri dans ce domaine. Et s’agissant de l’assurance maladie, pourquoi ne pas moduler le montant du ticket modérateur en fonction du revenu ? Un euro symbolique pour les 20 % de nos concitoyens les plus humbles et un taux qui augmente ensuite ? Ce serait parfaitement compréhensible pour l’opinion publique.

Dernier point, qui figure hélas fort peu dans la réflexion du Gouvernement : la réforme des collectivités territoriales. C’est un sujet très difficile, mais une chose est sûre : on ne peut pas parler de dérive de la dépense publique locale sans poser la question des institutions. Nous sommes le seul pays à ne pas avoir réformé son réseau communal !

M. Jean-Pierre Brard – Et alors ?

M. Charles de Courson – Nous avons 36 000 communes, que nous avons essayé de contourner en créant des intercommunalités de plus en plus puissantes… Nous ne pouvons pas continuer de cette façon. Il faut avoir le courage d’ériger les intercommunalités en communes et de transformer les communes actuelles en sections, comme l’ont fait non seulement l’Allemagne, mais la Grande-Bretagne ou l’Italie. Et, pour rationaliser la dépense publique locale, il faudra également définir négativement les compétences de chaque niveau de collectivité. Actuellement par exemple, tout le monde s’occupe du tourisme : l’État, les régions, les départements, les offices du tourisme… Cela nuit à l’efficacité de la dépense publique. Enfin, du point de vue des recettes, il sera indispensable de réformer la fiscalité locale.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur de Courson.

M. Charles de Courson – Pour finir, la RGPP va dans la bonne direction. Elle permet de rationaliser la dépense, notamment dans des secteurs-clés comme le logement, la diplomatie ou la défense. Elle n’est cependant qu’une étape avant de parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2012, puisqu’elle ne devrait permettre qu’une économie de 7 milliards bruts sur trois ans, soit 5 milliards nets, alors que le déficit du budget de l’État est de 42 milliards. La réduction de la dette est l'affaire de tous : entreprises, État, partenaires sociaux... Elle n’est ni de droite, ni de gauche, ni publique ni privée et il faudra dépasser les clivages idéologiques en la matière. Je regrette que l’opposition n’y apporte pas sa pierre parce que si elle était au pouvoir, elle serait confrontée au même problème. C’est une affaire d’intérêt général.

Voilà ce qu’est pour nous une politique économique et sociale qui marche sur ses deux jambes : liberté économique et justice sociale. Voilà ce qu'est le Nouveau Centre : économiquement libéral, socialement juste et financièrement responsable. C’est dans cette optique qu’il soutient la RGPP (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP).

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Je me réjouis de la tenue de ce débat, à l’initiative du groupe UMP, car je crois nécessaire de pouvoir parler de ce sujet sans tomber dans la caricature. Je regrette seulement qu’il ait lieu un peu tard, alors que la démarche a été lancée dès l’été dernier. Le Gouvernement dit s’être inspiré de l’action menée dans de nombreux pays tels que le Canada, la Suède, la Finlande ou la Grande-Bretagne mais sous une autre dénomination. Le principe d’évaluation systématique de la dépense publique a déjà été gravé dans notre nouvelle constitution budgétaire en 2001. La LOLF modifie en effet profondément la conception de la dépense publique, en en faisant l’outil d’une politique dont l’efficacité doit être en permanence mesurée. Avec le principe de la justification au premier euro par exemple, la LOLF a mis fin à la distinction entre services votés et mesures nouvelles. Alors que le Parlement ne faisait auparavant qu’entériner la reconduction d’une dotation estimée indispensable pour poursuivre l’exécution du service public et ne se prononçait en fait que sur moins de 5 % du budget, le Gouvernement doit maintenant expliquer les tenants et les aboutissants de chaque politique, le cas échéant en modifiant l’existant. La nouvelle architecture budgétaire a aussi permis de mieux identifier les politiques publiques et de rassembler les dépenses qui y sont afférentes en s’affranchissant de la notion de ministère. La LOLF a également introduit l’idée de performance de l’action publique. Les ministres doivent désormais présenter un rapport annuel de performance, à rapprocher du projet qu’ils avaient élaboré.

J’approuve donc totalement la démarche de révision générale des politiques publiques. Si Ségolène Royal avait gagné, je pense que nous nous serions engagés dans la même direction. J’ai d’ailleurs apprécié toute la première partie des propos du Premier ministre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Comme nous apprécions le début de l’intervention de M. Migaud !

M. Didier Migaud, président de la commission La seconde partie me semble plutôt relever de la caricature, traduisant une conception passéiste du parti socialiste. Nous sommes favorables à la réforme, à l’évaluation, à la maîtrise de la dépense publique, à la réduction des déficits. Sous le gouvernement Jospin d’ailleurs, la dépense publique, les prélèvements obligatoires et l’endettement ont baissé, au moins dans les derniers temps. Si l’on croit à un État fort, on a besoin d’une évaluation permanente de l’action publique pour renforcer sa légitimité et favoriser le consentement à l’impôt.

La révision générale doit poursuivre trois objectifs : efficacité, qualité du service rendu et maîtrise des coûts, aucun ne devant être sacrifié aux autres. L’évaluation doit être le résultat d’un travail partagé entre l’exécutif et le Parlement, et c’est sur ce point que j’ai des inquiétudes. La recherche de la performance ne doit pas servir de prétexte à une remise en cause de l’action publique elle-même, à une réduction a priori de son périmètre. Les mesures proposées doivent être le résultat de l’évaluation, même si elles poursuivent les objectifs voulus par la majorité – on peut s’accorder sur les outils et différer sur les objectifs, c’est le sens du débat politique. Mais il en va différemment selon qu’on fixe au préalable un objectif de réduction de la dépense publique que la révision générale des politiques publiques vient justifier et selon que les économies résultent de la démarche d’audit.

Si certaines des mesures proposées vont dans le bon sens, d’autres ne résultent pas d’une évaluation, mais sont déduites a priori du seul dogme de réduction des dépenses publiques – ainsi du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, quel que soit son secteur d’activité.

Prenons l’exemple des récentes mesures relatives aux allocations familiales. Contrairement à ce que la presse indiquait ce matin, le Parlement ne les a pas approuvées : nos collègues de la commission des affaires culturelles ne les auraient pas acceptées sans débat public. De fait, dans son rapport, le rapporteur spécial sur la branche famille évoque bien l’intention gouvernementale de modifier les allocations, en accord avec les associations familiales, mais précise qu’il est difficile d’apprécier cette réforme sans connaître le barème qui sera proposé par voie réglementaire. Or il est indispensable d’associer le Parlement, en particulier les commissions des finances des deux assemblées ainsi que leurs rapporteurs spéciaux et pour avis, à l’évaluation préalable à la réforme. Car s’il est légitime d’accroître les aides auxquelles les enfants d’un certain âge ont droit, cette dernière ne doit pas résulter de la volonté a priori de réduire le soutien de l’État aux familles. Ces mesures doivent donc faire l’objet d’une véritable « coproduction législative » – pour reprendre les termes employés par le président du groupe UMP.

D’autre part, Monsieur le Premier ministre, n’opposons pas le qualitatif au quantitatif, reproduisant ainsi l’erreur de ceux qui, lors du fameux débat sur la « croissance zéro », prétendaient qu’il ne fallait pas rechercher la croissance à tout prix, mais viser la qualité – comme si celle-ci n’était pas souvent fonction du niveau de l’intervention publique ! (Approbation sur les bancs du groupe SRC)

Enfin, la réforme de l’État doit être plus ambitieuse encore : loin de s’arrêter au périmètre des dépenses budgétaires, la RGPP doit être étendue aux dépenses fiscales. Le groupe de travail que nous avons créé formulera des propositions en ce sens. De fait, s’il s’avère que la loi TEPA échoue à atteindre ses objectifs, il faut avoir le courage de la remettre en cause (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC).

MM. Gérard Bapt et Pierre-Alain Muet – Très bien !

M. Didier Migaud, président de la commission La démarche doit également être étendue aux dépenses sociales et à l’organisation de notre système de soins. Enfin, elle ne saurait laisser de côté les relations entre l’État et les collectivités territoriales, dont nous devons accroître la marge de manœuvre respective – de ce point de vue, je rejoins en partie les conclusions de M. de Courson.

M. Benoist Apparu – Tout à fait !

M. Didier Migaud, président de la commission Le partage des compétences entre État et collectivités doit être clarifié et le principe de responsabilité strictement respecté (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Charles de Courson – Oui !

M. Didier Migaud, président de la commission En un mot, oui à la RGPP, oui à la réforme de l’État, à condition d’y associer le Parlement et de respecter l’exigence de justice – or, de ce point de vue, beaucoup reste à faire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Réforme d’une ampleur inédite, la RGPP fait toutefois écho à des préoccupations anciennes. Loin de toute polémique stérile, je m’attacherai d’abord aux points de convergence. Comme M. Migaud vient de le rappeler, l’exigence d’évaluation s’est incarnée dès 2001 dans la LOLF, qui consacrait l’abandon du principe des « services votés » – c’est-à-dire de la reconduction automatique, chaque année, des politiques décidées – au profit de l’évaluation et du vote au premier euro. « Dépenser mieux en dépensant moins », tel était l’objectif fixé par M. Migaud dans le rapport du groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, présidé par M. Fabius.

Les stratégies ministérielles de réforme et les audits de modernisation ont prolongé cette démarche, que la RGPP ne fait qu’étendre, au-delà du seul fonctionnement de l’État ou de l’appareil productif, à l’intervention publique dans son ensemble, y compris lorsque l’État n’apporte qu’un cofinancement – ainsi de la formation professionnelle, de l’emploi, du développement des entreprises ou des politiques de la ville et du logement. En outre, toutes les dépenses publiques – 300 milliards pour l’État, 200 pour les collectivités locales, 450 pour les comptes sociaux – sont concernées, y compris, au-delà des seules dépenses budgétaires, les niches fiscales.

S’agissant des collectivités locales, c’est au sénateur Alain Lambert qu’a été confiée la mission de formuler des propositions dans le cadre de la RGPP, notamment sur les relations financières entre État et collectivités. On ne saurait donc prétendre que le Parlement a été exclu de cette démarche, même si celle-ci ne pouvait qu’émaner de l’État.

Quant à la méthode, aucune question ne doit être taboue – je prendrai tout à l’heure l’exemple de la politique familiale : ni le bien-fondé de la poursuite des politiques engagées, ni les moyens de les rendre le cas échéant plus efficace, ni la répartition des compétences entre ceux qui sont chargés de les appliquer. La méthode repose également sur de nombreux rapports, émanant en particulier du Parlement et de la Cour des comptes, et sur l’intervention d’équipes d’audit associant des fonctionnaires, issus notamment des corps d’inspection, et des consultants privés. À cet égard, je tiens à rendre hommage à Eric Woerth, qui, lorsqu’il était secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État, a été le premier à promouvoir cette approche quantitative, attentive à fixer des délais et associant l’expertise privée à l’action publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je me réjouis également qu’une réforme autrefois confiée à un secrétaire ou à un sous-secrétaire d’État dernier dans l’ordre protocolaire soit désormais conduite par le Conseil de modernisation sous l’égide du Président de la République, c’est-à-dire portée au plus haut niveau de l’État, comme en Grande-Bretagne, au Canada ou en Suède.

Enfin, la RGPP se traduit par des modifications de procédure : le Premier ministre vient de décider que la loi de finances pour 2009 serait préparée dans un cadre pluriannuel. En d’autres termes, le débat d’orientation budgétaire qui aura lieu au mois de juin portera non seulement sur 2009, mais également sur 2010 et 2011. La RGPP s’inscrit donc dans l’entreprise méthodique de retour à l’équilibre des finances publiques en 2012.

Cet objectif indispensable n’est pas inaccessible. Comme l’a rappelé M. le Premier ministre, la dépense publique – qui s’élève au total, je l’ai dit, à quelque 950 milliards – n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies, alors qu’elle a diminué dans les autres pays, notamment scandinaves. Il n’est donc pas question, Monsieur Migaud, de désengager l’État ou de supprimer des services publics, mais bien de dépenser mieux en dépensant moins ; il ne s’agit pas de réduire la dépense, mais simplement de ralentir sa progression en réduisant d’un point, en volume, une hausse qui atteint depuis plusieurs années 4 % par an, inflation comprise. Loin de se réduire à une démarche comptable, cet effort améliorera la qualité de nos services publics.

Ainsi de la fusion entre la direction de la comptabilité publique et la direction générale des impôts, envisagée dès les années 1990. Président de la commission des finances de l’Association des maires de France, j’avais apporté mon soutien au ministre alors chargé de la réforme, M. Christian Sautter (Rires sur les bancs du groupe SRC). Mais les esprits n’étaient pas mûrs – vous riez, Monsieur Muet, mais je tiens à votre disposition des exemples précis que pourra vous confirmer M. Sautter, à qui vous avez alors refusé votre soutien (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Désormais, la Direction générale des finances publiques peut voir le jour ; nos concitoyens, autrefois perdus entre les trésoreries et les directions des impôts, auront un interlocuteur fiscal unique et la mutualisation des moyens procurera des économies. C’est cela, dépenser mieux en dépensant moins !

Mais il faut aller plus loin. Le Conseil de modernisation des 12 décembre et 4 avril dernier a formulé des propositions. J’en prends un exemple. En dépit des lois de décentralisation Deferre en 1982 et Raffarin en 2004, les services territoriaux de l’État sont restés immuables ! C’est pourquoi les directions régionales passeront enfin de 35 à 8 ; et c’est l’honneur du Gouvernement de réussir ce dont tout le monde rêve depuis des décennies, à savoir la fusion des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, qui sera achevée d’ici à la fin de 2010 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Si ces sujets sont plutôt consensuels, la politique familiale, quant à elle, reste taboue : il n’y a qu’à voir la toute récente polémique concernant la carte famille nombreuse. Notre politique familiale est une immense réussite, dont témoigne le taux de natalité français, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire !

M. Hervé Mariton – Ni pour faire n’importe quoi !

M. Gilles Carrez, rapporteur général – La demi-part pour personne seule ayant élevé un enfant a été créée en 1945, au lendemain de la guerre. Aujourd’hui, elle conduit à des situations absurdes : si M. Dupont, divorcé de Mme Dupont, veut vivre avec Mme Durand, divorcée de M. Durand, se marier est pour eux extrêmement désavantageux car ils paieront 20 % d’impôt en plus pour un revenu annuel de 70 000 euros. Cette disposition pénalise donc le mariage, alors même que les crédits seraient mieux employés en faveur de la garde des jeunes enfants.

Je me réjouis que nous ayons ce débat. Une centralisation rigoureuse de la décision a été nécessaire à un moment, mais l’étape d’aujourd’hui doit être celle de l’association pleine et entière des parlementaires. Nous qui sommes attachés aux droits acquis et à l’histoire de ce vieux pays, nous devons mener un travail de pédagogie convaincant, dans un cadre aussi consensuel que possible. Si nous ne faisons pas évoluer notre pays, si nous ne parvenons pas à maîtriser la dépense publique, nos entreprises seront de moins en moins compétitives et le pouvoir d’achat des Français diminuera. Avec la RGPP, c’est l’avenir de notre pays qui se joue, et je souhaite de tout cœur qu’elle connaisse le succès. Pour cela, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre du budget, nous vous faisons confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

La séance, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 35.

M. Frédéric Lefebvre – Le Président de la République et les parlementaires ont pris deux engagements en matière économique : tout mettre en œuvre pour augmenter le pouvoir d’achat des Français et aller vers le plein emploi ; réduire les déficits publics pour parvenir à l’équilibre en 2012. Ces deux engagements sont loin d’être contradictoires, même si certains ont voulu le faire croire. Reconnaître que les caisses étaient vides n’est pas renoncer à défendre le pouvoir d’achat ou à soutenir la croissance et l’emploi. Lorsque je vois nos amis espagnols réfléchir à la distribution de l’excédent budgétaire ou que je regarde le niveau des dépenses publiques par habitant en Allemagne, je ne peux m’empêcher de me dire que 150 milliards d’euros auraient pu être distribués aux Français si nous avions avancé au même rythme. Il est donc stupide d’opposer la politique de réformes – qui a pour but de faire faire des économies de gestion à l’État – au pouvoir d’achat des Français. C’est leur mentir, ou ne rien comprendre à la situation !

Le Président de la République s’est investi personnellement dans la RGPP. Comment soutenir que l’État n’aurait pas besoin de faire des économies ? J’ai d’ailleurs apprécié les propos de Didier Migaud sur ces questions.

Rapporteurs spéciaux sur l’emploi, Gaëtan Gorce et moi-même avons fait plusieurs propositions dans un récent rapport. Nous proposons d’abord d’autoriser le Parlement à commander des évaluations au Centre d’analyse stratégique et aux autres services de l’État. Nous devons participer à l’évaluation des politiques publiques. Nous proposons également la création d’un pôle de compétitivité sur l’évaluation des politiques publiques et l’élaboration d’un programme annuel d’évaluation au Parlement. C’est à ce prix que nous atteindrons l’objectif que nous a fixé le Président de la République. Jean-François Copé et Didier Migaud l’ont dit, mais je veux le redire : il faut davantage associer le Parlement. Il faut « coproduire » la loi avec la majorité, sans que l’opposition soit laissée au bord du chemin.

M. Alain Rodet – Ah !

M. Frédéric Lefebvre – L’ouverture doit être de mise en la matière : nous avons besoin de faire des constats partagés pour assumer ensemble les réformes que nous attendons depuis longtemps. L’idée d’une « coproduction » dans la phase de transition qui nous sépare de la réforme des institutions est un bon moyen de trouver un équilibre. Une fois la réforme adoptée, exécutif et législatif joueront chacun leur rôle. Une démocratie moderne ne peut exclure l’opposition de l’élaboration de la loi.

C’est dans cette logique d’un Parlement « en initiative » que j’ai proposé plusieurs idées. J’ai évoqué un sujet sensible, celui de la Chaîne parlementaire. Un seul canal, deux chaînes avec deux équipes dirigeantes, leurs propres journalistes et leurs propres moyens, bref tout en double ! Il ne s’agit certes pas de remettre en cause l’autonomie de gestion du Parlement, mais tout de même… Deux budgets, deux émissions littéraires tournées dans les bibliothèques de l'Assemblée et du Sénat, deux émissions de débats qui se succèdent sur les mêmes sujets… Avant-hier à 21 heures, un débat très intéressant sur l’anorexie avait lieu sur LCP-AN, dans l’émission «Ça vous regarde», avec pour invitée Valérie Boyer. À 22 heures 30, l'émission « Bouge la France » de Public Sénat recevait la même Valérie Boyer pour parler de l’anorexie ! Le téléspectateur doit penser qu'on se moque de lui ! Autre exemple : la retransmission de l’audition de Daniel Bouton par la commission des finances a été interrompue la semaine dernière au profit de l'émission consacrée à la BD par le Sénat ! Il me semble que nous serions tous d’accord pour que la Chaîne parlementaire réponde aux souhaits de nos concitoyens – et ce qu’ils veulent, c’est voir le Parlement débattre, comme en témoignent les chiffres d’audience des émissions de la Chaîne parlementaire.

Que nos amis du Sénat se rassurent, la parité sera maintenue. Doit-elle pour autant nous empêcher de mieux coordonner les programmes ? Je veux en tout cas rendre hommage à Richard Michel, président de la Chaîne parlementaire, qui a immédiatement réagi à cette proposition en reconnaissant qu’il fallait à la fois mieux montrer nos débats et mieux coordonner les programmes, et en annonçant des initiatives en ce sens.

J'ai également évoqué la fusion des trois autorités de contrôle dans le domaine financier : la démarche de vérité et de sincérité doit concerner l'ensemble des structures publiques. Lorsque le joueur est sous le contrôle de trois arbitres, il est toujours capable de trouver un angle mort. C’est la même chose en finance : la superposition des structures débouche sur la dilution des responsabilités.

Ma proposition de fusion de la Commission bancaire, de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles ne vise pas seulement à marquer les esprits ou à faire réagir les opérateurs de marché : elle devra aboutir. Je suis persuadé qu'il y a des économies à faire, et surtout des marges d'efficacité à trouver – l'affaire Kerviel en témoigne.

Je voudrais faire une nouvelle proposition qui concerne la presse écrite. Il n'est pas acceptable que l'impression et la distribution de la presse pèsent sur sa liberté et sur l'accès des Français à l'information. Là encore, il faut réfléchir à l'incohérence de la situation. Comment accepter que les journalistes soient moins payés que les ouvriers qui impriment les journaux ou les employés qui les distribuent ?

Mme Sandrine Mazetier – Il ne faut pas exagérer !

M. Frédéric Lefebvre – La concurrence doit jouer : il faut mettre fin au monopole du Syndicat du livre et au quasi-monopole des NMPP. Nos quotidiens nationaux coûtent cher : leur prix de vente, égal ou supérieur à un euro, est bien au-dessus de la moyenne italienne –0,65 euro – allemande – 0,52 euro – japonaise – 0,44 euro – ou américaine – 0,36 euro. Depuis les années 1970, il a augmenté deux fois plus vite que l'indice général des prix. Leur diffusion est l'une des plus faibles d'Europe.

Les aides directes à la presse représentent 178 millions d'euros, et les aides indirectes, à travers le taux réduit de TVA, 220 millions : au total, cela fait 400 millions. Notre presse coûte cher non seulement au lecteur – beaucoup plus que chez nos voisins –, mais aussi au contribuable. Les tarifs d'impression ne sont pas révisés à la baisse, alors même que l'État augmente sa contribution. Loin de moi l'idée qu'il ne faille plus aider la presse. Au contraire, car nous avons besoin d'une presse dynamique. Mais nous devons revoir totalement les conditions de sa diffusion et de sa fabrication.

Monsieur le ministre, je voudrais aussi vous féliciter de votre action contre la fraude – qui est estimée à 40 milliards, soit exactement la charge annuelle de notre dette publique. Moderniser notre système de lutte contre la fraude, est-ce pratiquer la rigueur, Messieurs les socialistes, ou est-ce réformer ?

Quelques mots encore sur les heures supplémentaires. Les socialistes avaient promis de créer 700 000 emplois avec les 35 heures entre 1997 et 2002 ; ils n’en ont créé que 350 000, selon les chiffres de l'INSEE et de la DARES, et à coup de dizaines de milliards d'euros. Nous, en un an, avec quelques milliards seulement, nous en avons créé 328 000, chiffre record ! Et, alors que les salaires étaient bloqués du temps des socialistes, nous les faisons augmenter. Comment parler de rigueur, alors que nous payons plus les heures supplémentaires, que la réforme du RSA va permettre de donner plus aux exclus et aux travailleurs pauvres – sur ce sujet, objet ce matin d’un petit déjeuner du groupe UMP avec M. Martin Hirsch, je suggère à nos collègues que nous travaillions ensemble plutôt que de nous affronter –, et que nous allons augmenter les petites pensions ?

Le meilleur moyen d'empêcher la rigueur, c'est la réforme, pour que l'État dépense moins et mieux, pour que les contribuables honnêtes ne subissent plus le poids de la fraude et pour que nos concitoyens qui en ont le plus besoin soient aidés plus que les autres. J’aimerais que les socialistes, au lieu de pratiquer la caricature, s’associent à cette démarche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Derosier – De même que Diafoirus, le médecin du Malade imaginaire, désignait le poumon pour expliquer tous les maux de son patient, la RGPP est présentée par la majorité comme la solution à toutes les difficultés. En réalité, il s'agit d'abord de choix politiques ; or, ceux-ci ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens.

On nous promet une réforme sans précédent de l'État, qui permettrait l'équilibre budgétaire à l'horizon 2012 – ce qui fait d’ailleurs un retard de deux ans sur les promesses faites pendant la campagne présidentielle –, donnerait aux administrations les moyens de s'adapter aux besoins des usagers et valoriserait le travail des fonctionnaires. La RGPP est devenue la panacée.

M. Hervé Mariton – Si seulement !

M. Bernard Derosier – Sans vouloir jouer les briseurs de rêve, nous ne partageons pas cet enthousiasme. Il est normal de réfléchir aux moyens de faire des économies, mais cela ne doit pas se faire au détriment du service rendu par l'État ou des missions dévolues aux collectivités territoriales.

Le concept de révision générale des politiques publiques est inquiétant d'abord par la méthode : le recours à des consultants extérieurs est devenu la règle ; les hauts fonctionnaires des administrations concernées sont démotivés, les ministres eux-mêmes ne sont pas associés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

De plus, la réforme de l'État est abordée sous le seul angle budgétaire. La mesure de la productivité, mesurée par les dépenses de personnel rapportées aux dépenses totales de l'État, en est devenue l'alpha et l'oméga, sans souci d'évaluation de la qualité du service public et sans réflexion préalable sur les besoins de nos concitoyens.

Si l’on ne peut considérer l'augmentation de l'emploi public comme un gage d'amélioration du service rendu au public, il est absurde de faire de sa réduction la solution pour améliorer l’efficacité de l'État ; pourtant, le Gouvernement s’en tient à une approche purement comptable et idéologique. En outre, tout en se déchargeant sur elles, l’État ne donne pas collectivités territoriales les moyens de développer de vrais services publics locaux.

Le Premier ministre a affirmé le 10 octobre 2007 : « La réforme de l'État supposera que chacun d'entre nous accepte qu'il y ait moins de services, moins de personnel, moins d'État sur son territoire ». Cette vision est proprement inacceptable. Vous avez le droit d’être favorables à la privatisation de nos services publics, mais dites-le clairement, et le débat, alors, sera sincère.

Par ailleurs, à force de vouloir introduire souplesse et flexibilité dans la gestion des emplois et des carrières, le risque est grand de faire éclater le statut de la fonction publique. Or l'État n'est pas un prestataire de services comme un autre, et l'intérêt général ne peut être réduit à la seule exigence de productivité. Je m'étonne de la précipitation dont fait preuve le Gouvernement, notamment avec le projet relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ; il ne tient compte ni des conclusions des concertations engagées depuis le mois d'octobre, ni de la publication annoncée d’un livre blanc. L'objectif est limpide : il s’agit avant tout de diminuer le nombre de fonctionnaires de l'État, ce qui fait craindre le démantèlement de nombreuses administrations. On prépare ainsi une nouvelle ère de privatisations : les services rendus aujourd'hui par des fonctionnaires devront être assurés par d'autres – qui ne seront pas des mécènes ! Et cela coûtera finalement plus cher à nos concitoyens. Nous assistons à une vaste opération de destruction des fondements du service public et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Rien que ça !

M. Bernard Derosier – La RGPP est l'arme du Gouvernement pour s'attaquer aux fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière, tout en reportant sur les collectivités locales une charge financière toujours plus lourde.

Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : la réforme de l'État est nécessaire, tout simplement parce que l'État est un corps vivant, qui doit s'adapter aux évolutions. Si cela contribue à réduire le déficit et la dette, c'est une bonne chose. Mais que le Gouvernement se défausse sur d'autres en feignant d'assumer sa responsabilité n'est pas acceptable.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Où avez-vous entendu cela ?

M. Bernard Derosier – Or on entend depuis quelques mois les thèses les plus farfelues: un jour on ambitionne de supprimer l'échelon départemental, le lendemain on accuse collectivités territoriales et les EPCI d'être seuls responsables de la dégradation des finances publiques… Les justifications affichées de la RGPP ne sont que rideau de fumée : on doit s'attendre à des décisions lourdes pour les collectivités.

Déjà, dans les relations financières entre l’État et les collectivités, le pacte de croissance et de solidarité a été remplacé par un contrat de stabilité dont l'enveloppe est indexée sur la seule inflation. Plus grave encore, le Gouvernement décrète une inflation limité à 1,6 %, alors même qu’on vient d’annoncer officiellement 3,2 %...

S’agissant enfin de la réforme de la fiscalité directe locale, qui pourrait être décidée dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, il faut souligner deux risques majeurs : un nouvel abaissement du plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle, et la réduction de l'autonomie fiscale des collectivités. Celles-ci risquent ainsi d’être incitées à remettre en cause nombre de leurs actions, qui viennent pourtant compenser le désengagement de l’État.

Nous sommes face à des enjeux majeurs pour notre pays. Quel avenir pour la décentralisation ? Quelle place pour l’État et les collectivités territoriales ? Quelle vision pour les services publics ? À ces questions, la gauche a des réponses que je n’ai pas le temps de développer, mais qui sont bien connues. On ne saurait en tout cas se satisfaire des expédients de la RGPP, qui sont en totale contradiction avec le principe de libre administration et avec l’esprit de la décentralisation engagée il y a plus de vingt-cinq ans.

En détériorant la qualité des services publics, en déconsidérant le travail des fonctionnaires et en remettant en cause la liberté des collectivités territoriales, vous allez à l’encontre de l’objectif affiché de modernisation de l’État (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Hervé Mariton – Oui à la RGPP : nous n’avons pas le choix, et nous la souhaitons. Notre objectif et notre engagement, c’est le retour à l’équilibre budgétaire en 2012 ; et le Premier ministre a fort justement employé tout à l’heure l’expression de « remise en ordre » de nos finances publiques. Aux 10 milliards d’économies qu’il faudra accumuler année après année, la RGPP apportera sa contribution ; et au-delà de cet objectif budgétaire, nous avons la volonté d’améliorer l’efficacité de l’État et le service rendu à nos concitoyens.

La RGPP, c’est un impératif, doit soutenir la politique de création de richesses, ce que fera aussi la Révision générale des prélèvements obligatoires.

La méthode gouvernementale est forte de l’expérience acquise et des progrès réalisés ces derniers mois. Depuis les travaux de décembre, on peut constater que les analyses se sont enrichies, que les sujets d’étude se sont affinés. Toutefois, je me permettrai un certain nombre de critiques, tant sur le fond que sur la forme.

La présentation très technique de la modernisation des ministères, premier volet de la RGPP, est pour le moins curieuse. J’en veux pour preuve la réforme du ministère de la justice, justifiée par l’encombrement des tribunaux. Son intitulé recouvre, entre autres, la déjudiciarisation du divorce, une réforme profonde qui touche au droit de la famille, une réforme donc politique. Il s’agit là d’une maladresse de forme et d’un problème de fond.

Je constate que la réforme des politiques d’intervention, deuxième volet de la RGPP, fait l’objet d’une certaine prudence : des sujets, ouverts en décembre, ont été depuis refermés. Il serait de bonne politique que le Parlement puisse en discuter en amont, car elle ressort davantage de sa compétence que la modernisation des ministères, qui est du domaine de l’exécutif.

La RGPP s’enrichit constamment, et il faudra bientôt l’articuler avec la mise en œuvre d’un certain nombre de recommandations du rapport Attali. Mais déjà, l’on sent quelques résistances. Je pense notamment aux préfectures. La fusion entre les DDE et les DDA est à l’ordre du jour et ne provoque pas de grands remous ; il faut aller plus loin et s’attaquer à l’architecture préfectorale, ne pas se contenter du secondaire mais s’attacher au principal. Pourtant, je crois déceler à ce sujet beaucoup de pudeur et de discrétion.

La question de la décentralisation et des relations entre l’État et les collectivités locales doit être approfondie. La part que doit prendre le Parlement à la préparation de la RGPP doit être mieux définie – notamment le rôle des rapporteurs spéciaux. Il faudrait aussi mieux hiérarchiser les sujets et mieux évaluer les propositions.

Vous soulignez qu’il ne peut y avoir d’économies réelles sans changement de politique. C’est vrai, mais cela doit se faire en accord avec la majorité. Vous voulez un État recentré sur ses besoins, et ce, dans un souci d’équité. Mais « équité » ne signifie pas « égalité », et je ne souhaite pas que l’on remplace le deuxième terme de notre devise républicaine.

Ce n’est pas un débat théorique : chacun a en tête ce qui s’est passé la semaine dernière au sujet de la carte de famille nombreuse. La RGPP de décembre suggérait de passer d’un système de transferts horizontaux à un système de transferts verticaux, de la même manière que le rapport Attali proposait une mise sous condition de ressources à laquelle notre groupe est opposé. Tout cela ressort de l’équité. Pour ma part, je préfère que l’égalité demeure le principe général d’organisation de la République et de la réforme de l’État.

M. Jean-Frédéric Poisson – Très bien !

M. Hervé Mariton – Cela ne signifie pas qu’il y ait blocage, Monsieur le ministre. Oui, il faut réformer les structures. Les missions des caisses d’allocations familiales pourraient ainsi être modifiées, dans la recherche de l’allégement, de la simplification et de l’économie.

La RGPP sera d’autant plus audacieuse et efficace que l’on respectera les valeurs et les personnes. Nous n’avons pas envie d’une révolution – ce n’est pas ainsi que je comprends le terme « équité » –, mais de réformes ambitieuses. Nous sommes convaincus que le Gouvernement sera capable de les porter, dans le respect des principes et de la vision politique que nous partageons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Annick Girardin – Faire autant en dépensant moins, ou faire mieux en dépensant autant, ce sont les objectifs, louables, de la RGPP. Mais dans cet exercice délicat, il faut prendre garde à ce que la recherche du coût le plus bas ne se fasse pas au détriment de l’efficacité de faction. Il faut aussi y associer en toute transparence les populations et les élus.

Dans le compte-rendu des décisions prises lors du Conseil du 4 avril sur l’administration générale de l’outre-mer, une rédaction malheureuse a suscité l’émoi, émoi d’autant plus compréhensible lorsque l’on sait l’attachement de l’outre-mer à cette institution qui incarne sa reconnaissance par le Gouvernement. Je prends bien note de la rectification qui a été depuis apportée, en partie grâce à la réaction des élus.

S’ils ont été écoutés cette fois-ci, ce n’est pas toujours le cas. À Saint-Pierre-et-Miquelon, nous avons eu à faire face ces derniers mois à deux crises sociales – Interpêche et baliseur Paul-Veillon – qui ne seraient pas survenues si le ministère, faisant preuve d’un minimum de sens politique, m’avait entendue en amont.

Qu'en serait-il si l’outre-mer devait un jour n’être plus représenté que par un simple délégué ? La mise en place d'une « administration de mission » avec « des effectifs moins nombreux » ne risque-t-elle pas de se faire mécaniquement, au détriment du contact avec le terrain ? Cela entrerait en contradiction avec l’objectif affiché par le Gouvernement, mieux écouter les élus et les populations d’outre mer.

Dans ces mêmes décisions du 4 avril, on trouve l’« extinction » – expression parlante – de certains dispositifs dont bénéficient les fonctionnaires d'Outre-Mer. Il est question pour le moment de supprimer l'indexation des retraites des fonctionnaires d'État, si ceux-ci n'ont pas servi outre-mer. Mais jusqu'où cette réforme ira-t-elle ? Est-ce le début de la suppression progressive de l'ensemble des compensations dont bénéficient non seulement les retraités mais aussi l'ensemble des fonctionnaires exerçant outre-mer ?

L’inquiétude est justifiée, car nulle part dans ce document ne figure la raison d’être de ces dispositifs : le coût de la vie très élevé et l’éloignement de la métropole. Nous ne saurions accepter que le Gouvernement revienne sur ces mesures vitales, qui évitent à l’outre-mer de se paupériser davantage.

Avec les député d’outre-mer de mon groupe, nous proposons, dans un souci d’équité, que les économies réalisées par les réformes visant l’outre-mer soient réinvesties au bénéfice des petites retraites en outre-mer et du Fonds exceptionnel d’investissements, qui devrait être créé par la prochaine loi-programme. Cela permettrait de développer économiquement l’outre-mer, en renforçant le pouvoir d’achat et en procédant au rattrapage tant attendu des infrastructures.

Par ailleurs, en tant que députée – et nous sommes encore trop peu de femmes à siéger sur ces bancs – je tiens à faire part de mon inquiétude quant à la réorganisation drastique du service des droits des femmes et de l’égalité, annoncée dans le cadre de le RGPP. La disparition de cet instrument essentiel des politiques territoriales pour l’égalité entre les femmes et les hommes aboutira inévitablement à une dilution des politiques.

La RGPP, nécessaire et louable, ne doit pas se faire au détriment de la qualité du service rendu à la population. Les députés du Parti radical de gauche et leurs collègues craignent que leurs concitoyens – notamment les plus fragiles, ceux-là mêmes qui ont le plus besoin du soutien et de l'accompagnement de l'État – pâtissent de ces réformes.

M. Yves Censi – Je remercie Jean-François Copé d’avoir choisi de consacrer une niche parlementaire à ce débat sur la modernisation de l’État. Quel que soit le sigle retenu, nous devons veiller à la présenter aux Français avec clarté. Cette modernisation est d’autant plus difficile à mettre en œuvre, en effet, que ses bénéfices ne sont pas immédiats Mais il serait regrettable que la confusion que sème la gauche, les amalgames auxquels elle procède, masquent la réalité.

De quoi s’agit-il ? De réorganisation, d’optimisation, d’audits, de contrôles… Est-il vraiment nécessaire que la représentation nationale en débatte ? Oui, car cela concerne la vie de millions de fonctionnaires et peut avoir des conséquences sur celle de tous les Français.

Faut-il moderniser l’État ? À coup sûr. Mais faut-il réformer pour réformer, économiser pour économiser ? Cela n’aurait pas plus de sens que de dépenser pour le plaisir de dépenser.

Moderniser n’a de sens que pour répondre aux ambitions politiques de l’exécutif, approuvées par le Parlement. L’opposition peut bien répéter que l’efficacité se mesure à la dépense, que toute économie est donc suspecte, nous ne tomberons pas dans le piège en adoptant l’attitude inverse. Comme l’a bien dit le Président de la République pendant la campagne, « la France ne vit pas au-dessus de ses moyens, elle vit en dessous de ses capacités ».

Moderniser l’État n’est pas une fin en soi, c’est une méthode. Pour nous parlementaires, c’est la LOLF, – un autre sigle, hélas – grâce à laquelle ce sont les objectifs et les projets qui définissent les budgets et non l’inverse. Il doit s’ensuivre que l’appareil d’État décline ces volontés. C’est ce que veut faire le Gouvernement avec les mesures annoncées.

Nous devons l’y aider, et l’aider à faire comprendre aux Français que la bonne hiérarchie des décisions, c’est en premier lieu la volonté politique, puis la modernisation de l’État, et enfin l’optimisation des ressources.

Certes, nul ne veut réduire notre politique à une sorte de « chasse au gaspi », même si elle est indispensable. Dans l’esprit de la LOLF, nous voulons débattre avec les Français à partir de vrais éléments d’évaluation. La bonne gestion nécessite de s’accorder sur une bonne méthode, laquelle ne se confond pas avec la politique que nous mettons en œuvre. Cette méthode, nous devons en permanence l’adapter aux enjeux. C’est bien dans cette optique de révision continuelle que s’inscrit le premier train de mesures présenté, dont on ne voit donc pas pourquoi il suscite des cris d’orfraie à gauche.

Que nous propose celle-ci d’ailleurs, sinon son dogme de l’augmentation permanente des dépenses et des effectifs de l’État ? Il est vrai qu’en commission des finances nous sommes parvenus à un certain consensus, et je me réfère aux propos de Didier Migaud. Mais nous voyons bien ce qu’il en est à propos de l’éducation nationale. L’efficacité de ce dogme est bien entendu impossible à démontrer, sauf à manipuler les chiffres, ce qui est parfois le cas. Le danger, ce serait que la gauche convainque les Français que seul vaut ce déterminisme fallacieux. Notre politique serait alors prisonnière d’une vision comptable, et notre pays s’installerait dans l’immobilisme. Notre horizon s’obscurcirait.

Pour que les citoyens perçoivent mieux la performance de l’État, il convient d’informer les élus avant de décider en fournissant des études d’impact et les comparaisons adéquates avec des réussites dans d’autres pays ; de mettre en œuvre rapidement les décisions et d’en assurer le suivi dans les délais prévus ; d’optimiser les ressources.

Je prendrai pour exemple le sujet sensible de la politique de l’éducation. La loi de finances pour 2008 mobilise mieux les ressources existantes, ce qui permet de maintenir le taux d’encadrement des élèves, et a pour conséquence une augmentation de revenus pour les professeurs qui font des heures supplémentaires. Le redéploiement des effectifs tient compte de la démographie. Dans le second degré, il y a 145 000 élèves de moins qu’il y a trois ans, et il devrait y en avoir encore 40 000 de moins à la rentrée prochaine. Inversement, l’augmentation des effectifs dans le premier degré conduit à y créer 800 postes.

Nous sommes face à un paradoxe. Depuis vingt ans, le budget de l’éducation nationale a doublé. Le premier degré, avec 200 000 élèves en moins, compte 12 000 enseignants en plus. La dépense moyenne par lycéen est supérieure de 22 % à celle des pays développés. Pour prendre un exemple plus précis, Lionel Jospin avait fixé pour objectif de passer de 62 % à 80 % de bacheliers dans une génération sur cinq ans. Bien entendu, la gauche a augmenté aussitôt les dépenses de 20 %. Au terme fixé, le taux de réussite était passé à 64 %. Dira-t-on encore que la dépense est source d’efficacité ? Par ailleurs, chaque jeune Français de 15 ans bénéficie, chaque année, de 150 à 200 heures d’enseignement de plus que les jeunes des pays voisins. Pourtant, hélas, 83 % d’entre eux connaissent l’échec à 19 ans, puisque 36 % n’obtiennent pas le bac et que 47 % des bacheliers échouent en première année de l’enseignement supérieur. On le voit, la dépense ne protège pas de l’échec. Je dirais même que s’en tenir uniquement à la dépense conduit à l’échec.

Certes, moderniser l’État ne résoudra pas tout et ne remplace pas l’essentiel, qui est d’avoir une vision politique. Mais refuser d’innover, de s’adapter, c’est fermer la porte à tout espoir de réussite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Viollet – La RGPP a pour ambition d'identifier les réformes qui permettront de réduire les dépenses de l’État tout en rendant son action plus efficace.

La défense ne saurait s’y soustraire. Elle a d’ailleurs prouvé, au cours des dix dernières années, sa capacité à conduire les réformes les plus ambitieuses, après la décision d'engager la professionnalisation de nos armées.

Mais encore aurait-il fallu commencer par définir les missions. C’est l’objet du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en cours d'élaboration, que de remettre en perspective l'ensemble de notre politique de défense et de sécurité et d'opérer les choix de doctrine qui en découlent, pour chacune des fonctions stratégiques.

C'est dans ce cadre seulement que, le moment venu, et en tenant compte de nos disponibilités financières comme du rôle que nous voulons pour la France en Europe et dans le monde, nous devions nous poser la question du format, de l'organisation et des moyens de nos armées.

La RGPP, comme la revue de programmes, auraient alors toute leur utilité, pour éclairer les travaux de la commission du Livre blanc sans anticiper sur les choix à opérer, et en y associant largement le Parlement.

Or, force est de constater que telle n'est pas l'orientation prise. En effet, alors même que les conclusions de la commission du Livre blanc ne sont pas officiellement connues de la représentation nationale, le Président de la République annonce jour après jour, des arbitrages, qu'il s'agisse de la mise en place du Conseil de sécurité intérieure, de l'ouverture d'une base interarmées à Abou Dhabi, de la réduction de cible de la deuxième composante, Air, de la force de dissuasion, de la remise à plat de nos accords de défense, notamment en Afrique, du renforcement de notre présence en Afghanistan, ou de notre retour, sous conditions, dans le commandement intégré de l'OTAN. On a même évoqué le renouvellement de la flotte aérienne utilisée pour les déplacements du Président de la République et du Gouvernement, pour un coût estimé à 450 millions (Protestations sur les bancs du groupe UMP), en dehors de tout débat budgétaire, alors même que nos forces manquent de moyens de transport aérien et que le ministre de la défense annonce une réduction du format de nos armées, préfigurant une révision à la baisse du contrat opérationnel, des implantations territoriales, la réorganisation du soutien, autour des « bases de défense », l'externalisation d'un certain nombre de fonctions, et même le renforcement du rôle du chef d'état-major des armées sur les programmes d'armement, par rapport à la Délégation générale pour l'armement.

Voilà qui pose d’ailleurs la question de la méthode, puisque cette décision met en fait un terme prématuré au travail de la commission du Livre blanc. Comment l’État pourra-t-il désormais œuvrer au développement d'une politique industrielle et d'une base industrielle et technologique de défense nationale et européenne ?

L'ampleur de la réforme à engager, l'importance stratégique du secteur, l'urgence de donner un signal positif à l'ensemble de la communauté de défense – à nos industriels, qui sont dans l'incertitude, comme à l’ensemble de nos partenaires européens –, la nécessité de refonder le lien entre le corps social et les questions de sécurité nationale, devraient vous amener à privilégier le Parlement. Au lieu de cela, vous semblez le considérer comme une simple chambre d'enregistrement, en contradiction d’ailleurs avec les ambitions affichées dans votre projet de révision constitutionnelle. Ce serait grand dommage, car la réforme ne devra pas être subie : ni par la communauté de défense, ni par les industriels, ni par les collectivités territoriales. Elle ne devra pas davantage être consentie : elle devra être partagée, y compris par chacun de nos concitoyens. Cela passe par sa légitimation au sein même de la représentation nationale. Il n'est pas trop tard, mais il y a urgence (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Michel Bouvard – Je me réjouis que le groupe UMP ait consacré son temps d’initiative parlementaire à ce débat, rappelant ainsi que la réforme est au cœur de notre action et donnant l’occasion d’un débat contradictoire. Chacun convient, depuis l’adoption unanime de la LOLF en 2001, qu’il importe de définir d’abord les objectifs des politiques, puis de définir des stratégies de mise en œuvre et enfin d’évaluer les résultats. Or, malgré quelques stratégies ministérielles de réforme, malgré quelques audits, peu de choses avaient encore changé. Certes, on avait bien externalisé ici ou là quelques actions, comme le contrôle des poids lourds par les DRIRE, on avait bien lancé quelques expérimentations de regroupements de services ou essayé de supprimer un ou deux postes… Mais jamais on n’avait modifié en profondeur les structures de l’État et de ses satellites ; jamais on n’avait osé réaffirmer, par exemple, que l’objectif premier de l’armée est la défense des intérêts du pays, bien avant l’aménagement du territoire ; jamais le Président de la République et le Premier ministre n’avaient à ce point assumé les décisions, ni donné au ministre des comptes publics – enfin regroupés – les moyens de son action. La présence du Premier ministre ce matin illustre cet engagement.

Je suis un militant de la réforme pour l’efficacité de l’action publique – ce qui me donne le droit, me semble-t-il, d’être exigeant, et d’abord sur la méthode. La RGPP a été précédée de nombreuses évaluations, expertises publiques et privées, rapports émanant du Parlement, de la Cour des comptes ou des corps d’inspection, dont nous avons déploré qu’ils restent sans suite. Nous ne pouvons donc nous plaindre que les choses bougent enfin. Mais s’il appartient à l’exécutif de faire des choix, le Parlement doit être mieux associé à leur mise en œuvre, par exemple par le biais des rapporteurs spéciaux de la commission des finances ou des rapporteurs pour avis budgétaires. Il est important aussi qu’il ait une vision précise des résultats obtenus. La RGPP ayant vocation à être déclinée dans chaque ministère, un bilan devrait être établi à l’occasion de la loi de règlement pour chacune des missions.

Sur le contenu, il y a déjà eu des efforts en matière de réorganisation de la structure de l’État. Les regroupements d’administrations centrales doivent être salués, à commencer par celui entre les services fiscaux et le Trésor. Mais cette réorganisation au niveau central est aussi imposée par la nécessaire harmonisation des compétences ministérielles. Lors de la construction de la maquette budgétaire de la LOLF, nous avions regroupé dans des missions interministérielles toutes les actions et les programmes contribuant à une même politique, mais il était clair que cette solution n’était que temporaire, dans l’attente d’une cohérence entre ministère et mission. Or, des réaffectations butent encore sur des enjeux de pouvoir ou des habitudes prises par les grands corps. Nous soutenons votre effort de rationalisation, mais je rappelle que la cartographie de la maquette a des conséquences sur la capacité d’amendement des députés. Elle doit donc être élaborée avec eux. La stabilisation, enfin, du nombre et du périmètre des ministères serait d’ailleurs souhaitable. Quant à la réorganisation des compétences, elle doit être le résultat des lois de décentralisation et des lois relatives aux collectivités locales, à commencer par la loi Chevènement. L’État doit redimensionner ses services dès lors que des compétences sont transférées aux collectivités. Il ne doit même pas conserver un échelon territorial pour les compétences transférées : depuis vingt-cinq ans, les effectifs de l’État augmentent et ceux de la fonction publique territoriale s’envolent, sans améliorer le moins du monde la qualité de service rendu au citoyen ! Cette spécialisation des compétences doit aussi intervenir entre collectivités, de même qu’il faudra envisager une spécialisation des ressources pour permettre une parfaite lisibilité de l’action publique pour le contribuable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Sandrine Mazetier – Personne ne peut s’opposer à un exercice qui doit rendre l’intervention publique plus efficace. Nous ne demandons pour notre part pas plus de dépenses, mais une dépense plus juste et plus efficace. Or le dernier conseil de modernisation des politiques publiques n’a contenté personne, pas même dans votre propre majorité.

Je veux donc commencer par vous conseiller une saine lecture : celle du rapport pour avis de Frédéric Reiss sur la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2008, qui fait clairement apparaître que les 270 millions consacrés aux centres d’information et d’orientation et aux conseillers d’orientation psychologues ne sont ni efficaces, ni utiles. En revanche, une certaine revue que tous les députés ont reçue contient pour 6 000 euros hors taxes d’insertions publicitaires du ministère de l’éducation nationale. Au sommaire, des extraits du discours de Tony Blair devant le conseil national de l’UMP et du discours de Rama Yade aux ambassadeurs, et un article sur les enquêtes d’opinion signé par le président de l’institut Opinion Way, tous documents aisés à se procurer par ailleurs. Je ne pense donc pas que l’argent du contribuable ait été dépensé se façon très utile en l’occurrence.

En la matière, je fais preuve de l’audace qui vous manque puisque vous ne dites pas un mot de l’éducation nationale. Or la mission « e-educ » qui a été mise en place sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’éducation nationale comprend un représentant de Microsoft. Il est donc clair que le ministère ne s’apprête pas à favoriser les logiciels libres, alors qu’il y aurait là des gisements d’économies non négligeables. On parle aussi d’un fonds spécial d’investissement pour la création d’une cinquantaine de classes dans des écoles privées en banlieues. Avant de le créer, demandez-vous si cette dépense est vraiment très efficace et très juste.

M. Jean-Pierre Brard – Le Je vous salue Marie à la place des tables de multiplication… (Sourires.)

Mme Sandrine Mazetier – Enfin, vous proposez de doter d’un pécule les fonctionnaires qui souhaitent quitter l’administration. C’est une dépense complètement inutile qui va chasser les plus performants vers le privé, alors que nous avons besoin des meilleurs éléments pour bâtir un État moderne, efficace et juste.

Ces exemples sont pour montrer que le laxisme n’est pas forcément là où l’on croit. Je vous encourage à faire preuve d’audace et de réflexion et à vous interroger sur vos propres dogmes, comme le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. L’investissement d’avenir, c’est dans l’éducation, la recherche et l’innovation. Conservez donc les postes de l’éducation nationale ! Nous sommes pour la réforme, mais sans totem ni tabou ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Pierre Brard – Très bien !

M. Michel Grall – Je voudrais évoquer un secteur ministériel en mutation profonde, soumis à de fortes contraintes mais garant de notre survie collective : la défense. Avant tout, je tiens à dire l'attachement de la représentation nationale à nos armées et aux conditions de vie et d'emploi de ses personnels civils et militaires, et à saluer leur dévouement, en métropole ou outre-mer, en opération extérieure ou en opération spéciale, comme récemment au large de la Somalie pour libérer les otages du Ponant.

La défense a connu des évolutions majeures au cours des vingt dernières années : la chute du mur de Berlin en 1989, l'effondrement du pacte de Varsovie, la professionnalisation des armées de 1997, les attentats de 2001 et la montée des risques terroristes… Aujourd'hui, de nouvelles menaces sont aux frontières européennes. Un Livre blanc en cours de préparation doit les mesurer et proposer au Président de la République des orientations à l'horizon 2020. Nous leur consacrerons un débat avant l'été, avant d’examiner, dès l'automne, la onzième loi de programmation militaire, qui déterminera nos grandes orientations en matière de budget et d'équipement.

Gardons-nous d’une conception figée de la défense, car celle-ci ne cesse d’évoluer et de se moderniser. La RGPP devrait l’y aider. Dans ce secteur, premier recruteur et deuxième employeur de l’État, ses effets seront d’autant plus puissants que les mutations envisagées sont profondes : un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, ce qui représente 6 000 postes par an, soit 1,4 % de l'effectif. Les fonctions de soutien seront mutualisées et regroupées dans 90 bases territoriales. L'habillement, l'informatique non opérationnelle, la maintenance immobilière seront externalisés et les implantations densifiées. De nouvelles ressources financières seront ainsi dégagées, essentielles aux programmes d'équipement de nos forces comme à l'amélioration des carrières des personnels civils et militaires.

Cette réforme réussira si elle assure un accompagnement social et professionnel à chaque personne concernée et une aide économique à chaque territoire victime des éventuels transferts de base. En la matière, nous comptons sur l’action du secrétaire d'état à l'aménagement du territoire, qui devra tenir compte de la situation économique de chaque département. Le succès dépendra également d’un renforcement du lien entre les armées et la nation.

La défense s’apprête à évoluer, à l’instar de la France, animée par un élan réformateur sans précédent ; nous voulons accompagner ce changement. La RGPP permettra d’encadrer l’application du contrat opérationnel de nos armées que définira le Livre blanc ; nous soutenons cet effort. C'est à ce prix que la France demeurera une nation cadre au côté de ses alliés, conformément à ses engagements internationaux (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Alain Rodet – On pourrait employer à propos de la RGPP l’expression du docteur Diafoirus, que citait tout à l’heure M. Derosier : « saignare, ensuita purgare » - saigner d’abord, purger ensuite…

M. Jean-Pierre Brard – Et enfin, enterrer !

M. Alain Rodet – De fait, la RGPP risque de faire de nombreuses victimes collatérales, au premier rang desquelles les collectivités territoriales. Les associations d’élus locaux se sont déjà élevées contre les affirmations mensongères de plusieurs membres du Gouvernement et d’autres personnalités qui profitaient de ce débat pour incriminer les dépenses locales. Rappelons quelques chiffres : les collectivités locales réalisent 75 % des investissements civils, dont plus de la moitié sont autofinancés. En outre, les emprunts qu’elles contractent servent à financer des équipements dont nos concitoyens tirent directement profit – infrastructures de transport, mise aux normes de structures d’assainissement, gestion des déchets, équipements prévus par les lois sur l’air et sur l’eau. Ce déficit, lié à des dépenses patrimoniales à long terme, est donc réversible, à la différence du déficit de fonctionnement dont souffre l’État.

En réalité, le jeu est faussé : vous lancez le Grenelle de l’environnement à grand renfort de colloques, de séminaires et d’annonces ronflantes, mais laissez aux élus locaux le soin d’en faire accepter les conséquences concrètes aux usagers contribuables !

N’oublions pas que les dotations accordées par l’État aux collectivités, loin de se réduire à une aumône, compensent notamment la généralisation de la TVA – « le plus bel impôt français » selon Jean Foyer, ancien ministre du général de Gaulle –, qui a remplacé il y a quarante ans plusieurs taxes non négligeables jusqu’alors perçues par les communes, dont la taxe sur les salaires. Au-delà des collectivités et des contribuables locaux, la remise en cause du pacte de stabilité devrait donc nuire au pays tout entier.

Rappelons du reste aux amateurs de comparaisons internationales qu’aux Etats-Unis ou au Canada, le principe constitutionnel d’autonomie locale interdit à l’État de taxer les collectivités et que l’État français est l’un des moins généreux d’Europe envers ses collectivités : hors emprunt, les transferts financiers de l’État représentent 25% des finances locales, contre 55% en Allemagne, 46% en Belgique, 59% en Espagne, 60% en Grèce, 47% en Irlande et 62% aux Pays-Bas !

Dans ces conditions, comment pouvez-vous critiquer la gestion du budget des collectivités au même titre que celle du budget de l’État ou des organismes de sécurité sociale ? La comparaison entre les observations des chambres régionales des comptes et celles de la Cour des comptes montre que la gestion des finances locales est bien plus rigoureuse que celle des finances de l’Etat. Par cet amalgame, le Gouvernement cherche en réalité à passer ses responsabilités sous silence : si les collectivités locales souffrent, c’est parce que certaines de leurs charges n’ont pas été compensées et parce que certains transferts de compétences n’ont entraîné aucun transfert de ressources.

Défendons les collectivités contre ces attaques : si, comme le disait un grand homme, le courage est une patrie, alors les élus locaux sont de bons citoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Georges Tron - Je me réjouis que nous nous accordions tous sur la nécessité d’une révision générale des politiques publiques, même si ses modalités sont sujettes à débat. De fait, la RGPP est rendue nécessaire par notre situation économique. De ce point de vue, Monsieur Muet, on ne saurait attendre de la seule conjoncture un rétablissement de nos finances publiques, car celui-ci ne dépend pas uniquement d’une bonne gestion des fruits de la croissance. Ainsi, le déficit public de l’État, passé de 160 à 80 milliards d’euros entre 1986 et 1988, a atteint 320 milliards en 1993 – au terme d’une période très difficile dont les gouvernements de gauche ont pâti ; entre 1993 et 1997, nous l’avons ramené à 270 milliards, montant resté inchangé cinq ans plus tard, en dépit d’une forte croissance.

Il ne s’agit pas d’incriminer la gestion des finances publiques par la gauche, mais simplement de mettre en évidence, comme l’a fait en son temps M. Strauss-Kahn ici même, la nécessité d’une réforme poussée de nos politiques publiques. À cet égard, je tiens à rendre hommage à M. le ministre, qui a joué un rôle précurseur en créant les stratégies ministérielles de réforme, bientôt suivies des audits instaurés par M. Copé.

Mais il est un aspect que peu d’orateurs ont évoqué : le coût de ces réformes légitimes, qui empêche d’en escompter une réduction immédiate de la dépense publique. La gestion des ressources humaines en fournit un premier exemple. La suppression de 23 000 postes de fonctionnaires est bienvenue, car nous devons adapter les effectifs aux besoins et à l’évolution de la société, laquelle modifie notre conception des services publics : on ne saurait critiquer par principe toute réduction du nombre de fonctionnaires, sauf à défendre une conception figée de l’État. De fait, tous les ministères ne sont pas concernés au même titre par la réduction, comme l’a montré l’examen du projet de loi de finances pour 2008. Mais nous nous sommes engagés à restituer la moitié des économies ainsi réalisées, si bien que, sur le milliard d’euros ainsi dégagé, nous ne disposerons que de 500 millions. On ne saurait donc nous accuser de ne chercher qu’à réaliser des économies !

Il en va de même de la fusion des corps, qui favorisera la mobilité mais supposera, à en juger par les discussions en cours avec les organisations syndicales, d’harmoniser les régimes indemnitaires par le haut. Quant au projet de loi relatif à la mobilité des fonctionnaires, il prévoit que le personnel transféré verra son grade et son échelon d’origine maintenus, conservera le bénéfice d’une promotion obtenue dans le cadre d’un détachement et aura droit, en cas de restructuration, à une indemnité de 15 000 euros, sans compter l’allocation d’aide à la mobilité du conjoint, qui s’élève à 6 000 euros, et la prime de 10 000 euros versée aux agents qui accepteront d’occuper des postes que d’autres auront refusés.

Nous avons par ailleurs promis l’augmentation des heures supplémentaires dans la fonction publique : il faudra le financer, nonobstant la discussion en cours sur le rattrapage de la réduction du temps de travail.

Enfin, il y a trois ans, la commission des finances a lancé un vaste chantier sur l’immobilier de l’État. Nous avons constaté un retour en arrière de la part de nombreux ministères. Votre volonté de poursuivre la réforme est incontestable, Monsieur le ministre, mais les sommes en jeu sont énormes : la moitié des mesures des deux premières vagues de RGPP concernent, pour environ 80 milliards, la restructuration des ministères et ont donc des conséquences dans le domaine immobilier.

Les différentes auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que, dans un premier temps, ces restructurations auraient des coûts induits, que le ministère des affaires sociales a d’ailleurs quantifiés pour ce qui le concerne. Il est donc nécessaire de prendre des mesures d’accompagnement afin d’éviter que ces coûts n’annulent les économies permises par la RGPP. On pourrait, par exemple, stabiliser une fois pour toutes le périmètre des ministères ainsi que la structure administrative en leur sein. Un meilleur pilotage des dépenses d’entretien est également nécessaire : un rapport de la commission des finances d’il y a trois ans montre que des économies de plus d’un milliard par an sont possibles.

Les ministères ont actuellement tendance à vouloir reprendre en main la réforme lancée par le Conseil de l’immobilier de l’État ; cela se traduit par la contestation des avis que nous rendons, par la création de structures foncières dans le but de court-circuiter l’administration des Domaines, par la négligence du pilotage élaboré en 2005…

Quoi qu’il en soit, en matière de gestion des ressources humaines et d’immobilier, des mesures d’accompagnement doivent être prises pour compenser les surcoûts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles Carrez, rapporteur général – Très bien !

DÉCÈS D’AIMÉ CÉSAIRE

M. le Président – Mes chers collègues, je viens d’apprendre une bien triste nouvelle : la mort de notre ancien collègue Aimé Césaire. Je suis sûr de me faire l’interprète de l’Assemblée et du Gouvernement tout entiers en exprimant notre profonde émotion devant la disparition de l’homme politique et du grand poète.

Monsieur le Président de l'Assemblée nationale m’a fait savoir que notre Assemblée observerait une minute de silence au début d’une prochaine séance et qu’un hommage serait rendu à Aimé Césaire, au cours duquel nous aurons donc l’occasion d’exprimer solennellement notre émotion.

DÉBAT SUR LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES (suite)

M. Lionel Tardy – Quand on trouve sa facture d’eau trop élevée, soit on réduit sa consommation, soit on va inspecter les tuyaux pour colmater les brèches et limiter la déperdition. Cette deuxième voie est souvent désagréable, car les travaux peuvent être plus importants que prévus. Mais une fois les réparations accomplies, le gain est important, et surtout pérenne, car on s'est attaqué à la source du problème. C'est l'esprit de la RGPP : oser ouvrir les placards, détricoter le millefeuille des réformes successives, bref, faire un grand ménage, en souffrance depuis trop longtemps.

Il ne s’agit pas de la première tentative de réforme de l'État. Les stratégies ministérielles de réforme ou des audits de modernisation n'ont peut-être pas eu des résultats spectaculaires, mais ont tout de même préparé le terrain à la RGPP, qui est d'une autre ampleur. C'est un travail de fond, qui devrait transcender les clivages politiques, et dont le modèle est le travail mené conjointement par MM. Migaud et Lambert sur la LOLF. C'est pourquoi je suis déçu par l'attitude des socialistes, qui s'acharnent à vouloir faire passer la RGPP pour un plan de rigueur ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Bernard Derosier – Ayez donc le courage d’appeler les choses par leur nom !

M. Lionel Tardy – C'est de la malhonnêteté intellectuelle, et surtout une preuve d'irresponsabilité, s’agissant d’une démarche essentielle pour l'avenir de notre pays. Il y a des sujets sur lesquels l’opposition a le devoir moral de collaborer avec le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard – Demandez à Nathalie ? (Sourires.)

M. Lionel Tardy – La réforme de l'État en fait partie. J'espère que reprendrez vos esprits et nous rejoindrez dans ce travail ; vu l'ampleur de la tâche, vous ne serez pas de trop !

Sur le contenu des mesures et leur esprit, je ne peux qu’exprimer ma satisfaction. L'État adopte enfin une vision plus entrepreneuriale, une stratégie de gestion rationnelle. Les progrès réalisés concernant l'immobilier de l'État sont encourageants, même s'il reste encore énormément à faire.

M. Michel Bouvard – Oh oui !

M. Lionel Tardy – En cela, la LOLF est un outil formidable, sans lequel rien ne serait possible.

En revanche, en matière de simplification, une économie de 7 milliards sur 272, c'est insuffisant ! Il faut tailler dans les procédures inutiles, éliminer au maximum la paperasse, les tracasseries, repenser les procédures, non en fonction du confort des administrations, mais dans l'intérêt de l'usager.

L'État doit également se recentrer sur l'exercice de ses prérogatives régaliennes, en concentrant ses moyens sur celles-ci. Pour cela, il ne faut pas hésiter à abandonner des activités périphériques, pour lesquelles l'État n'apporte aucune valeur ajoutée. L'État n’a pas vocation à s'occuper de tout !

Monsieur le Ministre, vous avez mon plein et entier soutien. Je souhaite vivement que les parlementaires soient associés au travail de vos services, tant pour préparer que pour appliquer les mesures annoncées.

M. Bernard Derosier – Vous y croyez ?

M. Lionel Tardy – Nous pouvons vous apporter notre connaissance du terrain et des préoccupations des Français, qui font parfois défaut dans vos services. Impliquez davantage les parlementaires ; cela permettra d’éviter, dans bien des cas, des erreurs de communication et des cafouillages regrettables.

Député issu de la société civile, j'ai la conviction que c'est en nous lançant à bras-le-corps dans l'examen approfondi du moteur de l'État que nous ferons avancer les choses et que nous serons utiles à nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le débat est clos.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Je commencerai par trois lettres : « TTU » c’est-à-dire, « très, très urgent », Il est très, très urgent, en effet, de passer à la phase active de la réforme et de la modernisation de l’État !

Le débat a été de qualité et chacun a pu exprimer ses convictions. Je salue donc cette initiative du groupe UMP. Beaucoup a été dit et fait par le passé, mais jamais avec cette ampleur. Il ne s’agit pas d’un exercice de réflexion, de l’écriture d’un énième libre sur le sujet, mais de décisions politiques. Tous l’attendent. La RGPP est un exercice de crédibilité, de justice, de concertation et de responsabilité.

C’est, tout d’abord, un exercice de responsabilité. MM. Copé et Migaud l’ont dit, nous n’avons rien inventé. En l’occurrence, ce n’est pas d’inventer qui, aujourd’hui, importe, mais d’agir, de passer à la phase active. Et c’est plus difficile que de discourir. Le terrain avait été défriché par les stratégies ministérielles de réforme et les audits de modernisation, qui visaient toutes deux à examiner les différents domaines de l’organisation de l’État et à apporter des solutions concrètes, susceptibles d’évaluation. Avec la RGPP, nous avons pris en considération l’expérience du passé, qui nous informait qu’un portage politique fort était nécessaire, et qu’il ne fallait pas non plus se cantonner à l’organisation de l’État, mais y inclure le contenu des politiques publiques, dont l’empilement coûte cher. Nous sommes dans un État stratifié ; déstratifier l’État, tel est l’objet de la RGPP. Quant à la LOF, elle a rendu possible une vision plus sérieuse, mieux documentée et chiffrée du coût du service public, fonctionnant comme une sorte de comptabilité analytique.

En ce qui concerne la réduction des effectifs, la RGPP ne part pas de présupposés, car elle n’est pas un exercice comptable, mais politique.

Ce n’est pas qu’un exercice d’organisation : il s’agit de savoir de quels services publics a besoin la France d’aujourd’hui avant de leur affecter les moyens nécessaires. Il n’empêche que nous devons aussi tenir compte de la situation financière de l’État : le moins que l’on puisse dire est qu’elle est tendue.

M. Jean-Pierre Brard – Le paquet fiscal, c’est vous !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Il nous faut donc parvenir à l’équilibre de nos finances publiques en 2012. Le chemin est ardu…

M. Jean-Pierre Brard – C’est un chemin de croix !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Mais il est des chemins de croix qui conduisent…

M. Georges Tron – A la résurrection ! (Sourires)

M. Éric Woerth, ministre du budget – J’allais le dire !

Le chemin, disais-je, est ardu, car il ne passe pas par l’augmentation des prélèvements obligatoires mais par la réforme – qui est beaucoup plus difficile.

La réduction des effectifs n’est donc pas un préalable à la RGPP. La RGPP est une réforme de l’État qui englobe la réduction du nombre des fonctionnaires – et nous l’assumons. Il faut sortir de la logique des moyens, pour l’éducation nationale comme pour l’ensemble des politiques publiques. Je préfère évaluer les politiques publiques en fonction de leurs résultats plutôt qu’en fonction de leurs moyens. Pour évaluer les résultats de l’éducation nationale, il faut comparer la qualité de notre enseignement et le niveau de nos élèves avec ceux des autres pays. Nous voulons tous que nos enfants et nos jeunes aient la meilleure formation possible.

M. Jean-Pierre Brard – C’est bien connu, tout le monde entre à HEC !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Et nous nous apercevons malheureusement, au vu des comparaisons internationales, que ce n’est pas le cas. Acceptons au moins d’être lucides.

Cette réforme de l’État repose aussi sur un vrai désir de justice. Les mesures de la RGPP comme les autres réformes du Gouvernement seront acceptables et acceptées si elles sont justes. Il y a pour moi trois niveaux de justice. La justice entre les territoires d’abord, dont nous tenons compte dans la RGPP puisque nous réfléchissons aux réseaux des grandes administrations dans une optique d’aménagement du territoire. La justice entre les générations ensuite. Le Premier ministre a rappelé qu’aucun budget n’avait été voté en équilibre depuis 1974. Or creuser les déficits publics, c’est mettre à la charge des générations futures les charges d’aujourd’hui – qui sont la plupart du temps des charges de fonctionnement. La justice entre les catégories sociales, enfin.

M. Jean-Pierre Brard – Entre les riches et les pauvres !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Les mesures décidées lors du prochain conseil de modernisation devront, plus encore que par le passé, prendre en compte ce critère de justice.

J’en viens à la loi TEPA – sujet nouveau sur ces bancs. (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Le péché originel !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Elle sera bien sûr passée au filtre de la RGPP, comme toutes les politiques publiques – car il faut l’évaluer. Mais il convient de se donner un peu de temps avant de le faire : laissons les heures supplémentaires et les autres mesures de la loi porter leurs fruits, créer de la richesse et de la croissance dans notre société et dans notre économie. Alors seulement nous pourrons avoir ce débat.

M. Jean-Pierre Brard – La Cour des comptes vous a déjà évalués !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Il ne faut jamais avoir peur de l’évaluation.

Lionel Tardy, Georges Tron, Michel Bouvard et bien d’autres ont insisté sur la concertation avec le Parlement qui doit présider à la RGPP. L’écueil est à mon sens que les processus de concertation débouchent souvent sur une absence de décision. Or nous ne pouvons pas nous permettre de bloquer des réformes qui sont nécessaires. Je suis donc à la disposition des commissions compétentes pour évoquer la mise en œuvre des décisions d’orientation politique prises dans le cadre de la RGPP. Il reste que le pouvoir exécutif a ses propres responsabilités à assumer : la coproduction ne doit pas être l’irresponsabilité partagée !

Je ne suis pas opposé à ce que les groupes d’audit et les experts…

M. Bernard Derosier – Cela coûte cher !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Vous êtes président d’un conseil général : j’espère qu’il vous arrive aussi d’utiliser des compétences extérieures !

Je ne suis pas opposé, disais-je, à ce que ces équipes qui ont travaillé d’arrache-pied, souvent à partir de documents parlementaires, de documents de la Cour des comptes et de rapports d’inspection, viennent vous expliquer comment elles ont abouti à tel ou tel diagnostic. C’est important si nous voulons que la vision des politiques publiques soit partagée à la fois par la droite et par la gauche.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Nous pourrions aussi associer les rapporteurs spéciaux du budget aux travaux ex ante de la RGPP. La seule condition que j’y mettrai est celle de l’efficacité.

Enfin, nous devons juger l’exercice de la RGPP à travers le critère de la maîtrise des finances publiques : il s’agit de consacrer les justes moyens aux justes politiques. Vous connaissez tous la situation de nos finances publiques. Je ne rentrerai pas dans une querelle de chiffres, Monsieur Muet, mais il vous est arrivé d’être meilleur qu’aujourd’hui…

M. Pierre-Alain Muet – Mes chiffres n’ont pas changé !

M. Éric Woerth, ministre du budget – …Le déficit public s’élevait à 40,7 milliards d’euros en 1997 et à 49,3 milliards après le collectif de 2002 : ce sont les chiffres officiels !

La RGPP doit donc nous permettre d’améliorer la qualité des services publics, mais aussi de répondre à cet impératif national qu’est l’équilibre de nos finances publiques. C’est donc un rendez-vous de rupture avec l’accumulation continue de nos dettes et de nos déficits. C’est un rendez-vous de justice, car les plus faibles de nos compatriotes ont tout à perdre à l’affaiblissement de l’État et de la sphère publique. C’est enfin un rendez-vous moral : si nous ne réformons pas notre État, nos enfants n’auront plus qu’à payer nos dettes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Prochaine séance mardi 29 avril à 9 heures 30.

La séance est levée à 13 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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